1/ Les défis du développement durable : démographie, inégalités, santé, alimentation et eau

Introduction

La notion de développement durable est aujourd'hui couramment utilisée : elle est fréquemment le support de discours tant politiques qu'environnementaux. 
Elle est néanmoins une notion plutôt floue trouvant son origine dans l'expression anglo-saxonne de « sustainable development », une expression n'ayant pas d'équivalent en français. 
La notion de développement durable est à la croisée de deux courants de réflexion : le courant sur le développement et celui sur l'écologie. La notion de développement est devenue une notion majeure dans les années 1950 en lien avec les états cherchant à sortir du sous-développement les caractérisant. On peut souligner que l'expression de « sous-développement » est utilisée en 1949 par le président américain Harry Truman : elle sous tend l'idée qu'il existe des états en avance sur la voie du développement et des états en retard (cette perception repose fondamentalement sur une conception évolutionniste des sociétés). L'économiste Rostow affirme au début des années 1960 que le développement économique ne peut intervenir qu'à un certain stade de l'histoire des sociétés. Ensuite, les sociétés, toujours selon Rostow entretienne une croissance qui devient une croissance durable (« self-sustaining growth). 
Néanmoins, il faut rappeler que développement et croissance ne sont pas synonymes : la notion de croissance est plus large que celle de croissance qui est une forte expansion de la production (avec comme critères le PIB ou le revenu national). La croissance est un changement quantitatif alors que le développement est qualitatif. Selon François Perroux, le développement « est la combinaison des changements mentaux et sociaux d'une population qui la rendent apte à faire croître, cumulativement et durablement, son produit réel global ». 
Le développement intègre des éléments sociaux et culturels comme la santé, l'éducation... A partir de là, on peut faire remarquer que la croissance ne génère pas nécessairement le développement. A la fin des années 1960-début années 1970 se développe une véritable prise de conscience écologique avec en particulier d'importants débats sur les liens entre croissance et environnement. 
Le rapport Meadows, dont nous reparlerons, en 1972 met en évidence les limites de la croissance dont les limites environnementales. On peut rappeler qu'en 1951 déjà un premier rapport sur l'environnement dans le monde avait été publié par l'Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN). La prise de conscience écologique associée à l'idée d'un développement plus équilibré va progressivement aboutir à cette notion de développement durable.
Conférence de Rio 1992

1/ Histoire et étapes du concept de développement durable


A/ Histoire et premières étapes 

  • Au 18e siècle, un philosophe comme Jean-Jacques Rousseau avait conduit une réflexion sur la nature liant action des hommes et dégradation de la nature ; en 1798, l'économiste écossais Malthus met, quant à lui, en avant l'idée que la croissance démographique si elle est supérieure à la croissance des ressources pose problème : il faut donc limiter la croissance démographique. L'idée de préserver l'environnement tout en maintenant le développement économique trouve ses origines au 19e siècle. 
  • Un géographe comme Georges Perkins évoque dès 1864 une relation de cause à effet entre désertification et déforestation dans le bassin méditerranéen. En 1872 est ainsi créé le premier parc naturel au monde à savoir celui de Yellowstone aux Etats-Unis et en 1892 c'est la naissance de ce qui est considéré comme le 1er mouvement écologiste : le Sierra Club. Un président comme Theodor Roosevelt, dès 1909, déclarait devant le Sénat américain : « avec la croissance constante de la population et l'augmentation encore plus rapide de la consommation, notre peuple aura besoin de plus grandes quantités de ressources naturelles (...) Si nous, de cette génération, détruisons les ressources qui seront nécessaires à nos enfants, si nous réduisons la capacité de notre terre à soutenir une population (...) nous enlevons même le droit à la vie des générations futures sur ce continent. » Pour certains comme Gifford Pinchot, il faut conserver la nature avec la création de réserves naturelles qui serviront à terme à produire plus et exploiter de façon raisonnable l'environnement alors que d'autres dans le sillage de John Muir optent pour une réelle préservation. Ces derniers veulent le maintien d'une nature sauvage (The Wilderness). Au début des années 1960, la réflexion sur la croissance et ses effets négatifs émerge avec notamment la publication en 1962 d'un ouvrage de Rachel Carson : The silent spring. 
  • Cet ouvrage dénonce les effets très négatifs des pesticides dont le DDT qui finit par être interdit aux E.-U. Un peu plus tard sont créés des mouvements devenus aujourd'hui incontournables comme Greenpeace ou le WWF en 1971. Les travaux du club de Rome avec le rapport dit Meadows au début des années 1970 sont fondamentaux : le rapport de 1971« Halte à la croissance » (The limits to Growth en anglais) met en évidence la démographie explosive, les pollutions grandissantes... 
  • L'ONU avait commandé en 1971 à des experts conduits par Dennis et Donella Meadows un rapport : cette équipe de chercheurs étaient réunis depuis 1968 dans une association internationale nommé le club de Rome. Est évoquée également la possibilité d'une croissance zéro.
  •  En 1972 est organisée à Stockholm par les Nations Unies la première conférence internationale sur l'environnement aboutissant à la création du Programme des nations Unies pour l'environnement. 
  • Dans ce contexte émerge la notion d'éco-développement à l'initiative de Maurice Strong (secrétaire général de la conférence de Stockholm). Cette notion est reprise et développée par Ignacy Sachs. 
  • Ce dernier pense que la logique économique et la logique écologique ne sont pas incompatibles affirmant qu'il faut « trouver des modalités et des usages de la croissance qui rendent compatibles le progrès social et la gestion saine des ressources et du milieu ». cette idée d'éco-développement a peu de succès. 
  • Au début des années 1980, l' UICN (Union Internationale pour la Conservation de la Nature) utilise pour la première fois la notion de « sustainable development ». En 1983, l'Assemblée générale de l'ONU va créer la Commission mondiale pour l'environnement et le développement : une commission présidée par une norvégienne : Gro Harlem Bruntland. Cette commission doit faire une mise au point sur les problèmes environnementaux mais aussi faire des propositions à la fois pour favoriser une coopération internationale, développer une prise de conscience internationale. De cette commission émane donc le rapport dit rapport Brundtland qui est publié en 1987 sous le titre « Notre avenir à tous » et qui réutilise la notion de sustainable development d'abord traduite en français par développement soutenable avant de devenir développement durable. La définition donnée par ce rapport au développement durable est qu'il faut un « développement qui réponde aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs. » Ce rapport contient aussi un diagnostic avec le constat que certains modes de développement dégradent l'environnement et que ces dégradations sont elles-mêmes un frein au développement. 
  • Le rapport initie une stratégie avec la volonté d'instaurer une « nouvelle ère de croissance » (5à 6% pour les PED et 3 à 4% pour les PDEM), l'incitation à promouvoir des activités plus respectueuses de l'environnement... Les auteurs de ce rapport souhaite la tenue d'une conférence internationale. La prise conscience est aussi à relier à certains nombre de catastrophes écologiques dans les années 1970-1980 avec en 1976 l'explosion en Italie, en l'occurrence à Seveso, d'une usine de pesticides (depuis, l'Union européenne à classer les usines à risques avec le classement Seveso) ; en 1978, c'est la marée noire en France du pétrolier l'Amoco Cadiz ; en 1979, se produit un incident dans la centrale nucléaire américaine de Three Mile Island ; en 1984, à Bhopal, l'explosion d'une usine de pesticides provoque la mort de 2600 personnes et surtout a lieu en 1986 la catastrophe de Tchernobyl en Ukraine (qui appartenait à l'époque à l'URSS). 
  • Tous ces événements ne pouvaient qu'accélérer la prise de conscience environnementale. On peut ajouter qu'il existe, hormis ce qui est dit dans le rapport Brundtland, d'autres définitions du développement durable. 
  • Un auteur comme Serge Latouche évoque d'ailleurs une notion imprécise qui est pour lui une notion alibi ne questionnant pas véritablement le développement et la croissance. La conférence de Stockholm et le rapport Brundtland peuvent être considérées comme les premières étapes de la mise en œuvre et de la réflexion sur le développement durable : d'autres vont suivre. 

 B/ Un processus qui se poursuit 

  • En 1992, l'ONU organise la seconde conférence sur l'environnement et le développement à Rio connue également sous le nom de « Sommet de la terre ». 173 chefs d'état sont présents et signent plusieurs textes : la Déclaration de Rio sur l'environnement et le développement ; la Convention sur les changements climatiques avec notamment l'engagement pour les états développés de ramener en 2000 leurs émissions de gaz à effet de serre (GES) au niveau de 1990 ; la Convention sur la biodiversité (non signée par les E.-U. )et une Déclaration relative aux forêts. 
  • Les états ont également signé un document de propositions intitulé « L' Agenda pour le 21e siècle » plus connu sous le non d'Agenda 21. Ce dernier incite les états et les collectivité »s locales à mettre en œuvre des Agendas nationaux et locaux. La déclaration de Rio reconnaît que la « terre, foyer de l'humanité, constitue un tout marqué par l'interdépendance. » Autre étape notable : le protocole de Kyoto. En décembre 1997, la Convention sur les changements climatiques qui avait été signée en 1992 à Rio est complétée par ce qu'on nomme le protocole de Kyoto : celui-ci « impose » aux états industrialisés de réduire leurs émissions de gaz à effet de serre d'ici à 2012 de 5% en moyenne par rapport au niveau de 1990. 
  • Ce protocole est entré en vigueur en 2005 mais n'a pas été ratifiée par les E.-U. En 2000, les états membres de l' ONU signent la déclaration du Millénaire dans laquelle sont reconnus plusieurs objectifs jugés fondamentaux. Ces « objectifs du millénaire pour le développement » sont au nombre de huit pour l'horizon 2015 : réduire l'extrême pauvreté et la faim, assurer l'éducation primaire pour tous, promouvoir l'égalité des sexes, réduire la mortalité infantile, améliorer la santé maternelle, combattre le VIH/Sida, le paludisme..., préserver l'environnement et mettre en place un partenariat mondial pour le développement. En 2002 se tient le sommet de Johannesburg qui dresse un bilan accablant de l'état de la planète tout en relevant que le sommet de Rio de 1992 a eu peu d'effets globaux. Lors de cette conférence le projet proposé par Jacques Chirac d'une Organisation mondiale de l'environnement n'a pas été retenu. En 2012 a lieu la conférence Rio + 20 : une conférence se réunit sans les dirigeants américain,russe ou encore britannique. 
  • Lors de cette conférence émerge une nouvelle notion celle d' « économie verte » devant « contribuer à l'élimination de la pauvreté et à la croissance économique durable... tout en préservant (les) écosystèmes de la planète ». Plus récemment, la COP 21 à Paris s'est tenue à Paris en 2015 avec la volonté de réduire (de limiter) les émissions de gaz à effet de serre.

2/ Caractéristiques et enjeux du développement durable


A/ Caractéristiques et principes du développement durable 

  •  Le développement durable repose sur trois pôles et donc trois dimensions : un pôle social, un pôle économique et pôle environnemental. Il s'agit de trouver un équilibre entre ces trois dimensions. Il s'agit de garantir le développement économique tout en respectant les écosystèmes et les ressources naturelles et lutter contre des fléaux sociaux comme la pauvreté, l'exclusion, les fortes inégalités. 
  • L'un des principes clés du développement durable est la solidarité intergénérationnelle puisqu'il faut prendre en compte les générations futures. Un autre principe est ce qu'on peut nommer la solidarité dans l'espace à savoir entre les états développés et ceux qui sont en voie de développement. Il nécessite un principe de participation avec une prise de conscience citoyenne et la participation de tous. Il faut donc sensibiliser l'ensemble des citoyens pour que les objectifs puissent être atteints. 
  • Un autre principe important est le principe de précaution : il est nécessaire quand on ne connaît pas les effets d'un phénomène de ne pas le mettre en application (exemple : les OGM). Un certain nombre d'indicateurs sont fondamentaux pour appliquer le développement durable. 
  • L' Union européenne a ainsi mis en évidence plusieurs aspects et indicateurs : le développement économique avec le taux de croissance du PIB par habitant, le changement climatique avec les émissions totales de gaz à effet de serre et la part des énergies renouvelables dans la consommation d'énergie, le transport durable reposant sur la consommation d'énergie dans les transports, la production et la consommation durables ayant comme indicateur la productivité des ressources (PIB rapporté à la consommation intérieure des matières premières, la conservation et gestion des ressources naturelles fondée sur l'indice d'abondance des oiseaux communs et les prises de poissons au dessus des seuils de précaution, la santé publique avec l'espérance de vie en bonne santé, l'inclusion sociale basée sur le taux de pauvreté monétaire (part des personnes dont le niveau de vie est inférieur à 60% du niveau de vie médian et le taux d'emploi des travailleurs de 55 à 64 ans, la pauvreté dans le monde... 
  • Enfin, on peut mettre l'accent sur la nécessité de mesurer le développement durable par des indicateurs. 
  • Il existe trois indicateurs souvent utilisés à savoir le PIB, l' IDH et l'empreinte écologique, trois indicateurs qui paraissent correspondre aux trois piliers du développement durable Mais ces indicateurs ne sont pas toujours pertinents car pris séparément ils n'offrent qu'une vision partielle du développement. Il est en fait très difficile de trouver et d'élaborer un indicateur qui serait global. 

 B/ Une urgence et des enjeux 

  • Le développement durable apparaît de plus en plus comme une urgence. La forte croissance démographique, le processus d'industrialisation ont généré de très fortes atteintes à l'environnement. Un rapport de l'ONU de 2012 estime que si le modèle de développement des PDEM devient généralisé, 70% des écosystèmes planétaires seraient vraisemblablement détruits d'ici 2030-2040. 
  • La planète est fortement menacée et malmenée. Ainsi de multiples ressources s'épuisent comme les ressources en eau, en énergie.. ; Depuis les années 1970, la demande énergétique a augmenté de 75% et devrait continuer à croître d'environ 60% d'ici 2030. la biodiversité est menacée : 13 millions d'hectares de forêts disparaissent en moyenne chaque année, l'acidité des océans augmente en lien avec la hausse des émissions de dioxyde de carbone et les récifs coralliens sont de plus en plus menacés (40% d'entre eux sont jugés fortement dégradés) or ils abritent un tiers des espèces marines... 
  • Parallèlement, il existe une véritable « épée de Damoclès » climatique avec la hausse des gaz à effet de serre et un réchauffement climatique avéré...Il ne faut pas oublier les catastrophes naturelles et technologiques qui amplifient la nécessité d'un développement durable. En fait, les enjeux sont nombreux et complexes qu'ils soient environnementaux, sociaux ou économiques. 
  • La pauvreté toujours présente, la santé et ses inégalités, nourrir les hommes, la gestion de l'eau, la gestion des océans et de leurs ressources, les enjeux énergétiques... sont autant de problèmes cruciaux qu'il convient de gérer, l'accès de tous à l'éducation... 
  • Dans cette perspective, plusieurs conférences ont tenté de prendre en compte ces enjeux : la conférence de Stockholm de 1972 a mis en avant l'enjeu global de l'environnement, la conférence de Kyoto de 1997 l'enjeu des émissions de gaz à effet de serre, la conférence de Carthagène de 1999 l'importance de préserver la biodiversité , le Forum mondial de l'eau à Kyoto en 2003 la volonté de réduire de moitié la population n'ayant pas accès à l'eau, la COP 21 la volonté de réduire le réchauffement climatique...
Conférence de Stockholm de 1972

3/ Quelles solutions ?


A/ Des conférences pour une prise de conscience et une sensibilisation 

  • Depuis la conférence de Stockholm de 1972, les conférences se sont multipliées permettant au moins une prise de conscience des problèmes majeurs. Les différents sommets dits sommets de la terre ont mis en évidence la nécessité de trouver des solutions. Certes, le Programme des Nations Unies pour l'environnement (PNUE) a valorisé en 2012 dans un rapport nommé GEO-5 une situation préoccupante. 
  • Seuls quelques objectifs fixés antérieurement ont été atteints comme la suppression des molécules connus sous le nom de CFC portant atteinte à la couche d'ozone, la suppression du plomb dans les carburants... Mais certains objectifs ne sont pas atteints comme la limitation réelle des gaz à effet de serre, la protection des récifs coralliens... 
  • Et surtout seuls 60 états ont signé les principaux accords multilatéraux concernant l'environnement et ce bien qu'il y ait plus de 500 accords et conventions de portée internationale au sujet de l'environnement. 
  • On peut souligner le rôle et l'importance des actions menées par différentes ONG notamment les ONG écologistes comme Greenpeace, les Amis de la Terre sans oublier les ONG qui défendent les droits de l'homme comme Amnesty International, Human Rights Watch... 
  • Ces acteurs que sont les ONG exercent une influence grandissante par leurs initiatives et un militantisme actif. Les rassemblements altermondialistes entrent également dans cette logique comme en 2011 le rassemblement altermondialiste organisé à Dakar ou encore le Sommet des peuples organisé en marge du sommet de Rio + 20 de 2012. 

B/ Des solutions et des initiatives intéressantes 

  • La prise de conscience des enjeux environnementaux a permis et rendu possible des initiatives qui devraient servir d'exemples. Ainsi se développent les villes dites durables : s'est mis en place, à partir de 2005, le C40 ou Cities Climate Leadership group soit un réseau de 59 mégapoles qui met en œuvre à l'échelle de ce type de villes des actions pour lutter contre les effets du changement climatique. Les « agendas 21 locaux » depuis 1992 entrent dans cette perspective renforcés par la charte des villes durables (lancée à Aalborg en 1994) : une charte signée d'ailleurs par plus de 1400 villes européennes. 
  • Il existe des quartiers durables, des quartiers expérimentaux devant ouvrir de nouvelles perspectives comme BedZED (Zero energy development pour le ZED) à Londres, le quartier de Kronsberg à Hanovre en Allemagne, le quartier BO 01 à Malmö en Suède On peut aussi signaler le développement des ressources énergétiques alternatives afin de trouver des solutions aux problèmes posés par certaines énergies comme le pétrole, le charbon... Les énergies éolienne, solaire se développe y compris dans un pays comme la Chine qui est le pays leader dans la production d'énergie éolienne. 
  • L' Union européenne fait d'incontestables efforts comme l'illustre l'adoption en 2008 du texte « énergie-climat » dont les objectifs sont une réduction de 20% des émissions de gaz à effet de serre, une baisse de 20% de la consommation d'énergie et une hausse de 20% de la part des énergies renouvelables d'ici 2020. Une Union européenne qui est également à l'origine du développement des sites Natura 2000 depuis 1992, des sites créés afin de préserver la biodiversité mais aussi d'une directive intéressante sur l'eau (directive du 23 octobre 2000) dont l'un des objectifs est de réduire la pollution des eaux. 
  • On peut également mettre en exergue la Convention alpine signée en Autriche, à Salzbourg, dont le but majeur est la protection et le développement durable de la chaîne des Alpes Cette convention a été signée par la France, la Suisse, l'Allemagne, l'Autriche, la Slovénie, l'Italie et le Liechtenstein. Parmi, les solutions, on pourrait ajouter le développement de l'agriculture biologique, celui des transports durables comme les tramways (voir des villes comme Nantes, Grenoble, Lyon...)...

4/ Les défis du développement et les enjeux d'un monde durable


Le monde est confronté à une série de défis impératifs à relever : le défi de la croissance démographique avec une population toujours plus nombreuse à nourrir, le défi des inégalités sociales et de la pauvreté, le défi (ou les) sanitaire, le défi de l'eau et de son partage, le défi d'une croissance pour tous et une croissance dite soutenable... 
Il faut insister, nous y reviendrons, sur le développement et ses inégalités : il faut rappeler que le sommet de Rio avait, en 1992, fait de la réduction des inégalités Nord-Sud une priorité. 
La notion de développement est fondamentale : elle renvoie au développement économique mais aussi au développement humain. Le développement doit prendre en compte la croissance démographique et donc les dynamiques démographiques. 
Les enjeux écologiques sont aussi devenus des enjeux clés. « Les alarmes écologiques vont devenir si inquiétantes dans les prochaines années qu’elles vont supplanter au minimum, modifier et bouleverser toutes les autres problématiques et urgences, y compris celles qui relèvent de la géopolitique » affirment Pascal Boniface et Hubert Védrine ( Atlas géopolitique du monde global, éditions Armand Colin, 2020). 
Dans son livre L’affolement du monde (éditions Tallandier, 2019) ; Thomas Gomart traite de ce qu’il nomme « un monde au bord de l’asphyxie » avec un phénomène majeur « constaté depuis plusieurs décennies, le dérèglement climatique. » Dans ce cadre, le développement durable et les préoccupations environnementales sont devenues essentielles. 

 A/ Le développement durable : une réponse aux enjeux et défis du monde ? 

Dans quelle mesure peut-on affirmer que le développement durable est la seule réponse possible aux enjeux contemporains ? 

a/ Une crise environnementale majeure : les malheurs de l'anthropocène 

 - Approche : notions et contextualisation 

  • Tout d'abord, il est utile de préciser le vocabulaire et les notions utilisées concernant l'environnement. On parle souvent de milieu naturel qui renvoie aux conditions naturelles d'un écosystème ( ce dernier est un système formé par un environnement et et l'ensemble des espèces y vivant): on peut ainsi dégager plusieurs types de milieux : le milieu forestier, le milieu littoral... Un milieu naturel se compose de l'atmosphère, de la lithosphère (types de sols, reliefs), de l'hydrosphère (ressources souterraines, eaux) et de la biosphère (animaux, végétaux...). 
  • Le mot environnement est l'ensemble des éléments « entourant » les individus, un environnement composé des conditions naturelles mais aussi culturelles Les différents éléments constitutifs de l'environnement ont des relations et forment le cadre des conditions de vie des hommes. Il faut insister sur le fait que les hommes font partie de l'environnement et des milieux sur lesquels ils agissent. 
  • Les milieux naturels sont transformés et aménagés par les hommes car ils sont constitués de ressources utiles pour eux. Depuis longtemps notamment avec le siècle des Lumières (18e siècle), les individus des états européens ont pensé que le progrès était un horizon indépassable, un progrès fondé sur les sciences et la croissance économique. Pourtant dès le 18e siècle, des penseurs comme Rousseau et Malthus conduisent des réflexions intéressantes sur certains aspects du progrès avec notamment pour Rousseau une réflexion sur les rapports entre l'homme et la nature et en ce qui concerne Malthus, une réflexion sur la croissance démographique. Ce dernier pense que la croissance démographique doit être limitée et surtout qu'elle ne peut être supérieure à la croissance des ressources. Au 19e siècle, les réflexions s'approfondissent sur les rapports entre démographie-nature-ressources, entre actions des hommes et nature... 
  • Des auteurs dénoncent les dégradations environnementales en particulier la déforestation. Georges Perkins Marsh, un géographe américain, fait, dès 1864, le lien entre déforestation et désertification dans les régions méditerranéennes ayant parfaitement compris que l'action des hommes pouvaient être destructrice. C'est pourquoi sont déjà proposées des solutions notamment de préservation de la nature. Les Américains vont ainsi créer dès 1872 le premier parc naturel au monde : celui de Yellowstone dans l'Ouest du pays. 
  • C'est aussi aux E.-U qu'est créée, en 1892, la première organisation écologique : le Sierra Club. Néanmoins, pour de nombreux économistes ou philosophes, la prospérité et la croissance sont liées au développement des capacités productives. Ce type d'analyse se retrouve aussi bien dans la pensée libérale que marxiste. D'ailleurs les états libéraux comme les états communistes mettent en œuvre des logiques productives fortes se souciant fort peu de l'environnement. Les choses vont commencer à changer à partir des années 1960-70 avec une prise de conscience écologique plus grande, une prise de conscience liée en partie à des catastrophes environnementales : explosion de l'usine chimique de Seveso en Italie, marée noire en France en 1978 avec l'échouage de l'Amoco-Cadiz, incident de la centrale nucléaire de Three Mile Island en 1979 aux E-U...
  • Parallèlement, des préoccupations et des interrogations écologiques émergent sur la capacité des hommes à prendre en compte leur environnement, à gérer les diverses pollutions... Les différents milieux sont de plus en plus dégradés avec des pollutions diverses : pollution des airs, des eaux... mais aussi par des processus aux conséquences négatives que sont la déforestation (5,2 millions d'hectares de forêts sont perdus chaque année en moyenne soit un terrain de football chaque seconde), l'érosion des sols ou la désertification. La diversité biologique est également atteinte avec des espèces déjà disparues ou en voie de disparition ou des écosystèmes très menacés comme la grande barrière de corail en Australie et plus généralement les récifs coralliens, les forêts tropicales, les zones de mangroves sur les littoraux...Les catastrophes environnementales sont de plus en plus prégnantes. Dans ce domaine, quelques précisions sur le vocabulaire sont nécessaires. On peut distinguer les aléas environnementaux qui sont des phénomènes dont l'homme n' a pas vraiment le contrôle comme les séismes, éruptions volcaniques, cyclones, tempêtes... 
  • Dans certains cas, il peut toutefois avoir un degré de responsabilité comme lors des avalanches ou des inondations. On peut aussi s'appuyer sur la notion de vulnérabilité qui désigne la sensibilité d'un territoire à un ou plusieurs aléas. La vulnérabilité a des effets sur les personnes, les biens, les systèmes productifs... et dépend des densités de population, des niveaux de développement des territoires concernés. Le risque renvoie au lien entre un aléa et la vulnérabilité : on ne peut donc pas utiliser le terme de risque pour des territoires où les hommes sont peu présents (déserts...).
  • Il existe des risques dits majeurs par les conséquences qu'ils peuvent générer en termes de coûts humain, matériel... Une catastrophe comme un séisme, un tsunami implique une forte rupture à la fois des équilibres écologiques mais aussi humains. Il existe deux types de catastrophes : les catastrophes naturelles et les catastrophes industrielles. Les catastrophes naturelles sont liées à des aléas naturels et des risques particuliers que sont les risques sismiques et volcaniques, les tsunamis... Régulièrement des séismes se produisent dont certains ont des conséquences terribles. 
  • Un séisme a frappé la Sicile en décembre 1908 provoquant le décès de 70 à 100 000 individus ; le séisme ayant touché Tokyo et la plaine du Kanto en 1923 est responsable de plus de 110 000 victimes ; en 1978, un séisme frappe la province chinoise du Hebei faisant au moins 240 000 victimes... Plus récemment, le séisme de décembre 2004 ayant touché l'île de Sumatra a provoqué le décès de 220 000 à 230 000 personnes et provoqué un terrible tsunami ; un séisme a touché en 2010 Haïti avec plus de 230 000 décès et un million de personnes déplacées et en avril 2015, un séisme a provoqué au Népal la mort d'au moins 6 000 individus... 
  • Le Tsunami de 2004 en Asie du Sud-est est responsable d'au moins 225 000 décès et il faut rappeler que c'est un tsunami en 2011 qui est à l'origine de l'accident de la centrale nucléaire du Fukushima au Japon. On constate que la vulnérabilité à ces risques est plus grande pour les pays en développement notamment ceux ayant une forte densité de population. 
  • Ces risques génèrent des pertes économiques importantes évaluées à 2 300 milliards de $ entre 1970 et 2008 selon une étude de la Banque mondiale. L'un des problèmes est que ces risques naturels surviennent dans des territoires qui sont pour certains densément peuplés avec des états n'ayant pas assez de moyens pour prévenir et surmonter les effets de ces catastrophes. 
  • Il existe également des catastrophes industrielles comme les naufrages de pétroliers : en 1978, l'Amoco Cadiz fait naufrage au large de la Bretagne ce qui provoque une marée noire gigantesque (plus de 230 000 tonnes de pétrole ou encore l'Erika en décembre 1999 provoquant la pollution de 400 km de littoraux entre la Bretagne et la Vendée et dont le préjudice a été évalué à 371 millions d'euros. Deux catastrophes nucléaires ont particulièrement marqué les esprits : la catastrophe de Tchernobyl en avril 1986 et celle de Fukushima en mars 2011.Enfin, il faut évoquer le changement climatique, un phénomène bien présent et réel avec un effet relevé : des phénomènes climatiques devenant plus violents et irréguliers. On sait que ce réchauffement est lié à l'effet de serre qui s'est accru avec des températures moyennes en hausse constante : un réchauffement dont l'homme et ses activités portent une responsabilité même si elle n'est pas la seule explication. La notion de risque peut être élargie et pas seulement être utilisée pour les risques environnementaux : il existe des risques politiques (l'un de ces risques est le déficit de gouvernance aboutissant aux failed states) ; les risques économiques et financiers... 
  • En 1962, le livre de Rachel Carson intitulé The Silent Spring sur l'utilisation des pesticides notamment du DDT dans l'agriculture est révélateur de cette prise de conscience même si elle est encore limitée. Un film de science fiction comme Soleil vert en 1972 met en évidence le problème de la surpopulation et de comment nourrir les hommes ? En 1972 est publié le rapport Meadows intitulé halte à la croissance qui provient d'un rapport commandé au MIT (Massachusetts Institute of Technology) par le club de Rome en 1968 : un club réunissant des industriels, des économistes, des hommes d'affaires... 
  • Les analystes qui ont produit ce rapport s'interroge sur les risques d'une croissance incontrôlée et théoriquement infinie, s'inquiètent des effets de l'industrialisation et de l'urbanisation, de la croissance démographique... Ils mettent en évidence une « croissance zéro » pour préserver les ressources et dénoncent une crise environnementale. Les premières conférences sur l'environnement se tiennent : 1968, conférence de la Biosphère sous l'égide de l'UNESCO, conférence de Stockholm intitulée une seule terre en 1972 organisée par l'ONU... 
  • Peu à peu, des organisations écologiques naissent et agissent comme Greenpeace ou le WWF qui sont fondées en 1971 mais aussi les premiers partis comme en Allemagne ou en France. En 1972, l'ONU est à l'origine de la création du Programme des Nations unies pour l'environnement. En 1975, un rapport sur la « stratégie de la conservation mondiale » utilise l'expression de sustainable devlopment. C'est toutefois le rapport Bruntland, intitulé Notre avenir à tous, de 1987 présenté par le 1er ministre norvégien de l'époque (Gro Harlem Bruntland) aux Nations unies qui met en évidence cette expression traduite en français sous le nom de développement durable.
  • Dans ce rapport est mis en valeur un « développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs.» Cette notion est popularisée lors du sommet de la Terre organisé à Rio en 1992. Dernier élément à prendre en compte : les indicateurs d'analyse des situations environnementales. A été mis en œuvre un indicateur : l'empreinte écologique qui est une mesure de la pression que l'homme exerce sur la nature notamment par la mesure de la quantité de surface terrestre bioproductive nécessaire à la production des biens et services consommés par les hommes. Son unité de mesure est « l'hectare global » (hag) c'est-à-dire la capacité de production d'un hectare calculée selon une moyenne mondiale. Une organisation, Global Footprint Network (une ONG) calcule régulièrement cette empreinte. Elle a notamment mis en exergue le jour du dépassement c'est-à-dire le jour de l'année où les ressources renouvelables de l'année ont été consommées : une fois cette date passée, les hommes puisent dans les réserves naturelles (des réserves non réversibles) : en 2015, le jour en question était le 13 août et en 2020 le jour en question était le 22 août.. 
  • En 2008, les besoins des hommes dépassaient de 50% les ressources disponibles : la biocapacité était en 2008 évaluée à 1,8hag et l'empreinte écologique était de 2,7hag (l'empreinte écologique peut être calculée pour un produit). En 2008, l'empreinte écologique pour la France était de 4,9 hag, pour l'Allemagne de 4,2, de 5,7 pour l'Espagne, de 9,4 pour les Etats-Unis, de 2,4 pour le Brésil, de 4,9 pour le Japon et de 2,1 pour la Chine.En 2016-17, cette empreinte écologique était de 15,8 pour le Luxembourg (1e ranf mondial), de 10,8 pour le Qatar, de 9,3 pour l’Australie... 5,1 hag pour la France, de 5,3 pour l’Allemagne, de 8,2 pour les Etats-Unis... 

 -Situation et enjeux 

  • La situation environnementale s’est incontestablement dégradée et comme le souligne Thomas Gomart « l’intensité des activités humaines laisse une empreinte indélébile sur leur environnement (...) devenant un problème fondamental touchant à l’organisation des sociétés. » (L’affolement du monde). Pour Hubert Védrine et Pascal Boniface le risque environnemental « résulte de la combinaison de l’explosion démographique (...) ; de l’industrialisation (...) ; de généralisation plus récente d’un mode de vie urbain occidental, très consommateur d’énergies fossiles (...) ; d’une agro-industrie ultra-productive (...) ; de la mobilité permanente (...) ; de l’artificialisation accéléré des espaces naturels (...) ». 
  • Il faut particulièrement insister sur les changements climatiques et la question particulière du réchauffement climatique. Il y a bine une conscience de ce réchauffement à l’exception des climato-sceptiques. Selon de nombreux experts ce réchauffement génère ou va générer la montée des eaux, des événements climatiques extrêmes plus fréquents affectant plusieurs pays et territoires. Ainsi le Global Climate Risk Index a mis en évidence les zones de la planète les plus affectées par des événements météorologiques extrêmes ces vingt dernières années. 
  • On retrouve les pays de la zone sahélienne, une partie du Moyen-Orient, les Caraïbes, une partie de l’Asie du Sud-Est (l’exemple type est le Bangladesh)... Le réchauffement climatique est un enjeu fondamental et il est lié en particulier aux gaz à effet de serre qui proviennent du secteur énergétique à 26 %, de l’industrie à 19 %, des transports à 13 %... Les principaux émetteurs de gaz à effet de serre sont les E.-U., la Chine et la Russie. Mais par habitant les pays qui émettent le plus de gaz à effet de serre sont le Koweït, le Bahreïn, les EAU, le Qatar... Il y a d’autres problèmes majeurs comme les diverses pollutions (eaux, sols...), les résidus des objets en plastique qui se multiplient (notamment dans les océans), le souci grandissant de la déforestation, la diminution de la banquise, l’effondrement de la biodiversité... Thomas Gomart met particulièrement en évidence l’impact de l’énergie et du modèle énergétique contemporain comme éléments favorisant le réchauffement climatique et ses effets négatifs. On peut mettre en avant d’ailleurs les relations entre les modèles énergétiques et la géopolitique mondiale. Les Etats-Unis et la Chine jouent un rôle essentiel étant les deux plus grands consommateurs d’énergie au monde et aussi les principaux pollueurs de la planète. 

b/ Qu'est-ce que le développement durable ? Quels sont ses fondements ? 

  • Le développement durable repose sur plusieurs piliers : les piliers social, environnemental et économique avec une durabilité écologique, une viabilité économique et une équité sociale. Il faut parvenir à plusieurs équilibres : l'équilibre entre la croissance économique et la préservation de l'environnement et donc de permettre une croissance viable sur le long terme ; second équilibre celui entre le souci écologique et l'équité sociale avec l'idée d'un développement vivable pour tous et enfin un équilibre entre le développement économique et le développement social pour une répartition équitable des « fruits de la croissance ». Il s'agit donc de concilier la croissance économique, la préservation de l'environnement et les améliorations sociales. 
  • Plusieurs conférences mondiales sur l'environnement vont se dérouler pour tenter de mettre en œuvre ce développement durable avec en 1992 le sommet de la Terre de Rio, en 1997, la conférence de Kyoto sur le réchauffement climatique, en 2002, le sommet mondial sur le développement durable à Johannesburg puis les sommets de Copenhague en 2009, de Durban en 2011, de Rio à nouveau en 2012 et la COP 21 à Paris en 2015. Un protocole signé en 1987 à Montréal avait imposé l'interdiction des CFC. 
  • A Rio en 1992, la conférence des Nations unies sur l'environnement et le développement a réuni 175 états et a permis la mise en place de l'Agenda 21 soit un programme de 2 500 actions à organiser au niveau international puis au niveau local. Une convention a également été signée concernant la biodiversité. Par le protocole de Kyoto de 1997, 38 états se sont engagés à diminuer leurs émissions de CO2 d'ici 2012 : il est entré en vigueur en 2005 avec une baisse prévue de 5% des émissions par rapport à 1990. L'entrée en vigueur n'était possible que si l' accord était ratifié par 55 pays ce qui est fait en 2002. Il faut signaler que cet accord n' a pas été signé par certains états particulièrement pollueurs comme les E.-U ou la Chine. La conférence de Copenhague de 2009 n' pas eu de succès : les états émergents ont dénoncé le développement durable comme un vecteur « imposé » par les pays développés afin de limiter la croissance économique. Lors de la conférence de Durban, ces états émergents ont eu le droit d'augmenter leurs émissions de gaz à effet de serre ce qui signifiait que les efforts devaient être réalisés par les états développés. 
  • Enfin, on peut faire remarquer que la mise en œuvre des politiques de développement durable se font à différentes échelles et pas seulement à l'échelle mondiale. Elle peut se faire à l'échelle continentale comme tente de le faire l'Union européenne : des objectifs environnementaux sont affirmés dans le traité de Maastricht ou celui d'Amsterdam de 1997. il existe aussi plusieurs directives européennes comme la directive dite Seveso de 1996 concernant les risques majeurs, la directive sur l'eau ou encore la protection de la biodiversité avec le réseau d'espaces protégés Natura 2000... ; à l'échelle nationale avec des politiques et des réglementations nationales, à l'échelle locale avec par exemple les Agendas 21 locaux ou le développement d'un réseau de villes dites durables.A Aalborg, en 1994, s'est tenue la première conférence européenne sur la ville durable aboutissant à la La charte d'Aalborg. Il s'agit de pousser les villes à s'engager dans un processus de développement durable notamment par l'application d' Agendas 21 locaux. Les villes durables doivent être vivables avec une participation citoyenne à différentes actions (forum de quartiers par exemple), par l'amélioration du cadre de vie avec le développement d'espaces verts, la diminution du trafic automobile... ; par le développement d'espaces sociaux (espaces publics...).... Elles doivent être également équitables mais ce n'est pas toujours simple. 
  • En effet, le développement d'écoquartiers est réel mais pas toujours accessibles à tous comme le quartier de Bedzed à Londres. Elles doivent aussi être viables avec le développement de réseaux de transport en commun comme le tramway..., la création de zones destinées aux piétons... On s'aperçoit qu' à l'échelle de la planète, les villes durables avec notamment des écoquartiers sont surtout localisées dans les états développés : Reykjavik, Londres, Copenhague, Stockholm, Hambourg, Seattle, Vancouver, Portland... Curitiba au Brésil ou Bogota en Colombie sont des exceptions. Il faut en effet dégager et avoir des moyens financiers importants pour se lancer dans ce type de politique de ville durable. On peut néanmoins signaler que la Chine se lance dans cette politique ou les émirats arabes unis avec la ville nouvelle de Masdar créée en 2008 à Abu Dhabi 

c/ Une réponse aux défis de la globalisation ? 

  • Le développement durable, du moins la volonté de penser le développement autrement, peut être perçu comme une double réponse : une réponse à une croissance économique peu soucieuse de l'environnement et une réponse à une mondialisation libérale destructrice des équilibres écologiques car reposant justement sur l'idée d'une croissance forte et sans limite. Il s'agit de ce fait de penser autrement la croissance et de bâtir un modèle de développement ne reposant pas sur une croissance extensive. Ce nouveau modèle se heurte néanmoins à plusieurs problèmes. Les sociétés contemporaines se sont développées sur un modèle qu'il est difficile y compris pour les citoyens de remettre en question qui est celui de la société de consommation. 
  • Seconde difficulté, il est compliqué aujourd'hui de trouver et de développer des espaces dits « en réserve », que ce soit au niveau agricole ou industriel. Alors que la population continue de croître. 
  • Il faut donc trouver des solutions nouvelles ou alors changer les comportements ce qui est délicat. Troisième problème d'importance : il est difficile de demander des efforts à des états émergents et en développement alors que ce sont les états développés qui ont fondé leur croissance sur une exploitation intensive des ressources et une consommation que nous pouvons jugée excessive. Les états en développement considèrent le développement y compris sur le modèle occidental comme légitime. Il est toutefois indispensable de trouver des solutions et de penser le développement autrement en tentant de concilier développement et développement durable. Pour tenter de répondre aux défis environnementaux, plusieurs principes ont été mis en place comme le principe pollueur-payeur, le principe de précaution... 
  • Le principe pollueur-payeur a été adopté dès 1972 par l'OCDE, il est intégré dans l'Acte unique européen de 1985, dans la loi française (loi Barnier de 1995 et article L 110 du code de l'environnement). Le principe de précaution a été affirmé lors du sommet de Rio en 1992 et en France ce principe est devenu constitutionnel puisqu'en 2005, le Parlement a intégré la charte de l'environnement dans la Constitution. 
  • On peut aussi faire remarquer que l'OMC par le biais de l'accord sur les mesures sanitaires et phytosanitaires (accord SPS) autorise un état à utiliser le principe de précaution concernant un produit donné. Les politiques de développement durable se font à plusieurs échelles : internationale, nationale ou locale. Au niveau international, comme cela a déjà été signalé, on note des clivages entre états développés et états émergents et en développement. Il faudrait donc à ce niveau international trouver des solutions négociées comme a tenté de le faire la COP 21 avec la conférence de Paris qui s'est tenue entre le 30/11/2015 et le 11/12/2015. Elle est la 21e conférence des parties de la Convention cadre des nations unies sur les changements climatiques. Cette COP 21 avait pour objectif majeur un véritable accort « universel » pour lutter contre les dérèglements climatiques.
  • Les états participant devaient s'engager sur des objectifs concrets et des plans d'action. Cette conférence a abouti à l'accord de Paris sur le climat, un accord approuvé par les 195 délégations présentes mais cet accord doit ensuite être ratifié par les différents états. Cet accord prévoit de limiter le réchauffement climatique mais il est de fait peu contraignant. Aux niveaux national et local, les résultats pour certains états sont beaucoup plus tangibles notamment dans les états développés. La prise de conscience est bien réelle mais elle ne suffit pas : il faut des actes. On peut signaler que la COP 24 s'est réunie en Pologne en 2018 à Katowice, la COP 25 au Chili à la fin de l'année 2019 et la COP 26 à Glasgow en 2021.

5/ Des défis économiques, sociaux et environnementaux à relever pour un monde durable


a/ Des défis économiques et sociaux d'importance

  • Les défis économiques et sociaux à relever sont nombreux mais ne sont pas nécessairement de même nature selon le niveau de développement des états. Au niveau économique, si on constate une croissance importante des richesses produites à l'échelle mondiale bénéficiant à l'ensemble des états, une croissance notable des pays dits du Sud avec de nombreux pays sortis du mal développement ainsi que le développement dans ces états du Sud d'une classe moyenne de plus en plus importante comme en Inde ou en Chine, les inégalités sociales mais aussi territoriales demeurent et ce à différentes échelles. L’ONU met en évidence en 2020 une hausse des inégalités, une hausse affectant les deux tiers de la planète tout en soulignant que les 1 % les plus riches captent la majorité des richesses. Afin d'analyser les inégalités sociales, plusieurs indicateurs sont utilisés : l'indice de développement humain ou IDH, l'indice de pauvreté humaine ou IPH, le coefficient de Gini... 
  • -L'IDH se compose de plusieurs critères concernant l'éducation, le niveau de vie et la santé ; l'IPH (indicateur de pauvreté humaine) doit permettre de mesurer l'exclusion en prenant en compte l'espérance de vie, l'éducation, la privation de l'accès aux ressources. L'IDH est souvent utilisé et le Programme des Nations unies pour le développement amis à jour les données pour 2018. 53 états sont considérés comme ayant un IDH très élevé supérieur à 0,894 et 38 ayant un développement faible inférieur à 0,504 (entre les deux les développements sont considérés comme élevé entre 0,757 et 0,894 ou moyen entre 0,645 et 0,504). les états où l'IDH est le plus élevé sont la Norvège avec 0,954, la Suisse avec 0,944, l'Australie avec 0,939, l'Irlande avec 0,938 et l'Allemagne avec 0,939 (En 2020, au niveau de l’IDH, la Norvège est désormais dépassée par l’Irlande). Les E.-U sont au 13e rang mondial avec 0,924. L'IDH de la France est de 0,901 et se classe en 24 e position. 
  • Les états à l'IDH le plus faible sont le Niger avec 0,354, la république centrafricaine avec 0,367, Le Soudan du Sud avec 0,388... 
  • Les états ayant un IDH inférieurs à 0,504 sont surtout africains (22 états sont concernés). En 2020, le rapport du Programme des Nations Unies pour le développement a mis en évidence les résultats suivants pour l’année 2019 : les cinq pays ayant l’IDH le plus élevé sont la Norvège, l’Irlande, la Suisse, Hong Kong et l’Islande avec respectivement 0,957, 0,955, 0,955, 0,949 et 0,949. L’Allemagne se classe au 6e rang avec un IDH de0,947, les Etats-Unis au 17e rang avec un IDH de 0,926, le Japon est 19e avec un IDH de 0,919, la France 26e avec un IDH de 0,901. 66 pays sont considérés comme ayant un IDH très élevés soit supérieur à 0,800. 
  • Quant à la Chine son IDH est de 0,761, celui du Brésil de 0,765, l’Afrique du Sud de 0,709 et l’Inde de 0,645. Plusieurs pays ont toujours des IDH faibles (inférieurs à 0,550) : les plus faibles sont ceux du Tchad, de la République centrafricaine et du Niger étant respectivement de 0,398, 0,397 et 0,394. Si on se place par rapport aux grandes régions du monde en 2019, l’IDH de l’Afrique subsaharienne est de 0,547, celui de l’Amérique latine et des Caraïbes de 0,766, celui de l’Asie de l’Est et du Pacifique de 0,747, celui de l’Asie du Sud de 0,641, l’IDH des Etats arabes de 0,705, de l’Europe et de l’Asie centrale de 0,791. Pour les pays les moins avancés (PMA) cet IDH est 0,538 alors que pour les pays les plus riches de l’OCDE, il est de 0,900. Quant au coefficient de Gini, il permet d'analyser les inégalités et écarts de richesse sur un territoire donné. Un coefficient de Gini qui serait égal à zéro traduirait une égalité parfaite entre les individus et le chiffre 1 une inégalité « totale ». Si on prend le classement de 2018, l’Afrique du Sud a l’indice le plus élevé avec 57,70, la Namibie suit avec un indice de Gini de 55, puis le Sri Lanka 51,40, la Chine 51, la Zambie 49,50... Les indices les plus faibles sont ceux de la Finlande, du Danemark, de la Norvège et de l’Islande étant respectivement de 25,60, 25,30, 24,90 et 24,40. 
  • L’Allemagne a un indice de 29, la France de 29,90, les Etats-Unis de 37,80 A l'échelle mondiale, selon le PNUD (Programme des nations Unies pour le développement), plus d'un milliard d'individus vivaient en 2011 avec mois de 1,25 dollars par jour ce qui correspond à 14,5% de la population mondiale (le chiffre était de 1,9 milliard en 1990). Les études de la banque mondiale sont éclairantes sur ce sujet : en 2015, 10% de la population mondiale vivait avec moins de 1,90 $ par jour contre 11% en 2011 (36% en 1990) soit 736 millions de personnes en 2015. 
  • En 2020, le nombre de pauvres est estimé à 730 millions. 
  • La Banque mondiale a fixé le seuil de pauvreté à 1,90 $ par jour et par personne. Il est intéressant de souligner néanmoins que la pauvreté recule puisque nous sommes passés de 35,9% de pauvres (critère Banque mondiale) en 1990 à environ 10% en 2015. En 2020, selon OXFAM la moitié de la population mondiale vit avec moins de 5 dollars par jour. La crise sanitaire devrait accentuer les écarts de richesse et avoir un impact sur la pauvreté. Il est intéressant de voir la part dans les pays des individus disposant de mois de 1,9$ par jour : cette part atteint (chiffres de 2018) 51,8 % en Angola, 43 % en Sierra Leone, 39 % au Nigeria. Si on prend comme référence 3,2$ par jour, la part la plus importante est pour la Sierra Leone avec 76 % de la population puis l’Angola avec 73 %, le Nigeria avec 71 %... 
  • On retrouve donc les mêmes pays. La pauvreté se répartit donc de manière inégale : ainsi, en Afrique subsaharienne 46,8% de la population vit avec moins de 1,25$ contre 24,5 % en Asie du Sud, 4,6 % en Amérique latine et Caraïbes, 1,7% au Moyen-Orient et en Afrique du Nord ou 0,5% en Europe de l'Est et Asie centrale. Si l'on reprend le critère de la banque mondiale, en 2015 plus de la moitié des pauvres vivent en Afrique subsaharienne et plus généralement 85% des pauvres se concentrent en Afrique subsaharienne et en Asie du Sud. Au niveau des états, c'est l'Inde qui concentre le plus de pauvres avec en 2015 107 millions d'individus ayant moins de 1,9 $ par jour. Le cas de l'Afrique subsaharienne est toujours inquiétant avec, en 2015, 413,3 millions de pauvres selon la Banque mondiale . Si l’on prend la part du revenu national détenu par les 10 % les plus pauvres, cette part est 4,4 % en 2018 en Moldavie, de de 4,3 % en Biélorussie, de 1,8 % en Argentine et au Pérou... 
  • Inversement, on peut prendre comme référence la part du revenu national des 10 % les plus riches qui est de 42 % au Brésil, de 39 % en Colombie... Ces inégalités et le manque de moyens financiers vont expliquer les fortes inégalités au niveau des conditions de vie notamment par rapport à l'accès à l'eau potable, à l'électricité... 
  • En Amérique latine si 93% des individus ont accès à l'électricité, ce pourcentage tombe à 62 % en Asie du Sud et à 33% en Afrique subsaharienne ; 80% de la population rurale de l'Amérique latine a accès à l'eau potable contre 83% en Asie du Sud et 47% en Afrique subsaharienne. En ce qui concerne les téléphones mobiles le chiffre est de 98 pour mille habitants en Amérique latine, 61 pour mille en Asie du Sud et 45 pour mille en Afrique subsaharienne. Le nombre d'utilisateurs d'Internet pour mille habitants est de 34 en Amérique latine, de 11 en Afrique subsaharienne et de 8 en Asie du Sud. Ces inégalités sociales se retrouvent à l'échelle régionale : ainsi en Afrique, quelques états sont particulièrement pauvres comme la RDC où 87% de la population vit avec moins de 1,25$ ou Madagascar où le pourcentage est de 81%. En Asie, les évolutions sont positives mais des états connaissent encore une pauvreté forte comme le Bangladesh, le Pakistan ou l'Inde. A l'intérieur des états , il existe des inégalités opposant villes et zones rurales : les zones rurales étant plus concernées par la pauvreté. 
  • Enfin, à l'intérieur des villes, on note des différences notables entre quartiers. On peut ainsi rappeler qu'entre 2000 et 2010, le nombre d'individus vivant dans des bidonvilles a progressé passant de 776 millions à 827 millions : la population urbaine pauvre est donc en hausse. Les inégalités sont également présentes à l’échelle des Etats comme l’illustre le cas chinois. 
  • Les écarts de développement entre les régions chinoises sont importants comme l’illustrent des chiffres de 2017. Ainsi, l’IDH est bien plus élevé dans les provinces du littoral avec un IDH particulièrement important dans la région administrative spéciale de Hong Kong de 0,933. L’IDH de la province du Guangdong, une des plus riches de Chine est de 0,784, celui du Shanghai de 0,860. Inversement, les IDH de certaines provinces notamment de l’ouest du pays sont plutôt faibles montrant les écarts de développement et les inégalités régionales au sein de la Chine. 
  • Ainsi, l’IDH de la province du Tibet est seulement de 0,580, celui du Quinhai (province au Nord du Tibet) de 0,680... Parallèlement, on peut mettre en avant d’autres éléments des inégalités en Chine : les 1 % les plus riches en 2017 détenait plus de 43 % de la richesse nationale. Les inégalités sociales se retrouvent tant dans les états développés que ceux qui le sont moins avec des catégories sociales qui ont des difficultés à s'insérer dans des économies globalisées et pouvant être à l'écart de la richesse. Dans de nombreux états, il existe un chômage récurrent et les états en développement ont des difficultés à fournir des emplois à des populations croissantes. Selon les chiffres du Bureau International du Travail, presque un tiers de la population active mondiale soit 900 millions d'individus sont soit au chômage soit en sous emploi. 
  • Selon l' OIT (organisation internationale du travail, une organisation créée en1919), le chômage entre 2007 et 2011 est passé de 170 à 213 millions de personnes et notamment de 29 à 45,3 millions dans les états du Nord. 
  • Toujours selon l' OIT, il y aurait 1,5 milliard de travailleurs en situation de précarité sur la planète. Un des symboles de ces inégalités et difficultés est le travail des enfants : plus de 250 millions d'enfants de 5 à 14 ans sont dans l'obligation de travailler (152 millions en Asie, 80 millions en Afrique). Il faut mettre l'accent sur le fait que la mondialisation a mis et met en concurrence les individus. 
  • Un autre aspect des défis à relever est le défi éducatif. On peut rappeler que le droit à l'éducation est un droit universel reconnu dans la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948. Certes, le taux d'alphabétisation est passé de 48% à 73% entre 1970 et 2000 et même 84% en 2015 mais le nombre d'analphabètes reste important en particulier dans les états les plus pauvres. le nombre d'analphabètes est quant à lui passé de 705 à 850 millions entre 1950 et 2015 en lien avec la croissance démographique avec notamment 124 millions d'analphabètes en Asie du Sud. 
  • En 2020, 793 millions d’adultes sont analphabètes Selon l’UNESCO, en 2019, 258 millions d’enfants ne seraient pas scolarisés. La majorité des analphabètes sont des femmes ce qui s'explique par leur statut dans plusieurs pays : elles sont infériorisées. 110 millions d'enfants ne sont pas scolarisés dans le monde et un tiers des enfants des pays du Sud terminent leur scolarité à la fin du cycle primaire. En ce qui concerne les états du Nord, 100 millions d'individus sont considérés comme illettrés. Néanmoins, des progrès sont à signaler même dans les états les plus pauvres : au Mali, la population alphabétisée était de 18% en 1990 et elle est désormais de plus de 30% ; au Tchad, on est passé de 10% de la population scolarisée à environ 35% ; pour le Bangladesh, le taux était de 35% en 1990, il est désormais de 58%... Par contre, les inégalités hommes-femmes demeurent : au Niger, environ 15% des femmes sont alphabétisées contre plus de 40% pour les hommes ; au Mali, les chiffres sont respectivement de 20% pour les femmes et de plus de 40% pour les hommes, au Pakistan, près de 40% des femmes sont scolarisées pour 70% des hommes... Les problèmes de scolarisation et d'éducation sont cruciaux car l'éducation et le développement sont liés. Il faut savoir que de façon générale, les dépenses d'éducation correspondent à environ 5% du PNB mondial, un pourcentage qui ne bouge pas entre 1980 et 2015. 
  • Les états membres de l'OCDE consacrent 5,5% de leur PIB à ces dépenses mais les états d'Asie du Sud ne consacrent que 2,6% (Bangladesh = 2,2% contre 6,8% à la Finlande et 6% à la France). Il ne faut pas s'étonner si 90% des brevets et inventions appartiennent à des états développés, des états qui monopolisent les prix Nobel. Or la maîtrise du savoir et des technologies est essentielle pour être compétitif dans une économie mondialisée et concurrentielle. 
  • Ces inégalités entre les états se retrouvent au niveau des IDH comme nous l’avons vu précédemment. Ces IDH sont révélateurs des inégalités socio-économiques avec des écarts impressionnants entre les pays les plus développés comme la Norvège ou l’Irlande et les pays les moins développés comme le Tchad ou le Niger. Enfin, on peut évoquer une dernier défi à relever celui des inégalités de santé dont les inégalités spatiales avec des différences notables entre les différentes régions du monde au niveau de la mortalité infantile, de l'espérance de vie, des maladies, de l'offre de soins... ces inégalités se retrouvent à plusieurs échelles : mondiale, régionale (continentale), nationale et même locale. Les inégalités en matière de santé reflètent les inégalités économiques et sociales. Tous les états sont confrontés à des enjeux sanitaires mais ils ne sont pas les mêmes. En effet, on constate un évident inégal accès aux soins entre les états les plus développés et ceux qui le sont le moins. La mortalité infantile et l'espérance de vie sont deux des critères permettant de voir les nettes différences entre états selon leur niveau de développement. Les conditions économiques et sociales dans lesquelles vivent les individus sont déterminantes. Le taux de mortalité infantile (le risque de décès entre la naissance et l'âge d'un an) est de 2 pour mille dans un état comme l'Islande et de 120 pour mille au Mozambique. Ce taux de mortalité infantile est selon la Banque mondiale de 29,4 à l'échelle mondiale (décès pour mille naissances). Il est pour certains pays très élevés (chiffres 2017) : 52 pour mille en Afghanistan, 64 pour mille au Bénin, 70 pour mille en RDC ; 88 pour mille en République centrafricaine, 82 pour mille en Sierra Leone. Il est en moyenne de 52 pour mille en Afrique subsaharienne, de 36 pour mille en Asie du Sud, de 13 pour mille en Asie de l'Est, de 6 pour mille en Amérique du Nord, de 3 pour mille au sein de l'Union européenne... 
  • Ces chiffres sont bien le reflet des fortes inégalités. Le risque de décès pour une femme pendant la grossesse est de 1 sur 17400 en Suède et de 1 sur 8 en Afghanistan. Nous sommes donc en présence de fortes inégalités entre pays. Mais il existe des inégalités à l'intérieur même des états. Dans un état comme la Bolivie, la mortalité des enfants dont la mère n'a aucune instruction est supérieure à 100 pour mille alors qu'elle est de moins de 40 pour mille pour les femmes ayant eu une instruction et ayant terminé le cycle secondaire. L'espérance de vie des Aborigènes en Australie est de seulement 59,4 ans pour les hommes et 64,8 ans pour les femmes contre 76,6 ans pour les autres Australiens hommes et 82 ans pour les femmes australiennes non aborigènes. 
  • Dans la ville écossaise de Glasgow on a constaté des écarts notables entre les différents quartiers : l'espérance de vie est de 54 ans à Calton pour les hommes et de 82 ans à Lenzie. Calton est le quartier ouvrier de Glasgow victime de la désindustrialisation de l'Ecosse dans les années 1960-70 : il s'agit du quartier où on vit le moins longtemps en Europe. Plus on est pauvre, moins on est en bonne santé quelque soit le pays dans lequel on vit. Quelques chiffres fournis par l'OMS en 2014 peuvent permettre d'approfondir cette thématique : les états riches ont en moyenne 90 infirmières et sages-femmes pour 10 000 habitants alors que pour les états les plus pauvres, le chiffre tombe à 2 ; plus de 800 femmes meurent chaque jour dans le monde de complications suite à la grossesse ou l'accouchement ; plus de 2,5 milliards de personnes sont exposés au risque infectieux de la dengue, le risque pour un enfant de décéder avant sa cinquième année est huit fois plus important dans la région Afrique que dans la région Europe... Avant d'analyser les inégalités, il faut préciser un certain nombre d'éléments importants. Ainsi, l'espérance de vie a globalement augmenté (et continue d'augmenter) : une petite fille née en 2012 a une espérance de vie de 72 ans et un garçon de 68 ans soit 6 ans de plus que des enfants nés en 1990. Même dans les états à faible revenu, l'espérance de vie a augmenté : de 9 ans entre 1990 et 2012 pour atteindre 60 ans pour les hommes et 63 ans pour les femmes. Ce sont d'ailleurs dans les états à revenus faibles que la progression est la plus importante. Par contre, les inégalités entre les pays riches et pauvres demeurent : en 2017, les états où l'espérance de vie était la plus importante pour les hommes sont des pays riches à savoir le Japon avec 84 ans, l'Espagne avec 83 ans, l'Islande, la Suisse, l'Australie avec des espérances de vie comprises entre 81,2 et 80,5. Plusieurs états ont des espérances de vie très faibles et inférieurs à 55ans : le Lesotho avec 54 ans, le Nigeria 53 ans, la République centrafricaine 52 ans. L'allongement de l'espérance de vie dépend néanmoins du lieu de la naissance : un garçon né dans un état riche en 2012 peut espérer vivre en moyenne 75,8 ans contre 60,2 ans pour un garçon né dans un état à revenu faible. Dans 9 états d'Afrique subsaharienne (les plus pauvres) l'espérance de vie tant des hommes que des femmes ne dépasse pas 55 ans. Pourtant les progrès sanitaires sont incontestables : comme nous l'avons vu, l'espérance de vie est en hausse pour tous les états, la mortalité infantile diminue... 
  • Les révolutions industrielles et agricoles et les progrès médicaux ont permis de mieux nourrir et soigner les individus tout comme l'amélioration de l'hygiène, les campagnes de vaccination ou encore les progrès en matière d'éducation. L'un des indicateurs les plus intéressants reste le taux de mortalité infantile : il est passé dans le monde de 155 pour mille en 1950 à 38 pour mille en 2014, de 56 pour mille à 5 pour mille dans les états développés... 
  • La notion de transition épidémiologique est utilisée pour montrer ces changements. Il s'agit d'un passage d'une mortalité caractérisée par le poids des maladies infectieuses et parasitaires à une mortalité faible dominée par des maladies chroniques et dégénératives. Ce modèle repose sur quatre cycles : une phase 1 qui est le temps des famines et des maladies comme la peste, une phase de mortalité très élevée liée à des maladies infectieuses avec des épidémies généralisées et une espérance de vie particulièrement faible ; une seconde phase marquée par un recul des pandémies et épidémies, des maladies infectieuses et donc une forte croissance de la population. La troisième phase est celle des maladies dégénératives avec une mortalité qui stagne et une espérance de vie en hausse. 
  • La quatrième phase est l'âge de la santé avec une hausse possible de la mortalité liée cette fois au vieillissement des individus et une espérance de vie très importante. Tous les états sont sortis de la première phase alors que les états les plus pauvres (PMA) sont dans la phase deux. Les états les plus riches sont sortis de la phase trois dans les années 1970 pour entrer dans la phase 4. Les différences et disparités entre les états bien qu'il ait des progrès généralisés restent donc évidentes. La mortalité infantile varie de 1,8 pour mille en Islande à 116 pour mille pour un état comme la République centrafricaine. Les raisons des décès ne sont pas identiques selon les états. De façon générale, les cinq facteurs majeurs de décès sont les cancers liés au tabagisme (16 millions en 2014), les cardiopathies (7,4 millions en 2014), les accidents vasculaires cérébraux, les broncopneumopathies et les infections des voies respiratoires. Dans les états les plus développés, les raisons principales des décès sont les cardiopathies et les accidents vasculaires cérébraux puis les cancers pulmonaires. Dans les pays les plus pauvres, les principales raisons des décès sont la malnutrition, les pneumonies, le VIH/sida, les diarrhées. Certaines maladies sont spécifiques à certaines régions comme le paludisme qui est responsable de la mort chaque année en moyenne de 655 000 décès essentiellement (à 90%) en Afrique. Sur 10 enfants décédant du paludisme, 9 sont Africains. La tuberculose est responsable du décès de 1,3 millions d'individus surtout dans les états les plus pauvres ; le SIDA de 1,6 millions de personnes là encore surtout en Afrique. On constate que la situation sanitaire dans plusieurs états s'est dégradée en particulier en Afrique subsaharienne ou en Asie du Sud. Parallèlement, l'offre de soins est fondamentalement inégale même si, là aussi, on note des progrès. Dans les états dits du Sud, on est passé de 1 médecin en moyenne pour 4 600 habitants en 1984 à 1 300 en 2000. 
  • Mais un certain nombre d'états comme le Népal ou le Timor oriental ont mois de 1 médecin pour 10 000 habitants (c'est aussi le cas d'une vingtaine de pays africains).Selon un rapport de l'OMS de 2015, un état comme l'Autriche compte 52 médecins pour 10 000 habitants alors que le Rwanda ou l'Ouganda en comptent un seul pour 10 000 habitants. Le chiffre est de 42 pour l'Allemagne, de 39 en Italie, de 32 en France ... alors qu'il n'est que de 5 pour la Thaïlande, de 8 pour le Vietnam qui ne sont pas parmi les états les plus pauvres de la planète. On peut aussi exploiter les données 2016 de la Banque mondiale avec le nombre de médecins pour 1000 habitants : il est de 0,1 en RDC, de 0,3 pour l'Afghanistan, de 1,3 pour la Belgique, de 2,5 en Israël... Le nombre de lits d'hôpital pour 1000 habitants (en 2015) est aussi révélateur : il est de 0,1 au Népal, de 0,8 au Bangladesh et au Cambodge, de 6,2 au Canada, de 9,2 aux Etats-Unis.... 
  • Bien entendu, ce sont dans les états développés que l'offre de soins est la plus importante. Il faut savoir que seulement 15% de la population mondiale consomment 91% des médicaments produits et les états de l'OCDE réalisent environ 90% des dépenses mondiales de santé alors qu'ils ne représentent que moins de 20% de la population mondiale. On peut aussi constater une mondialisation des enjeux de santé avec des crises sanitaires « mondiales ». Il existe bien entendu des liens entre les mobilités humaines de plus en plus importantes et la mondialisation de certains problèmes. On peut d'ailleurs rappeler que les « Grandes Découvertes » étaient déjà à l'origine de de l'unification microbienne de la planète. La Révolution des transports des 19e et 20e siècles ont amplifié ce phénomène : la mondialisation contemporaine génère des pandémies voire de nouvelles maladies. Les épidémies et pandémies sont possibles et facilitées par les réseaux de communication et la multiplication des flux humains. La concentration des hommes est un autre facteur explicatif. 
  • Le cas du SRAS est à cet égard significatif (syndrome respiratoire aigu sévère). Le foyer d'origine du SRAS est une province chinoise : le Guandong (région de Hong Kong). Le SRAS se diffuse à Hong Kong, Singapour puis à Toronto et au Vietnam. Il se répand au total dans 30 pays y compris aux Etats-Unis et en Europe. Ce syndrome se diffuse par les déplacements notamment les vols intercontinentaux. En 2003, l'OMC a comptabilisé 8 422 cas et 916 décès : cette épidémie a duré de novembre 2002 à 2003. L'OMS a émis un avis d'alerte et avait classé les pays selon trois niveaux de risques. La contamination d'individus par ce type de virus montre la vulnérabilité des états face à ce type de problème. On retrouve ce type de problème avec le virus H5N1 de la grippe aviaire. 
  • La mondialisation des risques sanitaires est également liée à l'évolution des modes vie à telle enseigne que des spécialistes parlent de « maladies du développement » comme les maladies cardio-vasculaires ou l'obésité qui ne sont pas des maladies transmissibles. La sédentarisation, l'urbanisation et les modes de vie expliquent en grande partie ce type de problèmes. 
  • On peut également relever une gouvernance mondiale face aux problèmes de santé. L'OMS dont la création remonte en 1948 est à ce titre une organisation essentielle. En 2000, elle a créé un réseau global d'alerte et de réponse (GOARN) dont le but est une surveillance planétaire des problèmes de santé. 
  • L'ONU par la biais non seulement de l'OMS mais aussi de l'UNICEF, du HCR agit à l'échelle mondiale ; elle peut aussi compter sur de nombreuses ONG. Une pandémie comme celle du SIDA (syndrome d'immunodéficience acquise) est un bon exemple de problème sanitaire mondial et des inégalités dans le domaine de la santé. En effet, la répartition des individus séropositifs est très inégale : en 2013, selon le rapport ONUSIDA il y avait 35,3 millions de séropositifs dans le monde (36,9 en 2014) sachant que 81% des personnes concernées par le VIH habitent dans des états en développement. 15,8 millions de personnes ont accès à un traitement. Certes, le nombre de porteurs du VIH a diminué passant de 39,5 millions en 2006 à 35,3 en 2013 et les nouvelles infections ont baissé de de 35% depuis 2000 mais il reste élevé. Il faut aussi savoir que le VIH depuis les années 1980 est responsable du décès d'au moins 25 millions de personnes et est de ce fait un problème de santé public majeur. En 2014, 1,2 millions de personnes sont décédées d'une cause liée au VIH. Deux régions sont plus touchées que les autres par le virus : l'Asie du Sud et du Sud-est avec 3,9 millions de séropositifs et surtout l'Afrique subsaharienne avec 25 millions au moins de personnes concernées. Cette Afrique subsaharienne qui ne représente que 12% de la population mondiale concentre 71% des séropositifs de la planète. Le nombre de séropositifs est de 1,5 million en Amérique latine, 1,3 million en Amérique du Nord et de 860 000 en Europe de l'Ouest et centrale...
  • Dans certains états, le VIH est particulièrement présent avec une forte prévalence (nombre total de cas à un moment donné ou sur une période déterminée. Le taux de prévalence est le rapport entre le nombre de cas et l'effectif moyen de population).Le taux de prévalence chez les adultes est très élevé dans des états comme le Swaziland où il est supérieur à 26%. il est également supérieur à 20% au Lesotho, au Botswana...
  • Un état comme l'Afrique du Sud compte 6,1 millions de séropositifs en 2012 et 6,4 millions en 2014 soit plus de 12% de la population concernée (55 millions d'habitants au total). En 2012, le taux de prévalence dans ce pays était de 18,8% pour les 15-49 ans dont 23,2% pour les femmes et 14,5% pour les hommes ( il monte à 36% pour les femmes de 30 à 34 ans). Le SIDA est donc devenu un problème sanitaire mondial. Le SIDA a des effets désastreux pour certains états : on sait que le SIDA a un impact sur l'espérance de vie : c'est le cas dans des pays comme le Kenya, le Botswana, l'Ouganda, le Swaziland. 
  • Dans ce dernier, l'espérance de vie est passée de 59 ans en 1990 à moins de 50 ans actuellement. Des politiques de prévention ont été mises en place notamment par l'ONU. L'un des objectifs de l'ONU est que de plus en plus de personnes aient accès aux antirétroviraux sachant qu'environ 15 millions d'individus y ont actuellement accès surtout dans les états les plus développés : il reste encore d'importants efforts à réaliser notamment en Afrique subsaharienne..

6/ Un défi essentiel : la croissance démographique

La démographie et la croissance démographique en ce début de 21e siècle sont des défis majeurs à relever dans la perspective d'un développement économique équilibré et de la réalisation d'un développement durable. Ce défi est à relier à la question alimentaire et au fait de nourrir tous les hommes que nous verrons ultérieurement. Une des questions que l’on peut se poser est : « sommes nous trop nombreux ? » comme le fait Gilles Pison (Atlas de la population mondiale, éditions Autrement 2019). En effet, certains craignent tout simplement une surpopulation qui rendrait à terme la planète invivable. Inversement d’autres mettent en avant le processus de vieillissement, un vieillissement à terme inexorable : c’est le cas de Bruno Tertrais (Bruno Tertrais : Le Choc démographique, éditions Odile Jacob, 2020) qui met en évidence ce vieillissement devant être à terme un choc démographique. Bien entendu, la question démographique est aussi à relier à la question des migrations : elle est donc un thème essentiel. 

a/ Des défis démographiques importants 

-croissance démographique et fécondité 

  • La population de la planète dépasse en 2020 les 7 milliards d'habitants : 7,7 milliards au début de l'année 2019 et 7 874 milliards en 2021. En 2050, au rythme actuel de 1,2%, la population de la planète devrait atteindre 10 milliards d'habitants (et 14 milliards en 2071), un accroissement qui devrait surtout concerné les états dits du Sud. Il faut en effet préciser que la croissance démographique à l'échelle mondiale est toujours effective mais elle ne cesse de ralentir et cette croissance est essentiellement le fait des états dits du Sud. Comme l'affirme Gilles Pison dans l'Atlas de la population mondiale paru en 2018 : « l'humanité est concentrée dans les pays du sud. » (éditions Autrement) L'actuel rythme de croissance démographique se traduit par 80 millions d'habitants en plus en moyenne (220 000 par jour) avec 138 millions de naissances auxquels il faut enlever 58 millions de décès. 
  • Il faut rappeler que le processus de transition démographique ne s’est pas déroulé en même temps selon les pays avec une Europe qui a connu ce phénomène de transition démographique dès le 19e siècle ce qui n’est pas le cas de l’Afrique subsaharienne dont la transition est en cours. Au 20e siècle, cette croissance a été particulièrement importante puisqu'en 1900 la population mondiale était estimée à 1,5 milliard d'individus pour passer 2 milliards en 1927, à 2,5 en 1950, à plus de 4 milliards en 1975, 6,1 en 2000... Rappelons que le nombre d'habitants sur terre a été multiplié par 10 en 3 siècles seulement. 
  • Il y a 2000 ans, la terre comptait environ 250 millions d'habitants et presque un milliard vers 1800 puis 2 milliards en 1927, 3 milliards en 1960, 4 milliards en 1974, 5 milliards en 1987, 6 milliards en 1999, 7 milliards en 2011, 7,7milliards en 2020... 
  • Comme le rappelle Gilles Pison « le nombre des humains a décuplé en trois siècles. » (Atlas de la population mondiale). En fait, la croissance de la population mondiale a réellement débuté au début du 19e siècle en lien avec une baisse de la mortalité et des conditions de vie qui s'améliorent progressivement sans oublier un certain nombre de progrès médicaux à la fin du 19e. Mais c'est au 20e siècle que cette croissance s'accélère avec un sommet en 1965 : une année où le taux de croissance démographique était de 2%. Par contre, depuis les années 1970, la croissance démographique ralentit avec en 1970 un taux de croissance annuelle de 1,9% puis de 1,5% en 1990 pour tomber à 1,2% en 2014 soit pour cette dernière année une hausse de 75 millions d'habitants en plus. De façon générale, en 2014, le taux de fécondité est en moyenne à l'échelle mondiale de 2,5 et le taux d'accroissement naturel de 1,2. 
  • On peut ajouter que l'espérance de vie est de 69 ans pour les hommes et de 73 ans pour les femmes. La fécondité est donc en baisse puisqu'elle est passée de 4,9 dans les années 1950-55 à 3,8 dans les années 1975-1980, 2,7 entre 1995-2000 pour tomber à 2,5 entre 2010-2015. Désormais « le pic de croissance est derrière nous » (Gilles Pison) avec un taux de croissance qui ne cesse de baisser. Selon les chiffres de l’INED publiés en 2019, la planète comptait 7,7 milliards d’habitants, le taux de natalité moyen était de 18 pour mille, le taux de mortalité de 8 pour mille, le taux de mortalité infantile de 28 pour mille, l’indice de fécondité de 2,4, la part des moins de 15 ans de 26 %, l’espérance de vie des hommes à la naissance en moyenne de 71 ans et de 75 ans pour les femmes. 
  • Les différences selon les continents sont notables. Ainsi, en Afrique (y compris Afrique du Nord) la population est en 2019 de 1,3 milliard d’habitants avec un taux de natalité de 33 pour mille, un taux de mortalité infantile de 45 pour mille, un indice de fécondité moyen de 4,4, la proportion des moins de 15 ans de 41 %, l’espérance de vie des hommes et des femmes respectivement de 62 et 65 ans. Pour l’Amérique (y compris Amérique latine), le nombre d’habitants est de 1 milliard d’habitant, le taux de mortalité de 7 pour mille, la mortalité infantile de 13 pour mille, la fécondité de 1,9, la part des moins de 15 ans de 22 %, l’espérance de vie des hommes et femmes de 74 et 80 ans.En ce qui concerne l’Asie, le nombre d’habitants est de 4,6 milliards, le taux de mortalité de 7 pour mille, la mortalité infantile de 24 pour mille, la part des moins de 15 ans de 24 % et les espérances de vie sont de 71 ans pour les hommes et 76 ans pour les femmes. 
  • Enfin, pour l’Europe, le nombre d’habitants est de 747 millions d’habitants, la mortalité est de 11 pour mille, la mortalité infantile de 4 pour mille, la part des moins de 15 ans de 16 % et les espérances de vie des hommes et des femmes de 76 et 82 ans. La croissance démographique est bien ralentie mais elle est encore effective notamment dans les états des Suds. On note des inégalités encore fortes selon le niveau de développement des états. Ainsi, pour les états développés, l'indice de fécondité est de 1,6 avec un taux d'accroissement naturel de seulement 0,1 (espérance de vie pour les hommes de 75 ans et pour les femmes de 82 ans) alors que pour les états en développement, l'indice de fécondité est de 2,6 (espérance de vie de 67 ans pour les hommes et de 71 ans pour les femmes). L'analyse peut être affinée selon les continents : c'est en Afrique où la croissance démographique est la plus forte notamment en Afrique subsaharienne. Mais même à l'échelle de l'Afrique, il faut nuancer selon les régions. En effet, en Afrique du Nord, l'indice de fécondité est de 3,2 en 2019, de 5,1 en Afrique occidentale, de 4,3 en Afrique orientale, et de 2,5 en Afrique australe alors qu'il est de 5,4 en Afrique centrale . En 2019, selon les chiffres de l’INED cet indice est le plus élevé au Niger avec un indice de 6,8, de 5,3 au Burundi, de 5,8 au Mali : certains états africains ont donc des taux de fécondité parmi les plus élevés au monde (dans le top 10 mondial, un seul état n'est pas africain à savoir l'Afghanistan au 10e rang mondial avec un indice de 5). Inversement, cet indice est de 2,4 pour un état comme l’Afrique du Sud, de 2,8 pour le Botswana, de 2,2 pour la Libye et de 2,2 également pour la Tunisie.
  • Dans certains états africains, les taux de croissance annuels sont particulièrement importants : 3,2% par an au Mali ou encore 3,3% au Nigeria. 
  • Ces états africains sont entrés dans la transition démographique avec une baisse de la mortalité mais une natalité restant encore importante. Par contre, on note des baisses importantes en Amérique du Sud et centrale : en Amérique centrale, l'indice de fécondité est de 2,4 et de 2,1 en Amérique du Sud : ces zones géographiques sont en passe de sortir de la transition démographique (certains en sont déjà sortis).On peut noter néanmoins là aussi des différences entre certains états : la fécondité est ainsi de 2,3 au Belize, de 2,8 au Guatemala mais seulement de 1,8 en Colombie, de 1,7 aux Bahamas et de 1,7 également au Brésil. 
  • Nous sommes dans une logique identique en Asie où l'indice de fécondité est en moyenne de 2,4 : il est même de 1,5 en Asie orientale, de 2,4 en Asie du Sud-Est alors qu'il est encore à 2,5 en Asie du Sud et de 2,9 en Asie occidentale. Là aussi on note des différences selon les états : au Timor oriental, l'indice de fécondité est de 3,9 de 2,6 au Laos mais seulement de 2,1 au Vietnam,, de 1,7 en Chine, de 1,4 au Japon et même 1,2 à Taïwan et 1,1 en Corée du Sud.. En Amérique du Nord et en Europe, ces taux de fécondité sont particulièrement bas : 1,8 en Amérique du Nord et 1,6 en Europe. On voit donc que la croissance démographique est non seulement inégale mais qu'elle reste tirée par certains états en développement. 
  • Pour terminer à ce sujet, la part que représente chaque continent dans la population mondiale est inégale : l'Asie représente plus de 59% de cette population, l'Afrique16%, les Amériques 13,5%, l'Europe 10 % et l'Océanie seulement 0,5%. Les projections pour les années à venir sont différentes selon que les choix des démographes entre des projections hautes ou plus basses : en 2050, la population mondiale devrait varier entre 9,7 milliards d'habitants et 10,8 et en 2100 entre 11,2 milliards et 16,5. De façon générale, la fécondité est partout dans le monde en baisse mais pas avec la même intensité. Comme nous l’avons vu, cette fécondité reste élevée en Afrique subsaharienne même si elle diminue. Un phénomène majeur est la transition démographique à savoir le passage d'une démographie dite ancienne avec des taux de natalité et mortalité élevés à des taux faibles soit un régime démographique moderne. 
  • Il s'agit d'une véritable révolution démographique à l'échelle planétaire sachant que ce phénomène a commencé dans les états du Nord pour se poursuivre plus tardivement dans les états du Sud. La transition démographique est « une révolution des comportements et des modes de vie » comme l'affirme Gilles Pison (Atlas de la population mondiale).
  • Il faut préciser que pendant des siècles, la croissance démographique était faible puisque les taux de natalité et de mortalité étaient sensiblement équivalents avec notamment une très importante mortalité infantile. 
  • On peut signaler que pendant longtemps, la durée de vie moyenne des individus était faible en lien avec de fortes épidémies, des famines... 
  • C'est pourquoi il fallait compenser la forte mortalité notamment infantile par une fécondité importante. Le changement s'est opéré pour certains états au 18e siècle et surtout au 19e : le développement économique, les progrès en matière d'hygiène tout comme les progrès médicaux ont permis la disparition des crises alimentaires et des famines et une baisse de la mortalité avec une natalité restant importante d'où un accroissement des populations en particulier en Europe : il s'agit de la première phase de la transition démographique. Puis progressivement, les populations régulent les naissance et le taux de natalité baisse : les états entrent dans ce qu'on nomme la seconde phase de la transition démographique. 
  • Enfin, la natalité baisse fortement et on parvient à un équilibre entre le nombre de naissances et de décès : les états sont sortis de la transition démographique. Un fait majeur est le décalage temporel entre les états du Nord et les états du Sud : les états du Sud ont entamé la transition démographique avec retard à partir des années 1950. Pour ces états, c'est d'abord la mortalité qui chute comme pour les états du Nord au 19e. 
  • Par contre, on peut différencier des états du Sud qui sont soit dans la première phase de cette transition : ce sont les pays les plus pauvres avec une baisse de la mortalité mais une natalité encore importante alors que plusieurs états en développement sont dans la seconde phase. Il faut signaler que les états émergents sont soit en passe de sortir de la transition démographique soit en sont sortis comme la Chine et ce par le biais de politiques de contrôle des naissances (politiques malthusiennes). Il faut bien entendu mettre l’accent sur le fait que les naissances « d’aujourd’hui sont la population de demain » (Gilles Pison) ce qui explique que dans un futur proche l’Afrique devrait rassembler le tiers des hommes. 
  • Certains chiffres sont intéressants comme le nombre de naissances par pays. Ainsi, en 2015, l’Inde a eu 25,2 millions de naissances, la Chine 17 millions, le Nigeria 7 millions, le Pakistan 5,4 millions ce qui expliquer la croissance démographique de ces pays. Inversement, en 2015 il n’y a eu en Allemagne que 700 000 naissances : c’est un reflet de ce qui se passe dans les pays les plus développés où le nombre de naissances ne cesse de baisser. 

 -Durée et espérance de vie 

  • La durée de vie des individus sur la planète s’allonge et ce processus a commencé dès la fin du 18e siècle au moins pour les pays européens et l’Amérique du Nord. Actuellement, dans les pays les plus riches, l’espérance de vie hommes et femmes dépasse généralement 80 ans ce qui n’est pas le cas dans les pays les plus pauvres. En 2015, tous sexes confondus, les espérances de vie les plus élevées se trouvent au Japon avec 83,6ans (81 et 88 ans pour les hommes et les femmes japonaises en 2019), en Suisse avec 83,1 ans (82 et 86 ans hommes et femmes en 2019), en Espagne avec 83 ans (81 et 86 ans hommes et femmes en 2019). Inversement en 2019, cette espérance de vie n’était que de 52 ans au Tchad (53 et 56 ans en 2019 hommes et femmes), 51,4 ans en Sierra Leone (54 et 55 ans en 2019 hommes et femmes) et 51,4 ans en République centrafricaine (51 et 56 ans hommes et femmes en 2019). En 2019, en France cette espérance de vie est respectivement de 80 et 85 ans pour les hommes et les femmes. On constate donc de fortes inégalités entre les pays au niveau de l’espérance de vie même si cette dernière est globalement en hausse. 
  • L’un des aspects importants est la baisse de la mortalité infantile qui a considérablement baissé au cours du 20e siècle mais comme pour l’espérance de vie, il reste des écarts importants entre les pays. Sur 100 enfants de moins d’un an qui meurent dans le monde, 48 décèdent en Afrique, 46 en Asie, 4 en Amérique latine, 1 en Europe et 1 en Amérique du Nord ou en Océanie. 
  • La mortalité infantile reste importante en particulier en Afrique subsaharienne et dans certains pays asiatiques (Afghanistan, Pakistan, Laos). Si en Europe, la mortalité infantile est à 4, elle est à 45 pour mille naissances en Afrique. Néanmoins, on constate une baisse de la mortalité infantile, une baisse liée au progrès sanitaire et en particulier aux vaccinations. En fait, une partie des enfants qui meurent de maladies infectieuses n’ont pas été vaccinés comme c’est le cas pour la rougeole, la coqueluche... 
  • Si on prend le cas de la rougeole, la couverture vaccinale dans les pays développés dépasse les 90 voire les 95 % alors que dans les pays les plus pauvres, elle est inférieure à 80 % voire à 50 % comme c’est le cas en Somalie, au Tchad, en République centrafricaine... 
  • Les chiffres de 2015 sur la mortalité infantile des enfants de moins de 1 an sont révélateurs : 2,2 millions de décès en Afrique, 2,1 millions en Asie, 190 000 en Amérique latine, 4000 en Europe et 2000 en Amérique du Nord.Il est important de souligner que les progrès économiques et sociaux vont générer des progrès sanitaires. 

 b/ Et à relever La croissance démographique est un défi à relever.

  • Il faut insister sur le fait que nombre d'états de par la croissance démographique ont une population jeune : si l'âge moyen est en Europe de 40,9 ans en 2010, il n'est que de 15,5 ans en Afrique subsaharienne. Comme l'écrit Gilles Pison (Atlas de la population mondiale, éditions Autrement), « les naissances d'aujourd'hui sont la population de demain » (voir plus haut). Chaque jour naissent dans le monde 385 000 enfants dont 203 000 en Asie, 118 000 en Afrique (21 000 en Europe à titre comparatif). Depuis 1975, on peut aussi faire remarquer qu'il y a plus de naissances d'Indiens que de Chinois (25 millions contre 17 millions), c'est pourquoi très bientôt la population indienne sera supérieure à celle de la Chine. Les états ayant une population jeune sont confrontés aux défis éducatifs et économiques : il faut former ces jeunes et qu'ils puissent trouver un emploi. Dans plusieurs états, la part des moins de 15 ans est même considérable : 42% en Afghanistan (2019), 47% en Angola (2019), 40% en Ethiopie (2019) 45, au Burundi (2019)... Il est intéressant de mettre en exergue l'âge médian des populations : il est de 29,6 ans pour la population mondiale. Cet âge médian est de 41,6 ans en 2015 pour l'Europe (Russie comprise), de 37,9 ans pour l'Amérique du Nord, de 30,3 ans pour l'Asie, de 29,2 ans pour l'Amérique latine et de 19,4 ans pour l'Afrique. Ce critère de l'âge médian met bien en évidence « la jeunesse » de l'Afrique notamment. 
  • Inversement, pour d'autres états se pose le problème du vieillissement des populations à savoir la hausse de la proportion des personnes âgées avec, corrélativement , des populations jeunes dont la part baisse. 
  • Ce vieillissement est lié à la hausse de l'espérance de vie : cette espérance de vie est passée à l'échelle mondiale de 46,5 ans entre 1950-55 à 68 ans en 2010 et 71 ans en 2015. L'allongement de la durée de la vie s'explique par de meilleurs conditions de vie avec des progrès multiples en matière d'alimentation, d'hygiène, de progrès médicaux... Il est aussi à mettre en rapport avec la baisse de la fécondité. 
  • Le vieillissement démographique est présent à l'échelle mondiale mais il est, bien sûr, plus avancé dans les pays riches. Certes, les inégalités sont importantes entre une espérance de vie atteignant 84,6 ans pour le Japon ou 83 ans pour la Norvège, la France et 49,5 ans pour la République démocratique du Congo , 48,5 ans en République centrafricaine ou encore 47,5 ans en Sierra Leone. Dans les états développés, la part des plus de 65 ans est de plus en plus importante : 26% au Japon, 21% en Allemagne (2015 selon la Banque mondiale), 19% en Autriche, 19% en France, 14 % aux Etats-Unis ...Ce vieillissement notable pose de multiples enjeux : enjeux de santé, financement des retraites, déséquilibre entre actifs et inactifs... 
  • Selon une projection des Nations Unies, la part des plus de 65 ans en 2050 devrait être dans le monde de 24% et on note que ce vieillissement va concerner d'autres états que les états européens ou le Japon comme la Chine, l'Inde, le Brésil... La croissance démographique pose d'autres problèmes sur lesquels nous reviendrons : nourrir les hommes, les éduquer, les soigner... sans oublier les problèmes de répartition des richesses set ressources ou encore le développement durable.

7/ Des défis environnementaux cruciaux dont la gestion de l'eau


  • Parmi les défis environnementaux cruciaux, l'eau et sa gestion. L'eau est certes une ressource renouvelable mais c'est une ressource rare, menacée et convoitée. Dans un ouvrage récent paru chez Odile Jacob en 2018 intitulé Le partage de l'eau, une réflexion géopolitique, Frédéric Lasserre et Alexandre Brun mettent l'accent sur les grands enjeux liés à l'eau et notamment la dimension géopolitique se posant même la question « d'inévitables guerres de l'eau ? ». « Le XXIe siècle sera t-il celui des guerres de l'eau ? Rareté croissante et changements climatiques constitueraient un mélange explosif, dont les effets déstabilisants commencent à se faire sentir en de nombreuses régions. » La Banque mondiale rappelle que 2,2 milliards d’individus n’ont pas accès à l’eau potable et que 4,2 milliards d’individus sont privés de services d’assainissement de l’eau. 
  • Tout d'abord, il convient de rappeler quelques généralités. 97,5% de l'eau provient des océans et des mers, 2% pour les inlandsis que sont le Groenland et l'Antarctique et 0,7 % pour l'eau douce. Le volume d'eau douce est évalué à 40 000 km cube composé de fleuves, rivières et nappes phréatiques soit 5 700 m cube par habitant et par an ce qui est en théorie amplement suffisant pour les 7,7 milliards d'habitants de la planète sachant que selon l'ONU un individu a besoin de 1000 m cube pour vivre. Toutefois entre 1950 et les années 2010, la consommation d'eau a été multipliée par 6 Il existe également 263 bassins fluviaux couvrant 45,3% de la surface terrestre, des bassins partagés entre 145 états riverains. Néanmoins,11% de la population mondiale selon l'ONU (en 2015) n' a pas ou très difficilement accès à cette ressource (785 millions d'individus). L'OMS évalue l'accès difficile à l'eau pour 2,4 milliards de personnes en 2015 et selon l'ONU environ 47% des individus vivront prochainement dans des territoires soumis à un important stress hydrique. 
  • Toutefois, depuis 1990, 1,9 milliards d'individus ont eu accès à l'eau potable. Pour G.Payen auteur d'un ouvrage intitulé De l'eau pour tous, 3,6 milliards de personnes utilisent une eau peu sûre et 1,8 milliard consommeraient une eau au danger réel. Cette eau est nécessaire pour les besoins quotidiens des hommes mais aussi de l'agriculture, de l'industrie d'où des conflits dits d'usage. 
  • Mais cet « or bleu » est également l'objet de tensions politiques et géopolitiques : elle est une ressource convoité et à partager.
  • Il faut insister sur le fait que 69 % de l’eau qui est prélevée est à destination de l’agriculture et des ses usages. En premier lieu, nous verrons qu'elle est abondante mais que sa répartition est fondamentalement inégale : des inégalités se retrouvant à différentes échelles. 
  • Les régions arides de la planète ne reçoivent que 6% des précipitations d'où leur aridité précisément. Ces mêmes régions arides et semi-arides (40% des différents continents) ne reçoivent que 2,5% de l'écoulement terrestre. Ainsi, l'Asie qui représente plus de 50% de la population mondiale ne reçoit que 36% de l'écoulement des fleuves de la planète alors que l'Amérique latine qui ne représente que 5,6% de la population mondiale dispose de 26% de l'écoulement des fleuves. 
  • Des états disposent d'eau en abondance comme le Canada avec 87 000 mètres cube par habitant et par an ou encore le Brésil et la Russie où l'on atteint les 40 000 mètres cube par an alors que de nombreux états notamment au Maghreb ou dans la péninsule arabe disposent de moins de 1000 mètres cube par an. La ressource totale en eau en km cube par an est de 6950 pour le Brésil, de 4 333 pour la Russie, de 2 901 pour le Canada. Rappelons parallèlement que la consommation d'eau atteint 1208 m cubes pour un américain par an, 700 mètres cubes pour un européen alors que cette consommation n'est que de 185 mètres cubes par an en Afrique.
  • Des états sont en situation d'abondance alors que d'autres sont vulnérables voire en situation de stress hydrique ou plus grave de pénurie. On évoque une situation de vulnérabilité pour une situation compris entre 2500 et 1700 mètres cube par habitant et par an : Chine, Iran, Soudan... ; il y a stress hydrique lorsque qu'on est dans une fourchette comprise entre 1 700 et 1000 mètres cube par an et par habitant : c'est le cas en Inde, au Pakistan, en Ethiopie... ; pénurie chronique entre 500 et 1000 comme en Egypte,en Tanzanie ; en situation critique en dessous de 500 comme au Maroc, en Algérie, en Libye, en Arabie saoudite...
  • Il faut signaler des disparités à l'échelle nationale avec des états où les ressources en eau sont inégalement réparties comme aux Etats-Unis où les ressources en eau sont limitées dans l'Ouest du pays (Arizona, Nouveau Mexique...), en Australie (Ouest du pays), en Espagne notamment en Andalousie. Les zones de stockage d'eau tout comme les bassins versants sont inégalement répartis : les nappes phréatiques sont de dimensions diverses et pas toutes aisément accessibles. Il existe ainsi dans le nord du Sahara un aquifère très important de 30 000 km cube d'eau correspondant à deux fois la superficie de la France et déjà exploité par l'Algérie, la Tunisie et la Libye mais il n'est toujours facilement accessible. Un aquifère très important est celui d'Ogallala aux E.-U : il est situé au niveau des Grandes Plaines (du Dakota au Texas) et sa superficie est d'environ 450 000 km carré (il fournit environ 30% de l'eau souterraine utilisée aux pour l'irrigation aux E.-U. On peut citer également celui du Guarani d'environ 1,5 millions de km carré concernant le Brésil, l'Argentine, le Paraguay et l'Uruguay. Une étude par satellite de la NASA a de plus montré que plusieurs aquifères s'épuisant notamment 21 des 37 plus importants tant aux Etats-Unis qu'en Chine oui en France. Huit d'entre eux sont classés dans la catégorie « hautement stressés » (l'utilisation de l'eau n'est plus compensée par le renouvellement de l'aquifère) dont le système aquifère arabe qui alimente 60 millions d'individus en Arabie saoudite, Syrie, Irak et Qatar notamment ou encore l'aquifère du bassin de l' Indus au Nord-Ouest de l'Inde et du Pakistan. 
  • Parmi les autres inégalités, on peut mettre en exergue l'accès à l'eau potable et la mise en valeur de l'eau. Il faut signaler que la consommation d'eau a été multipliée par deux en 30 ans. Certains états possèdent de l'eau mais ont des difficultés à l'exploiter comme au Mozambique où l'eau est présente mais où moins de 50% des individus ont accès à une eau potable ; le problème se pose également pour des états comme le Cambodge, le Congo... qui disposent d'une eau importante.On peut insister sur le fait que plusieurs raisons peuvent contribuer à menacer la ressource : la croissance démographique, les activités humaines agricoles ou industrielles... 
  • Il convient de rappeler que 70% de la consommation d'eau est liée aux usages agricoles (soit 2 500 km cube d'eau), 23% pour des usages industriels (750 km cube) et seulement 7% pour les usages domestiques (350 km cube) : il faut ainsi 500 litres d'eau pour la production d'un kilo de blé et 3000 litres pour un kilo de riz. 
  • En ce qui concerne l'accès à l'eau potable, les états européens, d'Amérique du Nord et latine et leurs populations ont accès plutôt très facilement à l'eau potable ce qui est moins vrai pour les états d'Asie du Sud-est et surtout d'Afrique. On peut préciser que quelques états sont en situation de stress hydrique ou de pénurie mais parviennent à fournir de l'eau potable aux populations comme l'Algérie, les états du Golfe persique... Ces disparités d'accès à l'eau se retrouve à différentes échelles : à l'échelle mondiale, le clivage est assez net entre les états développés et les états en développement : l'accès à l'eau nécessite des aménagements qui ont un coût. Les premiers cités y compris pour des régions où l'eau manque comme en Californie ou au Nevada aux Etats-Unis ont pu compenser par leurs moyens techniques et financiers. La Californie bénéfice de l'exploitation considérable du fleuve Colorado et des barrages et aqueducs construits pour alimenter en eau l'état le plus peuplé des E.-U. En Californie, l'Imperial Valley qui est devenue une grande région agricole alors que c'est une zone aride recevant peu de précipitations, est alimenté en eau par de multiples canaux à partir notamment du fleuve Colorado (fleuve de 2 300 kms). Ce dernier est d'ailleurs surexploité pour les besoins notamment agricoles du Sud-ouest des E.-U et les besoins d'environ 35 à 40 millions d'individus. Par contre, les états en développement n'ont pas les moyens d'utiliser et d'exploiter efficacement leurs ressources en eau. Si nous reprenons le cas du Mozambique, ce pays, qui est un PMA de 25 millions d'habitants, de 800 000 km carré avec un revenu par habitant de 600 dollars et un PIB global de 15,56 milliards de $, a des ressources en eau trois fois supérieures à la France mais moins de la moité de la population a accès à cette eau potable dont seulement 8% à leurs domiciles. Le Mozambique est notamment traversé par un grand fleuve, le Zambèze mais également le Limpopo et le lac Malawi. 
  • La consommation d'eau est de plus très inégale : au Canada, elle est de 600 litres par jour et par habitant (781 litres dans la province du Québec), de 567 litres aux E.-U., de 184 litres au Brésil... 
  • De manière plus globale, la consommation d'eau est de 130 à 160 litres par personne et par jour dans des états comme la France, le Royaume-Uni, le Danemark ; de 50 à 100 litres dans les pays asiatiques et en Amérique du Sud et de 10 à 20 litres en Afrique subsaharienne. Là aussi, les inégalités d'accès à l'eau sont le reflet d'un développement inégal. Cet accès inégal se retrouve à une échelle nationale : dans les quartiers favorisés des villes des états en développement, la consommation d'eau peut être supérieure à 300 litres par jour et par personne ce qui ne sera pas le cas dans les quartiers défavorisés. 
  • Dans les zones rurales des états en développement, les individus, en l'occurrence les femmes, doivent parcourir plusieurs kilomètres par jour pour aller chercher de l'eau : la distance moyenne parcourue en Afrique et en Asie est de 6 km. Pour 2030, on estime que 47% des habitants de la planète vivront dans des territoires concernés par les stress hydrique La pression sur la ressource qu'est l'eau s'est également amplifiée d'où dans certains cas un épuisement de la ressource et la nécessité d'avoir recours à de nouvelles solutions comme le dessalement de l'eau de mer. De façon générale, 5 raisons devraient aggraver le problème et la pénurie d'eau dans les années à venir : la demande alimentaire qui repose notamment sur l'irrigation (270 millions d'hectares de terres dans le monde sont irriguées) ; l'augmentation du niveau de vie et le développement de la société de consommation qui ont un impact sur la consommation d'eau (il faut 1300 litres d'eau pour produire un kilogramme de blé ; 3900 litres pour un kilogramme de viande de poulet ; 15 500 litres pour un kilogramme de viande de bœuf... ; le phénomène d'urbanisation qui accentue l'utilisation d'eau ; la demande en énergie avec la construction de barrages hydroélectriques et enfin, on suppose que le réchauffement climatique va aussi influer sur l'eau Un état comme le Koweït consomme 24 fois sa ressource en eau disponible et les émirats arabes 20 fois mais ils ont les moyens financiers par le développement des usines de dessalement d'eau de mer.
  • La croissance démographique, l'urbanisation de plus en plus importante, les productions agricoles avec l'intensification des productions sont les principaux facteurs responsables de cette pression sur l'eau. Depuis 1900, le volume annuel des prélèvements d'eau aurait été multiplié par huit. 
  • En 1950, la ressource mondiale en eau était estimée à 17 000 m cube par habitant et par an et elle n'est plus que d'environ 7500 actuellement et devrait atteindre 5000 m cube dans les années 2025.Il faut toutefois différencier l'eau qui est consommée de l'eau qui est prélevée : cette dernière peut être en partie restituée comme c'est le cas pour l'eau utilisée à des fins agricoles (irrigation). En 2010, les prélèvements en eau par habitant étaient de 1840 m cube par an aux E.- U., 1623 au Canada, 547 en France mais seulement de 151 pour le Sénégal ou 26 pour un état comme le Tchad. 
  • Comme nous l'avons signalé, les volumes d'eau prélevés et consommés s'expliquent notamment par les usages agricoles dont l'irrigation : 70% des volumes prélevés et 90% des volumes consommés. Là également, il existe des inégalités et variations régionales : les prélèvements agricoles représentent 84% des prélèvements en Afrique, plus de 87% au Moyen- Orient mais « seulement » 32,4% en Europe. L'irrigation joue un rôle majeur : au 20e siècle, la superficie des terres irriguées a été multipliée par cinq. Selon la FAO (Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture, en 2012, 324 millions d'hectares de terres sont équipées pour l'irrigation dont 85% au moins sont irriguées ( 275 millions d'hectares) soit environ 20 % des terres cultivées de la planète : on atteindrait en 2015 les 300 millions d'hectares. Ces terres irriguées sont à l'origine de 40% de la production agricole mondiale. 
  • L' Afrique subsaharienne est la région qui a le moins de terres irriguées (3% des terres cultivées) : 7,7 millions de terres équipées pour un potentiel estimé à 38 millions d'hectares. Le continent asiatique dispose de plus de 230 millions d'hectares équipés pour l'irrigation sachant que plus de 42% de ces terres se localisent en Inde et en Chine : 75 millions d'hectares au moins en Inde soit 36,5% de la superficie cultivée et 52 millions d'hectares en Chine soit 38% des terres cultivées. On peut aussi signaler qu'au Moyen-Orient et au Maghreb plus de 28% des terres cultivées sont irriguées. On peut aussi signaler que cette irrigation a été et est encore un des pivots de la révolution verte : un riz irrigué peut donner 60 quintaux à l'hectare contre 10 à 20 si il n'y pas irrigation. 
  • Parallèlement, de nouvelles techniques se sont développées tout comme des infrastructures importantes permettant une agriculture irriguée plus intensive. C'est le cas avec les serres et les cultures irriguées dites sous tunnels en plastique qui peuvent permettre plusieurs récoltes dans l'année. Des grandes régions agricoles ont été créées par la mise en place de systèmes performants de canaux. C'est le cas de l'Imperial Valley aux E.-U ou du projet égyptien de nouvelle vallée. Ce dernier est lancé en 1997 par le président égyptien de l'époque Hosni Moubarak (projet Toshka) : il s'agit de développer de nouvelles zones irriguées en utilisant les eaux du lac Nasser, un lac issu de la construction du barrage d'Assouan, vers le désert Libyque.. Le canal Cheikh Zayed a été creusé sur plus 300 km jusqu'à l'oasis de Baris. Et une station de pompage de l'eau du lac Nasser a été inaugurée en 2005 (elle porte le nom de Moubarak). En 2020, ce projet devrait aboutir à la création d'une zone irriguée de 2 340 kms carré (10% des terres arables du pays). Ce projet a été relancé par l'actuel dirigeant égyptien Al Sissi : en effet, le projet est loin d'être achevé avec moins de 10% des terres prévues irriguées. Ce type de projet est coûteux et ne prend pas toujours en compte des effets pervers comme dans ce cas un débit plus faible du Nil en aval avec des conséquences sur le delta du Nil. 
  • L'industrie est le second domaine consommant le plus d'eau avec 20% des prélèvements notamment les secteurs de la chimie, de la pétrochimie, les centrales nucléaires... Dans les états émergents, les industries en développement sont de plus en plus consommatrices d'eau. La maîtrise de l'eau impose des aménagements importants que sont les barrages, les canaux de dérivation, les usines de dessalement et ce pour approvisionner tant les terres agricoles que les industries ou les besoins des particuliers. Dans les années 1950, on comptait environ 500 barrages dans le monde alors qu'actuellement alors qu'en 2016 on en dénombre environ 45 000. sachant que les 3⁄4 des grands barrages se localisent en Chine, aux E-U et en Inde. La moitié de ces barrages a été construit pour l'irrigation soit totalement soit partiellement (271 millions d'hectares de terres sont irriguées grâce à des barrages). En 2012, 1200 barrages étaient en cours de réalisation. De grands projets ont été mis en œuvre ou sont en passe de l'être. Le barrage des Trois Gorges en Chine est le plus grand du monde sur le fleuve Yangzi : il a été mis en service progressivement entre 2006 et 2009 et a généré un lac de retenue de 600 km de longueur. Un de ses objectifs était de fournir 10% de l'électricité du pays. 
  • Le second plus grand barrage au monde est celui d'Itaipu au Brésil et Paraguay sur le rio Parana : il a été construit entre 1975 et 1982 et son lac de retenue a une superficie de 1 350 km carré. (mise en service en 1984). selon les experts, ce barrage fait économiser au Brésil 434 000 barils de pétrole par jour. Des projets sont en cours comme le barrage de la renaissance sur le Nil en Ethiopie prévu pour être en service en 2018 : il sera le plus grand barrage d'Afrique. Pour plusieurs états, la construction de barrages entrent dans le cadre de politiques de développement : ils sont le plus souvent couplés à centrales hydroélectriques afin de fournir de l'énergie aux pays concernés. Ils peuvent aussi servir à l'irrigation par le biais de canaux de dérivation ou à approvisionne en eau de grandes villes comme les villes californiennes avec les barrages du fleuve Colorado. L'exemple du Colorado est d'ailleurs instructif à telle enseigne qu'on peut parler d'un fleuve « à bout de souffle » (F.Lasserre, A.Brun). Le Colorado est un fleuve qui s'étend sur 2230 km allant des Montagnes rocheuses au Golfe de Californie donc des E.-U au Mexique. Il fournit l'eau douce de 7 états américain, de 2 états mexicains soit au moins 40 millions de personnes. De grandes villes sont alimentées par l'eau du Colorado comme Las Vegas, Phoenix, Los Angeles... Le Colorado est l'exemple même du fleuve surexploité avec des travaux entrepris dès le début du 20e siècle pour détourner son eau (le canal Alamo est créé en 1901). Plusieurs barrages ont été créés comme en 1936 le barrage Hoover qui a permis la création du lac Mead qui alimente la ville de Las Vegas sans oublier des canaux comme ceux de Coachella (1949), le Colorado River Aqueduc vers San Diego (1941)... Les canaux ont notamment comme objectifs d'irriguer de nouvelles terres pour une agriculture très productiviste. Tous ces aménagements ont contribué à affaiblir le fleuve avec même un delta du Colorado au Mexique privé d'eau.
  • En 2012, un accord entre les E.-U et le Mexique a néanmoins prévu d'attribuer au Mexique 195 millions de m cube d'eau en plus pour favoriser le retour de l'eau du Colorado dans son delta ! La gestion de l'eau peut donc être liée au développement durable et à l'environnement. La maîtrise et l'utilisation de l'eau repose sur plusieurs acteurs. Tout d'abord, il y a les acteurs publics en particulier les états. Ce sont les états qui assurent les investissements majeurs concernant les barrages, canaux... : 60% des investissements dans la production, la distribution et l'assainissement proviennent des états. Un exemple connu est la politique menée par Roosevelt au moment du New Deal dans les années 1930 avec le Tennessee Valley Authority Act et la création de l'entreprise Tennessee Valley Authority créée en 1933 avec comme objetcifs de créer des barrages sur le Tennessee pour créer des emplois, produire de l'électricité, attirer les entreprises comme celles liées à l'aluminium qui ont besoin d'eau pour produire. C'est l'état chinois qui a assuré et financé la construction du barrage des Trois Gorges. Au niveau local, les communes peuvent jour un rôle important dans la distribution des eaux et l'assainissement. Plusieurs villes françaises ont des régies municipales de gestion de l'eau comme Pau, Bayonne...
  • En 2005, la ville de Montréal a créé une direction de l'eau pour gérer les activités liées à l'eau. C'est une façon pour les communes de ne pas dépendre d'entreprises privées. Précisément, les entreprises sont des acteurs clés du secteur de l'eau. On peut préciser qu'il existe parfois des entreprises publiques de gestion de l'eau comme en France avec la Compagnie nationale du Rhône (actuellement elle repose sur un actionnariat public-privé). Quelques FTN jouent un rôle décisif sur le marché de l'eau comme les firmes françaises Suez, Veolia ou Bechtel une firme américaine... Veolia eau est une division de Veolia (anciennement Compagnie générale des eaux dont la création remonte à 1853) : Veolia est une FTN dont le chiffre d'affaires est supérieur à 22 milliards d'euros. Veolia eau est présente dans 77 pays notamment dans de nombreux pays européens mais aussi en Chine, au Japon, aux EAU, en Arabie saoudite et même aux E.-U. Le groupe Suez environnement a intégré en 1997 la Lyonnaise des eaux : elle dessert près de 20 millions de Français. Les entreprises privées peuvent assurer des missions de service public, missions déléguées dans le cadre d'un partenariat public-privé. Avant d'aborder les enjeux géopolitiques, il faut mettre l'accent sur les diverses pollutions concernant l'eau. 
  • Une partie de ces pollutions est d'origine agricole avec pollution des sols et nappes phréatiques (nitrates et phosphates, pesticides). On constate aussi le phénomène de salinisation de certains sols : 8% des terres irriguées sont concernées. D'autres pollutions sont d'origine domestique ou industriel. Si dans les états riches, les eaux usées sont collectées et traitées dans des stations d'épuration, c'est loin d'être le cas dans les pays émergents et surtout dans les pays en développement. 2,6 milliards d'individus en Afrique subsaharienne et d'Asie n'ont pas accès à l'assainissement. Enfin, il est utile de mettre en évidence une expression intéressante à savoir celle « d' accaparement de l'eau » soit une « situation dans laquelle des acteurs puissants, publics ou privés, peuvent prendre le contrôle ou réaffecter des ressources hydriques précieuses pour leur propre bénéfice » comme le rappelle Emanuele Bompan dans la revue Carto de 2017. On peut également souligner qu'existe (en théorie) une législation internationale concernant l'eau. 
  • L' Assemblée générale de l'ONU a défini l'eau et son accès comme un droit : elle est même un droit « essentiel pour la réalisation de tous les droits de l'homme. » Il existe également une Convention des Nations unies sur le droit relatif aux utilisations des cours d'eau signée en 1997 mais seulement 36 états ont procédé à la ratification de l'accord en question (les E.-U et la Chine n'ont pas signé). 
  • L'eau et sa gestion peuvent poser problème : l'eau est un enjeu géopolitique et fait aussi l'objet d'une gestion nécessaire pour préserver une ressource fragile. 40% de la population mondiale vit le long de rivières et/ou à proximité de bassins hydrographiques, 5 milliards de personnes vivent dans des pays partageant des eaux transfrontalières et 2 milliards de personnes partagent environ 300 systèmes aquifères également transfrontaliers. 
  • Ces chiffres sont essentiels pour comprendre l'enjeu géopolitique de l'eau. Dans un livre intitulé L'eau, géopolitique, enjeux,stratégies paru en 2008 Frank Galland affirmait : « la raréfaction des ressources en eau risque de changer bel et bien le cours de l'histoire, rendant inopérantes les initiatives de dialogue qui prévalaient jusqu'alors. » Mais pour Frédéric Lasserre et Alexandre Brun (Le partage de l'eau, une réflexion géopolitique 2018), « l'eau catalyse les tensions mais ne déclenche pas les guerres ». On peut toutefois parler d'un risque hydropolitique : un risque pouvant avoir plusieurs origines. Ce risque peut être en lien avec des frontières : en effet, des fleuves, des lacs peuvent servir de frontières entre deux états : ce type de frontières représentent d'ailleurs 32% des frontières continentales internationales (52% en Amérique latine, 34% en Afrique...). Des conflits ont déjà eu lieu pour le contrôle de ces frontières : une des raisons de la guerre Irak-Iran ayant eu lieu entre 1980-1988 portait sur le Chatt-el-Arab. En effet, le Chatt el Arab est une frontière entre ces deux états et sur ses rives se trouvent des ports importants comme le port irakien de Bassorah ou le port d'Abadan pour l'Iran. Saddam Hussein, le dirigeant irakien de l'époque, considérait que l'Irak avait des droits légitimes sur le Chatt- el- Arab. Entre 1989 et 1991, un conflit oppose la Mauritanie et le Sénégal : un conflit dont l'un des facteurs est le fleuve Sénégal qui délimite la frontière entre ces deux états. Une frontière, il convient de le rappeler décider par le colonisateur français qui n'a pas tenu compte du fait que des peuples vivaient sur les deux rives (Peuls, Wolofs, Maures...). 
  • Il existe des affrontements locaux pour l'eau comme le montrent F. Lasserre et A. Brun s'appuyant sur plusieurs exemples entre 1989 et 2016. 
  • En 1990, des violences intercommunautaires ont eu lieu tant au Kirghizstan qu'en Ouzbékistan sur le partage de l'eau dans la vallée de la Fergana ; entre avril 1999 et février 2001 des affrontements ont eu lieu au Kenya entre éleveurs nomades et fermiers sur l'utilisation de l'eau faisant plus d'une centaine de victimes ; le même type d'affrontements a eu lieu au Burkina-Faso en 2008 dans le sud-ouest de ce pays ... 
  • Les conflits dites locaux concernant l'eau sont bien réels et sont peut-être une illustration de ce qui pourrait advenir cette fois(ci entre états. Certaines tensions liées à l'eau sont liées à une concurrence pour cette ressource et donc à des facteurs naturels notamment dans des régions arides. Dans les régions où l'eau est rare, la concurrence est exacerbée que ce soit pour le contrôle des nappes phréatiques ou le contrôle et partage des fleuves. En effet, dans ce type de région, l'eau est fondamentale pour l'agriculture et l'irrigation, pour alimenter les pôles urbains... 
  • Le cas du Tigre et l'Euphrate entre la Turquie, la Syrie et l'Irak en est une illustration : le Tigre est un fleuve prenant sa source en Turquie, long de 1900 km et rejoint l'Euphrate en Irak pour former le Chatt- el- Arab. Le Tigre est exploité par l'Irak avec notamment le barrage de Samara et un canal rejoignant l'Euphrate. Ce dernier est long de 2 780 km qui prend sa source en Turquie, puis passe en Syrie et termine son cours en Irak. L' Euphrate est l'objet de tensions entre la Turquie, la Syrie et l'Irak notamment suite au projet en grande partie du GAP par la Turquie ( projet d'Anatolie du Sud-Est ou Güneydogu Anadolu Projesi). Le GAP consiste à construire 22 barrages avec en parallèle 19 usines hydroélectriques (19% de la production d'électricité du pays) tout en visant à irriguer 1,7 millions d'hectares de terres. Le projet devrait diminuer de 22 km cube le débit de l'Euphrate et du Tigre (le Tigre est aussi concerné par le GAP). Le principal barrage est le barrage Atatürk mis en service en 1992 qui a permis d'irriguer plus de 870 000 hectares de terres. Ce projet qui se situe dans la zone Kurde de Turquie a aussi pour but de développer le Kurdistan afin de mettre fin à la volonté d'indépendance des Kurdes. La Syrie et l'Irak pensent à juste raison que ces barrages vont leur être nuisibles : nous sommes en présence d'un problème de partage de l'eau. On retrouve un problème de partage et d'accès à l'eau entre Israël et l'Autorité palestinienne au niveau des nappes phréatiques mais aussi au sujet du fleuve Jourdain, un fleuve de taille réduite de 360 km avec un débit plutôt faible de 1,8 milliard de mètres cube. Le bassin du Jourdain concerne le Liban où il prend sa source, Israël, la Jordanie, la Syrie et l'Autorité palestinienne. L'eau du Jourdain s'inscrit notamment dans la logique du conflit entre Israël et la Palestine. Les différents états opèrent des prélèvements des eaux : la Jordanie dispose de 800 millions de mètres cube dont 50% proviennent des nappes phréatiques. 
  • La Jordanie a procédé à des aménagements comme des barrages sur des affluents du Jourdain ou la construction de canaux comme le canal de Ghor (parallèle au Jourdain) qui alimente la ville et capitale d'Aman. En Israël, les prélèvements sont de l'ordre de 2000 millions de m cube. On peut rappeler que la Cisjordanie aurait l'équivalent de 850 millions de m cube par an dont 615 pour ses nappes phréatiques. Israël utilise les eaux du Jourdain par le biais d'un aqueduc (National Weter Carrier) et surtout exploite les nappes phréatiques de Cisjordanie ce qui mécontente fortement les Palestiniens. L'un des problèmes est que la pression sur les ressources en eau s'accroît notamment en lien avec la croissance démographique et l'irrigation. Israël développe néanmoins des usines de dessalement d'eau de mer (Hadera, Ashkelon...). 
  • Il faut ajouter qu'un état comme la Jordanie est un état connaissant un stress hydrique. Dès 1919, Chaïm Weizman, leader de l'organisation sioniste mondiale avait affirmé que « tout l'avenir économique de la Palestine dépend de son approvisionnement en eau.» Dès 1953, les E.-U poussent les états de la région à négocier sur l'eau de crainte de conflits.En 1955, le plan Johnston prévoit un partage des eaux du Jourdain entre les pays de la région avec 52% des eaux du Jourdain destinées à la Jordanie, 31% à Israël, 10% à la Syrie, 3% au Liban mais cet accord est refusé par Israël. C'est en 1959 qu'Israël commence la construction de l'aqueduc du National Water Carrier afin de détourner les eaux du lac Tibériade. En 1967, suite à la guerre des 6 jours, les ressources hydrauliques de Cisjordanie et de la bande de Gaza ont été transféré à l'autorité militaire d'Israël. Parallèlement, Israël prend le contrôle du plateau du Golan au détriment de la Syrie, un plateau considéré comme un « château d'eau ». Le plateau du Golan représente désormais environ 20% de l'eau utilisée par Israël. Actuellement, les nappes d'eau de Cisjordanie fournissent environ 475 millions de m cube d'eau à Israël (25 à 30% de son eau consommée et 50% de son eau potable). Néanmoins, les accords d'Oslo de 1993-95 avaient prévu l'élection d'une Autorité palestinienne pour administrer l'eau et donc reconnu « les droits sur l'eau des Palestiniens ». On peut aussi signaler que la Jordanie et Israël ont signé un accord sur le partage des eaux du Jourdain. Néanmoins, les tensions demeurent entre Israéliens et Palestiniens. Ces derniers sont victimes de discriminations au sujet de l'eau : l'eau agricole utilisée par les Palestiniens est facturée au prix de l'eau potable ce qui n'est pas le cas des colons Juifs des colonies situées en Cisjordanie. 
  • Lorsque des Palestiniens veulent construire des puits, ils doivent demander l'autorisation d'Israël. L' Autorité palestinienne revendique un meilleur accès à l'eau. Quoiqu'il en soit le Jourdain est actuellement surexploité, une surexploitation qui a un impact fort sur la mer Morte dont le niveau ne cesse de baisser (une baisse liée également au climat). Ce fleuve transporte moins de10% de sa quantité d'eau de 1948. En 2013, Israël, la Jordanie et l'Autorité Palestinienne ont signé un accord pour la réalisation d'un canal mer rouge-mer Morte afin de revitaliser cette dernière. 
  • Un troisième exemple est le partage des eaux du Nil : un partage qui est un objet de tensions notamment entre l'Egypte et l'Ethiopie. « Les eaux du Nil (sont) un outil de développement convoité » comme l'affirment F. Lasserre et A .Brun. On peut rappeler que le barrage d'Assouan pour l'Egypte, un barrage inauguré en 1971 avec un lac de retenue immense (162 milliards de m cube) a joué et joue encore un rôle important pour l'Egypte dont il est un des symboles du développement. En 2011, l'Ethiopie a lancé un projet de construction d'un barrage sur le Nil, le barrage de la Renaissance (devant produire 6000 mégawatts soit trois fois plus que le barrage égyptien d'Assouan) qui doit être terminé au plus tôt en 2016-17 : un barrage dont le coût est évalué à plus de 4,8 milliards de $. Ce barrage doit notamment fournir de l'électricité et doit, pour l'Ethiopie, être un vecteur de développement. Or, l' Egypte voit ce barrage comme une menace pour son approvisionnement en eau sachant que le Nil joue un rôle clé dans l'économie égyptienne. On peut rappeler qu'en 1959, l'Egypte et le Soudan, suite à un accord, se sont partagés les eaux du Nil avec 55,6 milliards de m cube pour l' Egypte et 18 milliards de m cube pour le Soudan : les autres états ne devant se partager que 11 milliards de m cube soit 13% des eaux de ce fleuve.
  • En 1999, le Nile Basin Initiative a été créé remettant en question ce partage regroupant les pays riverains suivants : Ethiopie, Burundi, Kenya , Rwanda.... 
  • En mars 2015, l'Egypte, le Soudan et l'Ethiopie ont signé un accord sur la partage des eaux du Nil : la position égyptienne s'est donc assouplie. Les deux Soudan mais aussi le Kenya ou le Yemen sont intéressés par l'électricité que produira ce barrage et l'Egypte a obtenu que ce barrage ne modifierait sa part des eaux du Nil. 
  • Depuis 1959, la situation dans la région a changé avec un pays comme l'Ethiopie qui a connu et connaît une forte croissance démographique dont la population est supérieure à 101 millions d'habitants en 2016 (82 millions d'habitants pour l'Egypte et 38 millions pour le Soudan). L'Egypte considère le Nil et ses eaux comme essentiels surtout avec la croissance démographique (la population égyptienne devrait atteindre 125 millions en 2040). Le Nil sert notamment à assurer la sécurité alimentaire du pays. En fait tant pour l'Egypte que le Soudan ou l'Ethiopie, les eaux du Nil sont fondamentales pour nourrir une population toujours plus nombreuse. Dans les cas du Nil, du Tigre et de l' Euphrate, nous sommes dans une logique amont-aval qui rend la situation complexe et nécessitant dialogue et concertation. 
  • De façon générale, 21 grands bassins hydrographiques transfrontaliers sont sujets à des tensions : entre 1948 et 2008, 42 actions militaires ont eu pour origine l' hydrogéopolitique même si certains cas ont été réglés par des accords bilatéraux comme la gestion du fleuve Sénégal entre le Mali, la Mauritanie et le Sénégal. Pour limiter les risques de conflit au sujet de l'eau, en 2013, l'ONU avait fait de l'année 2013 « l'année internationale de la coopération dans le domaine de l'eau ». En 1997, avait été adoptée la Convention des Nations unies sur « le droit relatif à l'utilisation des cours d'eau internationaux à d'autres fins que la navigation » avec entrée en vigueur en 2014 mais seulement une trentaine de pays signataires (35 en l'occurrence) ont ratifié cet accord ce qui est très peu. Ce texte intéressant prévoit notamment que les pays en amont doivent gérer la ressource en tenant compte des pays en aval. Les conflits liés à l'eau peuvent faire l'objet de l'arbitrage d'institutions internationales comme la cour de Justice internationale de La Haye. En 1994 a même été crée un Conseil mondial de l'eau .
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