Chapitre 1: La Guerre froide
Introduction
La seconde moitié du 20e siècle, de 1947 à 1991, voit un nouveau type de conflit apparaître et structurer les
relations internationales : la guerre froide. Ce conflit de longue durée imprègne les relations entre les
grandes puissances de l'époque et clive le monde en blocs. C'est également un conflit qui impacte la vie
politique interne des différents états : les différents partis et les citoyens se positionnent par rapport aux
puissances dominantes.
La guerre froide comme l’écrit Catherine Durandin (La guerre froide : Que sais-je ?
2016) « est une histoire de plus de quarante ans, marquée par la confrontation entre deux idéologies
irréconciliables : le monde occidental d’un côté ; le monde soviétique et socialiste de l’autre. »
« La guerre froide a structuré la vie internationale du second XXe siècle » comme le souligne Stanislas
Jeannesson et Sabine Dullin ( Atlas de la guerre froide : éditions Autrement 2018). Il s’agit « d’un
phénomène global et multiforme » qui « marque encore le monde d’aujourd’hui ».
Elle est effectivement un
conflit d’un « type nouveau» opposant l’URSS et les Etats-Unis instaurant un monde bipolaire avec de ce fait
une guerre froide mondialisée concernant tous les continents (plus ou moins directement et plus ou moins
fortement). Cette guerre particulière ne débouche pas sur un conflit directe entre les E.-U et l’URSS mais
chacune de ces deux puissances s’appuient sur des alliés formant ainsi deux blocs antagonistes. Elle est un
conflit qui est bien global car concernant l’ensemble de la planète et multiforme puisque elle est de nature
idéologique, politique, économique, culturelle, technologique.

1/ La mise en place d'un nouvel affrontement : 1947- 1953
De plus, ces deux états sont deux grandes puissances renforcées par la Seconde guerre mondiale dont ils
sortent vainqueurs et sans aucun rival. Dès lors tant par la logique de puissance que par les oppositions
idéologiques et politiques, un conflit s'avère inéluctable. Raymond Aron définissait le monde bipolaire
comme « la configuration du rapport de force tel que la plupart des unités politiques se regroupent autour de
deux d’entre elles dont les forces surclassent les autres » à savoir l’URSS et les E.-U.
Il convient de s’interroger sur « une date pour l’entrée en guerre ? » (Catherine Durandin : La guerre froide :
Que sais-je ? 2016)Pour André Fontaine, spécialiste de la guerre froide, la guerre froide avait commencé
dès 1917 avec la révolution d'octobre 1917.L'année 1917 marque effectivement une rupture : une révolution
communiste en octobre et des E.-U qui entrent en guerre avec un Président Wilson qui a la volonté de
construire un monde nouveau (voir ses « 14 points »). La révolution communiste a lieu certes en Russie mais
les idéologues de la révolution, Lénine et Trotsky en particulier, pensent à terme à une Révolution mondiale.
Les E.-U, sous l'impulsion de Wilson, pensent être dans la capacité d'imposer leurs idéaux. Nous sommes
dès lors bien en présence de deux volontés différentes annonçant une confrontation. Selon H. G Soutou, le
point de départ de cet affrontement est la conférence de Téhéran en 1943.
Soutou utilise également
l'expression guerre de cinquante ans pour évoquer la guerre froide. Odd Arne Westad dans son ouvrage
Histoire mondiale de la guerre froide 1890-1991 (éditions Perrin, 2017) évoque comme point de départ la
date de 1890 avec l’émergence du socialisme révolutionnaire et donc d’un communisme qui parvient au
pouvoir en 1917 en Russie ajoutant qu’à la fin du 19e
siècle les Etats-Unis et l’URSS se tranforment « en
Empires transcontinentaux ».
L'expression même de guerre froide est attribuée soit à Georges Orwell dans un article de 1945 intitulé
« You and the atomic bomb » du journal La Tribune ( « in a permanent state of « cold war » with it
neigbors ») soit au financier américain Bernard Baruch qui était aussi conseiller du président américain H.
Truman et au journaliste Walter Lippmann.
Ce dernier popularise l'expression dans plusieurs articles
intitulés Cold War. Quoiqu'il en soit, cette expression va désigner un nouveau type de conflit entre deux
grandes puissances.
Ajoutons enfin des perspectives géographiques. L’historien Pierre Grosser met en avant le rôle joué par
l’Asie tant dans la naissance de la guerre froide que de la décolonisation ( voir son livre : L’histoire du
monde se fait en Asie : éditions Odile Jacob, 2017). Pour lui « la guerre froide et la décolonisation
commencent en Asie. »
A/ Vers un nouveau conflit « mondialisé » ?
1945-1946 est à la fois le temps de la revanche, le temps de la punition, le temps de la reconstruction mais
également un temps de tensions nouvelles. Un nouvel ordre mondial se dessine en 1945 avec pour les
vainqueurs un certain consensus sur le processus de dénazification à engager en Allemagne, la modification
de certaines frontières mais aussi des points de désaccords sur une démocratisation éventuelle de
l’Allemagne ou encore la question de la Pologne.
a/ Les premiers désaccords : les prémices de la guerre froide, 1945-1947
Les premiers désaccords entre les vainqueurs surviennent assez tôt (dès 1945) et vont s'amplifier jusqu'à la
rupture de l'année 1947. Il convientd’abord de rappeler l'importance des conférences de Yalta (février 1945)
et de Potsdam (juillet 45) : les vainqueurs organisent et décident du sort de l'Europe notamment.
Il s'agissait
de construire un nouvel ordre international même si les dirigeants américains et soviétiques pouvaient avoir
des arrières pensées. Sur le moment, ces deux conférences n'annonçaient pas la division de l'Europe. La
conférence de Yalta prévoit plusieurs éléments : la proposition d'une conférence internationale en vue de
remplacer la SDN, l'entrée en guerre de l'URSS contre le Japon, le sort de l'Allemagne est discuté devant être
occupée en trois zones (Churchill obtient une 4e zone pour la France) et démilitarisée, la modification de
certaines frontières dont celle de la Pologne, la Corée est partagée en deux zones d'influence (une
américaine, une soviétique).
Yalta reste « dans la continuité de la Grande alliance » (Sabine Dullin et
Stanislas Jeannesson : Atlas de la guerre froide).
La conférence de Potsdam est fondamentale : ses effets furent durables et le contexte n’est plus tout à fait
le même que pour Yalta avec une guerre qui s’est achevée en Europe mais pas en Asie. Elle pose les lignes
directrices concernant l'Allemagne : démilitarisation, dénazification, décartellisation et démocratisation, fixe
la division de la Prusse-orientale entre l'URSS et la Pologne et donc modifie les frontières (la ligne Oder-
Neisse devient la nouvelle frontière à l'Ouest de la Pologne)...
Cette conférence scelle le sort de l'Allemagne
en déplaçant ses frontières qui n'ont pas été modifiées depuis. Les premières frictions entre les alliés ont lieu
dès cette période. Staline a la volonté de former un glacis protecteur devant protéger l'URSS, les pays
d'Europe de l'Est ont certes été libéré par l'armée rouge de la présence nazie mais ces troupes restent
stationnées dans les pays en question.
Dès 1946, en l'occurrence, le 5 mars 1946, lors d'un discours à
l'Université de Fulton dans l'état du Missouri, Winston Churchill parle d' « un rideau de fer qui, de Stettin
dans la Baltique à Trieste dans l'Adriatique, s'est abattu sur notre continent ». Cette même année, Georges
Kennan, ambassadeur des Etats-Unis à Moscou, met en évidence dans un rapport la nécessité pour les E.-U.
« de contenir avec patience, fermeté et vigilance ses tendances à l'expansion » en faisant allusion à l'URSS.
Signalons que lors du Traité de Paris signé en février 1947 (et souvent oublié), la Roumanie et la Finlande
sont contraints d’accepter qu’une partie de leurs territoires reviennent à l’URSS qui les considèrent comme
un prolongement de l’URSS à savoir la Carélie orientale pour la Finlande et la Bessarabie pour la Roumanie.
-L’Asie : « une guerre froide qui commence en Asie » (Pierre Grosser)
Un lieu bien éloigné de l'Europe est un lieu de tensions : la Chine et l'Asie. Conformément aux accords de
Yalta et Potsdam, l'URSS est entrée en guerre contre le Japon et annexent le sud de l'île de Sakhaline, les îles
Kouriles, Port-Arthur (qui est cédée à la Chine populaire en 1955 et devient Lüshunku) et occupe le nord de
la Corée alors que le sud est occupé par les forces américaines. Dès 1945, la Corée se clive partiellement
avec des Soviétiques qui soutiennent les communistes coréens dont Kim II Sung alors que les Américains
vont s’appuyer sur Syngman Rheequi met en place assez rapidement u nrégime autoritaire et
anticommuniste.
Par contre, il était hors de question pour les Américains que l'URSS participe à l'occupation
du Japon. Parallèlement, en Chine, la guerre civile entre les communistes de Mao et les nationalistes de
Tchang Kaï Chek reprend : ce dernier est soutenu par les E.-U alors que Mao l'est par l' URSS. 50 000
soldats américains débarquent en Chine du Nord en octobre 1945 alors que des troupes soviétiques
s'installent en Mandchourie. Par contre, Truman était hostile à une implication plus importante de son pays
dans la guerre civile chinoise.
-Iran, Grèce : autres lieux de tensions à l' origine de la guerre froide
Les premières tensions de la guerre froide contrairement à une idée reçue n'ont pas eu lieu en Europe et en
Allemagne mais en Iran, en Grèce et en Turquie. En effet, Staline souhaitait exercer une influence
grandissante dans le bassin Méditerranéen et avoir accès aux mers chaudes, une ancienne ambition russe
depuis l'Empire des Tsars.. Dans ce bassin et au Moyen-orient, la puissance majeure est le Royaume-Uni
dont l'objectif est de garantir et protéger la route des Indes en contrôlant la Méditerranée, le canal de Suez et
le golfe arabo-persique. Les Britanniques contrôlent par le biais de leurs firmes une grande partie du pétrole
de la région notamment le pétrole irakien et iranien mais aussi le pétrole du Koweït. De plus, les
Britanniques bien qu'affaiblis par la guerre voulaient maintenir leur puissance impériale. D'ailleurs, des
troupes britanniques sont stationnées à cette époque en Irak, en Egypte, sur l'île de Chypre.
Il faut ajouter que
que les Britanniques étaient néanmoins contestés dans la région que ce soit en Egypte, en Palestine par un
nationalisme arabe de plus en plus prégnant. Staline comptait sur cette contestation et sur l'affaiblissement du
Royaume-Uni pour tenter de prendre position dans cette région du monde. Il faut également rappeler que les
Etats-Unis ont nettement accru leur présence au Moyen-Orient.
Le 14 février 1945, le président Roosevelt a
rencontré le roi Ibn Saoud pour conclure un accord permettant aux E.-U d'avoir une base aérienne en Arabie
saoudite (Dahran) tout en accordant à des firmes américaines le monopole d'exploitation du pétrole saoudien
contre la garantie de la protection militaire américaine (Pacte du Quincy).
En Grèce, une guerre civile opposait et ce depuis l'automne 1944, un mouvement pro-communiste, l'ELAS
ou Armée populaire grecque de libération (dont l'un des partis fondateurs était le parti communiste grec : le
KKE : Kommunistiko Komma Ellada) aux royalistes et au gouvernement royal mis en place avec l'aide des
Anglais. Dans le cas de la Grèce, Staline n'aide pas les communistes grecs car il est persuadé qu'ils seront
vaincus puisque les Britanniques apportent un soutien militaire au pouvoir en place. De plus suite à Yalta,
Staline pousse le mouvement communiste à accepter une trêve en février 45.
Il faut préciser que des
négociations ont eu lieu aboutissant à des élections organisées en mars 1946 avec la défaite du parti
communiste et le 1er septembre l'organisation d'un plébiscite confirmant la monarchie avec comme roi
Georges II. La guerre civile reprend avec le soutien de Staline et dure jusqu'en 1949. En 1947, les E.-U vont
aider le gouvernement grec afin de « sauvegarder son régime démocratique » selon Truman. Les
communistes grecs sont aidés non par l'URSS mais par la Yougoslavie de Tito jusqu'en 1948 ainsi que par la
Bulgarie et l'Albanie mais sans succès.( En 1967, l'armée grecque prend le pouvoir et instaure une dictature
militaire : le régime des colonels jusqu'en 1974 et met fin à la monarchie).
En ce qui concerne la Turquie, pendant la guerre, Staline avait évoqué la possibilité d'avoir des bases
militaires sur les Dardanelles. En mars 1945, l'URSS dénonce un traité signé avec la Turquie en 1925, exige
des bases sur les détroits turcs tout en réclamant l'annexion des provinces turques de Kars et d'Ardahan à
proximité de la Géorgie et de l'Arménie, deux des Républiques soviétiques. En 1946, l'URSS accentue la
pression mais là aussi les E.-U vont réagir notamment en octobre 46 avec la décision de maintenir une
présence navale en Méditerranée (décision à l'origine de la formation de la VIe flotte américaine) afin de
montrer à Staline l'opposition des E.-U à la pression soviétique. Les E.-U comptent dès l'année 46 s'opposer
à l'expansionnisme soviétique dans cette région.
Entre 1947-48, la Turquie signe des accords militaires avec
les E.-U , reçoit une aide économique dans le cadre du plan Marshall, intègre le Conseil de l'Europe en 1950
et surtout l'OTAN en 1952 : la Turquie ne sera donc pas dans l'orbite soviétique.
Autre lieu de tensions : l'Iran. En 1941, le Royaume-Uni et l'URSS avait renversé le Shah d'Iran, Reza
Pahlavi qui est remplacé par son fils Mohammed Reza et occupent militairement le pays : troupes
soviétiques au Nord et britanniques au Sud avec la promesse d'un retrait à la fin du conflit. En 1945, les
troupes britanniques se retirent mais pas les troupes soviétiques qui se maintiennent dans le nord. De plus, en
décembre 1945, deux républiques autonomes sont proclamées en Azerbaïdjan iranien avec une République
autonome d'Azerbaïdjan dirigée par le parti communiste iranien et la République de Mahabad dans le
Kurdistan iranien.
Parallèlement, le parti communiste Toudeh tente de prendre le pouvoir à Téhéran. Devant
cette situation problématique, le Royaume-uni et les E.-U portent l'affaire devant le Conseil de sécurité de
l'ONU où aucune décision ne peut être prise avec l'opposition de l'URSS qui utilise son droit de veto. En
mars-avril 46, néanmoins, l'URSS et l'Iran négocient : un accord est signé en avril avec le retrait des troupes
soviétiques.
A la fin de l'année 46, l'Iran reprend le contrôle du Nord avec l'aide américaine (aide financière
et matérielle). Comme en Turquie, Staline n'a pas procédé à une intervention militaire devant la
détermination américaine et comme la Turquie, l'Iran devient un allié des E.-U.
-le problème allemand : un problème essentiel et l'expansion soviétique en Europe de l'Est : des vecteurs de
tensions et d'inquiétudes pour une Europe qui se divise
Entre 1946 et 1947, c'est l'Allemagne qui pose problème entre les vainqueurs : des divergences de plus en
plus importantes vont se manifester.
L' Allemagne est divisée en 4 zones d'occupation : une zone soviétique,
une zone anglaise, une zone américaine et une zone soviétique (il en est de même pour Berlin) et doit être
gérée par un conseil interallié (mis en place en juin 45) dont le siège est à Berlin. En théorie, les décisions
prises par ce conseil devaient se prendre à l'unanimité. Or que ce soit au sein de conseil ou au niveau des
gouvernements, les perceptions de ce que doit être et de ce que doit devenir l'Allemagne ne sont pas
identiques. Les E.-U et le Royaume-Uni souhaitent le redressement de l'économie allemande mais aussi son
redressement politique dans le cadre d'une démocratie libérale. L'URSS et Staline n'ont pas cette approche :
ils craignent une renaissance allemande et de ce fait sont hostiles à tout ce qui pourrait permettre un
redressement. Staline ne voulait pas que l'Allemagne retrouve son potentiel économique.Pour les
Soviétiques, l'Allemagne est un enjeu essentiel.
Staline croyait également qu'il pourrait à terme, d'une
façon ou d'une autre, contrôler l'Allemagne pensant, à tort, que l'Allemagne ne suscitait pas un intérêt
fondamental pour les Américains.
Dès le départ dans la zone occupée par l'URSS, les soviétiques préparent
la soviétisation de la zone en question. Dès 1945, les Soviétiques organisaient les administrations de leur
zone d'occupation en confiant les postes clés à des communistes. Au niveau économique, les entreprises
industrielles étaient nationalisées, les propriétaires des grands domaines expropriés : on se dirigeait vers une
économie étatisée. Au niveau politique, en 1946, les Soviétiques, par le biais de l' administration militaire
soviétique en Allemagne (SMAD) qui gère la zone occupée , obligent le parti communiste allemand (KPD) à
fusionner avec le parti socialiste allemand (SPD) formant un nouveau parti : le SED (Parti socialiste unifié
d'Allemagne).
Ce dernier va progressivement contrôler la vie politique de la zone soviétique avant même que
ce phénomène de parti unique ne se développe dans les pays d'Europe de l'Est.
Au début de l'année 1946, les Américains pensaient encore que la gestion quadripartite de l'Allemagne était
possible. Dans cette optique, le secrétaire d'état de Truman, Byrnes propose même un traité de neutralisation,
de démilitarisation et de contrôle de l'Allemagne à quatre pour une période de 25 ans, une proposition
refusée par l'URSS lors de la conférence de Paris se tenant d'avril à juillet 1946. D'avril à mai puis de juin à
juillet 1946 se tient à Paris une conférence dont l'objectif essentiel est la signature des traités de paix, une
conférence qui échoue, l'URSS voulant en fait une unité allemande mais à son profit.
Dès lors, le 112 juillet ,
les Américains et Britanniques décident d'une bi-zone devenant effective le 1er janvier 1947. Les Américains
et les Britanniques décident la fusion de leurs zones respectives afin de réaliser leurs objectifs notamment
réduire les frais d'occupation et favoriser un redressement de l'économie. Au départ, cette bi-zone était un
moyen pour faire pression sur l'URSS afin qu'elle applique réellement les accords passés. La France est
hésitante : elle rejoint les zones américaine et anglaise qu'en juin 1948 suite aux accords de Londres.
La
décision française fait suite à la prise de conscience de l'expansion soviétique et communiste à l'Est. En
1946, une conférence des ministres des affaires étrangères se tient à Paris pour travailler sur les traités de
paix. : cette conférence achoppe sur le problème allemand. Les Soviétiques veulent bien d'une unité politique
allemande (à leur avantage pensent-ils) mais pas d'un redressement économique.
« Cette guerre ne ressemble pas à celle du passé ; quiconque occupe un territoire y impose son propre
système social. Tout le monde impose son système aussi loin que son armée peut avancer. Il ne saurait en
être autrement. » Ce propos de Staline rapporté par Milovan Djilas exprime parfaitement ce que Staline met
en œuvre dans la partie de l'Europe libérée et occupée par ses troupes. Pour les Soviétiques, il fallait
contrôler un territoire allant du sud de la Finlande à la yougoslave afin de créer une zone tampon ce qu'on
allait nommer un glacis protecteur d'où la nécessité de mettre en place des régimes et des gouvernements
qui ne poseraient aucun problème à l'URSS. L'idée était donc d'imposer dans les pays occupés un système
identique au système soviétique et d'imposer des hommes qui lui seraient fidèles : le projet de soviétisation
est donc fondamental.
Or, dans la plupart des pays d'Europe de l'Est, les communistes locaux avaient peu de
poids. Ainsi, en Hongrie, le PC hongrois de Matyas Rakosi ne comptait, en février 1945, que 4000
membres, le PC roumain moins de 1000 communistes... Dans deux pays, la prise de pouvoir par les
communistes fut rapide et dès 1945 : la Yougoslavie et l'Albanie. En Yougoslavie, le mouvement de Tito
gagne les élections de novembre 1945 ce qui permet de supprimer la monarchie et d'instaurer une
République fédérale populaire. Le processus est identique en Albanie avec le parti communiste d' Enver
Hodja.
La prise de contrôle ne pouvait être que progressive : il ne fallait pas brusquer la situation d'où une
modération apparente et inquiéter les Américains. Des élections libres avaient été prévues par les accord de
Yalta or elles n'eurent pas lieu à l'exception de la Hongrie en 1945 et de la Tchécoslovaquie en 1946. Lors de
la conférence de Potsdam, Staline avait affirmé : « Des élections libres en Europe orientale donneraient des
majorités antisoviétiques. Nous ne pouvons l'accepter. » Pour réaliser leurs objectifs, ils vont utiliser la
tactique du « salami » définie par le communiste hongrois Matyas Rakosi .Les Soviétiques laissent se
former des gouvernements d'union nationale (appelés souvent fronts nationaux) composés de socialistes, de
centristes, de libéraux mais dans chaque gouvernement, les communistes occupent les ministères clés :
ministère de l'intérieur, de la justice notamment.
Les communistes ne visaient aucunement dans un premier
temps les postes de chef de gouvernement : il fallait rassurer les populations globalement peu favorables au
communisme. De ce fait, les politiques menées par ces gouvernements étaient plutôt modérées. Mais très
rapidement, les partis communistes adoptent des stratégies pour faire pression sur leurs adversaires puis
organisent des campagnes de dénonciation (aux motifs divers : collaboration avec les nazis...) puis de
répression afin de se débarrasser de certains d'entre eux.
Ils utilisent la tactique du « salami » quand les partis
d'opposition sont nombreux : ils les divisent pour mieux les éliminer les uns après les autres. Par ce biais, ils
parviennent à éliminer des opposants idéologiques et à s'imposer peu à peu lors d'élections dont certaines
étaient en plus truquées. Par la suite se forment des gouvernements plus restreint où les communistes
deviennent majoritaires aboutissant à un monopole du pouvoir en quelques années. En 1947, la
liquidation des partis non communistes s'accélèrent en Roumanie, Pologne, Bulgarie et Hongrie.
Entre 1945
et 1947 (février 48 pour la Tchécoslovaquie avec le coup de Prague), les pays d'Europe de l'Est sont tous
dirigés par des gouvernements communistes avec à leur tête des dirigeants fidèles à Staline : la Bulgarie est
dirigée par Dimitrov fin 46 (son principal opposant N.Petkov est éliminé en 47) ; la Roumanie par Georghiu-
Dej ; la Pologne par W. Gomulka ; la Hongrie a à sa tête Matyas Rakosi... tous des communistes fidèles à
l'URSS. La mainmise de l'URSS sur l'Europe de l'est se fait rapidement. Les E.-U ,le Royaume-Uni et la
France vont prendre conscience de celle-ci et réagir.
En septembre 1947, dans la ville de Szklarska-Poreba en
Pologne, les représentants des partis communistes de 9 pays européens (URSS, Pologne, Bulgarie,
Yougoslavie, Roumanie, Tchécoslovaquie, Hongrie, Italie et France) fondent un bureau d'information des
partis communistes devant servir d'organe de liaison entre eux : le Kominform.
On peut prendre le cas de la Pologne où en 1945 le parti communiste polonais (Parti ouvrier unifié polonais
à partir de 1948) contrôlait l'armée, la police et le ministère de l'intérieur tout en ayant signé un accord avec
Stanyslaw Mikolajcyj à la tête d'un gouvernement polonais en exil à Londres pendant la guerre garantissant
au parti paysan polonais (PSL) un tiers des ministères et des sièges au Parlement. Un gouvernement de
coalition se forme avec à sa tête un socialiste Edward Obsoka-Morawski : un gouvernement provisoire
d'unité nationale.
Parallèlement, les communistes menaient des campagnes de propagande importantes,
disposaient de moyens de pression notables (ils refusaient par exemple de livrer du papier pour les journaux
des partis d'opposition), noyautent les autres partis...
Les communistes contrôlent l'appareil de sécurité de
l'état à savoir le ministère de la sécurité intérieure menant une politique répressive et d'arrestations
d'opposants avec différents prétextes.
Plusieurs réformes ont lieu dès 1945 comme la nationalisation des
entreprises de plus de 50 salariés mais aussi une réforme agraire redistribuant 6 millions d'hectares de terres
aux paysans qui voient d'un œil positif ce type de réforme voulu par les communistes. Des élections
législatives se déroulent en janvier 1947 : des élections remportées par le bloc démocratique composé du
parti communiste, du parti socialiste et du parti paysan (élections truquées).
Se met en place en février une
nouvelle constitution. Puis progressivement, les communistes vont évincer leurs alliés du Bloc démocratique
avec notamment la fusion des partis communiste et socialiste en 1948 sous le nom de parti ouvrier unifié
polonais.
En Hongrie, les soviétiques avaient instauré en décembre 1944 un gouvernement provisoire ne comprenant
que deux communistes : ce gouvernement, hormis les communistes comprend des socialistes (parti social-
démocrate de Hongrie) et des membres du parti des petits propriétaires (un parti paysan dit agrarien).
En
1945, des élections libres se déroulent mais le parti communiste de Matyas Rakosi n'obtient que 17% des
suffrages : les partis socialiste et agrarien sont majoritaires et c'est un agrarien, Zoltan Tildy qui devient 1er
ministre d'un gouvernement de coalition. Dans ce contexte, les communistes ont entrepris le noyautage des
partis adverses et alors qu'ils étaient absents de ce gouvernement les soviétiques imposent leur présence à
partir de 1946 : ils contrôlent notamment le ministère de l'intérieur par le biais de Lazlo Rajk. Le 1er février
1946, le royaume de Hongrie est aboli. Des arrestations et des procès ont lieu comme l'arrestation de l'ancien
premier ministre Istvan Bethlen (1er ministre de 1921 à 1931) qui est déporté en URSS où il meurt, exécuté,
en 1946. Des élections se tiennent en 1947 : le parti communiste devient le 1er parti et les parti socialiste et
agrarien sont contraints de fusionner avec lui formant le parti des travailleurs hongrois qui obtient aux
élections de 1949 plus de 95% des voix. Une nouvelle Constitution est adopté en 1949 et le 20 août la
République populaire de Hongrie est proclamée.
En Roumanie, les Soviétiques occupent le pays qu'ils ont libéré des Nazis depuis septembre 1944. S'est
formé, en février 1945, sous la pression soviétique sur le roi de Roumanie Michel, un gouvernement de
coalition dans lequel se trouvent deux communistes aux ministère de la Justice et de l'intérieur ce qui permet
au parti communiste roumain de commencer l'épuration des administrations et de l'armée du pays.
Des
milliers de roumains sont arrêtés sous l'accusation de fascisme. En novembre se tiennent des élections
gagnée car truquée par le parti communiste roumain et ne 1947 les partis d'opposition : parti national paysan
et parti national libéral sont dissous, la monarchie est supprimée avec l'abdication du roi Michel en décembre
1947 et la république populaire de Roumanie est proclamée.
En Bulgarie, le situation est quelque peu différente avec un parti communiste bulgare plus fort qu'ailleurs.
En septembre 1944 s'est formé un Front patriotique composé de socialistes, de l'union agrarienne et du parti
communiste ainsi que d'un mouvement nommé Zveno. Ce Front organise un coup d'état, prend le pouvoir et
forme un gouvernement dans lequel se trouvent quatre ministres communistes. Se met en place une politique
d'épuration avec de multiples procès entre décembre 44 et avril 1945 (2730 exécutions). A partir de 1946, le
PC bulgare entreprend le noyautage de l'union agrarienne incontestablement le parti le plus fort du pays. Des
élections ont lieu en octobre 1946 : le parti communiste est majoritaire et se forme un gouvernement dirigé
par le communiste Georgi Dimitrov comprenant la moitié de ministres communistes.
La monarchie suite à
un plébiscite est supprimée et la république populaire de Bulgarie est proclamée. En juin 47, le principal
dirigeant de l'union agrarienne, Nicola Petkov est arrêté et est accusé de tentative de coup d'état.
Il est jugé,
condamné à mort et exécuté le 23 septembre 47.
En 1948, le parti ouvrier bulgare et le parti socialiste
fusionne formant le parti communiste bulgare.
Enfin, la Tchécoslovaquie qui est un cas un peu différent. Soviétiques ont libéré et pris le contrôle du pays.
Edward Bénès qui dirige un gouvernement tchécoslovaque en exil revient dans son pays et forme un
gouvernement de coalition dont le vice-président est un communiste : Klement Gottwald.aux élections de
mai 1946, le parti communiste (il a obtenu 38% des voix dans l'ensemble du pays) est majoritaire dans la
partie tchèque alors qu'en Slovaquie, c'est le parti démocrate, un parti anticommuniste. Néanmoins, un
gouvernement toujours d'union nationale se forme avec Klement Gottwald comme premier ministre
. En
juillet 1947, la Tchécoslovaquie accepte même le plan Marshall mais doit finalement le rejeter sous la
pression de l'URSS. En février 1948 éclate une crise décisive. Mécontents de la prise de contrôle des organes
de sécurité de l'état par les communistes, les partis d'opposition présents dans le gouvernement de coalition
décident de boycotter une réunion du gouvernement se tenant le 18 février et le 20 février les ministres non
communistes et socialistes de gouvernement démissionnent. Klement Gottwald obtient du président Bénès
leur remplacement par des communistes qui de ce fait prennent totalement le contrôle du gouvernement. Une
vague d'arrestations est décidée par les communistes parmi les opposants procédant à une épuration de la
société.
C'est e qu'on nomme le « coup de Prague ». Le 7 juin, Bénès démissionne et les partis communiste
et socialiste fusionnent. En mai, une nouvelle constitution est mise en œuvre et la république populaire de
Tchécoslovaquie proclamée. Le parti communiste remporte les élections de juin 1948 : il faut dire que les
partis d'opposition ne sont pas présents (les listes de candidats sont des listes uniques composées de
communistes).
b/ 1947 : l' année de la rupture de la Grande alliance
La réaction des alliés américain, anglais et français a lieu à partir de 1947 : cette année marque la rupture de
la grande alliance et le début de la guerre froide. Elle est comme l’écrit Catherine Durandin « l’année de la
fracture affichée ». C'est aussi une année où en Chine les communistes de Mao prennent un avantage certain
par rapport aux nationalistes de Tchang Kaï Chek dans la guerre civile les opposant. En Grèce, une guerre
civile oppose toujours les communistes soutenus par l'Albanie, la Bulgarie et la Yougoslavie eux-mêmes
communistes au gouvernement royaliste soutenu par les Britanniques. C'est une année où les Etats-Unis
décident de véritablement s'engager contre l'URSS ayant compris non seulement la politique de Staline mais
aussi l'incapacité de l'ONU, qu'ils ont pourtant contribué à créer, à résoudre les problèmes.
-des doctrines et des idéologies divergentes
Les E.-U ont pris conscience de la prise de contrôle des pays d'Europe de l'Est par l'URSS : le président
Truman et son gouvernement décide d'agir notamment par la prise en compte des idées de George Kennan et
James Forrestal qui avaient insisté sur l'expansionnisme soviétique (James Forrestal est en septembre 47 le
secrétaire d'état à la défense de Truman) avec l'appui des républicains dont Arthur Vandenberg qui a poussé
son parti à abandonner l'isolationnisme. Georges Kennan avait affirmé qu’il fallait mettre en place une
action à long terme contre l’URSS, une action sans guerre directe, qui permettrait de contenir l’expansion
soviétique et communiste.
En mars 1947, Truman fait un discours (doctrine Truman) dans lequel il fait référence à l'expansionnisme
soviétique qu'il dénonce, perçoit un mode divisé en deux camps : le camp de la démocratie avec à sa tête les
E.-U et le camp totalitaire dirigé par l'URSS.
Enfin, il propose de freiner l'expansion communiste en aidant
les peuples libres. Il a conscience que la misère et le dénuement facilite la diffusion de l'idéologie
communiste. Truman ne faisait pas confiance aux Soviétiques et il a écrit dans ses Mémoires : « La nouvelle
menace qui se dressait devant nous (le communisme) paraissait tout aussi grave que l’avait été celle de
l’Allemagne nazie et ses amis. »
Son discours est une étape importante dans la guerre froide qui se dessine : Truman définit une politique
d'endiguement (containment).
Ce discours est suivi en juin de celui de son secrétaire d'état Marshall
(discours du 5 juin 1947 prononcé à l'Université de Harvard) : les E.-U proposent un plan d'aide à la
reconstruction de l'Europe sur une période de 4 ans. Un tel plan a deux objectifs : relancer la croissance
économique en redressant l'économie européenne et éviter l'expansion du communisme.
La proposition
d'aide est aussi à destination (pour la forme) aux pays d'Europe de l'Est et à l'URSS qui ne peuvent que
refuser. 16 états d'Europe occidentale acceptent ce plan lors d'une conférence réunie en juillet à Paris.
La réplique soviétique est rapide lors d'une réunion qui se tient en Pologne à Slarska-Poreba avec les partis
communistes d'Europe de l'Est ainsi que les partis français et italien. Lors de cette réunion, Jdanov expose la
politique stalinienne et sa vision du monde qui se dessine. En septembre, Jdanov, le bras droit de Staline,
prononce à son tour un discours (doctrine Jdanov) dans lequel il oppose le camp impérialiste (les E.-U et
leurs alliés) et le camp anti-impérialiste mené par l'URSS. Cette dernière doit lutter contre l'impérialisme
américain qui est une menace. L'URSS refuse également le plan Marshall : elle pousse d'ailleurs les pays
d'Europe de l'Est à ce rejet.
Le plan Marshall est vu comme un procédé impérialiste.
En avril 1948, le Congrès des E.-U votent l'European Recovery Program à savoir la loi devant permettre
l'aide promise sous forme de dons en nature (90% de l'aide) et de prêts (10% de l'aide).
Comme nous le
verrons plus tard est créée l' OECE, l'Organisation européenne de coopération économique chargée de la
répartition en Europe de l'aide Marshall : une aide qui s'élève, entre 1948 et 1952 à environ 13 milliards de
dollars. Ajoutons qu’en 1948, le Sénat américain par la résolution Vanderberg autorise le gouvernement des
E.-U à adhérer à des pactes militaires (voir plus bas).
Il faut signaler que le début de la guerre froide a des implications en Europe et dans certains états. Ainsi, le 5
mai 1947, le président français du Conseil de la 4e République renvoie les ministres communistes de son
gouvernement. Le 13 mai, le même processus a lieu en Italie. La guerre froide impacte donc la politique
interne des états. Il faut savoir que si les Américains étaient satisfaits du départ des communistes du
gouvernement français, ils n'ont pas exigé ce départ.
-avec des clivages de plus en plus affirmés
Les oppositions s'affirment se traduisant par des tensions accrues au sujet de l'Allemagne, une situation de
guerre civile en Grèce s'inscrivant dans ce contexte... En 1947, la rupture est consommée.
L'URSS est
obsédée par sa sécurité n'ayant pas encore l'arme atomique et a le complexe d'encerclement par les forces
capitalistes. Elle tient donc à étendre sa zone d'influence sur l'Europe de l'Est. Les E.-U vont quant à eux
tenter de limiter ce qu'ils estiment être l'expansionnisme communiste. Deux blocs vont ainsi se former et
cliver le monde qui devient bipolaire.
c/ Un type de conflit spécifique: « guerre improbable, paix impossible » (Raymond Aron)
Raymond Aron utilise une formule intéressante pour désigner la guerre froide : « Paix impossible, guerre
improbable » (1962 : Paix et guerres entre les nations). Il met l'accent sur les conflits dits périphériques qui
sont des conflits très meurtriers. Il évoque également cette guerre par l'expression de « paix belliqueuse ».
Pour l'historien H.G Soutou, l'expression guerre froide n'est pas bien choisie comme nous l’avons vu dans la
présentation : il préfère parler de guerre de 50 ans ou de conflit Est-Ouest (voir présentation).
-un affrontement idéologique et politique
L'affrontement entre les E.-U et l'URSS n'est pas seulement un affrontement de deux puissances : cet un
affrontement qui va au delà des traditionnelles rivalités et oppositions entre puissances. En effet, il s'agit
d'une opposition entre deux idéologies, deux visions du monde différentes et « c’est bien à partir d’une
position binaire que s’organisent les blocs » (Catherine Durandin). D'un côté, une idéologie fondée sur la
démocratie libérale et le système capitaliste et de l'autre une idéologie structurée autour du marxisme-
léninisme avec la volonté d'instaurer une société sans classe et une économie planifiée, étatisée où les
moyens de production ne relèvent plus de la sphère privée. Américains et Soviétiques sont persuadés que
leurs idéologies respectives sont les plus adaptées et pertinentes pour les sociétés : ils ont comme objectif la
diffusion de ces idéologies. Dès lors, cette opposition idéologique couplée à une volonté impérialiste ne
pouvait que se traduire par un affrontement.
Dans cette opposition, est donc utilisé « l’outil idéologique et
militaire » (Catherine Durandin)
- restant indirect mais tendu et « chaud »
Mais l'affrontement ne pouvait être qu'indirect et non frontal.
Les deux grandes puissances surtout à partir
de l'instant où elles possèdent l'arme atomique ne peuvent risquer un affrontement direct.
La dissuasion
nucléaire joue un rôle décisif dans la nature de l'opposition entre l'URSS et les E-U. L'affrontement se
traduit de manière indirecte par états interposés : les guerres liées à la guerre froide sont multiples et
violentes mais elles ne dégénèrent jamais en un conflit opposant les forces armées soviétiques et
américaines. La lutte se fait également par plusieurs moyens et vecteurs : une lutte technologique dont l'un
des symboles est la course à l'espace, une lutte économique où chaque puissance veut montrer sa domination
économique, une lutte idéologique par la culture, l'espionnage, la propagande...
Il faut montrer que son
système est le plus performant afin qu'il soit adopté par les autres états.
Cette opposition se traduit aussi par
la formation d'alliances militaires, économiques et de blocs : l'URSS et les E.-U constituent un réseau
d'états alliés clivant de ce fait le monde en deux camps antagonistes. Enfin, il faut insister sur le fait que cette
période est marquée par des conflits d'une grande violence : guerre de Corée, guerre du Vietnam... : la guerre
froide a été à plusieurs reprises particulièrement « chaude ». Par contre, pour les deux grands, les conflits
restent périphériques.
-pour un « conflit global » ( Sabine Dullin et Stanislas Jeannesson)
La guerre froide est bien un conflit global parce qu’elle affecte de manière plus ou moins prononcée
l’ensemble de la planète. L’Europe et l’Asie semblent être les principaux continents concernés mais
l’Amérique latine, l’Afrique, l’Océanie le sont également. De ce fait, il y a bien des liens forts entre guerre
froide et décolonisation avec des Etats nouvellement indépendants qui vont être impliqués dans cette guerre
froide.
B/ Une Europe profondément fracturée par la guerre froide
L' Europe est considéré comme le premier terrain d'affrontement ou au moins le plus important de la
guerre froide : c'est sur le vieux continent que les relations entre les vainqueurs de la Seconde guerre
mondiale se dégradent aboutissant à la guerre froide.
a/ Deux Europe se forment et s'opposent
La naissance et le développement de la guerre froide en Europe sont déterminants pour l'histoire
européenne : l'Europe se divise, s'organise en camps opposés. Cette division structure et détermine les
relations européennes pendant plus de quarante ans.
- Le plan Marshall : un choix divisant les Européens
Le plan Marshall tout comme le contrôle des l'Europe de l'Est par l'URSS sont les vecteurs conduisant à la
fin de la grande alliance : les discours Truman et Jdanov ne font que traduire une réalité déjà amorcée
d'affrontement. Le plan Marshall est le résultat d'une volonté d'endiguer l'expansion communiste : son
initiateur, Georges Kennan, pensait que le seul moyen de freiner cette expansion était de faciliter la
reconstruction économique de l'Europe.
Pour lui, « le communisme se nourrit, comme un parasite malin,
seulement de tissus malades. » Il faut rappeler que Kennan a été chef d'une mission diplomatique en URSS
de 1944 à avril 1946 ce qui lui a permis de prendre conscience d'un désir d'expansion soviétique : il en fait
part dès 1946 à l'administration américaine. Devenu en avril 1947 directeur des affaires politiques du
Département d'état, il diffuse ses idées influençant fortement Georges Marshall secrétaire d'état aux affaires
étrangères dans la mise au point de l' European Recovery Program connu sous le nom de plan Marshall.
Le
plan est proposé à l'ensemble des états européens (la Pologne et la Tchécoslovaquie étaient favorables à cette
aide). L'URSS le rejette : elle le perçoit comme une forme d'impérialisme américain et contraint les pays d'
Europe de l'Est à en faire autant.
La rupture entre les E.-U et l'URSS est dès lors affirmée.
L'aide américaine concerne en premier la Grèce en situation de guerre civile entre forces communistes et
forces anticommunistes et la Turquie. Il s'agit d'endiguer la poussé communiste dans le sud de l'Europe. En
ce qui concerne les autres états destinataires de l'aide, celle-ci est répartie sous forme de prêts ( à des taux
d'intérêt très faibles) : les principaux pays sont l' Allemagne de l'Ouest, l'Italie, la France et le Royaume-Uni
qui reçoivent plus de la moitié de l'aide américaine. Les 16 pays recevant cette aide constituent une
organisation en avril 1948 : l' OECE (Organisation européenne de coopération économique : ) dont l'objectif
est la répartition de cette aide.
-un « rideau de fer » tombe sur le vieux continent
Pour reprendre l'expression de Churchill, un « rideau de fer » s'abat réellement sur l'Europe : un rideau qui la
sépare pour de longues années. Chaque partie de l'Europe s'organise, se développe différemment appartenant
à une sphère politique opposée. Les états d'Europe de l'Ouest font le choix de l'alliance avec les E.-U alors
que les états de l'Est adhèrent au bloc communiste : un bloc dont l'URSS prend la tête.
Certes, quelques états
restent neutres comme la Suisse, la Finlande ou la Suède ou sont dans une situation complexe comme
l'Autriche. L' Autriche est occupée par les Américains, les Britanniques et les Soviétiques jusqu'en 1955 date
à laquelle est signé un traité entre les grandes puissances : les troupes d'occupation se retirent et l'Autriche en
contrepartie proclame sa neutralité (la même année, l'Autriche adhère à l'ONU et entre au Conseil de
l'Europe). L' Europe est donc complètement ou presque impliquée dans la guerre froide.
b/ Choix atlantique contre expansion communiste : le choix de l’Europe de l’Ouest
Il semble que les états européens étaient contraints à un choix (un choix pouvant d'ailleurs être imposé) entre
deux alliances, deux camps et sont devenus dépendants des décisions politiques et stratégiques des deux
grands.
-le choix des E.-U. : un choix logique
En 1945, les Américains n'ont pas encore conscience de la stratégie soviétique qui se dessine. Roosevelt puis
Truman ont une part de naïveté percevant mal Staline et sa politique. C'est sous l'influence de quelques
diplomates dont G. Kennan que s'amorce à partir de 1946 cette prise de conscience d'une volonté d'expansion
de l'URSS et du communisme. Dès lors, les E.-U n'ont pas d'autres choix que de mettre en œuvre une
stratégie d'opposition à cette expansion.
Ils sont la première puissance mondiale en 1945, ont la possibilité au
moins en partie de remodeler le monde à leur façon : ils ne peuvent laisser l'URSS agir. Le choix des E.-U
est certes en partie contraint mais il résulte d'une stratégie pensée : le plan Marshall en est une excellente
illustration. Comme le fait remarquer Pascal Boniface (Géopolitique illustrée : les relations internationales),
« par peur de l’avancée soviétique se fit ressentir le besoins d’une Allemagne de l’Ouest forte ».
-la mainmise soviétique : une stratégie réfléchie pour une Europe de l'Est satellisée
La mainmise de l'URSS sur l'Europe de l'Est relève également d'une stratégie réfléchie. Staline a des
obsessions en partie compréhensibles quand on sait ce que les Soviétiques ont subi pendant la seconde guerre
mondiale : il ne veut pas de la renaissance d'une puissance allemande et souhaite que les états d'Europe de
l'Est constituent une zone tampon (un glacis protecteur) entre l'URSS et l'Allemagne (plus généralement
l'Europe de l'Ouest).
Dès lors, la volonté de contrôler politiquement les pays d'Europe de l'Est s'impose : ils
doivent devenir des états satellites. De plus, les Soviétiques ont un complexe d'encerclement : ils ont
l'impression d'être encerclés par les états capitalistes et anticommunistes. Il faut tenter de briser cet
encerclement : l'expansion et la prise de contrôle de l'environnement proche est une solution.
-pour une « Europe asymétrique » (Odd Arne Westad)
L’Europe est donc devenue clivée et asymétrique avec une Europe de l’Ouest arrimée aux Etats-Unis mais
dont la plupart des pays sont des démocraties et une Europe de l’Est arrimée à l’URSS qui la contrôle. Cette
Europe de l’Est est satellisée avec des régimes staliniens qui ont été imposés.
C/ Une rupture consommée : les premières crises
La guerre se froide se manifeste dès 1948 par plusieurs crises dont la crise allemande. L' Europe puis le
monde se clivent et s'organisent en deux blocs antagonistes.
a/ La crise allemande 1948-49 : la rupture officialisée en Europe
L' Allemagne est le lieu de la première crise de la guerre froide : le problème allemand est le problème
central entre les E.-U et l'URSS. Le problème allemand devient le cœur de la guerre froide au moins en
Europe. L' Allemagne n'a pas été démembrée ni complètement dénazifiée.
Dans la zone anglo-américaine,
les alliés comptent relancer l'économie allemande et amorcer un processus de démocratisation: un double
projet contesté par les Soviétiques.
-le blocus de Berlin : la première crise européenne
En mars-avril 1947, les ministres des Affaires étrangères français (Bidault), anglais (Bevin), américain
(Marshall) et russe (Molotov) se rencontrent à Moscou pour évoquer le cas de l'Allemagne or cette rencontre
est une impasse.
Les désaccords sont nombreux notamment sur l'avenir politique de l'Allemagne : l'URSS
souhaite un état allemand centralisé avec un contrôle international en particulier de la Ruhr alors que les
Britanniques et les Américains souhaitent un gouvernement fédéral. A la conférence suivant qui se tient à
Londres du 25 novembre au 18 décembre 1947, il n'y a toujours pas d'accord possible.
Il faut insister sur le
fait que l'URSS n'avait pas pu admettre que Berlin soit divisée en 4 zones d'occupation : pour elle, Berlin
devait intégrer la partie est de l'Allemagne. En mars 1948, les Soviétiques décident de mettre fin aux
discussions du Conseil interallié devant gérer la situation allemande.. Suite à l'échec de la conférence de
Londres, les Alliés décident d'unifier leurs trois zones d'occupation.
En 1948, la zone française en Allemagne
rejoint la bizone anglo-américaine (conférence de Londres février-mars 1948 visant à mettre au point une
stratégie commune par rapport à l'URSS) : les trois zones sont unifiées et les alliés décident la création d'une
nouvelle monnaie : le Deutsche mark (20 juin 1948) et prévoient des élections libres pour élire une
Assemblée constituante. Ces décisions sont inadmissibles pour les Soviétiques : ils décident de récupérer
Berlin Ouest et de mettre fin au système quadripartite qui jusque là gérait l'Allemagne.
Pour atteindre, le 1er
objectif, en juin 1948, l'URSS décide de bloquer tous les accès ferroviaires et routiers reliant Berlin-Ouest à
la partie de l'Allemagne occupée par les alliés : il s'agit d'un véritable blocus visant à contraindre les alliés à
quitter Berlin. Les E.-U réagissent par la mise en place d'un pont aérien (plus de 270 000 vols avec 8000
tonnes de marchandises livrées chaque jour). En mai 1949, Staline lève le blocus : les Américains ont réussi
à ravitailler Berlin-Ouest pendant onze mois. Un accord est signé en mai : Berlin est séparée en deux
municipalités, la gestion quadripartite est abandonnée.
L'URSS a subi un échec. Cet échec est renforcé par la
rupture en 1948 avec la Yougoslavie de Tito. La Yougoslavie est contrôlée par les communistes
yougoslaves de Tito dès 1945. assez rapidement, les relations avec le « grand frère soviétique » se dégradent.
Tito reproche à l'URSS ses interventions, sa trop grande influence sur les états de l'Est et son refus d'une
fédération balkanique avec la Bulgarie. L'URSS, quant à elle, voit dans l'attitude de Tito un refus d'adhérer à
ce qu'elle préconise : en août 48, l'URSS rompt ses relations diplomatiques (Tito est accusé de
« déviationnisme ») avec la Yougoslavie : le camp communiste est affaibli par cette rupture. On peut aussi
rappeler que la Finlande a affirmé sa neutralité alors que l'URSS faisait pression sur elle : un état finlandais
qui a l'habileté de rejeter le plan Marshall.
-des effets produisant un clivage durable et la naissance de deux Allemagne
Le blocus de Berlin produit des effets très importants : il donne naissance à deux Allemagne et confirme la
séparation de l'Europe en deux. La République fédérale allemande (RFA) est créée le 8 mai 1949 avec pour
capitale Bonn et la République démocratique allemande (RDA) le 12 octobre 1949 avec comme capitale
Berlin-Est. La division de l'Allemagne est dès lors institutionnalisée. Les deux nouveaux états n'ont pas de
relations officielles, n'intègrent pas l'ONU... L' Europe est donc divisée : chaque bloc va se structurer
différemment.
b/ Une guerre froide mondialisée et un monde bipolaire
La guerre froide ne se limite à l'Europe : elle s'étend au monde du moins en grande partie. Parallèlement, les
deux blocs s'organisent par des alliances et la mise en place de structures politiques, militaires et
économiques.
L’historien Pierre Grosser met en évidence l’importance de l’Asie à la fois dans le
déclenchement et le déroulement de la guerre froide (voir son livre : L’histoire du monde se fait en Asie,
2017).
-Une « Asie (qui) fixe la géographie de la guerre froide » (Pierre Grosser)
En Asie, la situation est particulière : en effet, en 1949, la Chine devient communiste avec Mao à sa tête.
En 1945, à la fin de la 2e guerre mondiale, deux forces sont présentes en Chine : les forces du Guomindang
(les nationalistes) avec Tchang Kaï Chek et les forces communistes dirigées par Mao. Tchang Kaï Chek
contrôle la majeure partie du territoire et a le soutien des E-U. Ces derniers ont convaincu Tchang Kaï Chek
de signer un accord avec les communistes (accords de Chongqing en octobre 45) et à constituer un
gouvernement de coalition avec eux. Ces accords ne sont pas respectés et très rapidement la situation
dégénère en guerre civile. A partir de 1947, les forces communistes prennent peu à peu le dessus et lancent
en 1948 de grandes offensives.
La Chine du Nord est conquise par les troupes communistes en octobre 1948
et ils entrent dans Pékin le 22 janvier 1949 puis en mai à Shanghai. En septembre 1949 une loi permet la
création d'un nouvel état et le 1er octobre la République populaire de Chine est proclamée. Cette
République est seulement reconnue par les états communistes et quelques pays comme l'Indonésie
récemment indépendante ou l'Inde (mais aussi par les Pays-Bas et le Royaume-Uni). En mai 1950, la Chine
et l'URSS signent un traité d'amitié et d'alliance : il s'agit d'un rude coup pour les E.-U en Asie.
Les troupes
du Guomindang et Tchang Kaï Tchek trouvent refuge à Formose (Taïwan) où est instaurée une dictature
soutenue par les E.-U : cette Chine nationaliste occupe le siège de l'ONU au Conseil de sécurité jusqu'en
1971. Il existe désormais deux Chines.
Plus grave est la situation en Corée. Depuis 1945, elle est séparée en deux : en 45, l'URSS occupe la partie
nord alors que les Américains occupent le sud. En 1948, deux gouvernement se sont constitués : dans la
partie nord, l'URSS a mis en place un régime communiste, la République populaire de Corée dirigée par Kim
Il Sung alors que dans la partie sud les E.-U ont favorisé la mise en place d'un régime anticommuniste et
dictatorial dirigé par Syngman Rhee. La Corée du Nord, en 1950, dans un contexte qui lui semble favorable
(la Chine voisine est devenue communiste, Staline la soutient et les E.-U ne semblent pas intéresser outre
mesure par l'Asie) décide d'unifier la Corée (avec l'accord de Staline). Le 25 juin 1950, l'armée nord-
coréenne envahit la Corée du Sud. Les E.-U, contrairement à ce que pouvaient penser les Nord-Coréens
décident d'agir et d'intervenir. Ils le font par l'intermédiaire de l'ONU qui valide une intervention américaine
(l'URSS qui pratiquait la politique dite de la « chaise vide » au conseil de sécurité de l'ONU suite à l'échec du
blocus de Berlin ne peut donc s'y opposer). Les E.-U envoient des troupes, bombardent le Nord et font
reculer l'armée nord-coréenne.
Cette dernière reculant fortement, la Chine de Mao décide à son tour
d'envoyer des soldats (un million) : en 1951, le front se stabilise et en juillet des pourparlers s'engagent. En
1953, des négociations aboutissent à un armistice (armistice de Pam Mun Jom) : le conflit prend fin avec
deux millions de morts civils et militaires estimés. On revient au point de départ avec deux Corée qui sont
séparées par le 38e parallèle appartenant à deux blocs différents.
L' Asie est également devenue un terrain
d'affrontement. Cette guerre de Corée qui implique fortement les E.-U n'aboutit pas à un conflit généralisé :
le conflit est resté limité géographiquement.
Toujours en Asie, les E.-U et le Japon signent le traité de sécurité de San Francisco le 8 septembre 1951 par
lequel les E.-U s'engagent à protéger le Japon : les E.-U obtiennent des bases militaires au Japon dans cette
objectif. Ils signent également un traité de sécurité collective en septembre 1951 avec l'Australie, la
Nouvelle-Zélande donnant naissance à l' ANZUS. Les E.-U mettent en œuvre en Asie-Pacifique leur stratégie
d'endiguement.
-un monde divisé et structuré en blocs distincts
Les E.-U et l'URSS organisent leurs blocs respectifs dans un monde divisé par la guerre froide. En ce qui
concerne les E.-U et ses alliés, la perspective de former une alliance solide afin de freiner l'expansion
communiste émerge avec en mars 1947 le traité de Dunkerque entre la France et le Royaume-Uni : il s'agit
d'un accord bilatéral de coopération. Le coup de Prague de février 1948 qui permet au parti communiste
tchèque de s'emparer du pouvoir accélère la volonté de s'unir. Le 17 mars 1948, la France, le Royaume-Uni,
la Belgique, les Pays-Bas, le Luxembourg signent le traité de Bruxelles : le but est de mettre en place une
organisation défensive commune et de renforcer les liens économiques et politiques. Le blocus de Berlin
provoque une nouvelle réaction des occidentaux : il faut aller encore plus loin. En juin 1948, la résolution
Vandenberg est votée par le Sénat américain devant favoriser l'implication des E-U dans la défense des alliés
européens . En septembre 1948, il est décidé de créer une organisation militaire et des négociations s'ouvrent
et le 4 avril 1949 le traité de l'Atlantique nord est signé par 12 pays (E.-U, Canada, Royaume-Uni, France,
Italie, Pays-Bas, Belgique, Luxembourg, Portugal, Danemark, Norvège et Islande) : ce sont les débuts de
l'alliance atlantique.
Ce traité donne naissance à une organisation : l'OTAN. C'est également dans le cadre de
la guerre froide que les E-U encouragent les Européens à s'unir économiquement : l' OECE en est un premier
élément. Enfin la guerre de Corée accélère encore davantage la structuration des blocs. En septembre 1951
est signé le pacte du Pacifique entre les E-U, la Nouvelle-Zélande et l'Australie (ANZUS). En 1954, l'
OTASE remplace l' ANZUS : se greffent d'autres états comme le Pakistan, les Philippines, le Royaume-Uni,
la Thaïlande et la France. En 1955 est signé le pacte de Bagdad : la Turquie, l'Iran, le Pakistan, l'Irak se lient
avec les EU et le Royaume-Uni : on peut parler d'une véritable « pactomania » devant endiguer l'expansion
communiste.
L'URSS a également organisé son bloc en créant en 1949 le CAEM (Conseil d'assistance économique
mutuelle ou COMECON). Le CAEM est une structure économique rassemblant l'URSS et les états d'Europe
de l'Est devant permettre de planifier et d'organiser les économies communistes. En mai 1955 c'est une
organisation militaire qui est créée : le pacte de Varsovie entre l'URSS et ses pays satellites.
Le pacte de
Varsovie est le pendant ou le contrepoids de l'OTAN.
Au début des années 1950, la guerre froide bat son plein avec les premières crises et affrontements ainsi que
la formation des blocs.
Conclusion
Dans le cadre de cette guerre froide, il est intéressant d'insister sur deux phénomènes concernant les E- U et
l'URSS à savoir le Maccarthysme et le phénomène des purges et procès dans l'Europe de l'Est des années
1950.
Le Macarthysme est lié au sénateur américain MacCarthy qui, lors d'un discours en Virginie-Occidentale
dénonce la présence de communistes au sein du département d'état (il prétend détenir une liste de plus de 200
noms).
Il faut préciser qu'il existait aux Etats-Unis depuis 1938 une commission sur les activités anti-
américaines créée par la chambre des représentants. En 1947, une liste d'organisations jugées subversives est
publiée par le ministère de la justice. D'ailleurs plusieurs personnalités liées au cinéma et à Hollywood sont
convoquées devant la commission dont des scénaristes : plusieurs doivent répondre à cette convocation (les
« dix d'Hollywood ») dont Dalton Trumbo, Edward Dmytrik sur une éventuelle appartenance au parti
communiste.
Les 10 en question refusent de répondre à la question : êtes -vous membre du parti communiste
américain ? et sont inculpés pour outrage en novembre 1947. et sont licenciés par les compagnies pour
lesquelles ils travaillent : la RKO et la Twentieth Century Fox. Ils passent en procès en 1948 et en 1950 :
Dalton Trumbo notamment est condamné à un an de prison, Edward Dmytrik à 6 mois...Ce dernier se
rétracta en avril 1951 et donna une liste de 26 personnes proches du parti communiste ou adhérant à ce parti
et son idéologie afin de pouvoir à nouveau tourner des films. Les E.-U entraient dans une période de listes
noires.
Avec MacCarthy se déclenche ce qu'on nomme une « chasse aux sorcières » avec la création d'une
commission : Tydings devant enquêter sur les accusations de MacCarthy. Cette commission considère les
accusations comme étant fantaisistes mais MacCarthy reçoit l'appui du parti républicain. Suite à l'élection d'
Eisenhower, MacCarthy devient vice-président de la sous commission d'enquête du Sénat. Mais Eisenhower
ne soutient guère Ma Carthy notamment quand celui-ci cible le général Mac Arthur. Ce qui va perdre le
sénateur est précisément quand i souhaite épurer l'armée. : MacCarthy va perdre peu à peu toute crédibilité.
Néanmoins, cette période traduit la crainte de la présence communiste aux E.-U : c'est, entre 1947 et 1953 26
000 employés des administrations fédérales qui font l'objet d'enquêtes (7 000 démissions et 739 révocations
pour appartenance à des organisations subversives ou immoralité).
2/ La recherche toujours délicate d'un équilibre fragile : 1953-1979
Le 5 mars 1953, Staline meurt : cette mort marque pour les Occidentaux l'espoir d'un changement au niveau
des relations avec le bloc de l'Est. Cet espoir est conforté par une crise de succession qui conduit à la tête du
pouvoir soviétique Nikita Khrouchtchev. La fin de la guerre de Corée en juillet 1953, les conférences de
Berlin et Genève entre 1953 et 1955 laissent augurer de tensions plus apaisées : certains évoquent même une
« première détente ». La période de 1953-1962 est appelée coexistence pacifique ou première détente
puisque les tensions diminuent en intensité. Néanmoins, la guerre froide ne prend pas fin : elle continue
d'autre autre façon.
A/ La coexistence pacifique : un leurre ou une réalité?
Cette période dite de coexistence pacifique est en partie un leurre car les problèmes ne sont pas réglés, les
tensions restent vives : cette première détente n'est qu'apparente.
a/ Les évolutions de la politique soviétique : de la déstalinisation à Khrouchtchev
La mort de Staline a donc provoqué une « guerre de succession » dont Khrouchtchev sort gagnant. C'est lui
et la nouvelle direction du PCUS qui proclament la nécessité d'une coexistence pacifique. Il est également
décidé de mettre fin aux excès du stalinisme (ll faut rétablir la « légalité socialiste »). L'URSS décide une
détente politique, économique et sociale tant en interne qu'en externe. En interne, des milliers de
fonctionnaires du parti ou de l'administration sont révoqués, une amnistie est décidée pour les individus
ayant été condamnés à moins de 5 ans d'internement... Le système répressif est quelque peu assoupli. Au
niveau économique, les ouvriers ont désormais la possibilité de changer d'entreprise et on tente de
développer davantage les industries de biens de consommation afin que le niveau de vie de la population
progresse. En externe, la politique extérieure est modifiée en partie : l'URSS accepte le nouveau statut de
l'Autriche, participe aux accords de Genève mettant fin à la guerre d'Indochine...
Surtout en 1956, est lancé le processus de déstalinisation lors du 20e congrès du PCUS en février .Le
rapport Khrouchtchev était en théorie destiné seulement aux membres du PCUS mais son contenu est en
grande partie connu et diffusé. Dans ce rapport, Staline est désavoué notamment le culte de la personnalité et
ses conséquences. Est exposée l'idée d'une détente internationale.
-une déstalinisation partielle porteuse d'espoirs déçus
La déstalinisation lancée par Khrouchtchev est partielle : le système n'est pas remis en question. De plus,
elle n'est pas acceptée par la Chine, l'Albanie ou les dirigeants des partis communistes d'Europe de l'Est pro-
staliniens. Les pays de l'Est comme la Pologne ou la Hongrie favorables à des changements vont devoir
déchanter. En Pologne, en juin des émeutes ont lieu à Poznan : elles consistent au départ à demander des
hausses de salaires puis deviennent très anticommuniste et soviétique. L'armée et la police rétablissent l'ordre
sans intervention extérieure.
Gomulka, un dirigeant communiste assez populaire et écarté en 1948, réintègre
le parti communiste. Ce dernier prend le contrôle du parti dont de nombreux membres pensent qu'il est le
seul rempart possible face à une situation explosive et pouvant empêcher une intervention soviétique. Il
devient secrétaire général du PC polonais : progressivement, la situation s'apaise. En Hongrie, les
événements vont prendre une autre tournure. En octobre (le 23), un processus révolutionnaire débute avec le
soutien d'une partie de l'armée hongroise. Dans un processus semblable à la Pologne, Imre Nagy qui
bénéficie de la confiance de nombreux Hongrois est nommé à la tête du gouvernement. Mais le processus
révolutionnaire se poursuit. Les troupes soviétiques interviennent puis se retirent fin octobre.
Nagy forme un
nouveau gouvernement composé de 4 communistes seulement, décide d'organiser des élections libres,
proclame la neutralité de la Hongrie en envisageant le retrait du pacte de Varsovie. Il lance même un appel à
l'ONU. Le 4 novembre, les troupes soviétiques interviennent à nouveau et entrent dans Budapest rétablissant
l'ordre communiste (30 000 victimes hongroises). Un nouvel homme fort est nommé à la tête du pays : Janos
Kadar, un fidèle de Moscou. La déstalinisation ne signifiait donc pas pour les états d'Europe de l'Est la fin du
communisme ou encore l'abandon des liens avec l'URSS.
-une politique fluctuante et difficile à saisir
La politique de Khrouchtchev est une politique fluctuante. On s'interroge encore sur sa volonté de
déstalinisation : voulait-il changer ou améliorer le système ? N'était-ce qu'un moyen d'éliminer des rivaux
toujours proches de Staline ? A priori, le système n'est pas à remettre en question puisque c'est un homme,
Staline, qui l'a dévoyé. Ses velléités de réformes sont réelles mais elles ne sont pas profondes : il ne veut pas
pousser trop loin. Son souhait était de préserver le système mais de le rendre plus efficient. Par rapport aux
pays occidentaux, sa politique de coexistence pacifique se heurte à sa volonté de diffuser le communisme : il
croit toujours à une révolution communiste mondiale. Enfin, au niveau des pays d'Europe de l'Est,
notamment dans les deux cas vus (Pologne et Hongrie), Khrouchtchev a tergiversé hésitant entre intervention
et non intervention. Dans le cas polonais, il a fini par rejeter toute intervention ce qui fut différent en
Hongrie.
b/ Des alternances de crises et d'apaisement pour une situation restant tendue et ne partie figée
Cette période est une alternance de crises et de phases d'apaisement. C'est une période où la guerre froide se
poursuit même si les tensions semblent moins fortes : la rivalité entre les E.-U et l'URSS persiste. La
coexistence pacifique reste une coexistence « forcée » : elle repose sur un équilibre de la terreur.
-des crises importantes : du mur de Berlin à la crise cubaine
La coexistence pacifique est marquée par deux crises importantes : une nouvelle crise allemande et la crise
de Cuba de 1962. Le problème allemand n'est pas réglé : les conférences au sommet des 18-23 juillet 1955
et d'octobre-novembre 1955 coincent sur le problème allemand. En novembre 1958, l'URSS relance la
question allemande au sujet de Berlin dont elle souhaite revoir le statut. Khrouchtchev demande aux
Occidentaux d'évacuer Berlin-Ouest afin qu'elle devienne une ville libre. Il lance même un ultimatum : si les
alliés ne quittent pas Berlin, l'URSS signera un traité séparé avec la RDA. En parallèle, les Soviétiques
entravent partiellement les relations et communications entre Berlin-Ouest et la RFA. Les E.-U et leurs alliés
ne cèdent rien. En mai 1959, l'ultimatum est suspendu en échange d'une conférence à Genève réunissant les
ministres des affaires étrangères (la RFA et la RDA sont invités comme observatrices).
Cette conférence ne
donne pas de résultats tout comme le sommet ayant lieu à Paris en mai 1960. En 1961, les tensions
s'aggravent : la rencontre Khrouchtchev-Kennedy à Vienne en juin est également sans aucun résultat. En
août, les Soviétiques décident de construire un mur de séparation à Berlin entre les deux parties
berlinoises dans la nuit du 12 au 13 août. Le mur de Berlin marque une nouvelle étape dans la guerre froide
et la séparation de l' Allemagne. La construction du mur est également un moyen d'empêcher la fuite de
nombreux Allemands de l'Est vers l'Ouest (3 millions d'Allemands ont gagné l'Ouest entre 1948 et 1961).
Une crise très grave se produit à Cuba : elle s'inscrit dans un retour à une guerre froide sans concession. En
1959, le dictateur cubain Batista, soutenu par les Américains, est renversé par une guérilla dirigé par Fidel
Castro. Ce dernier a comme objectifs de procéder à des réformes économiques et sociales mais il ne souhaite
pas rompre avec les E-U. Hors, les dirigeants américains ont une perception négative de Castro : ils jugent
ses réformes inquiétantes.
Le refus des E.-U de prendre en compte F. Castro le contraint à se tourner vers
l'URSS. En février 1960, Cuba et l'URSS signent un accord commercial puis en juillet un traité d'amitié,
Castro nationalise en août les entreprises américaines. Les E.-U réagissent en décidant un embargo sur les
produits américains à destination de Cuba. Puis, ils organisent en avril 1961 une opération pour renverser le
régime de Castro en s'appuyant sur des exilés cubains aux E.-U : l'opération de la Baie des cochons est un
échec.
Dès lors, les tensions vont croître. Cuba craint une nouvelle intervention américaine, l'URSS en
septembre 1962 affirme qu'une nouvelle agression américaine provoquerait un conflit mondial... Le 14
octobre 62, des avions espions américains repèrent des rampes de missiles sur le territoire cubain : ces
rampes peuvent recevoir des missiles balistiques nucléaires. Des navires soviétiques transportant des missiles
se dirigent également vers Cuba : c'est le début de la crise des missiles. Le 22 octobre, Kennedy prononce un
discours : il demande la réunion du Conseil de sécurité de l'ONU, décide le blocus de Cuba (mise en
quarantaine)...
Pour Kennedy, le monde est « au bord du gouffre ». Fin octobre, Khrouchtchev décide de
mettre fin à une crise plus que périlleuse. Les navires soviétiques font demi-tour, les rampes de missiles sont
retirées. Il obtient en contrepartie la promesse des E.-U que l'île de Cuba ne sera pas envahie et la levée du
blocus. Pour Khrouchtchev, il s'agit d' un échec (un échec qui contribue en 1964 à sa mise à l'écart du
pouvoir) mais un soulagement pour beaucoup. Cette crise très aiguë fait prendre conscience aux dirigeants
des deux grandes puissances de la nécessité d'améliorer notablement leurs rapports afin d'éviter tout risque
de dérapage.
-mais des tentatives d'apaisement et de dialogue
Pourtant, cette période est marquée par des tentatives de dialogue. Le 27 juillet 1953 avait été signée la
convention d'armistice en Corée. Plusieurs conférences ont lieu réunissant les dirigeants américains et
soviétiques pour régler des problèmes d'importance : fin de la guerre d'Indochine en 54 avec la conférence de
Genève (26 avril-21 juillet 1954).... Le 26 janvier 1955, l'URSS met fin à l'état de guerre avec l'Allemagne et
le 15 mai de cette même année est signé à Vienne un traité par les 4 grandes puissances mettant fin à
l'occupation de l'Autriche qui s'engage à la neutralité et au refus de toute union avec l'Allemagne.
En
septembre 1955, le chancelier de RFA Adenauer se rend à Moscou et l'URSS et la RFA établissent des
relations diplomatiques. En janvier 1956, Khrouchtchev se rend en Angleterre où il rencontre le président
américain Eisenhower et plus tard il rencontre aussi Kennedy (en 61). Il se rend également à l'Assemblée
générale de l'ONU en 1960.
Mais ces tentatives sont épisodiques : la rivalité est trop forte. Cette rivalité n'est pas seulement politique et
militaire, elle est technologique : la course à l'espace en est une illustration. Le 4 octobre 1957, l'URSS met
en orbite le premier satellite artificiel, Spoutnik 1 et en avril 1961 Youri Gagarine est le premier homme dans
l'espace. L'avance prise dans ce domaine contraint les Américains à réagir : en janvier 1958, le premier
satellite américain Explorer est mis en orbite puis est lancé le programme Apollo en 1961.
En parallèle, afin
de réaliser ce programme la NASA est créée ( National Aeronautics and Space administration).
Comme nous l'avons vu le problème allemand n'est pas réglé comme le montre la crise berlinoise des années
1958-1961.
Bilan
Les années 1955-1962 sont des années qualifiées de « coexistence pacifique » avec la reprise d'un certain
dialogue entre Soviétiques et Américains et des relations diplomatiques plus apaisées marquées par plusieurs
rencontres comme celle entre Khrouchtchev et Eisenhower en septembre 1959 aux Etats-Unis. Néanmoins,
la guerre froide se poursuit comme le montrent le problème berlinois ou lorsque la Chine communiste
bombardent les îles de Quemoy et Matsu appartenant à la Chine nationaliste : une Chine nationaliste
soutenue par les E.-U. La question de Taïwan finit par s'apaiser mais elle est un signe des tensions. La
coexistence pacifique repose en fait sur un équilibre de la terreur.
B/ Les années 1960 : vers une véritable détente ?
La crise de Cuba a montré aux deux grands les dangers d'une escalade pouvant conduire à un conflit
généralisé. Ils prennent conscience de ce danger et décident d'améliorer leurs relations : c'est la période dite
de détente. La crise de Cuba a un impact sur la mise en place d'un « code de bonne conduite » (H. G Soutou)
nécessaire alors que les deux grands possèdent des armes de destruction massive.
a/ La mise en place d'une détente
Les E.-U par l'intermédiaire de Kennedy recherchaient un accord au moins tacite sur les armes nucléaires
mais également sur l'Allemagne même si les dirigeants américains avaient toujours comme objectif final de
profonds changements en URSS. Les principes de la détente ont été pour les Américains définis par H.
Kissinger : principe du linkage : tout geste envers l'URSS doit avoir une contrepartie ; principe de la
retenue : lors d'une crise, il doit y a voir adéquation entre les événements et les décisions prises afin d'éviter
une escalade trop rapide et dangereuse (les négociations sont fondamentales) et principe de réalisme :
l'URSS existe, il faut en tenir compte ; Côte soviétique, la donne avait changé. D'une part, les relations avec
la Chine étaient plus que tendues aboutissant à une rupture. D'autre part , Khrouchtchev était prêt à tirer les
leçons de son échec en menant une politique différente fondée sur une véritable coexistence entre les E.-U et
l'URSS. Avant sa mise à l'écart, il était prêt à se rendre en RFA afin d'améliorer les relations entre les deux
Allemagne. Enfin cette détente vue comme une pause devait permettre à l'URSS de rattraper son retard sur
les E.-U puis de dépasser son rival.
-les premiers accords de désarmement : une réelle source d'espoirs
L'URSS et les E.-U vont donc tenter de mettre en place un « armistice nucléaire » (S. Berstein et P. Milza)
ce qui ne signifie pas une renonciation à la course aux armements et au perfectionnement des armes en
question. L'idée des deux grands est, dans la mesure du possible, de contôler la diffusion de ces armes et de
négocier un équilibre stratégique. Dans un premier temps, pour favoriser le dialogue, une ligne directe entre
Washington et Moscou est créée en 1963 : le téléphone rouge.
En août 1963, ils signent un traité auquel se
joint le Royaume-Uni (traité de Moscou) qui interdit les essais d'armes nucléaires dans l'atmosphère, dans
l'espace extra-atmosphérique et sous l'eau. Il faut souligner que la France et la Chine refusent de le signer
(depuis 1980, ces deux états ont néanmoins décidé de respecter les clauses de ce traité). Le 1er juillet 1968
est signé le traité sur la non prolifération des armes nucléaires avec entrée en vigueur en 1970 avec les
trois mêmes participants. Il s'agit pour les états possédant l'arme nucléaire de ne pas transférer ces armes à un
pays tiers ou de l'aider à l'acquérir. Comme dans le cas précédent, la France et la Chine refusent de signer.
Enfin en 1972 sont signés les accords SALT 1 (Strategics Arms Limitation Talks) : les E.-U et l'URSS
décident de limiter le nombre de missiles balistiques stratégiques.
-Une Europe qui évolue : l'exemple allemand
La détente se traduit en Europe par une amélioration des relations entre la RFA et la RDA. En 1969, le
chancelier Willy Brandt lance sa politique d'ouverture à l'Est : l'Ostpolitik. Grâce à cette politique
d'ouverture, la RFA signe un accord avec l'URSS en 1970 (un autre traité de Moscou) reconnaissant
l'inviolabilité des frontières européennes ainsi que les droits des quatre puissances (E.-U.,R-U,URSS et
France) sur Berlin. Le 7 décembre 1970 est aussi signé un accord avec la Pologne qui reconnaît la ligne
Oder-Neisse comme frontière entre la Pologne et l'Allemagne : cet accord marque la réconciliation entre les
deux états. En décembre 1972 est signé entre la RFA et la RDA le traité fondamental par lequel les deux
états se reconnaissent. En 1973, la RFA et la RDA sont admises à l'ONU. La détente est donc l'occasion d'un
rapprochement entre les deux Allemagne, rapprochement peu imaginable dans les années 1950.
Parallèlement, en 1973, les E.-U et l'URSS signent un accord de coopération économique (Brejnev s'est
rendu aux E.-U.). La même année s'ouvre à Helsinki une conférence sur la sécurité et la coopération en
Europe (CSCE réunissant 35 pays (les E.-U., le Canada, l'URSS et l'ensemble des états européens). En 1975
les accords d'Helsinki sont signés : ils reconnaissent l'intangibilité des frontières européennes, la non
intervention dans les affaires intérieures d'un état, le respect des droits de l'homme... Ces accords sont
considérés comme étant l'apogée de la détente.
b/ Mais des tensions toujours persistantes
Les années 1960 sont des années de détente et d'amélioration des relations mais elles sont également des
années de tensions et de crises avec la guerre du Vietnam, le Printemps de Prague en 1968 ou encore au
Moyen-Orient la guerre des six jours. L'amélioration des relations et le dialogue ne signifient aucunement la
fin de la guerre froide : ce sont simplement les modalités de celle-ci qui changent.
-des affrontements violents : du Vietnam à l'expansion du communisme
La période de la détente est marquée par une guerre d'une grande violence : la guerre du Vietnam, une
guerre qui implique de façon directe les E-U. Pour comprendre la situation, il convient de revenir aux années
1950 et à la guerre d'Indochine. Lors de ce conflit de décolonisation opposant les Français aux Vietnamiens,
les E.-U à partir des années 1950-51 apportent un soutien à la France craignant la victoire des communistes
vietnamiens. En 1954, la France est vaincue, les accords de Genève sont signés aboutissant à un Vietnam
Nord dirigé par les communistes d'Hô Chi Minh et un Vietnam Sud dirigé par Ngo Dinh Diem soutenu par
les E-U. Des élections sont prévues en 1956 pour réunifier le Vietnam, des élections qui n'auront jamais lieu.
Dès lors se développe au Vietnam sud une guérilla communiste (le Vietcong) appuyée par le Vietnam nord :
en 1960 cette guérilla va créer le Front national de libération. Les EU craignent une expansion du
communisme au Vietnam et plus généralement en Asie (théorie des dominos) : ils vont décider de s'impliquer
davantage au Vietnam pour freiner l'expansion communiste.
Après l'envoi de conseillers militaires de plus en
plus nombreux, les E.-U vont à partir de 1964 accentuer leur engagement. En 1965, le président Johnson
légalise l'intervention américaine par un vote du Congrès. L'intervention des E.-U se solde par l'envoie de
troupes de plus en plus importantes (de 184 000 soldats en 1965 à plus de 500 000 en 1968) et des
bombardements massifs sur le Nord Vietnam accusé de soutenir le FNL du Sud. Les E.-U sont pris dans un
engrenage dont ils vont peiner à se sortir. Le Vietnam nord dans ce conflit reçoit le double soutien de l'URSS
et de la Chine qui fournissent armes et aide matérielle.
Nous sommes bien dans un conflit type de la guerre
froide.
Parallèlement à la guerre du Vietnam, on note une expansion du communisme. Le retrait des E.-U du
Vietnam en 1975 conduit en avril 1975 à une offensive du Vietnam nord sur le Sud : ce dernier est vaincu et
le Vietnam est unifié sous un régime communiste.
Toujours en 1975, le Laos et le Cambodge deviennent
également communistes. Cette expansion a lieu aussi en Afrique : l'Angola et le Mozambique deviennent
indépendants en 1975 (anciennes colonies portugaises) et optent pour des régimes marxistes par
l'intermédiaire du MPLA ( Mouvement populaire pour la Libération de l'Angola) en Angola et du FRELIMO
(Front de Libération du Mozambique). En 1976, c'est au tour de l'Ethiopie suite à un coup d'état militaire de
devenir un régime marxiste. La détente ne signifie pas l'arrêt de l'expansion communiste et la lutte pour la
freiner. Il s'agit là du paradoxe apparent de cette détente : un retour du dialogue et des négociations mais un
affrontement qui persiste.
-une Europe de l'Est restant sous contrôle
Enfin la détente ne signifie pas des changements profonds en Europe de l'Est. Les événements de RDA en
1953 et l'insurrection hongroise en 1956 avaient monté la difficultés à faire changer ou évoluer le système
communiste. L'URSS acceptent seulement que certaines démocraties populaires aient quelques
particularismes soit au niveau de la gestion économique soit au niveau de leurs relations extérieures.
La
Roumanie, à partir de 1964, tout en restant dans le bloc de l'Est affirme une politique étrangère quelque peu
différente : elle se pose en médiatrice dans les relations tendues entre l'URSS d'une part, la Chine et La
Yougoslavie d'autre part, condamne l'intervention soviétique en Tchécoslovaquie ou encore reconnaît à la
fois l'Organisation de libération de la Palestine (OLP) et Israël.
Mais en aucun cas les démocraties populaires
ne doivent remettre en question l'idéologie et l'appartenance au Pacte de Varsovie. Ainsi, en janvier 1968, le
nouveau dirigeant du parti communiste tchécoslovaque, Anton Dubcek souhaite conduire une nouvelle
politique et mettre en œuvre un « socialisme à visage humain ». Ce dernier consiste à libéraliser le système
politique, à concilier liberté et socialisme. En avril 1968, les lignes directrices de ce « socialisme à visage
humain » sont fixées : reconnaissance des libertés fondamentales (liberté de la presse, de réunion...),
démocratisation du système politique (reconnaissance du multipartisme)... Le système économique doit être
également assoupli en atténuant le rôle de l'état et en donnant plus d'autonomie aux entreprises.
Parallèlement, les dirigeants tchécoslovaques condamnés dans les années 1950 sont réhabilités.
Cette
politique est perçue négativement à la fois par l'URSS et les autres dirigeants des démocraties populaires : ils
craignent que cette volonté de changements ne se diffuse à l'ensemble des pays de l'Est remettant en cause
l'idéologie et le système communiste.
Les Soviétiques tentent d'infléchir la politique menée par Dubcek. Le 3
août lors d'une réunion à Bratislava, les dirigeants soviétiques, polonais, hongrois, est-allemands et bulgares
affirment leur attachement au marxisme-léninisme et l'URSS réaffirme son droit d'intervenir si le régime
communiste est remis en question. Quelques jours plus tard, les membres du Pacte de Varsovie décident
d'intervenir en Tchécoslovaquie : une intervention qui a lieu les 20 et 21 août (on parle de normalisation).
Les conséquences sont pour la Tchécoslovaquie une remise en ordre avec le retrait des réformateurs du parti
communiste tchèque, Dubcek doit se retirer du PC en avril 1969 et il est remplacé par Gustav Husak qui
admet l'intervention des membres du Pacte de Varsovie et procède à l'épuration du parti. La fin du
printemps de Prague est également l'occasion pour Leonid Brejnev d'affirmer sa doctrine : les démocraties
populaires ont une souveraineté limitée étant en dernier ressort sous la tutelle soviétique. Les états du bloc
de l'Ouest n'ont émis que des protestations formelles : la logique de la guerre froide ne permettant guère
d'aller au delà.
c/ Mais un monde qui change peu à peu : la nouvelle donne des années 1970
Les années 1970 vont être un tournant pour aboutir à une nouvelle donne internationale : le monde devient
plus complexe avec une logique de guerre froide et de bipolarisation s'atténuant ; un nouvel acteur des
relations internationales apparaît avec en 1979 la République islamique d'Iran. Les années 1970-1985
correspondent à un monde plutôt déstabilisé
-l'émergence de l'islamisme : l'exemple iranien
Les années 1970 sont des années où de nouveaux acteurs des relations internationale émergent à savoir la
République islamique d'Iran et l'islamisme. En 1979, la révolution iranienne met fin au régime du Shah
d'Iran Mohammad Reza Pahlavi contraint de quitter l'Iran pour les E.-U. Cette révolution iranienne se fait
dans un état allié des E.-U., un état sur lequel les Occidentaux se sont appuyés.
En février, la monarchie est
définitivement supprimée et un gouvernement provisoire se met en place à l'initiative de l'ayatollah
Khomeiny un des acteurs majeurs de cette révolution. Ce dernier a sa disposition ceux qu'on appelle les
gardiens de la révolution (Pasdarans) : ils contrôlent une partie de l'Iran. Parallèlement, les tribunaux
révolutionnaires, également sous l'influence des gardiens de la révolution et des religieux, jugent et écartent
de nombreux partisans du Shah et des opposants. En avril, la République islamique d'Iran est instaurée.
Il
s'agit d'une rupture profonde : en effet, pour la première fois se met en place une République islamique qui
devient une source d'inspiration pour certains musulmans. De plus, cette République islamique va rompre
les relations avec les E.-U tout en refusant l'URSS, un régime jugé athée. La République islamique ne se
situe donc pas dans les rapports bipolaires institués par la guerre froide.
Avec l'instauration de la République islamique en Iran mais aussi les échecs du panarabisme et des
nationalismes arabes, les fortes inégalités socio-économiques se développe corrélativement l'islamisme.
Inspiré par l'Iran, les chiites libanais créent en 1982 le Hezbollah : un mouvement financé par l'Iran et dont
l'ayatollah Khomeiny est une référence idéologique et religieuse. En 1987 est fondé le Hamas et on note dans
les années 1970 une influence et un retour des Frères musulmans. Ce mouvement influence d'ailleurs le
Hamas. En Egypte, les dirigeants dont Anouar el Sadate se servent des frères musulmans pour faire
contrepoids aux mouvements d'inspiration marxiste : par ce biais, les frères musulmans retrouvent en Egypte
une influence certaine.
Par contre, les Frères musulmans sont victimes en 1982 d'une terrible répression en
Syrie où ils tentaient de renverser le régime d'Hafez el Assad. Enfin, ils sont très présents en Arabie saoudite
en particulier dans les infrastructures éducatives et développent des réseaux d'influences non seulement au
Moyen-Orient mais aussi en Europe. L'intervention soviétique en Afghanistan en 1979 va renforcer
incontestablement les mouvements islamistes : elle est pour eux l'occasion d'une guerre sainte.
-un monde plus complexe et moins bipolaire
Les années 1970 marquent un tournant : les relations internationales deviennent plus complexes et le monde
bien moins bipolaire. Le monde est d'ailleurs plus instable et incertain avec un Proche-Orient déstabilisé
sur lequel les deux grands ont de moins en moins de prise. De multiples coups d'état se produisent : en 1969,
le colonel Khadafi prend le pouvoir en Libye tout comme le général Hafez-el Assad en Syrie en 1970 ou
Saddam Hussein en 1979 en Irak. Le Proche-Orient est imprégné par le conflit israélo-arabe et notamment la
question palestinienne. En 1973 éclate une nouvelle guerre entre Israël et ses voisins : Egypte, Jordanie,
Syrie, la guerre du Kippour (en octobre). Ce conflit ne modifie pas les équilibres régionaux mais il a un
impact sur le premier choc pétrolier de 1973-1974.
Toujours au Proche-Orient une guerre civile débute au
Liban : un conflit durable ayant encore des effets. En 1975, le Liban est dans une situation délicate avec la
présence de milliers de réfugiés palestiniens (250 000) et donc la présence de l'OLP qui se sert du Liban
comme base arrière pour lancer des attaques contre Israël et est aidé par le Mouvement national libanais (un
mouvement politique composé de musulmans, de chrétiens et de Druzes), de Chrétiens dont les Phalanges
une branche militaire chrétienne. C'est un incident entre Phalangistes et Palestiniens en avril qui déclenche la
guerre. Elle oppose les Chrétiens (aidés par Israël) aux Palestiniens et au Mouvement national libanais
appuyé par la Syrie voisine.
La guerre au Liban a donc une dimension régionale. Enfin, avec l'arrivée au
pouvoir de Khomeiny en Iran, un nouvel acteur des relations internationales apparaît : l'islamisme.
L' Afrique et l'Amérique latine sont également concernées par des conflits dont certains sont liés à la guerre
froide et à l'expansion communiste.
Au Nicaragua, des rebelles marxistes, les sandinistes, mènent une
guérilla depuis la fin des années 1960 les conduisant au pouvoir en 1979 après avoir renversé le dictateur
Somoza. Les E.-U vont dès lors apporter leur soutien à une guérilla anti-sandiniste : les Contras.
Toujours en
Amérique latine, un coup d'état a lieu au Chili mené par le général Pinochet et soutenu par les E.-U.
Permettant de renverser le régime en place et le président démocratiquement élu : Salvador Allende. Un coup
d'état a également lieu en Argentine en 1976 organisé par le général Videla instaurent une dictature
particulièrement répressive.
En Afrique, l'Angola et le Mozambique deviennent indépendants et sont contrôlés par des mouvements
marxistes soutenus par Cuba et l'URSS.
Très rapidement la situation dégénère en guerre civile.
En Angola,
s'opposent le Mouvement populaire de libération de l'Angola ayant pris le pouvoir suite à l'indépendance
(MPLA, un mouvement marxiste) et l'Union nationale pour l'indépendance totale de l'Angola (UNITA), une
guérilla soutenue par les E.-U et l'Afrique du Sud. Ce conflit se poursuit même après la guerre froide
jusqu'en 2002. Même processus au Mozambique avec une guerre opposant le FRELIMO marxiste au pouvoir
après l'indépendance (Front de libération du Mozambique) et à la Résistance nationale du Mozambique
(RELIMO).
La paix est signée entre ces deux mouvements en 1992 après la fin de la guerre froide. En 1976,
un groupe de militaires marxistes avec Mengistu à sa tête, le DERG (Comité des égaux), prend le pouvoir en
Ethiopie soutenu également par l'URSS (ce régime prend fin en 1991 après à une longue guerre civile).
Enfin, en Asie, la situation est également instable et compliquée. Suite au retrait américain en 1975 du
Vietnam, le Vietnam Nord envahit le Vietnam Sud qui est de fait unifié sous un régime communiste.
Parallèlement, les Khmers rouges prennent le pouvoir au Cambodge : ils sont appuyés par la Chine maoïste
et sont à l'origine d'un génocide. Ce régime prend fin en 1979 suite à une intervention du Vietnam en 1979.
Dans ce contexte asiatique très troublé, des milliers de Vietnamiens et de Cambodgiens quittent leurs pays :
ce sont les boat people. Il faut noter l'affirmation de plus en plus notable de la Chine, une Chine qui a rompu
ses relations avec l'URSS au début des années 1960, a accepté un dialogue avec les E.-U. Au début des
années 1970. D'ailleurs, la Chine communiste entre au Conseil de sécurité de l'ONU en 1971 en lieu et place
de la Chine nationaliste. En 1979, un conflit bref éclate avec le Vietnam qui est envahi par des troupes
chinoises mais celles-ci sont repoussées : les relations entre les deux états communistes sont très tendues.
Enfin, les années 1970 sont des années d'un terrorisme internationalisé : brigades rouges en Italie, fraction
armée rouge en Allemagne (années dites de plomb), groupe palestinien septembre noir .
Les deux grands ont donc plus de difficultés à contrôler un monde devenu plus complexe. Néanmoins la
guerre froide se poursuit notamment par une expansion communiste en Asie et en Afrique.
3/ Une guerre froide qui s'achève ou la fin d'un conflit structurant le XXe siècle
A/ « America is back » ou la fin du syndrome vietnamien
Dans les années 1976-1980, les E.-U ont pour président un démocrate : Jimmy Carter. Ce dernier doit gérer
le problème posé par l'Iran devenue une République islamique mais aussi l'intervention soviétique en
Afghanistan. En Iran, le personnel de l'ambassade des E.-U est pris en otages en novembre 1979 : une
tentative de libération de ces otages par une opération commando échoue ce qui place Jimmy Carter dans une
position très inconfortable par rapport à son opinion publique. Il est d'ailleurs battu aux élections
présidentielles par un républicain : Ronald Reagan. Cette élection va profondément changer la donne
internationale.
a/ Le retour d'une Amérique forte et conquérante
-du désenchantement au retour des « valeurs traditionnelles »
Avec l'élection de Ronald Reagan s'annonce un retour aux valeurs traditionnelles de l'Amérique : Reagan est
à la fois un libéral sur le plan économique et un conservateur qui veut relancer les E.-U , lui redonner une
fierté perdue par le retour du « grand esprit américain ». L'un de ses slogans de campagne était : America is
back. Il décide à la fois de redynamiser l'économie américaine en luttant contre le déficit budgétaire et le
chômage en coupant dans les dépenses du budget fédéral tout en diminuant les impôts. Parallèlement, il veut
une politique plus agressive à l'égard de l'URSS : il ne veut pas tolérer l'expansion communiste et entend
mener une véritable lutte sur ce front international.
-Reagan : la lutte sans concession et protéiforme contre « l'Empire du mal »
Reagan et son équipe perçoivent l'URSS comme « l'empire du mal » contre lequel il faut relancer une
politique plus dure. Dans cette optique, est défini en 1983 un nouveau programme de défense : le programme
IDS (Initiative de défense stratégique) dont l'un des objectifs est de mettre en place un « bouclier »
protecteur devant annihiler toute tentative d'agression du sol américain. Reagan relance de ce fait la course
aux armements.
b/ De la lutte aux négociations : un changement de politique
-des terrains d'affrontement multiples : du Nicaragua à l'Afghanistan
Les terrains d'affrontement avec l'URSS vont se multiplier. A la fin des années 1970 en l'occurrence à
partir de 1977, l'URSS avait installé des missiles SS 20 en Europe de l'Est. Dès 1979, l'OTAN avait décidé de
réagir : une réaction confirmée par l'administration Reagan avec l'installation en RFA de missiles Pershing.
C'est ce qu'on nomme la crise des euromissiles où une fois encore l'Europe sert de terrain d'affrontement : la
course aux armements bat son plein. Cette crise ne prend fin qu'en 1987 lors d'une sommet organisé à
Washington entre Reagan et Gorbatchev où est décidée l'option zéro (zéro missiles soviétiques et américains
en Europe), une proposition déjà faite par Reagan en novembre 1981.
Les E.-U décident également de contrer l'expansion du communisme.
Ils fournissent une aide aux Contras au
Nicaragua en lutte contre le gouvernement sandiniste. Ils décident également d'apporter une aide aux rebelles
afghans en lutte contre les Soviétiques depuis 1979. Ils vont même intervenir en 1983 sur l'île des Caraïbes
de Grenade où un coup d'état avait porté au pouvoir en 1979 un régime marxiste. Les E.-U ont donc décidé
de riposter à la politique expansionniste communiste.
-des négociations et un dialogue qui s'engagent
Néanmoins à partir de 1985 avec la nomination en URSS de Gorbatchev, les choses vont changer. Ce
dernier a compris que la course aux armements dans un contexte économique difficile pour l'URSS était à
limiter. Il accepte de renouer le dialogue avec les E-U. Ce dialogue aboutit à une série de rencontres et
d'accords entre Gorbatchev et Reagan. Ils se rencontrent une première fois à Genève en 1985 puis l'accord de
Washington, déjà évoqué, de 1987 sur le contrôle des armes nucléaires est signé. Il prévoit la destruction des
missiles dits intermédiaires. Reagan qualifie cet accord de « big step ».Dans cette optique de « seconde
détente », les Soviétiques décident en 1988 le retrait de leurs troupes d'Afghanistan. Les années 1985-90
sont un nouveau tournant dans les relations Est-Ouest.
B/ L'échec soviétique : la mort programmée de l'URSS
La fin de la guerre froide correspond à l'échec de l'URSS à la fois comme puissance rival des E.-U et comme
projet politique à savoir une société communiste.
a/ Un échec interne
En 1977 pendant l'ère Brejnev (1964-1982), une nouvelle constitution soviétique est mise au point : l'URSS
est un « état multinational fédéral uni...). Cette constitution préserve le rôle de l'état et du parti communiste
qui doit toujours diriger le société. A la fin des années 1970, ce parti communiste est un parti de masse de
plus de 16 millions d'adhérents mais il apparaît sclérosé et donc incapable de régler les problèmes
notamment économiques de l'URSS. Brejnev qui est à la tête du pays depuis 1964 ne propose pas de
réformes majeures : l'état et la société soviétique paraissent immobiles. La signature des accords d'Helsinki
avait laissé un espoir de libéralisation du régime mais il n'en est rien : l'écrivain Soljenitsyne l'auteur de
l'Archipel du Goulag est expulsé d'URSS en 1974, un autre dissident Andreï Sakharov est contraint à un exil
interne dans la ville de Gorki...
De plus l'économie soviétique ne répond aux attentes des citoyens avec une
régression de la croissance des productions et une situation quotidienne difficile. L'armée joue un rôle
essentiel formant avec les industries lourdes et d'armement un véritable complexe militaro-industriel Le 12
novembre 1982, Léonid Brejnev décède : il est remplacé par Youri Andropov qui fut à la tête du KGB à
partir de 1967. A priori , il souhaite entreprendre des réformes mais il se heurte à des résistances internes au
parti communiste. Il meurt le 9 février 1984 et est remplacé par Constantin Tchernenko or celui-ci meurt le
10 mars 1985.
-Glasnost, Perestroïka : les échecs de la politique menée par Gorbatchev
Le 11 mars 1985, c'est un homme jeune, Mikhaïl Gorbatchev (54 ans) qui est désigné comme successeur de
Tchernenko. Il est conscient des difficultés et blocages de son pays. De plus, l'URSS est engagé dans ce que
certains nomment le « bourbier afghan » et dans une course aux armements aux coûts très élevés. Il décide et
propose des réformes pour améliorer le système à savoir la glasnost (la transparence) et la perestroïka (la
restructuration) : il pense que l'URSS n'a pas d'autres choix que de modifier certains éléments de son
système. La glasnost consiste à accorder une plus grande liberté d'expression et dire aux citoyens la vérité sur
l'état de l'URSS. Dès lors, la presse devient plus libre et les individus vont pouvoir s'exprimer davantage.
Quant à la perestroïka, il s'agit de « libéraliser » quelque peu l'économie afin de la dynamiser : les
agriculteurs vont pouvoir exploiter des terres, les citoyens sont autorisés à créer de petites entreprises, les
entreprises d'état gagnent en autonomie de gestion. Au niveau politique, à partir de 1988 le pluralisme
politique est autorisé (liberté de la presse, libération des dissidents...) tout comme les « élections libres » :
plusieurs candidats peuvent se présenter à condition d'être membres du parti communiste.
Or cette double politique de Gorbatchev échoue.
Les conditions de vie des soviétiques ne s'améliorent pas
vrai, les difficultés économiques persistent et cette politique soulève une contestation à l'intérieur même du
parti communiste entre conservateurs qui ne veulent pas voir le système changer et rénovateurs qui veulent
aller encore plus loin. De plus en libérant la presse et en donnant la liberté d'expression, Gorbatchev suscite
une montée des nationalismes notamment dans les pays baltes mais aussi en Géorgie ou en Arménie.
Enfin sur le plan international, Gorbatchev renoue le dialogue avec les E.-U. : les accords de Washington de
1987 symbolise ce retour à une situation plus apaisée. Gorbatchev a conscience que la course aux
armements pose problème à son pays et freine ses réformes économiques.
-L'implosion de l'URSS: la mort d'un système et d'une idéologie
En janvier 1991, des manifestations dans les pays baltes ont lieu et sont réprimés violemment. Gorbatchev
comprend qu'il est difficile de s'opposer à ces vagues nationalistes souhaitant l'indépendance. Gorbatchev
souhaiterait maintenir l'Union soviétique mais dans un cadre plus souple.
Des consultations ont lieu dans les
pays baltes où une grande majorité de citoyens souhaitent l'indépendance. En mars et mai, les républiques
baltes proclament leur indépendance. En avril, la Géorgie par un référendum se prononce pour
l'indépendance : celle-ci est proclamée le 9 avril 1991.
En août 1991, une tentative de putsch organisé par les
conservateurs entre le 18 et le 21 août du parti communiste échoue. Gorbatchev démissionne de son poste de
secrétaire du parti, le parti communiste est interdit dans l'armée et les administrations. Le 29 août, toutes les
activités du parti communiste sont même suspendues : celui-ci se dissout. Cet échec conduit en septembre,
les pays baltes qui ont proclamé l'indépendance voient ces indépendances reconnues le 4 septembre par
l'URSS. Ils sont admis à l'ONU le 17 septembre.
Le 8 décembre, un certain nombre de dirigeants dont Boris
Eltsine constatent que l'URSS n'a plus lieu d'être : la Russie, la Biélorussie et l'Ukraine décident de créer une
Communauté des états indépendants ». Les 14 et 16 décembre, les République d'Asie centrale proclament à
leur tour l'indépendance. Le 25 décembre Gorbatchev annonce sa sa démission en tant que chef d'état : il
reconnaît la mort de l'URSS, une URSS qui a implosé.
b/ Un bloc de l'est en désagrégation ou la fin du clivage de l' Europe
Quelques mois auparavant,le bloc de lest s'était lui-même désagrégé mettant fin à la division de l'Europe et à
la sphère d'influence soviétique en Europe de l'Est.
-les révolutions en Europe de l'Est : de la Révolution de velours à la fin violente de Ceaucescu
L'arrivée au pouvoir de Gorbatchev en URSS et sa politique vont changer la donne en Europe de l'Est et ce
bien que des dirigeants communistes comme Gustav Husak en Tchécoslovaquie, Erich Honecker en RDA ou
Ceaucescu en Roumanie soient très hostiles à tout changement.
Les premières évolutions s'opèrent en Pologne où depuis les années 1980 le mouvement Solidarnosc de Lech
Walesa s'opposait au régime communiste. En 1989, le général Jaruzelski qui dirige la Pologne accepte de
négocier avec le syndicat Solidarité.
Le syndicat est reconnu, des élections libres sont prévues en mai 1989.
Lors de ces élections en juin 1989, Solidarité triomphe mettant le parti communiste polonais (Parti Ouvrier
Unifié Polonais ou POUP) dans une situation difficile. Le général Jaruzelski nomme comme 1er ministre
Taddeusz Mazowiecki un membre de solidarité : la Pologne est désormais engagé dans un processus de
démocratisation culminant avec l'élection en 1990 de Lech Walesa à la présidence de la République.
En Hongrie, la situation évolue à partir de 1988 : Janos Kadar est écarté du parti communiste et remplacé par
un homme plus ouvert : Grosz. En 1989, le parti communiste hongrois par l'intermédiaire de ses réformistes
décide de ne plus faire référence au communisme et change même de nom pour s'appeler : parti socialiste
hongrois. En mars-avril 1990, des élections libres se déroulent : les communistes sont battus et les élections
sont gagnées par le Forum démocratique. Un nouveau gouvernement est formé et s'amorce le processus de
transition démocratique. En Bulgarie, le changement a lieu à partir de la fin 1989.
En Tchécoslovaquie ,le
changement est connu sous le nom de « révolution de velours ». Des manifestations de plus en plus
importants et réclamant des changements se déroulent durant l'année 1989.
A la fin de l'année sous la
pression, le parlement tchécoslovaque supprime le rôle dirigeant du parti communiste, un nouveau
gouvernement se forme, Husak démissionne du poste de président de la République et est remplacé par
Vaclav Havel. Aux élections législatives de juin 1990, le mouvement du Forum civique dont Vaclav Havel
est le leader gagne : il est confirmé en juillet comme président de la République.
Ce type de processus n'a pas
eu lieu en Roumanie. Ceaucescu dirige ce pays d'une poigne de fer et n'entend pas procéder à des réformes.
Il a été réélu secrétaire général du PC roumain en novembre 1989. Pourtant en quelques semaines, ce régime
s'effondre.
L'armée roumaine réprime de façon particulièrement violente une manifestation et des émeutes à
Timisoara. Lors d'une manifestation à Bucarest, les citoyens présents réclame de manière virulente son
départ. Le 22 décembre, Ceaucescu devant l'ampleur du mouvement de contestation quitte le pouvoir. Un
Front de salut de la patrie prend le pouvoir constitué notamment de communistes dissidents. Des combats ont
lieu entre la police de Ceaucescu, la Securitate et l'armée qui est aux côtes du Front de salut de la patrie. Le
25 décembre Ceaucescu est arrête, jugé et exécuté. Des élections libres se déroulent en mai 1990 mais la
situation reste tendue pendant plusieurs mois.
-Allemagne : l'unification et le symbole d'une guerre froide close
En RDA, les choses ont évolué de façon assez rapide également. Le dirigeant communiste est-allemand
Erich Honecker est plutôt hostile à la politique de Gorbatchev. Ce dernier en juillet avait affirmé que l'URSS
n'interviendrait pas en RDA. Or en octobre 1989, des milliers d'allemands de l'Est décident de quitter la RDA
par le biais des ambassades de RFA installés à Varsovie et Prague.
Parallèlement, des manifestations
importantes sont organisées notamment à Leipzig. Erich Honecker est remplacé le 18 octobre par Egon
Krenz qui tente de négocier en promettant des réformes de structures. Le 8 novembre le gouvernement
démissionne et le 9 novembre est annoncé la fin des restrictions concernant les voyages à l'étranger ainsi que
l'ouverture des frontières.
Des milliers de personnes convergent vers les postes frontières du mur de Berlin
qui s'ouvrent. C'est la fin du mur de Berlin. Des élections libres sont organisées en février 1990 voyant la
victoire des partis d'opposition et l'échec du parti communiste.
Le processus d'unification des deux
Allemagne est lancé : le traité d'unification est signé fin août et l'unification est proclamée le 3 octobre à
minuit. La fin du mur de Berlin et l'unification de la RFA et RDA symbolisent la fin de la séparation de
l'Europe et de la guerre froide.
Bilan
Vers l' hyper-puissance des E.-U.
La fin de la guerre froide et l'implosion de l'URSS sont une incontestable victoire pour les Etats-Unis : ils
sont dans une situation unique de puissance dominante à tel point qu'on parle d'hyper-puissance : ils n'ont
plus de rivaux.
Vers une Europe nouvelle ?
La fin de la guerre froide marque également une étape cruciale pour l'Europe : elle va désormais pouvoir se
construire plus largement. D'ailleurs, très rapidement des négociations s'ouvrent entre l'Union européenne et
les états d'Europe de l'Est.