3/ La mondialisation en débats

A/ La mondialisation libérale : une mondialisation qui pose problèmes


a/ Une mondialisation qui pose problème 

  • La mondialisation que certains comme Alain Minc ont vu comme une « mondialisation heureuse » ne profite pas, loin de là, à tous : le développement reste inégal avec une pauvreté encore très présente et ce à différentes échelles : mondiale, régionale, nationale ou locale. La part de la population vivant en dessous du seuil de pauvreté fixé à 1,25$ par la Banque mondiale est d'environ 17 à 18% de la population mondiale. Certaines zones géographiques sont particulièrement concernées comme l'Afrique subsaharienne où environ 47% de la population est considérée comme pauvre et l'Asie du Sud où cette part s'élève à 31,5%. Surtout 50% de la population mondiale vit avec moins de 2$ par jour. 
  • Certes, on note des progrès économiques certains à l'échelle mondiale impactés au processus de mondialisation qui favoriserait le développement économique mais la pauvreté et l'accès à des biens jugés essentiels comme l'eau potable, l'éducation sont loin d'être atteints pour tous. Dans plusieurs états la part des individus vivant avec moins de deux dollars par jour reste trop importante comme au Bangladesh où elle est de plus de 30% (en 2010), de 44% au Rwanda (2014)... On constate un accroissement des inégalités y compris dans les pays riches de l'OCDE. En 2015, les revenus des 10% les plus riches sont, en 2015, 9,6 fois plus élevés que celui des 10% les plus pauvres. Dans les années 1980, les revenus n'étaient que 7 fois plus élevés. 
  • Selon une étude d'Oxfam au niveau mondial, les 1% des plus riches posséderont plus les 99% restants. Aux Etats-Unis, au début du 20e siècle, environ 50% du revenu total étaient contrôlés par 10% de la population or en 2012, 10% des plus riches contrôlent encore plus de 48% du revenu total (voir l'étude de l'économiste Thomas Piketty) comme quoi les choses ont peu changé. La mondialisation qui s'est accélérée depuis les années 1980 ne paraît pas avoir permis de réduire les inégalités entre les pays de la planète. Certes la croissance des pays en développement est forte mais elle est inégale sachant que pour les pays les plus pauvres (PMA), la situation est compliquée. On sait que les gains de l'explosion du commerce mondial ne profitent pas à tous les états et les investissements à l'étranger ne sont pas équilibrés et profitent à certains : la mondialisation est bien inégale. Les inégalités internes s'accroissent comme c'est le cas aux Etats-Unis où depuis plus de 20 ans, les revenus des 50% les moins riches ont stagné ou régressé alors que ceux des 10% les plus riches ont explosé. 
  • Ces inégalités internes se retrouvent y compris dans les états émergents qui connaissent une très forte croissance profitant, en théorie à tous mais plus particulièrement aux plus riches et partiellement aux classes moyennes. De façon plus générale, le processus de mondialisation est à l'origine d'un système se voulant mondialisé mais fortement inégal et polarisé et qui, de fait, n'est pas véritablement global puisque certains états en sont grandement exclus. Cette mondialisation pose également un problème environnemental puisqu'elle repose sur un système économique qu'est le capitalisme avec une idéologie libérale qui l'imprègne conduisant à une société fondée sur la recherche effrénée de la croissance et une consommation devant sans cesse tirer ladite croissance or ce système a des effets pervers sur l'environnement. La mondialisation peut donc être également vue comme un problème dans la gestion environnementale de la planète.
  • Enfin, pour certains, la mondialisation pose un autre difficulté : elle serait un processus conduisant à l'impuissance des états voire à leur inutilité ainsi qu'une dissolution de la nation. Les nations perdraient leurs identités dans un monde uniformisé avec une uniformisation culturelle destructrice des identités locales et particulières. 

 b/ La contestation de la mondialisation libérale

  • Il faut avant tout rappeler plusieurs éléments concernant le libéralisme et les évolutions du capitalisme. Le libéralisme en tant qu'idéologie politique et économique est fondée sur l'importance accordée aux libertés individuelles, à la propriété privée comme fondement du système ainsi que sur l'initiative privée des individus. Sur le plan purement économique, le libéralisme est fondée sur une conception morale héritée d'Adam Smith selon laquelle ce sont la somme des intérêts égoïstes des individus qui permet le bon fonctionnement des économies. Tout individu agit dans son intérêt propre mais la somme des ces actions individuelles facilite l'intérêt général. Les intérêts personnels des individus et les intérêts de la société vont dans le même sens. La recherche du du profit et de son intérêt personnel concourent au progrès. C'est par les échanges entre individus que l'économie peut fonctionner, un fonctionnement assuré selon A. Smith par « une main invisible » permettant l'adéquation entre l'offre et la demande. Dans cette optique, il n'est pas besoin d'un état interventionniste et régulateur. Le capitalisme est un système de production fondé sur plusieurs éléments : la propriété privée des moyens de production, la liberté du marché... 
  • Le capitalisme a évolué avec plusieurs types : on considère que ce système économique et social émerge véritablement lorsque des financiers, des producteurs et des marchands deviennent des acteurs clés de l'économie avec la capacité d'unifier les marchés. Les spécialistes font démarrer le processus en Europe dès la période médiévale avec l'essor des grandes cités de commerce que ce soit les cités de la Hanse comme Hambourg, Lübeck..., italiennes comme Venise ou Gênes ou encore les villes flamandes comme Anvers. Dans ces cités se forme une véritable bourgeoisie financière et commerçante qui accède progressivement au pouvoir et finance les monarchies. Les Grandes Découvertes accélèrent le processus avec la formation de réseaux de commerce à grande échelle et les premières firmes d'importance comme la Compagnie néerlandaise des Indes orientales créée en 1602 ou la Compagnie britannique des Indes orientales créée en 1600. Pourtant, c'est généralement au 17e siècle qu'on considère la naissance d'un capitalisme moderne notamment autour de la ville d'Amsterdam.
  • En effet, à Amsterdam ce sont des marchands qui constituent et structurent un véritable état qui devient une puissance économique et politique majeure sous le nom de Provinces-Unies. Il s'agit d'une République bourgeoise organisée autour d'une économie marchande avec une Bourse, des banques, une firme internationale déjà évoquée. C'est le temps du capitalisme marchand. Une étape fondamentale dans le développement du capitalisme est la Première révolution industrielle. En effet, le capitalisme entre dans une phase de modernité accélérée avec de nouvelles méthodes de production, une industrialisation rapide, le développement de firmes industrielles... Dans ce capitalisme industriel, l'état joue un rôle important avec des législations mises en places qui lui sont favorables, le développement d'infrastructures de transport facilitant les échanges ou dans le protectionnisme. A la fin du 19es-début 20es, ce capitalisme commence à s'internationaliser davantage : une internationalisation renforcée avec la Seconde révolution industrielle. Se développe donc un capitalisme industriel avec de grandes firmes, les firmes multinationales, le poids grandissant des places boursières où sont cotées les actions des entreprises... 
  • Après la seconde guerre mondiale, ce capitalisme perdure basé sur le modèle fordiste. Il s'agit aussi d'un capitalisme plutôt régulé avec la création d'organisations régulatrices de l'économie comme le FMI ou les accords du GATT. Si le capitalisme américain est très axé sur les entreprises et l'initiative privées, dans le capitalisme européen, l'état reste présent par le biais du Welfare state ou des entreprises publiques comme en France (Nationalisations des années 1944-46). Dans les années 1945-1970 à ce capitalisme industriel se greffe une économie de plus en plus internationalisée bien que les grandes firmes restent encore très « territorialisées ». Mais dans les années 1980, le capitalisme, évolue notablement avec une financiarisation importante de l'économie à telle enseigne qu'on parle depuis d'un capitalisme financier où les banques, les fonds spéculatifs et les places financières jouent un rôle majeur. 
  • Ce capitalisme financier s'est développé corrélativement au néo-libéralisme des années 1980 (Ronald Reagan, Margaret Thatcher). Le mouvement de libéralisation a généré d'importantes délocalisations avec une recherche de compétitivité accrue et le développement encore plus important des FTN. On peut de ce fait parler comme le fait l'économiste Jacques Adda d'un « système de marché mondialement intégré, et donc d'un système productif global, mettant en concurrence biens et services, capitaux et travailleurs à l'échelle planétaire. » De plus ce qu'on nomme la logique marchande se diffuse à tous les domaines : la culture, l'information, la santé, le sport... A ainsi émergé un marché dit global. 
  • C'est ce système et modèle lié à la globalisation qui est fortement contesté. La mondialisation dite libérale est donc l'objet de fortes critiques et contestations depuis plusieurs années. 
  • La critique de cette mondialisation émerge véritablement dans les années 1990 lors notamment de conférences internationales comme le Sommet de la Terre à Rio en 1992, le Sommet social de 1995 à Copenhague (devant affirmer et consolider le développement durable, le sommet de l'Organisation mondiale du commerce à Seattle en 1999... Un mouvement contestataire pluriel se développe dont le mouvement zapatiste devient un des symboles. Ce mouvement est né en 1994 dans la région mexicaine du Chiapas, une région particulièrement pauvre et constituée d'une importante population indienne (40% de la population de cette région). L'armée zapatiste de libération nationale (AZLN) est un mouvement révolutionnaire s'inspirant d'Emiliano Zapata. Ce dernier a mené dans les années 1910 un long combat contre les grands propriétaires terriens du Mexique et lutté pour une véritable réforme agraire : il a été assassiné en 1919. Néanmoins, le combat de Zapata avait conduit à ce que la Constitution mexicaine de 1917 reconnaisse le statut de l'ejido c'est-à-dire la reconnaissance de terres collectives pouvant être utilisées par les familles. Dans les années 1970, des tensions fortes resurgissent au Chiapas et en 1992 une réforme constitutionnelle rend possible la division et surtout la vente des terres collectives. 
  • C'est une des raisons du soulèvement organisé par l'AZLN avec à sa tête le sous- commandant Marcos (son vrai nom est Rafael Guillen Vicente) : un soulèvement débutant le 1er janvier 1994 lors de la mise en place de l'ALENA. Le pouvoir en place (Président Carlos Salinas) opte pour la répression. Toutefois , le président Salinas propose une trêve et des négociations ont lieu aboutissant en 1996 aux accords de San Andrès, des accords reconnaissant les droits des indigènes. 
  • Mais ces accords n'ont jamais été ratifiés : le parti au pouvoir à savoir le PRI s'y étant opposé. Le conflit entre l'état mexicain et les zapatistes reposent sur plusieurs facteurs : le refus de la pauvreté sachant que le Mexique a des atouts économiques certains comme le pétrole, la lutte pour la reconnaissance des droits indigènes, le refus de l'ALENA, un accord dans lequel les Zapatistes voient un instrument de la domination des Etats-Unis, le rejet d'un libéralisme effréné... 
  • Pour de nombreux altermondialistes, le mouvement Zapatiste est un symbole de la lutte contre la mondialisation libérale mais aussi contre le poids des E.-U. Avant d'expliciter la diversité des mouvements altermondialistes qui forment une véritable nébuleuse, il faut mettre en avant ce qu'ils dénoncent. Il faut rappeler que ces mouvements sont d'abord antimondialistes avant d'imaginer une autre mondialisation et devenir altermondialistes. Ils rejettent la mondialisation libérale source d'inégalités et d'injustices fortes. Notamment, ils dénoncent ce que produit le libéralisme économique sans retenue : la pauvreté, les problèmes des états en développement contraints à l'endettement et devant subir les politiques d'ajustement structurel du FMI, les organisations internationales qui promeuvent ce libéralisme mortifère dont l'OMC, le FMI, l'OCDE...
  • Ils dénoncent également la marchandisation du monde où tout est devenu une marchandise que l'on vend et consomme y compris la culture, la santé... et s'opposent aux FTN. Ils souhaitent une mondialisation plus sociale et solidaire, une mondialisation qui soit réellement régulée pour éviter les écarts de richesse et lutter contre les fortes inégalités. Ils veulent redonner du poids aux citoyens et relancer la démocratie qu'ils jugent peu réelle et noyautée par les partis politiques et des oligarchies. Dans les combats de ces mouvements, sont ciblés des éléments jugés comme étant des symboles de la mondialisation libérale comme le Forum économique de Davos, le FMI, les sommets de l'OMC... Le forum économique de Davos (Suisse) a été créé en 1971 : c'est une fondation à but non lucratif dont le siège est à Genève. Environ 1000 entreprises concourent au financement et au sein de son Conseil de fondation (l'instance principale), on retrouve des hommes comme Carlos Ghosn le PDG de Renault, Peter Sutherland le patron de Goldman-Sachs... Une réunion annuelle a donc lieu à Davos réunissant chefs d'entreprise, chefs d'état, économistes.. comme toutes les années, le Forum de Davos de 2016 s'est tenu en janvier : le premier ministre français Manuel Valls s'y est rendu mais aussi le premier ministre britannique David Cameron. Les mouvements altermondialistes se retrouvent lors de certaines manifestations et dans des lieux. 
  • Les Forums sociaux mondiaux sont emblématiques de la démarche des mouvements en question. Ils sont fondés sur une charte mettant en avant l'idée qu'un Forum social mondial est un « espace de rencontre » pour proposer et échanger dans la perspective de lutter au « néolibéralisme et à la domination du monde par le capital et toute forme d'impérialisme » (article1). Le premier forum social mondial a été organisé au Brésil à Porto Alegre en 2001 se voulant notamment une alternative au forum de Davos : ce premier forum a permis à l'altermondialisme de s'affirmer davantage. Depuis plusieurs forums sociaux se sont tenus : en 2002 et en 2003, toujours à Porto Alegre (celui de 2002 a permis la création du Forum social européen), en 2004 à Mumbai avec comme objectif en particulier de développer un monde réellement multiculturel, 2005 à nouveau Porto Alegre, 2006, un forum social à plusieurs têtes : Caracas, Bamako et Karachi... 
  • En 2011, il s'est tenu à Dakar puis à Tunis en 2013 et 2014 et il doit avoir lieu en 2016 à Montréal du 9 au 14 août. Les sommets de la terre sont aussi l'occasion de mettre en valeur les idées défendues par les mouvements altermondialistes comme lors du sommet de Rio en 1992,celui de Johannesburg en 2002 et à nouveau Rio en 2012 (ces sommets se déroulent tous les 10 ans). 
  • Les mouvements altermondialistes se servent également de certaines rencontres pour manifester leur opposition à la mondialisation libérale comme lors des sommets de l'OMC (sommet de Seattle en 1999), des rencontres du G8 (Gènes en 2001)... Enfin, ces mouvements altermondialistes s'appuient sur des intellectuels et politiques qui les inspirent comme l'économiste américain Joseph Stiglitz, le philosophe italien Toni Negri, l'homme politique français José Bové... J. Stiglitz est professeur à l'université de Yale : deux de ses livres ont eu un impact important : La grande désillusion (publié aux E.-U en 2002) et Un autre monde : contre le fanatisme du marché (publié aux E.-U en 2006). Il critique fortement le FMI et ses plans d'austérité aggravant la pauvreté et il dénonce également les fortes dérives du capitalisme financier. Toni Negri dont le livre Empire co-écrit avec Michael Harndt (publié en 2000) a été très lu;T Negri souhaite que soit instauré un revenu garanti non lié à l'emploi et un salaire minimum mondial qui permettrait la mise en, œuvre progressive d'une citoyenneté mondiale étant particulièrement hostile à l'état-nation... 
  • Les mouvements altermondialistes sont multiples et plus ou moins radicaux. Il existe des mouvements qui ont comme objectifs la dénonciation et la lutte contre la mondialisation et la spéculation financière (y compris la lutte contre les paradis fiscaux) : c'est le cas d'ATTAC ou d'Halifax initiative. ATTAC signifie Association pour la taxation des transactions financières et pour l'action citoyenne et a été créée en 1998 avec comme objectifs majeurs la taxation des mouvements de capitaux afin de lutter contre les mouvements spéculatifs et la mondialisation néolibérale. Halifax initiative est une organisation canadienne fondée en 1994 et dont l'action s'est achevée en 2015 : une nouvelle organisation Above ground a pris le relais luttant pour les différents droits humains. Halifax initiative a lutté pour une meilleur justice fiscale, contre l'évasion fiscale des FTN et les paradis fiscaux... Des associations se sont formées pour annuler la dette des états en développement comme le Comité pour l'annulation de la dette du tiers monde (CDATM) fondé en 1990 en Belgique. 
  • Cette organisation est aussi membre du forum social mondial et publie une revue intéressante : Les autres voix de la planète (ainsi que plusieurs ouvrages).D'autres organisations sont en fait des ONG humanitaires comme Oxfam international. Oxfam a été créée en 1942 et Oxfam international en 1995 : elle est une confédération de 18 associations ayant comme buts de lutter contre la pauvreté et les différentes injustices mais aussi la fraude fiscale. Oxfam international est présente dans 90 pays et mène donc des actions internationales. Certaines organisations sont de type syndical comme la confédération syndicale internationale (2006) qui regroupe plus de 230 organisations représentant 155 millions de membres ou des mouvements paysans comme le Mouvement des sans terre brésilien (1984), Via campesina, un mouvement international créé en 1983 coordonnant les actions d'organisations de petits paysans nationales ou régionales et dont les objectifs sont de lutter en faveur des petits paysans et de s'opposer aux grands groupes agroalimentaires mondiaux au poids très important, de promouvoir des réformes agraires, de s'opposer à l'utilisation des OGM...La confédération paysanne de José Bové fondée en 1987 comme syndicat de paysans fait partie de cette structure. On range également dans cette mouvance altermondialiste des mouvements défendant la protection de l'environnement comme Greenpeace, les amis de la Terre, des mouvements de défense des consommateurs comme l'organisation américaine fondée en 1971 par Ralph Nader Public citizen... 
  • D'autres mouvements sont apparus plus récemment comme le mouvement Anonymous en 2006, Occupy Wall Street fondé en 2011 ou la même année le mouvement espagnol des Indignés. Eddy Fougier propose une typologie des mouvements altermondialistes qu'il classe en trois familles en fonction du type d'organisation et de leur attitude face à la mondialisation libérale. 
  • Le premier type correspond aux mouvements créées pour lutter contre la mondialisation néolibérale : cette critique est fondamentale pour plusieurs associations. ATTAC, Finance Watch créée en 2011 qui veut réglementer la finance ou l'association Focus on the global south (création en 1995) relèvent de ce premier type. Le second type d'organisations correspond à des associations défendant des intérêts de groupes spécifiques, des groupes défavorisés comme les indigènes, les petits paysans... 
  • Via campesina correspond à ce type. Enfin s'ajoutent des organisations politiques (ou religieuses) plus radicales qui se servent de la lutte contre la mondialisation pour atteindre d'autres objectifs que les organisations déjà évoquées : c'est le cas des organisations anarchistes (Balck Block) ou des partis nationalistes pour qui la mondialisation néolibérale est destructrice des identités nationales. Le mouvement altermondialiste est confrontée à plusieurs difficultés comme son manque d'unité avec des organisations n'ayant pas les mêmes objectifs, la difficulté pour proposer de véritables modèles alternatifs à cette société libérale, le positionnement encore flou par rapport aux partis politiques traditionnels sachant que plusieurs mouvements altermondialistes rejettent le système politique actuel ...

B/ Comment contrôler la mondialisation ?


a/ Qui pour contrôler ? 

  • Quelque soit le jugement porté sur les mouvements altermondialistes, ils soulèvent des questions fondamentales que ce soit sur la mondialisation financière et toutes ses dérives, des citoyens de plus en plus absents des prises de décision, des FTN aux choix plus que douteux pour nombre d'entre elles, des inégalités toujours importantes voire croissantes, des institutions internationales aux actions contestables... 
  • Se pose notamment la question de l'éventuelle régulation d'une mondialisation qui semble incontrôlable. Les organisations internationales dites de régulation sont contestées soit pour leur inefficacité soit parce qu'elles imposent des politiques inacceptables. Avant d'aborder de façon critique ces organisations, il faut rappeler qui elles sont notamment celles directement liées à la mondialisation. En 1919 a été fondée l'Organisation internationale du travail (OIT) dont le siège est à Genève et regroupant 185 états membres. Cette organisation a pour rôle d'améliorer les conditions de travail des individus en veillant au respect de leurs droits et elle fixe des normes internationales du travail (interdiction du travail des enfants). La Banque mondiale, fondée en 1944 avec son siège à Washington a plusieurs objectifs comme accorder des prêts aux états en développement. Le FMI a lui aussi été fondé en 1944 (188 membres) : il a pour buts de veiller à la stabilité financière mondiale, de prêter aux états demandeurs... 
  • Autres organisations très importantes l'ONU (1945), l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'Agriculture ou FAO ayant comme objectifs de favoriser le développement agricole et de prêter assistance aux états ayant des difficultés alimentaires... L'OCDE (Organisation de coopération et de développement économique : 1960) quant à elle regroupe 34 états membres et est une organisation de négociations entre états membres mais aussi un organe de réflexion et de proposition sur l'économie mondiale. 
  • La conférence des Nations unies sur le commerce et le développement ou CNUCED créée en 1964 avait comme but le développement économique des pays dits du Sud et leur insertion dans l'économie mondiale. Il faut ajouter les G7 et 8 qui regroupe les 8 plus grandes puissances de la planète mais aussi le G20 (19 états plus l'Union européenne) sans oublier l'Organisation mondiale du commerce créée en 1995. Le G8 est un groupe dit informel dont les membres sont les E.-U., l'Allemagne, le Royaume-Uni, la France, le Japon, l'Italie, la Russie et le Canada alors que le G20 fondé en 1999 se compose des membres du G 8 auxquels s'ajoutent l'Afrique du Sud, l'Arabie saoudite, Argentine, Australie, Chine, Brésil, Inde, Corée du Sud, Turquie, Indonésie, Mexique et l'UE. L'OIT, la CNUCED, le FMI, la Banque mondiale sont liées à l'ONU ce qui n'est pas le cas de l'OMC, de l'OCDE ou du G8. L'ONU en tant qu'instrument de régulation est souvent décrite comme impuissante que ce soit au niveau économique ou politique. Certes, il existe une Cour permanente d'arbitrage se localisant à La Haye devant résoudre les litiges internationaux mais son utilité est liée à la volonté des états d'y recourir. Quand ce recours a lieu, les décisions de cette cour s'impose. 
  • La Cour internationale de Justice est dans la même logique : ces deux institutions mettent en œuvre au moins partiellement un droit international même si des états majeurs comme les E.-U ou la Russie ne sont pas signataires des accords ayant donné naissance à ces institutions. La création de la cour pénale internationale devant juger les individus accusé de crimes contre l'humanité ou de crimes de guerre en 1998 (elle entre en fonction en 2002) est aussi dans cette logique mais là aussi plusieurs états n'ont pas ratifié l'accord de création (E.-U., Russie, Chine, Inde). L'OIT évoqué plus haut met en œuvre des normes internationales de travail mais ne peut sanctionner un état qui ne les applique pas. L'OIT adresse seulement des recommandations aux pays ou aux entreprises sans pouvoir aller plus loin. L'OMC créée en 1994 à Marrakech remplace le GATT et est entrée en fonction en 1995 : elle est perçue comme une organisation globalement néfaste par les altermondialistes. L'OMC se compose de 162 états membres (la Chine est entrée en 2001 et la Russie en 2011) et son objectif majeur est la libéralisation et l'ouverture du commerce mondial. Des accords y sont négociés afin de limiter les entraves au commerce international : elle est donc un cadre de négociations.  Elle met en œuvre des règles concernant le commerce de marchandises, de services... 
  • Elle dispose d'un pouvoir de coercition par le biais d'un organe dit Organe de règlement des différends. Elle fonctionne par cycles de négociations : en 2001 avait été lancé le cycle de négociations de Doha devant notamment porter sur la libéralisation de l'agriculture avec notamment un meilleur accès aux marchés des états développés pour les agricultures des états en développement. En 2006, les négociations ont été suspendues car les désaccords entre pays membres étaient trop importants même si depuis les négociations sont à nouveau à l'ordre du jour (depuis 2008). Ce qui est reproché à l'OMC sont ses règles libérales : c'est une organisation d'inspiration libérale incontestablement mais également la négociation d'accords profitant le plus souvent aux états développés. L'OMC a donc des limites importantes. Le FMI est également fortement critiqué car ses aides aux pays en difficultés sont liées à des politiques libérales ou politiques d'ajustement structurel (PAS). De plus au sein du FMI, les E.-U ont un poids plus important que les autres disposant d'un droit de veto. Le FMI est une institution où les états développés ont le poids le plus important : même les états émergents sont encore laissés de côté. 
  • Ces institutions économiques que ce soit le FMI ou la Banque mondiale sont en fait jugées peu représentatives : d'ailleurs les directeurs du FMI ont toujours été des Européens (Christine Lagarde est l'actuelle directrice depuis 2011) alors que les présidents de la Banque mondiale sont toujours américains (l'actuel président est américain même si il est d'origine coréenne : Jim Yong Kim). 

 b/ Le choix d'une vraie gouvernance mondiale

  • La question de la gouvernance mondiale est donc d'une grande importance : le processus de mondialisation nécessite une régulation. Premier élément : réguler la finance internationale. On sait que cette finance a été profondément dérégulée générant de la spéculation, des crises spéculatives, le développement des paradis fiscaux... 
  • L'idée de taxer les mouvements de capitaux est loin d'être une idée stupide bien qu'elle ne soit pas toujours mise en pratique. Certains proposent même le retour à des banques d'investissement et de crédit dont les activités seraient à nouveau séparés afin d'éviter que les banques « classiques » ne spéculent et mettent en difficulté les épargnants et les dépositaires de comptes en cas de crise. Est évoqué mais sans résultat le contrôle des fonds spéculatifs (hedge funds) comme a tenté de le faire en 2010 l'Union européenne (le Royaume-Uni a bloqué le projet). 
  • Depuis peu a été réactivé la lutte contre les paradis fiscaux en particulier grâce à l'affaire des Panama Papers . En octobre 2015, 62 pays se sont mis d'accord pour lutter contre l'évasion fiscale des FTN notamment les pays de l'OCDE. 
  • Un autre point intéressant est de mettre fin si possible à ce qu'on nomme la marchandisation des activités. Il faudrait que des domaines puissent échapper à cette marchandisation comme les domaines de la santé, de l'éducation ou de la culture. Très important serait de restaurer une véritable démocratie où les citoyens seraient des acteurs véritables des décisions les concernant. Cela passe par le renforcement de la démocratie dite locale où les acteurs locaux devraient être davantage consultés sur les décisions les concernant (exploitation du schiste en France par exemple ou construction de l'aéroport de Notre Dame des Landes près de Nantes, un référendum local est d'ailleurs prévu...). 
  • Les citoyens ne peuvent être absents des décisions prises : le cas du TAFTA est à cet égard significatif. Il s'agit d'un projet d'accord de libre échange entre les Etats-Unis et l'Union européenne lancé en 2013. 
  • L'objectif majeur est de libéraliser le commerce entre ces deux zones en diminuant les droits de douane mais aussi les « barrières réglementaires » à savoir les différences de réglementation entre l'UE et les E.-U. Or ces négociations sont pour le moins opaques et les citoyens ni véritablement informés et encore moins consultés. La mondialisation nécessite une véritable gouvernance mais aussi la participation des citoyens qui en sont des acteurs majeurs.
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