2/ Les transformations des territoires

France rural 1960

1/ Des territoires productifs transformés par les changements en cours


A/ D'une France rurale à une France industrielle et tertiaire 

 Des années 1945 aux années 1990-2000, la France a connu de profondes transformations y compris au niveau des territoires. A la sortie de la Seconde guerre mondiale, la France est avant tout rurale y compris dans ses territoires. Progressivement mais assez rapidement, les territoires se transforment avec le développement des territoires urbains et industriels. 

 a/ des territoires ruraux en mutations 

 En premier lieu, nous allons étudier les territoires ruraux et agricoles. Henri Mendras avait annoncé en 1967 « la fin des paysans » et une véritable révolution agricole s'est opérée. Parallèlement, l'industrialisation et le processus d'urbanisation ont grignoté les territoires ruraux. 
La révolution agricole que connaît la France a bien entendu des effets importants à savoir la diminution des exploitations agricoles : entre 1955 et 1993, le nombre d'exploitations passe de 2,3 millions à 800 000 pour atteindre 500 000 en 2004. La taille moyenne de ces exploitations a augmenté de 14 hectares en moyenne en 1955 à 42 hectares en 2000 et 55 en 2010. 
Parallèlement, l'agriculture est devenue plus productiviste. Cette révolution a donc modifié l'agriculture mais aussi les territoires sur lesquels elle s'exerce. 
La politique de remembrement a ainsi favorisé le développement de nouveaux paysages dits « d'openfield » avec la disparition de milliers de km de haies (500 000 kms de haies ont été détruites entre 1975 et 1987). Disparaissent également de nombreuses prairies naturelles laissant place à des champs cultivés, les cultures en terrasses notamment dans le Sud de la France. 

 -des territoires marginalisés 

  • La révolution agricole ainsi que le développement du productivisme ont conduit à la marginalisation de certains territoires et au phénomène de déprise rurale comme c'est le cas dans une partie du Massif- Central, les Pyrénées ou encore le Sud des Alpes. On note même dans ces espaces agricoles et ruraux, le développement des forêts.  Les régions de montagnes sont basées sur l'élevage mais un élevage plus extensif qu'il soit destiné à la viande ou la production laitière ou fromagère. 
  • Les exploitations sont de dimension plus réduites, ont plus de difficultés que les exploitations de grande taille d'autres régions. Il s'agit d'un type d'agriculture fragile et fragilisée obligeant certains exploitants à exercer une autre activité comme les activités liées au tourisme. 

 -des territoires dynamiques

  • Inversement, plusieurs territoires agricoles se sont adaptés à la révolution agricole, à la modernisation et ont su s'insérer dans le processus de mondialisation. Les plaines de la Beauce (Sud de Paris) ou de la Picardie (Nord de Paris) sont les symboles de territoires agricoles insérés dans la mondialisation. Il en est de même de territoires viticoles comme la vallée du Rhône, la région de Bordeaux ou encore la Bourgogne. Les régions de grande culture dont le « modèle » est la région parisienne fondent leur réussite sur de grandes exploitations modernes et mécanisées avec l'utilisation de nombreux intrants à savoir engrais, pesticides...). Il s'agit d'une agriculture ouverte sur les marchés extérieurs et exportant une partie notable des productions. Ces dernières sont des productions céréalières, de betteraves à sucre... Certaines régions d'élevage comme la Bretagne ou la Normandie sont aussi dynamiques reposant là aussi sur une agriculture productiviste avec des élevages industriels (voir la filière porcine en Bretagne). 
  • Ces régions sont également tournées vers les marchés extérieurs du moins en partie. Ces territoires dynamiques sont liées à une agriculture productiviste favorisée par l'état mais aussi par la politique agricole commune (PAC). 
  • Le productivisme et la recherche d'une productivité de plus en plus importante ont un impact environnemental avec des effets négatifs sur l'environnement notamment au niveau des nappes phréatiques. La Bretagne est un exemple de ce type d'agriculture. A la sortie de la Seconde guerre mondiale, la Bretagne est une région en retrait, peu urbanisée avec une agriculture peu moderne fondée sur une agriculture essentiellement familiale. Il faut donc transformer cette région et cette agriculture en une agriculture plus moderne et efficace.La politique de modernisation de cette agriculture aboutit à une agriculture bretonne plus efficace avec des rendements et des productions importantes. Cette agriculture modernisée ainsi que les industries agroalimentaires représente 8% du PIB de la région Bretagne.  On a ainsi parlé de « miracle breton ». Ce « miracle » repose sur une utilisation massive d'engrais, sur des exploitations modernes et industriels avec notamment des élevages hors-sol. 
  • L'agriculture bretonne s'est organisée en filières : filière agricole, filière porcine, filière lait... L'agriculture bretonne est devenue en partie industrielle.  Ce modèle breton a néanmoins des limites : des limites environnementales avec une pollution des eaux, la multiplication des algues vertes sur le littoral...  Les limites sont aussi économiques avec une agriculture tournée vers les marchés notamment européens or cette agriculture subit une concurrence forte, des cours en baisse et donc des filières ayant des difficultés. En 2012, le groupe Doux est placé en redressement judiciaire. 
  •  Bilan : typologie On peut donc dresser une typologie des territoires agricoles : des territoires obéissant à des logiques différentes:

 1/ Les régions agricoles dynamiques liées à de grandes cultures Picardie, Beauce, Champagne... Ces régions sont économiquement puissantes avec de grandes exploitations. 
Elles sont tournées vers les marchés internationaux. Ce sont des régions reposant sur une agriculture productiviste et intensive. 
 2/ Les régions d'élevage intensif Bretagne, Normandie Ces régions sont basées sur une agriculture moderne et intensive également tournées vers l'international.
 Elles peuvent connaître des difficultés liées à la baisse des cours et à la concurrence internationale. 
 3/ Les régions viticoles Bourgogne, Bordelais, vallée du Rhône, Alsace... Ces régions ont généralement su s'adapter à la mondialisation avec des vignobles prospères ayant développé une viticulture de qualité. Chaque vignoble a bien entendu ses spécificités. 
4/ Les régions de cultures plus spécialisées (horticulture, productions fruitières...) Vallée du Rhône, littoral méditerranéen Ces régions peuvent être assez dynamiques mais elles subissent une forte de concurrence de pays comme l' Italie ou l'Espagne 
5/ Les régions d'agriculture de montagnes Massif-Central, Pyrénées, Sud des Alpes Ces régions connaissent des difficultés et sont en déprise. Il s'agit d'agricultures fragiles. 

 b/ des territoires industriels également en transformations 

 Les territoires industriels sont également impactés par la mondialisation et ses effets. Ils sont de ce fait transformés et connaissent des évolutions. Pendant très longtemps, les activités industrielles en France étaient localisées dans le Nord de la France : du Nord à la Lorraine, dans le bassin Parisien ou encore la région lyonnaise. 
Les industries se localisaient en fonction de certains facteurs comme la proximité des ressources (mines charbon du Nord, mines de fer en Lorraine) ou encore la proximité de la main d'œuvre : le Nord, la Lorraine bénéficiaient de ces atouts. L'abondance de la main d' œuvre sur les régions parisienne et lyonnaise explique l'intérêt porté par les groupes industriels à ces régions. Néanmoins, on peut trouver des exemples d'implantations industrielles dans des zones rurales : des implantations qui sont des héritages historiques et familiaux comme Michelin à Clermont-Ferrand. Mais à partir des années 1960, des modifications territoriales apparaissent. Le développement de la logique fordiste aboutit à des différenciations territoriales entre des espaces où vont se concentrer les fonctions de commandement ou les fonctions dites stratégiques ( recherche, marketing, centre de direction...) et des espaces où se développent les fonctions de production. 
Le premier type d'espace nécessite une main d' œuvre qualifiée d'où la présence de ces fonctions dans les centres urbains alors que les fonctions de production peuvent être réalisées dans des régions où la main d' œuvre est bon marché. Cette logique explique le choix d'implantation dans l'Ouest : Citroën implante une usine à Rennes, Le groupe Renault au Mans, Moulinex s'installe en Normandie (dès 1937 à Alençon) à Saint Lô,Falaise ou dans la Sarthe et en Mayenne (Mamers, Villaines-la- Juhel). 
Parallèlement, la présence des axes et de voies de communication (autoroutes, aéroports...) devient un élément important dans le choix de localiser une entreprise. Les années 1970 voient l'importance grandissante des littoraux : les activités industrielles s'implantent de plus en plus sur les littoraux. 
C'est le cas des activités sidérurgiques, chimiques et pétrochimiques : se développent Fos-sur-Mer, l'étang de Berre (raffineries). Les zones industrialo-portuaires deviennent des zones majeures comme les ZIP du Havre ou de Dunkerque. Enfin, progressivement, le développement des nouvelles technologies (NTIC) reposant sur l'innovation conduit à une reterritorialisation industrielle avec le développement de pôles de l'innovation généralement à proximité des villes et des centres universitaires. 

-des territoires en recul voire en déclin 

  •  Plusieurs territoires sont en net recul et en difficultés comme le Nord-Pas-de-Calais, la Lorraine, la région de Saint-Etienne/Roanne. Elles sont depuis plusieurs années en reconversion. La Lorraine en est une illustration intéressante. Après la Seconde guerre mondiale et la période de reconstruction, la Lorraine est une région industrielle majeure fondée sur la sidérurgie : elle est même un des pôles sidérurgiques mondiaux. La sidérurgie s'était développé avec la Seconde révolution industrielle : la Société des hauts fourneaux et Aciéries de Pompey fournissait ainsi en 1887 plus de 8000 tonnes d'acier pour construire la tour Eiffel. A partir des années 1960, la sidérurgie lorraine subit de plus en plus la concurrence étrangère : elle est pénalisée par des coûts de production plus élevé par rapport aux concurrents asiatiques. Pour résister, les groupes sidérurgiques lorrains à savoir Sacilor et Usinor sont contraints de s'endetter : un endettement visant à moderniser le secteur afin d'être compétitif. Devant les difficultés, l'état, en 1977, décide de nationaliser le secteur sidérurgique en particulier les deux groupes en question. 
  • Mais la situation ne cesse de se dégrader avec de nombreux licenciements. Dans la région de Longwy, la Belgique, le Luxembourg et la France vont créer le pôle européen de développement mais ce n'est pas une réelle réussite. La région connaît donc des difficultés grandissantes renforcées par la fermeture des usines du groupe coréen automobile Daewoo implantées à Longwy et Fameck en 2002 : ces usines s'étaient installées au début des années 1980 après avoir reçu d'importantes aides de l'état (plus de 46 millions d'euros). La crise de la sidérurgie, le retrait de Daewoo font reculer le poids de l'industrie en Lorraine. Heureusement demeurent en Lorraine, une industrie du bois, de la chimie (6 000 salariés). Se développent la plasturgie et l'industrie pharmaceutique. En janvier 2005, pour aider à la reconversion de la région, le premier pôle métropolitain français voit le jour : il se nomme le Sillon lorrain avec les agglomérations de Metz, Nancy, Thionville et Epinal qui se constitue en 2011 en syndicat mixte. Parmi ses missions, il y a le développement économique du secteur et les liens à tisser avec les pays transfrontaliers (Luxembourg, Allemagne). 
  • Ont été créés des technopôles à Nancy et Metz : Nancy-Brabois à la fin des années 1970 où se sont installées des firmes comme Alcatel, Rhône- Poulenc, Schneider Electric mais aussi l'école nationale supérieur d'électricité et de mécanique... et Metz- Technopôle créé en 1984 (250 entreprises, 4500 étudiants) . 

 -des territoires insérés dans la mondialisation 

  •  Plusieurs territoires industriels sont insérés dans la mondialisation notamment les territoires liés aux métropoles. Ces dernières concentrent les entreprises de hautes technologies même si ce secteur ne concentre que 8% es emplois industriels. Les innovations permettent de dynamiser des territoires ce qui est le cas des technopoles ou des districts industriels (ou système productif locaux). Les districts industriels sont des districts en milieux ruraux avec des PME innovantes. La région de Cholet (le Choletais), la région d' Oyonnax, la région de Morez (Jura) ou la vallée de l' Arve en sont des exemples. 
  • Le Choletais dispose d'un tissu industriel intéressant de près de 6000 établissements dont 8% (PME) appartiennent au secteur industriel en particulier dans le domaine textile et de la chaussure. Oyonnax fonde sa réussite sur la plasturgie, Morez sur la lunetterie, la vallée de l' Arve sur le décolletage (façonnage de pièces métalliques) avec 600 entreprises dans ce domaine réalisant 2 milliards d'euros de chiffre d'affaires. Les technopôles sont des parcs scientifiques organisées sur le modèle du cluster de la Silicon valley et rassemblant des entreprises de fabrication ou de services dans les hautes technologiques. 
  • Le plus souvent ces technopôles se localisent à la périphérie des villes. (Une technopole correspond à une ville entière qui se consacre et se spécialise dans les hautes technologies. Ces technopôles sont organisées autour de plusieurs acteurs : entreprises, universités, centres de recherche). Elle émergent dès les années 1970 avec la création de Sophia Antipolis à Nice ou la zone d'innovation et de recherches scientifiques et techniques (ZIRST) de Grenoble (sur les communes de Meylan et Montbonnot) devenue Inovallée en 2005. En 2005, sont lancés les pôles de compétitivité au nombre de 71 dont Minalogic à Grenoble (nanotechnologies), Lyonbiopôle, Mont- Blanc industrie à Annecy (Décolletage), Medicen Paris Région, Cap digital Paris Région, ces deux derniers étant à vocation mondiale. 

 B/ Un territoire national plus cohérent 

 Le territoire français a longtemps, et il l'est encore partiellement, très déséquilibré avec un espace dominant à savoir la région parisienne. 

 a/ Paris et le « désert français » : une réalité de moins en moins vraie. 

 -Paris et sa région : un poids toujours essentiel 

  •  A la fin de la 2e guerre mondiale, Paris et sa région sont en position dominante à tous les niveaux : politique, économique, culturel... Ce poids et les déséquilibres qui en résultent sont mis en évidence dès 1947 par Jean-François Gravier dans un ouvrage intitulé : Paris et le désert français. Il met en évidence la macrocéphalie parisienne et un poids de Paris lié à l'histoire avec des pouvoirs dont la centralisation se renforce à partir du règne de Louis XIV... Entre 1946 et 1954, selon les départements de l'île de France, l'augmentation de la population allait de 8% à 20%. Dans le même temps, la population française augmentait de 5%. Après la guerre, la région parisienne concentrait déjà 30% des sièges sociaux des entreprises industrielles et commerciales du pays ainsi que 70% des personnes travaillant dans le secteur bancaire et boursier et 45% des personnes exerçant dans les assurances. En 1954, selon l'INSEE, la région île de France pour une base 100 avait un revenu disponible de 148 contre 104 pour la région Nord-Pas-de-Calais. 
  • Paris et sa région occupent encore dans les années 1990 une place essentielle puisqu'elle représente, en 1990, 27% du PIB français. Paris et la région île de France concentrent les activités de commandement (sièges sociaux de nombreuses FTN), les entreprises de hautes technologies... La région parisienne est de plus attractive pour les investisseurs étrangers (IDE) : en 1990, elle est bien entendu, la première région français au niveau de la réception des IDE. Il faut ajouter à cette puissance économique qu'elle représente en 1990 22% du revenu français (pour 18,8% de la population) : elle est donc la région la plus riche. Paris est également le symbole de la métropolisation : une métropolisation renforcée dans les années 1980- 90. 
  • Au cœur du système productif français, elle est aussi une métropole européenne majeure mais aussi une ville devenant une ville mondiale. Elle s'est affirmée comme une métropole complète et donc mondiale. 

 -mais des territoires dynamisés atténuant le clivage « Paris-Province »

  • Pourtant à partir des années 1950-60, le clivage « Paris-Province » s'atténue avec la mise en œuvre de politiques d'aménagement du territoire et le développement de plusieurs régions. Les politiques d'aménagement du territoire vont, au moins dans un premier temps, tenter d'atténuer le poids de Paris et de rééquilibrer le territoire. Elles sont mises en œuvre dans le cadre des plans. 
  • Ainsi, à partir de 1955, pour construire une usine, il est nécessaire d'obtenir un agrément administratif en cas de volonté d'implantation en région parisienne. 
  • Parallèlement, des incitations financières sont mises en place pour que des implantations d'entreprises se fassent en Province. La création de la DATAR (Délégation à l'aménagement du territoire et à l'action régionale) en 1963 renforce la politique d'aménagement du territoire. Il faut souligner qu'elle est sous l'autorité du 1er ministre.
  •  L'état et la DATAR vont mener des politiques afin de rééquilibrer le territoire notamment en développant les infrastructures de communication, les littoraux et leurs activités touristiques avec la création de stations balnéaires... 
  • Les années 1963-1975 sont donc marquées par d'importants programmes et de grands projets. L'aménagement de zones industrialo-portuaires en est une illustration. Il s'agissait de créer de nouveaux pôles de croissance économique hors de la région parisienne. Les ZIP de Dunkerque et de Fos sur Mer entraient dans ce cadre. La ZIP de Dunkerque est créée en 1963 et celle de Fos sur Mer en 1969 le long de l'étang de Berre (cette ZIP est gérée par le Grand Port de Marseille). Ces ZIP reposent sur de grands complexes industriels (industries lourdes avec chimie, pétrochimie...) et devaient permettre le développement des régions auxquelles elles appartenaient. 
  • A ces aménagements se sont ajoutés d'autres infrastructures comme le canal de Provence, du Bas-Rhône Languedoc... Ces politiques d'aménagement du territoire ont permis la création de 500 000 emplois entre 1954 et 1974 en province ce qui n'est pas négligeable. La crise va changer la donne des politiques d'aménagement du territoire. 
  • En effet, il s'agit avec la crise de lutter contre le chômage, de tenter des politiques de reconversion des régions en difficultés...
  •  Pour plus d'efficacité, en 1982, l'état a reconfiguré la politique d'aménagement du territoire en donnant aux collectivités locales plus de pouvoirs et par la création des contrats de plan état-région. 
  • Il faut ajouter le développement de politiques régionales européennes avec la création du Fonds européen de développement régional (FEDER). Les lois de 1982-83 de décentralisation confèrent des compétences nouvelles aux communes, départements et régions. Les communes, par exemple, vont désormais élaborer les plans d'occupation des sols (POS devenus depuis 2000 le Plan local d'urbanisme). Les régions avaient été créées en juin 1955 (les régions dites de programme au nombre de 22) mais elles n'avaient pas rôles véritables : pour cela, il faut attendre 1982-83. 

 b/ Un autre clivage atténué : le clivage des deux France : Nord/Sud 

 -des territoires en essor : l'Ouest et le Sud Le clivage de deux France, la France industrielle au nord d'une ligne 

  • Le Havre-Marseille et une France plus rurale et agricole au sud de cette même ligne s'atténue progressivement. On note des changements en faveur des régions de l'Ouest et du Sud du territoire national. Ces territoires, du moins une partie, sont devenus plus attractifs ce que confirme les données démographiques. En effet, ces régions bénéficient de flux migratoires avec des soldes migratoires égal ou supérieur à 0,3% par an en moyenne entre 1975-1990. Ces régions, économiquement, ont bénéficié des politiques d'aménagement du territoire et notamment de la décentralisation industrielle des années 1960 : c'est le cas notamment de la Bretagne.
  •  Ainsi, la firme Citroën a décidé de s'implanter à Rennes en 1958. Une première usine d'équipements automobiles avait été installée en 1954 mais c'est une nouvelle usine achevée en 1961 à Rennes qui dynamise la ville (elle est à l'époque considérée comme l'usine automobile la plus moderne d'Europe : 1000 véhicules sont produits chaque jour). L'industrie automobile a connu un essor important dans la région avec un réseau important de sous-traitants et d'équipementiers automobiles. En 1959, s'implante à Lannion (Côtes d'Armor), le Centre national d'études et de recherches en télécommunications (devenu depuis 2000 France télécom R & D). Cette implantation a permis le développement des NTIC dans la région notamment autour de trois pôles que sont Rennes, Brest et Lannion. 
  • De grands groupes se sont implantés dans cette région comme Thomson (à Brest), Alcatel (Lannion), Thalès ou Mitsubishi Electric (Rennes)... :la création du technopôle Rennes-Atalante en 1983-84 a renforcé cette dynamique: Thalès, Canon Mitsubishi, Texas Instruments y sont implantés. La Bretagne a bénéficié de la création d'infrastructures de communication grâce au plan routier breton lancé en 1969 se traduisant par une voie rapide gratuite reliant les principales villes bretonnes ainsi que d'une main d' œuvre bon marché à l'époque. Le Sud est également bénéficiaire du rééquilibrage du territoire. Ainsi, en 1969 est créé à Nice le technopôle de Sophia-Antipolis : plusieurs grandes entreprises vont s'installer dans cette zone comme Cisco Systems, Dassault Systems, Hewlett-Packard, IBM, les laboratoires Boiron... 
  • Des pôles urbains comme Toulouse et Montpellier connaissent aussi un essor remarquable. A Toulouse-Blagnac, le groupe Airbus (naissance officielle en 1970) s'est installé et a développé ses activités au début des années 1970 : la ville de Blagnac bénéficiait déjà d'un passé aéronautique avec la firme Sud-Aviation. Avec le développement de ces régions de l'Ouest et du Sud, certains évoquent même une « France inverse » (René Uhrich, La France inverse, 1987). Il faut nuancer ce propos : les régions dominantes sont toujours les régions île de France et Rhône- Alpes. 

 -des territoires transfrontaliers profitant de l'ouverture européenne 

  • Les régions frontalières connaissent aussi un essor surtout dans le cadre de la construction européenne : elles sont devenus des zones d'échanges et de contacts. Certains territoires frontaliers ont des atouts comme la proximité de la dorsale européenne, la proximité de régions riches et dynamiques comme le bassin rhénan en Allemagne... 
  • Ces territoires sont également bien desservis en axes de communications. Au début des années 1980, la CEE a favorisé la coopération transfrontalière mais ce n'est qu'en 1990 que la commission européenne met en œuvre les programmes INTERREG de coopération transfrontalière. Quoiqu'il en soit, des régions comme l'Alsace , la Lorraine... vont bénéficier de la dynamisation de ce type de territoires. La firme Sony s'implante en Alsace en 1986 à proximité du village de Bergheim (Haut-Rhin , à proximité de Colmar) 

 C/ Un territoire national reconfiguré 

Entre 1945 et les années 1990, le territoire national a évolué à la fois avec les politiques d'aménagement du territoire, les effets de la croissance puis de la crise. 

 a/ Des territoires actifs et insérés dans les processus en cours 

 Certains territoires sont dynamiques et parviennent à s'insérer dans le processus d'internationalisation et de mondialisation.

-métropoles et littoraux 

  •  Les métropoles concentrent les activités économiques et les fonctions de commandement : la France est un territoire qui n'échappe pas au phénomène de métropolisation. La tertiarisation de l'économie a renforcé ce phénomène. Le processus de mondialisation accentue aussi la métropolisation. Les métropoles ont de nombreux atouts : ce sont des marchés de consommation, elles bénéficient de multiples infrastructures de communication et de transport (axes autoroutiers, aéroports...).
  • La croissance urbaine ne profite pas à toutes les villes et métropoles. Dans les années 1990, elle a surtout profité à une dizaine d'aires urbaines dont Paris, Toulouse, Montpellier, Lyon, Nantes, Bordeaux, Nice... Les littoraux sont également des territoires dynamiques : les activités touristiques ou/et les activités industrielles participent à ce dynamisme. Là également, la littoralisation s'inscrit dans le cadre de la mondialisation. L'arc atlantique bénéficie de cette littoralisation. 

-des territoires dynamiques : territoires industriels, agricoles et tertiaire insérés dans la mondialisation

  • Plusieurs territoires sont dynamiques et s'insèrent dans le processus de globalisation qu'ils soient agricoles, industriels ou agricoles. Parmi les territoires dynamiques, on peut distinguer la région Parisienne, la région Rhône-Alpes, l'Alsace mais aussi l'Arc Atlantique et le Sud. La France dispose donc de territoires productifs assez performants et parvenant à s'adapter à la mondialisation. 

b/ Des territoires en difficultés 

 -des territoires industriels en déclin et en reconversion 

  •  Plusieurs territoires industriels sont par contre en déclin ou en reconversion. C'est le cas des anciennes régions industrielles comme la Lorraine ou le Nord-Pas-de-Calais. Ces régions sont depuis les années 1980 en reconversion. Le Nord-Pas-de-Calais entre dans ce cadre avec notamment la filière automobile et en particulier en 1997 avec la firme japonaise Toyota qui s'installe à Valenciennes. 

-des territoires agricoles enclavés 

  •  Plusieurs territoires agricoles sont également en difficultés étant notamment enclavés : une partie du Massif- Central, les Pyrénées, le Sud des Alpes.
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