Chapitre 1: Identités et diversités

Introduction

Qu'est-ce que l'Europe ? A priori, la réponse paraît simple: un continent ce qui ferait de l'Europe serait une géographie. Le mot lui-même, d'origine grecque, renvoie à une obscure déesse Europé (une nymphe d’origine phénicienne) enlevée par Zeus (il conduit cette nymphe de l’Orient en Crète ou à Chypre). Bien plus tard, l’auteur anonyme d’une chronique intitulée la Chronique mozarabe (des textes rédigés au 8e siècle après J-C) utilise le terme « européens » pour désigner les combattants qui stoppent l’avancée des soldats arabo-berbères en provenance d’Espagne. 
Ce mot est à nouveau utilisé au 15e siècle cette fois en référence à l’expansion ottomane. Mais les limites géographiques de l'Europe sont en réalité floues notamment dans la partie orientale même si on a pu évoquer une Europe de “l'Atlantique à l'Oural”, pour reprendre une expression du général de Gaulle: l'Oural servant de limite et définissant ainsi une Russie d'Europe. Dans L’Europe, encyclopédie historique (éditions Acte Sud, 2018 sous la direction de Christophe Charle et Daniel Roche), est posée la question : « L’Europe, pourquoi, comment ,jusqu’où ? ». 
Ces trois mots sont importants pour saisir ou tenter de saisir ce qu’est l’Europe. Ils renvoient d’une part à la thématique des limites de l’Europe mais aussi à sa construction en tant que projet d’unité et d’unification. 
L'Europe est une pure invention devenue une convention et comme toute convention, elle est arbitraire. 
Doit-on inclure dans l'Europe uniquement l'Ouest de la Russie ou la totalité de ce territoire ? En incluant la Russie dans sa totalité, l'Europe de ses limites occidentales à ses confins orientaux est un ensemble de plus de 23 millions de km carré (17% des terres émergées de la planète); de 10 millions de km carré seulement (6,75% des terres émergées) si l'on exclut la partie orientale de la Russie. Il faut également rappeler que l'Europe en tant que “continent” est bien entendu plus large que l'Union européenne: cette dernière est avant tout un projet politique et économique. L'Europe ne serait pas seulement une géographie mais aussi une histoire (voir plus bas) marquée par des temps forts que les “Européens” partagent ou partageraient. Athènes, Rome, le christianisme seraient parmi les axes et les fondements historiques principaux par lesquels les Européens se définiraient, se reconnaîtraient. 
Or, l'histoire de l'Europe est complexe tant au niveau de l'évolution de ses frontières que des Etats la constituant : le cas de la Turquie est d'ailleurs révélateur de cette complexité. L’Empire Ottoman au 19e siècle était perçu par les Européens comme le “vieil homme malade de l’Europe.” Cette histoire est marquée par des échanges mais aussi des conflits : les relations entre états européens n'ont jamais été pacifiées ou rarement. L'histoire de l'Europe est constituée de “brûlures” (voir ouvrage: Europa: Notre histoire publié en 2018). 
La construction européenne, dans cette configuration historique, apparaît comme une construction favorisant une Europe pacifiée avec une atténuation des clivages: à cet égard, elle est une nouveauté. 
Même si désormais le mot peut être connoté négativement (depuis notamment le livre de Samuel Huntington le Clash des civilisations), l’Europe est aussi une civilisation avec ses spécificités formant un ensemble. 
On peut se demander comme le fait l’Europe encyclopédie historique (éditions Acte Sud, 2018 sous la direction de Christophe Charle et Daniel Roche) une autre question essentielle : « comment cet ensemble a-t-il pu garder malgré tout un minimum d’identité commune alors qu’il est fragmenté entre des peuples et des Etats aux tailles et aux statuts multiples, qu’il y coexiste, tant bien que mal, des religions en conflits souvent violents, des dizaines de langues (...), des économies concurrentes mais entrelacées ? » L’Europe c’est donc des « fondements et des permanences » (l’Europe encyclopédie historique) qu’il convient d’identifier et de comprendre. Il faut toutefois garder à l’esprit ce qu’affirme Jean-Sylvestre Mongrenier (Géopolitique de l’Europe, Que sais-je ? 2020) : « Qu’il soit envisagé comme continent, civilisation ou projet politique, le concept d’Europe est polysémique. » Comprendre l'Europe, c'est prendre en compte la géographie, l'histoire, la culture avec des héritages, des éléments d'unité mais aussi de diversité; l'Europe est une Europe d'Etats ( entre 46 et 50 états européens selon les définitions de l'Europe) mais dont certains ont fait le choix de s'unir (28 dans le cadre de l'Union européenne jusqu'au Brexit et donc désormais 27). 
Pour Jacques Lévy et Sylvain Kahn (Le pays des Européens, éditions Odile Jacob 2017) « l’Europe n’est pas un miracle, c’est une histoire et une géographie. » L'Europe est une des régions économiquement dominantes du système monde et de la mondialisation participant donc activement au processus de mondialisation dont elle est un acteur majeur, ayant des relations avec les autres acteurs du processus.
L’Europe et l’Union européenne peuvent être considérées comme des puissances économiques mais au niveau politique l’idée d’une puissance notamment de l’UE est à relativiser. Il est donc nécessaire pour saisir l'Europe dans toute sa complexité d'analyser son (ses) identité (s), les éléments d'unité et de différenciation des Etats la constituant. Il faut aussi mettre l'accent sur un processus unique celui de la construction européenne : processus unique tant à l'échelle mondiale (L'Union européenne est l'union régionale la plus intégrée) que continentale même si ce processus connaît une période délicate depuis quelques années. 
Enfin, l'étude géopolitique de l'Europe devra rendre possible une meilleure appréhension des enjeux et des problèmes du “continent européen”.

1/ L'Europe et ses contours: une géographie


“ On ne peut faire l'Europe sans s'appuyer sur la géographie et l'histoire. Certes, les frontières géographiques de l'Europe ne sont pas données une fois pour toutes. Mais, si on fait aller l'Europe jusqu'à l'Irak, pourquoi ne pas y intégrer le Proche-Orient, l'Afrique du Nord, l'Europe de l'Est au moins jusqu'au Caucase? La considération géographique laisse une marge aux Européens mais leur montre aussi ce qui serait une absurdité.” Jacques Le Goff, historien en 2004. Pour Jacques Le Goff, les deux clés de lecture de ce qu’est l’Europe spont donc la géographie et l’histoire. 
 Au niveau géographique, l'Europe, bien qu'il y ait des interrogations sur ses limites exactes, peut être identifiée par convention et relativement bornée. Elle est notamment une partie de l'Eurasie dont elle est en fait la péninsule. Jacques Lévy pense que l’Europe est avant tout géographique tout en reconnaissant “une complexité spatiale”. 

 A/ Qu’est-ce que l’Europe?

La problématique des limites - les caractéristiques physiques de l'Europe : un " morceau" de l'Eurasie Pour Axelle Chassagnette, nous sommes en présence d’une « continent européen, continent incertain » (L’Europe, encyclopédie historique, Actes Sud 2018). Elle est une partie d'un très vaste bloc : l'Eurasie. “Elle se présente comme un ensemble péninsulaire et insulaire situé sur la façade orientale tempérée de l'océan Atlantique nord” pour reprendre la définition du géographe Alain Dabalvie. Jean-Sylvestre Mongrenier (Géopolitique de l’Europe : Que sais-je ? 2020) met en avant « l’incertitude des limites et frontières européennes. » 
Dans ses limités dites conventionnelles, « l’Europe s’étend de l’Atlantique à l’Oural » (Jean-Sylvestre Mongrenier) or « l’Europe, stricto sensu, n’est pas un continent. » Elle s’inscrit comme nous l’avons signalé plus haut dans un « continuum territorial euro-asiatique. » On peut rappeler de façon générale que « la superposition du concept de « continent » aux parties du monde est finalement un phénomène récent » comme le rappelle Axelle Chassagnette. 
L’écrivain Paul Valéry voyait l’Europe comme « une sorte de cap du Vieux Continent, un appendice occidental de l’Asie. » Certaines de ses limites ne posent guère de problème d'identification : la limite de l'Océan Atlantique séparant l'Europe du bloc américain ; la mer Méditerranée marquant la séparation avec l'Afrique et au nord l'Océan arctique. Selon Jean-Sylvestre Mongrenier, « la Méditerranée contemporaine pourrait être effectivement assimilée à une sorte de « limes » notamment en matière d’immigration et de flux d’hommes. » 
Les limites de l'Europe sont, par contre, plus floues à l'Est. Il y a bien comme le suggère le terme continent une continuité des terres dans cette Eurasie. Néanmoins si nous reprenons le cas de l'Atlantique, l'Islande est-elle européenne? Comment également penser le cas du Groenland ? Géographiquement, ce dernier n'est pas européen mais il est pourtant un état associé au Danemark. De façon plus générale, on peut aussi penser les mers et océans autrement que comme des limites puisqu'ils peuvent être des liens. L'exemple de la Méditerranée mérite aussi quelques réflexions. 
La mer Méditerranée n'a pas toujours été perçue comme une limite notamment sous l'Antiquité: elle l'est davantage devenue avec l'Empire ottoman et surtout actuellement. La Méditerranée est également fondamentale dans l'histoire et la culture européenne et reste toujours une interface majeure, un pont entre l'Europe et l'Afrique. 

 -un isthme dans le prolongement de l'Eurasie

  • L'Europe est donc un isthme (la péninsule de l'Eurasie). Cette péninsule européenne comprend elle-même des espaces péninsulaires plus ou moins important: péninsule ibérique, péninsule italienne... La péninsule centrale dominante va de la mer Blanche à la Bretagne. L'Europe est elle- même un ensemble péninsulaire. Sur cette péninsule se greffent une multiplicité d'îles: de l'Islande aux îles Britanniques en passant en Méditerranée par la Sicile, la Sardaigne, la Corse. Une série d'îles de moindre envergure soit par leur dimension soit par leur situation périphérique confèrent à l'Europe un caractère insulaire: îles Féroé, Shetland, Svalbard, Açores, Baléares... L'Europe est à la fois péninsulaire et insulaire: la prégnance de la mer est indiscutable (il existe bien une Europe maritime). La question des limites est importante car elle est liée notamment à la nature géographique de l’Union européenne avec l’éventualité ou non de l’intégration dans l’UE de la Turquie. 
  • La conception géographique de l’Europe est également à lier des imaginaires « allant de la « petite Europe » occidentale à la « Grande Europe » qui s’étend de l’Atlantique à l’Oural, voire à la continuité civilisationnelle qui relie Lisbonne à Vladivostok comme le souligne Olivier de France (Géopolitique de l’Europe, éditions Eyrolles : 2021). Il faut également évoquer cette géographie européenne même si elle reste subjective en la replaçant dans le cadre des traités européens. L’article 49 du traité sur l’Union européenne met en valeur que « tout état européen » peut adhérer à l’UE d’où l’importance de définir ce qu’est l’Europe géographique. 

-la mer et des ouvertures maritimes: un caractère marquant de la géographie européenne

  • La mer et les ouvertures maritimes ont dans cette configuration péninsulaire et insulaire une importance majeure : il existe une véritable Europe maritime. On peut évoquer une « compénétration entre terres et mers » (Jean-Sylvestre Mongrenier). L'Europe est bordée par trois mers ou océans: l'océan Atlantique, l'océan arctique au nord et la Méditerranée au sud. Les 40 000 kms de littoraux sont un formidable atout donnant à l'Europe des façades et ouvertures maritimes qui ont des fonctions essentielles et ont joué un rôle moteur dans l'histoire européenne (de la ligue Hanséatique à Venise...). Certaines puissances sont précisément redevables de leur puissance à la mer comme le Royaume-Uni, les Pays-Bas... L'Europe est bien un continent maritime. 
  • L'océan Atlantique et sa façade ont un impact crucial. Déjà au moment des découvertes des Amériques puis du développement des échanges vers l'Asie (Inde, archipel indonésien...), des ports comme Séville, Amsterdam... étaient des ouvertures vers le monde permettant des échanges d'importance. Du XVIe siècle au début du XXe siècle, l'océan Atlantique est le coeur économique du monde. 
  • Aujourd'hui encore, la façade Atlantique, par ses multiples ports,en particulier ceux de la Northern range (du Havre à Rotterdam) occupe une place d'importance dans le commerce mondial. 
  • Cette espace, outre ses ouvertures, peut être un espace de richesses halieutiques ou en hydrocarbures (mer du Nord). La Méditerranée est aussi une mer essentielle connectant l'Europe à l'Afrique et au Proche et Moyen-Orient. Formidable espace de contacts et d'échanges depuis l'Antiquité, elle demeure un espace maritime clé pour l'Europe. Culturellement, cette mer a joué un rôle majeur dans l’histoire de l’Europe et dans la construction de son identité. Elle est à la fois une “limite” et une zone d'échanges donc sa qualité d' INTERFACE est évidente. 
  • Il faudrait ajouter le mer Baltique dont l'importance n'est pas seulement économique mais aussi stratégique en particulier par le rôle joué par la Russie (Saint-Pétersbourg, enclave de Kaliningrad). Enfin, pour clore sur l'impact de la mer, il faut souligner le poids des zones économiques exclusives: elles participent de la puissance maritime de l'Europe et accentuent sa présence géopolitique à l'échelle mondiale. 
  • Certaines ZEE sont particulièrement importantes comme celle de la France (DROM et TOM compris) : plus de 9 millions 600 000 km carré, celle de la Norvège: plus de 2 millions de km carré ou encore celle du Portugal: plus de 1 777 000 km carré. Ces zones économiques exclusives sont liées à des territoires ultramarins. Ils peuvent être d'une grande importance géostratégique. 
  • Par les territoires ultramarins, l'Europe est présente sur tous les océans de la planète: océan Indien avec l'île de La Réunion, île de Diego Garcia (possession britannique et base militaire louée aux E-U), océan Pacifique avec la Nouvelle-Calédonie... Ils sont des zones de contacts avec d'autres continents ou d'autres puissances. 

 -une pluralité de milieux 

  • L'Europe péninsulaire et continentale offre une grande diversité de milieux. Elle bénéficie d'un climat plutôt favorable appartenant à une zone tempérée. A l'Ouest, le courant marin du Gulf Stream renforce ce climat tempéré. Cette caractéristique climatique explique l'ancienneté de l'occupation humaine de l'Europe et la diversité des milieux: elle est incontestablement un atout.
  • La variété des milieux se traduit par d'immenses plaines : plaines du bassin parisien aux grandes plaines du Nord (plaines germano-polonaise) formant une réelle continuité et propice aux diverses activités humaines; des zones de montagnes importantes mais se situant plus sur les périphéries (Alpes, Apennins en Italie, chaînes dinariques dans les Balkans)... Au niveau climatique, le climat est globalement tempéré avec une influence océanique certaine. 
  • La continuité des zones de plaines d'Ouest en Est forment un axe: un axe qui a joué un rôle très important dans l'histoire européenne : il fut un axe de pénétration et d'immigration de peuples (Hongrois, peuples de la steppe...), un axe de formation d'Empires (Saint-Empire romain germanique...). A cet axe Ouest-Est répondent des axes Nord-Sud: l'axe alpin en est une illustration reliant l'Europe du Nord à la péninsule italienne. 
  • On peut au final différencier plusieurs Europe géographique: une Europe scandinave et baltique marquée par un climat plus rigoureux (la nordicité); une Europe méditerranéenne marquée par un climat plus doux voire une certaine aridité et une Europe dite médiane. Chacune de ces Europe a des spécificités en ce qui concerne ses milieux, ses paysages... 

 B/ Où commence et se termine l'Europe? 

La problématique des limites 

 - Le problème des limites de l'Europe ?

  • Néanmoins la question des limites se pose en ce qui concerne l'Est européen. Depuis le 18e siècle, l'Oural est la limite conventionnelle fixée pour l'Europe: elle serait une frontière. C'est le géographe de Pierre le Grand, Tatichtchev, qui en est à l'origine. Il s'agissait pour lui et le Tsar d'affirmer l'appartenance du coeur de l'Empire russe (la Moscovie) à l'Europe. L'Oural est une chaîne de montagnes à l'orientation Nord-Sud mais une chaîne peu élevée ne dépassant les 1900 mètres d'altitude (sur une longueur de 1500 km tout de même) : l'Oural n' a rien d'une barrière infranchissable et massive. 
  • De plus, on peut l'intégrer à l'espace asiatique: son climat, sa végétation montrent qu'elle est asiatique. Il faut ajouter que certains peuples asiatiques vivent à l'Ouest de l'Oural (Tatars...) et qu'inversement, de nombreux russes se sont installés à l'Est de l'Oural. L'Oural n'est donc ni une frontière géographique pertinente, ni une frontière politique: elle est purement fictive et inventée et ce bien qu'elle soit souvent perçue comme une frontière entre l'Europe et l'Asie. Ce choix montre bien que les continents comme l'affirme Christian Grataloup sont une invention (voir son livre: L'invention des continents paru en 2009). Ce dernier rappelle que les cartes et le découpage du monde sont essentiellement le fait de l'Occident. 
  • Les limites et frontières sont des PRODUCTIONS humaines et de ce fait artificielles. On peut ajouter que la mer Caspienne est, par certains, vue comme une autre frontière orientale mais la mer Caspienne pose aussi problème notamment au niveau culturel avec des peuples qui sont pour nombre d'entre eux asiatiques avec des histoires spécifiques et peu liées aux histoires européennes. La question des limites se pose également au sujet du Caucase, une région parfois pensée comme européenne en particulier le nord du Caucase.  Le Caucase qui se situe entre la mer Noire et la mer Caspienne est une “barrière” de 1200 km. 
  • Pour certains, on peut considérer le nord du Caucase comme européen ce qui n'est pas le cas du sud de cette région. Mais, les origines des peuples (Tatars, Turkmènes...) et des langues multiples font qu'il est difficile de considérer le Caucase comme une entité européenne. Le Caucase est la “montagne des peuples” avec une trentaine de peuples différents ayant des spécificités linguistiques, religieuses... 
  • En ce qui concerne l'Atlantique, on peut néanmoins s'interroger sur l'appartenance géographique de l'Islande à l'Europe ou encore plus du Groenland ayant un statut d'état autonome associé au Danemark. Si l'Islande est considérée comme européenne, elle le doit à son peuplement: les Islandais sont par leurs origines des Européens ce qui n'est pas le cas des populations autochtones du Groenland. 
  • L'Islande a été colonisée à partir des années 870 (cette île était d'ailleurs inhabitée) par des Scandinaves qui ont créé dès 930 un état libre. La majorité de ces Scandinaves provenaient de Norvège. De façon générale, une des questions clés est celle des frontières de l’Europe qu’elles soient géographiques, politiques ou culturelles. 

 -Une Europe hors d'Europe 

  • N'oublions qu'il existe ce qu'on peut nommer une Europe hors d'Europe à savoir les territoires ultra-marins de plusieurs pays européens comme les DROM et COM français : Guadeloupe, Martinique, Guyane, Réunion... Les Açores et Madère pour le Portugal, les Canaries pour l'Espagne... 
  • Plusieurs zones géographiques sont aussi de peuplement européen comme les Amériques, l'Australie... Les territoires ultramarins peuvent être perçus comme des “extensions” de l'Europe. Ainsi, les Açores et Madère appartiennent au Portugal, les Canaries à l'Espagne: ces trois ensembles ont une superficie de 10 577 km carré et une population de plus de 2,6 millions d'habitants.
  • Elles offrent surtout une ZEE importante au Portugal et à l'Espagne: environ 2,5 millions de km carré. En ce qui concerne l'Espagne, on peut également rappeler la présence de deux territoires espagnols en Afrique du Nord: Ceuta et Melilla: ces territoires appartiennent à l'Espagne depuis 1487 et sont à la fois des enclaves et des zones frontalières. 

 Conclusion: 

 La définition géographique de l'Europe est délicate et en partie insatisfaisante: elle ne peut être que conventionnelle. Définir l'Europe suppose d'autres critères que géographiques. On peut toutefois dégager des limites conventionnelles: l'Atlantique à l'Ouest, la Méditerranée au Sud, le Caucase au sud-est et, même si cela est insatisfaisant, l'Oural. Cette Europe est le “continent” le plus petit avec seulement 10 millions de km carré (7,8% des terres émergées sans l'Antarctique). L'Europe pose également la difficulté de penser ses frontières internes entre les différents états: difficulté sur laquelle nous reviendrons.
L'Europe telle qu'elle est définie de manière conventionnelle est un continent de dimension réduite en comparaison des autres continents, c'est un continent ouvert sur des espaces maritimes importants, c'est aussi un continent diversifié et fragmenté sur le plan de la géographie physique (relief, climat...), une diversification qu'on retrouve à bien des niveaux. Rappelons aussi que l’Europe est un continent fondamentalement morcelé et qui est « bordé de quelque 32 000 kilomètres de rivages, aucun point du Vieux Continent ne s’en éloigne pourtant de plus de 1500 kilomètres « (Olivier de France, Géopolitique de l’Europe : éditions Eyrolles, 2021).

2/ L'Europe : quelle(s) identité(s)? Quelle(s) diversité(s)?


“Il n'y a pas de peuple européen . Il n'existe pas de communauté unique de culture et de traditions; (...) Il y en a au moins quatre : la protestante du Nord, la catholique latine, la grecque orthodoxe et l'ottomane musulmane. Point de langue commune, mais des dizaines d'idiomes . (...) Et surtout il y a en Europe que très peu d'Histoire commune, d'expérience commune de l'histoire.” 
Geert Mak, 2004 (ouvrage: Voyage d'une européen à travers le Xxe siècle) “Trop d'efforts sont gaspillés dans de vaines tentatives pour définir une “identité européenne” qui recréerait , au niveau continental, un nationalisme semblable à celui du 19e siècle et du 20 e siècle. 
Il est vain de vouloir créer un nouveau “nationalisme européen” qui remplacerait le nationalisme français, allemand ou tout autre nationalisme du passé.” Kemal Dervis, 2007 (économiste turc) “Chacun perçoit l’Europe de son propre point de vue.” François Dubet (sociologue) 

A/ L'Europe: une ou des identités ? 

Une ou des histoires? Une ou des cultures? Quelles sont les caractéristiques identitaires communes à l'Europe et aux Européens ? Dans quelle mesure peut-on évoquer une histoire, une culture voire une identité partagée? Si la géographie ne suffit pas à définir ce qu'est l' Europe, il faut s'en affranchir et recourir à d'autres critères comme l'histoire et la culture. 
Les origines de l'Europe seraient à localiser en Grèce antique: l'historien grec Hérodote (5e siècle avant J-C) avait défini l'Europe à sa façon: celle-ci correspondait aux territoires se situant à l'Ouest de la mer Egée; à l'Est se trouve l'Asie, une Europe peu connue des Grecs de l'époque et symbole de “barbarie”. L'Europe, depuis les temps les plus anciens, est un espace de peuplement, de migrations, de confrontations pacifiques ou non. Elle est composée de peuples ayant une histoire ou même des histoires : des peuples à l'origine de constructions politiques et culturelles diverses. 
Néanmoins ce qui est évident, pour certains, est l'existence d'une identité européenne et ce qu'on appelle une “civilisation européenne” reposant sur des éléments d'unité et des permanences qu'il convient d'identifier. 
Certains évoquent une conscience européenne comme c’est le cas du livre: Histoire de la conscience européenne paru en 2016 sous la direction d’Antoine Arjakovski. Dans l’ouvrage Europa, notre histoire (éditions Les Arènes, 2017) sont mis en évidence les « présences du passé » notamment ce que les auteurs nomment les « brûlures de l’histoire » (les guerres notamment qui ont miné l’Europe) mais aussi les « récits » qui ont fait et font l’Europe sans oublier les « berceaux » européens (Grèce, Rome...), une Europe faite de « croisements et de confluences ». 
L’Europe, c’est des fondements avec des « généalogies réelles et imaginaires » comme le soulignent Christophe Charle et Stéphane Van Damme (L’Europe, encyclopédie historique). L’Europe, c’est également des « cultures partagées » (Antoine Lilti : L’Europe, encyclopédie historique), des institutions proches, une histoire commune bien que souvent conflictuelle. L’Europe, c’est aussi des visions du monde que les Européens partagent globalement. L’Europe peut être analysée comme « une aire culturelle née et développée depuis le Haut Moyen Âge sur une vaste péninsule qui la définit comme un lieu de contact entre terres et mers » comme le souligne Christophe Brun dans L’Europe, encyclopédie historique (éditions Acte Sud, 2018). La question identitaire est devenue essentielle depuis quelques années: le terme identité renvoie aux traits spécifiques d'un individu (identité individuelle), d'un groupe, d'un état (identité nationale)... 
Les débats sur les identités nationales peuvent être liés à ceux sur l'identité européenne: les enjeux sont proches. Il s’agit de définir ce qui rapproche les individus au sein d’un groupe donné plus ou moins large. L’identité européenne peut s’analyser à plusieurs niveaux avec l’identité historique, culturelle, intellectuelle, politique, juridique... et même (voir plus haut une identité géographique) 

 a/ L'Europe : une identité "inventée" et construite 

Il est donc nécessaire de cerner tous ces éléments donnant à l'Europe une identité spécifique par laquelle elle se différencie des autres mais une identité en grande partie construite et élaborée au fil du temps par les politiques et les intellectuels au service des structures politiques (Empires, Etats). L'identité européenne, comme toute identité (ou toute idéologie), est une construction. 

-Un espace fondamentalement ouvert : l'impact des migrations

  • L'Europe, en plus d'être un espace de peuplement très ancien, est un espace de migrations récurrentes et régulières: elle n'est pas et n'a jamais été un espace clos: elle est au contraire un espace ouvert. Si nous remontons simplement à la période antique et romaine, l' Europe se compose de peuples très divers: peuples dits germaniques, peuples slaves, “celtes”, grecs...: des peuples aux origines parfois floues comme c'est le cas des peuples dits celtes. Ces peuples ont eux mêmes bougé et s'intégreront plus ou moins bien et pacifiquement à l'Empire romain. Cet Empire va subir des migrations importantes, temporaires ou définitives (“les invasions dites barbares”) dont les Huns venus d'Asie seront un des symboles. 
  • L'Europe,de l'Empire romain à ce qu'on nomme le haut Moyen-Age, connaît également des vagues migratoires très importantes impactant très fortement certains territoires. Les conquêtes arabo-musulmanes en Espagne, Sicile...., les conquêtes scandinaves (les Vikings) en Islande, Irlande, dans la vallée de la Seine mais aussi en Sicile et dans le sud de l'Italie, en Russie et en Ukraine actuelles et les conquêtes des Magyars qui vont créer le royaume de Hongrie, sont parmi les plus marquantes par les empreintes qu'elles ont laissées tant matérielles, historiques que mémorielles et identitaires. Ces quelques exemples mettent en exergue le poids et le rôle des migrations en Europe: elles sont constitutives de l'histoire européenne. Ces migrations et les peuples qui en sont à l'origine vont conduire à des brassages de populations et de cultures, à des hybridations culturelles. 
- Des héritages communs: Grèce, Rome et Christianisme, les fondements d'une identité commune et partagée? 

  •  L'identité européenne est le résultat d'héritages partagés et de matrices politico-culturelles. Il faut insister sur le fait que l’Europe a toujours été divisée et l’est encore avec 46 états dont 27 sont dans l’Union européenne. Ce continent a connu de multiples recompositions sous l’effet des guerres, des conquêtes diverses mais a toujours été morcelé. Ce morcellement n’empêche pas que les Etats et sociétés européennes puissent partager des héritages communs. Ces héritages ont été intégrés différemment par les populations européennes (des syncrétismes différenciés) mais constituent indubitablement des facteurs d'unité et des passerelles entre les peuples. Ce sont les « berceaux » de l’Europe évoqués plus haut. Etienne François dans un article d’Europa ,notre histoire (éditions les Arènes, 2017) évoque « les trois rayons : Jérusalem, Athènes et Rome » comme « aux sources du récit européen : Jérusalem, ville sainte, Athènes, berceau de la démocratie, Rome, capitale d’empire (...) elles constituent le socle mystique de l’Europe. » Un premier héritage considéré comme essentiel est le double héritage gréco-romain. L'héritage grec ne se limite pas comme on le croit trop souvent à la notion de démocratie: il est également un héritage intellectuel, un mode de pensée: la philosophie et la raison en sont les marqueurs. Les grandes catégories de la pensée européenne proviennent de Grèce: la raison, la démocratie... L'héritage romain est également fondamental: il est en grande partie lié à un Empire ayant dominé et influencé une grande partie de l'Europe (mais pas toute l’Europe). 
  • Cet Empire a laissé des infrastructures, un droit... qui ont et imprègnent encore les cultures et sociétés européennes. Ce qu'on nomme la romanité est intéressant car Rome a toujours su et voulu intégrer, s'approprier des éléments n'étant pas d'origine romaine : culture et philosophie issues de Grèce, religions dites orientales. La romanité permet aux populations intégrant l'Empire de garder leurs spécificités: c'est une leçon intéressante dans une Europe qui tend aujourd'hui à se fermer. On peut ajouter que pour les Romains, l'Empire n'est pas délimité: c'est un Empire extensible sachant que c'est le droit qui est déterminant et non le territoire. N’oublions que les Romains ont également su accorder la citoyenneté à tous les habitants de l’Empire avec l’édit de Caracalla en 212 après J-C, une citoyenneté très élargie donc. 
  • Un second héritage fondamental est le christianisme. Ce dernier s'impose dans l'Empire romain puis à la disparition de celui-ci il devient, par étapes et progressivement, la religion dominante en Europe (de gré ou de force). Le christianisme est une religion proche-orientale qui se diffuse d'abord en Anatolie (Turquie actuelle), en Grèce, au Maghreb puis à Rome même. Dans cette diffusion, Paul (Saint Paul) a joué un rôle majeur en promouvant le message chrétien à destination de tous les individus et pas seulement des communautés juives. Au contact de Rome et de la Grèce, le christianisme va s' appuyer sur l'hellénisme et reprendre des catégories mentales de la Grèce. L'Europe est peu à peu christianisée: les papes et la papauté vont imposer des idées certes mais aussi des structures administratives et géographiques: paroisses, évêchés... formant un espace, une aire géographique type: la chrétienté. Le christianisme va aussi imprégner les mentalités même si il y a eu des formes de syncrétisme (et des oppositions).
  •  Il faut toutefois rappeler que ce christianisme s'est clivé avec en 1054 le schisme entre l'église catholique et l'église orthodoxe confirmant deux christianismes : un christianisme occidental et un christianisme oriental, une chrétienté grecque et orthodoxe et une chrétienté latine et romaine. Au 16e siècle, une nouvelle division s'opère avec la séparation catholiques et protestants. Certes, l'Europe, du moins une partie, a connu la présence de l'islam mais un islam qui n'a pas été durable hormis le cas spécifique d'une partie des Balkans(Albanie,Kosovo, Bosnie) avec le poids et les influences de l'Empire ottoman. L'Eglise a longtemps été un acteur politique incontournable façonnant les mentalités tout comme les structures politiques et administratives. Le christianisme a aussi inspiré l'idée d'unifier l'Europe ce qu' a vainement tenté de faire Charlemagne ou avec la mise en place du Saint-Empire romain germanique 962 après J-C jusqu'en 1806. 
  • Même si le concept de laïcité s’est développé et imposé dans nombre d’Etats européens, le christianisme reste une dimension clé pour comprendre l’Europe et son histoire. Pourtant, cet héritage suscite des débats (voir un peu plus bas).On peut rappeler que les pères fondateurs de l’Europe étaient généralement issus de partis démocrates-chrétiens et à ce titre les racines chrétiennes de l’Europe étaient une évidence. Néanmoins, il faut rappeler que les textes juridiques qui définissent l’Union européenne ne mentionnent pas le christianisme. Néanmoins, le débat sur les racines chrétiennes de l’Europe a resurgi lors de la convention mise en œuvre en 2002 afin d’élaborer une Constitution européenne. Ce texte mentionnait les racines chrétiennes de l’Europe au même titre que l’héritage gréco-romain, la Renaissance ou encore les Lumières. Mais la mention des racines chrétiennes a suscité de fortes oppositions et la référence au christianisme a été enlevée ce qui n’a pas empêché que le traité en question a été rejeté en 2005 notamment par la France et les Pays-Bas. Pourtant comme le dit Jean-Sylvestre Mongrenier, « le legs du christianisme est un fait historique qui ne peut être sérieusement nié. » Le traité de Lisbonne de 2007 pour être plus consensuel affirme que l’identité européenne résulte « des héritages culturels, religieux et humanistes de l’Europe » ce qui reste relativement vague. 
  • Soulignons que les traités européens (voir article 17 du traité de Lisbonne) reconnaissent aux états membres la liberté de gérer comme ils le souhaitent leurs relations avec les différents cultes. Néanmoins, l’UE garantit le principe de non discrimination à l’égard des différentes minorités religieuses. La thématique chrétienne est également un objet politique avec une instrumentalisation à des fins politiques. Ainsi lors de la crise des migrants de 2015, Viktor Orban, le chef d’état hongrois, s’est posé en défenseur de l’Europe chrétienne face à des migrations trop liées selon lui à l’islam. Pourtant il ne faut pas oublier l’héritage arabo-musulman avec les « liens entre cultures arabe et latine » évoqués par John Tolan (Europa, notre histoire). 
  • Ce sont des penseurs arabo-musulmans comme Averroès qui ont transmis aux Européens au Moyen-Âge les philosophes grecs dont Aristote sans oublier l’impact du vocabulaire arabe dans les langues européennes et tout simplement une présence musulmane ancienne en Europe. Comme le font remarquer Frank Fregosi et Mohamed Tozy (L’Europe, encyclopédie historique), « le premier moment de la présence islamique en Europe remonte à 711 » lorsque des soldats musulmans « prennent pied dans la péninsule ibérique. » Cette péninsule a longtemps été sous le contrôle d’un pouvoir musulman. On peut ajouter également la diffusion de l’islam par l’intermédiaire des conquêtes de l’Empire ottoman dans les Balkans à partir du début du 15e siècle ce qui explique la présence de l’islam encore aujourd’hui au Kosovo, en Albanie, en Bosnie...Il existe donc de fait un islam européen. Pour reprendre l’expression utilisée dans Europa, notre histoire (éditions Les arènes, 2017), l’Europe résulte de « croisements et de confluences » sur lesquels on peut insister.
  •  Un espace comme la Méditerranée peut ainsi être perçus comme un « centre de gravité » (Leyla Dakhli : Europa, notre histoire). « La Méditerranée est un lieu d’affrontement des puissances , de contact... » Elle est le « coeur battant de l’Europe (...) son point d’ancrage géographique et symbolique » avec aussi bien l’impact de la Grèce antique, celui de Rome, l’influence de Byzance, de l’islam. Un autre exemple est celui du « carrefour adriatique » (Daniel Baric) qui est un « espace de contact entre mondes italien, balkanique et centre-européen. » L’Adriatique dans son histoire a fait l’objet de luttes entre « Byzance et les Arabes, puis entre les Habsbourg et les Ottomans (... » A une autre échelle, on peut prendre l’exemple d’une ville nommée Constantinople puis Byzance et enfin Istanbul. Constantinople a été fondé en 330 après J-C par l’Empereur Constantin puis est devenue sous le nom de Byzance cette deuxième Rome et le coeur du christianisme orthodoxe. En 1453, la ville est prise par les Ottomans et devient Istanbul. 
  • Cette ville a longtemps été un « mille- feuille communautaire » pour reprendre la formule de Daniel Baric. Toujours pour aller dans le sens de ces croisements et pour montrer la complexité de l’Europe, on peut s’appuyer sur d’autres exemples. La ville de Prague, cette « Prague aux milles vies » comme l’ écrit Jiri Pisek (Europa, notre histoire) a été une ville où plusieurs communautés et influences ont existé : influence juive, allemande, tchèque... Certes, elle est désormais le « lieu de mémoire fondateur de l’identité tchèque mais elle a longtemps été pluriculturelle. Autre exemple significatif : la ville de Vilnius. Cette ville a été lituanienne (elle est encore) mais aussi polonaise, russe (et soviétique)... sous des noms différents : Vilnius est le nom lituanien mais elle s’est aussi appelée Wilno (appellation russe), Wilna (appellation polonaise)... D'autres héritages sont importants: une civilisation commune s'est mise en place au “Moyen- Age” dont le système féodal fut un des fondements. 
  • Jean-Sylvestre Mongrenier affirme à juste titre que « l’Europe a pris forme au cours du Moyen-Âge. » De très nombreux pays européens ont été marqués par les structures seigneuriales. Ils sont aussi marqués, à partir des 12e-13e siècles, par le développement des villes: le réseau urbain de l'Antiquité est complété par un réseau de nouvelles cités médiévales qui marquent encore les paysages urbains européens. Ce double réseau se retrouve, en effet, dans de nombreuses villes actuelles dont ils composent le paysage urbain. Pour un géographe comme Jacques Lévy, les villes et l'urbanité sont fondamentales pour définir l'identité européenne.
  •  Enfin, on peut ajouter des héritages plus récents et tout aussi majeurs : la Renaissance et l'humanisme, la période des Lumières et les Révolutions industrielles des 18e-19e siècles. La Renaissance marque une étape clé dans plusieurs domaines notamment l’Art, la façon de voir le monde... L’humanisme est également important car avec la pensée humaniste change la perception de l’homme, un homme devenant centrale dans la réflexion. La conscience d'être européen et l'idée même d'une Europe qui se différencie émerge vraiment à la Renaissance notamment en réaction à la prise de Constantinople en 1453 par les Turcs et le développement corrélatif de l'Empire Ottoman. Un roi, celui de Bohême, Georges Podiébrad, propose en 1462 un projet de réunion des états chrétiens par opposition à l'Empire Ottoman. Il a bel et bien existé une Europe de la Renaissance ne se limitant pas aux foyers italiens ou hollandais (Hongrie par exemple). Le siècle des Lumières marque l'ensemble de l'Europe: les Lumières ne sont pas seulement françaises (les Lumières écossaises, l’Aufklarung allemand...). Les 17e s-18e s marquent le développement de la pensée dite scientifique: ce développement concerne toute l'Europe (Nicolas Copernic est polonais, Galilée italien). Enfin, les Révolutions industrielles, certes à des moments différents, vont profondément changer l'Europe. L'Europe est un lieu (pas le seul) de modernité intellectuelle: des intellectuels européens vont penser le monde autrement notamment scientifiquement: Copernic, Galilée, Newton... vont changer la façon de voir et d'expliquer le monde. La pensée scientifique moderne est de ce fait en grande partie européenne. 
  • L'Europe, c'est également une modernité politique. C'est en Europe qu'émerge une autre façon de penser le politique par la rupture avec la féodalité et l'émergence de l'état dit moderne: un état pensé comme s'inscrivant dans un espace limité par des frontières et correspondant à l'idée de nation (voir au 17e la naissance de ce qu’on nomme le monde westphalien). Cet état moderne s'organise autour du développement des fonctions régaliennes: justice, prélèvement des impôts, constitution d'armées permanentes, d'administrations tant nationales que locales... La modernité politique, c'est aussi la naissance d'une pensée centrée sur l'homme (Humanisme) et sur des idées libérales. L'Angleterre joue un rôle important avec un philosophe comme John Locke (1690: Traité du gouvernement civil), la création en 1679 de l'Habeas Corpus qui garantit aux individus des droits face au pouvoir de l'état. Au 18e siècle, les philosophes des Lumières accentuent la réflexion sur la liberté, les droits, la tolérance... 
  • Dans le même temps se développe encore davantage la conscience européenne notamment par le biais des réflexions d' Emmanuel Kant. L'Europe, c'est aussi le lieu de naissance et de développement d'idéologies liées à la modernité: le libéralisme et le socialisme en sont deux exemples marquants. Tous ces éléments forment des héritages que l'on retrouve dans l'ensemble de l'Europe à des degrés divers. Ils confèrent à l'Europe une certaine unité historique et culturelle. Les peuples, les Etats ont des histoires singulières mais ces histoires sont connectées. Aucun peuple européen, aucun Etat pour reprendre l'expression du moine Thomas Merton “n'est une île” donc fermée sur elle-même. L'Européanité (le fait d’être européen) se caractérise donc par les très fortes influences gréco- romaines, chrétiennes, humanistes... Evoquer l'identité européenne c'est donc questionner les valeurs sur lesquelles l'Europe et le projet européen se fondent. En plus de ses valeurs, plusieurs historiens ont tenté et tentent de développer l'idée d'une histoire commune (Jacques Le Goff). Le sociologue français Edgar Morin met en évidence trois fondements à l'identité européenne: le rationalisme, la science et l'humanisme. Enfin, il est intéressant de s’interroger sur les relations entre les notions d’Europe et d’Occident. 
  • Souvent le concept d’Occident est associé à celui d’Europe et, effectivement, peu à peu, le mot Occident désigne l’Europe mais aussi l’Amérique du Nord. Comme nous l’avons suggéré l’Antiquité est la matrice de l’Occident et se développe plus tard un Occident chrétien même si il n’a jamais uni. C’est cette Europe et cet Occident qui se sont lancés à la conquête du monde à partir des grandes découvertes. Bilan : Il peut être judicieux de parler des identités historiques européennes reposant en partie sur des « traditions religieuses dominantes » avec une Europe plutôt catholique, une Europe plutôt protestante, une Europe à dominante orthodoxe et une Europe musulmane (Albanie, Kosovo, Bosnie en partie). Au niveau de ces identités historiques, l’Europe a donc plusieurs visages. Le sociologue Edgar Morin évoque d’ailleurs et pas uniquement sur le plan historique le fait que l’Europe soit « une notion aux multiples visages. » 

-Des histoires connectées: une Europe de “croisements et de confluences”(Europa Notre Histoire)

  • L’Europe c’est bien entendu une histoire que certains font remonter à l’Antiquité notamment en mettant l’accent sur la Grèce antique Or, on oublie trop souvent que pour les Grecs, l'Europe n'a qu'une définition géographique : elle est à l’époque un des trois continents, aux côtés de l'Asie et de l'Afrique. On peut rappeler que dans son Enquête, Hérodote définissait l'Europe par opposition à l'Asie avec comme frontière entre ces deux continents l'Hellespont qui est aujourd'hui le détroit des Dardanelles et le fleuve Don. Il est important de souligner qu’ il n'existe alors pas de conscience européenne, une Europe assimilée à la Grèce continentale. L’histoire européenne est une histoire reposant sur des temps forts comme l’Empire romain, plus tardivement l’Empire de Charlemagne, le phénomène de christianisation... 
  • Ces temps forts concernent une partie plus ou moins importante de l’Europe sur le plan géographique. L'ouvrage Europa, Notre histoire paru aux éditions des Arènes en 2018 insiste à juste titre sur une histoire de l'Europe fondée sur des croisements donc des échanges et des confluences. Les états européens n'ont jamais vécu en vase clos et ont toujours été connectés par des flux et échanges divers: politiques, économiques, sociaux, culturels...Les peuples et les Etats ont certes des histoires spécifiques mais ils ont des histoires en lien les uns avec les autres: l'Europe a et est une histoire partagée, pas toujours pour le meilleur certes. 
  • Les populations composant l'Empire romain se brassaient : les villes de l'Empire symbolisaient ce brassage à l’image de Rome. On retrouve ce type de brassages dans les grandes métropoles européennes actuelles. Avec la formation et le développement des différents royaumes, ces derniers et leurs populations vont se confronter, échanger : les guerres franco-anglaises en témoignent (elles seront aussi des vecteurs d'identités particulières par lesquels se forgent des identités nationales différentes). Lors des grandes découvertes et du processus de colonisation, les équipages des navires qu'ils soient espagnols, portugais, hollandais sont composés de marins de diverses origines (idem pour les “compagnies de pirates”). Enfin, pour le pire à savoir les « brûlures de l’histoire », les deux guerres mondiales ont embrasé l'Europe et toutes ses composantes. 
  • Même si les histoires peuvent être singulières (histoires nationales, régionales...), elles sont reliées. L'histoire européenne est interdépendante: une interdépendance souvent conflictuelle mais bien réelle. Les états européens n'ont jamais vécu en circuits fermés et en vase clos. Une dimension devenue incontournable est que cette Europe va connaître l'émergence de l'état-nation qui devient le modèle constitutif des états européens, le développement des nationalismes... les différents états européens s'inscrivant dans les mêmes logiques et configurations historiques même si les temporalités en ces phénomènes diffèrent. 

- une histoire fondée sur des tentatives d'unification : des tentatives impériales à l'Union européenne 

  • L'histoire européenne est marquée, faut-il le rappeler, par des tentatives unitaires. Les diverses tentatives impériales illustrent cette tendance. Il s'agit d'unir et d'aller au delà des particularités et particularismes (souvent en imposant un modèle). L'Empire de Charlemagne, le Saint-Empire romain germanique furent parmi ces tentatives partielles d'unification. La papauté a également longtemps rêvé de contrôler l' Europe chrétienne sans y parvenir. 
  • Plus récemment, Napoléon 1er a vainement tenté le même type d'opération sans succès. Enfin, Hitler rêvait d'une « Europe nazifiée » dans une logique impériale. Les tentatives d'unification reposent sur une volonté mais aussi sur l'idée qu'il est possible d'unifier l'Europe et les Européens. Dans cette optique, on peut penser la construction européenne et l'Union qui en résulte comme une autre tentative d'unir les Européens.
  •  Il est à souligner que jusqu'à présent toutes ces tentatives ont échoué: est-ce le signe que les diversités et les clivages sont trop importants pour parvenir à l'unité? La notion d'Européen au singulier est- elle condamnée à toujours échouer ? 

 -une ou des cultures européennes? 

  • Avant d’aborder l’identité culturelle, on peut aussi parler d’une éventuelle identité intellectuelle. On a même pu évoquer un « génie européen ». Umberto Eco soulignait le « long dialogue entre les littératures, les philosophies, les œuvres musicales et théâtrales » qui lient les Européens sans qu’il y ait d’ailleurs jamais une uniformisation intellectuelle d’où l’idée d’une « polyphonie » (Olivier de France) intellectuelle et culturelle. Il est nécessaire d'appréhender la culture européenne comme une culture de brassages et de métissages à l'image des brassages de populations qu'elle a connus.
  • Un penseur comme Denis de Rougemont (1906-1985) très favorable à la construction d'une Europe unie (en 1946, il publie un discours sur l'union de l'Europe puis en 1947, il prononce le discours inaugural du premier Congrès de l'Union européenne des fédéralistes et il est le président du Centre européen de la culture qu'il a lui même fondé et dont l'un des rôles était la diffusion de la culture européenne) pensait que la culture commune était au fondement même de l'Europe. Un historien comme Krystof Pomian (historien polonais né en 1934) affirmait que les Lumières européennes étaient un fondement majeur de l'identité européenne. Néanmoins, il ne faut pas oublier qu'au 19e siècle notamment les cultures nationales se développent. Le musicien allemand Richard Wagner pensait que la musique qu'il créait exprimait la “germanité”. Culture nationale et culture européenne sont-elles néanmoins incompatibles et inconciliables? En effet, même si se développent des cultures nationales, il existe un monde intellectuel européen avec des écrivains, des philosophes qui voyagent, se connaissent... Pour lier l'histoire et la culture, on pourrait reprendre ce qu'affirmait Paul Valéry en 1919: “(...) Je considérerai comme européens tous les peuples qui ont subi au cours de l'histoire trois influences qui nous ont distingué le plus profondément du reste de l'humanité.” Paul Valéry faisait allusion à la Grèce, à Rome et au christianisme déjà évoqués précédemment. 
  • Cette approche, qui est en partie vraie car on retrouve dans la culture européenne ces trois éléments, exclut néanmoins de la culture européenne des pans majeurs de cette dernière: la culture juive (Spinoza, Kafka, Chagall...), la culture nordique avec les “monuments littéraires” que sont les grandes sagas islandaises, les apports de la culture arabo-musulmane. La culture européenne est de ce fait une culture plurielle dans laquelle les peuples européens se reconnaissent (plus ou moins) : elle est une fabrication consentie formant un imaginaire commun auquel appartient des hommes d'horizons divers ainsi que les éléments évoqués plus haut mais qui sont reconnus comme des symboles de la culture européenne: Aristote et Platon, Montaigne, Léonard de Vinci, Descartes, Mozart, Goethe, Dostoïevski... 
  • L’Europe est véritablement un creuset culturel. Certains évoquent un “esprit européen” (ou une conscience européenne) comme le fait le philosophe Lucien Jaume (voir son article l'esprit européen comme esprit politique dans la revue Questions internationales numéro 51 de 2011). Pour lui c'est le politique qui serait le “pivot de l'esprit européen”: les Européens ont pensé l'état, la loi et ses rôles, la liberté et les droits individuels... Ce sont aussi des philosophes européens comme John Locke qui ont pensé la représentativité des régimes politiques, la séparation des pouvoirs (voir aussi Montesquieu). L'idée de souveraineté populaire serait également européenne avec un politique soumis à l'approbation des citoyens. Dès lors, il y aurait des valeurs politiques européennes (même si elles sont remises en question actuellement) comme la démocratie, le pluralisme politique. Ces valeurs seraient un socle partagé par les Etats européens.

-identité juridique politique et démocratique ? 

  • Au sein de l’UE mais pas au niveau de l’ensemble de l’Europe, il y a une réelle identité juridique avec un droit européen. C’est au sein de l’UE le droit européen qui domine. L’idée d’une identité politique européenne est complexe surtout depuis l’exacerbation entre deux visions politiques de ce que doit être l’Europe et l’UE. Nous avons notamment l’opposition entre une Europe des Etats avec un « retour aux frontières nationales » (Olivier de France) et la volonté d’une Europe plus intégrée avec une souveraineté partagée. Olivier de France oppose une « Europe réactive » à une « Europe réactionnaire. » L’Europe réactive, c’est une Europe qui met en avant les liens et les interdépendances entre Etats européens alors que l’Europe réactionnaire s’appuie sur les nations, les frontières. On peut voir certes un clivage fort entre ces deux perceptions mais il s’agit de débats importants qui questionne ce que doit être notamment l’Union européenne. 
  • Là aussi, il y a des identités politiques mais on retrouve ces identités au sein même de chaque Etat. On valorise souvent l’identité démocratique commune aux Européens. Or si la démocratie est bien au fondement de l’Union européenne et de la majorité des Etats européens , les conceptions de la démocratie ne sont pas les mêmes. D’abord, les pays européens n’ont pas les mêmes modèles démocratiques avec des Etats centralisés (France) et des Etats fédéraux (Allemagne).
  • De même de puis quelques années se développe l’idée d’une démocratie illibérale comme en Hongrie ou en Pologne. Ce concept est récent et on doit l’expression à Fareed Zakaria un politologue américain désignant des régimes politiques qui combinent élections libres mais absence d’institutions vraiment libérales et des pouvoirs qui ne sont réellement séparés ce qui est le fondement d’unbe véritable démocratie libérale. Pourtant les traités européens sont clairs comme le montre l’article 2 du traité de l’Union : « L’Union est fondée sur les valeurs de respect de la dignité humaine, de liberté, de démocratie, d’égalité, de l’État de droit, ainsi que de respect des droits de l’homme, y compris des droits des personnes appartenant à des minorités. Ces valeurs sont communes aux États membres dans une société caractérisée par le pluralisme, la non-discrimination, la tolérance, la justice, la solidarité et l’égalité entre les femmes et les hommes ».
  •  La Pologne, la Hongrie ont opté pour des régimes illibéraux montrant par la même que l’identité démocratique n’est pas si partagée que l’on croît. Bilan : Au sujet de l’identité politique, Pierre Hassner parle d’une « identité intermédiaire » avec encore un fort attachement à l’identité nationale. Il met en avant l’idée d’une Europe « partie d’un tout globalisé et composé d’états-nations conservant des identités séparées. » 

b/ Les frontières : un marqueur essentiel de l'histoire européenne 

Parler d'Europe au singulier, c'est se heurter à une Europe structurée autour de frontières: frontières étatiques, frontières linguistiques, frontières culturelles. Peut-on penser l'Europe et son unité tout en ayant une Europe clivée par des frontières multiples ? 

-les frontières, un marqueur politique, historique et culturel fondamental et facteur de clivages 

  • Dans l'histoire européenne, les frontières sont incontestablement un marqueur fort notamment au niveau politique et géopolitique. Comme l'expliquait Yves Gervaise, “plus que n'importe quel autre, l'Europe est le continent des frontières”. Thomas Serrier dans Europa notre histoire (éditions les Arènes, 2017) rappelle que « l’histoire de l’Europe est celle de ses frontières. » L’Union européenne compte ainsi 14 000 kilomètres de frontières et de l’Atlantique à l’Oural c’est plus de 37 000 km de frontières avec 90 « bordures interétatiques. » Ce qu'on nomme la frontogénèse en Europe est particulièrement complexe. « L’espace européen est fait d’unités réduites, fragmentées, travaillées par l’histoire » comme l’écrit Michel Foucher. Le continent européen est donc marqué à ce niveau par une fragmentation importante: il est un des continents les plus fragmentés. Le philosophe écossais David Hume écrivait déjà en 1789 que « l’Europe est, des quatre parties du monde, la plus morcelée. » Environ 50% des frontières européennes ont été définies et tracées au 20e siècle dont 30% entre 1945-1949.
  •  On peut faire remarquer que les frontières en Europe de l'Ouest ont été construites, conçues et affirmées depuis plus longtemps que celles d'Europe centrale et orientale: cette dernière a été marquée par plusieurs éclatements : éclatement de l'Empire austro- hongrois en 1918-19, éclatement de la Yougoslavie en 1991, éclatement de l'URSS en 1991... soit autant de facteurs qui ont contribué à redéfinir et redessiner de nouvelles frontières ce qui confirme la formule de Michel Foucher: “la frontière est une construction géopolitique datée.” On peut également affirmer que l'Europe s'inscrit dans une logique d'éclatement depuis plusieurs décennies. Un dernier exemple montre la continuation de cette logique: en 2008, le Kosovo est devenu indépendant de la Serbie à laquelle il appartenait même si plusieurs états comme la Russie ou l’Espagne notamment n'ont pas reconnu le nouvel état en question. En comprenant le Kosovo, ce sont en tout 7 états nouveaux qui sont nés de l'éclatement de la Yougoslavie: Slovénie, Croatie, Bosnie, Monténégro, Serbie, Macédoine et donc Kosovo. On peut faire remarquer qu’une « multitude de lieux porte la mémoire tourmentée de déplacements de frontières » selon Thomas Serrier (Europa, notre histoire). Des villes comme Strasbourg, Trieste, Vilnius, Lviv en sont des illustrations. Il est intéressant de mettre l’accent sur certaines dimensions historiques. Très tôt, la frontière en Europe a été un objet politique et géopolitique. On peut illustrer ce propos avec le limes de l’Empire romain dont le mur d’Hadrien. 
  • Ce limes « est devenu dans notre imaginaire contemporain une ligne de défense qui fait l’écho aux menaces dont l’Europe se sent aujourd’hui l’objet » (Thomas Serrier). Un autre type de frontière cette fois relevant du religieux est la frontière entre l’Église d’Occident et l’Église d’Orient avec la schisme (la rupture) de 1054 donnant naissance à deux christianismes : le catholicisme et le christianisme orthodoxe. On évoquait aussi un Occident latin s’opposant à un Orient grec. Cette rupture induit une frontière entre deux formes de christianisme se traduisant aussi géographiquement avec une Europe à dominante catholique et une Europe de l’Est à dominante orthodoxe.
  •  On peut également mettre en exergue les cas de la Hongrie, de la Croatie et de la Pologne qui au 16e siècle se sont opposés à l’Empire ottoman marquant de fait une frontière entre l’Europe chrétienne et l’Empire ottoman musulman. Viktor Orban l’actuel chef d’état hongrois utilise d’ailleurs cette histoire pour mettre en évidence une Hongrie qui est toujours un rempart (et une frontière) face à l’islam. La question des frontières de l'Europe est essentielle y compris pour l'Union européenne: elle est une question d'ordre géopolitique.
  •  Il faut rappeler que les différents traités européens ne définissent pas géographiquement l'Europe et l'UE ce qui engendre du flou. Selon l'article 49 du traité sur l'Union européenne, qui est le résultat des modifications initiées par le traité de Lisbonne, “tout état européen qui respecte les valeurs visées à l'article2- respect de la dignité humaine et de l'état de droit, liberté, démocratie, pluralisme et non discrimination- et s'engage à les promouvoir peut demander à devenir membre de l'Union”, nous sommes là sur un critère politique. Le développement des états-nations ainsi que la montée des nationalismes, en particulier à partir du 19e siècle, a accentué le poids des frontières et conduit à une Europe éclatée et divisée en plusieurs états. En 2015, les Etats n'ont d'ailleurs jamais été aussi nombreux ce qui peut apparaître comme un paradoxe dans le cadre de la construction européenne. Certaines frontières sont anciennes comme la frontière entre la France et l'Espagne (1659: traité des Pyrénées) même si il y eut quelques rectifications. 
  • Cette frontière est d'ailleurs un exemple de ce qu'on nomme les “frontières naturelles”: une partie des frontières entre états relève de ce type de séparation (massifs de montagnes, ligne de partage des eaux, fleuves ou rivières...). La formation des frontières politiques est le reflet des politiques des Etats. D'autres sont beaucoup plus récentes liées à l'émergence de nouveaux Etats. Se pose également le statut des frontières au sein même de l'Union européenne: les débats sur l'espace Schengen en sont une illustration. Aux frontières politiques s'ajoutent des frontières culturelles y compris à l'intérieur des Etats. Bernhard Struck (L’Europe, encyclopédie historique) rappelle que « la frontière culturelle est souvent une simple conséquence de la frontière politique. »
  •  Il insiste aussi sur le fait que « les frontières culturelles sont avant tout le résultat de l’unification culturelle des Etats. » Les frontières linguistiques en sont un exemple: le cas de la Belgique en est une illustration entre la Wallonie francophone et la partie Flamande ou encore la Suisse. Le renouveau des langues régionales voire leur poids politique comme en Catalogne peut être aussi vu comme un marqueur de frontières culturelles.

-l'UE : une tentative de passer outre les frontières? 

  • L'Union européenne est dans cette optique un projet intéressant car il a permis l'atténuation d'un certain type de frontières en l'occurrence les frontières économiques. Le projet européen reconfigure les frontières et de façon générale l’Europe peut être vue comme un espace variable avec une Union européenne à 27, un espace Schengen à 26, une zone euro à 19 et un Conseil de l’Europe rassemblant 47 Etats.
  •  La constitution d'un marché unique avec la libre circulation des marchandises et des capitaux entre dans cette logique : les frontières entre les Etats membres s’effacent partiellement. L’UE a également généré des frontières extérieures (voir notamment cet espace Schengen. 
  • Toutefois, il faut insister sur le fait que cette union est le fruit de la volonté d'états nations: l'Union européenne ne marque pas encore la disparition des frontières: elle en atténue seulement certaines fonctions. L’idée d’une Europe devenant fédérale reste parallèlement encore lointaine. 

 B/ Des Europe historiques et culturelles

Quels sont les éléments de diversité conduisant à parler des Europe ?Ces éléments sont-ils un frein à l'unité européenne ? Bien que les éléments d'unité de l'Europe soient effectifs, elle est également un espace de diversités composée d'identités diverses, dans certains cas de fractures: l'Europe est plurielle: on peut parler de “mosaïque européenne”. L’Europe est aussi une Europe de « croisements et de confluences » (Europa, notre histoire), une Europe reposant sur des « lignes de partage » (Pierre Monnet et Olaf Rader : Europa, notre histoire) d’où une Europe plurielle avec des Europes. 

a/ Des histoires et des Europe historiques 

Bien qu'il y ait un patrimoine commun et des histoires reliées, chaque peuple, chaque Etat a son histoire particulière et ses singularités. 

 -des Europe historiques aux parcours différents et parfois conflictuels

  • Il existe une « Europe des discordances » (L’Europe, encyclopédie historique, Actes Sud 2018) sur plusieurs plans notamment le plan politique. Les guerres, les oppositions idéologiques... sont parmi les marqueurs de ces discordances.
  • On peut mettre en avant les discordances idéologiques entre colonialisme versus anticolonialisme, communisme versus libéralisme et les discordances politiques dont les guerres mondiales sont malheureusement les meilleures illustrations. On peut distinguer des Europes historiques ayant une histoire en partie spécifique. Ainsi, l'Europe dite du Sud est beaucoup plus imprégnée par la latinité, les héritages et influences gréco-romaines. C'est également dans cette Europe que le rôle du catholicisme a été le plus important.
  •  Il existe une Europe nordique et germanique dont l'histoire est quelque peu différente,moins marquée par Athènes et Rome: une Europe où le Protestantisme a joué un rôle important à partir du 16e siècle. A ces Europes se greffe une Europe centrale et de l'Est marquée par les identités slaves et orthodoxes même si la réalité est plus complexe (Pologne et Lituanie catholiques; populations baltes non slaves et nombreuses minorités...). 
  • Enfin, l'histoire russe a des singularités très particulières: une Russie tournée à la fois vers l'Occident et l'Asie sachant, nous le verrons ultérieurement, qu'on s'interroge encore pour savoir si la Russie est vraiment européenne. 

 -des clivages certains et toujours prégnants 

  • Il existe donc de réels clivages historiques et pas seulement culturels entre les différentes Europes. Le temps de la guerre froide est un des clivages essentiels : un clivage qui a encore des implications actuellement notamment dans les rapports avec la Russie. L'Europe a été divisée entre 1945 et 1989-91: cette division a produit des histoires différenciées. L'impact de la guerre froide et du communisme n'a pas été identique entre les deux parties de l'Europe. Les pays d'Europe anciennement communistes n'ont pas les mêmes perceptions de la guerre froide que les états d'Europe de l'Ouest car le vécu de la période est très différent. 
  • Il en est de même pour la Seconde guerre mondiale: certains pays d'Europe de l'Est ont été particulièrement meurtris comme la Pologne, l'Ukraine... (voir les Terres de sang analysées par l'historien T. Snyder qui analysé les territoires ukrainien, polonais, biélorusse comme ayant la spécificité d'avoir été marqués par l'URSS stalinienne et l'Allemagne nazie subissant deux totalitarismes et une double répression hors norme sans oublier la Shoah). 

 - renforcés par des mémoires pouvant être divergentes 

  • Les réalités historiques différentes et les clivages suscités aboutissent de ce fait à des mémoires divergentes voire hostiles.La Seconde guerre mondiale n' a pas laissé les mêmes traces ni les mêmes mémoires en Europe. La domination nazie, les attitudes par rapport aux communautés juives, la libération de l'Est européen par les Soviétiques ne sont pas perçues de la même manière en Europe. La mémoire de la Shoah, par exemple, est beaucoup plus forte dans la partie Ouest de l'Europe alors qu'elle a été en grande partie évacuée ou niée dans plusieurs Etats est-européen (Pologne, Pays baltes, Ukraine...). 
  • En effet, dans des états comme les états baltes ou l'Ukraine, une partie de la population a participé activement à la Shoah aidant les forces allemandes: l'antisémitisme était très présent dans cette partie de l'Europe. De même, la “libération” des territoires baltes, polonais... par l'armée rouge entre 1944 et 1945 ne peut être perçue comme une véritable libération mais comme une nouvelle occupation permettant à court terme l'implantation du communisme à l'Est. On peut donc voir qu'il ne peut y avoir de mémoire totalement commune entre Européens car les vécus et les histoires ne sont pas tout à fait identiques. 
  • Ces histoires et mémoires divergentes expliquent certains problèmes géopolitiques actuels et des approches différentes notamment par rapport à la Russie dont se méfient, c'est le moins qu'on puisse dire, les états baltes ou la Pologne. Bilan : le cas des Balkans La région des Balkans peut illustrée la diversité européenne mais aussi une histoire à la fois complexe et tourmentée.
  • De façon stricto sensu, les Balkans sont les régions européennes ayant appartenu à l'Empire Ottoman à savoir : Grèce, Albanie, Roumanie, Bulgarie, Serbie, Bosnie, Monténégro, Macédoine et Kosovo. On peut ajouter des territoires ayant appartenu à l'Empire austro-hongrois : Slovénie, Croatie et Voïvodine (Serbie). Sur le plan culturel, les Balkans sont une illustration de la diversité qu’on retrouve ailleurs en Europe avec des langues comme l’Albanais ( une langue indo-européenne), le Grec, le Bulgare, le Macédonien, le Slovène (langue slave), le Roumain (langue latine), le serbo-croate (lange parlée par les Serbes, Croates, Bosniaques et Monténégrins)... 
  • Ce sont aussi des religions avec des catholiques : Slovénie et Croatie, des Orthodoxes : Serbie, Grèce, Montén.égro, Macédoine, Roumanie, des Musulmans : Bosnie (en partie), Albanie et Kosovo sans oublier des peuples dont ce qu’on nomme des « petits peuples » comme ruthène, rom, vlach (ou Valaques), goran . Les Ruthènes présents en Serbie et Croatie (originaires des Carpates) : ils n'ont jamais eu un état indépendant viable.Les Goranes sont présents en Albanie, Kosovo et Macédoine (musulmans depuis l'Empire Ottoman). Il faut souligner que les minorités ethniques sont présentes dans l’ensemble des Etats des Balkans aujourd’hui. On peut prendre l’exemple de la Serbie : Serbes majoritaires (80%), une minorité hongroise (4,8%), bosniaque (1,7%), macédonien (1,4%), monténégrin (1%)... 
  • Sur le plan historique, les Balkans sont un exemple d'unions et de désunions (ils peuvent être vus comme une métaphore de la construction européenne). Une grande partie des Balkans a été sous le contrôle de l’Empire Ottoman du 15e au 19e siècle avec une organisation administrative et religieuse impulsée par les Ottomans mais sans islamisation forcée. Au 19e siècle, la donne va changer dans le contexte de l’essor des nationalismes : des états-nations vont naître et se forger. La Grèce devient indépendante en 1830 puis en 1878 c’est au tour de la Serbie, de la Roumanie, de la Bulgarie. L’Albanie devient indépendante en 1912. La Première guerre mondiale contribue à reconfigurer à nouveau les Balkans avec notamment la naissance de la Yougoslavie, une Yougoslavie qui éclate en 1991-1992 dans le cadre de la fin de la guerre froide. De nouveaux états sont issus des conflits yougoslaves de l’après guerre froide : Slovénie (1991), Croatie (1991), République de Macédoine (1991),Bosnie- Herzégovine (1992), Monténégro (2006), Kosovo (2008). 
  • Certains entrent dans l’Union européenne comme la Slovénie en 2004 ou la Croatie en 2013 alors que d’autres sont dans une volonté d’intégrer à terme cette Union européenne. Les Balkans sont bien une région symbolique en Europe, une région fondée sur la diversité qui s’est fragmentée mais dont la majorité des Etats souhaitent intéger ce plus vaste ensemble qu’est l’Union européenne. 

b/ L' Europe culturelle: une pluralité signe de richesses 

L'Europe ou les Europes c'est également des cultures diverses et différentes. La culture européenne est aussi plurielle. 

 -une matrice chrétienne mais une diversité religieuse réelle

  • Un des éléments de cette diversité est la diversité religieuse. Si une très grande partie de l'Europe s'inscrit dans une matrice chrétienne, toute l'Europe ne l'est pas. Il existe une Europe non chrétienne: une partie des Bosniens sont musulmans, les Albanais et Kosovars également. Ce fragment d'Europe musulmane s'explique par l'histoire et notamment par la présence pendant plusieurs siècles de l'Empire ottoman dans les Balkans. Dans le cadre même de l'Europe chrétienne, il existe des différences notables entre Europe catholique, protestante ou orthodoxe. 
  • La aussi, l'histoire est un facteur explicatif majeur. Au 11e siècle, le schisme entre Byzance et Rome a conduit au développement d'une Europe dite orthodoxe (Grèce, Bulgarie, Russie...); au 16e siècle, la rupture et les guerres entre catholiques et protestants ont eu pour effets de cliver territorialement, politiquement et religieusement l'Europe: une Europe latine qui est restée fidèle au catholicisme et une Europe du Nord devenue en grande partie protestante. Il faut ajouter que ces différenciations religieuses se retrouvent à l'intérieur même des Etats: le Sud de l'Allemagne est catholique (Bavière) alors que le Nord est protestant. 
  • De façon plus globale, les réalités religieuses sont complexes: dans les pays baltes, la Lituanie est majoritairement catholique mais pas l'Estonie et la Lettonie.Ces différenciations religieuses ont eu comme résultats des affrontements particulièrement violents dans l'histoire de l'Europe: guerres dites de religion, guerre de Trente ans (1618-1648), affrontement en Irlande entre catholiques et protestants jusqu'à une date récente... L'identité européenne est liée à un réel pluralisme religieux sachant que les pratiques religieuses sont très variables d'un état à l'autre. 

 -des langues : l'Europe comme tour de Babel 

  • La diversité est bien entendu linguistique. Comme le disait Umberto Eco, « la langue de l’Europe est la traduction. » Cette diversité est logique: l'Europe est constituée de peuples différents aux origines différentes donc la multiplicité des langues « est un des traits caractéristiques de la culture européenne. » (Jürgen Trabant). Il existe plus de 200 langues en Europe mais on peut différencier de grandes aires linguistiques. On peut distinguer et regrouper les langues européennes en langues latines, germaniques, slaves et baltes sachant que là aussi la réalité est encore plus complexe.
  •  Il existe des langues très particulières comme le basque ou le hongrois qui ne rentrent pas dans les cadres évoqués. Une langue comme le maltais est intéressante puisqu'elle “mélange” des termes italiens, anglais...tout en étant dérivée d'une langue très ancienne le phénicien. 
  • Elle est d'ailleurs avec l'anglais une des deux langues officielles du pays. La diversité linguistique se retrouve à l'échelle des différents Etats avec les langues régionales qui ont pour certaines leurs caractéristiques propres (le breton, le gaélique...). Cette diversité linguistique n'interdit pas les rapprochements et les apports réciproques: le latin et le français ont eu une influence sur la langue anglaise. 
  • De plus,certains états ont plusieurs langues officielles comme la Belgique dont les langues officielles sont le français, le néerlandais et l'allemand traduisant une spécificité géographique avec la partie flamande de la Belgique qui est néerlandophone, la partie wallone utilisant le français et une petite partie de la Belgique utilisant l'allemand à savoir les cantons d'Eupen et de Saint-Vith (territoires à l'est du pays et frontaliers avec l'Allemagne). 

 c/ Mais une Europe d’inventions culturelles

La diversité culturelle n’empêche pas l’existence d’inventions culturelles qui se sont développées dans toute l’Europe. Parmi ces inventions, on peut mettre en avant les académies, académies des beaux-arts et plus généralement les académies dites de savoir ; ce qu’on nomme les cercles et clubs, les musées... L’Europe, c’est aussi des formes culturelles comme l’opéra, le roman... Bilan : « Qu’est-ce donc que l’Europe ?» Olivier de France Pour Olivier de France, l’identité européenne est une « forme de palimpseste » (un palimpseste est à l’origine un parchemin dont on a effacé l’écriture originale pour écrire un nouveau texte). Cette identité « s’exprime dans l’espace à différentes échelles : locale, régionale, nationale et européenne » mais aussi « dans une communauté de rites, de symboles, d’iconographies, de récits et de signes extérieurs. » Même si il y a des différences entre les Européens (« le narcissisme des petites différences » comme le disait Freud), ils ont beaucoup en commun. Les critères de l'européanité : Définir l'Europe et les Européens n'est donc pas une opération si aisée. On peut néanmoins dégager des éléments communs aux Européens. Certains utilisent le terme d'européanité: ce mot renvoie à une conscience partagée d'appartenir à un ensemble commun. Cet ensemble commun repose sur des caractéristiques communes. Toutefois, on pourrait dégager dans la logique du géographe Jacques Lévy des degrés d'européanité : degrés qui n'enlèvent rien à une identité globalement commune. (Il y aurait un “noyau européen” et des zones plus ou moins périphériques soumises à des influences russe et ottomane. Ce noyau formerait un “abri européen” échappant aux influences russe et ottomane.) 

 -une géographie commune 

  • L'Europe est bien une géographie: les Européens ont tous le sentiment d'appartenir à un ensemble géographique commun,et ce même si il existe des éléments de diversité, à cette péninsule eurasiatique. Les continents sont certes une “invention” pour utiliser le mot de C. Grataloup mais l'invention du continent européen est une invention partagée. 

-une histoire partagée 

  •  Partagée, l'histoire l'est également. Les peuples et Etats européens ont des histoires propres mais leurs histoires sont liées: liées par les échanges, liées malheureusement par les conflits, liées par des héritages communs... 

 -une culture proche

  • Il existe une culture et un imaginaire culturel européens. Cette culture ainsi que cet imaginaire n'excluent pas les différences et les nuances. Il s'agit d'une culture plurielle et hybride que l'on peut différencier d'autres cultures: culture chinoise,indienne.... On pourrait définir l'Europe ou les Europes comme étant le multiple dans l'un, une Europe composée d'éléments dissonants mais aussi harmonieux. Enfin, l'Europe est également une idée et un projet : un projet qui s'élabore et se construit par le biais de l'Union européenne. 

-Les ruptures ayant généré le développement de l'identité européenne

  •  Dans un ouvrage de 2012 intitulé Penser entre les langues repris dans une tribune du journal Le monde de 2014, le philosophe allemand Heinz Wismann identifie plusieurs ruptures (six ) qui sont à la base d'un esprit européen et forment “la trame d'une identité en perpétuel devenir ”: “la rupture avec le principe archaïque de répétition” à savoir l'envie de toujours avancer sur le “chemin de la connaissance” et donc de ne plus être prisonnier de la tradition; la “rupture avec l'odre immuable de la nature”; la “rupture provoquée par le christianisme”, un christianisme se voulant universel; la rupture liée à la Renaissance à l'origine de l'émergence de la “figure moderne de l'individu”; la rupture induite par la “révolution copernicienne” qui a permis de penser le progrès et de développer la pensée scientifique et dernière rupture, le développement des langues autres que le latin ou le grec permettant le développement des “littératures nationales”. 
  • Pour Wismann, ces éléments sont fondamentaux. Il insiste aussi sur le fait que l'identité européenne n'est pas figée: comme toute identité, elle est évolutive. On peut d'ailleurs s'appuyer sur une de ses affirmations particulièrement intéressante: “Aucune époque, aucun pays et à plus forte raison aucun groupe ni aucun individu ne peut se dire dépositaire de l'esprit européen.” 

-Une volonté d'être européen

  •  Être européen ce peut-être, comme l'affirmait au 19e siècle Ernest Renan lorsqu'il définissait la nation française, la volonté de vivre ensemble et de partager un projet commun. L'Union européenne entre dans cette perspective.
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