3/ Territoires, espaces maritimes, terrestres, immatériels et frontières dans la mondialisation

Shanghai 

A/ Les territoires dans la mondialisation : des centres aux périphéries, une nouvelle géographie mondiale


La mondialisation s'inscrit sur des territoires à différentes échelles : métropoles, littoraux, territoires transfrontaliers.. . Elle renforce certains territoires qui deviennent les territoires centraux de la mondialisation que ce soit les exemples évoqués plus haut (métropoles, littoraux...) ou des états à savoir les états les plus connectés à la mondialisation. Certains territoires sont par contre plus périphériques voire marginaux dans ce processus de mondialisation et là aussi à différentes échelles : espaces de montagnes, déserts, zones rurales... sans oublier des états notamment les PMA particulièrement à l’écart de cette mondialisation. 
Cette dernière génère donc la logique centre-périphérie avec des territoires dits moteurs et dominants de la mondialisation et des territoires périphériques voire marginaux. 
Autrement formulé, il existe des territoires gagnants et des territoires perdants dans ce processus de mondialisation. Au niveau des états, elle contribue à les différencier selon leur insertion plus ou moins poussée dans le processus de mondialisation. La production de richesses n' jamais été aussi forte ce que traduit l'augmentation du PNB par habitant en $ constants puisque nous sommes passés de 4 155 $ en 1970 à 7 637$ en 2012. Le monde s'est donc enrichi : on estime que cette richesses par rapport à 1900 a été multiplié par 50. Mais les écarts entre les territoires et les états peuvent être importants ce que traduit le PNB par habitant : ainsi, les Pays-Bas avec seulement 17,1 millions d'habitant ont un PIB de 902 milliards de $ en 2019 assez proche de celui de l'Indonésie et ses 270,6 millions d'habitants soit 1111 milliards de $.
Par contre, le PIB par habitant des Pays-Bas est en 2019 de 52 368 $ alors que celui de l'Indonésie est de 4 164 $. 
Cet exemple montre les différences entre états avec un état très inséré dans la mondialisation à savoir les Pays-Bas et un état en cours d’insertion l’Indonésie. 
Et à l’intérieur de chacun de ces deux états, certaines zones sont plus motrices que d’autres. Ainsi aux Pays-Bas, le port de Rotterdam est un des nœuds de la mondialisation en Europe (9e port mondial) et les villes de Rotterdam, Amsterdam et La Haye (ce qu’on nomme aux Pays-Bas la Randstadt) est le coeur du pays et l’espace le plus inséré dans la mondialisation. En Indonésie, c’est la ville majeure de Jakarta qui joue ce rôle moteur et de façon plus large c’est l’île de Java qui a tendance à concentrer les richesses et à être mieux insérée dans la mondialisation. Inversement, l’île de Sulawesi plus à l’Est est plus périphérie. 

 a/ Des territoires centraux et dominants : métropoles, littoraux et états majeurs 

  •  « Les grandes villes sont les lieux où la mondialisation est la plus visible et la plus évidente : elle s’exprime dans l’urbanisme, ceux des grandes skylines en particulier » écrivent Vincent Adoumié et Jean-Michel Escarras dans Lieux et territoires de la mondialisation (éditions Hachette 2019). 
  • Ce qui est particulièrement vrai avec en plus aujourd’hui plus de 50 % de la population mondiale vivant dans des villes. Parallèlement, ces villes sont de plus en plus nombreuses et aussi de plus en plus peuplées avec, en particulier, « la montée des villes du Sud » (Gilles Pison : Atlas de la population mondiale, éditions Autrement, 2020). Actuellement, 513 villes ont plus d’un million d’habitants et 5 plus de 20 millions : Tokyo, Delhi, Shanghai, Mexico et Sao Paulo. « les grandes agglomérations constituent l’architecture des processus de mondialisation dont elles sont à la fois les pôles décisionnels et les nœuds des réseaux physiques » (Espace mondial : Atlas 2018). Ces grandes villes sont généralement reliées entre elles formant des réseaux qui sont au coeur de la mondialisation. Serge Sur s’interroge même dans la revue Questions internationales sur le poids grandissant des villes dites mondiales : « Le XXIe siècle sera t-il celui des villes mondiales ? » Nous verrons juste après que le vocabulaire a son importance avec les notions de villes mondiales, villes globales, mégapoles... 
  • Quoiqu’il en soit, la ville est devenue « un cadre de vie dominant » (Vincent Adoumié et Jean-Michel Escarras dans Lieux et territoires de la mondialisation (éditions Hachette 2019). 
  •  Avant même d'aborder les métropoles et la métropolisation, il faut définir certains termes. Pour l’ONU, une ville se définit par « l’agglomération et la continuité de l’habitat. ». 
  • Depuis 1978, l'ONU a ajouté un critère précis : la ville comme une unité urbaine de 20 000 habitants.Mais il faut savoir que le seuil est variable selon les états : 2000 en France, 50 000 au Japon, 100 000 en Chine... Une grande ville se caractérise par un nombre d’habitants supérieur à un million, un habitat continu, d’importantes densités de population (celle de Paris est de 21 000 habitants au km carré), des fonctions administratives et de commandement (politiques, économiques...), une concentration d’infrastructures...On peut rappeler que dès 1904 the Institute of Americas avait élaboré la notion de mégacity pour désigner les ensembles urbains les plus importants. 
  • Et pour désigner les très grandes villes, l’ONU dans les années 1980 a le seuil de 8 millions, seuil venant d’être relevé en 2015 à 10 millions (on parle alors de mégapoles : voir plus bas). Une métropole est une ville importante et un ensemble urbain dominant qui concentre les pouvoirs de décisions : pouvoirs politiques, économiques, financiers, culturels. Elle est aussi un centre d’impulsion pour la région l’entourant. Une métropole anime un système urbain dont elle est la tête. Ses fonctions politiques, économiques sont importantes sans oublier les fonctions tertiaires qui caractérisent les grandes métropoles. 
  • Ces métropoles peuvent être classées selon le rang mondial, régional (à l’échelle d’un continent), national. Un système urbain s’étudie et s’analyse avec les relations entretenues entre les villes d’un réseau urbain. Les relations entre villes d’un système urbain peuvent être hiérarchiques (Paris est à la tête du système urbain de la région parisienne) , relationnelles. Les géographes utilisent fréquemment la notion de réseau urbain pour désigner l’organisation hiérarchisée, complémentaire et/ou concurrente entre villes au sein d’un territoire pouvant être national, régional...
  • L’armature urbaine renvoie à l’ensemble des villes et de leurs aires d’influence au sein d’un territoire spécifique. La métropolisation est un processus qui renforce le poids des métropoles. Elle se caractérise par une forte polarisation des hommes et des richesses dans de grandes agglomérations avec une extension de l'urbanisation (rôle clé de l'étalement urbain), un accroissement des différentes mobilités et attirent l'installation de technopôles et clusters (ces derniers sont des réseaux d’entreprises avant tout des PME ancrés sur un territoire. Une mégapole est une ville géante dont le seuil est désormais fixé par l'ONU à 10 millions d'habitants. Un concept émerge en 1961 par Jean Gottman à savoir la notion de mégalopole suite à une étude de la côte est des Etats-Unis concernant la mégalopolis américaine ( de Boston à Washington). Pour lui, une mégalopole est une région urbaine qui s'étend de façon continue sur des centaines de kilomètres avec plusieurs millions d'habitants et s'articulant autour de plusieurs métropoles d’envergure : c'est donc le cas de la zone s'étendant de Boston à New York. Les notions de métropole et mégalopole mettent l'accent sur les liens entre les villes. La mondialisation a généré une forte concentration des activités d'innovation, des fonctions dites de commandement donnant naissance pour reprendre les mots d'Olivier Dollfus à des « grappes de villes mondiales ». 
  • Ces grappes sont constituées de « nœuds urbains » d'une même région dite mégalopole qui sont elles mêmes reliées formant « l'archipel mégalopolitain mondial » (AMM). Cette notion d'archipel mégalopolitain a été défini par Olivier Dollfus en 1997 comme « l'ensemble des villes qui contribuent à la direction du monde » (New York, Londres, Tokyo, Paris...). 
  • Autre notion importante : celle de ville mondiale. Elle émerge pour la première fois en 1924 sous la plume de l'urbaniste américain Patrick Geddes avant d'être reprise en 1966 par Peter Hall qui évoque des villes mondiales comme des « lieux ou est menée une part tout à fait disproportionnée ds affaires les plus importantes du monde. L'économiste John Friedman en 1986 va lui créer la notion de Global City-Network affirmant que la mondialisation provoque le développement de « villes mondialisées » qui concentre les activités de commandement mais avec une influence mondiale avec un rayonnement unique. 
  • Enfin, la dernière notion est celle de ville globale définie par Saskia Sassen, une sociologue américaine, après l'étude de villes comme New York, Londres et Tokyo qui sont des centres de commandement des réseaux de la mondialisation et des pôles de la gouvernance politique, économique et financière à l'échelle planétaire. Pour Pierre Veltz, « la ville globale est un centre de contrôle d'une économie globalisée et le maillon d'un réseau transnational d'activités dont la forme la plus achevée est celle des marché financiers. » Si on approfondit l’analyse comme l’écrit Serge Sur « une ville mondiale est une ville avant d’être une ville mondiale. 
  • Elle en présente tous les traits, simplement exacerbés, dilatés jusqu’à des dimensions que l’on commence par trouver inhumaines. » Il faut rappeler que la plupart des villes sont locales, régionales voire nationales mais finalement peu sont de niveau mondial. On peut s’appuyer sur une typologie intéressante proposée par Serge Sur qui distingue :

 -les villes-mémoires soit des villes liées à un événement historique, une civilisation... et qui sont mondialement connues et vues comme faisant partie d’une mémoire nationale ou /et mondiale : on peut citer Le Caire par la présence des pyramides, Athènes, Rome... 

-les capitales des états : ces capitales même quand elles sont de dimension réduite accueille des ambassades et consulats de pays étrangers et sont de ce fait des lieux de la représentation internationale ; 

-les villes à l’activité internationale spécifique, d’intérêt universel : entrent dans cette catégorie les villes où sont présentes des institutions internationales comme La Haye, Genève, Bruxelles... 

-les villes de transit ou de passage : qui sont souvent des villes portuaires par lesquels circulent et transitent de multiples flux : Hong Kong, Singapour, Dubaï, Rotterdam... ; les villes multifonctionnelles cumulant ce qui a été mis en évidence auparavant (villes- mémoires, villes à l’activité internationale...) : Paris, Londres, New York entrent dans cette catégorie. 

  • Pour Serge Sur, les villes globales (définies par Saskia Sassen) sont multifonctionnelles mais ont une dimension supplémentaire car elles sont des nœuds de la globalisation. 
  • Nous commencerons par analyser le poids des métropoles. Elles sont considérées, du moins pour les grandes métropoles, comme des moteurs de la mondialisation. On le sait les villes concentrent à la fois les hommes, les différentes activités et plusieurs fonctions comme les fonctions de commandement. La planète est de plus en plus urbanisée puisqu'en 2019 54% des 7,1 milliards d'individus sont des citadins : le pourcentage n'était que de 28% en 1950 sachant qu'en 2050 selon les prévisions le pourcentage atteindrait 70%. On peut reprendre le terme de Jeremy Rifkin celui d'Homo urbanus. On assiste donc à un basculement du monde vers un monde de plus en plus urbanisé. Lewis Mumford déjà en 1961 dans son livre The City in History affirmait : « le monde entier est devenu une ville ».
  •  Il faut toutefois remarquer que ce taux est variable puisque de 78% pour les états dits du Nord et 46% pour les états dits du Sud. En Amérique du Nord, le pourcentage dépasse 82%, 80% en Amérique centrale et latine, 73% en Europe alors qu'il n'est que de 36,5% en Afrique subsaharienne ou de 31% en Asie du Sud. La Chine concentre près de 760 millions d'urbains et l'Inde environ 410 millions ce qui semble beaucoup mais la majorité des Indiens vivent encore dans les zones rurales. 
  • 10% des citadins vivent désormais dans des villes de plus de 10 millions d'habitants et 2 citadins sur 3 vivent désormais dans des villes de pays en développement et l'Asie a polarisé plus de la moitié de la croissance urbaine de ces 50 dernières années. 
  • On peut s’appuyer sur des exemples plus précis (chiffres de 2018) :en Europe, le taux d’urbanisation est de 59,4 % pour l’Albanie ou de 47,9 % pour la Bosnie alors qu’il est de 77,3 % pour l’Allemagne, de 98 % pour la Belgique ; Au Moyen-Orient, le taux monte jusqu’à 99 % pour le Qatar ou 86,2 % pour les Emirats Arabes Unis mais n’est que de 36 % au Yémen ; en Asie, le taux d’urbanisation est de 25,2 % en Afghanistan ou de 34 % au Laos alors qu’il est de81,5 % en Corée du Sud ou de 91,5 % au Japon...
  • Tous les états ont amorcé ou terminé ce qu'on nomme la transition urbaine à savoir le passage d'un peuplement à fonction agricole fondé sur des villages à un peuplement dont la fonction est industrielle et tertiaire. On peut rappeler que l'Europe et l'Amérique du Nord ont connu le phénomène d'urbanisation à partir du 19e siècle en lien avec les révolutions industrielles qui ont elles mêmes généré un important exode rural. Les pays du Sud ont commencé le processus d'urbanisation plus tardivement notamment à partir des années 1950 qui s'explique par l'exode rural et le développement économique : la ville concentre les activités et de ce fait est attractive. L'explosion urbaine des pays du Sud s'explique également par la croissance démographique et l'accroissement naturel dans les villes qui reste assez élevé. Cette explosion urbaine des pays du Sud est un véritable défi à relever. 
  • En 2025, la population urbaine en Afrique devrait être de 1,2 milliard d'individus et celle d'Asie de 3,3 milliards. De plus pour certains états comme la Chine et l'Union indienne la population urbaine, entre 2010 et 2015 devait augmenter respectivement de 340 et 500 millions (en Chine en 2018, le taux d’urbanisation est de 58 % alors qu’il n’est que de 33,6 % en Inde). On assiste donc à d'importants transferts de population des zones rurales vers les zones urbaines : des transferts qui sont liés dans de nombreux états du Sud à une grande pauvreté dans les campagnes et les villes semblent offrir des opportunités. Pourtant cet exode dans les villes se traduit par le développement des bidonvilles et de l'habitat précaire, la difficulté de trouver un emploi stable... 
  • Selon l'ONU ; un tiers de la population urbaine mondiale vit dans des conditions insalubres (830 millions en 2010, 1 milliard vraisemblablement en 2020). En Inde, 34,8 % des urbains vivent en habitat précaire : le pourcentage est de 32,8% pour la Chine, de 65% pour le Nigeria, 47% au Pakistan, 70% au Bangladesh, 94% au Soudan... Le niveau d'urbanisation est considéré comme un déterminant de la croissance et un révélateur du niveau de développement : les pays développés ont toujours un taux d'urbanisation supérieur à la moyenne mondiale. : industrialisation, urbanisation et développement vont ensemble. 
  • On peut ajouter que les revenus par habitant sont généralement plus élevés dans les zones urbaines que rurales (au Vietnam et au Rwanda, la pauvreté rurale est ainsi 5 fois supérieure à celle des villes. De plus, on sait aussi que les systèmes éducatifs et de santé sont aussi plus performants dans les villes que dans les campagnes. Le processus d'urbanisation se fait au profit des plus grandes villes à tel point que nous passés à l'ère des mégapoles et mégalopoles : on parle de métropolisation du monde. 
  • Selon l'ONU une mégapole est une ville de plus de 10 millions d'habitants (« méga-cités »). Les très grandes villes se sont affirmées comme des pôles majeurs de la mondialisation. C'est un phénomène qui montre la tendance à la concentration des fonctions politiques, économiques, financières... dans les villes. 
  • On peut rappeler que la première ville ayant dépassé les 6 millions d'habitants était Londres en 1900. Au début du 21e siècle, plus de 30 agglomérations dépassent ce chiffre de 6 millions avec même 10 agglomérations dont le nombre d'habitants est supérieur à 12 millions. Nous sommes bien dans une dynamique de concentration urbaine profitant aux métropoles les plus importantes. Entre 1950 et 2010, les agglomérations de plus d'un million d'habitants sont passées de 75 à 449 et de 24 à 40% de la population mondiale : en 2014, c'est environ 500 villes de plus d'un million d'habitants (513 en 2018). Dans le même laps de temps, les agglomérations de plus de 10 millions d'habitants sont passées de 2 à 23. 
  • On constate depuis les années 1950 un changement : en 1950, les états développés concentraient 10 des 15 plus grandes métropoles mondiales et ce n'est plus le cas aujourd'hui. 
  • En 2018 selon la base géopolis, les plus grandes agglomérations et aires urbaine (incluant des zones géographiques vraiment larges) sont Shanghai et son delta avec 78,6 millions d’habitants, Guanzhou avec 47,4 millions d’habitants, Tokyo avec 40 millions, Jakarta avec 28,8 millions, New York avec 27,7 millions, Manille avec 25,8 millions. Le site population data propose un autre classement en 2019 des villes et de leurs aires urbaines avec Tokyo et ses 42 millions d’habitants, Sao Paulo 36,3 millions, Jakarta 35,1 millions, Delhi 26,4 millions et Shanghai avec 26,3 millions. Les classements diffèrent selon la prise en compte de l’aire urbaine ou non avec souvent des imprécisions sur la délimitation d’une aire urbaine. Toutefois, il faut mettre l'accent sur un phénomène de métropolisation différent selon le niveau de développement des états les grandes métropoles du Sud ont un secteur informel très présent tout comme de multiples bidonvilles...
  •  Les métropoles du Sud doivent gérer une croissance phénoménale : en 1900, la ville de Lagos au Nigeria n'avait que 40 000 habitant et en 2000-10, elle approche et dépasse les 10 millions. En 1950, Mexico avait 2,8 millions d'habitants puis 13 millions en 1980 et dépasse les 20 en 2011 ; Pour Shanghai, les chiffres sont tout aussi significatifs passant aux mêmes dates de 4,3 millions à 5,9 et surtout 20,2. Dernier exemple Sao Paulo : la ville avait 2,3 millions d'habitants en 1950, 12 millions en 1980 et en 2011 19,9 millions. Dans certains états, le poids grandissant de certaines métropoles conduit à une macrocéphalie urbaine. Ainsi, au Soudan, la ville de Khartoum concentre les 81% d'urbains du pays ; ce pourcentage est de 64% pour Lomé au Togo, de 61% pour Oulan-Bator en Mongolie... 
  • On remarque également que la concentration urbaine s'est opérée pour ces états du Sud dans les villes littorales comme Dakar, Abidjan, Shanghai... Ces mégapoles littorales comme nous le verrons sont des interfaces avec l'économie globalisée. Aux mégapoles s'ajoutent la formation de mégalopoles qui sont au cœur de la mondialisation. Ces mégalopoles sont des territoires où plusieurs métropoles d'importance entretiennent des liens forts. Trois sont clairement identifiées : la mégalopole américaine ou « mégalopolis », la mégalopole européenne ou dorsale européenne et enfin la mégalopole japonaise. Les mégalopoles américaine et japonaise sont sur les littoraux (et sont des interfaces) alors que la dorsale européenne travers l'Ouest du continent des Midlands de l'Angleterre au Nord de l'Italie comprenant le grand londres, la Ranstadt Holland avec Amsterdam et Rotterdam, la conurbation allemande Rhin-Ruhr, le Piémont et la Lombardie. 
  • On ajoute désormais à cette dorsale la région parisienne. La mégalopolis américaine est un axe clé de l'économie américaine et mondiale : elle s'étale sur près de 1000 kms : elle est aussi surnommée Boswash (Boston et Washington sont aux deux extrémités). Boswash est un interface maritime avec l'océan Atlantique mais aussi interface avec le Canada par le biais de la connexion aux grands lacs.La mégalopole américaine comprend cinq métropoles de plus d'un million d'habitants : Boston, New York, Philadelphie, Baltimore et Washington. 
  • Boston selon le recensement de 2010 ne comprend que 617 000 habitants mais la zone métropolitaine comprenant Boston-Cambridge-Quincy comprend plus de 4,5 millions d'habitants ; New York comprend plus de 8 millions d'habitants et plus de 22 avec son aire urbaine ; Philadelphie, c'est 1,5 million d'habitants et 5,9 avec l'aire urbaine ; Baltimore, 620 000 habitants et 2,7 millions pour son aire urbaine et enfin, Washington 646 000 habitants et une aire de plus 5,9 millions. L'ensemble de la mégalopole rassemble au moins 55 millions d'habitants. Cette mégalopole est fondamentale au niveau économique, politique et financière avec une ville globale New York qui concentre de multiples FTN, une place financière d'envergure planétaire, de grandes universités comme Columbia... Washington est la capitale fédérale avec la maison blanche et le Congrès : elle est un cœur décisionnel d'envergure planétaire. 
  • La mégalopole japonaise s'étale quant à elle sur environ 1200 kms de Tokyô au nord de l'île de Kyushû comprenant environ 105 millions d'individus (80% des Japonais sur 6% du territoire) avec une ville globale Tokyô et des métropoles d'envergure comme Nagoya (2,2 millions d'habitants),Osaka- Kobé-Kyôtô est une conurbation connue sous le nom de Keihanshin de plus de 18,6 millions d'habitants. On s'aperçoit que quelques métropoles jouent un rôle essentiel parmi les mégapoles de la planète étant des métropoles mondialisées et au cœur de cette globalisation c'est pourquoi on évoque une métropolisation de la planète.Elles sont l'une des traductions spatiales de la globalisation. Il s'agit d'un phénomène ayant abouti à la concentration des fonctions financières, économiques, commerciales, culturelles dans quelques villes : certaines sont même vues comme des villes globales. Une métropole d'envergure se caractérise par une population nombreuse, des fonctions variées, des flux multiples (commerciaux, financiers, humains...) 
  • Elle concentre des activités dites de commandement économique comme les sièges de FTN ou de commandement politique tout en étant assez souvent une technopole c'est-à-dire une ville dont le développement économique est fondé sur les industries de hautes technologies. Elle peut dans cette optique disposer de technopôles à savoir de parcs technologiques situés dans la périphérie urbaine comprenant entreprises, laboratoires de recherche, universités...
  • Les grandes métropoles sont toujours structurés autour d'axes de communication importants et sont également le plus souvent des hubs mondiaux c'est-à-dire une plate-forme de correspondance et donc zones d'interface (cf Hubs aéroportuaires). Elles concentrent aussi le tertiaire supérieur, les activités culturelles et sont des territoires d'accueil de migrants et de diasporas. Les métropoles n'ont pas toutes les mêmes influences : certaines ont des influences mondiales (villes globales), d'autres des influences internationales, nationales ou simplement régionales. Les métropole sont des lieux de pouvoir ce qu'il convient de préciser. Elles sont des lieux de la production et de la diffusion d'informations notamment par la présence des grands organes de presse et de culture ; des lieux du pouvoir politique, certaines métropoles disposent d'institutions internationales comme New York avec le siège de l'ONU, Paris avec le siège de l'UNESCO, Washington avec les sièges du FMI et de la Banque mondiale, l'OMC à Genève, Commission européenne à Bruxelles... 
  • Bien entendu, elles sont des lieux du pouvoir économique et financier concentrant les sièges de FTN et des places boursières : BP a son siège à Londres comme HSBC, Prudential... Citigroup, AIG, JP Morgan Chase, Verizon, American Express, Merrill Lynch, CBS, NBC, Time Warner, Pfizer... ont leurs sièges sociaux à New York ; Honda, Hitachi,Nissan Motors, Mitsubishi ; Mitsui à Tokyo. 
  • Ce sont aussi des lieux du pouvoir intellectuel et culturel avec la présence de théâtres, d'opéras, de musées internationaux... Les géographes ont mis en évidence un « archipel mondial » des lieux de pouvoir structuré autour de quelques villes mondiales : Tokyô, New York, Paris, Londres notamment et de plus en plus une ville comme Shanghai. Les lieux productifs majeurs de la planète sont liés quelques cités géantes bien connues cités plus haut et auxquelles on peut désormais ajouter Chicago, Los Angeles, Shanghai, Séoul voire Osaka. Les métropoles de l'archipel mégalopolitain mondial ont un niveau de production par habitant élevé. Certes, 600 villes concentrant environ 1,5 milliard d'habitants, sont responsables de plus de 50% du PIB mondial, une ville comme Tokyo en représente 2%. Le produit urbain brut d'une ville comme Osaka est presque équivalent à celui du Canada. Ces villes de l'AMM concentrent aussi les meilleures universités, offrent des opportunités exceptionnelles... On peut s'appuyer sur les produits urbains bruts de quelques villes pour montrer leur poids : en 2014, celui de Tokyo est de 1617 milliards de $, celui de New York de 1403 milliards de $, de Séoul 846 milliards de $, de Londres 836 milliards de $, 715 milliards pour Paris... 
  • La ville globale est un centre décisionnel majeur et d'envergure planétaire avec des sièges sociaux des plus grandes FTN, le siège d'organisations mondiales ou régionales (continentales), une place financière de premier plan : elle est basée sur de très importantes infrastructures de communication et bénéficie de flux nombreux qu'ils soient humains, économiques, financiers... La notion de ville monde est apparue dans les travaux de l'historien français Fernand Braudel : cette notion a été reprise tant par des géographes que des sociologues et économistes. Une géographe comme Cynthia Ghorra-Gobin différencie ville-mondiale et ville globale : la notion de ville mondiale désignant le rôle historique d'une ville avec un rayonnement lié à la culture et à son passé historique et le second la capacité d'une ville à s'inscrire dans les échanges mondialisés avec en particulier le poids des FTN, l'importance des flux financiers. On s'accorde sur plusieurs critères déjà évoqués pour qualifier une ville de globale : la concentration des fonctions de commandement, l'innovation et la recherche, des infrastructures d'importance, des flux considérables. 
  • Ces métropoles sont au cœur des réseaux d'échanges mondiaux et notamment au centre des flux matériels et immatériels : flux d'informations, flux Internet, flux de capitaux... 
  • Elle sont fondamentales au niveau des réseaux de transport avec une concentration dans les grandes métropoles des hubs aériens, routiers ou portuaires. Ainsi, dans le classement des grands aéroports mondiaux 2014 sont classées les villes suivantes (en flux de passagers) : Atlanta, Beijing, Londres, Tokyo, Los Angeles, Dubaï, Chicago, Paris, Dallas... 
  • Elles attirent les flux humains : flux touristiques, flux de travail et sont des lieux où se retrouvent des diasporas. Les métropoles sont organisées autour d'un (ou plusieurs) centre des affaires (CBD) comme le quartier de la City à Londres ou La Défense à Paris. : les CBD sont vus comme l'un des symboles de la puissance des grandes métropoles. La métropolisation a abouti aussi à une forte périurbanisation ce qu'on nomme en France les aires urbaines, aux Etats-Unis les Metropolitan Statistical Areas... Dans les périphéries de ces métropoles se sont implantés clusters (pôles de compétitivité) et technopôles (les territoires de l'innovation). On le voit les métropoles notamment les plus grandes ont des éléments qui leur confèrent une importance considérable. Il existe plusieurs classements des villes basés sur des critères différents. Parmi les classements, le classement de Foreign Policy fondé sur 5 types de données : le capital humain, l'activité économique, la culture, l'engagement politique et les échanges d'informations. En 2012, le classement était le suivant : New York, Londres, Paris, Tokyo, Hong Kong, Los Angeles, Chicago... Un autre classement est proposé par un institut japonais, le Mori Memorial Foundation basé sur 6 types de données y compris des données environnementales et la qualité de la vie : New York, Londres, Paris, Tokyo, Singapour, Berlin, Séoul... 
  • Un classement est souvent utilisé celui du GaWC (Réseau d'études sur la mondialisation et les villes mondiales) fondé surtout sur les prestations de services proposées par les villes : sociétés de conseils aux entreprises, entreprises de publicité, banques et domaine de la finance, conseil juridique. Ce classement s'ordonne en catégories : alpha, bêta et gama ainsi qu'un système de +. Dans la catégorie alpha ++, on retrouve 3 villes New York, Londres et Paris ; catégorie alpha +, Hong Kong, Singapour, Shanghai, Tokyo...
  •  Enfin le classement MasterCard Worldwide utilisant 7 types de données : New York, Tokyo, Singapour, Chicago, Hong Kong, Paris... On s'aperçoit que ces villes mondiales sont le reflet des la puissance des états et de leur hiérarchie. Une ville globale comme Tokyo concentre 50 des 57 plus grandes FTN japonaises ; Londres 22 des plus grandes FTN britanniques... 
  • On peut aussi évoquer trois classements en fonction des connexions aériennes, selon les connexions dans les réseaux de firmes transnationales ou selon le produit urbain brut. Selon, les connexions aériennes, Londres arrive en premier puis Francfort, Paris, Amsterdam, New York, Dubaï, Singapour, Tokyo... 
  • Selon les connexions dans les réseaux de FTN, le classement est le suivant ; New York, Londres, Hong Kong, Paris, Singapour, Tokyo, Sydney, Shanghai et selon le PUB : Tokyo, New York, Los Angeles, Chicago, Londres, Paris, Osaka-Kobé, Mexico... Les grandes métropoles forment selon Olivier Dollfuss, l'archipel mégalopolitain mondial (AMM) à savoir un réseau de villes et de régions de la planète dominant les échanges mondiaux et au cœur des décisions mondiales. Cet archipel se structure autour des 3 grandes mégalopoles et des villes les organisant. New York apparaît comme la ville globale et mondiale par excellence : elle est une métropole ouverte sur le monde, un cœur du capitalisme globalisé, une référence culturelle... En tant que ville globale, elle est située au sommet de la nouvelle économie fondée sur les services et le secteur tertiaire et est une ville qui « pilote » la mondialisation. On peut rappeler brièvement son histoire. La ville est créée en 1624 sur l'île de Manhattan (au sud de cette île) par des colons hollandais sous le nom de Nouvelle-Amsterdam. En 1664, la ville est prise par les anglais et rebaptisé New York. 
  • Elle devient une ville portuaire, industrielle mais également un pôle financier. NY est brièvement la capitale des E.-U de 1785 à 1790 et connaît un essor important au 19e siècle. Cet essor s'explique par la construction du canal de l'Erié reliant l'Atlantique aux grands lacs conférant au port de la ville une suprématie véritable. L'autre facteur est bien entendu l'immigration puisque NY devient la porte d'entrée des immigrants aux E.-U ( 940 000 habitants en 1870). La ville accueille de nombreux d'immigrés : la part de ces derniers était de 46% en 1850 et reste à un niveau élevé en 2010 : 37%. NY s'est structuré selon le plan dit « hippodamien » (en damier) prévoyant 16 avenues Nord-Sud et 155 rues Ouest-Est. La ville est fortement polarisée par Manhattan : c'est le quartier où se concentrent les investissements. En 1853, la ville décide de construire Central Park puis en 1898, NY jusqu'alors centrée sur Manhattan annexe ce qu'on appelait ses arrondissements extérieurs : Bronx, Queens, Brooklyn et Staten Island. La ville voit apparaître ses premiers gratte-ciel dans les années 1900-1930 au sud de Manhattan et symbolise la prospérité américaine. 
  • Mais c'est une ville qui va connaître des changements importants. Après les années 1950, la désindustrialisation de la ville s'accentue (moins 600 000 emplois industriels entre 1968 et 1977) provoquant la formation de multiples friches industrielles. Parallèlement, une partie de la classe moyenne blanche quitte la ville pour des banlieues résidentielles. Néanmoins, depuis les années 1990-2000, NY a su se redresser et connaître un nouvel élan. NY est une mégapole de 22 millions d'habitants dont plus de 8 pour New York City : il s'agit de la plus grande agglomération d' Amérique du Nord et elle est au cœur de la Mégalopolis, cette région d'environ 55 millions d'habitants elle-même espace majeur de la globalisation. 
  • NY a bien toutes les caractéristiques de la ville globale : accumulation du capital, implantation de FTN (34 des 500 plus grandes FTN mondiales), un secteur tertiaire fort, une grande accessibilité notamment par ses trois aéroports. NY est un centre économique et financier majeur : la capitalisation boursière cumulée du New York Stock Exchange (NYSE) et du Nasdaq est la plus considérable au monde. 13% des emplois de la ville sont liés à la finance qui représente 36% des profits réalisés dans cette ville. La spécialisation dans les activités financières et de haute technologie permet à la ville d'avoir un PIB par habitant supérieur de plus de 25% à la moyenne du pays (plus de 50 000 $ par habitant). Le produit urbain brut de NY ferait d'elle la 7e puissance économique de la planète (avec Tokyo). Elle est également une capitale culturelle : NY est au premier plan pour les comédies musicales (rôle de Broadway), le street art, ses grands musées (Metropolitan Museum, MoMA, Guggenheim...), son marché de l'art... NY est aussi la première destination touristique des E.-U avec environ 9 millions de visiteurs. La 5e avenue est un des symboles de cette attractivité touristique. Ses universités sont réputées comme Columbia, Princeton et Yale) : c'est la ville des E.-U accueillant le plus d'étudiants étrangers. Comme toute ville globale, elle est au cœur des réseaux mondialisés notamment le réseau financier mondial reliant les grandes places financières entre elles. 
  • Elle concentre comme cela a été évoqué les sièges sociaux de FTN américaines très importantes comme Pfizer, American Express, AIG, J.P Morgan Chase, Merril Lynch, CBS, NBC, Time Warner. Les FTN de la communication font de cette ville au cœur des réseaux de communication comme c'est le cas avec les groupes de médias que sont NBC, CBS ou des grandes agences de communication comme WPP group. NY est un hub mondial étant à la fois un port (1er port de la façade atlantique des E.-U.), un lieu de concentration des flux aériens avec ses trois aéroports : JFK, La Guardia et Newark. Elle est toujours une porte d'entrée (une gateway). C'est une ville cosmopolite avec donc 36% d'immigrés et parmi ces immigrés 30% sont originaires des Caraïbes, 24% sont asiatiques, 19% Européens , 9% d' Amérique centrale et du Mexique. Il faut enfin souligner qu'il s'agit d'une ville marquée par la ségrégation sociale et ethnique : un New Yorkais sur 5 est considéré comme pauvre. Le CBD à savoir Manhattan concentre les richesses alors que les quartiers périphériques sont plus pauvres. Néanmoins, un quartier comme Brooklyn connaît depuis quelques années une nouvelles dynamique. La politique dite des « empowerment zones » a favorisé la rénovations de certains quartiers comme Harlem (politique incitant à investir dans ce type de quartier par la défiscalisation). On assiste à la gentrification de plusieurs quartiers. Depuis plusieurs années, on note une montée en puissance des villes asiatiques de plus en plus mondialisées.
  • La Chine compte plus de cent villes ayant plus d'un million d'habitants mais peu ont une dimension internationale et mondiale. Trois type de villes asiatiques peuvent être différenciées selon leur ouverture au système mondial, la situation géopolitique ... Singapour et Hong Kong sont des cités-états plutôt globalisées : ces villes ont des structures étatiques, sont des places financières, des hubs, des ports majeurs...
  •  Certaines villes jouent un rôle important et dominent leurs territoires nationaux comme Kuala Lumpur, Séoul, Bangkok.... Des villes comme Tokyo et Shanghai sont des villes déjà globales. Nous allons prendre Tokyo et Shanghai à titre d'exemple. Tokyo est une mégapole et l'agglomération la plus importante de la planète avec ses 37 millions d'habitants sur un rayon d'environ 50 kms. Tokyo est la capitale du Japon dont elle est le cœur également économique, commercial et financier. Sa place financière, le Kabuto chô est la 3e au monde, plusieurs FTN japonaises ont leurs sièges sociaux à Tokyo comme Mitsubishi, Mitsui, Sumitomo, NTT (NipponTelegraph and Telephone, Nissan Motor, Sony et 80% des FTN étrangères qui s'installent au Japon le font à Tokyo Elle est aussi le pivot de la mégalopole nippone. Elle est un hub aéroportuaire avec ses deux aéroports d' Haneda et Narita : Haneda est le 5e aéroport mondial en 2015 avec 75 millions de passagers. Shanghai est une métropole en passe de devenir une ville mondiale : c'est une ville de 24,2 millions d'habitants (au 5e rang mondial en 2015). Dans les classements internationaux, elle est bien classée notamment dans le classement du GaWC où elle est classée en Alpha + (seules 3 villes sont classées en Alpha ++ : Londres, NY et Paris) ; dans le classement Foreign Policy, elle est seulement classée au 21e rang. Elle est devenue une ville majeure tant en Chine qu'en Asie orientale et dans le monde. Elle est la seconde place financière de Chine derrière Hong Kong et 11e place financière mondiale (Hong Kong est la 3e place financière au monde). 
  • Elle est un pôle commercial dominant avec 30% des activités commerciales chinoises qui se font à Shanghai. Elle est devenue le 1er port mondial devant Singapour y compris au niveau des conteneurs. La présence d'un grand prix de formule 1 ou l'exposition universelle de 2010 traduisent le poids pris par cette ville. Cette ville a connu un renouveau surtout à partir des années 1990 lorsque l'état chinois décide d'en faire une ville vitrine de l'émergence chinoise. Le développement de la zone de Pudong est à ce titre significatif : il s'agit d'une zone se trouvant à l'est de la rivière Huangpu, une zone longtemps à l'écart se situant face à la vieille ville de Shanghai, le Bund. Pudong est devenue une zone industrielle et d'investissements accueillant des industries de hautes technologies. Pudong a son centre financier, 5 zones industrielles où sont notamment installées des firmes comme Hewlett-Packard, IBM, Philips...
  •  Pudong dispose d'un aéroport international, Hongqiao, relié au centre ville par un train à suspension magnétique et d'un port : celui de Waigoqiao. Pudong se veut le Manhattan chinois avec son centre des affaires de Lujiazui qui comprend plusieurs gratte-ciel très importants comme la tour de la perle de l'Orient, une tour de télévision de 468 mètres de haut (1995) mais la Bank of China Tower construite en 2000 ou la Shanghai World Financial Center (2008)...La ville de Shanghai, c'est aussi une université réputée avec l'Université de Tonji. Surtout a été construit un nouveau port celui de Yangshan qui a ouvert en 2005 : un port conçu sur une île est relié au continent par un pont de plus de 32 kms. 
  • Ce port est aujourd'hui le plus actif du monde. Parmi, les territoires majeurs de la mondialisation, les littoraux et les façades maritimes sont également des espaces moteurs de la globalisation. Ils sont des interfaces majeures de cette dernière c’est-à-dire des zones de contact avec l’arrière-pays ou hinterland.
  • Les littoraux concentrent les plus fortes densités de population ainsi que de nombreuses métropoles comme le montrent les exemples de Tokyo, Shanghai,New York, Sydney... Certaines métropoles doivent une partie de leur dynamisme et essor au fait qu'elles soient des ports et au commerce maritime : Shanghai est ainsi le 1er port mondial, Singapour le second et ce sont des villes majeures. Les métropoles se trouvent au bord des littoraux ou à proximité pour diverses raisons : des raisons économiques comme la proximité des voies maritimes et des ports mais aussi des raisons plus culturelles colle l'attrait des littoraux (phénomène d'héliotropisme). Parallèlement, la révolution des transports maritimes a permis l'essor des échanges donc le développement des ports et zones industrialo-portuaires. Les littoraux sont devenus des territoires industriels avec en particulier l'implantation sur ces littoraux d'industries comme la sidérurgie, la chimie. Les phénomènes de littoralisation, mondialisation et métropolisation sont incontestablement liés. On peut s’appuyer sur l’exemple de la Northern Range, la principale façade maritime en Europe allant du Havre à Rotterdam.. Elle est aussi une des interfaces majeures de la mondialisation. On peut rappeler que cette façade repose sur un système portuaire ancien depuis la période médiévale. Cette façade comprend un chapelet de ports plus ou moins importants dont Le Havre, Dunkerque, Anvers et Rotterdam.
  •  Ce dernier est le port majeur de cette Northern range (9e port mondial) : il a longtemps été le 1er port au monde dans les années 1960-1970 avant d’être remplacé dans la hiérarchie mondiale par les ports asiatiques notamment chinois. Ce port est vraiment un « lieu de jonction des flux » (Vincent Adoumié et Jean-Michel Escarras : Lieux et territoires de la mondialisation). Rotterdam a traité en 2019 469 millions de tonnes de marchandises qui ont donc été transbordées et en 2017 il était au 11e rang mondial pour les conteneurs avec 13,7 millions d’EVP (équivalent vingt pieds). Mais la façade maritime devenue vraiment incontournable est la façade maritime d’Asie orientale, un des coeurs de l’économie mondiale et de la mondialisation. Cette région allant de Singapour à Tokyo traite plus de 50 % du trafic mondial de conteneurs. Surtout, dans le top 10 des principaux ports de conteneurs 9 sont asiatiques : seul le port de Djebel Ali (Dubaï) se classe dans ce top 10 au 9e rang. Les principaux ports à conteneurs sont en 2017 : Shanghai, Singapour, Shenzhen, Ningbo, Hong Kong... Ces ports forment aujourd’hui des plateformes littorales et logistiques considérables. Il faut préciser qu’à partir de ces ports et de cette façade maritime, les états tentent de développer l’arrière-pays pour mieux l’intégrer à la mondialisation. C’est que fait notamment la Chine en particulier en développant l’axe fluvial du Yangzi (voir l’essor de la ville de Wuhan) Au niveau des états, plusieurs sont particulièrement bien insérés dans la mondialisation : c'est le cas des états développés anciens que sont les états européens, les E.-U ou le Japon. Les NPI, Taïwan, Corée du Sud, Singapour, Hong Kong sont également des états majeurs.Les états émergents comme les BRICS (Brésil, Russie, Inde ,Chine, Afrique du Sud) sont également des états importants du processus de globalisation. On peut considérer que des états comme la Turquie, le Chili, l'Argentine sont dans cette logique ou en passe de l’être. 

b / Des territoires périphériques et en retrait 

  •  Plusieurs territoires sont des territoires périphériques ou en retrait de la mondialisation. Pouvant être très en retrait dans la mondialisation, les territoires de montagnes ou encore les territoires désertiques. Des états sont dits périphériques comme les états en développement. Parmi, eux quelques états connaissant un développement réel : les « bébés tigres » (Thaïlande, Indonésie, Malaisie...).
  •  Par contre, une quarantaine d'états sont nettement en retrait comme les PMA : Afghanistan, Angola, Bangladesh, Bénin, Bhoutan, Burkina-Faso, Burundi, Cambodge, Erythrée, Ethiopie, Gambie, Haïti, Rwanda, Somalie, Soudan,Tchad... Nous allons analyser deux types de territoire qui semble en retrait à savoir l'Amazonie et l'Himalaya afin de montrer que la réalité est plus complexe qu'il n'y paraît. L' Amazonie est un territoire couvrant plusieurs états d'Amérique du Sud : Brésil, Suriname, Guyana, Guyane française, Venezuela, Colombie, Equateur, Pérou, Bolivie. Elle correspond à une plaine de 6,5 millions de km carré (les deux tiers sont au Brésil) traversée par le fleuve Amazone et son bassin composé de nombreux affluents. L' Amazone, c'est au total un bassin de 7 millions de km carré avec, à l'embouchure, un débit moyen de 180 000 mètre cube seconde (100 fois celui d'une fleuve comme le Rhône). Ce fleuve de 6 437 km prend sa source au Pérou et a deux affluents essentiels : le Rio Negro et le Madeira. L' Amazonie , c'est aussi la moitié des forêts tropicales du monde. Ce territoire est occupé de longue date par des populations amérindiennes qui ont aménagé une partie la forêt : des peuples semi-nomades. La découverte du Brésil par les Portugais va changer la donne puisqu'ils vont pénétrer la région amazonienne par l'embouchure du fleuve Amazone. Dans le même temps mais c'est beaucoup plus compliqué, les Espagnols tentent de descendre l'Amazone (en partant du Pérou) d'ouest en est. Le Portugal obtient la reconnaissance de sa souveraineté sur l'Amazonie avec le traité de Madrid signé en 1750 avec l'Espagne. Ce territoire est vu par les Européens, au moins au départ, comme un Eldorado. Les Portugais prennent conscience assez tôt que cette forêt est immense avec un climat peu favorable et des populations amérindiennes présentes. Le Portugal se contente au début d'exploiter du bois (le bois de pernambouc, pau-brasil en portugais d'où le nom donné à ce pays). 
  • L'exploration de l'Amazonie est le fruit des « bandeirantes » mais aussi des missionnaires comme les Jésuites). Aujourd'hui, l'Amazonie notamment brésilienne est une « forêt urbanisée »,pour reprendre l'expression d'une géographe brésilienne B. Becker. Les villes amazoniennes concentrent environ 20 millions d'individus (recensement de 2014) : la ville de Manaus avait en 2010 plus de 1,7 million d'habitants. Plusieurs villes sont nées avec la construction de la transamazonienne, une route de 4 220 km de long reliant le Pérou à l'Atlantique. Manaus a connu une forte croissance lorsque l'état brésilien a créé une zone franche dans cette ville où se sont dès lors implantées des industries d'assemblage dans les domaines de l'électroménager ou de l'électronique. Des aires d'influence urbaines se sont ainsi constituées même si existe encore des zones peu concernées par le processus comme le nord du Mato-Grosso et le sud de l'état du Parà. Surtout l' Amazonie est devenue un territoire à exploiter économiquement notamment au niveau agricole. Il faut rappeler que le Brésil est une des grandes puissances agricoles de la planète : 2e producteur mondial de soja derrière les E.-U avec en 2010 environ 69 millions de tonnes produites, 1er producteur de café devant la Colombie et l'Indonésie...
  •  De plus, le secteur agroalimentaire représente environ un tiers du PIB et 40% des exportations du Brésil. L'état brésilien, dans les années 1960, a décidé de coloniser l'intérieur des terres notamment l'Amazonie avec la constitution de fronts pionniers : il s'agissait de développer davantage le secteur agricole. D'ailleurs, en 2010, l' Amazonie représente en 2013 28% de la production agricole du pays contre 8% en 1985. La mise en place de ces fronts pionniers a généré l'afflux de migrants qui ont exploité et défriché les terres amazoniennes. 
  • Le plan d'intégration nationale de l'Amazonie de 1970 a renforcé ce processus notamment avec l'ouverture de la Transamazonienne et d'autres axes de communication nord-sud (axe Brasilia- Belem). L' Amazonie est constituée encore de sociétés dites traditionnelles (ribeirinhos) vivant en communautés le long des fleuves et rivières pratiquant une agriculture de subsistance ; de petites exploitations familiales notamment le long de la Transamazonienne pratiquant à la fois une agriculture de subsistance et de rente avec les cultures de café et de cacao. Mais il existe aussi de grandes exploitations d'élevage extensif (propriétaires éleveurs) avec un cheptel bovin évalué en 2015 à 190 millions de têtes. Enfin, il ne faut pas oublier le complexe agro-industriel qui utilise un nombre important d'exploitations grandes et moyennes ( de 500 à 4000 hectares voire plus pour les plus grandes) : ces exploitations sont fondées sur la culture du soja notamment. Mais l'Amazonie, c'est l'exploitation également d'autres ressources. A l a fin du 19e siècle avait été exploité le caoutchouc (hévéas) et actuellement on exploite du pétrole présent en Amazonien (180 lots d'exploitation en 2015 couvrant environ 70% de l'Amazonie. L'exploitation de l'Amazonie a conduit à un processus considérable de déforestation : elle est réellement menacée. En 1995, la superficie déboisée au Brésil correspondait à la superficie de la France et actuellement il est de l'ordre de 4 800 km carré en, moyenne par an. On peut aussi évoquer la situation des amérindiens avec une particularité : l'existence de populations encore isolées. La FUNAI, la fondation gouvernementale qui s'occupe des amérindiens (Fundaçao Nacional do Indio) a recensé environ 30 groupes d'Indiens dits isolés (environ 2000 individus). Des fronts de protection ont été créés afin de les préserver. En Colombie, en 2010, 87 peuples autochtones (1,3 million d'individus) ont été recensés dont 51 en Amazonie soit environ 135 000 individus et la Constitution de 1991 a reconnu à ces Amérindiens des droits dont la reconnaissance de territoires à titre collectif avec autonomie financière. Second exemple : l'Himalaya. C'est la plus haute chaîne de montagnes de la planète avec environ 15 sommets à plus de 8000 m, une chaîne allant du Pendjab à l'Ouest (limite Inde-Pakistan) jusqu'au nord de la Birmanie. Elle s'étend sur 2 400 km d'ouest en est et sur 250 à 400 km du nord au sud (environ 600 000 km carré). Le versant sud de l'Himalaya se compose de forêts tropicales comme dans la zone du Terraï en Inde mais aussi d'un versant nord composé du plateau tibétain dont l'altitude moyenne est de 4000 m même si pour certains ce plateau n'est pas à proprement parler himalayen. 
  • L' Himalaya est souvent perçu comme le « château d'eau de l'Asie car plusieurs grands fleuves y prennent leurs sources comme l' Indus, le Gange ou le Brahmapoutre.
  • Ce territoire est d'une grande diversité culturelle et a toujours été un lieu de brassages de populations et on peut distinguer plusieurs aires culturelles : une aire hindouiste, une aire tibétaine, une aire musulmane, une aire animiste. Un état comme le Népal (environ 27 millions d'habitants) est composé d'environ 60 ethnies dont les Newars (5% de la population), les Sherpas, les Thamangs. L' Himalaya semble reculé et il l'est en partie mais n'est pas complètement isolé surtout qu'il est un enjeu géopolitique entre plusieurs états à tel pont qu'on peut parler d'un « front himalayen ». Plusieurs états sont présents en Himalaya comme l'Inde, le Pakistan, la Chine et deux petits états enclavés et dominés que sont le Bhoutan et le Népal. L'une des zones de fortes tensions est la région du Cachemire, un ancien état princier qui a été rattaché à l'Inde au moment de l'indépendance en 1947, un rattachement voulu par son prince alors que la population est en grande majorité musulmane comme celle du Pakistan voisin. Ce dernier revendique la province indienne nommée Jammu-et-Cachemire. Plusieurs conflits ont eu lieu entre les deux pays : en 1949, en1965, en 1971, en 1999. Un autre contentieux oppose la Chine et l'Inde suite à un conflit en 1962. suite à ce conflit, la Chine a annexé une région nommée Aksaï Chin revendiquée par l'Inde alors que la Chine revendique un état indien l' Aruchnachal Pradesh. Par contre, l'Inde a reconnu en 2003 l'autorité de la Chine sur le Tibet et la Chine l'autorité de l'Inde sur la province du Sikkim rattachée à l'Union indienne en 1975 suite à une référendum. Comme on peut le voir même une région qui semble délaissée est connectée aux enjeux géopolitiques.
ZEE France

B/ Des espaces maritimes de plus en plus prégnants


« Immenses espaces naturels et monde du silence, les mers et océans n’ont jamais connu une activité aussi intense (...) » affirment Antoine Frémont et Anne Frémont-Vanacore (Géographie des espaces maritimes, La documentation photographique, avril 2015). Effectivement, les mers et océans sont de plus en plus exploités, le nombre de navires les parcourant est aussi en plein essor et « du fait de l’activité des hommes, les mers et océans ne sont plus de simples milieux naturels. » ( Antoine Frémont et Anne Frémont-Vanacore). Longtemps ces espaces étaient perçus comme dangereux et progressivement les Etats ont pris conscience de l’importance de ces espaces tant pour le commerce que pour l’affirmation de la puissance. 
Progressivement et de plus en plus intensément à partir du 20e siècle, les Etats ont considéré ces espaces comme des territoires au même titre que les territoires terrestres devenant des territoires de « souveraineté océanique » comme l’écrit André Louchet (Atlas des mers et océans, éditions Autrement : 2015). On peut ainsi parler d’une « conquête effective, sur fond de ressources halieutiques, minérales ou pétrolières (qui) en est l’enjeu essentiel. » ( André Louchet). En territorialisant les mers et océans les Etats ont fait d’eux des espaces sources de convoitises et d’enjeux avec la thématique des frontières maritimes. Ces frontières maritimes sont selon Nathalie Fau « le dernier cloisonnement du monde » (Frontières, éditions Armand Colin, 2020) 

 a/ L'impact de la mondialisation sur les espaces maritimes

  • Les mers et océans sont au cœur de la mondialisation. Alain Miossec rappelle que « l’économie voyage en bateau avec environ 90 % des échanges se faisant par les mers et océans. « Le transport maritime demeure l’épine dorsale du commerce mondialisé et de la chaîne d’approvisionnement manufacturière : plus des quatre cinquièmes du commerce mondial de marchandises en volume sont transportés par mer. » (CNUCED : étude sur les transports maritimes 2019) Rappelons que l'espace maritime mondial correspond à 361 millions de km carré (71% de la surface terrestre) dont 333 millions de km carré pour les océans (92% de la surface maritime) formant ce qu’on nomme désormais comme étant le sixième continent. On distingue plusieurs océans dont des océans majeurs par la dimension mais aussi par l’importance économique, stratégique comme le Pacifique, l' océan Atlantique ou encore l’océan Indien et des mers plus ou moins fermées, elles aussi importantes à plusieurs niveaux :mer Noire, mer rouge....
  • Il faut préciser que certains bassins maritimes ont une importance stratégique forte comme la Méditerranée, la mer de Chine méridionale, la mer des Caraïbes et sont inscrits dans une histoire de longue durée (voir le rôle de la Méditerranée depuis l’Antiquité). L'espace maritime permet des liens entre les états et continents étant des espaces d’échanges : 43 états n'ont pas d'accès à une mer ou un océan : ils sont enclavés. Les mers et océans sont aussi des espaces où se trouvent des ressources : halieutiques, minérales, hydrocarbures. Bien entendu, il existe une géographie maritime particulière à chaque nation et tous les états sont liés à la mer pour leurs échanges et approvisionnements y compris la trentaine d'états enclavés n'ayant pas accès directement à une mer. En effet, la plupart des échanges sont maritimes avec une mondialisation maritime. Il faut insister sur le fait que depuis très longtemps la mer est un espace d'échanges. Les 15e et 16e siècle avec les grandes découvertes ont renforcé l'importance de la mer : la diffusion des marchandises et produits nouveaux (café, sucre...) tout comme le commerce des esclaves se font par les océans. Le 19e siècle avec la mise au point des navires à vapeur, les échanges maritimes vont croître et, plus tard, les porte-conteneurs vont encore accélérer ce phénomène. L’économie mondiale peut difficilement se passer des mers et océans. Trois océans ont joué et jouent encore un rôle essentiel dans la mondialisation : l'océan Atlantique, l'océan Pacifique et l'océan Indien. L'océan Atlantique est devenu à partir du 16e siècle le centre de l'économie-monde avec des pôles majeurs comme Londres ou New York. L' Atlantique est toujours un océan majeur des échanges mondialisés avec la Northern range (rôle clé de Rotterdam) ou la façade atlantique des E-U. 
  • L'océan Pacifique est devenu un océan déterminant depuis les années 1980 avec le basculement de l'économie mondiale vers l'Asie- Pacifique. La façade d'Asie orientale et la façade japonaise sont les façades maritimes les plus importantes de l'économie mondiale. L'intérêt des E.-U pour l'Asie-Pacifique confirme le poids grandissant de l'océan Pacifique. Enfin l'océan Indien a joué et joue aussi un rôle capital : des routes maritimes essentielles relient le Golfe persique à l'Asie avec notamment le détroit de Malacca. On peut ajouter à ces océans plusieurs mers dont la fonction est importante : mer Méditerranée, mer des Caraïbes ou encore la mer de Chine méridionale. La mer Méditerranée est aussi considérée comme une interface entre la rive nord développée et la rive sud qui l’est moins ; c’est aussi le cas pour les Caraïbes ; une interface entre les Etats-Unis puissance économique dominante et l’Amérique centrale et latine plus périphérique. Sous un angle plus géopolitique, Walter Raleigh( 15e-16e) affirmait : « Qui tient la mer, tient le commerce du monde, qui tient le commerce du monde, tient la richesse du monde ; qui tient la richesse du monde tient le monde lui-même. » La mer et les océans sont depuis longtemps des enjeux géopolitiques. Il faut replacer, en effet, les mers dans une perspective historique comme le montre l'importance des mers et océans surtout à partir du 16e siècle au moment ds grandes découvertes notamment et de ce qui est pour certains les premiers pas de la mondialisation. Les grandes puissances s’affirment aussi par les mers et sont des puissances maritimes : l’exemple type est celui de l’Empire britannique aux 18e et 19e siècles qui était fondé sur le contrôle des mers avec une flotte tant marchande que de guerre dominante. Les routes maritimes sont dès lors essentielles dans la mondialisation avec la maritimisation de l'économie mondiale car les échanges passent par elles.De ce fait, « les transports maritimes sont l’épine dorsale de la mondialisation » comme le rappellent Antoine Frémont et Anne Frémont- Vanacore. Une route maritime se caractérise par des itinéraires servant aux navires, des routes permettant de relier les grandes façades maritimes et connectant les ports entre eux. Les routes maritimes sont parcourues par environ 40 000 navires de plus de 300 tonnes.
  • Ces routes sont empruntées par des types de navires différents et sont organisées autour des points de passage essentiels que sont les canaux, les détroits. Le canal de Panama ou le canal de Suez sont des canaux indispensables comme les détroits d'Ormuz, de Bab-el-Mandeb, du Bosphore, de Gibraltar ou de Malacca. Chaque année, 100 000 navires empruntent le détroit du Pas-de-Calais ou celui de Malacca. Ces routes maritimes évoluent : le poids pris par l'Asie a donné une autre dimension aux routes maritimes reliant l'Asie aux autres parties du monde. On peut différencier les routes en routes transocéaniques (transpacifiques, transatlantiques) et les routes péricontinentales (proche du cabotage). Pour ces lignes, les armateurs n'utilisent pas le même type de navires : les porte-conteneurs transocéaniques sont sur-dimensionnés par rapport aux porte-conteneurs faisant du cabotage. On peut s'appuyer sur plusieurs exemples avec les espaces maritimes de l'Atlantique, du Pacifique ou de l'océan Indien. 
  • Pour l'Atlantique, une route majeure est celle de l'Atlantique Nord reliant par exemple Rotterdam-New York ou Rotterdam-Panama ; pour l'Atlantique Sud, les routes New York-Le Cap ou Rio-Le Cap sont importantes. Parmi les routes péricontinentales, on peut signaler la route conduisant du port de Kiel en Allemagne à Gibraltar ou pour l'Amérique du Nord du port canadien d'Halifax à Miami. En ce qui concerne le Pacifique Nord, on distingue des routes majeures comme celles reliant Vancouver à Yokohama ou Yokohama à San Francisco ; pour le Pacifique Sud, la route Panama- Sydney. Pour la façade asiatique, la route Singapour-Yokohama est essentielle. Au niveau de l'océan Indien, la route Aden-Colombo-Singapour est fondamentale et une route plus péricontinentale comme la route Suez-Aden-Le Cap joue un rôle notable au niveau de l'Afrique de l'Est. Parmi ces routes, les plus importantes sont liées au commerce d'hydrocarbures avec un Moyen-orient qui est une zone de chargement fondamentale notamment vers l'Asie : la principale route dite du pétrole passe par le détroit d' Ormuz, contourne la péninsule indienne, passe par le détroit de Malacca et se dirige vers les destinations finales que sont le Japon, les NPI et la Chine. Le canal de suez a perdu un peu de son importance comme point de passage des pétroliers à destination de l'Europe depuis l'ouverture d'un oléoduc (SUMED) reliant la mer rouge à la Méditerranée. En ce qui concerne les navires , on peut mettre en avant la spécialisation avec les pétroliers et ce qu’on nomme les vraquiers pour le transport des matières premières, les porte- conteneurs... 
  • Au niveau des porte-conteneurs, le système est fondé sur l'idée « hub and spokes » c'est-à-dire des porte-conteneurs géants faisant escale dans quelques ports majeurs comme Rotterdam en Europe ou Singapour en Asie puis des navires de plus faible tonnage appelés feeders font la répartition des marchandises et conteneurs dans des ports de dimension plus réduite. On peut préciser que des armateurs comme Maersk ont leurs propres hubs comme le hub d' Algésiras en Espagne pour desservir l'Afrique occidentale. Avant d'aborder les ports, il faut signaler le rôle des armateurs : les 10 premiers contrôlent plus de 50% de la flotte. Ces armateurs s'appuient sur un réseau de lignes régulières reliant les principaux ports. Parmi les grands armateurs on trouve Maersk (Danemark), Mediterranean Shipping (Suisse), CMA CGM (France : Compagnie maritime d’affrètement-Compagnie générale maritime), China Ocean Shipping Company (COSCO), Hapag Lloyd AG (Allemagne) et Evergreen Marine Corporation (Taiwan). Maersk possède plus de 1590 navires. Les ports jouent bien entendu un rôle essentiel dans le transport maritime et la mondialisation. En 2015, 90 000 navires sous 128 pavillons différents assurent 90% du trafic mondial de marchandises avec des flux qui croissent en moyenne de 5% par an. 
  • En 2019, le nombre de navires est évalué à 92 295. On peut signaler qu’au niveau de la construction navale, 3 pays produisent 90 % des navires : la Chine, la Corée du Sud et le Japon. En 2018, on dénombrait 12 197 cargos, 5192 porte-conteneurs,11 826 pétroliers et chimiquiers... Un rapport de l’ONU de 2019 indique qu’en 2018 plus de 11 milliards de tonnes de marchandises ont été transportées avec 793 millions d’ EVP manutentionnés dans les ports à conteneurs. On peut également donner quelques informations sur les principaux pays propriétaires de navires qui sont en 2019 la Grèce, le Japon, les Etats-Unis, la Chine et la Norvège. Quant aux principaux pavillons d’immatriculation (liens avec les pavillons dits de complaisance), il s’agit en premier lieu de Panama, les îles Marshall, du Libéria, de Hong Kong et de Singapour (on retrouve dans le top 20 des pays comme Malte, les Bahamas, l’île de Man...). 
  • Les ports ont donc vu leurs activités croître : la croissance économique notamment en Asie et l'essor du commerce mondial ont permis le développement des ports et même la construction de nouvelles zones portuaires comme le port de Yangshan à Shanghai ou le développement du port de Ningbo toujours en Chine et à proximité de Shanghai. 
  • Ainsi, le port de Ningbo-Zhoushan a été créé en 2006 réunissant sous une même autorité les ports de Ningo et Zhoushan, un port qui était devenu en 2013 le 1er au monde en millier de tonnes. Les ports sont également fortement connectés les uns aux autres mais quelques grands ports dominent le commerce maritime comme nous le verrons plus loin. 
  • Il faut insister sur le fait que le système maritime mondial est à la fois le reflet des inégalités mondiales (et de la hiérarchie des économies) et le reflet de la mondialisation. C'est en effet un système très polarisé avec d'une part 21 états qui contrôlent 80% de la flotte marchandes, des flux qui passent par quelques grandes routes maritimes notamment celles reliant les grandes façades maritimes et 20 ports (dont 14 en Asie et 9 en Chine) qui polarisent 55% des flux mondiaux. En 2015, en millions de tonnes, le classement était le suivant : premier rang pour Ningbo-Zhoushan (Chine) avec 889 millions de tonnes, en second Shanghai (Chine) avec 717 millions de tonnes, troisième Singapour avec 574 millions de tonnes puis au 4e rang Tianjin (Chine) avec 541 millions de tonnes, au 5e rang Taicang (Chine), au 6e rang Guangzhou (Chine), 7e rang Qingdao (Chine)... 9e rang Rotterdam, 15 e rang le port de South Louisiana (Etats-Unis). 
  • En 2002, Rotterdam arrivait au 1er rang mondial devant Singapour, Shanghai, South Lousiana, Hong Kong et Nagoya (Japon)... Ce classement montre bien le rôle fondamental joué désormais par l’Asie et en particulier la Chine.On note donc un basculement vers l'Asie orientale et en particulier au profit de la Chine. En ce qui concerne les ports à conteneurs en 2018, le 1er port au monde est celui de Shanghai avec plus de 42 millions d' EVP devant Singapour (39,6 millions d' EVP), Ningbo-Zhoushan (Chine et plus de 26 millions d’EVP), Shenzhen (Chine avec 25,7 millions d' EVP), Busan (Corée du Sud avec plus de 21 millions d’EVP, Hong Kong (19,6 millions d’EVP)... Dubaï est au 10e rang mondial et se trouve être le 1er port non asiatique (14,9 millions d’EVP) devant Rotterdam qui se classe au 11e rang mondial (14,5 millions d’EVP) (Rotterdam représente 7% du PIB des Pays-Bas et plus de 300 000 emplois dans l'hinterland, c'est dire son impact), Anvers au 13e, Los Angeles au 17e , Hambourg au 19e rang... Le dynamisme des ports est lié à celui de la région dans laquelle ils se trouvent mais aussi dans la capacité à s'adapter aux mutations du transport maritime (gigantisme des navires, spécialisation des flottes, possibilités de stockage)...
  • Ils sont fondamentaux car en lien avec l'hinterland (l’intérieur des terres) sachant que les grands ports sont multimodaux avec voies ferrées, autoroutes ou voies fluviales les connectant à l'arrière-pays.
  •  On peut aussi préciser qu'ils assurent la douane et l'administratif... C'est pourquoi il ne faut pas s'étonner si quelques ports, les plus compétitifs et adaptés aux changements, concentrent les grands flux (les main ports). C'est à partir des grands ports que sont redistribuées les marchandises par un système de cabotage (par des navires de plus faibles dimensions) : c'est ce qu'on nomme le feedering déjà évoqué. Les ports sont bien des portes d'entrée du monde ou gateways situés à l'interface entre littoraux et hinterland. Les grands ports ont accompagné la révolution des transports et se sont adaptés à la révolution du conteneur. Certains ports se sont spécialisés dans le transport de conteneurs comme le port italien de Gioia Tauro, un port qui s'est reconverti dans les conteneurs dans les années 1990 (plus de 2,4 millions d' EVP en 2017 et au 74e rang mondial). Les infrastructures des ports ont été modernisées avec une mécanisation accrue (rôle des portiques...). 
  • Même si on note une polarisation du commerce autour de grands ports, il faut souligner la « dispersion » de l'activité portuaire. L' Europe dispose ainsi de 1200 ports bien que trois soient dominants : Rotterdam, Hambourg et Anvers (Northern range). L' Asie est particulièrement dynamique et tire un grand profit de la maritimisation de l'économie mondiale. On l'a vu, les plus grands ports quelque soit le domaine se situent en Asie et notamment en Chine. Les 13 premiers ports chinois concentrent 60% des tonnages métriques de la planète et 15 ports asiatiques sont dans les 20 premières places au niveau des conteneurs sachant que la conteneurisation est devenue un pivot déterminant du commerce et de la mondialisation. 
  • En Chine, 150 millions de boîtes ont été manutentionnés en 2014 dans les 5 premiers ports du pays ce qui prouve l'importance des infrastructures mises en place. 
  • Un port comme celui de Shanghai est tout de même passé de 0,5 millions d' EVP en 1990 à 29,5 millions en 2010 puis 40 millions en 2017. Hong Kong et Singapour (avec Jebel Ali le port de Dubai) ont les plus importants terminaux afin d'assurer le transbordement des plus grands porte-conteneurs (ceux de 18 000 EVP). Le classement des ports montre la polarisation sur l'Asie et le fait seuls Dubai et les ports européens de Rotterdam-Anvers-Hambourg sont encore en mesure de rivaliser avec les pays asiatiques. En fait, on se dirige peu à peu vers une marginalisation des ports américains et européens mais aussi japonais. Les années 1980-1990 correspondant au basculement vers l'Asie, un basculement qui s'est accéléré. 
  • Un autre tournant est l'émergence de grands ports chinois dans les années 2000, des ports financés par l'état chinois. A cela s'ajoute le fait que 5 entreprises privées de manutention contrôlent 45% de la manutention de conteneurs et sur ces 5, trois sont asiatiques ; Hutchison Whampoa Limited (numéro 1 mondial) avec 78,4 millions d' EVP est une firme de Hong Kong, PSA Singapore Terminals est une firme de Singapour avec 61,8 millions d' EVP et est classée en seconde position. En 3e position se trouve la firme chinoise Cosco Pacific Limited (61,3 millions d' EVP ( Dubai Port World est au 4e rang mondial et APM Terminals au 5e rang, une firme danoise). Enfin, cette importance du transport maritime se traduit au niveau des façades maritimes dont quelques unes sont des territoires moteurs de la mondialisation. Parmi ces façades, jouent un rôle essentiel la façade maritime d'Asie orientale de Singapour jusqu'au port coréen de Busan, une façade comprenant les ports chinois dont Hong Kong, Ningbo, Shanghai... 
  • Une autre façade en Asie est importante : la façade japonaise en l'occurrence le Japon de l'endroit avec les ports du Kanto (région de Tokyo) dont Yokohama, Tokyo et Chiba, le port de Nagoya et les ports de Kobé-Osaka. Troisième façade : la façade de la mer du Nord (Northern range) avec comme port majeur Rotterdam mais aussi Anvers, Hambourg, Le Havre... On peut également signaler les deux façades maritimes des E.-U. : la façade atlantique avec les ports de Louisiana South (terminaux portuaires compris entre ceux de la Nouvelle-Orléans et Bâton Rouge non compris), de la Nouvelle-Orléans, de Galveston (port de Houston), port de New York et la façade Pacifique avec le port de Los Angeles et celui de Long Beach, un port adjacent à celui de Los Angeles. Enfin, pour terminer, il faut insister sur deux autres aspects : le développement de nouveaux pays maritimes et la dérégulation du système avec les pavillons de complaisance. 
  • Des états comme la Chine, Dubai mais aussi les flottes de Malaisie, d'Indonésie émergent. Il faut également mettre l'accent sur un système dérégulé celui des pavillons de complaisance au détriment des pavillons nationaux (ces derniers étaient encore dominants dans les années 1960-70). Le recours aux pavillons de complaisance est devenu très important permettant de diminuer les coûts d'exploitation. 57% de la flotte mondiale navigue sous pavillon de complaisance, des navires n’appartenant pas pour l'essentiel aux états développés : ces pavillons appartiennent à de petits états comme Panama, le Liberia, Malte, les Bahamas (qui sont souvent aussi des paradis fiscaux). Dans ces états, on ne procède pas à des contrôles techniques, la fiscalité est presque inexistante, les salaires des marins faibles... Les pavillons de complaisance permettent une baisse des coûts de transport compris entre 50 et 75%. 

 b/ Des espaces devenus essentiels et sources de tensions accrues

  • Les espaces maritimes sont essentiels et représentent des enjeux géopolitiques importants. Ces enjeux sont militaires et sécuritaires, économiques... Il existe une longue histoire entre la mer et les états et très tôt les mers ont été objet de conflits comme la bataille navale de Salamine entre Perses et Grecs en moins 480 avant J-C. Certaines batailles ont été décisives comme la victoire de Lépante en 1571 : une victoire d'une coalition nommée la Saint Ligue composée de l'Espagne, de Venise, de la république de Gènes contre l'Empire ottoman dont la flotte fut en grande partie détruite. Comme l’écrivent Antoine Frémont et Anne Frémont-Vanacore, les « espaces maritimes (sont) au coeur d’enjeux globaux. » 
  • Ils sont un enjeu de souveraineté majeur pour plusieurs états. Pendant longtemps existait la liberté des mers : une liberté voulue par les grandes puissances européennes au 19e siècle. Mais après la seconde guerre mondiale, les choses vont changer avec le développement économique, le processus de décolonisation qui conduit les états nouvellement indépendants à revendiquer le contrôle de zones maritimes... 
  • Selon le droit international, les espaces maritimes sont formés par les « étendues d'eau salée en communication libre et naturelle. » En 1973, l'ONU a créé la Convention des Nations unies pour le droit de la mer (CNDUM). Cette convention apporte des précisions sur les zones maritimes exclusives, ce qu'on nomme le plateau continental...
  • Cette convention est à l'origine du tribunal international du droit de la mer installé à Hambourg et composé de 21 juges élus par les états signataires de cette convention. 
  • Cette Convention se termine par la signature des accords de Montego Bay (Jamaïque) en 1982 : une convention entrée en application en 1994. Elle définit les différents espaces maritimes qui ont des statuts juridiques différents. La règle est que le droit des états s'atténue plus on se rapproche de la haute mer. Plusieurs espaces sont différenciés allant de zones où s'exerce la souveraineté des états et des zones internationales à savoir les ZEE et les eaux internationales. Tout d'abord, on distingue la mer territoriale (12 milles marins puis la zone dite contiguë (24 milles marins). Dans cette double zone, un état exerce sa souveraineté et peut imposer ses lois fiscale, sanitaire, migratoire... Dans les eaux relevant de la Zone Economique Exclusive, l'état se voit reconnaître le droit d'exploiter les eaux et les sous-sols marins : cette zone est de 200 milles marins (environ 370 km). 
  • Dans cette ZEE, l'état riverain est donc propriétaire des ressources s'y trouvant. On a donc tenté de mettre en place une gouvernance maritime. Au delà de cette ZEE, c'est la zone de haute mer (64% de la surface des mers et océans) où les états ont la liberté de navigation, peuvent poser des câbles sous-marins... On peut faire remarquer qu'il existe une zone internationale des fonds marins qui est un espace géré par l'Autorité internationale des fonds marins : ces derniers sont vus comme des biens communs de l'humanité (pour l’instant). 
  • En fait, l'espace maritime s'est territorialisé. L’idée de territorialisation est fondamentale:les espaces maritimes sont de plus en plus considérés comme des territoires terrestres. Les tensions et conflits liés aux littoraux et aux espaces maritimes se sont multipliés. 150 états sont des états côtiers et le droit international de la mer mis en place a contribué à des revendications et à l'appropriation des espaces concernés. Les états ont donc affirmé leurs intérêts et par exemple des états comme l'Indonésie et les Philippines composés de centaines d'îles se sont vus reconnaître le statut d' « états archipélagiques » ce qui leur permet de définir un vaste espace maritime intérieur reliant ces îles et formant de ce fait des mers territoriales. Les états ont aussi voulu affirmer leur souveraineté sur les zones économiques exclusives et certains cas ont été tranchés par la justice. Ainsi, en 1969, la Cour internationale de justice a procédé au partage du plateau continental de la mer du Nord entre l'Allemagne, le Danemark, les Pays-Bas et le Royaume-Uni. On peut rappeler qu'une île ou un simple îlot peut être un enjeu. Des états comme la France ou les Etats-Unis par leurs territoires ultramarins disposent de ZEE très importantes : les E.-U ont une ZEE de 12 millions de km carré, la France de 11 millions de km carré... 
  • Les mers et océans sont des enjeux entre puissance et comme le soulignait F. Ratzel un des fondateurs de la géopolitique (1844-1904), les états qui disposent de littoraux ont un avantage car ils ont accès au monde (ou à une partie). On assiste depuis plusieurs années à une montée des tensions avec des litiges et tensions pouvant porter sur des îles, des îlots inhabités sachant en plus que de nombreux états souhaitent une extension des ZEE à 350 milles marins. Depuis 2001, une dizaine d'états ont vu leurs demandes d'extension à 350 milles marins accordées : la Russie, la France (par rapport à la Nouvelle-Calédonie et la Guyane), la Brésil, l'Australie...
  • Certains litiges ont été réglés par le biais de négociations bilatérales comme entre la Norvège (concernant le littoral de la mer de Barents et la Russie ou entre le Brunei et la Malaisie. Par contre d'autres tensions et litiges ne sont pas réglés notamment en mer de Chine méridionale avec les îles Spratleys, les îles Paracel, les îles Senkaku, les îles Scarborough... mais c'est aussi le cas de l'île d' Abou Moussa dans le détroit d'Ormuz, une île contrôlée par l'Iran (et intégrée à la province du Sud de l'Iran, l'Hormozgan) et revendiquée par les émirats arabes unis. Il faut préciser que certains de ces litiges et enjeux s'inscrivent dans une perspective plus large comme dans le cas des îles Senkaku entre le Japon et la Chine où ces îles sont l'expression de la rivalité de ces deux états tout comme les revendications de la Chine en mer de Chine méridionale sont l'expression de sa volonté de puissance. A ces tensions et litiges se greffent le contrôle des espaces maritimes à des fins stratégiques et sécuritaires. 
  • La surveillance des mers, des canaux et des détroits est une préoccupation des grandes puissances (cela est le cas depuis très longtemps, ce n'est donc pas une nouveauté). Certains points de passage doivent être sécurisés comme le canal de Suez ou le détroit d'Ormuz qui sont essentiels dans le commerce des hydrocarbures (30% des flux pétroliers mondiaux passent par Ormuz) Cette sécurisation se fait notamment par les forces navales et les systèmes satellitaires. L'enjeu sécuritaire a été mis en évidence par la montée de la piraterie : l'insécurité maritime est réelle dans certains endroits de la planète : détroit de Malacca, Golfe d'Aden, Golfe de Guinée... 
  • a piraterie a été favorisée par plusieurs facteurs dont des états devenus incapables d'exercer leur souveraineté comme l'état somalien et les difficultés économiques de certains territoires. 
  • Ces actes de piraterie ont conduit les puissances à réagir par une présence navale accrue. On peut différencier plusieurs types de violences et de piraterie : dans le bassin Caraïbe ce qu'on nomme piraterie est liée aux trafics de drogue ; dans le Golfe de Guinée à l'attaque de plateformes pétrolières offshore alors que dans le détroit de Malacca ou au niveau de la corne de l'Afrique, il s'agit d'actes conduits contre des navires. Le cas de la Somalie est intéressant. En effet, cet état est envoie d'implosion depuis la fin de la dictature du général Syiad Barre qui avait pris le pouvoir en 1969 et dont la chute en 1990 a conduit à la déliquescence de cet état devenu un état failli. Un nouvel état, non reconnu par l'ONU s'est proclamé indépendant : le Somaliland et la région du Puntland est devenue autonome. Le reste de la Somalie est aux mains d'une milice islamiste, les Shebabs et de « seigneurs de guerre » : l'actuel gouvernement a donc une souveraineté limitée (Président Hassan Mohamoud). C'est dans ce contexte que s'est développée la piraterie : une piraterie qui a des liens avec le pouvoir politique en particulier dans la région autonome du Puntland. Les pirates somaliens opèrent dans le Golfe d'Aden (notamment au Nord). 
  • Il ne faut donc pas s' étonner si les espaces maritimes sont de plus en plus militarisés en lien avec les litiges évoqués et la piraterie. 
  • Cette militarisation est aussi le reflet du jeu des puissances et des différents rapports de force comme la rivalité E.-U et Chine en Asie. Il faut préciser que 40 états seulement disposent de 98% de la flotte militaire mondiale et 10 en contrôlent 84%. 
  • Il faut savoir qu'une flotte de guerre a un coût important que seuls les états aux moyens conséquents ont. Les E.-U sont la première puissance maritime au monde avec 43% du tonnage des navires de guerre devant la Russie, le Royaume-Uni, la Chine, le Japon et la France. La flotte américaine ou US Navy est composée de 283 navires de guerre dont 10 porte-avions, 12 porte-hélicoptères avec un espace maritime mondial organisé en zones au nombre de 7 (et donc 7 flottes différentes et 154 bases navales) On peut noter que les états émergents comme la Chine, le Brésil ou l'Inde tentent de se doter d'une flotte plus importante. Les états développent des stratégies comme le fait la Chine avec sa stratégie du « collier de Perles » consistant à installer des bases navales et /ou financer des ports du détroit de Malacca à l'océan Indien : ports de Chittagong au Bangladesh, de Hambatotan au Sri Lanka, de Gwadar au Pakistan... 
  • Il est intéressant d’évoquer les problèmes de mers dites semi-fermées où les obstacles pour délimiter les espaces et fixer les frontières maritimes est particulièrement complexe avec des îles multiples et on ne peut appliquer les mêmes règles pour les ZEE et même pour les eaux territoriales pour des océans et des mers quasi fermées et de dimension plus restreinte que les grands océans. Ainsi au sujet de la mer Méditerranée, on peut souligner que dans les années 1990, peu d’Etats revendiquaient une ZEE mais la donne a changé avec la découverte de gisements pétroliers et gaziers en particulier en Méditerranée orientale.

Bilan 

Les tensions liées aux îles peuvent paraître étonnantes comme peuvent l'illustrer deux exemples à savoir les îlots Tromelin et Persil alors qu'à priori ils ne présentent aucun intérêt. Tromelin est une île appartenant à ce qu'on nomme le district des îles éparses qui est rattaché aux Terres australes et antarctiques françaises (île Europa revendiquée par Madagascar, Bassas da India aussi revendiquée par Madagascar, île Juan de Nova également revendiquée par Madagascar tout comme les îles Glorieuses;). Tromelin est une île de 1 km avec 3,7 km de côtes (1600 m de long et 700 m de large), une île découverte en 1722 par un navire français. Cette île a peu d'intérêt notamment par l'impossibilité d'y implanter un port. Toutefois, cette île dispose de ressources halieutiques grâce à sa ZEE de 280 000 km carré (espaces de pêche au thon). Les îles Maurice revendique la possession de Tromelin (Maurice est devenu indépendant en 1968 après avoir été une colonie française puis anglaise). Les Mauriciens sont intéressés par les ressources halieutiques et et aimeraient affirmer leur souveraineté dans cette partie de l'océan Indien. Pour la France, l'attachement à Tromelin s'inscrit dans la logique des confettis de l'Empire colonial. Depuis la fin des années 1990, on se tourne vers une solution de partage et de cogestion de l'île entre la France et Maurice ce qu'entérine un accord en juin 2010. Seul problème depuis : le texte a été retiré de l'ordre du jour de l'Assemblée national et n'est donc pas validé. En ce qui l'îlot Persil ou Leïla en arabe, il s'agit d'un îlot de 0,15 km carré, un îlot calcaire inhabité et non occupé. C'est un no man's land revendiqué par l'Espagne et le Maroc. Rappelons que les deux états sont liés par un traité d'amitié et de bon voisinage signé en 1991 ce qui n'empêche pas les litiges que ce soit au sujet des enclaves de Ceuta et Melilla ou de cet îlot. En 2002, une crise éclate entre les deux états au sujet de l'îlot Persil avec débarquement de soldats marocains (en théorie pour lutter contre des flux illégaux) avec riposte diplomatique de l'Espagne et intervention armée (sans aucune victime). Actuellement, cet îlot reste inoccupé et est sans souveraineté tout en étant revendiqué par les deux états. 

 Océan Atlantique 

 C'est un océan d'une superficie de 106,5 millions de km carré qui a joué un rôle important pour les puissances européennes comme l'Espagne, le Portugal, le Royaume-Uni ou la France puisque à partir du 16e siècle, il est devenu le centre de gravité de l'économie européenne par le biais des grandes découvertes au détriment de la mer Méditerranée. Cet océan a permis aux puissances européennes de s'affirmer à une échelle mondiale tant par la conquête des Amériques que par l'exploitation de l'Afrique avec les traites négrières. Il est au cœur de la première mondialisation évoquée par Suzanne Berger avec notamment 55 millions d'Européens qui le traversent à destination des Amériques. Au moment de la guerre froide, il est perçu comme un « lac américain » et est (reste) fondamental dans les échanges entre l'Europe et les Amériques. Par contre, il n'est plus le seul centre de la mondialisation. C'est aussi un océan de ressources : halieutiques mais aussi d'hydrocarbures comme dans le Golfe de Guinée. 
 
Océan Pacifique 

Sa superficie est de 179 millions de km carré. Le concept d'océan Pacifique s'est imposé au 20 e siècle. La particularité actuelle de cet océan est qu'il est en passe de devenir le cœur du monde et des échanges. On peut rappeler que Karl Marx dès 1858 avait pensé que le « Pacifique jouera le rôle joué maintenant par l'océan Atlantique et au Moyen-Age par la Méditerranée. Il faut bien sûr insister sur l'intérêt que les E.-U portent à cet océan En 1844, les E.-U avaient signé avec la Chine le traité de Wanxia puis avait imposé au Japon de s'ouvrir avec le traité de Kanagawa et ont annexé les îles Hawaï, l'île de Guam et les Philippines en 1898 au détriment pour les Philippines de l'Espagne. Cet océan est devenu essentiel dans l'économie mondialisée : les plus grands ports mondiaux s'y localisent notamment en Chine mais aussi avec Singapour... La façade d'Asie orientale est des façades économiques les plus dynamiques du monde sans oublier une façade d'Amérique du Nord elle aussi performante avec la Californie ou des villes comme Vancouver au Canada, Seattle aux E.-U. ...  

Océan Indien 

L'océan Indien a une superficie de73,5 millions de km carré. C'est un océan qui connecte depuis l'Antiquité l'Asie à l'Afrique et au Moyen-Orient avec des routes maritimes toujours essentielles pour l'économie mondiale notamment la route entre le Golfe persique et l'Asie orientale passant notamment par le détroit de Malacca. Mais c'est un océan dont certaines rives sont instables avec la piraterie du Golfe d'Aden, des états instables comme le Pakistan, le Yémen voire failli comme la Somalie. Pour certains spécialistes, c'est un océan vide de puissance puisque aucune puissance n'a vraiment cherché à le contrôler à l'exception du Royaume-Uni au 19e siècle afin de sécuriser la route des Indes. Néanmoins, les E.-U sont présents avec la Ve flotte (base : Bahreïn) ou encore la base de Diego Garcia. Mais, on ne peut parler d'un océan sous domination d'une puissance hégémonique : l'Union indienne n' a pas les moyens de le contrôler. Par contre, depuis quelques années, la Chine développe une stratégie dite du « collier de perles » consistant à « contrôler » des ports dans cette partie du monde pour sécuriser ses échanges avec le Moyen-Orient (port de Gwadar au Pakistan, de Kyaukpyu en Birmanie...). 

Océan Arctique 

 Sa superficie est de 14 millions de km carré avec 5 états qui sont riverains de cet océan : les E.-U avec l'Alaska, le Danemark avec le Groenland, le Canada, la Norvège (archipel du Svalbard) et la Russie. Pendant très longtemps, cet océan n' a pas suscité de convoitises ce qui a récemment changé. En effet, avec le réchauffement climatique, il devient vraiment envisageable de développer des routes maritimes passant par l'Arctique. De plus, le sous-sol de l'Arctique est riche en ressources : hydrocarbures, minerais. Dès lors, cette zone suscite des convoitises avec la problématique de la propriété des ressources (surtout celles se situant au delà des ZEE). Plusieurs problèmes se posent : la délimitation du plateau arctique continental entre E.-U., Canada et Russie ; le problème opposant Danemark et Norvège au sujet de l'île de Jan Mayen qui est un territoire norvégien depuis 1929 mais la cour de justice internationale a confirmé la possession de l'île par la Norvège en 1993 ; les gisements gaziers en mer de Barents entre la Russie et la Norvège...

Mer Méditerranée 

 C'est un mer presque fermée de 4700 km d'est en ouest et de 800 km du nord au sud ( au plus). C'est une mer de flux importants avec environ 17% des flux mondiaux commerciaux passant par la Méditerranée mais aussi des flux humains. Néanmoins, les ports de cette mer ne peuvent rivaliser avec ceux du Pacifique (seul le port de Marseille est présent dans les 50 ports mondiaux au niveau du tonnage. Cette mer, pour utiliser l'expression de B.Kayser est le symbole dune « géographie de la fracture » avec une fracture socio-économique entre les rives Nord et Sud bien qu'il y ait des partenariats comme avec l'Union pour la Méditerranée créée en 2008 bien qu'elle soit en grande partie une coquille vide. 

C/ Le rôle et l'importance des frontières dans un monde en théorie globalisé


Comment expliquer le retour des frontières dans une planète devenue globalisée ? En quoi la disparition des frontières semble désormais une utopie ? Pourquoi peut-on évoquer comme le fait Michel Foucher « une obsession des frontières » ? Pourquoi peut-on évoquer une « frontiérisation » du monde avec même une induration des frontières ? Pourquoi cette frontiérisation renforce la logique westphalienne ? « A quoi servent les frontières » (Michel Foucher) dans un monde de flux massifs ? On pensait les frontières révolues avec un processus de globalisation accéléré or c'est loin d'être le cas. Comme l’écrivent Delphine Papin et Bruno Tertrais (Atlas des frontières, éditions Les Arènes 2021), « depuis une dizaine d’années, les frontières sont de retour. 
Crise de l’euro, terrorisme, migrations et réfugiés (...), pandémies (Covid-19)... : rarement a-t-on autant parlé des frontières dans l’actualité. » « Amorcée au début des années 1980, la mondialisation contemporaine fonctionne a priori comme une machine à supprimer les frontières (...) » mais « pour les flux de migrants, en dehors du tourisme et du monde des affaires, les frontières restent une réalité » rappelle Raymond Woessner (Frontières, éditions Atlande, 2020). 
Christian Vandermotten affirme que la mondialisation a « accentué des tendances et aux fermetures et aux replis identitaires derrière des barrières, jusqu’à l’intérieur d’un ensemble aussi intégré que l’Union européenne. » Les frontières sont bien prégnantes dans le monde actuel. 
On relève environ 253 000 km de frontières terrestres (et 322 frontières étatiques) et 26 000 nouvelles frontières ont été instituées depuis 1991 avec la fin de la guerre froide ce qui est loin d'être négligeable. 
Parallèlement, 24 000 km de frontières ont été l'objet d'accords de délimitation : on peut véritablement parler d'un « arpentage du monde » (M. Foucher : livre L'obsession des frontières) Les problèmes de frontières sont toujours présents même si certains ont été réglés par la Cour internationale de justice ou par des négociations bilatérales comme entre la Russie et la Chine. En 2008, Obama affirmait qu' « aucun mur ne doit plus séparer les races et les ethnies, les citoyens de souche et les immigrés, les chrétiens, les juifs et les musulmans. » On est loin de ce qui peut sembler être une utopie. 
Dans plusieurs cas, les frontières se ferment et sont objets de tensions comme entre Israël et les territoires Palestiniens, à Chypre entre la zone nord contrôlée par les Turcs et la partie sud ayant intégrée l'Union européenne... 
Les frontières sont un « agent d'organisation territoriale » pour utiliser l'expression de F. Lasserre et Emmanuel Gonon et sont « un élément essentiel de notre alphabet territorial » selon Anne-Laure Amilhat Szay (Qu'est-ce qu'une frontière aujourd'hui ? PUF). La thématique des frontières est donc pleinement d’actualité : en 2015, la revue Conflits publie un numéro : A quoi servent les frontières ?; en 2016, la revue Questions internationales a publié un numéro intitulé : Le réveil des frontières, des lignes en mouvements ; la revue Carto de juin 2017 un numéro dont le titre était : Le retour des frontières. 

a/ Approche des frontières

  •  Le mot frontière provient d'un terme du champ lexical de la guerre à savoir le front c'est-à-dire ce qui désigne une zone de contact entre deux armées ennemies. Le substantif frontière apparaît véritablement à partir du 17e siècle notamment avec les traités de Wesphalie (1648) qui mettent en évidence l'état territorial moderne en Europe. La frontière est liée aussi à la notion de territoire qui est un espace délimité mais également aux notions d'état et de nation. Toutefois, on peut rappeler que la frontière linéaire n'est pas apparue en Europe mais au Moyen-Orient et en Asie avec, par exemples, le plus ancien traité concernant une frontière signé vers 2450 avant J-C retrouvé sur une stèle par le roi de Lagash (Mésopotamie) après la conquête de la ville d'Umma ou encore les huit traités signés entre le 8e siècle et le 9e siècle après J-C entre la Chine et le Tibet. Avec la naissance et le développement des états-nations en Europe, la frontière est devenue une limite entre deux états, une limite définissant un territoire sur lequel s'exerce une souveraineté. Ce sont des « lignes de partage de souverainetés où s'arrête l'extension d'un état et commence un autre (...) comme le rappelle Barbara Loyer (Géopolitique : méthodes et concepts, Armand Colin, 2018).
  •  Il s'agit bien entendu d'une frontière politique (on peut parler « d'enveloppes politiques » Voir Barbara Loyer) : cette dernière est le résultat d'une construction. La frontière politique, qui est celle sur laquelle nous mettrons davantage l'accent, est donc une séparation entre deux états et deux territoires souverains. La frontière linéaire s'est imposé au monde et est reconnue internationalement. Elle est une discontinuité, « une discontinuité politique » pour Michel Foucher, le plus souvent représentée par une ligne. Le terme frontière peut avoir un autre sens que politique : il peut renvoyer à des frontières d'une autre nature : économique, culturelle... 
  • La frontière est ainsi un « objet géographique » séparant deux territoires contigus : deux quartiers d'une même ville, deux régions d'un même pays... Pour Michel Foucher, elles sont donc des « structures spatiales élémentaires,de forme linéaire, à fonction de discontinuité géopolitique et de marquage, de repère ». Au niveau politique, les frontières marquent donc la séparation de deux territoires (terrestres ou maritimes) états souverains : elle est une discontinuité pouvant se traduire par des ruptures au niveau des échanges, des axes de communication, des réseaux urbains... 
  • En tant que limites, les frontières renvoient aussi à des territoires transfrontaliers qui sont le plus souvent des périphéries par rapport à un centre et certaines frontières peuvent être considérées comme des marges. La frontière est un sujet de droit international et a donc un caractère juridique car une des ses fonctions est de faire la différence entre les états et leurs territoires de compétences ; Il faut insister sur l'idée que tracer une ou des frontières est un geste politique et géographique . Les frontières peuvent être des synapses c'est-à-dire une unité spatiale de jonction permettant les contacts, les échanges. Dès lors, elles jouent le rôle d'interfaces. Michel Foucher a aussi mis en évidence ce qu'il nomme les dyades c'est-à-dire les frontières terrestres communes à deux états. Les 193 états sont bordées par 271 dyades. Michel Foucher estime que les frontières terrestres représentent 250 000 km et 26 000 km de frontières ont été créées depuis 1991 notamment en Europe et Eurasie (éclatements de l'URSS, de la Yougoslavie...), 24 000 km d'entre elles ont donc fait l'objet d'accords de délimitation.
  • Il faut ajouter que 18 000 km de frontières sont des murs, des clôtures... 
  • Ces murs renvoient à un monde qui se cloisonnent (Stéphane Rosière : Les frontières de fer. Le cloisonnement du monde, éditions Syllepse, 2020). Historiquement, les frontières sont évolutives : elles se modifient selon les rapports de force, les conflits, les traités de paix... On peut dégager de grandes étapes dans l'élaboration des frontières modernes. Une première phase est celle du « partage du monde » entre l'Espagne et le Portugal avec le traité de Tordesillas en 1494 : le premier traité de ce type. Ce traité accorde au Portugal les territoires à l'Est du méridien 46° 37 et les territoires à l'Ouest reviennent à l'Espagne. Un second traité, celui de Saragosse en 1529 procède de la même façon avec l' Asie : territoires à l' Ouest du 133e méridien de longitude Est, à 297 lieues à l'Ouest des Moluques sont au Portugal et ceux à l'Est à l'Espagne. La seconde phase correspond au partage de l'Afrique avec la conférence de Berlin en 1884-85 (70% des frontières africaines sont mises en place entre 1885 et 1914 par les puissances coloniales). Une troisième phase correspond à l'après Seconde guerre mondiale avec la décolonisation, la création de l'état d'Israël, les effets de la guerre froide avec les deux Corée, les deux Vietnam jusqu'en 1975...
  • Enfin, une quatrième phase est celle après 1989- 91 avec la fin du communisme et l'unification des deux Allemagne, l'éclatement de l'URSS, de la Yougoslavie, la séparation de la Tchécoslovaquie, l' Erythrée en 1993 se séparant de l'Ethiopie, le Soudan du Sud du Soudan en 2011, le Timor oriental de l'Indonésie en 2002. Il existe plusieurs typologies des frontières comme nous le verrons ultérieurement : on peut résumer néanmoins ses fonctions : 

 -fonction juridique car elles délimitent des zones de droit ; 
 -fonction de partition entre états et déterminant de ce fait les relations entre états ; 
-fonction de front : certaines frontières obéissent à cette logique de front dans le sens militaire du terme (mur entre Israël et la Cisjordanie) ; 
 -fonction idéologique puisqu'elles peuvent marquer des différences fortes comme au temps de la guerre froide entre états communistes et états capitalistes 
-fonction de ségrégation (notamment économique et sociale) 
 -fonction de protection et de contrôle 

b/ Histoire et développement des frontières 

  • L’essor des frontières modernes est lié à l’émergence du monde moderne à partir du 17e siècle en l’occurrence avec le traité de Westphalie (1648). Comme le rappelle Delphine Papin et Bruno Tertrais, la question des frontières modernes va avec le développement de la cartographie car il est plus facile de délimiter quand on a cartographié. 
  • Peu de frontières actuelles datent d’avant 1800 même si on peut trouver quelques exemples comme la frontière Espagne/Portugal, Espagne/ France, Suède/Norvège... 
  • De nombreuses frontières sont tracées et pensées entre 1800 et 1914 (la moitié des tracés des frontières modernes date de 1875-1924). C’est pendant cette période que les E-U, la Russie achèvent leur construction territoriale. Au fil du 20e siècle, les frontières vont se multiplier en même temps que les Etats : 24 Etats en 1914, environ 50 en 1945 et désormais 193. Après 1945, deux phénomènes ont accentué la multiplication des frontières : le processus de décolonisation et la fin de la guerre froide avec l’éclatement de l’URSS, de la Yougoslavie... 
  • On peut faire remarquer que « les frontières culturelles (langue, religion, « civilisations » recouvrent rarement les frontières étatiques » (Delphine Papain et Bruno Tertrais). Ainsi on se demande encore où commence l’Asie sachant que l’Oural ou encore le détroit du Bosphore sont des choix et limites totalement arbitraires. Désormais, nous sommes plutôt dans une consolidation des frontières même si il y a encore des litiges et des problèmes. On peut faire néanmoins remarquer que sur un continent comme l’Afrique environ 70 % des frontières ne sont pas démarquées. 
  • Si on prend l’exemple de l’Europe, le continent compte 100 frontières sur une longueur de près de 37 000 kilomètres. L’Europe comprend parmi les plus anciennes frontières mondiales celles d’Andorre étant les plus anciennes datant de 1278. 
  • Néanmoins, de nombreuses frontières sont récentes comme celles des pays des Balkans avec l’éclatement de la Yougoslavie. Il existe également peu de problèmes frontaliers en Europe si ce n’est le problème au sujet de Gibraltar entre le Royaume-Uni et l’Espagne. On peut ajouter la présence d’états enclavés comme la Suisse, le Vatican... 
  • Au sein de l’Europe été créé un système frontalier particulier avec l’espace Schengen. Il ne faut pas oublier que certains Etats européens ont des frontières hors d’Europe avec les territoires ultramarins. De façon plus générale, reste un sujet particulièr où commence et s’arrête l’Europe avec notamment la question de la Russie. En fait selon Delphine Papin et Bruno Tertrais « il n’y a pas de définition unique possible des frontières de l’Europe. » 

c/ Le rôle des frontières et les liens avec la mondialisation

  • Dans la documentation française intitulé Les frontières de Michel Foucher (2020), ce dernier pose la question : « l’économie globalisée : dépassement des frontières ? ». Certains évoquaient un « borderless world » comme Kenichi Ohmae qui pensait notamment aux entreprises sans frontières. Il est vrai que certaines firmes comme les GAFAM semblent faire fi des frontières tant sur le plan technologique que fiscal. Pour de nombreux économistes notamment des économistes libéraux, les frontières sont vues comme un frein aux échanges. La mondialisation n'a pourtant pas abouti, y compris la phase actuelle du processus, à un monde où les frontières seraient en voie de disparition. Au contraire, les frontières se sont multipliées et renforcées pour certaines. Il faut préciser que la multiplication des états explique cette multiplication : de 51 en 1945 à 193 aujourd'hui et de nouveaux états induisent de nouvelles frontières. Cette multiplication se déroule alors que le monde connaît d'abord une internationalisation croissante puis une accélération de la globalisation dans les années 1980. Comme l'affirme Sabine Dullin (livre les Frontières mondialisées paru en 2015), « les frontières se déplacent, se démultiplient, épaississent, circulent, s'émancipent des souverainetés étatiques ou les projettent à distance, s'extra-territorialisent. » La fin des frontières n'est plus à l'horizon politique comme le montre l'exemple de l'Union européenne. 
  • La mondialisation a certes généré dans plusieurs cas la disparition des droits de douane signifiant une atténuation des frontières comme le montrent les unions douanières. Mais, les différents flux de capitaux, humains n'empêchent pas les frontières d'être présentes : ce sont toujours ces frontières qui délimitent les états, les zones monétaires (voir la zone euro)... Ces frontières ont même été dans nombre de situations renforcées (on parle d'induration des frontières) avec la construction de murs comme entre Israël et la Cisjordanie, de clôtures comme entre le Mexique et les E.-U afin de contrôler les migrations... Entre les deux Corée, la frontière reste très prégnante tout comme entre le Pakistan et l'Union indienne ou entre les deux parties de Chypre séparée par une ligne appelée « Ligne verte » depuis 1974. On s'aperçoit ainsi que les frontières sont plus ou moins perméables, plus ou moins ouvertes. On peut évoquer trois types de frontières : les frontières dites intégrées à savoir des frontières où les tensions n'existent plus avec des logiques d'intégration (échanges humains, de capitaux, salariés transfrontaliers...). L'exemple de la frontière entre la France et l'Allemagne en est une illustration. Les frontières inversées qui sont des lignes de fractures entre deux territoires se traduisant par des développements différenciés, des inégalités voire un cloisonnement... comme la frontière entre l'Irlande du Sud et l' Ulster. Enfin il existe des frontières gelées ou répulsives comme la frontière entre la Grèce et la Turquie ou à Chypre. On peut mettre en avant le fait que les frontières sont des interfaces notamment si on se penche sur une échelle plus locale où la frontière peut être vue comme une ressource comme l’illustre le travail frontalier. 
  • En Europe, plus de deux millions de résidents d’un pays européen travaillent dans un autre pays. On a ce type de logique ailleurs comme à Singapour où environ 400 000 malais de l’état malais de Johore vont travailler chaque jour à Singapour ou entre le Canada et les E.-U où on note 300 000 allers-retours quotidiens. Il est intéressant d'évoquer aussi ce qu'on nomme les borderlands à savoir ces territoires frontaliers mal contrôlés, des « territoires interstitiels de l'ordre international » (Sabine Dullin) pouvant être des zones de rébellion, de trafics divers comme le sont la zone du triangle d 'or en Asie ou la zone sahélienne... Souvent ces borderlands sont multiethniques, multiconfessionnels et de ce fait intéressantes à étudier. Mais il n'y a pas que les frontières politiques qui organisent la planète globalisée qu'elles soient terrestres ou maritimes. On peut ajouter les frontières aériennes : tout état a le contrôle de la couche atmosphérique au dessus de son territoire. Les frontières sont régulièrement l'objet de passages notamment dans des lieux spécifiques que sont les ports, aéroports ou des gares : on parle alors de de frontières réticulaires avec un contrôle des flux... Enfin, il est intéressant d’évoquer ce que Michel Foucher nomme les régimes frontaliers. Un régime de frontière « désigne l’ensemble des modalités d’entrée des voyageurs dans un pays donné » (Michel Foucher) : un tel régime peut aller de l’ouverture à la fermeture pouvant d’ailleurs être totale comme avec la Corée du Nord. Le régime d’ouverture est vrai au sein de l’Europe en particulier de l’espace Schengen la circulation est libre pour les ressortissants des pays membres. De façon générale, les Unions régionales favorisent ces régimes d’ouverture. On peut même signaler que 13 pays africains (Bénin, Togo, Rwanda, Ouganda, Kenya...) n’exigent plus de visas pour les citoyens africains. Inversement, il existe des régimes de séparation et de clôture avec un durcissement des frontières. 

d/ Les frontières : un retour dans un « village planétaire » 

  • Les tensions et conflit frontaliers persistent car les frontières sont des enjeux géopolitiques et géoéconomiques. On parle même comme le fait M.Foucher d'un « retour des frontières ».Plusieurs négociations bilatérales ou des recours devant la Cour internationale de justice de la Haye ont permis de résoudre un certain nombre de problèmes et des accords ont été signés comme entre la Russie et la Chine, la Chine et les états d'Asie centrale. Par contre des litiges demeurent entre la Chine et l'Inde concernant l'Aksai Chin (possession chinoise revendiquée par l'Inde), l'Aruchnachal Pradesh (possession indienne revendiquée par la Chine) ou entre le Pakistan et l'Union indienne au sujet du Jammu-et-Cachemire, un des 29 états de l'Union indienne revendiqué par le Pakistan. 
  • Une partie des enjeux liés aux frontières s'inscrivent dans la longue durée comme les litiges entre l'Inde et la Chine, sont liés à des conflits comme la sécession de l'Ossétie du Sud et de l'Abkhazie au sein de la Géorgie (des sécessions appuyées par la Russie, une Russie qui a même procédé à l'annexion de la Crimée en 2014 modifiant de fait les frontières avec l'Ukraine. On peut d'ailleurs souligné que dans certains cas, le droit international n'est pas respecté. Michel Foucher met en évidence quatre tendances au niveau des frontières à savoir une réaffirmation des frontières notamment. Cette réaffirmation consiste en particulier à mieux démarquer certaines frontières comme c'est le cas en Afrique subsaharienne. S'ajoute la territorialisation des océans ( voir les espaces maritimes) par laquelle ce type d'espaces est de plus en plus démarqué. 
  • La seconde tendance est la réaffirmation des frontières par la construction de murs et donc de fermeture des frontières. Une troisième tendance est la remise en cause de certaines frontières, une remise en question pouvant être liée aux ambitions des états comme c'est le cas avec la Chine ou la Russie. Enfin, certaines zones et leurs frontières sont devenues incontrôlables comme avec les états défaillants. Sur l'ensemble des conflits de la planète, peu sont liés directement aux frontières et on s'aperçoit que la plupart des tensions frontalières concernent des portions réduites de territoire. On constate que des efforts sont faits pour régler les litiges frontaliers. Les frontières de l'Afrique ont été peu modifiées depuis les indépendances : l'Organisation de l'Unité Africaine (OUA) avait déclaré en 1964 les frontières de l'Afrique intangibles ce qui était une façon de tenter d'éviter les conflits. Néanmoins, il a fallu et il faut encore démarquer ces frontières (les identifier) d'où le programme Frontière lancé en 2007 qui a comme objectif de démarquer 62 000 kms de frontières qui ne le sont toujours pas. 
  • En fait, il existe une quarantaine de contentieux frontaliers sur la planète. Et quelques cas de tensions si fortes que les frontières ont été fermées comme la frontière entre les deux Corée et la formation d'une zone démilitarisée (Demilitarized Zone ou DMZ), la frontière entre la Turquie et l'Arménie ou entre l'Inde et le Pakistan ou le Maroc et l'Algérie. Par contre, il existe des réseaux criminels qui sont, par nature, peu sensibles aux frontières. La criminalité organisée bénéficie de la révolution des communication, de la déréglementation des économies mais aussi de l'instabilité politique de certaines régions du globe. Ces réseaux criminels utilisent également les paradis fiscaux à des fins de blanchiment. Il faut insister sur un point important : les réseaux criminels bien qu'ils fassent fi des frontières sont ancrés sur des territoires. C'est le cas des groupes mafieux colombiens ou des forces armées révolutionnaires colombiennes (les FARC) qui contrôlent les filières de la cocaïne de Colombie (75% de la cocaïne mondiale). 
  • Les mafias qui sont des groupes claniques ou à base familiale sont également territorialisées. C'est le cas des triades chinoises qui sont ancrées sur le territoire chinois tout en s'appuyant sur la diaspora. Il faut signaler que les groupes mafieux fonctionnent en réseaux et génèrent des flux illicites impressionnants compris entre 500 et 1000 milliards de $ selon les estimations en 2013 (comprenant les flux de drogues, armes et personnes). Ces flux sont mondialisés et échappent aux logiques de frontières. 
  • Les frontières jouent toujours un rôle important au niveau économique. En effet, les différents états sont des territoires qui fonctionnent différemment et n'ont pas les mêmes logiques, les mêmes niveaux de développement et de richesse... 
  • C'est pourquoi on note des différentiels entre les états et en passant d'une frontière à une autre. Ces différentiels peuvent générer une attractivité ou non, des mouvements transfrontaliers, des implantations d'entreprises... C'est dans ce cadre que se sont développées les zones franches, des zones qui ne sont pas dans des logiques de frontières. 
  • Ces zones franches sont des territoires où les entreprises vont avoir des dérogations notamment fiscales et être soustraites à ce qu'on nomme le régime commun de fiscalité. C'est une façon pour un état d'attirer des firmes étrangères sur son sol. Ces zones franches se sont diffusées à l'échelle mondiale : la première avait été créée au Panama en 1949 : c'est la « zone libre « de Colon, la plus importante zone franche des Amériques avec un chiffre d'affaires de 14 milliards de $ en 2014. Par contre, il faut préciser que la municipalité de Colon (200 000 habitants) est quant à elle laissée à l'abandon : nous sommes en présence d'une frontière à l'intérieur même d'un état (la zone franche a peu d'effets sur la municipalité). D'autres zones franches ont été créées par la suite comme à Shannon en Irlande, Manaus au Brésil, Djebel Ali (émirats arabes unis). On recense plus de 1700 zones franches (1735 en2009) dans 133 pays : elles sont donc un phénomène mondial et la Chine en possède 213 (avec 9 statuts juridiques différents). 
  • On distingue plusieurs types de zones franches dont les zones franches commerciales (Free Trade Zone). Ces dernières sont des plaques tournantes du commerce mondial, sont situées généralement sur les littoraux en tant qu'interfaces. Leurs activités sont le transbordement des marchandises, leur réexportation, le négoce international... 
  • Ce sont des périmètres portuaires (ports francs comme Hong Kong, Dalian Hambourg ou Shanghai...) ou aéroportuaires, des corridors de développement, des régions transfrontalières. 
  • Il existe aussi des zones franches d'exportation (Export Processing Zone) c'est-à-dire des zones franches industrielles et de services. Elles sont spécialisées dans la production notamment manufacturière mais aussi (de plus en plus) dans les services. Enfin, on peut ajouter les points francs qui sont des statuts juridiques attribués à des entreprises qui peuvent s'implanter où elles le désirent dans le pays d'accueil. 
  • Parmi ces zones, les maquiladoras au Mexique, les ZES en Chine sont des exemples types de territoires obéissant à ces logiques . En 1965, le Mexique opte pour des « points francs » par le biais d'usines de montage notamment appelées maquiladoras. Elles sont localisées le plus souvent le long de la frontière entre Mexique et E.-U notamment à Tijuana (électronique), Ciudad Juarez (pièces automobiles), Matamoros (composants électroniques)... 
  • Ont également été valorisées les régions transfrontalières : ces régions sont perçues comme des vecteurs de développement.La région du Grand Mékong en Asie en est une illustration : c'est une région rassemblant les pays de la péninsule Indochinoise (Birmanie,Vietnam,Laos, Thaïlande et Cambodge) ainsi que deux régions chinoises à savoir les provinces du Yunnan et du Guanxi. Il s'agit d'une zone d'intégration économique se voulant transnationales avec la mise en place de corridors de développement autour d'infrastructures de transport. Ces axes doivent relier les principaux pôles urbains de la région : Kunming (Chine dans le Yunnan)-Mandalay (Birmanie)- Rangoon ou encore Bangkok-Vientiane (Laos) et Hô-Chi-Minh ville. 
  • Comme nous l'avons suggéré alors que le processus de mondialisation se développe, les frontières, du moins certaines, se ferment et de plus en plus les frontières sont sécurisées. 
  • Plusieurs milliers de km de murs et de barrières sont construits ou en construction : 18 000 km environ comme ceux construits au niveau des enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla au Maroc, entre Israël et la Cisjordanie, entre le Botswana et le Zimbabwe, entre le Maroc et le territoire des Sahraouis ou encore entre la Thaïlande et la Malaisie. Le plus souvent, il s'agit de contrôler les flux migratoires. On peut revenir sur les borderlands à savoir ces territoires périphériques et frontaliers connectés par des flux divers à la mondialisation. 
  • Un anthropologue James Scott a même étudié un espace nommé Zomia (livre Zomia ou l'art de ne pas, être gouverné publié en 2009) : Zomia est un mot proposé par un historien néerlandais Willem van Schendel pour désigner des hautes terres d'Asie du Sud-Est soit un espace d'environ 2,5 millions de km carré de 100 millions d'individus sur au moins 6 états : Birmanie, Thaïlande, Laos, Cambodge, Vietnam, Chine. Ces hauts terres sont une mosaïque de peuples dont la plupart ont toujours voulu échapper à l'emprise des états se moquant des frontières. Les peuples Hmong, Karens ou encore Akha en sont des illustrations : les Hmong sont présents dans le sud de la Chine, au Laos, au Vietnam ; les Karens en Birmanie et Thaïlande et les Akha en Chine, Laos, Thaïlande. Il faut préciser que Zomia n'est pas une réalité géographique mais une notion politique : de plus ce terme n'est pas utilisé par les populations locales. 
  • Cette zone est une zone refuge pour des peuples persécutés ou voulant échapper au contrôle des états. Les territoires en question sont depuis le 19e siècle intégrées dans des états - nations avec une résistance de certains d'entre eux comme le peuple Karen. L'intérêt de cette notion de Zomia est de mettre en évidence ces territoires interstitiels qui existent faisant fi des frontières et jouant d'ailleurs un rôle dans la mondialisation. D'autres zones entrent dans ce cadre comme le Sahel, la corne de l'Afrique (Somalie). Dans le monde anlo-saxon, on parle aussi de « shatterzone » (terme utilisé pour la, première fois en 1982 par un anthropologue Eric Wolf pour désigner les territoires africains bouleversés par la colonisation. La shatterzone est une « zone de friction » qui est aussi un espace de rencontres (culturels, économiques...).
  •  Ces shatterzones ne sont pas liées à des frontières fixes et délimitées. Ce concept a même été repris par des historiens pour analyser les massacres de masse au 20e siècle comme l'a fait Timothy Snyder dans son analyse de l'extermination des juifs dans les « terres de sang » d'Ukraine, de Biélorussie. Un autre angle d'analyse intéressant est celui de l'état islamique:est-il une « terre de frontière ? » pour utiliser l'expression de Matthieu Rey (livre : Aux origines de l'état islamique publié en mars 2015). L'état islamique a clairement affiché une double volonté : restaurer le califat et remettre en question les frontières. D'ailleurs le choix du nom état islamique en Irak et au Levant (Fî-l-irâq wa-l-shâm) et plus récemment état islamique (dawla al-islâmîya) est le signe d'une volonté transfrontalière tout en s'affirmant comme état. L'état islamique a pris le contrôle de territoires tant en Irak qu'en Syrie et voit plus loin d'où la non nécessité de fixer des frontières et ce d'autant plus qu'il ne recherche pas une reconnaissance internationale ce qui passerait par la reconnaissance de frontières. 
  • Certes, l'état islamique s'est territorialisé mais pas par rapport à des frontières clairement définies. Parallèlement, l'état islamique a fait fi de la frontière entre la Syrie et l'Irak qu'il ne reconnaît pas car il se veut un califat sans frontière et se présente comme un « empire » pour l'umma (la communauté des musulmans). Dans l'imaginaire, les frontières sont vues comme fixes or elles sont mobiles et ne sont pas fixées pour l'éternité. Les frontières peuvent s'ouvrir ou se fermer et les frontières peuvent tout aussi bien diviser que relier. Le fait des frontières est plus que jamais d'actualité que ce soit par les tensions qu'elles suscitent, le recours à des instances d'arbitrage pour régler les litiges. Elles sont une véritable obsession et ne sont pas vouées à disparaître même si l'économie s'est globalisée.
Recherche