2/ Tableau géopolitique du monde actuel

A/ Un monde de ruptures : le début du 21e siècle


En ce début de 21e siècle, le monde a fortement changé : il est devenu particulièrement instable et dangereux. Ceux qui affirmaient que le monde, avec la fin de la guerre froide, deviendrait apaisé se sont trompés : ce n'est pas « la fin de l'histoire ». Le début des années 2000 est particulièrement troublé avec des événements qui vont bouleverser les relations internationales et l’ordre mondial. 

a/ Des ruptures fondamentales changeant la donne mondiale et l’ordre international 

  • Plusieurs ruptures fondamentales ont eu lieu au début des années 2000 : des ruptures qui sont liées les unes aux autres. Le monde, du moins une partie de la planète, est devenu particulièrement instable. La première rupture est celle des attentats du World Trade Centrer du 11/09/2001 : ces attentats organisés par Al Qaïda sur le sol américain vont modifier la politique des E.-U. Ces attentats vont déclencher la double intervention américaine en Afghanistan en 2001 et en Irak en 2003 : deux interventions qui modifient profondément la situation au Moyen-Orient. Ce dernier va être profondément déstabilisé. Parallèlement, ces événements modifient la politique des Etats-Unis qui optent pour une autre politique fondée sur l’unilatéralisme, la définition d’un axe du mal (et d’états voyous) et la lutte contre le terrorisme. La seconde rupture est celle d'un terrorisme devenu mondialisé et du développement d'un islam radical devenu un acteur important de la géopolitique mondiale (voir plus bas). Une troisième rupture provient de DAECH (et d'un islamisme qui veut être territorialisé) et parallèlement des guerres civiles en Syrie et en Irak. Ces conflits ont généré et génèrent des mouvements migratoires de grande ampleur affectant les états frontaliers des zones conflictuelles (Jordanie, Liban, Turquie) et l'Europe. Le monde semble de plus en plus conflictuel et chaotique. Se sont développées notamment les tensions identitaires que ce soit au sein des états, des peuples : des tensions identitaires pouvant être liées à la religion, au politique...On relève, en effet, depuis la fin de la guerre froide une montée des nationalismes et des revendications identitaires nationales. 
  • Le nombre d'états a augmenté en lien notamment avec l'éclatement de plusieurs états : URSS, Yougoslavie, Tchécoslovaquie... des états qui se sont de ce fait décomposés. 
  • Les nationalismes et la question identitaire sont profondément instrumentalisés par des mouvements politiques afin de parvenir à leurs fins : les conflits en Ex-Yougoslavie en sont une illustration (guerre en Bosnie, problème du Kosovo). Mais les revendications identitaires ne sont pas que le fait de l'Europe : on retrouve ce type de revendications en Tchétchénie (région de Russie), au Rwanda, au Burundi... Ces revendications se retrouvent à l'intérieur des états avec le repli identitaire de certains mouvements politiques qualifiés de populistes comme le Front national en France ou les mouvements nationalistes en Flandres, en Italie du Nord, en Hongrie...
  • L’essor des populismes traduit bien le retour des nationalismes et les inquiétudes face notamment à la mondialisation et à la perte de certains repères comme les repères de l’identité nationale. Ces tensions identitaires peuvent être liées aux religions comme le prouvent le fondamentalisme chrétien aux Etats-Unis, l'utilisation de l'islam à des fins politiques comme en Iran ou encore les ultraorthodoxes juifs en Israël. La conflictualité du monde se retrouve avec le terrorisme et les réseaux terroristes. De nombreux attentats scandent la vie politique internationale et nationale : attentats de Madrid en 2004, de Londres en 2005, de Paris en 2015 sans oublier les multiples attentats ayant lieu en Irak, au Pakistan, en Inde, aux Etats-Unis... Enfin se sont développées ce que les spécialistes nomment les zones grises c'est-à-dire des territoires hors de contrôle d'un pouvoir politique légitime et reconnu. Dans plusieurs zones géographiques de la planète, les états sont dans l'incapacité d'assumer leurs fonctions régaliennes et d'asseoir leur légitimité. Ces territoires se retrouvent à différentes échelles:locales, régionales, nationales...
  •  Pour reprendre la définition de Gaïdz Minassian, les zones grises sont « un espace-avec ou sans clôture- de dérégulation sociale, de nature politique (autodétermination, séparatisme ou sanctuarisation) ou socio-économique (espace de criminalité, espaces déshumanisés, espaces désocialisés), de taille variable (...) essentiellement terrestre, parfois maritime, dépendant d'un état souverain dont les institutions ne parviennent pas-par impuissance ou abandon- à y pénétrer pour affirmer leur domination, laquelle est assurée par des micro-autorités alternatives ». 
  • En fait une zone grise peut être le résultat d'une volonté politique d'un groupe voulant faire sécession comme il peut être le résultat d'un groupe criminel (mafias, cartels de la drogue...). Dans le premier cas, il s'agit pour un groupe de se substituer au pouvoir en place ce qui n'est pas le cas dans le second type. On peut retrouver des zones grises à une échelle locale par exemples dans des quartiers (ghettos) mais aussi à une échelle plus importante à savoir au niveau régional. Le triangle d'or (Birmanie-Thaïlande-Laos) illustre ce type de zone grise : il s'agit d'un territoire contrôlé par des acteurs liés au trafic de drogue. Il en est de même en Colombie avec les cartels. Certaines guérillas sont également responsables de la formation de zones grises comme les FARC en Colombie, le mouvement zapatiste dans l'état du Chiapas au Mexique. Depuis quelques années, on évoque même des zones grises au niveau d'états avec les états faillis comme c'est le cas pour le Soudan ou la Somalie. Le Fund for Peace a mis en évidence 12 indicateurs pour évaluer si un état est failli ou non dont un mouvement massif de réfugiés, un cycle de violences intercommunautaires, de fortes inégalités de développement, un fort déclin économique, la perte de légitimité de l'état et sa criminalisation, les violations généralisées des droits de l'homme, un appareil de sécurité étant un état dans l'état... La Somalie et le Soudan ont malheureusement ces critères.

 b/ Les nouvelles lignes directrices des relations internationales

  • On peut dégager plusieurs lignes directrices de ce monde devenu plus complexe et instable. Première ligne directrice : des territoires très instables avec des états déstabilisés voire en perdition en Afrique. Ces territoires vont de la zone sahélienne au Pakistan : il s'agit de « l'arc des crises » avec des états d'Afrique du Nord en situation délicate comme la Libye, l'Egypte (échec en grande partie des Printemps arabes) ; une zone sahélienne déstabilisée (du Mali au Soudan) marquée par des conflits internes, la montée de l'islamisme et des interventions extérieures (intervention franco-anglaise en 2011 en Libye, intervention française au Mali en 2013). Cette déstabilisation de l'Afrique est également vraie au Nigeria notamment avec le groupe Boko Haram mais aussi dans la corne de l'Afrique avec la présence d'un état failli : la Somalie. D'autres états africains connaissent des situations difficiles comme le Burundi, la République démocratique du Congo (RDC). Dans ce contexte délicat, plusieurs états africains connaissent néanmoins une croissance économique réelle avec un état considéré comme émergent l'Afrique du Sud. Seconde ligne directrice : un Moyen-Orient toujours instable avec des rivalités exacerbées. Le conflit entre Israël et les territoires palestiniens n'est toujours pas réglé ; les guerres en Syrie et en Irak ont profondément impacté la région; le problème Kurde persiste, l'islamisme de plus en plus prégnant et les rivalités entre les puissances régionales importantes : rivalité Arabie saoudite/Iran notamment. Troisième ligne directrice : une Asie en fort développement mais aux tensions géopolitiques certaines. 
  • De nombreux états asiatiques connaissent un développement exceptionnel avec des états émergents comme la Chine, l'Inde ou les NPIA. La Chine s'affirme de plus en plus comme une puissance d'envergure mondiale. L' Asie n'est pas toutefois un continent complètement apaisé : les rivalités entre la Chine et le Japon, la Chine et l'Inde, la Chine et le Vietnam sont bien présentes (rivalités maritimes et territoriales). Il existe également des tensions internes comme aux Philippines, au Sri Lanka... Quatrième ligne directrice : une Amérique latine en forts changements. La plupart des états d'Amérique latine ont connu un processus de transition démocratique comme en Argentine, au Brésil, au Chili... et connaissent un développement économique certain. Les situations de plusieurs états se sont considérablement améliorées avec l'atténuation voire la disparition de guerres civiles comme au Pérou, en Colombie où la guerre avec les FARC est en passe d'être réglée. La dernière nouveauté est la nette amélioration des relations entre Cuba et les Etats-Unis. Cinquième ligne directrice : une Europe en difficultés. 
  • L' Union européenne semble de plus en plus désunie (problème des migrants par exemple) avec un Royaume-Uni sur le point de quitter l'UE (Brexit), une Grèce en situation économique délicate qui est, en plus confrontée au problème des migrants. L' Europe, c'est également des tensions très fortes en Ukraine et en Crimée, la montée des nationalismes et « populismes ». Il est intéressant de mettre l'accent sur l'arc de crises, cet arc allant du Maghreb au Pakistan et comprenant l'Afrique sahélienne et l'Afrique centrale. Les états composant cet arc cumulent les difficultés : guerres internes, corruption, mal développement, absence de démocratie et de respect des droits de l'homme... Plusieurs des états de cette zone sont des PMA avec donc un fort retard de développement et certains sont des états faillis (Failed States) comme la Somalie, le Soudan, l'Irak...

 c/ Vers une « nouvelle guerre froide » ? 

  • Pour plusieurs spécialistes dont Richard Haas, depuis quelques années le monde est devenu apolaire car aucun pôle n’est en mesure de dicter sa volonté au monde et donc de déterminer l’ordre mondial. Pour d’autres, le monde est multipolaire avec plusieurs pôles rivaux : Etats-Unis, Chine, Union européenne, Russie notamment. Aucun de ces pôles n’est en mesure de s’imposer aux autres. Est aussi évoquée une nouvelle guerre froide entre la Russie et l’Union européenne et les Etats-Unis. 
  • On pourrait aussi évoquer un nouveau monde bipolaire avec les E.-U et la Chine qui sont pour les Etats-Unis la puissance confirmée et pour la Chine la puissance ascendante comme le montre Graham Allison dans son ouvrage : Vers la guerre ? Le piège de Thucidyde.
L'Inde et la Chine, des puissances en pleine essor.

B/ Les nouveaux acteurs d'un monde complexe


Dans ce monde complexe, nous allons mettre l'accent sur quelques acteurs à savoir les états émergents mais également les acteurs qui contestent la logique à la fois mondiale et occidentale. 

a/ Des états émergents qui modifient la donne géopolitique et économique

  • Plusieurs états changent la donne économique mondiale avec les états dits émergents. Ces états émergents qui en même temps s'affirment comme puissances régionales voire mondiales ont modifié les équilibres mondiaux. Il faut préciser que la notion de « pays émergent » (ou « d'économie émergente ») reste assez vague. Pour le spécialiste de l'Inde qu'est Christophe Jaffrelot, un pays émergent est un état connaissant une croissance économique importante et durable alors que la situation initiale du pays était difficile, c'est un état stable et qui intervient dans l'économie et enfin c'est un état qui entend être présent sur la scène internationale. L'historien Claude Chancel a mis en évidence plusieurs éléments permettant le décollage économique : l'état, l'éducation, l'entreprise, l'épargne et l'exportation (les cinq « E »). 
  • Pour les économistes, un état émergent est un état à la croissance très élevée, un état qui sort du mal développement. Dans cette catégorie, on retrouve des états comme les BRICS mais aussi sont classés comme émergents des états comme la Turquie, l'Argentine, le Chili, le Mexique, l'Indonésie, la Malaisie voire le Maroc. Les différentes classifications montrent en fait un ensemble plutôt hétérogènes de pays qui n'ont pas les mêmes caractéristiques, les mêmes atouts : des états comme la Malaisie ou l'Indonésie sont davantage des états ateliers que des pays émergents. En fait, la première apparition du terme émergent date de 1981 lorsque des analystes financiers ont utilisé l'expression de « marchés émergents ». La Chine, la Russie, l'Inde, l'Afrique du Sud ou le Brésil sont les états émergents qui bouleversent la géopolitique mondiale. Ces états, même si ils ont des différences et conduisent des politiques qui ne sont pas identiques, ont la volonté d'imposer un nouvel ordre mondial tenant compte de leurs intérêts.
  •  De plus chacun des ces états entend avoir sa sphère d'influence et se donne les moyens de la développer. La Chine veut être la puissance majeure en Asie orientale, l'Inde compte être la puissance dominante de l'Asie du Sud, le Brésil entend être la puissance sud-américaine sur laquelle il faut compter, l'Afrique du Sud entend être la puissance majeure du continent africain et la Russie veut non seulement garder sa sphère d'influence en Europe orientale mais entend retrouver son rang de grande puissance mondiale capable d'agir sur la scène mondiale. Le Brésil est la puissance économique majeure d'Amérique du Sud tout en étant le pivot d'une association régionale qui est le Mercosur. Le Brésil est aussi à l'initiative de la création de l'UNASUR en 2008. C'est un état qui est incontestablement une puissance économique notamment agricole (2e producteur au monde de soja) mais qui a aussi une industrie performante avec des FTN comme Petrobras ou Embraer (aéronautique). Néanmoins, le Brésil reste un état très inégal avec des inégalités sociales et territoriales. Il n'est pas encore en mesure de s'affirmer comme une puissance complète. 
  • L' Union indienne est certes considérée comme émergente avec des firmes performantes comme Mittal, Tata motors et des secteurs dynamiques comme l'informatique : elle est même considérée comme le « bureau du monde ». Néanmoins, c'est aussi un état miné par de fortes inégalités et qui n'a pas encore les moyens de ses ambitions. L' Afrique du Sud est bien un état dominant en Afrique mais il n'est que la 29e puissance mondiale. Son influence en Afrique australe est réelle mais ne va guère au delà. Par contre, la Russie et la Chine sont dans des logiques différentes. La Russie est une puissance militaire certaine et dispose de plusieurs atouts dont des richesses en hydrocarbures, une superficie exceptionnelle lui conférant une présence tant en Europe qu'en Asie. Ce pays mène de plus une politique de puissance et inspire une certaine crainte comme le montrent ses interventions en Ukraine (annexion de la Crimée, contrôle indirect de l'est de l'Ukraine), en Syrie où elle appuie les forces de Bachar el Assad. La Russie est de plus (comme la Chine) membre du conseil de sécurité de l'ONU ce que ne sont ni l'Inde, ni l'Afrique du Sud, ni le Brésil : elle a un réel poids politique et diplomatique. Enfin, le cas le plus intéressant est probablement celui de la Chine : elle est devenue la seconde puissance économique mondiale derrière les E.-U., elle est le premier créancier de la planète, dispose du second budget de la défense au monde... 
  • Les FTN chinoises sont de plus en plus présentes avec 98 TFN chinoises dans les 500 premières FTN mondiales en 2015. La Chine se pense et agit comme une puissance mondiale avec une sphère d'influence et une concurrence géopolitique avec les Etats-Unis. Ces pays émergents ont tissé des liens entre eux et ont développé des politiques communes. Surtout, ils participent activement à la mondialisation et sont des acteurs devenus incontournables de la géopolitique mondiale. Ils sont en effet des états moteurs de la mondialisation et de la croissance : le PIB cumulé des BRICS correspond à celui de l'Union européenne et des E.-U. La création par ces états du G 20 montre leur volonté d'être présents sur la scène économique mondiale. 

 b/ Des acteurs qui contestent la logique mondiale des puissances établies 

  • Certains acteurs contestent la logique mondiale notamment la puissance et la domination des E.-U mais aussi la mondialisation telle qu'elle se déroule. Parmi les acteurs qui contestent l'ordre mondial, on retrouve les mouvements islamistes comme Al Qaïda ou l'état islamique en Irak et au Levant. Ces mouvements, tout en utilisant les moyens technologiques modernes liés à la mondialisation, rejettent la domination américaine et occidentale et souhaitent bâtir un nouvel ordre politique et social au moins dans leurs régions d'origine ( volonté d'instaurer un califat pour DAECH). 
  • Le monde et les valeurs occidentales notamment celles liées aux droits de l'homme et à la démocratie sont rejetées. On peut toutefois faire remarquer que ces mouvements s'inscrivent dans la globalisation notamment parce qu'ils utilisent certains de ces vecteurs : médias, NTIC et qu'ils diffusent un message se voulant « universel ». D'autres acteurs, nous y reviendrons ultérieurement, souhaitent quant à eux une autre mondialisation : ce sont les mouvements altermondialistes. Ce qu'ils refusent, c'est la mondialisation libérale qui génère de profondes inégalités à la fois entre états et entre catégories sociales.

 c/ L'islamisme : une dimension incontournable de la géopolitique mondiale 

  • L’islamisme est devenu une clé de lecture fondamentale à saisir des relations internationales. Il s’agit d’une idéologie politique et religieuse visant à instaurer la loi coranique (Charia) dans les pays musulmans. Le terme islamisme est utilisé par des spécialistes notamment des politologues à la fin des années 1970 pour désigner un courant de l'islam, un courant politique et religieux qui émerge à la fin des années 1920 avec les Frères musulmans, se développe à partir des années 1970-1980. Il permet d'éviter les emplois des termes fondamentalistes et intégristes réservés respectivement aux mouvements très conservateurs protestants et catholiques. Il s'agit donc d'un islam politique articulant et transformant le politique et le religieux. Cet islam politico-religieux vise à « réformer » notamment les sociétés musulmanes (ce qu'on nomme en arabe l'islah : la réforme). L’islamisme est à lier au Salafisme sachant qu’il existe plusieurs courants salafistes. On peut distinguer un courant majoritaire relevant du salafisme quiétiste qui souhaitent changer les habitudes des musulmans par la prédication (al-dawa) et l'éducation.
  •  Il existe un salafisme politique que Nabil Mouline identifie comme une « hybridation des doctrines wahhabites et des aspirations politiques des Frères musulmans ». Les salafistes politiques sont à l'initiative de partis politiques, d'associations diverses (caritatives, syndicats...). Ce salafisme politique souhaite accéder au pouvoir notamment par les élections comme l’ont fait les Frères musulmans en 2013 en Egypte avant d’être chassé du pouvoir par l’armée égyptienne. Enfin le troisième type est le salafisme djihadiste, une hybridation entre les « doctrines wahhabistes et les idées de Sayyid Qutb , un salafisme qui prône le djihad contre ses ennemis dont les figures majeurs sont Al Qaïda et DAECH.

Bilan:


1/ Hiérarchie des puissances économiques, mondialisation sélective et défis du 21e siècle 

  • Jusqu'à la fin du 20e siècle, on peut parler d'une « Triad Power » pour utiliser l'expression de Kenichi Ohmae, l'auteur japonais. En effet, trois pôles dominait l'économie mondiale : l'Amérique du Nord, l'Europe de l'Ouest et le Japon. Depuis une vingtaine d'années, ce « Triad Power » est de moins en moins vrai avec des périphéries qui se sont dynamisés à savoir les NPIA et les pays émergents en particulier la Chine. La Triade a longtemps dominé par des FTN, une polarisation du commerce mondial, le contrôle de la finance mondiale et une domination technologique quasi sans partage. Actuellement, de plus en plus de FTN performantes appartiennent à des états émergents, la Chine est devenue le 1er créancier de la planète devant le Japon et une partie du retard technologique a été comblé par certains états. La mondialisation a généré une Nouvelle division internationale du travail (NDIT) qui a fini par profiter à certains états et territoires comme les états d'Asie orientale. Ces derniers ont su utilisé des stratégies de développement efficaces comme la stratégie du vol d'oies sauvages, une stratégie calquée sur le Japon des années 1950-60. L'essor des pays d'Asie se traduit à plusieurs niveaux : ils sont de plus en plus compétitifs, sont les moteurs de la croissance mondiale et symbole de cet essor, ils disposent désormais d'une classe moyenne importante, vectrice de croissance. Dès lors, on assiste à un rééquilibrage de l'économie mondiale à tel point que certains évoquent un « retour des Suds » mais il faudrait préciser de certains Suds comme la Chine ou l'Inde ou d'un basculement de l'économie mondiale vers l'Asie-Pacifique.
  •  On peut dresser une typologie des puissances économiques avec en premier lieu, les pôles et territoires centraux de la mondialisation qui sont encore, peut-être pour peu de temps, les états de la triade. Le Japon, les E.-U et l'Union européenne sont toujours les pôles économiques et commerciaux majeurs de la planète ; leur avance technologique est encore vraie et ils restent dominants dans les secteurs de la recherche et de l'éducation. Les NPIA peuvent être ajoutés à la triade En second lieu, les puissances émergents. Toutefois, tous les états émergents ne sont pas sur le même plan : la Chine est incontestablement la puissance émergente par excellence : on peut même parler de puissance émergée. Ces puissances émergentes connaissent une forte croissance mais ne peuvent pas encore rivaliser sur de nombreux plans avec les états cités plus haut. De plus, ils connaissent des déséquilibres internes importants. 
  • La mondialisation est de fait sélective avec des territoires gagnants et des territoires perdants, des territoires intégrés et des territoires marginalisés. Les différences entre les territoires se font par l'intensité des flux et des échanges mais également par l'insertion dans la NDIT et les activités économiques. Certains territoires bénéficient de la croissance des différents flux : flux de marchandises, de capitaux, flux humains (tourisme)... Parmi les territoires insérés dans la mondialisation par les flux, on peut mettre en exergue les littoraux qui sont les interfaces essentiels de la globalisation et ce quelque soit le pays. Autre type de lieux majeurs de la mondialisation, les hubs aéroportuaires et les zones portuaires : ils sont des éléments incontournables des échanges. Troisième type de territoires, les territoires et espaces frontaliers (pas tous néanmoins) qui sont des espaces d'échanges et de transit des flux. On peut faire remarquer que certains territoires sont particulièrement liés aux échanges et au commerce mondial : c'est le cas de nombreux territoires agricoles comme les grandes plaines des E.-U., les fronts pionniers au Brésil ou encore les grandes plaines du Nord de la France qui sont tournées vers les exportations agricoles et structurées autour de filières agroalimentaires mondialisées. Il en est de même de nombreux territoires touristiques : la Thaïlande, les îles Maldives, Seychelles... dépendant fortement des flux touristiques. 
  • Parmi les territoires particulièrement liés aux échanges, il faut citer les zones franches quelque soit leur nature mais également les zones grises de la globalisation, ce que le géographe français, Roger Brunet appelle l' « antimonde ». Les zones grises sont par nature connectée aux flux mondiaux en l'occurrence des flux le plus souvent illégaux : c'est le cas des paradis fiscaux, des zones liées aux trafics de stupéfiants, d'armes... Par contre, certains territoires sont moins connectés par les flux : ce sont les territoires trop enclavés que sont certaines zones rurales, des zones de montagnes ou à une autre échelle, les quartiers les plus défavorisés des métropoles. Les territoires gagnants ou perdants le sont aussi par leur intégration dans le système productif mondial. Certains espaces et territoires sont particulièrement moteurs dans la globalisation comme les territoires liés aux services et à la finance. Ainsi, les grandes métropoles et particulièrement leurs centres des affaires (CBD) font figure de territoires très intégrés à la globalisation parce qu'ils disposent des bourses et places financières donc des institutions financières (banques, assurances, fonds de pension), concentrent les sièges sociaux des FTN, les centres de recherche... Sont également bien intégrés les territoires de l'innovation, les zones franches et, à un degré différent, les territoires ayant bénéficié des délocalisations de firmes : en effet, ces territoires sont attractifs pour les entreprises pour des raisons diverses ce qui les dynamise et les intègre au processus de globalisation. Par contre, il existe des territoires peu insérés dans la mondialisation car ne pouvant s'appuyer sur un système productif et la présence d'entreprises : territoires de montagnes, territoires désertiques... 
  • Le monde est confronté à plusieurs grand défis de nature très différente. Certains défis sont politiques et géopolitiques comme le terrorisme, la place de la religion dans les sociétés contemporaines, les identités qu'elles soient nationales ou autres, le cyberespace, le contrôle des espaces maritimes... D'autres défis sont économiques et sociaux comme le défi des inégalités, du développement pour certains états, du maintien de la croissance pour d'autres... Enfin, il existe des défis sur lesquels nous reviendrons comme les défis environnementaux, du développement durable, de l'eau et de son partage, de l'énergie, de la croissance démographique sans oublier le défi de la mondialisation, une mondialisation qui suscite de multiples débats.

2/ Quelques« affaires régionales » (Pascal Boniface) depuis les années 2000

  • Les Etats-Unis : Les deux mandats de Georges W.Bush (2000-2008) ont marqué une rupture forte dans la politique extérieure américaine en lien avec les attentats du 11/09/ 2001. Les Etats-Unis ont pratiqué une politique unilatérale fondée notamment sur la lutte contre le terrorisme. C’est à partir de ces années que le budget de la défense des E.-U ne cesse de croître : 280 milliards de $ en 2001, 450 milliards en 2004 et plus de 735 milliards de $ en 2019. Ces années Bush sont marquées par plusieurs interventions militaires dont celles en Afghanistan en 2001 et en Irak en 2003 avec notamment la volonté de reconfigurer le Moyen-Orient. Les mandats de Barack Obama (2008-2016) sont aussi un tournant notamment avec la nécessité pour les Etats-Unis d’un « pivot asiatique ». Il s’agit pour les E.-U de mettre en avant une politique plus tournée vars l’Asie (au détriment de l’Europe) dans la perspective notamment de contrer l’essor de la Chine. 
  • Ce nouveau positionnement des Etats-Unis est également liée au fait que l’économie mondiale a basculé vers l’Asie. Pendant la présidence Obama on note aussi un certain repli des E.-U comme le montre en 2011 le retrait d’Irak des troupes américaines. On évoque une hégémonie discrète des E-U (Revue Questions internationales 2013). La présidence Trump est une rupture avec un président souhaitant rendre l’Amérique plus forte par une repli plus accentué marqué par une volonté protectionniste. Les E.-U de Trump, c’est également la volonté de contrer la puissance chinoise mais également le rejet du multilatéralisme. 
  • Trump était hostile au multilatéralisme et aux « contraintes » liées aux organisations internationales d’où le retrait des accords de Paris de 2015 (Cop 21), de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) ou encore l’arrêt des négociations avec l’UE en vue d’élaborer une vaste zone de libre échange (Traité transatlantique). L’élection récente de Joe Biden est un retour à un certain multilatéralisme avec la réintégration des E.-U dans les accords de Paris sur le climat, dans l’OMS, une volonté de rapprochement avec l’Union européenne... Néanmoins, L’administration Biden a comme l’administration Trump conscience des problèmes posés par la Chine. L’Union Européenne Au début des années 2000, l’Union Européenne était dans une dynamique positive avec des élargissements importants notamment ceux de 2004 où l’UE passe de 15 pays membres à 25. Mais depuis les années 2005 après l’échec du traité Constitutionnel, la construction européenne est en panne. Surtout on peut évoquer une UE en crise avec la crise des migrants de 2015 dont les effets ont été délétères entre les Etats membres, le Brexit qui marque un recul de cette construction... On s’interroge désormais sur l’impuissance de l’UE, une impuissance accentuée par la crise sanitaire actuelle. L’UE semble peu capable de réellement peser dans l’ordre mondial, un ordre semblant se structurer autour d’un axe E-U/Chine. 
  • La Russie Depuis l’arrivée au pouvoir de Poutine en 2000, la Russie fait un retour remarqué sur la scène internationale. La Russie mène une politique de puissance avec la volonté de contrôler son étranger proche (les anciennes république soviétiques) d’où des interventions récurrentes : en Géorgie en 2008, en Ukraine en 2014 avec l’annexion de la Crimée... Poutine veut faire de son pays une puissance incontournable (on évoque une tentation impériale). D’ailleurs, la Russie est devenue un acteur majeur au Moyen-Orient avec le soutien apporté depuis 2011 ) à Bachar el Assad en Syrie ou encore sa présence en Libye. La Russie de Poutine a des relations difficiles avec l’UE et c’est de ce fait davantage tournée vers la Chine. L’Asie (Chine et Inde notamment) L’Asie connaît un essor économique remarquable et est devenue une région motrice de l’économie mondiale et du processus de globalisation. Dans cette partie du monde, un pays s’est imposé à savoir la Chine.
  •  Cette dernière est tout simplement la seconde puissance mondiale et ambitionne par le biais de Xi Jinping de devenir en 2049 la première puissance mondiale. Elle s’est affirmée sur le plan économique et commercial mais aussi sur le plan géopolitique. Son projet des Routes de la Soie (One Betl, One Road) traduit une forte ambition à la fois économique et géopolitique puisqu’il s’agit de tisser des liens entre la Chine, l’Asie centrale, le Moyen-Orient et l’Europe. La Chine est engagée dans une rivalité de plus en plus forte avec les Etats-Unis à telle enseigne qu’on évoque une nouvelle logique « bipolaire » qui se dessine. Un autre pays asiatique est ambitieux : l’Union indienne. L’Inde est une puissance émergente qui entend se poser en rival de la Chine mais sans en avoir pour le moment les moyens. On peut signaler que l’Inde s’est rapprochée des Etats-Unis : les deux pays ont des intérêts communs en particulier le même rival : la Chine.
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