Chapitre 1 : Les fondements des Etats de la région : Etats, territoires, cultures et sociétés

Introduction

Le Moyen-Orient est une question de représentations. Il a été « créé (...) en tant qu’entité géopolitique » comme le souligne Leyla Dakhli (Histoire du Proche-Orient contemporain, La découverte 2015). Dans son livre paru en 2021, Jean-Pierre Filiu choisit comme titre au sujet du Moyen-Orient « Le milieu des mondes » avec l’idée d’une région qui est une passerelle entre Asie, Afrique et Europe. Pierre Blanc et Jean-Paul Chagnollaud (Atlas du Moyen-Orient, éditions Autrement 2016) se demande « Quel Moyen-Orient ? » car « la définition du périmètre de la région n’a cessé de varier. » (voir plus bas). Dans le dictionnaire de géopolitique de la collection Hatier (2021) « pensé, imaginé et défini par l’Europe comme lieu de passage et réservoir de ressources à contrôler, le Moyen-Orient s’est construit dans un rapport de force polémique permanents. » Est également mis en exergue « un espace fantasmé, construit et instrumentalisé. » Une partie de ce Moyen-Orient correspond (mais une partie seulement) au monde arabe : Didier Billion met d‘ailleurs en avant « des mondes arabes » (Géopolitique des mondes arabes, éditions Eyrolles, 2018). Le Moyen-Orient est également à relier à l’islam sachant que tous les habitants de la région ne sont pas néanmoins musulmans. Il est aussi à lier avec l’essor de l’islamisme (islam radical ou islam politique). Ce Moyen-Orient est perçu comme fragile et chaotique avec des conflits récurrents et ce qu’on nomme depuis le 19e siècle « la question d’Orient. ». 
Ainsi, Un Moyen-Orient des guerres sans fin est le titre de la Revue Questions internationales de septembre 2020. A l'automne 2017, la revue Conflits publie un hors-série dont le titre est: Décomposition et recomposition du Moyen-Orient, le terme décomposition renvoyant à ce Moyen-Orient chaotique. Des auteurs comme Pierre Blanc et jean-Paul Chagnollaud dans leur Atlas du Moyen-Orient (éditions Autrement: 2016) mettent l'accent sur les violences de cette région du monde: leur Atlas a d'ailleurs comme titre complémentaire: aux racines de la violence. Cette région fait également régulièrement la une de l'actualité par ses conflits comme celui en Syrie (depuis 2011), le conflit entre Israéliens et Palestiniens, Daech et son expansion aujourd'hui freinée, la guerre au Yémen... Mais le Moyen- Orient, c'est aussi des états riches comme le sont les pétro-monarchies du Golfe, au coeur de l'économie mondiale et de la mondialisation. Certains Etats ont un haut niveau de développement. La réalité du Moyen-Orient est donc également complexe. 

 -Définitions géographiques des espaces étudiés: 

 Le Proche et Moyen-Orient sont des espaces à définir géographiquement. Leyla Dakhli (Histoire du Proche-Orient contemporain, La découverte 2015) évoque au sujet du Moyen-Orient « un monde médian » entre Europe et Asie. Florian Louis (Atlas Historique du Moyen-Orient, éditions Autrement 2020) met en évidence une « situation exceptionnelle, à la charnière de trois continents et de deux mers ; » Cette région est « au contact des mondes africains, européens et asiatiques. »Les notions de Proche et Moyen-Orient sont assez vagues (entre 7 et 8 millions de km carré): elles varient selon l'appartenance géographique de celui qui les définit. L'expression Moyen-Orient, qui vient de l'anglais Middle East, est une expression utilisée au début du 20e s par un américain : A.Mahan. Cette expression à l'époque englobe la péninsule arabe et le golfe arabique ou persique, la Mésopotamie (actuelle Irak) et la Perse alors que le Proche-Orient désigne les territoires du Levant (Liban...), l'Egypte, la Turquie. 
 Depuis la seconde guerre mondiale, le Proche-Orient pour les Français désignent l'espace allant de la Turquie à l'Egypte avec une proximité par rapport à la mer Méditerranée: cette expression était déjà utilisée à la fin du 19e en remplacement du terme Levant. Le Moyen-Orient désigne l'Orient arabe auquel dans certains cas on ajoute l'Iran, la Turquie voire l' Afghanistan. Le Maghreb pour les Français est exclu de cette perception. On peut signaler que pour les Américains, le Moyen-Orient va du Maroc au Pakistan dans une vision géopolitique très englobante. 
Au 21e siècle comme le rappelle Henry Laurens (Le Monde hors-série : Le Moyen-Orient en cartes, 2020) « l’usage au XXIe siècle est de dire en français « Afrique du Nord/Moyen-Orient (Anmo) et en anglais « Middle East and North Africa » (Mena) C’est un concept géopolitique. » Les différences d'approche sont logiques: ces notions sont des notions avant tout politiques et non géographiques. On peut aussi utiliser les termes Maghreb et Machrek: Maghreb désignant l'Occident (le couchant) et le Machrek faisant référence à l'Orient (le levant): le “petit Maghreb” comprend le Maroc, l'Algérie et la Tunisie et en incluant la Libye et la Mauritanie on parle de “grand Maghreb”; le Machrek désigne l'ensemble des états arabes de l'Egypte à l'Irak. En fait comme le dit Hamit Bozarslan, le Moyen-Orient est “le produit d'un imaginaire géopolitique”. 
Quelque soit la définition retenue, « le Moyen-Orient est au coeur de notre histoire » comme l’affirme Henry Laurens (Le Monde hors-série : Le Moyen-Orient en cartes, 2020) -Des mondes : le(s) monde(s) arabe(s), le monde turc... et des minorités Le Moyen-Orient c’est aussi des mondes notamment les mondes arabes. Le pluriel s’impose car le (s) monde (s) arabe (s) est complexe même si on relève une certaine unité notamment par la langue qui est fondamentale pour l’identité arabe. Mais ce monde arabe est divers : une majorité d’Arabes sont musulmans mais d’autres sont chrétiens. On peut aussi différencier des spécificités géographiques avec le Maghreb, le Machrek, la péninsule arabe qui ont des particularités leur étant propres. Mais le Moyen-Orient ce n’est pas que le (s) monde (s) arabe (s) : c’est aussi la Turquie et le monde turc avec des minorités turcophones présentes hors de Turquie (en Irak, en Iran...) mais également le monde perse avec l’Iran. Enfin le Moyen-Orient et le Maghreb connaissent aussi la présence de minorités « ethniques » comme avec les Berbères, les Kurdes et bien sûr des minorités chrétiennes, juives ou autres...

1/ Les cadres géographique et culturels


A/ Des contraintes fortes : une géographie entre rareté

 Le Proche et le Moyen-Orient et le Maghreb sont incontestablement marqués par une géographie spécifique dont les déserts et l'aridité sont parmi les caractéristiques majeures. Ces dernières sont des contraintes fortes pour les hommes et les sociétés, des contraintes qui déterminent les organisations sociales mais aussi les mentalités. 

 - Des zones désertiques: une présence fondamentale

  • Les zones désertiques occupent une place importante voire fondamentale au Proche et Moyen-Orient correspondant à un tiers de l'espace. Le désert occupe même une très grande partie de la péninsule arabe : 2 300 000 km carré. Les déserts sont donc très présents: désert du Sinaï dans la péninsule du même nom, désert du Néguev au sud d' Israël (13 000 km carré pour une superficie de 20 770 km carré pour l'état d'Israël), désert du Nefoud dans le nord de la péninsule arabe (environ 90 000 km carré) et de l'Ar Rub'al-Khali (en grande partie localisé en Arabie Saoudite d'une superficie de 650 000 km carré) au coeur de la péninsule arable, désert de Syrie, déserts en Iran (Grand désert salé connu en Iran sous le nom de Dasht-e Kavir) et désert du Dasht-e lut dans l'Est iranien ( 51 000 km carré)...
  •  La présence du désert est aussi vrai pour le Maghreb avec le Sahara dont la présence est forte notamment en Algérie ou en Libye. On peut rappeler que le Sahara est tout de même un lieu de passages et d’échanges entre l’Afrique subsaharienne et l’Afrique du Nord. 

 -Une aridité ayant un fort impact sur les sociétés et les Etats 

  • A ces déserts correspondent une forte aridité avec des précipitations faibles, des températures élevées donc l'eau est rare et précieuse. Ces déserts reçoivent pour certains 50 à 150 mm cube d'eau par an (soit 5 à 10 cm) soit les critères qui définissent une zone aride (de 150 à 500 = zone semi-aride) : les précipitations sont insuffisantes pour assurer le développement de la végétation. En Arabie saoudite, 2% seulement des terres sont cultivables. Cette aridité a des conséquences notables sur les sociétés et états de la région: certains territoires ne sont pas vivables et exploitables (ils sont des angles morts). Il faut ajouter que ces déserts sont par leurs dimensions des obstacles aux communications, au développement agricole... Néanmoins, bien qu'ils soient des obstacles, ils sont aussi un lieu de passages et de communications. Ils font partie intégrante de l'identité de plusieurs populations en particulier pour les populations bédouines c'est-à-dire de ces populations nomades du désert arabe qui ont longtemps vécu de l'élevage. 
  • Ces populations nomades sont aujourd'hui sédentarisées à près de 90% (environ 4 millions d'individus) et sont localisées en Arabie saoudite, en Jordanie, en Israël et en Egypte. De façon générale, le paradigme traditionnel opposant nomades et sédentaires ne fonctionne plus vraiment désormais. Le désert est également fondamental pour l’identité Berbère. Quant aux états, ils doivent prendre en compte et gérer ces espaces qui d'ailleurs peuvent être exploités et aménagés: Dubaï en est un exemple hors norme. Au Maghreb, la majeure partie des richesses de l’Algérie sont au sud dans le désert. Au niveau des représentations, le Moyen-Orient semble être une région “vide”: un vide lié à la présence des déserts et de territoires jugés peu habitables. Cette région semble donc (c'est en grande partie vraie) être peuplée sur ses marges. La densité moyenne est de 47 habitants par km carré mais une telle moyenne a peu de sens puisque les densités sont très variables selon les états: le Bahreïn a une densité de 1 643 habitants au km carré, les densités respectives du Liban, d'Israël et du Qatar sont respectivement de 398, 365 et 168. 
  • Par contre, plusieurs états ont des densités faibles: 48 habitants au km carré pour l'Iran, 47 pour le Yémen, 12 pour l'Arabie saoudite et 10 pour le sultanat d'Oman. Si on analyse le Moyen-Orient dans son ensemble, on repère d'importantes zones peu peuplées et des zones où les densités peuvent être fortes notamment sur les littoraux et le long des fleuves (importance fondamentale de l'eau). Incontestablement, les conditions géographiques expliquent la répartition des populations. Au Maghreb, les populations se concentrent sur les littoraux comme c’est le cas en Algérie pour une densité moyenne faible de plus de 18 habitants au km carré. 
  • La Libye est dans une configuration proche avec une densité encore plus faible inférieure à 4 habitants au km carré et une population très concentrée sur les littoraux. Il est intéressant d'analyser le cas du “croissant fertile”: une expression inventée par un archéologue au début du 20e siècle, James Breasted, pour qualifier une zone géographique allant de l'embouchure des fleuves Tigre et Euphrate jusquà la ville de Gaza soit un ensemble couvrant environ 500 000 km carré. Ce croissant fertile est une zone peuplée de longue date et s'articule autour de deux axes: un axe Est-Ouest allant de Basra en Irak à Deir es Zor en Syrie et un axe Nord-Sud d'Alep en Syrie à Gaza. Le premier axe est fortement peuplé depuis la plus haute antiquité avec des fleuves ayant joué un rôle majeur. Le second axe s'articule autour de villes comme Alep, Damas, Aman (Jordanie), Jérusalem et Gaza formant une ligne de pôles urbains. 

B/ ...et abondance pour une région ayant des atouts importants

Les états de la région ont certes les contraintes des déserts mais ils disposent d'atouts qu'ils tentent de valoriser. 

 -Des façades maritimes essentielles connectées à la mondialisation

  • Plusieurs états ont des littoraux et des ouvertures maritimes (notamment sur l’océan Indien) qui sont utilisés et développés surtout dans le cadre d’économies connectées au monde exportant notamment leurs matières premières. Les états du Golfe ont ainsi des façades maritimes essentielles: celles du Golfe arabique ou persique, façades exploitées et aménagées notamment pour les exportations d'hydrocarbures. Ainsi, l'Arabie saoudite a construit et aménagé des ports modernes : port de Damman ou encore le terminal pétrolier de Ras Tanura où se localisent les sites majeurs de la firme Saudi Aramco; port de Jebel Ali à Dubaï... Le sultanat d'Oman et le Yémen ont une ouverture sur l'Océan Indien, Israël, l'Egypte, la Turquie sur la mer Méditerranée... 
  • Aucun état n'est totalement enclavé: la Jordanie possède certes un seul port celui d'Aqaba mais il est une ouverture, par le golfe d'Aqaba, sur la mer Rouge. Les littoraux jouent aussi un rôle essentiel au Maghreb comme le port de Tanger (Tanger Med) qui est un complexe industrialo- portuaire très important pour l’économie marocaine. De plus comme nous l’avons déjà signalé les populations et les activités se concentrent au Maghreb sur les littoraux : la littoralisation des activités tant au Maghreb qu’au Moyen-Orient est essentielle. 

-Du Nil à l’Euphate : le rôle des fleuves

  • Certaines états et zones géographiques bénéficient néanmoins de la présence de fleuves dont le rôle a toujours été et est encore fondamental. C'est le cas du Nil pour l' Egypte, du Tigre et de l'Euphrate pour la Turquie, la Syrie et l'Irak mais également du Jourdain pour Israël, la Jordanie et la Cisjordanie. 
  • C'est le long des ces fleuves que sont développés les villes et les espaces agricoles.On peut ajouter l'impact des nappes phréatiques également utilisées par les hommes: il existe d'importantes quantités d'eau fossile y compris dans la péninsule arabe. L'eau est bien présente au Moyen-Orient: le problème n'est pas l'absence d'eau mais celui de sa répartition. 

 -Des ressources importantes et des hydrocarbures qui « font la puissance » (J.P Chagnollaud et P.Blanc) voir plus bas

  • Le Moyen-Orient peut compter sur de très importantes ressources en hydrocarbures (pétrole et gaz naturel). Cette région est un « nœud énergétique mondial. » Comme le souligne Pierre Blanc et Jean-Paul Chagnollaud (Atlas du Moyen-Orient), « les hydrocarbures font la puissance » de certains états du Moyen-Orient .Keyvan Piram (Questions internationales Moyen-Orient des guerres sans fin, décembre 2020) met en évidence « une région façonnée par le pétrole » avec une ressource ayant eu « un rôle déterminant dans les dynamiques du Moyen-Orient ». Parmi les principaux producteurs de pétrole en 2020, on trouve l' Arabie saoudite (2e ) derrière les Etats-Unis et devant la Russie, l’Irak en 6e position, les Emirats arabes unis (7e), l'Iran (9e), le Koweït (10e) font partie des principaux producteurs de pétrole (top 10). 
  • Des pays du Maghreb comme l' Algérie ou la Libye sont aussi des producteurs majeurs. De plus, des états comme l'Arabie saoudite, l'Irak, l'Iran sont parmi les états ayant les réserves les plus conséquentes. En ce qui concerne le gaz naturel, l'Iran, le Qatar, l'Arabie saoudite figurent parmi les producteurs les plus importants. 
  • L' Algérie est quant à elle le 10e producteur mondial de gaz naturel. Plusieurs états ont par le biais des ressources en hydrocarbures et/ou en gaz naturel des atouts notables qui ont permis un réel développement et ont contribué et contribuent encore à l’insertion dans la mondialisation. Ces ressources contribuent à la puissance de plusieurs Etats pour lesquelles elles sont indispensables : elles permettent de financer notamment la défense et les armées. 

C/ Les héritages fondamentaux d’une région à l’histoire riche et complexe 

Quels sont les héritages fondamentaux permettant de comprendre le Moyen-Orient? Quelles sont les différentes dimensions culturelles d’une région prise entre « unité et diversité » ? (Didier Billion : Géopolitique des mondes arabes, 2018) En quoi les sociétés du Moyen-Orient sont complexes ? 

 a/ Le poids du religieux et des religions 

  • C'est une région qui a vu la naissance et le développement du monothéisme et des religions monothéistes. Le judaïsme, le christianisme et l'islam sont nés, se sont affirmés au Proche- Orient puis ont connu une diffusion hors de leur région d'origine d’où l’idée d’une région qui est un « berceau » en l’occurrence de certaines religions devenues incontournables. Le peuple hébreu est un peuple sémitique du Moyen-Orient dont les origines géographiques restent vagues et sujettes à discussion. 
  • Ce peuple se retrouve sur la terre de Canaan (entre le fleuve Jourdain et la Méditerranée): un peuple qui progressivement adopte un système religieux monothéiste: le judaïsme. C'est dans le cadre d'une Palestine juive contrôlée par les Romains qu'apparaît ce qu'on va par la suite appelé le christianisme lié à Jésus. 
  • Cette religion nouvelle (1er-3e siècles pour ses premiers développements) se propage d'abord au Proche-Orient puis vers l'ensemble du bassin méditerranéen y compris en Afrique du Nord. Enfin, l'islam est une pensée et un système religieux qui sont nés en Arabie au VIIe siècle par l'intermédiaire du Prophète Muhammad. L'islam se diffuse d'abord dans la péninsule arabe puis vers le Maghreb, l'Asie mineure, la Perse (actuelle Iran)... 
  • Le Proche et Moyen-Orient est donc le foyer de naissance de religions devenues notamment pour le christianisme et l'islam universelles : des religions dont aujourd'hui la majorité des croyants ne sont plus originaires de cette région (la majorité des musulmans vivent en Asie et l’Afrique et l’Amérique latine deviennent le coeur du christianisme). 

 -le Proche-Orient : lieu de naissance du judaïsme et du christianisme

  • En tant que lieu de naissance du judaïsme et du christianisme, le Proche-Orient revêt une importance particulière pour ces deux religions. Pour les communautés juives, il s'agit pour une partie de ces territoires à savoir la Palestine d'une terre promise (promise par Dieu) avec une ville fondamentale à savoir Jérusalem. L'attachement à la terre est de ce fait une dimension clé pour les Juifs. Pour les chrétiens, Jérusalem est le lieu de la crucifixion et de la résurrection du Christ d'où l'importance accordée aux lieux dits saints. 

 -l'islam : une religion incontournable 

  • L'islam a eu et a encore un fort impact sur le Proche et Moyen-Orient. L'islam est une religion qui est née dans la péninsule arabe au VIIe siècle. Elle a connu une forte expansion peu après la mort du prophète Muhammad en 632 notamment sous les premiers califes. Cette expansion est liée à des motifs aussi bien religieux qu'économiques et aboutit à la formation d'une civilisation arabo- musulmane. Il faut néanmoins rappeler que l'islam s'est clivé en différentes branches: un clivage s'expliquant surtout pour une querelle d'ordre politique à savoir la succession du prophète. 
  • Une grande partie des musulmans sont sunnites (à plus de 80%): leur foi a pour fondements le Coran, les dits du prophète ou hadiths qui ont donné naissance à la sunna ou tradition. Les sunnites se regroupent en 4 écoles juridiques (madhhabs) et rites juridiques: le rite malékite présent au Maghreb, en Afrique noire en particulier; le hanafisme présent en Asie (Pakistan, Turquie, Inde...); le chaféisme présent en Indonésie et le hanbalisme lié à l'Arabie saoudite. L'école malékite (fondateur Ibn Anas au 8e siècle) met l'accent sur l'importance des coutumes locales à condition qu'elle ne s'oppose pas au Coran et les règles juridiques sont établies selon l'intérêt général en sa fiant à l'opinion personnelle et au raisonnement par analogie. L'école hanafite (fondée par Abu Hanifa au 8e siècle) se caractérise par une place accordée à la raison et au jugement personnel et de ce fait est perçue comme l'école la plus libérale. L'école chaféite (créée par al-Shafi aux 8e-9e siècle) valorise la sunna et le consensus au sein de la communauté. 
  • L'école hanbalite(fondée par Ibn Hanbal au 9e siècle) est considérée comme l'école la plus rigoriste car fondée sur une interprétation littérale du Coran. Il existe une minorité importante (voir plus bas): les chiites eux mêmes scindés en plusieurs branches. Ils ont rompu avec les sunnites affirmant que la succession du prophète devait revenir à son gendre: Ali et non aux Califes. 
  • Les chiites croient en une lignée d'imams et ils se divisent sur le nombre d'imams de cette lignée. La communauté la plus importante est celle des chiites duodécimains (lignée de 12 imams) qui sont dominants en Iran et en Irak; puis, il existe les chiites ismaéliens reconnaissant 7 imams présents au Pakistan et en Inde; les chiites zaydites reconnaissants 5 imams sans oublier des communautés particulières liées au chiisme que sont les alaouites (Syrie), les alévis (Turquie) ou encore les druzes (Liban, Israël). Un dernière communauté très peu nombreuse est celle des Kharidjites (ou ibadites) présents en Algérie (région du Mzab), dans le sultanat d'Oman où ils sont d’ailleurs majoritaires. L'islam est aussi relié à une terre sainte: la terre arabe notamment à la ville de la Mecque, lieu du Hadj, un pèlerinage qui est une des obligations de tout musulman, à Médine et de façon plus globale, l'Arabie est une terre sainte. Jérusalem revêt également une grande importance (elle serait le lieu d'un voyage céleste du prophète). L' islam ayant dominé cette région et la dominant encore en grande partie, son impact est très important par l'architecture, les lieux saints (ne pas oublier les lieux saints chiites: Kerbala, Nadjaf en Irak, Qom en Iran...). Par l'intermédiaire de l'islam, une grande partie des habitants du Moyen-Orient ont une culture partagée liée notamment à la langue arabe, à la religion. 

 b/ Des histoires complexes et connectées

  • L'histoire de cette région est complexe: elle s'étend sur une très longue durée. C'est une terre de migrations, de conquêtes, de brassages ce qui rend son histoire particulière et tumultueuse. Florian Louis rappelle que « plusieurs millénaires avant notre ère, le Moyen-Orient a vu se produire des révolutions anthropologiques à portée universelle » dont « la domestication des plantes et des animaux (...) donnant naissance à des villages dont certains finirent par devenir des villes. » C’est aussi au Moyen-Orient que l’écriture a été inventée et que nous sommes passés « de la cité-état à l’Empire. » L’État est né au Moyen-Orient (et en Chine). 

-une région d'Empires 

  • Le Proche et Moyen-Orient est une terre d'Empires et ce depuis la plus haute Antiquité avec des « strates civilisationnelles » (Florian Louis très anciennes. Les Empires de Sumer, de Babylone, d' Egypte ont marqué l'histoire ancienne: les empreintes de ces empires sont d'ailleurs toujours présentes. Mais c'est également un espace conquis par des Empires extérieurs à la région : Alexandre le Grand et les Macédoniens (le Moyen-Orient a été en partie hellénisé), Empire Romain puis Empire Byzantin qui eux aussi ont laissé des traces (villes d'Alexandrie, d'Iskenderun par exemple pour Alexandre le Grand). Le Maghreb a également été sous l’influence impériale dont celle de l’Empire romain puis a été conquis et sous l’influence arabe avec les conquêtes arabo-musulmanes . 

-et des héritages majeurs: héritage arabe, héritage ottoman, héritage musulman 

  • Mais deux Empires ont laissé une empreinte encore plus importante car toujours vivante aujourd'hui: l'Empire arabe et l'Empire ottoman.Il faut dans cette optique mettre en avant deux phénomènes essentiels que sont l’arabisation et l’islamisation du Moyen-Orient. C’est par ces phénomènes que la langue arabe s’est notamment diffusée. 
  • Soulignons néanmoins qu’à partir des 15e et 16e siècles, ce sont certes deux peuples islamisés qui dominent la région à savoir les Turcs et les Perses mais ces deux peuples ne sont pas des peuples arabes. L'Empire arabe s'est forgé au 7e siècle notamment avec deux dynasties: celle des Omeyades qui avait chois Damas pour capitale et les Abbassides dont la capitale était Bagdad (une ville fondée en 762 par le calife Al-Mansur). Damas et Bagdad, deux villes actuellement en situation difficile, furent un temps des capitales d'un Empire majeur, des capitales à la fois politiques et culturelles. Cet Empire arabe par sa puissance a organisé un réseau urbain, dynamisé des villes qui sont encore des villes d'importance: Le Caire (en 969), Fès au Maroc (789) ou encore Kairouan en Tunisie ( 670). La période 660-1258 est considérée comme un âge d'or de la civilisation arabo- musulmane avant qu'il y ait un réel déclin dont profitent les Ottomans. En effet, l'autre empire marquant est l'Empire Ottoman qui domine le Proche et Moyen-Orient de 1453 à la fin de la Première guerre mondiale. 
  • Comme le souligne Jean-Pierre Filiu (Le milieu des mondes, 2021), il s’agit d’ « un empire des mers et des terres ». Dans sa plus grande extension, il contrôlait l'actuelle Turquie, une grande partie du Moyen-Orient (jusqu'en Iran et les littoraux de la péninsule arabe), l'Egypte, le Maghreb (à l'exception du Maroc). On peut aussi rappeler son extension en Europe (Balkans, une grande partie de la Hongrie, la Crimée...). C'est un Empire qui a produit une organisation politique et administrative divisant la région en provinces appelées vilayets: certaines frontières actuelles sont des frontières de ces vilayets (frontières entre la Syrie et l'Irak par exemple), regroupant les minorités religieuses en millets (ces derniers ont participé à la différenciation et au cloisonnement des communautés religieuses et ethniques). 
  • Cet Empire Ottoman a éclaté suite à la Première guerre mondiale et c'est sur ses décombres qu'a été organisé un Proche et Moyen-Orient sous domination occidentale. Comme le disent Pierre Blanc et Jean- Paul Chagnollaud (l'invention tragique du Moyen-Orient, éditions Autrement, 2017): “L'invention du Moyen-Orient contemporain date de la Première guerre mondiale et de l'effondrement de l'Empire ottoman” avec des frontières imposées notamment par la France et le Royaume-Uni. L'Empire ottoman a marqué la région tant par une longue existence que par son éclatement. Les états de la région ont donc bien une histoire commune partageant pour nombre d'entre eux des références partagées. 

 c/ Le PMO : une pluralité culturelle

Les territoires et états du Proche et Moyen-Orient mais également le Maghreb sont constitués de plusieurs peuples aux langues diverses ainsi que des minorités nombreuses. Le Moyen- Orient contrairement à une représentation inexacte n'est pas seulement un Moyen-Orient arabe: la diversité des peuples et des religions est réelle. 

 -Une mosaïque de communautés et d’identités 

  • On peut distinguer trois grands ensembles ethno-linguistiques au Moyen-Orient: l'ensemble arabe (300 millions d'individus parlent arabe Maghreb compris); l'ensemble turc avec les langues dites ouralo-altaïques (Turcs, Tukmènes, Azéris...) et l'ensemble perse (les Perses sont un peu plus de 70 millions. Le Moyen-Orient est donc un carrefour de cultures comme le montre la diversité des minorités. C'est l'ensemble arabe avec sa culture et sa religion qui a laissé l'empreinte géographique la plus importante de la péninsule arabe jusqu'au Maroc. 
  • Les Turcs ont dominé un territoire très important mas n'ont pas procédé à un véritable mouvement de colonisation même si on peut trouver des minorités turcophones au Proche et Moyen-Orient . L'aire culturelle arabe est donc importante, la plus importante du Proche et Moyen-Orient avec la langue arabe au fondement de cette aire. Ce qu’on nomme l’arabité est essentielle pour comprendre une grande partie du Moyen-Orient. La langue arabe est une langue particulière car elle est la langue de la révélation du prophète. On peut faire remarquer qu'il existe de nombreux dialectes avec un arabe classique qui n'est pas toujours maîtrisé. Dans cette aire culturelle arabe se sont maintenues d'autres langues comme l'araméen ou le syriaque utilisée dans certaines communautés chrétiennes. Pour Didier Billion, « le critère linguistique n’est totalement satisfaisant pour définir ce qui constitue l’unité du monde arabe. »
  •  En fait, ce qui unit les Arabes relève de la « conscience d’un passé commun, de luttes menées contre les oppressions étrangères... » avec surtout un « sentiment d’arabité » Les mondes arabes vont de la Mauritanie au Maghreb et comprennent le Soudan (en grande partie) et bien sûr la péninsule arabe ( de la Syrie au Sultanat d’Oman). Il faut insister sur la diversité du monde arabe d’où un pluriel nécessaire avec des « mondes arabes « (Didier Billion). Didier Billion évoque en particulier « une unité très diversifiée » de ce monde arabe. C’est d’ailleurs logique car le monde (les mondes arabes) arabe, c’est environ 400 millions d’individus (sur 13 millions de km carré). Il faut souligner que le monde arabe ne se résume pas à l’islam même si cette religion est fondamentale pour une majorité d’Arabes. En effet, certains Arabes sont chrétiens (Maronites du Liban, Coptes en Egypte...) : on utilise le terme de « chrétiens d’Orient ». 

 -Les minorités : une dimension importante du PMO

  • Il existe en effet plusieurs minorités ethniques dont certaines importantes comme les Berbères au Maghreb, les Kurdes... On peut aussi évoquer les minorités confessionnelles. C'est le cas des Kurdes dont la présence dans la région remonte à l'Antiquité: ils sont plus trente millions sur quatre états: la Turquie (14 à 15 millions) , l'Iran (6 à 7 millions), l'Irak (6 millions) et la Syrie ( 2,8 millions). Il existe toujours une minorité arménienne en Iran ( 600 000), en Syrie ( 190 000), au Liban ( 140 000)... On trouve aussi des minorités issues du Caucase comme les Tcherkesses en Turquie, en Jordanie, en Egypte (y compris en Israël) ou des Azéris (en Iran). L' Iran est un bon exemple de la présence de minorités: Azéris, Baloutches, Turkmènes, Arabes, Circassiens... Les Kurdes sont un cas intéressant car il s'agit d'une minorité numériquement importante entre 25 et 30 millions d'individus vivant « au carrefour de quatre pays (Turquie, Iran, Irak et Syrie. » (Didier Billion). On évoque souvent une question kurde qui n’est toujours pas réglée avec un peuple implanté dans des pays qui sont très différents les uns des autres. 
  • Les Kurdes ne sont ni arabes ni turcs; ils sont les descendants de tribus de langue iranienne qui se sont implantés dans les régions qu'ils occupent désormais il y a fort longtemps (Antiquité). Ils se répartissent sur notamment 4 états: en Turquie où ils sont environ 13 à 14 millions (20% de la population du pays); en Iran où ils sont au nombre de 6 millions (9% de la population), en Irak où les Kurdes représentent 4 millions de personnes (20% de la population) et 1 million en Syrie (6% de la population). Certains Kurdes sont aussi présents dans les anciennes républiques soviétiques (environ 300 000). Ils se sont convertis à l'islam sunnite à la fin du 7e siècle et au début du 8e siècle. Les Kurdes parlent plusieurs dialectes dont le kurdmanji et le sarani (ce dernier est la langue officielle dans le Kurdistan irakien): il n'existe donc pas une langue kurde partagée même si les dialectes peuvent avoir des proximités. 
  • Dans le cadre de l'Empire ottoman, les Kurdes ont accepté le pouvoir des sultans en contrepartie d'une certaine autonomie. Ce qu'on appelle la question kurde émerge surtout après la Première guerre mondiale suite au démembrement de l'Empire ottoman. L'idée d'un Kurdistan est émise mais les puissances vont d'une manière ou d'une autre mettre un frein à un Kurdistan indépendant. Les Britanniques veulent le contrôle de la région de Mossoul riche en pétrole mais dans une région à dominante kurde: le mandat qu'ils obtiennent sur cette région rend un Kurdistan impossible dans cette zone géographique; La Turquie s'oppose à un Kurdistan afin de maintenir “son” intégrité territoriale... Se développe toutefois un nationalisme kurde et ce dès les années 1920 sans que cela n'aboutisse à la naissance d'un état kurde au moins pour le moment. Toutefois, on peut faire remarquer que les Kurdes d'Irak disposent d'une importante autonomie dans l'Irak d'aujourd'hui. Signalons que dans les cas irakien et syrien et ce dans le cadre des guerres civiles que ces deux pays connaissent les forces kurdes sont devenus des acteurs importants dans ces deux pays notamment en Irak. Aux minorités ethniques, il convient d'ajouter les nombreuses minorités religieuses (minorités confessionnelles). Didier Billion parle dans le monde arabe en particulier de « minorités confessionnelles affaiblies ».
  •  Il existe tout d'abord au sein même de la majorité musulmane des minorités. L'islam s'est divisé dès les, premiers temps (schisme de l'islam en 661) en deux grandes branches: les sunnites, majoritaires dans le monde musulman et les chiites (environ 12% à 15% des musulmans dans le monde soit 200 millions de chiites). Les chiites sont eux-mêmes divisés en plusieurs communautés ce qui complexifie l'analyse de cette communauté. Un certain nombre sont arabes mais pas tous comme les chiites iraniens. Les différences entre chiites sont fondées sur des différences dans la lignée des imams auxquels il faut adhérer. On peut distinguer les chiites duodécimains ou imamites (reconnaissance d'une lignée de 12 imams) qui sont les plus nombreux (150 millions) et sont majoritaires en Iran (85% de la population soit 60 millions), en Irak mais forment des minorités en Arabie saoudite et dans les monarchies du Golfe. Les chiites ismaéliens ou septimain (reconnaissance de 7 imams) sont peu nombreux environ 15 millions et surtout présents au Pakistan et en Inde mais aussi en Syrie et au Yémen. Les chiites zaydites ou quintimain (reconnaissance de 5 imams) sont présents au Yémen et sont majoritaires dans le nord (province de Sa'adah): les Houthis actuellement en guerre au Yémen sont des Zaydites. Sont également issus du chiisme, les minorités alaouites et druzes : elles ne sont pas considérées comme musulmanes par les sunnites et même par de nombreux chiites. Les Alaouites sont présents en Syrie (10 à 12% de la population) et en faible nombre au Liban et en Turquie. Quant aux Druzes, une scission de l'ismaélisme, ils sont de langue arabe, se répartissent entre la Syrie (350 000), le Liban (environ 300 000), Israël (35 000) et la Jordanie (10 000). 
  • Les Alévis se rattachent également au chiisme et constituent une minorité importante en Turquie entre 10 et 15 millions. Enfin, une communauté atypique est présente dans le sultanat d'Oman où sa doctrine est officielle (en Algérie et en Libye également), les Kharidjites ou Ibadites : il s'agit d'une faction apparue au 7e siècle. Aux minorités musulmanes, se greffent les minorités chrétiennes environ 10 millions de chrétiens dont 8 millions d'orthodoxes et 2 millions de catholiques. La présence de ces minorités est très ancienne puisqu'elles remontent aux origines du christianisme. Ces minorités appartiennent à des Eglises orientales, se concentrent surtout en Egypte, en Syrie, au Liban et en Irak. Elles sont soit des Eglises catholiques comme les Maronites du Liban, les Melkites en Syrie, l'Eglise arménienne catholique, l'Eglise syrienne catholique ou les Chaldéens en Irak soit orthodoxes comme les Coptes en Egypte ou les communautés grecque orthodoxe de Syrie et du Liban, arménienne, syrienne dite jacobite ou encore l'Eglise assyrienne. Ces Eglises sont toutes en situation de minorités: la minorité copte en Egypte est néanmoins assez nombreuse (environ 7 millions de coptes). Les autres communautés peuvent être numériquement très faibles: 78 000 catholiques syriens, 75 000 membres de l'Eglise assyrienne...
  •  Il faut noter que ces Eglises sont en recul: les événements politiques de ces dernières années expliquent des mouvements migratoires importants. Ainsi en 30 ans, plus de 1 million de maronites ont quitté le Liban, il ne reste plus que 20 000 chrétiens à Jérusalem contre 120 000 en 1980... Enfin, pour clore un panorama particulièrement complexe, on peut évoquer l'existence d'autres communautés religieuses comme la minorité juive dont iI reste quelques micro-communautés en Iran ou en Turquie, la minorité des Yézidis dont la religion relève du syncrétisme et qui est une minorité kurdophone présente en Irak (500 000 personnes et une des croyances religieuses les plus ancienne de la région) en Syrie et en Turquie, les Zoroastriens présents en Iran (200 000 dans le monde) ou encore les Bahaïs. Le bahaïsme est un système religieux fondé au 19e siècle par un perse : les Bahaïs seraient environ 7 millions dans le monde dont 300 000 en Iran où ils ne sont pas reconnus comme minorité avec les droits afférents. 
  • Dans le cadre des minorités, on peut s'interroger sur le rôle des zones de montagnes comme des lieux de refuge de minorités, des zones en marge des pouvoirs en place. Les zones de montagnes du Moyen-Orient sont depuis longtemps des zones de refuge car à l'écart des pôles urbains et de pouvoir, parfois éloignées des littoraux qui jouent un rôle majeur de concentration des activités et aussi des pouvoirs. Ces zones ont souvent la particularité d'être difficiles à contrôler étant en plus en dehors des axes de communication majeurs. Ainsi, des groupes religieux ou en marge de la religion dominante et officielle se sont regroupés dans de telles zones. L'un des exemples sont les populations kurdes mais aussi une secte très particulière au 11e-13e: celle des Hashishin (secte des Assassins), un mouvement en marge de l'islam sunnite. Les Druzes (montagne libanaise), les Alaouites sont aussi des communautés de montagnes. Enfin , il faut mettre en évidence l'existence d'importantes diasporas comme les diasporas turque; kurde ou encore arabe sans oublier les diasporas de nature religieuse. Ainsi s'est formée une diaspora de chrétiens d'Orient notamment parce que de nombreux chrétiens d'Orient ont dû fuir les régions dans lesquelles ils vivaient (guerres et persécutions comme les chrétiens d'Irak et de Syrie). Bilan sur l'unité et les minorités : Maghreb: Dans cette région, le sunnisme est nettement majoritaire. Par contre, il y a une diversité ethnique avec en particulier des Berbères. L’Algérie compte environ 10 millions de Berbérophones ; le Maroc environ 20 millions...Ils sont aussi présents en Libye et en Tunisie mais y sont peu nombreux. Les Berbères sont les premiers habitants du Maghreb et ont une culture propre (une langue notamment le tifinagh...) 
  •  Egypte: L 'Egypte est à majorité musulmane sunnite mais est présente une minorité chrétienne à savoir les coptes (10% de la population). Péninsule arabe: La majorité des habitants de cette péninsule sont arabes et sunnites. On trouve toutefois des minorités chiites y compris en Arabie saoudite dans la région du Hasa, au Bahreïn où ils sont d'ailleurs majoritaires. Dans le sultanat d'Oman ce sont les Ibadites qui sont majoritaires sans oublier la minorité zaydite présente dans le Nord du Yémen (connue aussi sous le nom d ’Houthis) Liban: La population libanaise est arabe à majorité musulmane soit chiite (les plus nombreux) soit sunnite. Les chrétiens sont présents avec plusieurs obédiences: chrétiens maronites (les plus nombreux), chrétiens grecs orthodoxes... Le Liban compte aussi une minorité druze. 
  •  Syrie: La majorité des Syriens sont des sunnites mais il existe des groupes minoritaires dont les alaouites (10 à 12% de la population). La famille Assad est d’ailleurs alaouite.Plusieurs communautés chrétiennes sont présentes en Syrie. Les Syriens sont majoritairement arabes mais certains Syriens sont kurdes et arméniens. Iran: L'Iran est à dominante chiite avec une population majoritairement perse. Par contre, il existe de nombreuses minorités ethnolinguistiques: kurdes, baloutches, azéris, turkmènes ainsi qu'une minorité arabophone (région du Khouzistan). Sont aussi présentes des minorités religieuses: sunnites, zoroastriens, chrétiens, juifs et des membres de la religion bahaïe. Turquie: La Turquie est majoritairement sunnite avec une importante minorité chiite qui est celle des alévis (15 à 20 millions). La minorité ethnolinguistique kurde représente une part notable de la population. Irak: En Irak, les chiites sont majoritaires et les sunnites minoritaires. L'Irak est composée de kurdes mais aussi d'autres minorités ethniques: turkmènes, tcherkesses. Israël: L'état israélien se compose de Juifs (majoritaires) et d' Arabes soit musulmans soit chrétiens. On note également la présence d'une minorité peu importante de druzes..
Chute de l'Empire Ottoman

2/ Etats et sociétés: permanences et changements


Les sociétés et états tant au Proche et Moyen-Orient ont des caractéristiques et des spécificités. La construction des états est récente et ces états doivent tenir compte de logiques internes liées aux structures sociales et politiques antérieures. Les Etats tant du Maghreb que du Moyen-Orient sont récents : ils sont nés pour certains suite à l’éclatement de l’Empire ottoman ou suite au processus de décolonisation. Il a donc fallu à la fois consolider les nations et construire les Etats. 

 A/ La construction des états du PMO : une histoire tourmentée 

 Comment se sont crées et organisés les états du PMO ? Quelles sont leurs logiques de fonctionnement ? Au Proche et Moyen-Orient, l'émergence des états est récente: les états sont nés de l'éclatement de l'Empire ottoman et du processus de décolonisation. 

a/ Proche et Moyen-Orient : de l'éclatement de l'Empire ottoman à l'après 

Deuxième guerre mondiale: un Moyen-Orient reconfiguré par les puissances occidentales Le Proche et Moyen-Orient ont connu un Empire arabe de 660 à 1258 avec en particulier les dynasties omeyades et abbassides avant la domination ottomane (voir plus haut) 

 -Le « choc de l’Occident » (Florian Louis).

  • A partir de la fin du 18e siècle et de la première moitié du 19e siècle, le Moyen-Orient c’est-à-dire l’Empire ottoman mais aussi le Maghreb sont confrontés à l’Occident et à l’expansion coloniale avec « les ingérences occidentales » (Jean-Pierre Filiu) de plus en plus nombreuse. Se développe notamment au 19e siècle ce qu’on nomme la question d’Orient que Jean-Pierre Filiu préfère nommer la « question d’Occident » puisque les puissances occidentales vont de plus en plus peser sur cette partie du monde. Le premier choc est ce que Florian Louis nomme « le moment français « notamment avec l’expédition d’Egypte de Bonaparte en 1798. 
  • La France un peu plus tard entreprend également la conquête de l’Algérie ( à partir de 1830), une Algérie annexée par l France en 1848. Dans les années 1850, la France intervient au Liban notamment pour protéger les Chrétiens de cette région appartenant alors à l’Empire ottoman (intervention militaire en 1860). Un autre acteur de l’impérialisme européen au Moyen-Orient (le principal acteur même) est le Royaume-Uni. 
  • Les Britanniques vont prendre dans les années 1880 le contrôle de l’Egypte (en 1882) et s’implantent dans le Golfe arabo-persique, une zone jugée essentielle pour les Britanniques car sur le routes des Indes.En 1839, les Britanniques occupe le port d’Aden, un port stratégiquement important puis ils vont pacifier une partie du littoral du Golfe en 1853 ce que les Britanniques vont nommer les états de la Trêve à savoir un groupe d’émirats dont Abu Dhabi, Dubaï, Charja... avant de contrôler en 1899 l’émirat du Koweït. Ce que Jean-Pierre Filiu nomme le « cycle d’expansion coloniale » se termine en 1911 par l’annexion de la Libye par l’Italie. L’Empire Ottoman et les Arabes sont ainsi confrontés à un Occident de plus en plus présent et dominateur. En réaction à ce poids grandissant de l’Europe, les Ottomans vont réagir en voulant moderniser leur Empire afin de résister aux puissances européennes alors que dans le monde arabe certains penseurs vont vouloir s’adapter à la modernité (mouvement de la Nahda) tout en voulant mettre en avant l’identité arabe, une identité en opposition avec l’Empire ottoman qui domine les Arabes. 

-L'éclatement de l'Empire ottoman : un temps fort pour un Moyen-Orient repensé 

  • Le démembrement de l'Empire ottoman (un Empire appelé “l'homme malade de l'Europe” au 19e siècle) à la fin de la première guerre mondiale suite au traité de Sèvres d'août 1920 puis de Lausanne en 1923 est l'élément capital dans la reconfiguration du Proche et Moyen-Orient. L' Empire ottoman avait en effet dominé une grande partie de la région: son éclatement ne pouvait que changer la donne politique et géopolitique. Certes les Européens avaient commencé à influer sur cette région. L' Egypte est ainsi occupée par les Britanniques dès 1882 afin notamment de contrôler le canal de Suez, voie de communication importante vers l'Asie et l'Inde en particulier. 
  • Le Royaume-Uni avait déjà pris le contrôle en 1839 d' Aden puis du Koweït et du sultanat d'Oman autant de points d'appui sur la route des Indes (voir plus haut). Mais la défaite ottomane va modifier en profondeur la situation. La puissance ottomane est réduite à la Turquie dite moderne qui ne garde qu'une présence réduite en Europe et est centrée sur l'Anatolie. La Turquie moderne de Mustapha Kémal au pouvoir en 1922 est une rupture: elle est une République et le califat est supprimé en 1924. Avec le traité de Sèvres signé en 1920, la Turquie est réduite à une portion congrue: elle est en partie occupée par les Français qui contrôle administrativement la Cilicie, la Grèce obtient la Thrace orientale et la région de Smyrne (celle-ci est en fait sous administration de la Grèce mais sous souveraineté ottomane et devra choisir par référendum son destin. Le sursaut provoqué par la prise du pouvoir par Mustapha Kemal permet le remplacement du traité de Sèvres par celui de Lausanne en 1923: la Turquie récupère la Cilicie, la Thrace orientale et la région de Smyrne et ce traité est l'acte de naissance véritable de la Turquie moderne. 
  • La Turquie est réduite à 780 000 km carré et Mustafa Kemal fait de cette Turquie une République. Ankara, au coeur du pays, devient la capitale et le nouveau régime procède à une série de réformes: abolition du califat en 1924, instauration d'un régime républicain et laïc... Le Moyen-Orient est quant à lui partagé en partie entre la France et le Royaume- Uni sous la forme de mandats de la Société des Nations. On peut parler du « temps des mandats » (Jean- Pierre Filiu) Ces deux pays se partagent le Moyen-Orient arabe. La France a un mandat sur la Syrie: une Syrie qu'elle divise en créant le Liban.
  •  Il s'agit pour les Français de mettre en place un état chrétien. En 1939, la France donne la zone d'Alexandrette à la Turquie: une région à l'origine syrienne. Le Royaume-Uni a un mandat sur la Palestine et la Mésopotamie. Cette dernière recèle d'importants gisements pétrolifères: elle devient en 1932 par la volonté des Britanniques, l'Irak. Le Royaume-Uni est à l'origine de la création de la Transjordanie en 1921 par le biais d'un émirat sur la rive gauche du fleuve Jourdain. En ce qui concerne la Palestine, les Britanniques ont, par la déclaration Balfour en 1917, promis un “foyer national” aux communautés juives. Ces mandats rendent impossible la création d'un grand royaume arabe comme certains Arabes l'avaient imaginé pendant la guerre suite à des promesses britanniques non tenues. En effet, les Britanniques avaient promis aux Arabes et en particulier au chérif de la Mecque: Hussein ben Ali, l'indépendance par rapport à l'Empire ottoman dans le cadre d'un grand royaume arabe. Mais en 1916, les accords Sykes-Picot signés entre Français et Britanniques définissent des zones d'influence respectives: des accords au fondement des mandats de l'après guerre. Les Britanniques sont en fait parvenus à contrôler d'importants territoires de la mer Méditerranée au Golfe arabo-persique en lien avec la route des Indes. 
  • La Première guerre mondiale « ouvre le cycle des révoltes arabes » (Leyla Dakhli) avec des populations souhaitant prendre leur destin en mains. Ainsi en 1916 a lieu un soulèvement panarabe sous l’égide des Hachémites contre les Turcs avec la volonté de créer un grand royaume-arabe (qui ne voit pas le jour en grande partie à cause des Britanniques et des Français), révolte arabe en Irak contre les Britanniques en 1920, révolte en Syrie en 1925-27 contre la France à l’initiative des Druzes et à laquelle participent de nombreux arabes syriens, révolte arabe en Palestine (Grande révolte palestinienne) entre 1936-1939 contre à nouveau les Britanniques... Ces révoltes sont à relier à l’essor des nationalismes arabes qui ont émergé à la fin du 19e siècle. Le déclin puis la défaite de l'Empire ottoman permettent la naissance de l'Arabie saoudite. La péninsule arabe n'avait pas fait l'objet d'une prise de contrôle européenne. La reconquête du royaume saoudien est organisée à partir de 1902 par Abdel Aziz al-Saoud qui s’appuie notamment sur une milice nommée les Ikhwan. Il s'empare de Ryad, des régions du Nedj au coeur de la péninsule et du Hassa plus à l'est en 1913. En 1925, il prend le contrôle des villes saintes: la Mecque et Médine et chasse la dynastie des Hachémites. 
  • En 1927, il se proclame “roi du Hedjaz, du Nedj et de ses dépendances” et lutte contre un soulèvement des Ikhwan qui refusent tout contact avec les puissances occidentales et prônent un islam particulièrement strict (ces derniers sont vaincus en 1929) . Puis, en 1932, il devient roi d'un nouvel état l'Arabie saoudite: un état dont l'idéologie politico-religieuse est le wahhabisme. En 1932, d'importants gisements de pétrole sont en outre découverts en Arabie saoudite. Ce pétrole va devenir un des enjeux du Moyen- Orient. En 1934, l'Arabie saoudite prend le contrôle d'une autre région: l'Asir au détriment du Yémen. Il faut ajouter qu'en 1922, le Royaume-Uni met fin au protectorat exercé sur l'Egypte (un protectorat datant de 1914) tout en gardant le contrôle de la politique étrangère du pays. L'indépendance complète de l'Egypte ne survient qu'en 1936. L’effondrement de l’Empire ottoman est également fondamental car comme le souligne Nadine Picaudou (Visages du politique au Proche-Orient : Folio-Histoire, 2018) « dans la période de transition et de rupture qui suit la première mondiale, les seuls modèles du lien social et politique dont disposent les sociétés du Proche-Orient (...) restent ceux de la parenté et de la communauté confessionnelle. » Ce type de liens va de ce fait être au fondement des Etats qui vont émerger au Moyen-Orient. 

 -les années 1940-1950 : la décolonisation une nouvelle donne

  •  Une partie du Moyen-Orient et du Maghreb ont subi la colonisation et l’impérialisme européen. Le Maghreb a notamment été colonisé par la France avec le protectorat sur le Maroc et la Tunisie, le contrôle de l’Algérie alors que la Libye a été une colonie italienne. Il faut également rappeler que l’Egypte à partir des années 1880 avait perdu sa souveraineté au profit de l’Empire britannique, une Empire qui contrôlait également une partie du Golfe arabo-persique. Comme l’écrit Didier Billion (Géopolitique des mondes arabes, éditions Eyrolles : 2018) « au cours du XIXe siècle et du début du XXe siècle, les régions arabes deviennent un des espaces prioritaires de la colonisation européenne. La France s’est donc particulièrement intéressée au Maghreb alors que les Britanniques voulaient contrôler la vallée du Nil (Egypte et Soudan) et la région du Croissant fertile jugés fondamentales car sur la route des Indes.
  • L’Europe a eu « des ambitions coloniales » (Isabelle Duchemin et Antoine Reverchon : Le Moyen-Orient en cartes ; éditions Le Monde 2020) dont l’un des symboles fut le canal de Suez et son contrôle par les Britanniques et les Français. Les années 1940-1950 sont marquées par la fin des mandats et la décolonisation et donc la fin de la tutelle de la France et du Royaume-Uni sur le Moyen-Orient. En Syrie, en 1930 avait été promulguée une constitution républicaine puis une indépendance encore formelle en 1941. L'indépendance réelle a lieu en 1946 avec le départ des troupes françaises. L'indépendance du Liban est proclamée quant à elle en novembre 1943 et là aussi les troupes françaises partent en 1946. Le Liban avait été doté d'une constitution républicaine en 1926 mais une constitution fondée sur une représentation parlementaire sur la base des différentes communautés composant le Liban. Les Britanniques avaient mis fin au protectorat sur l'Egypte tout en gardant un contrôle sur elle : l'indépendance effective de l' Egypte date de 1936.
  •  Le Moyen-Orient connaît de ce fait une logique de décolonisation se poursuivant ultérieurement: indépendance du Koweït en 1961 (un Koweït revendiqué dès cette indépendance par l'Irak), le retrait des Britanniques du Golfe en 1971 permet la création des Emirats arabes unis (Abu Dhabi, Dubaï, Sharjah, Fujairah, Ajman et Umm al-Qaiwain). Le Qatar est également indépendant en 1971 tout comme le Bahreïn. Le Proche et le Moyen-Orient mais aussi le Maghreb sont donc le double résultat de l'éclatement d'un Empire et du phénomène de décolonisation. 
  • Il faut ajouter qu'avec la construction de ces états se posent des problèmes frontaliers dont certains ont été réglés depuis peu. Il faut rappeler que certaines frontières n'avaient pas été tracées et délimitées en particulier dans la péninsule arabe. Si on prend l'exemple du Yémen, seulement une petite partie de ses frontières étaient délimitées (le tiers de la frontière occidentale). La frontière est entièrement délimitée seulement depuis 2000 suite à un traité avec l'Arabie saoudite. La frontière entre le Yémen et le sultanat d'Oman est bornée, quant à elle, depuis 1992. En ce qui concerne Israël et ses voisins égyptien et jordanien, les problèmes frontaliers ont été réglés suite aux traités de paix signés avec ces deux états en 1979 pour l'Egypte et en 1994 pour la Jordanie. 

- « Héritiers et déshérités de l’histoire » (J.P Chagnollaud et P.Blanc) 

  • Pierre Blanc et Jean-Paul Chagnollaud évoquent les héritiers de l’histoire que sont des Etats comme l’Arabie saoudite, l’Iran (« une nation ancrée dans l’histoire) mais aussi les « déshérités de l’histoire » que sont « les nations oubliées » comme les Kurdes et les Palestiniens. Toutes les nations du Moyen-Orient n’ont pas un Etat avec des « Kurdes, resté orphelin d’Etat » (Olivier Pitot) et « l’interminable marche vers un Etat palestinien » (Piotr Smolar).
  •  Florian Louis met en avant dans son Atlas historique du Moyen-Orient « les émancipations contrariées » en insistant sur les problèmes kurde et palestinien mais également « l’impossible unité arabe. »L’unité du monde arabe s’est avéré impossible même si deux idéologies panarabistes ont eu un impact important à savoir le baasisme et le nassérisme. L’unité arabe n’a pas fonctionné car au Moyen-Orient se sont affirmés comme ailleurs dans le monde les états- nations. Dans ce cadre le « panarabisme est surannée » comme le souligne Didier Billion et ces états se sont ancrés dans l’histoire récente du Moyen-Orient 

 b/ La construction des Etats et des Nations :difficultés et échecs 

 -Des constructions difficiles 

  • Comme souvent, la construction tant de l’État que de la nation n’est pas facile. Il faut insister sur « la violence du basculement de l’Empire à l’Etat » comme le dit Jean-Paul Chagnollaud (Revue Questions internationales : Moyen-Orient, des guerres sans fin, 2020). Le démembrement de l’Empire ottoman a provoqué des violences importantes notamment les résistances aux mandats français et britanniques avec des révoltes en Syrie ou en Mésopotamie (Irak) sans oublier le rêve brisé d’un grand royaume-arabe. La naissance d’Israël en 1948 se concrétise également dans la violence avec la première guerre israélo-arabe. Il en est de même au Maghreb avec l’Algérie qui est née d’une guerre et d’une indépendance douloureuse. Il faut également insister sur le découpage arbitraires des frontières des Etats de la région, un découpage réalisé par les puissances occidentales dont le Royaume-Uni et la France. Ainsi, la France lors de son mandat sur la Syrie a divisée celle-ci en plusieurs entités dont une l’État du Grand Liban autour des chrétiens maronites qui va devenir le Liban indépendant un peu plus tard, un Liban que la Syrie a toujours revendiqué.
  • La France a procédé à une instrumentalisation des minorités qui a toujours des conséquences aujourd’hui. Les Britanniques ont, quant à eux, créé deux Etats : le Transjordanie (elle devient la Jordanie en 1950) et l’Irak. La Transjordanie (devenue Jordanie) devient un émirat avec à sa tête Abdallah de la famille des Hachémites qui avaient longemtps contrôlé la péninsule arabe jusqu’à l’arrivée au pouvoir des Saoud. Quant à l’Irak, elle devient aussi sous l’impulsion des Britanniques une monarchie gouvernée par Fayçal. 
  • Dans ce nouvel Etat qu’est l’Irak, la majorité chiite est écartée du pouvoir au profit de dirigeants sunnites. Il faut aussi préciser que les Kurdes intègrent l’Irak lorsqu’en 1925 la région de Mésopotamie où ils sont majoritaires à savoir la région de Mossoul est rattachée à ce qui devient l’Irak. Les Britanniques comme les Français sont à l’origine de la création de plusieurs Etats de la région, des Etats n’ayant pas de passé et d’antériorité tout comme leurs frontières. Les nouveaux Etats qui naissent soit à l’issue de l’éclatement de l’Empire ottoman soit de la décolonisation sont confrontés aux « appartenances communautaires » (Jean-Paul Chagnollaud (Revue Questions internationales : Moyen-Orient, des guerres sans fin, 2020) qu’elles soient ethniques ou religieuses, des appartenances à priori contradictoires avec l’identité nationale à construire. 
  • Le Liban est ainsi un Etat arabe multiconfessionnel avec des chrétiens, des musulmans et des druzes et quand il devient indépendant en 1943 se pose la question du vivre ensemble entre ces communautés. Une solution est trouvée avec un Pacte national où les différentes communautés ont accès aux différents pouvoirs : les communautés sont institutionnalisées (le Président de la république est un chrétien, le Président du Parlement un chiite et le 1er ministre un sunnite). En Irak, la nation était également délicate à construire avec une majorité chiite écartée du pouvoir tout comme les Kurdes au profit d’une minorité sunnite. En fait, l’unité nationale n’ a pu se réaliser et ce pays a tenu parce qu’il est devenu un régime autoritaire où les Sunnites ont contrôlé le pouvoir jusqu’en 2003. On retrouve aussi un problème d’unité nationale en Turquie avec une minorité Kurde rétive à cette unité (voire la rébellion du PKK). 
  • Néanmoins, plusieurs Etats sont stables et globalement solides comme la majorité des Etats du Golfe. L’Arabie saoudite s’est structurée autour d’un clan arabe celu ides Saoud et d’une idéologie politico-religieuse qui est le wahhabisme. Les Emirats du Golfe sont aussi liés par l’unité arabe et l’islam. L’unité d’un Etat comme l’Iran repose à la fois sur un passé ancien mais aussi sur un islam chiite majoritaire. Enfin, les Etats du Maghreb sont apparus comme plutôt solides. Le Maroc est un Etat qui s’inscrit dans une histoire de longue durée ce qui facilite l’adhésion à la monarchie. L’Algérie est par contre un Etat plus récent et les dirigeants du FLN ont voulu consolider la Nation en jouant sur la guerre d’indépendance considérée comme fondatrice de la Nation mais aussi sur l’identité arabe quitte à nier pendant longtemps la dimension berbère. Il est important d’évoquer ce qu’Amin Maalouf nomme les « identités meurtrières » en lien avec la construction nationale. 
  • Le Moyen-Orient, nous l’avons vu, se caractérise notamment par une diversité des peuples et des cultures. Les sociétés du Moyen-Orient sont le plus souvent structurées communautés (avec une endogamie qui est le plus souvent la règle). De plus, l’Empire ottoman avec le système des Millets avait accordé des garanties aux différentes communautés ce qui a renforcé les communautarismes. Les Etats émergent dans ce contexte particulier avec des populations diverses n’ayant pas les mêmes référents identitaires.
  • Dès lors, on, peut reprendre la question de Pierre Blanc et Jean-Paul Chagnollaud (Violence et Politique au Moyen-Orient:éditions Sciences po, 2015) : « Comment des communautés aux référents identitaires sédimentés par une pratique récurrente de l’endogamie (...), des mémoires collectives souvent marquées par des tragédies (...) peuvent s’inscrire (...) dans une structure de gouvernance, l’Etat-Nation... ». Certains Etats-Nations vont donc se bâtir sur l’épuration ethnique comme la Turquie (dès 1915 avec le génocide arménien) qui chasse la minorité grecque de son territoire au début des années 1920 et tente de turciser la minorité Kurde. L’État d’Israël lors du 1er conflit israélo-arabe de 1948- 1949 expulse des milliers de Palestiniens qui se trouvent en situation de réfugiés dans les pays voisins... « La différence nourrit la violence » (Pierre Blanc et Jean-Paul Chagnollaud) peut servir à construire la Nation et est souvent instrumentalisée dans les conflits et tensions de la région. 

-avec des régimes à dominante autoritaires : « Républiques et monarchies : deux versants de l’autoritarisme » (J.P Chagnollaud et P.Blanc) 

  • Les régimes politiques du Moyen-Orient comme ceux du Maghreb sont généralement des régimes autoritaires, des régimes qui sont soit des monarchies soit des Républiques mais sans démocratie véritable. Les monarchies sont présentes dans le Golfe ou au Maghreb avec le Maroc : Jordanie, Arabie saoudite, Koweït, Qatar, Bahreïn, Emirats arabes Unis et Oman. Ces monarchies sont organisées autour d’une famille et d’un clan comme les Saoud en Arabie saoudite qui contrôlent l’État et les richesses. D’autres pays sont des Républiques comme l’Egypte, l’Iran (une République islamique), le Liban, l’Irak... Mais là aussi, la plupart du temps ce sont des Républiques autoritaires comme en Egypte où l’armée dirige le pays ou encore en Syrie avec le clan Assad. Quant à l’Iran, il s’agit du Etat où ce sont les religieux (Guide suprême de la révolution) qui contrôlent le pays et exercent une forte répression sur les opposants.
  •  Dans certains de ces Etats, il y a bien des élections mais elles sont rarement libres à l’exception d’Israël et de la Turquie. Au Liban, ce sont des élections dites communautarisées et dans des Etats comme l’Arabie saoudite, Oman, les EAU il n’y a pas d’élections. L’autoritarisme est une constante des régimes politiques tant au Maghreb (voir le contrôle exercé en Algérie par le FLN et l’armée d’où le mouvement du Hirak). Ce qui est certain comme l’écrit Didier Billion (Géopolitique des mondes arabes) c’est le poids « des systèmes patriarcaux anciens et puissants » qui peuvent expliquer cet autoritarisme. Il peut aussi s’expliquer par le « manque de profondeur historique » contraignant les politiques à vouloir instaurer des pouvoirs forts pour consolider l’État. Les hommes politiques s’inscrivent au pouvoir dans la longue durée ; la Tunisie depuis l’indépendance en 1956 jusqu’en 2011 avec le Printemps arabe n’avait eu que deux président : Habib Bourguiba et Ben Ali;Kadhafi est resté au pouvoir en Libye de 1969 à 2011 et la famille Assad dirige la Syrie depuis 1970... Il existe des dynasties politiques qu’elles soient princières ou non. On peut parler de dynastie dans les Républiques arabes comme avec le clan Assad. 
  • Un néologisme au Moyen-Orient a été inventé ; jumlukiyya qui mêle les termes jumhuriyya signifiant république et malakiyya signifiant monarchie ce qui est révélateur de la prégnance de l’autoritarisme. Il faut aussi souligner la multiplicité des coups d’État et le rôle de l’armée dans nombre de régimes politiques du Moyen-Orient et du Maghreb. Dès les années 1950, plusieurs coups d’état reconfigurent la région comme celui des officiers libres en Egypte en 1954 qui conduit en 1956 à l’arrivée au pouvoir de Nasser. En Irak, la monarchie Hachémite est renversée par un coup d’État en 1958 et l’Irak en connaît deux autres en 1963 et 1968. En 1970, c’est un coup d’État qui porte Hafez el Assad au pouvoir en Syrie. En Libye, Kadhafi prend le pouvoir de la même façon en 1969 et on peut rappeler le coup d’État d’Houari Boumédienne en Algérie en 1965 qui fait de l’armée algérienne un acteur incontournable du pays. Les armées jouent ainsi dans la région un rôle clé (tout comme les services de renseignement d’ailleurs). On peut de ce fait parler de prétorianisme qui se définit comme « l’intervention directe de l’armée dans le champ politique mais aussi par une vision de la société et une culture de gouvernement marquée par l’exceptionnalisme de guerre. » (Nicole Picaudou). 
  • Hamit Bozarslan a dressé une typologie des états et systèmes politiques du Moyen-Orient. Il définit des régimes à double souveraineté avec la Turquie, l’Iran et le Pakistan avec à la fois une souveraineté populaire (avec des élections d’un président, d’un parlement) et une souveraineté « nationale » ou « théologique » reposant donc sur l’armée et le poids des services de sécurité (Turquie et Pakistan) ou sur la religion comme en Iran avec le rôle clé du Guide suprême de la Révolution et des autorités religieuses. On note la présence de régimes de parti unique comme la Syrie depuis 1970 avec le parti baath ou encore la Libye de Kadhafi. 
  • Il y a également des régimes de pluralisme officiel (mais qui ne sont pas nécessairement des démocraties libérales) avec des états autorisant le multipartisme, des élections régulières comme en Algérie, en Tunisie ou en Egypte. On peut également évoquer les régimes monarchiques nombreux au Moyen-Orient : Jordanie, Maroc, Arabie saoudite, Emirats du Golfe...Enfin, Bozarslan met en avant des régimes fragmentés renvoyant à des pays affectés par des guerres civiles et dont le régime politique est incertain : Yémen, Liban, Irak ou encore Afghanistan. 

-les idéologies de l’unité arabe : l’échec du panarabisme 

  • Au 19e siècle émerge dans le cadre d’un rejet de l’Empire ottoman, le nationalisme arabe et une volonté d’unité du monde arabe : le panarabisme. Cette double volonté est notamment liée à la volonté de renaissance arabe du 19e siècle : la Nahda. Les réformateurs arabes veulent valoriser l’identité arabe tout en promouvant une adaptation à la modernité et pour les penseurs musulmans de la Nahda un retour à un islam plus conforme à l’islam originel. Abd al-Rahman al-Kawatibi dans son livre La mère des cités publié en 1900 défend l’idée d’une nation arabe indépendante. Dans un autre ouvrage Les caractéristiques du despotisme et les luttes contre l’assujettissement, il proclame « Arabes ! Unissons-nous en proclamant : Vive la Nation ! » Dans les années 1940, des intellectuels syriens dont Michel Aflak un arabe chrétien fondateur du parti Baath (parti de la résurrection arabe et socialiste) affirme aussi que les Arabes forment une Nation « de l’Atlantique au Golfe », une Nation liée par la langue arabe et une culture. 
  • L’historien Jacques Berque pense que « l’arabisme est une manière d’être, trouvant ses racines dans un passé prestigieux » que certains Arabes veulent retrouver. Nasser, le leader égyptien devient le porte-parole de l’unité arabe qu’il promeut. Cette unité devient symbolique avec l’union entre l’Egypte et la Syrie en 1958 qui forme la République Arabe Unie qui ne dure que jusqu’en 1961. Le panarabisme est devenue une utopie et le « rêve panarabe mord la poussière » dans les années 1970 (Jean-Paul Chagnollaud). 

 -naissance et essor de l’islamisme comme acteur politique (voir plus bas) 

  • L’islamisme en tant qu’idéologie politico-religieuse est devenue une idéologie de plus en plus présente au Moyen-Orient avec un premier essor dans les années 1930 avec les Frères musulmans. Ces derniers peuvent être perçus comme « les pionniers de l’islamisme » (Laurent Bonnefoy). S’ajoute le poids et l’influence du wahhabisme saoudien devenant de plus en plus prégnants avec la politique saoudienne de diffusion de cette idéologie avec l’argent du pétrole. 
  • On peut considérer le wahhabisme comme une des matrices du djihadisme des années 1980-1990. Le wahhabisme devient dans ces années une « idéologie mondialisée » (Anne Gaion) en s’appuyant notamment sur les Frères musulmans. Mais c’est surtout à la fin des années 1970 avec la République islamique d’Iran que l’islamisme se développe fortement ce qu’on peut nommer « le coup de tonnerre islamiste » (L’histoire du Proche-Orient, Le monde 2016).
  •  Dans les années 1990 des organisations djihadistes se structurent et se développement d’abord avec Al Qaïda puis avec Daech. Anne-Clémentine Larroque (Géopolitique des islamismes, Que sais-je ?, 2021) insiste sur la pluralité des islamismes avec notamment « les nébuleuses salafistes ». 

B/ Les sociétés du PMO : organisations et structures 

a/ Le poids des tribus et des systèmes claniques 

-Le rôle majeur des clans et tribus 

  •  Au Moyen-Orient, les sociétés sont des sociétés où les communautés sont fondamentales avec l’importance des « liens hérités, ceux de la parenté ou de la communauté et les réseaux de solidarité qu’ils fondent ». (Nadine Picaudou :Visages du politique au Moyen-Orient). Les liens politiques reposent au moins en partie sur ce qu’on nomme les groupes d’appartenance : famille et clans, communautés ethniques et/ou religieuses...La parenté est dans ce cadre fondamentale avec rappelons-le dans les sociétés du Moyen-Orient un mode de filiation qui est patri-linéaire. 
  • Les clans familiaux sont donc importants. Dans un pays comme le Liban on peut prendre l’exemple du clan Joumblatt qui a joué et joue un rôle clé dans la communauté druze ou du clan Gemayel dans la communauté chrétienne maronite. La division en clan et en tribus continue de produire une segmentation des sociétés de la région. Les systèmes tribaux sont très prégnants en Irak, au Yémen... En Irak, près de 50 % des Irakiens mettent en avant l’identité tribale. 
  • Dans un pays comme la Syrie, deux confédérations tribales sunnites sont importantes : les Aneza et les Chamar. Des familles et clans syriens comme les Hassane, les Mouwwali... ont des membres de la famille et du clan comme députés, maires... Certaines familles soutiennent le clan Assad et d’autres non. 

 -et des systèmes tribaux qui perdurent : l’exemple de la Libye

  • Les liens entre clans, tribus et pouvoir sont relativement affirmés: dans certains cas, ils se sont développés avec le processus de colonisation. Le tribalisme est aussi un instrument de domination ou d'exclusion du champ politique. « Le tribalisme est un fait avéré » selon Hamit Bozarslan Ainsi en Somalie, Syad Barré qui a dirigé le pays de 1969 à 1991 suite à un coup d'état avait organisé son pouvoir autour de son propre clan (le clan des Marehan, des pasteurs de la région de l'Ogaden). En Libye, Kadhafi lorsqu'il prend le pouvoir en 1969 a voulu s'appuyer sur les tribus notamment sur la sienne: la tribu des Khadafa. Les tribus en Libye jouent un rôle important y compris actuellement. La plus importante regroupe près d'un million d'individus: la tribu des Warfala (région de Benghazi). 
  • Lors du printemps arabe, cette tribu s'est soulevé contre Khadafi. L'organisation tribale est considérée comme essentielle en Libye mais c'est un système complexe intégrant des dimensions dites “ethniques”. Il existe en effet des tribus berbères (tribus Mdaghis et Alborns dans l'Est et le centre ouest de la Libye), des tribus arabes, les tribus Kouloughlis dont les membres sont des descendants des conquérants ottomans (Turkmènes, Kurdes...), les tribus Touaregs...
  •  On note la présence dans ce pays de 30 tribus principales ( plus de 4,5 millions d'individus). Pour analyser les sociétés du Moyen-Orient, on utilise un concept : le concept d’asabiyya . L’asabiyya renvoie à un « esprit de corps » d’un groupe qui est soudé par une solidarité. On retrouve cette solidarité tant les groupes ethniques que religieux ou tribaux. 

 b/ Le poids du religieux 

-Des Etats où la religion est déterminante

  • La religion et le religieux ont un poids déterminant au Maghreb et au Moyen-Orient avec un islam majoritaire mais aussi de nombreuses minorités religieuses. Comme le souligne Nadine Picaudou « il existe, à côté de la parenté, un autre fondement des solidarités et des allégeances, un autre canal de mobilisation et d’action, c’est la communauté confessionnelle. » L’importance des communautés confessionnelles a été renforcée par l’Empire ottoman avec le système des Millets garantissant aux différentes confessions une reconnaissance juridique. Plus tard, la France lors de son mandat en Syrie a renforcé la communautarisation confessionnelle en créant un Grand Liban pour protéger la communauté chrétienne. 
  • En Irak, mandat britannique, les Anglais se sont appuyés sur la communauté sunnite alors que les chiites se sont trouvés en position subalterne alors qu’ils sont majoritaires en Irak. En fait les appartenances confessionnelles ont été manipulées soit par des acteurs extérieurs (France, Royaume-Uni), soit par des acteurs intérieurs. Le poids du religieux et de l’islam en particulier s’expliquent par le fait que l’islam a été le ciment de l’Empire ottoman (ou de la Perse avec le chiisme). De plus quand les pays du Moyen-Orient sont devenus indépendants ils ne pouvaient que fonder leur légitimité sur la religion majoritairement partagée à savoir l’islam. De plus, il faut souligner que la région avait été dominée par les Européens et l’islam était vue comme un recours contre l’Occident et la colonisation... 
  • De plus dans certains Etats, certaines institutions religieuses sont très influentes comme l’Université musulmane Al-Azhar au Caire ou les Ayatollahs en Iran. Au niveau des Constitutions, plusieurs constitutions d’Etats du Moyen-Orient garantissent la liberté religieuse comme en Syrie en Jordanie ou encore en Egypte. Mais l’ensemble des Constitutions de l’Orient arabe font une référence entre l’État et l’Islam à l’exception du Liban où la constitution n’évoque pas un lien spécifique entre l’islam et l’État. La Constitution syrienne de 2012 affirme que la religion du chef de l’État doit être l’islam. La Constitution égyptienne prévoit que l’islam est la religion d’État (bien qu’il y ait reconnaissance de la liberté religieuses). L’expression « l’islam est la religion d’Etat » est présente dans toutes les Constitutions des pays arabes (Maroc, Algérie, Tunisie, Libye, Egypte, Irak, Jordanie, Yémen, Oman, Emirats Arabes Unis, Qatar, Bahreïn, Koweït) et en Iran. 
  • L’Arabie saoudite n’a pas de constitution mais seule la religion musulmane est autorisée. « L’islam reste dans cette région la référence obligée des institutions publiques » (Pierre-Jean Luizard : Religion et politique, presses de Sciences Po, 2017) Il n’ y a donc pas au Moyen-Orient de séparation entre Etat et religion. Dans la péninsule arabe, l’Arabie saoudite « affirme la forme la plus rigoriste qui soit dans la gestion de l’islam » (Pierre-Jean Luizard) puisque l’État saoudien s’appuie sur l’idéologie du wahhabisme. C’est l’Arabie saoudite qui a le contrôle et gère les lieux saints de La Mecque et Médine. De plus ce sont le Coran et la Charia qui servent de législation et de Constitution à ce pays. Il faut ajouter que les citoyens saoudiens ne peuvent être que musulmans. 
  • Les lieux de culte non musulmans sont aussi interdits. Au Qatar domine aussi l’idéologie wahhabite, un Qatar qui s’est fortement rapproché des Frères musulmans (après la séparation entre les Frères musulmans et l’Arabie saoudite). Toutefois, les chrétiens et juifs présents au Qatar peuvent pratiquer leur culte dans une zone qui est leur est réservée à Doha. La Constitution du Qatar énonce que la « Charia est la principale source de la législation » mais « la liberté de culte est reconnue à tous. » Le prosélytisme non musulman est interdit et l’apostasie est punie de mort (comme en Arabie saoudite). Les Emirats Arabes Unis et le Koweït sont dans la même configuration que le Qatar et une femme émiratie ne peut pas épouser un non musulman. Mais les églises chrétiennes ont plus de droit aux EAU qu’au Qatar : il existe des églises mais aussi des temples bouddhistes qui sont autorisés dans ces Emirats.
  •  En ce qui concerne Bahreïn les logiques sont proches mais le crime d’apostasie n’est pas reconnu mais on se convertit à une autre religion, on perd ses droits de succession. La Constitution du Yémen de 2015 a proclamé l’islam comme religion d’État et la charia comme étant au fondement du droit. Le sultanat d’Oman est une exception dans la région est plus ouvert : les chrétiens peuvent pratiquer leur religion sans entrave (sauf le prosélytisme). Quant au Liban, il est dans une situation particulière car il n’ a pas de religion officielle sans être un Etat laïque : 18 confessions sont officiellement recensées. Il s’agit d’un Etat confessionnel y compris au niveau du système politique et administratif. La conversion à une autre religion est théoriquement possible mais exceptionnelle vu le poids des confessions dans les mentalités. Précisons que chaque communauté confessionnelle vit en fonction de son statut personnel communautaire. Ajoutons que le mariage civil n’existe pas, l’enseignement religieux est libre et le prosélytisme n’est pas interdit. Enfin, le dernier cas intéressant est l’Iran. 
  • Depuis 1979 et la Révolution islamique d’Iran, ce pays est une République islamique qui « combine les principes d’une théocratie et la souveraineté populaire (Pierre(-Jean Luizard). Il y a en Iran un Président de la République qui est élu et un Parlement. Mais les institutions religieuses sont prédominantes avec le guide suprême de la révolution qui est un religieux. Dans la Constitution iranienne, l’islam chiite est la religion de l’État (comme sous le régime des Shahs d’Iran avant 1979) et des minorités religieuses sont reconnues : chrétiens, juifs et zoroastriens (avec un statut néanmoins inégalitaire) : ces minorités sont représentées au Parlement. Ces minorités même reconnues n’ont pas accès aux postes les plus importants de l’administration. Certaines confessions ne sont pas reconnues comme les Bahaïs. Il faut signaler en Iran le cas spécifique des sunnites du pays (12 millions de personnes) qui doivent se conformer au calendrier religieux chiite, n’ont pas le droit de construire des mosquées à Téhéran... 

 -Un « tournant religieux » qui s’accentue

  • Comme nous le verrons ultérieurement, il y a eu un tournant religieux avec l’essor de l’islamisme et une islamisation des sociétés du Moyen-Orient et du Maghreb (voir plus bas). Le poids de la religion était plus faible dans les années 1950-1960 lors de la phase des nationalismes arabes. A avec l’atténuation de ces nationalismes et le développement de l’islamisme, les Etats et sociétés sont davantage marquées par le religieux.

2/ Afrique du Nord, Proche et Moyen-Orient: le développement économique


Les états du Proche et Moyen-Orient auxquels on peut ajouter les états d'Afrique du Nord connaissent un développement économique certain. Hormis le Yémen, aucun état de ces régions n'est un PMA. La situation économique et sociale des pays de cette région est bien meilleure qu’en Afrique subsaharienne. 

 A/ Les ressources et les rentes comme vecteurs du développement 

 Les états du Proche et Moyen-Orient tout comme ceux d'Afrique du Nord sont, pour nombre d'entre eux, des états ayant des richesses importantes dans leur sous-sol : ces richesses sont un des vecteurs du développement. 

a/ Les hydro-carbures: le vecteur majeur de l’essor économique et de l'affirmation de la puissance

Le Proche et le Moyen-Orient mais aussi des états comme l'Algérie, le Libye ont une ressource générant des profits considérables à savoir les hydrocarbures (voir fiche sur les hydrocarbures au Moyen-Orient et au Maghreb). La richesse procurée par les hydrocarbures est fondamentale pour les économies de la région surtout que le pétrole est toujours la première source d’énergie utilisée dans le monde... Keyvan Piram (Questions internationales : 2020) rappelle le poids « de formidables ressources qui se concentrent dans d’immenses gisements facilement accessibles » d’où un coût faible de l’extraction (à l’inverse du pétrole et du gaz de schiste américain). 

- un formidable potentiel générateur de revenus considérables pour une « région façonnée par le pétrole » (Keyvan Piram : Questions internationales : 2020) 

  • Le Moyen-Orient concentre près de 54% des réserves de pétrole se trouvant en particulier en Arabie saoudite, aux Emirats Arabes Unis, en Irak, en Iran... L’Arabie saoudite c’est 40 900 millions de tonnes de réserves de pétrole (chiffres 2018) soit le 2e rang mondial (les plus grandes réserves estimées sont au Venezuela ( 48 000 millions de tonnes), l’Iran plus de 21 4000 millions de tonnes (4e rang mondial) l’Irak c’est près de 20 000 millions de tonnes (5e rang mondial)...Ces états sont toujours les états dominants au niveau des productions à l'exception des E-U (1er en 2019 avec 746 millions de tonnes) et de la Russie (2e avec 568 millions de tonnes). L'Arabie saoudite se classe au 3e rang mondial produit (environ 13% du pétrole mondial) et plus de 40% de la production du Moyen-Orient et une production de 556 millions de tonnes en 2019.L’Irak est au 4e rang mondial avec 234 millions de tonnes, les Emirats Arabes Unis au 6e rang avec 180 millions de tonnes, l’Iran au 7e rang avec 160 millions de tonnes... L’Algérie est au 17e rang mondial (64,3 millions de tonnes), la Libye est au 18e rang mondial (64,3 millions de tonnes)... En ce qui concerne le gaz naturel, des états comme l'Iran, le Qatar ou l'Algérie ont une production importante et des réserves notables. En 2018, derrière les Etats-Unis et la Russie les deux premiers producteurs mondiaux de gaz (respectivement avec 831 milliards de mètres cube et 669 milliards), on trouve au 3e rang l’Iran (239 milliards de mètres cube), au 5e rang le Qatar (175,5 milliards)...et les principales réserves se localisent en Russie, en Iran et au Qatar.. 
  • En 2020, les principaux producteurs mondiaux de gaz sont les Etats-Unis, la Russie, l’Iran, la Chine et le Qatar. Ces hydrocarbures génèrent des profits considérables pour les états producteurs et exportateurs. Même si les cours sont instables avec des phases de hausse et de baisse, on estime que le pétrole et le gaz naturel correspondent à une rente d'environ 700 milliards de dollars en moyenne ces dernières années. En 2015, les revenus du pétrole et du gaz représentait environ 50% du PIB des états du Golfe et 75% de leurs recettes d'exportation. 
  • En 2012, année faste, les revenus tirés des exportations de pétrole pour l'OPEP se sont élevés à 1052 milliards de dollars selon le département d'état américain. Entre 1973 et 2002, l'Arabie saoudite a reçu plus de 2000 milliards de dollars de revenus liés au pétrole. En 2016, le secteur des hydrocarbures représentait environ 50% du PIB de l'Arabie saoudite, 85% de ses recettes d'exportation et 90% des revenus du budget de l'état. Par contre avec la baisse actuelle des cours du pétrole (une baisse qui a commencé à l'été 2014) avec des prix inférieurs à 50 dollars (les cours étaient en mai 2014 à 105 dollars), les états du Golfe devraient perdre 300 milliards de dollars. Toutefois, les pays du Golfe ont constitué de très importantes réserves financières (750 milliards pour l'Arabie saoudite). Par contre, ces économies bien qu'elles soient internationalisées restent en grande partie des économies de rente en l'occurrence reposant sur une rente pétrolière et/ou gazière. C'est le cas en particulier des états du Golfe même si on note des tentatives de diversification (voir plus bas). « L’exploitation pétrolière (est) la principale source de revenus des pays exportateurs de pétrole du Moyen-Orient » (Keyvan Piram : Questions internationales : 2020). Les enjeux énergétiques sont ainsi fondamentaux avec en particulier « la volatilité des prix. » sans oublier « l’épouvantail de l’après-pétrole. » ... permettant et facilitant l'insertion dans la mondialisation Les ressources en hydrocarbures et les profits générés ont permis aux états producteurs de pétrole de s'insérer dans le processus de mondialisation. 
  • Certes, le Moyen-Orient et le Maghreb participent relativement peu aux échanges mondiaux puisque sa part dans ces échanges est de l'ordre de 7% mais c'est une part non négligeable surtout en comparaison avec les états africains. Quelques métropoles comme Dubaï ou Abu Dhabi sont devenues des villes symboles de la globalisation notamment par leurs grands projets (Musée du Louvres à Abu Dhabi, grands projets immobiliers de Dubaï). Ces états ne sont donc pas en marge de la mondialisation en partie par les ressources en hydrocarbures et l’utilisation des revenus liés à ces ressources. Les pétromonarchies se sont retrouvés avec d’importants excédents financiers facilitant la prospérité. Elles ont utilisé ces ressources pour investir et spéculer ce qui a permis une certaine diversification économique. 
  • Les enjeux et la question énergétiques sont toujours présents dans la région et pour les Etats producteurs. Il faut, rappelons-le que ces Etats s’adaptent à la volatilité des cours du pétrole avec, par exemple, des cours ayant fortement baissé en 2020 (moins de 20 dollars le baril en avril 2020 dans le cadre de la crise du coronavirus) et des cours qui avaient déjà commencé à baisser à partir de 2014-2015 avec l’impact du pétrole de schiste américain. Certains évoquent d’ailleurs « l’épouvantail de l’après-pétrole »(Keyvan Piram : Questions internationales : 2020) même si il y a encore une marge dans le temps. 

 b/ Des stratégies de développement spécifiques 

-des investissements et des projets importants

  • Les états du Moyen-Orient et du Maghreb, au moins certains (ceux ayant des revenus importants liés aux ressources), ont procédé à des investissements massifs devant faciliter l'insertion dans la mondialisation et une diversification de leurs activités. La mondialisation est perçue d’ailleurs comme une chance. Plusieurs états ont fait le choix d'une insertion pas seulement par les hydrocarbures mais aussi par les services que ce soit le tourisme (Dubaï, Les EAU et même l’Arabie saoudite désormais) ou les activités financières ou les deux à la fois. Les ressources en hydrocarbures étant épuisables, ce type de stratégies s'impose. Plusieurs états développent les services financiers: un développement possible grâce à la rente pétrolière. Les états du Golfe ont de très importantes réserves financières estimées à au moins 1 600 milliards de dollars de devises. Dès lors, ils ont opté pour ce qu'on nomme des fonds souverains: des fonds qui ont comme objectifs de placer et d'investir afin de préparer l'avenir. 
  • Les investissements se font à la fois dans les pays développées (UE, Etats-Unis) mais également dans les états émergents. Les principaux fonds souverains se trouvent d’ailleurs au Moyen-Orient et en Asie. En 2019, le 1er fonds souverain par ses actifs au monde est le Government Pension Fund de Norvège avec plus 1 108 milliards d’actifs puis au 3e rang on trouve The Abu Dhabi Investment Authority avec près de 700 milliards d’actifs, au 4e rang mondial the Kuwait Investment Authority avec 592 milliards de $... Autre choix: celui du tourisme. Ce dernier est pour plusieurs états une source de revenus importants: Egypte, Tunisie, Maroc, Turquie notamment. 
  • Le pèlerinage à la Mecque a généré en 2013 plus de 16 milliards de dollars pour l'Arabie saoudite. Un état comme la Tunisie est très dépendant du tourisme: il représente environ 7% du PIB et fait travailler plus de 400 000 personnes. Il en est de même pour le Maroc où le tourisme représente également plus de 7% du PIB (plus de 13 millions de touristes en 2019) et l'Egypte (plus de 13 millions de touristes en 2019 et 11% du PIB). D'autres états jouent sur la carte du tourisme comme la Turquie qui est actuellement la 6e destination mondiale (41 millions de touristes en 2019) ou Israël et la Jordanie. L’Arabie saoudite commence aussi à se tourner vers le tourisme (visas touristiques accordés depuis 2019) et en 2020 les Saoudiens ont créé un ministère du tourisme pour développer ce secteur. Le tourisme a d’ailleurs intégré dans le plan Vision 2030 lancé par l’État saoudien.

-les pétro-monarchies comme symbole de réussite? 

  • Dans cette région, les monarchies pétrolières du Golfe sont des Etats prospères et “leur importance sur les scènes régionale et internationale est principalement liée à l’immense atout que constitue la richesse de leur sous-sol (...)” (Géopolitique des Mondes Arabes, Didier Billion).Les pétro-monarchies sont vues comme des symboles de réussite: les Emirats Arabes Unis et le Qatar en sont deux illustrations Le Qatar avec une population de seulement 2,8 millions d'habitants (90% d'immigrés) fait figure de nouveau riche à la réussite fulgurante (11 437 km carré) avec un PIB en 2019 de 191,8 milliards de $ et un PIB par habitant de 70 000 dollars en 2019. Le revenu par habitant est de 94 910 $ en 2019. Il faut rappeler que ce pays de petite dimension a longtemps été à l'écart: il était vu, y compris par les Saoudiens, comme sans intérêt. Il est devenu indépendant en 1971 avec Doha comme capitale: il était contrôlé jusque là par le Royaume-Uni. 
  • Le Qatar est une monarchie entre les mains d'une famille et d'un clan. Le Qatar a un atout considérable: le gaz naturel bien davantage que le pétrole dont il est un producteur secondaire (15e rang mondial). C'est à partir de 1995-96 avec son nouveau cheikh Hamad ben Khalifa Al Thani (iI a renversé son père) que le Qatar a pris des orientations décisives à savoir le développement d'investissements financiers massifs, le développement d'un secteur de l'information, une politique de mécénat y compris sportif et une politique étrangère “visible”( En juin 2014, l'émir cheikh Hamad ben Khalifa a laissé le pouvoir à son fils). 
  • Ainsi, en novembre 1996 le Qatar a créé la chaîne Al Jazeera (surnommée la CNN arabe) qui est devenue la chaîne de TV majeure du monde arabo-musulman et même au delà. Le Qatar par l'intermédiaire de fonds souverains aux moyens considérables, investit massivement (club de football du Paris-Saint-Germain par le biais de Qatar Sport Investment en 2005). Les investissements sont également industriels par le biais de Qatar Holding qui détient des parts de LVMH, Total, groupe Vinci, Volskwagen (17%)... C'est aussi une monarchie voulant avoir une politique étrangère efficace avec un soutien à des mouvements islamistes comme les Frères musulmans ce qui n'empêche pas le Qatar d'abriter une base militaire américaine (Al- Udeid). 
  • Ils organisent un tournoi de tennis ATP et doivent aussi organiser la coupe du monde de football en 2022 : les Qataris entend développer un réel soft power.. Enfin le Qatar veut faire de Doha une ville globale à l'image des grandes villes mondiales de la planète d'où la création d'une Education city en lien avec des universités américaines... Les Emirats Arabes Unis ont une population de 9,8 millions d’habitants (pour une superficie de 84 000km carré), un PIB de 405,8 milliards de $ en 2019 et un PIB par habitant de 37 750 $ (le revenu par habitant est de 67 870 $). Ils ont fait le choix eux aussi des services financiers et du tourisme. Dubaï et Abu Dhabi jouent un rôle moteur. Dubaï est à l'origine de la création d'une zone franche (Jebel Ali) devenue une plaque tournante du commerce régional. 
  • La ville de Dubaï est devenue un hub mondial avec le 5e aéroport mondial en 2019 (plus de 86 millions de passagers avec une compagnie aérienne réputée et performante: Emirates. Les projets immobiliers sont très importants (Khalifa City): l'émir de Dubaï Al Maktoun est d'ailleurs vu comme un mégalomane. Mais ces projets attirent des touristes et des investisseurs. Abu Dhabi opère dans un registre proche: l'ouverture d'une filiale du musée du Louvre a été perçu comme un symbole de l'intégration dans la mondialisation.
  •  Tout comme le Qatar, les EAU développe un soft power dans le cadre d ‘ailleurs d’une forte rivalité avec le Qatar. Ces pétro-monarchies devenues des symboles d'intégration à la mondialisation ne sont pas exemptes de reproches. Tout d'abord, ces monarchies sont dirigées par des familles et des clans et ne sont en aucun cas des démocraties. Ces familles contrôlent une partie des revenus notamment des travailleurs immigrés et des entreprises étrangères par un système de parrainage appelé kafala. Le système en question permet aux locaux de toucher une rente. On reproche à ces monarchies notamment au Qatar son soutien à des mouvements islamistes (Frères musulmans par exemple) et de jouer un double jeu. 

 B/ Quel niveau de développement pour le PMO ? 

Les états du Moyen-Orient et du Maghreb connaissent un développement certain ayant des effets à plusieurs niveaux. 

a/ Urbanisation, métropolisation: les reflets du développement et de l’émergence 

Comme tous les états en développement, ceux du Moyen-Orient connaissent le double processus d'urbanisation et de métropolisation. Mais avant d'étudier ces phénomènes, il faut rappeler les grandes lignes des dynamiques démographiques du Proche et Moyen-Orient. 

-les dynamiques démographiques et migratoires

  • Les états de la région sont affectés par les effets de la transition démographique mais de façon générale même si la démographique ralentit, pour de nombreux états, les populations sont jeunes avec une part des moins de 15 ans pouvant être importante (en moyenne un tiers des populations).Pour utiliser l'expression de Philippe Fargues: “l'explosion démographique du Maghreb et du Moyen-Orient appartient au passé”. Il faut tout d'abord mettre l'accent sur ce que les démographes nomment une “révolution silencieuse” à savoir le ralentissement de la démographie reposant sur une diminution de la fécondité. En moyenne, les indices de fécondité sont compris entre 3 et 2 voire inférieurs à 2,1 pour plusieurs états du Moyen-Orient (pays du Golfe) alors que dans les années 1980 ils étaient souvent supérieurs à 5. Ce taux de fécondité diminue en lien avec l'amélioration de la scolarité et des politiques de santé mais aussi par rapport à une urbanisation croissante (plus un état s'urbanise, plus son taux de fécondité baisse).La plupart des états de la région ont donc achevé la transition démographique hormis le Yémen et la bande de Gaza dans les Territoires Palestiniens où la fécondité reste élevée. A partir des années 2030, les états de la région vont de ce fait connaître un vieillissement des populations. Néanmoins, comme nous l'avons dit, pour le moment, les populations sont plutôt jeunes ce qui peut être une contrainte car les états doivent répondre aux besoins de cette jeunesse: emplois, logements, éducation...
  • On sait qu'au moment des printemps arabes, cette jeunesse s'est particulièrement manifesté estimant être délaissée. L'âge médian est au Moyen-Orient de 26 ans en 2020 mais là aussi les disparités entre états sont réelles: en Irak, au Yémen, en Palestine, les moins de 15 ans représentent environ 38 à 39 % de la population alors qu'ils représentent moins de 30% dans des états comme l'Iran, le Liban. Prenons d’abord le Maghreb (chiffres INED, 2020) avec le Maroc qui compte 36,5 millions d’habitants avec un taux de fécondité de 2,4 et 27 % de la population a moins de 15 ans (l’espérance de vie est de 75 ans pour les hommes et 79 ans pour les femmes). L’Algérie a une population de 43,1 millions d’habitants, un indice de fécondité de 3, la part des moins de 15 ans est de 31 % (l’espérance de vie est de 76 et 78 ans). La Tunisie a une population de 11;7 millions d’habitants, un indice de fécondité qui est le plus faible du Maghreb avec 2,2, une part de moins de 15 a,s de 24 % (l’espérance de vie est de 75 et 79 ans). Les pays du Maghreb ont des configurations démographiques assez similaires en sachant que l’Algérie est le pays le plus jeune de la région. Au Moyen-Orient, l’Egypte a une population de 100,4 millions d’habitants avec une fécondité de 3,3, une part des moins de 15 ans de 34 % (l’espérance de vie est de 70 et 74 ans). L’Arabie saoudite compte 34,3 millions d’habitants avec une fécondité de 2,3, une part des moins de 15 ans de 25 % (l’espérance de vie est de 74 et 77 ans). Les Emirats Arabes Unis ont une population de 9,8 millions d’habitants, une fécondité faible de 1,4, une part des moins de 15 ans de 15 % (une espérance de vie de 77 et 79 ans)... Deux pays sont dans une situation démographique plus difficile : les Territoires Palestiniens et le Yémen. 
  • Les Territoires Palestiniens comptent 5 millions d’habitants, une fécondité de 3,6, une part des moins de 15 ans importante de 39 % (espérance de vie de 72 et 76 ans. Quant au Yémen, sa population est de 29,2 millions d’habitants avec une fécondité de 3,7, une part des moins de 15 ans de 39 % (espérance de vie de 64 et 68 ans). Les Etats du Golfe ont généralement une fécondité faible inférieure à 2,1 signe d’un développement accéléré et important. Il faut insister sur le fait qu'il existe des différences entre les états. En Turquie, le taux annuel de croissance de la population est passé de 2,48% entre 1980-85 à 1,8% en 2000; l'indice de fécondité qui était de 6,8 en 1976 est tombé à 2,6 en 2003 puis à 2,1 en 2019... On note néanmoins des écarts entre régions avec une fécondité plus élevée à l'Est (dans la zone kurde en particulier). Dans ce pays, l'âge du mariage recule sauf en Anatolie de l'Est où il reste précoce. En Iran, la baisse de la fécondité s'est amorcée plus tôt sous le régime de Mohammad Reza qui avait décidé, à partir de 1967, une politique de contrôle des naissances puis légalisé l'avortement en 1976. La République islamique instaurée en1979, a voulu inversement pratiqué une politique nataliste mais le phénomène de baisse de la fécondité a perduré quand même avec un indice de fécondité qui est passé de 6,8 enfants en 1984 à 2,8 en 1996, 2,1 en 2019 . La baisse de la fécondité peut être liée également à l’amélioration de la condition des femmes.En 2000, en Egypte, une forme de divorce est permise à savoir le Khul: une femme peut demander à divorcer en renonçant à ses droits financiers...
  • En 2005, a été promulgué au Maroc une réforme du statut personnel nommée Mudawwana; de même le code de la famille a été revu en Algérie en 2005 également. Le Moyen-Orient est un carrefour migratoire d'importance mondiale à la fois pour des travailleurs migrants que pour des déplacés et réfugiés. Les états du Moyen-Orient sont à la fois des terres d'émigration et d'immigration. Les migrations liées au travail sont importantes notamment à destination des états pétroliers du Golfe qui ont besoin de main d'oeuvre. Ces états du Golfe forment un “hub” migratoire et dans la plupart des états du Golfe, la population étrangère est supérieure à la population locale: c'est particulièrement vrai dans les EAU ou au Qatar.Les travailleurs migrants dans ces états sont soit des travailleurs très qualifiés soit des travailleurs non qualifiés (main d'oeuvre des travailleuses domestiques par exemple). 
  • De nombreux migrants viennent d'Asie en particulier du Pakistan, du Bangladesh, des Philippines, d'Inde et de Malaisie. On note dans certains du Proche et Moyen-Orient, la persistance d’un exode rural comme au Yémen où les zones de montagnes se dépeuplent au profit des zones urbaines. Dans ce système migratoire, Israël représente un cas à part. En effet, Israël s'est peuplé par des vagues migratoires juives nommées aliya (un terme hébreu signifiant la montée: montée vers la terre promise). Ces vagues ont commencé à partir de la fin du 19e siècle (timidement) puis se sont accélérées en particulier dans les années 30 et se sont renforcées après la création de l'état d'Israël (1948). Le 5 juillet 1950 a été votée la loi dite du retour permettant aux juifs de s'installer en Israël par un visa d'immigrant facilitant de fait les migrations.Dans les années 1950-70, l'immigration juive vers Israël provient essentiellement d'Afrique du Nord et d'Europe. En 1984, des milliers de juifs éthiopiens, les Falashas s'installent en Israël (opération “Moïse”). A partir de 1989- 91, suite à l'éclatement de l'URSS, des milliers de juifs soviétiques migrant en Israël (plus de 800 000). 
  • Aux migrations de travail s'ajoutent les migrations forcées avec les réfugiés: les guerres en Syrie et en Irak ont conduit à des flux massifs de réfugiés vers la Turquie, le Liban et en Jordanie. A ces migrations internes, on peut ajouter les migrations externes en particulier vers l'Europe: c'est le cas pour des milliers de réfugiés en provenance de Syrie et d'Irak. Le Moyen- Orient est une région majeure de déplacements forcés et ce depuis longtemps.Dès 1948-49, suite à la Première guerre entre Israël et les pays arabes voisins, des centaines de milliers de Palestiniens sont contraints à partir de Palestine. 
  • Les Palestiniens sont toujours la population de réfugiés la plus importante de la région avec environ 6 millions de personnes. Les récents conflits en Syrie et en Irak provoquent un nouvel afflux de réfugiés. En 2015, selon les chiffres du HCR, on dénombrait (sans les réfugiés Palestiniens) plus d'un 1,5 million de réfugiés (la plupart syriens), plus de 1,4 million de réfugiés en Jordanie (là aussi la majorité sont des syriens), plus de 1,3 million de réfugiés en Turquie... Nous sommes donc en présence d'un enjeu majeur et d'un problème. 

 -Un processus d'urbanisation important 

  • Le processus d'urbanisation est lié au développement économique et industriel. L'urbanisation n'est pas une nouveauté dans cette région du monde étant très ancienne depuis l'Antiquité et le Moyen-Âge: un nombre de ville important est le résultat de ce processus historique. Mais il s'est accentué par le développement des villes des états du Golfe et le développement de quelques villes (dont certaines sont de création récente) comme Ankara, Istanbul, Bagdad, Téhéran, Le Caire... 
  • Les taux d'urbanisation sont généralement supérieurs à 50%: 54% pour la Syrie, 75% pour l'Iran, 73 % en Algérie,91% pour la Jordanie, 99% pour le Qatar. Il existe bien entendu des contre-exemples comme le Yémen avec un taux d'urbanisation de seulement 37% ou 43 % en Egypte. Comme dans de nombreux états, les villes par leurs infrastructures sont attractives renforçant le phénomène d'exode rural (cf Turquie avec Istanbul ou Ankara). Trois états conservent une donc population rurale assez importante: le Yémen, l'Egypte et la Syrie.L'urbanisation s'est accélérée à partir des années 1970 transformant les villes avec le développement de quartiers informels, de nouvelles périphéries... 
  • Pour les états du Golfe, l'explosion urbaine est liée au boom pétrolier: les états du Golfe sont devenus les états les plus urbanisés de la région et même du globe avec des taux de 97% pour le Koweït, 99% pour le Qatar, 91% à Bahreïn, 87% en Arabie saoudite et aux Emirats... L'urbanisation est également vraie pour les états du Maghreb avec des villes concentrant des populations importantes comme Tripoli en Libye et ses deux millions d'habitants, Alger... 

 -les métropoles : vitrines de la réussite 

  • Des métropoles très importantes se sont formées aboutissant dans certains états à une macrocéphalie urbaine comme en Iran avec Téhéran ou l'Egypte avec Le Caire. Téhéran concentre près d'un cinquième de la population iranienne, Beyrouth au Liban avec ses deux millions d'habitants concentre 1 libanais sur deux, Le Caire est une mégapole de près de 15 millions d'habitants.... On retrouve ces phénomènes au Maghreb avec le Maroc et une ville comme Casablanca ou en Tunisie avec Tunis. 
  • La métropolisation se retrouve dans les états du Golfe: Riyad en Arabie saoudite concentre 5 millions d'habitants, Koweït city deux millions, Dubaï et Abu Dhabi également deux millions... Ces métropoles sont devenues le symbole de la réussite et de la modernité. On peut préciser qu'elles sont cosmopolites puisqu'elles concentrent populations locales et travailleurs immigrés mais sont fortement ségréguées. La croissance urbaine est synonyme de défis à relever pour les gouvernements. Il faut accueillir les migrants (au cours des années 1990, Istanbul accueillait chaque année en moyenne 350 000 migrants et il fallait donc construire 80 000 logements supplémentaires, 50 écoles primaires...). 
  • Les infrastructures à construire sont un défi délicat à surmonter ce qui fait que les quartiers informels se multiplient. Un autre phénomène est l'étalement urbain qui ronge les campagnes qui sont peu à peu déstructurées. On peut s'appuyer sur l'exemple de Téhéran,une ville symbole de la macrocéphalie urbaine qui compte environ 9 millions d’habitants. C'est une ville de développement récent avec un événement clé dans ce développement à savoir le choix, au 19e siècle, par la dynastie Qadjar alors au pouvoir d'en faire la capitale iranienne alors qu'elle n'avait que 20 000 habitants et aucunement le prestige d'une ville comme Ispahan. Son développement s'accélère aussi lorsqu'elle est reliée par une ligne de chemin de fer à la Turquie. Son essor est encore plus important avec Reza Pahlavi (1926-1941) car ce dernier veut faire de Téhéran un modèle et une vitrine d'un Iran modernisé. De grands boulevards sont conçus, les murs de la ville empêchant son essor sont détruits... 
  • Le développement de Téhéran est aussi lié au fait que la ville est devenue en tant que capitale le siège des institutions et administrations avec en plus des infrastructures qui se construisent grâce à la rente pétrolière. C'est une ville qui devient dans les années 1950-70 de plus en plus attractive, une ville composée de classes moyennes, d'une bourgeoisie mais aussi de catégories sociales défavorisées vivant dans des quartiers populaires situés au sud de la ville. A la veille de la révolution islamique en 1978-79, Téhéran comptait déjà 7 millions d'habitants. Aujourd'hui, elle est une mégapole d'envergure avec une agglomération étendue mais semble être dénuée d'organisation véritable. On note la présence en fait de deux Téhéran: au nord, un Téhéran où vivent les classes moyennes supérieures et au sud,un Téhéran plus populaire avec même des quartiers construits de façon illégale. Téhéran concentre tous les organes du pouvoir, son bazar est un coeur économique important... 
  • Par contre, ce développement aboutit à une macrocéphalie avec une capitale archi-dominante à tous les niveaux ce qui déséquilibre le territoire iranien.De plus, Téhéran est une ville de plus en plus clivée entre des quartiers riches et des quartiers défavorisés sachant, en plus, que cette ville est polluée et qu'elle souffre d'un approvisionnement en eau déficient (le système d'approvisionnement est à l'origine prévu pour 5 millions d'habitants). Téhéran, par bien des aspects, est une ville représentative des grandes villes de la région. Bilan : démographie et urbanisation: trois exemples: la Turquie, l'Iran et la péninsule arabe (les archipel turc, iranien et sud-arabique ) 

 -La Turquie 

  • La Turquie est un état de plus de 83,4 millions d'habitants en 2020 ce qui fait de lui un état démographiquement majeur de la région avec une croissance démographique qui s'est atténuée étant désormais de l'ordre de 1,2% par an.Toutefois, la Turquie est inégalement peuplée avec des espaces “vides” importants. On peut repérer trois grands pôles de population: la région d'Istanbul, la région d'Ankara et celle d'Izmir. La Turquie des plateaux intérieurs est “relativement vide”, un vide renforcé par des migrations internes importantes vers les pôles majeurs notamment Istanbul. Une partie échappe à ces densités faibles: l'Est de la Turquie soit la zone à peuplement kurde. 
  • Comme nous l'avons signalé, la Turquie est structurée autour surtout des pôles d'Istanbul et d'Ankara. Istanbul est toujours le poumon économique du pays et c'est là où se concentrent les fonctions économiques de commandement. Istanbul est très attractive ce qui conduit à son étalement urbain mais également à sa congestion. Par contre, Ankara concentre les fonctions politiques de commandement. Il existe donc une série de clivages: clivage entre espaces urbains dynamiques et espaces ruraux plus à l'écart; clivage entre deux ou trois pôles urbains dominantes et le reste de la Turquie... 

 -L'Iran 

  •  L'Iran, c'est plus de 82,9 millions d'habitants mais avec une densité de seulement 47 habitants au km carré. Comme en Turquie, la répartition de cette population est inégale.Les plus fortes densités se situent à l'Ouest du pays, la partie Est étant beaucoup moins peuplée. On peut relever un axe Nord-sud avec les pôles de Téhéran-Ispahan et Shiraz (de la mer Caspienne jusqu'aux montagnes du Zagros). Comme nous l'avons vu, Téhéran joue un rôle essentiel dans cette armature urbaine conduisant à une macrocéphalie évidente. 

 -La péninsule arabe 

  •  Les concentrations de population n'ont jamais été fortes dans cette péninsule sauf sur les littoraux ou avec les pôles urbains et religieux de La Mecque et Médine. Pourtant depuis plusieurs années d'importants pôles urbains se développent notamment avec les villes du Golfe arabique (ou persique) de Koweït City à Abu Dhabi (comprenant aussi Doha, Dubaï...). En fait, les concentrations humaines et urbaines sont surtout sur les littoraux à l'exception de Riyad: une grande partie de la péninsule reste vide. 

b/ Des économies intégrées aux échanges et à l’économie mondiale

Les économies du Proche et Moyen-Orient ainsi que celles du Maghreb sont relativement bien intégrées à la mondialisation. 

 -une réelle intégration au commerce mondial et aux différents flux 

  • Comme nous l'avons déjà signalé, l'intégration au commerce mondial est réelle.Mais le poids des différents états dans ces échanges est différent. Trois états à savoir l'Arabie Saoudite, les Emirats Arabes Unis et la Turquie assurent plus de 50% des échanges. Les états producteurs de pétrole ont généralement des balances commerciales excédentaires ce qui n'est pas le cas des autres. Certains comme Israël ou la Turquie ont des balances déficitaires. Le principal partenaire commercial tant des états du Maghreb que des états du Moyen-Orient est l'Union européenne (tant au niveau des exportations que des importations): c'est particulièrement vrai pour le Maghreb. Autres partenaires importants, les états d'Asie comme la Chine, l'Inde et le Japon. 
  • Par contre, les E-U n'occupent pas une place essentielle (10% des exportations et 7% des importations). Cette intégration au commerce mondial est à la fois asymétrique et atypique. En effet, et c'est logique, au niveau des exportations ce qui domine sont les hydrocarbures (75%). Les états de la région exportent très peu d'autres produits qu'ils soient agricoles ou manufacturés: Israël et la Turquie sont deux exceptions. Inversement, les importations sont surtout des importations de produits agricoles et industriels (biens manufacturés). L'intégration au commerce mondial est réelle mais repose sur des déséquilibres. 

-des pôles importants de l'économie mondiale et régionale 

  • Certains états peuvent être considérés comme dynamiques avec des influences à la fois mondiales et régionales. L'extraordinaire rente pétrolière permet des investissements mondialisés et régionalisés. De plus, des villes comme Dubaï, Abu Dhabi ou Doha fortement intégrées à la mondialisation attirent les investisseurs et sont des vitrines d'une économie intégrée et ultramoderne. D'ailleurs, la création du 1981 du CCG ou Conseil de coopération du Golfe réunissant l'Arabie saoudite, le sultanat d'Oman, le Koweït, le Qatar, Bahreïn et les Emirats arabes unis a des projets visant à une intégration régionale et mondiale encore plus importante. En 2008, il a lancé le projet d'un marché commun du Golfe avec comme objectifs à terme une monnaie commune et une banque centrale. 
  • Nous sommes dans une logique de coopération visant à intégrer davantage le processus de globalisation et d'économies intégrées. Stratégiquement, les états du Golfe ont décidé de mettre l'accent sur les pays en développement ou sur la voie de l’émergence en particulier les états du Maghreb en participant et finançant de multiples projets (110 projets en 2008) dans des domaines comme les télécommunications ou l'énergie. 
  • Les états du Golfe interviennent aussi en Afrique mais dans une moindre mesure. Comme nous l'avons signalé avec l'exemple du Qatar, les investissements dans les états développés sont des éléments d'une dynamique mondiale. 

c/ Une région attractive 

-Un pôle de migrations

  • Une partie des pays du Moyen-Orient sont attractifs en l’occurrence les pays du Golfe arabo- Persique. Le Golfe est tout simplement « la troisième destination migratoire au monde » comme le souligne Catherine Wihtol de Wenden (Géopolitique des migrations, éditions Eyrolles 2019). Les pays du Golfe riche en hydrocarbures et ayant développé d’importants projets ont besoin de main d’oeuvre et en moyenne les travailleurs migrants forment plus de 50 % de la main d’oeuvre et même 80 % aux EAU ou 90 % au Qatar. 
  • En fait ce besoin de main d’oeuvre s’explique à la fois par l’essor économique mais aussi par une démographie ralentie des pays du Golfe qui de plus ne sont pas toujours des pays ayant une population importante. En 2019, les migrations de travail sont donc très importantes avec en Arabie saoudite plus de 12,1 millions de travailleurs migrants, 8,3 millions aux EAU, 1,7 million au Qatar ou encore 3,1 au Koweït. 

-Mais un système migratoire spécifique

  •  Le système migratoire du Moyen-Orient et notamment du Golfe est particulier. Aux migrants liés au travail s’ajoutent des flux de réfugiés. Les migrants de travail originellement venaient des pays proches : Egypte, Maghreb puis les flux se sont diversifiés avec des flux migratoires en provenance du Bangladesh, du Pakistan, du Sri Lanka ou encore des Philippines. Depuis quelques années se greffent des flux en provenance de la corne de l’Afrique : Erythrée, Soudandu Sud,Somalie...

3/ Mais des inégalités et des freins au développement


Bien que les états du Moyen-Orient et du Maghreb apparaissent comme dynamiques et dans des logiques différentes de nombreux états africains, ils se heurtent à des freins et ont des difficultés à surmonter. 

 A/ Des problèmes qui persistent 

 Trois problèmes sont essentiels pour la plupart de ces états: les problèmes de l'eau et de l'agriculture qui sont des problèmes liés et le problème démographique. 

a/ Des problèmes à surmonter 

-le problème de l'eau et de l'agriculture 

  • L'ancien secrétaire général de l'ONU, l'égyptien Boutros Boutros Ghali avait affirmé que les “prochaines guerres se feront pour l'eau.” Le problème de l'eau est effectivement crucial: en effet, le Moyen-Orient se caractérise par une forte aridité et la présence d'un important stress hydrique (ce dernier mesure la consommation d'eau par rapport aux ressources disponibles: il ne faut être en dessous de 1 700 m cube par an et par habitant). Le Moyen-Orient détient seulement 1,1% des ressources en eau douce renouvelables. Le manque d'eau est réelle sauf pour deux états ayant des ressources en eau vraiment suffisantes: la Turquie et le Liban. Quatre états seulement sont en dessous des 1000m cube par an et par habitant: la Turquie, le Liban, l'Iran, l'Irak. 
  • Or, les besoins en eau sont à satisfaire pour les usages domestiques, les usages agricoles, les usages industriels et les usages de loisirs. Il faut savoir que ces besoins importants peuvent être satisfaits (en théorie) par l'utilisation des fleuves, peu nombreux au Moyen-Orient, des nappes phréatiques pas toujours aisément accessibles ou par des techniques comme les usines de dessalement d'eau de mer plutôt coûteuses. Les ressources en eau sont peu nombreuses et surexploitées ce qui renforce le problème. Les fleuves et les nappes phréatiques sont surutilisés notamment à des fins agricoles à savoir l'irrigation. Les états de la région ont donc élaboré des stratégies reposant sur des aménagements mais des aménagements pouvant provoquer des tensions fortes. 
  • Les fleuves sont ainsi aménagés par la construction de barrages pour produire de l'électricité ou/et aménager des zones irriguées comme les barrages conçus sur le Tigre et l'Euphrate ou sur le Nil; les nappes phréatiques sont exploitées... En 1971, le barrage d'Assouan en Egypte entre en fonction avec une retenue de 162 km carré permettant d'accroître les périmètres irrigués y compris sur le désert. La Turquie a construit plusieurs barrages sur le Tigre et l'Euphrate (projet GAP d'une vingtaine de barrages ) induisant un moindre débit et donc une moindre quantité d'eau pour la Syrie et l'Irak ; la Syrie a aussi aménagé des barrages comme le barrage de Raqqa diminuant encore plus le débit du fleuve se dirigeant vers l'Irak ou le barrage de Tabka.... L'Irak a aussi construit des barrages et a même conçu un canal reliant l'Euphrate et le Tigre. En ce qui concerne le fleuve Jourdain entre Israël et la Jordanie, un traité signé en 1994 avait établi un partage de ces eaux respectivement de 60 et 40% mais ce traité ne règle pas fondamentalement le problème du stress hydrique. Surtout se pose le problème du partage de l'eau entre Israël et les territoires palestiniens de Gaza et de la Cisjordanie, en particulier des nappes phréatiques. Les états exploitent également les eaux fossiles: c'est le cas de l'Arabie saoudite (21 km cube par an en 2010). 
  • Il en est de même pour la Libye ou l'Algérie en Afrique du Nord. Ces stratégies et exploitations diverses provoquent des conflits et des tensions. Les conflits d'usage se multiplient entre les besoins agricoles et les besoins urbains. L'explosion urbaine a conduit à une forte augmentation des besoins en eau et souvent ce sont les zones urbaines et touristiques qui sont privilégiées au détriment des zones rurales. Trois territoires sont intéressants à étudier: le cas de l'Egypte et du Nil, le cas du Tigre et de l'Euphrate et celui du Jourdain. 
  • L'Egypte est dans une situation complexe avec une explosion démographique (plus de 80 millions d'habitants) et urbaine. Ses besoins sont croissants tant pour approvisionner les villes que pour irriguer des espaces agricoles afin de nourrir une population toujours plus nombreuse. Le Nil a toujours été “l'artère” vitale du pays: il est l'objet de tensions surtout qu'il traverse plusieurs pays dont l'Ethiopie et le Soudan (le bassin fluvial du Nil concerne lui 10 états et plus de 300 millions d'individus). En 1959, un accord international est signé sur le partage des eaux du Nil entre l'Egypte et le Soudan au bénéfice de l'Egypte qui se réserve 56 km cube contre 18 km cube au Soudan. Dans les années 60, l'Egypte décide de construire le barrage d'Assouan pour améliorer la situation et accroître les surfaces irriguées. Or, la croissance démographique de l'Egypte est trop forte d'où de nouveaux projets comme celui de la “nouvelle vallée” consistant à mettre en oeuvre un canal de dérivation du Nil pour développer de nouvelles terres agricoles dans le désert. Or le Nil n'est pas seulement égyptien. Le Soudan (plus de 33 millions d'habitants) et le sud Soudan (près de 10 millions d'individus) tout comme l'Ethiopie (87 millions d'habitants + 80% du débit du Nil se forme en Ethiopie) ont aussi besoin des eaux du Nil. Ce dernier état a des projets de barrages pour accroître elle aussi ses surfaces irriguées.
  •  Un barrage est actuellement en chantier, le barrage de la “Renaissance” réalisé avec l'aide de la Chine qui devrait être le plus grand barrage d'Afrique avec une retenue prévue de 1870 km carré. Ce barrage devrait surtout servir à la production d'électricité. La construction de ce barrage a avivé les tensions avec l'Egypte. Des états encore plus en amont comme l'Ouganda ou le Kenya entendent tirer profit du lac Victoria: un lac alimentant le Nil blanc pour développer les surfaces irriguées. De plus en 2010, l'Ethiopie, la Tanzanie, le Rwanda et l'Ouganda ont signé un accord remettant en question celui de 1959. 
  • Pour l'Egypte, le situation devient de plus en plus compliquée. Le Tigre et l'Euphrate sont deux fleuves objets de tensions. Ces deux fleuves naissent en Turquie (elle contrôle 88% du débit de l'Euphrate et 44% du débit du Tigre) et en aval passent par la Syrie et l'Irak. Or de nombreuses réalisations et aménagements ont provoqué et provoquent encore des tensions. Première tension, le projet turc du GAP lancé en 1972 (Güneydoglu Anadolu Projesi devant permettre l'irrigation de plus de 1 700 000 hectares) dont le barrage Atatürk avec sa retenue de 48 km carré est un symbole (mise en eau en 1990). Ce projet consiste à réaliser plusieurs barrages (22 sont prévus) qui conduirait à une baisse du débit de l'Euphrate de 30% lors de son entrée en Syrie. Il en est de même pour le débit du Tigre lors de son passage en Irak. Pour le moment aucun accord n'a été conclu entre les trois états si ce n'est un accord en 1987 entre la Turquie et la Syrie sur des quotas. Enfin, le partage des eaux du Jourdain est aussi un problème. 
  • Le fleuve Jourdain et ses affluents ont une grande importance. Ce bassin concerne plusieurs états: Israël, la Syrie, le Liban, la Jordanie et les Territoires palestiniens. En plus du fleuve lui- même, il existe une nappe phréatique. Les resssources en eau sont limitées donc à partager. Or les eaux du Jourdain ne sont pas équitablement répartis tout en étant surexploitées. Ces eaux sont en grande partie contrôlées par Israël sachant en plus qu'un israélien consomme en moyenne 291 m cube par an contre 97 à un palestinien des territoires de Cisjordanie. Les eaux du Jourdain sont tellement exploitées que cela pourrait conduire à brève échéance à la disparition de la mer Morte dans laquelle le Jourdain se jette. Il faut donc trouver des solutions sachant que les spécialistes considèrent que les états du Moyen-Orient mobilisent déjà la totalité des eaux renouvelables. Parmi les solutions, les usines de dessalement d'eau de mer. Ces usines sont très présentes en Arabie saoudite mais aussi dans les Emirats (70% des villes de la péninsule arabe sont approvisionnées par les usines de dessalement). 
  • Mais ces usines tout comme l'eau qu'elles produisent ont un coût important et cette eau ne peut servir à l'irrigation. Néanmoins, des états comme l'Algérie, la Tunisie (pour les besoins touristiques) comptent développer ce type de structures. Un autre moyen sont les économies d'eau par le biais des techniques de recyclage mais elles sont encore peu développées hormis en Israël ou en évitant les gaspillages. Des techniques comme le goutte à goutte sont intéressantes mais trop peu utilisées. Quoiqu'il en soit, il est urgent de mettre en oeuvre des solutions et de trouver des accords sur un meilleur partage de l'eau afin d'éviter d'éventuelles “guerres de l'eau”. Ce problème de l'eau a un impact sur l'agriculture. La croissance démographique et urbaine oblige à produire plus. 
  • Pour réussir ce pari, les états de la région ont misé sur l'extension des surfaces irriguées or ce n'est pas suffisant pour produire suffisamment. Les réformes agraires n'ont pas modifié la donne. La contrainte de l'eau et de l'aridité est très compliquée à surmonter pour le secteur agricole. 

 -le poids de la démographie pour certains états 

  • Pour quelques états, la croissance démographique peut être une difficulté. La croissance démographique de nombreux états du Maghreb et du Moyen-Orient bien qu'en baisse reste importante. Ainsi, la population du Maghreb et du Moyen-Orient réunis était d'environ 105 millions en 1950: elle est passée à 430 millions en 2003 et devrait atteindre plus de 600 millions en 2025. Les états du Maghreb et du Moyen-Orient ont amorcé la transition démographique et les indices de fécondité ont baissé de façon notable mais peuvent être encore élevés pour plusieurs états. 
  • Les populations sont globalement jeunes: 35 % des habitants du Maghreb et du Moyen-Orient ont moins de 15 ans. La difficulté est bien entendu de former, de fournir des emplois à ces jeunes et de leur proposer un avenir viable. Or, les taux de chômage peuvent être importants comme en Algérie (environ 13%), en Egypte (10,3 %) ou en Jordanie (23%) La démographie est donc dans certains cas un frein ou à tout le moins un problème qu' il faut surmonter. 

b/ Des économies de rente encore insuffisamment diversifiées 

-des stratégies trop liées aux hydrocarbures pour des économies rentières

  • Les états du Proche et Moyen-Orient sont aussi des économies de rente avec de ce fait des revenus provenant surtout de l'exportation de matières premières. De ce fait, on ne peut parler de création de richesse avec des économies insuffisamment diversifiées. La découverte des hydrocarbures au Proche et Moyen-Orient avant la Première guerre mondiale pour l'Iran par exemple et surtout après cette guerre, a permis la formation de ces économies de rente. Bien entendu, les exportations des hydrocarbures sont un moyen d'intégration de l'économie internationalisée et mondialisée. 
  • Parmi les freins à un développement équilibré, les stratégies économiques sont trop liées aux hydrocarbures. Les états producteurs sont dépendants de ce type de rente. Or, ces ressources sont épuisables et sujettes à l'instabilité des cours. 
  • C'est la raison pour laquelle, comme on l'a vu, certains états tentent de diversifier leurs activités (Emirats du Golfe...). Il s’agit aussi de penser l’après-pétrole. Les états du Moyen-Orient connaissent des difficultés économiques: inflation par exemple en Irak (27%), chômage comme en Egypte (13%), en Iran (14%) ou encore au Yemen (35%) avec notamment un chômage des jeunes important. Le manque de diversité au niveau économique explique en partie ces difficultés. 

- dépendance technologique, dépendance aux cours des matières premières... 

  • Ces états sont dépendants des états développées. La dépendance est technologique que ce soit pour l'extraction des ressources, la construction des infrastructures ou les technologies militaires. La dépendance est également économique puisque les états développés sont les principaux débouchés des états du Moyen-Orient. L'exploitation du schiste aux E-U montre que les pays producteurs de pétrole sont dépendants des choix que font les états moteurs de la planète: le pétrole et le gaz de schiste des E-U ont des implications fortes sur les cours du pétrole. 
  •  Une autre dépendance importante est la dépendance alimentaire. Les agricultures du Moyen- Orient ne pouvant répondre aux besoins, les états de la région sont contraints d'importer de plus en plus de produits alimentaires. En Algérie, la production agricole ne permet de couvrir que 40% des besoins, en Iran ou en Egypte cette couverture est seulement de 50%. Dès lors, les importations sont importantes: importations de céréales, de sucre, de lait... Dans un état comme l'Egypte, les importations agricoles représentent 30% des importations totales.

c/ Autres points faibles 

 -les dégradations environnementales

  • Le Moyen-Orient est concerné par les dégradations environnementales et est impacté par le réchauffement climatique. L'eau est devenue un enjeu clé alors qu'elle a longtemps été vue comme une ressource inépuisable. La construction des différents barrages que cela soit celui d'Assouan ou celui de la Renaissance presque achevé n'ont pas tenu compte des problèmes qu'ils pouvaient poser comme la réduction du débit en aval, la salinisation des terres dans le delta du Nil par exemple... Les débits des fleuves se réduisent: le Jourdain en est un exemple “remarquable”: il déversait à son embouchure dans la mer Morte 1 250 m cube d'eau en 1953 et seulement entre 160 et 200 m cube en 2002. Parallèlement, de nombreuses terres arables sont surexploitées et se détériorent avec, en plus, une désertification qui progresse. 
  • Les grands centres urbains sont particulièrement pollués: la ville de Zabol en Iran est considérée comme la ville la plus polluée du monde alors que Riyad se classe en 4e position. Les états du Golfe font partie des plus grand s émetteurs de CO2 au monde... Le réchauffement climatique n'explique pas tout: les choix économiques et de développement sont aussi responsables. Ainsi, au sujet de l'eau, le choix de faire croître les productions par une irrigation massive contribue au problème de l'eau (terres irriguées = un tiers des terres arables au Moyen-Orient). La croissance démographique et les besoins accrus des individus ne rendent pas la situation facile à gérer. 

-les fortes inégalités à différents niveaux et différentes échelles 

  • Les inégalités sont à différentes échelles: inégalités entre états, entre régions d'un même état, entre villes et campagnes... « Les inégalités économiques et sociales sont persistantes » comme le souligne Agnès Levallois (Questions internationales : 2020) Entre états, les inégalités sont fortes entre états producteurs de pétrole (et/ou de gaz) et états non producteurs. Les inégalités internes sont également très importantes entre régions, entre villes et campagnes, à l'intérieur des villes entre quartiers favorisés et moins favorisés...
  • Les inégalités s'expliquent par un partage de la rente déséquilibré pour les états ayant une rente énergétique mais aussi pour certains par les effets de la crise économique de 2008, la libéralisation économique qui profite à quelques-uns ou encore le fléau de la corruption. Ainsi, en Syrie (avant la guerre civile), la création de compagnies de téléphones mobiles s'est réalisée dans le cadre d'une privatisation et c'est un groupe nommé Syriatel qui a emporté la mise, un groupe dirigé par Rami Makhlouf, un cousin de Bachar al-Assad.
  •  Dans plusieurs états, les banques d'affaires ont prospéré dans les années 1990-2000 favorisant l'enrichissement d'hommes d'affaires. Dans un état comme Israël, en 2008, 39% de l'économie était contrôlée par 19 familles avec, en plus des liens forts et obscurs entre ces milieux d'affaires et le monde politique (voir l'affaire de corruption ayant concerné l'ancien 1er ministre israélien Ehud Olmert). Parallèlement, la pauvreté dans de nombreux états augmente, une pauvreté accrue par les difficultés économiques. 
  • L'Egypte a un taux de chômage important autour de 20% de la population active avec en plus une inflation qui réduit le pouvoir d'achat. Dans ce pays, 20% des plus riches contrôlent 43,6% de la richesse nationale alors que les 20% les plus pauvres ne disposent que de 8% de cette richesse. 40% des égyptiens vivent avec moins de 2 dollars par jour et en 2015 selon l'Unicef il y a dans ce pays environ 2 millions d'enfants des rues.
  •  Dans un état comme la Jordanie, un tiers de la population est considérée comme pauvre.En Israël, environ un quart des Israéliens vivent en dessous du seuil de pauvreté (et près d'un tiers des enfants) notamment des familles nombreuses des communautés juives ultra-orthodoxes et les familles arabes. Plus grave, 80% des habitants de la bande de Gaza sont en dessous du seuil de pauvreté: une situation liée à l'enfermement de Gaza dont Israël est responsable.
  •  A cela s'ajoutent les inégalités et déséquilibres régionaux internes comme en Egypte entre une région dominante qui est celle du Caire, le delta du Nil plutôt bien connecté au Caire alors que la Haute-Egypte est à la fois enclavée et sous équipée sans parler du désert du Sinaï devenu une véritable marge dans laquelle se développe d'ailleurs, et ce n'est pas un hasard, l'islam radical. On retrouve ce type de situation au Maroc avec un Sud Maroc marqué par un fort exode rural et une population vieillissante alors que le Nord du Maroc est plus dynamique; en Algérie entre le littoral et l'intérieur des terres dont la Kabylie; en Turquie entre l'Ouest et l'Est... 

B/ Typologie des territoires 

Les états du Moyen-Orient et du Maghreb n'ont pas tous les mêmes atouts ni les mêmes contraintes. Leurs situations économiques, politiques et sociales diffèrent tout comme leur degré d'insertion dans le processus de globalisation. On peut tenter de dresser une typologie de ces états en fonction de plusieurs critères notamment économiques et politiques. 

a/ Des Etats et des territoires dynamiques 

Plusieurs états sont dynamiques, plutôt insérés dans la mondialisation et ont des ambitions au moins à l'échelle régionale: on peut les considérer pour quelques uns comme des puissances régionales. 

 -les pétro-monarchies du Golfe: la réussite 

  •  Les pétro-monarchies du Golfe comme l'Arabie saoudite, les Emirats arabes unis, le Qatar... sont des symboles de réussite économique et d'intégration dans le processus de globalisation. Hormis le cas spécifique de l'Arabie saoudite, ils ne sont pas politiquement et militairement des puissances régionales. 

-des Etats ayant un certain potentiel et une volonté d'être une puissance régionale : Iran, Egypte, Turquie, Israël, Arabie Saoudite, Maroc et Algérie 

  • Cinq états ont les moyens politiques, militaires et même économiques d'être des puissances régionales: elles en ont l'ambition. C'est le cas de l'Iran, de l'Egypte, de la Turquie, d'Israël et de l'Arabie saoudite. Ces puissances régionales que certains rangent dans les pays émergents sont des puissances rivales: rivalité Iran/Arabie saoudite, Iran/Israël, Egypte/Arabie saoudite 

b/ Des Etats et des territoires en difficultés et plus en marge 

Comme dans n'importe quel ensemble géographique, des états sont en difficultés voire très en retrait. 

 -des Etats en difficultés: Etats en guerre ou impacté par les conflits proches 

  •  Parmi les états en difficultés figurent les états en guerre: Syrie et Irak en particulier mais aussi au Maghreb la Libye. La Tunisie semble avoir surmonté ses difficultés au moins partiellement. Sans les conflits qui les minent et les déstructurent, ces états ont un potentiel et se voulaient des puissances régionales. Le Liban a longtemps souffert d'une guerre civile: actuellement, cet état doit gérer un afflux de réfugiés sans précédent (1 million de réfugiés pour 4 millions d'habitants). Le problème est le même pour la Jordanie. 

 -des Etats à la marge: des territoires palestiniens au Yémen 

  •  Deux états ou territoires sont beaucoup plus à la marge: les Territoires palestiniens et le Yémen. Ils cumulent des difficultés économiques et politiques.

4/ Géopolitique du PMO : u n Proche et Moyen-Orient toujours conflictuel avec « des guerres sans fin » (Questions internationales : septembre 2020)


A/ Proche et Moyen-Orient : une zone de conflits permanents 

 Quels sont les facteurs des conflits de la région? Pourquoi cette région reste globalement instable et source de difficultés ? Pourquoi de nombreux Etats et sociétés sont « sous tensions » ? Quels sont les « épicentres » de la violence ? Le Proche et le Moyen-Orient sont vus comme des zones de conflits récurrents où un certain nombre de tensions fortes persistent. Serge Sur dans la revue Questions internationales de 2020 (le Moyen-Orient, des guerres sans fin) évoque « la guerre perpétuelle » avec une « diversité des formes de la violence » (conflits entre états, guerres civiles, actions terroristes), une « galaxie de combattants » (armées régulières, forces paramilitaires, milices, mercenaires, group.es terroristes...)L'expression de poudrière est souvent utilisée faisant référence à la situation des Balkans en Europe avant la Première guerre mondiale. Le Moyen-Orient est à la fois un espace d'instabilité et de conflits internes et un espace de conflits externes dont certains sont prégnants. 
Cette région semble être celle « des guerres sans fin. » (Revue Questions, internationales, septembre 2020). Serge Sur évoque dans la revue Questions internationales les « plaies qui affectent actuellement la région » non seulement avec les conflits mais également avec les affrontements religieux, les difficultés économiques et sociales, les rivalités régionales sans oublier les ingérences extérieures. On note dans cette région « un répertoire de la diversité des formes de violences internes et internationale avec une créativité sans égale » comme l’écrit Serge Sur. Les formes de violences sont diverses avec des conflits entre Etats, des guerres civiles, des interventions extérieures, des actes de violences relevant du terrorisme avec des acteurs non étatiques prégnants (Al Qaïda, Daech...). Les acteurs de ces conflits sont nombreux voir plus haut) : armées nationales, mouvements de guérillas, mouvements islamistes et terroristes, forces paramilitaires, sociétés militaires privées (mercenaires), les services de renseignement, les forces spéciales... 
Serge Sur parle aussi d’un « tombeau du droit international » avec des règles non respectées, des crimes de guerre... Les conflits de cette région tout comme les conflits en Afrique ou ailleurs ont plusieurs raisons : aucun conflit n'obéit là aussi à une seule origine. Il faut prendre en compte plusieurs dimensions et éléments: la dimension économique avec les hydrocarbures et le partage de la rente, le problème de l'eau et de son partage..., la dimension historique avec des enjeux historiques, l'instrumentalisation des histoires et des symboles, la dimension religieuse avec des religions également instrumentalisées... Bien entendu, certains conflits sont liés au passé avec « les stigmates belligènes du passé » (Jean-Paul Chagnollaud : Questions internationales, septembre 2020). 

 a/ Des conflits qui s’inscrivent dans l’histoire

Le Moyen-Orient a une histoire tumultueuse depuis l'éclatement de l'Empire ottoman et la naissance des états -nations de la région. Les états du Moyen-Orient sont de création récente et comme tout état doivent se forger une identité et une unité. L’histoire joue un rôle majeur pour bien comprendre plusieurs conflits. Certaines tensions « sont souvent en résonance avec des événements historiques tragiques qui remontent loin dans l’histoire » (Jean-Paul Chagnollaud : Questions internationales, septembre 2020). S’ajoute le rôle des mémoires qui sont une dimension des conflits du Moyen-Orient. Suite à la Seconde guerre mondiale et au déclin des puissances européennes qui avait eu la mainmise sur le Moyen-Orient (Royaume-Uni et France), on pouvait penser que les Etats et peuples du Moyen-Orient pouvaient rentrer dans une logique positive. Or comme l’écrit Florian Louis (Atlas historique du Moyen-Orient, éditions autrement 2020), « ils se trouvent vite plongés dans les affres de la guerre froide et sommés de se positionner dans le bras de fer planétaire opposant Washington et Moscou. » Rappelons aussi que pendant les années 1950-1960 se développent les nationalismes arabes et une volonté de panarabisme : ce dernier s’avérant être un échec. Mais le Moyen-Orient, c’est aussi l’opposition dès les années 1940-1960 entre les nationalismes arabes qui ont une volonté modernisatrice et l’islamisme (voir avec la Frères musulmans), des islamistes qui parviennent à s’imposer,au moins partiellement à partir de la fin des années 1970 devenant la « force principale mais non hégémonique d’une région dont ils contribuent à accroître la surconflictualité. » (Florian Louis) 

 -Une région déjà sous tensions depuis la fin de la Première mondiale

  • Incontestablement les tensions se développent fortement avec la fin de la Première mondiale et l’éclatement de l’Empire ottoman. « Les crises actuelles trouvent leur origine dans le partage territorial orchestré par les vainqueurs de la guerre de 14-18 » (Gaïdz Minassian : L’histoire du Proche-Orient, Le monde hors-série, 2016). Les populations arabes et kurdes pensaient que la fin de la 1e guerre mondiale marquerait une étape importante dans la construction nationale avec la promesse britannique d’un grand royaume arabe (une promesses non tenue) et pour les Kurdes la possibilité d’un Etat.Or les traités de paix ont été sources de « déconvenues et frustrations » comme le souligne Bertrand Badie (Le Moyen-Orient et le monde, l’état du monde 2021 : éditions La découverte 2020). Une partie de la région est en fait sous contrôle britannique et français par l’intermédiaire des mandats de la SDN : ce contrôle renforce toutefois les nationalismes mais aussi le panarabisme.
  •  Le démembrement de l’Empire ottoman aboutit à la naissance de la Turquie moderne en 1923 avec sa tête Mustapha Kemal, une Turquie fondée sur un nationalisme fort et l’identité turque et qui entend réussir son passage à la modernité. Le démembrement de l’Empire ottoman abouti aussi aux mandats britannique et français : les Britanniques ont un mandat sur la Palestine, la Transjordanie et la Mésopotamie alors que la France exerce le sien sur la Syrie Les Français vont décider de réorganiser la Syrie en la divisant en 5 « états » dont un Grand Liban pour protéger les chrétiens de la région, l’État du djebel Druze, l’État de Damas, l’État des Alaouites...
  •  La France a donc clivé la Syrie et a permis la naissance du Liban et est de fait responsable d’une communautarisation de la région. Quant aux Britanniques, en 1921 ils permettent l’accès à l’indépendance de la Transjordanie devenant une monarchie avec le roi Abdallah et en Mésopotamie, ils vont permettre la naissance d’un nouvel Etat en 1932 à savoir l’Irak qui devient aussi une monarchie avec le roi Fayçal (un pays dont ils contrôlent les ressources en pétrole). 
  • En Palestine, ils promettent (déclaration Balfour de 1917) un « foyer national » pour les Juifs et sont confrontés à des tensions de plus en plus grandes entre communautés arabes et juives : ils portent une responsabilité dans le conflit israélo-arabe. Les années 1920-1930 sont aussi celles de la formation de l’Arabie saoudite, un Etat forgé par le clan des Saoud et en particulier Abd al-Aziz ibn Saoud. Le royaume saoudien est proclamé en 1932, un royaume fondé sur l’idéologie politico-religieuse du wahhabisme. Ces années sont aussi celles de l’émancipation de l’Egypte alors dominée par les Britanniques (depuis la fin du 19e siècle). Les Britanniques avaient même mis en place en 1914 un protectorat sur l’Egypte (elle est de ce fait clairement détachée de l’Empire ottoman). Or, se développe un nationalisme égyptien revendiquant la pleine souveraineté et le départ des Britanniques : c’est notamment l’objectif du parti Wafd (rôle important de Saad Zaghloul). 
  • En 1922, les Britanniques vont créer un royaume d’Egypte avec le roi Fouad 1er mais les Britanniques restent présents et l’Egypte n’est pas encore souveraine. Une autre étape est franchie toutefois avec une Constitution élaborée en 1923. Cette monarchie opte résolument pour la modernité et dans ce contexte particulier qu’est fondé la confrérie des Frères musulmans (par Hassan el Banna) en 1928 qui rejette la modernisation du pays (« Notre Constitution est le Coran »). 
  • Le roi Fouad décède en 1936 et lui succède son fils Farouk. En 1936, les Britanniques accorde une grande autonomie à l’Egypte : cette autonomie n’est pas une indépendance totale mais presque : les troupes britanniques restent présentes au niveau du canal de Suez. Un coup d’État organisé par « les Officiers libres » en 1953 (avec Nasser comme figure de proue) renverse le roi Farouk et la République d’Egypte est proclamée. Pour de nombreux égyptiens cette date correspond à la véritable indépendance. Enfin rappelons que le Maghreb est dans les années 1930 sous domination coloniale française (Maroc, Tunisie qui sont des protectorats, l’Algérie) et italienne avec la Libye. 

 -marquée par la décolonisation et la guerre froide 

  • Le processus de décolonisation au Moyen-Orient s’est amorcé dès les années 1930 comme on a pu le voir avec l’Egypte. Il s’accélère dans les années 1940-1950 avec les indépendances du Liban en 1943 et de la Syrie en 1946 qui ne sont donc plus gérés par les Français. En 1948 c’est aussi la naissance d’un nouvel Etat à savoir Israël. Un peu plus tardivement, les Britanniques vont accorder la souveraineté aux pays du Golfe sous leur contrôle : le Koweït devient indépendant en 1961 (c’est une monarchie). Les Emirats Arabes Unis sont indépendants en 1971 tout comme le Qatar et le Bahreïn... En ce qui concerne Le Maghreb, la Libye devient indépendante en 1951 sous la forme d’une monarchie (roi Idriss 1er), une monarchie renversé par un coup d’état organisé par Kadhafi en 1969 et qui se transforme en république. 
  • Le Maroc et la Tunisie obtiennent l’indépendance en 1956 et l’Algérie en 1962 après un long conflit. La guerre froide a aussi fortement impactée le Moyen-Orient : il en est devenu « le point le plus chaud » selon Gaïdz Minassian. On peut d’ailleurs rappeler qu’un des premiers lieu de la friction entre Soviétiques et Américains (et Britanniques) est l’Iran en 1945-1946. Dans les années 1950, le Moyen-Orient est réellement « fracturé par la « guerre froide arabe » » (Florian Louis) avec des Etats et des monarchies soutenant les Etats-Unis (dont l’Arabie saoudite, le Jordanie et plus tard le Koweït, les EAU quand ils deviennent indépendants) et des Républiques plutôt proches de l’URSS comme l’Egypte de Nasser ou encore la Syrie. Le pacte de Bagdad voulu par les Américains en 1955 rassemble la Turquie ; l’Irak, l’Iran et a comme objectif d’endiguer l’expansion du communisme.
  •  En 1952, il faut mettre en exergue le fait que la Turquie avait intégré l’OTAN. Quant à l’URSS, elle est proche de l’Egypte de Nasser tout comme la Syrie à partir de 1958. On peut aussi souligner une guerre aujourd’hui oubliée au Yémen avec une insurrection marxiste qui se déclenche en 1964, une guerre qui aboutit à la séparation du Yémen en 1967 avec un Yémen du Sud devenu la République populaire du Yémen qui accède à l’indépendance sous un régime marxiste. Les deux Yémen fusionnent et s’unifient en 1990 dans le cadre de la fin de la guerre froide. 
  • A la fin des années 1970, peu de pays sont encore proches de l’URSS hormis la Syrie d’Hafez el Assad et le Yémen du Sud. L’Egypte depuis la mort de Nasser en 1970 et l’arrivée au pouvoir d’Anouar el Sadate s’est liée aux Etats-Unis. Il faut ajouter que les années de guerre froide sont des années de forte instabilité au Moyen-Orient avec plusieurs coups d’État (en Egypte, en Syrie, en Irak, en Turquie...), le déclenchement de la guerre civile au Liban en 1975, les conflits entres Israël et ses voisins arabes ( 1956, 1967, 1973...). 

-le panarabisme et son échec 

  • L'éclatement de “l'homme malade de l'Europe” à savoir l'Empire ottoman en 1918 conjugué au développement de l'idée d'état-nation et d'une idéologie nationaliste arabe au 19e siècle (mouvement de la Nahda) ont modifié le Moyen-Orient tant dans ses structures et organisation politique que dans l'émergence d'idéologies nouvelles comme l'arabisme et le panarabisme. Le nationalisme arabe au 19e siècle se développe par une confrontation avec l'Europe et les héritages européens. L'idée d'une nation arabe s'est constituée progressivement à la fois contre l'Europe et les puissances coloniales et contre l'Empire ottoman. L'éclatement de l'Empire ottoman laissait même entrevoir cette grande nation arabe qui ne verra jamais le jour. Le démembrement de l'empire ottoman donne naissance à une Turquie moderne devenue une République laïque supprimant en 1924 le califat. Le Moyen-Orient est pour un temps occupé par le biais de mandats de la SDN par des puissances européennes: Royaume-Uni et France. Néanmoins, un nouvel état parvient à se former, un état arabe, l'Arabie saoudite en 1932. 
  • En 1936, l'Egypte, protectorat britannique depuis 1914, protectorat abandonné en partie en 1922, devient indépendante en 1936. En 1946, la Syrie et le Liban deviennent également indépendantes après la fin des mandats et le départ des troupes françaises. En 1951, la Libye devient indépendante comme la Tunisie et le Maroc en 1956. L'Algérie l'est en 1962 ainsi que le Koweït en 1961, les émirats du Golfe en 1971. On assiste donc en quelques années à la naissance de nouveaux états qui reconfigurent le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord. En ce qui concerne l'Empire ottoman, les zones qui en étaient dépendantes, étaient structurées par un Empire tolérant les différents groupes ethniques, linguistiques et religieux. Néanmoins, dans cet Empire, l'élément clé est l'appartenance religieuse: elle est le référent. Concrètement, l'Empire ottoman a favorisé les communautés religieuses. Or, les nouveaux états qui se construisent sont des états-nations dans lesquels l'organisation politique est différente. Il faut d'ailleurs construire cet état-nation ce qui passe le plus souvent par une politique de modernisation de ces états à l'exemple de la Turquie de Mustafa Kemal ou encore de l'Iran à partir des années 1935-1940. Dans ces nouveaux états ont également émergé de nouvelles élites: fonctionnaires, militaires qui vont souvent finir par s'imposer. Ces constructions nationales suscitent des résistances et dans plusieurs cas, les groupes traditionnels (clans, familles) réussissent à s'imposer. Les années 1936-fin des années 60 sont, pour reprendre l'expression de Leyla Dakhli, “l'âge d'or du nationalisme arabe”.
  •  Un des exemples de ce nationalisme est l'affirmation du nationalisme arabe en Palestine. L'année 1936 est une étape importante: elle correspond à une révolte d'importance. Le nationalisme arabe en Palestine ne date pas de 1936: les mouvements nationalistes arabes et les premiers mouvements islamistes (Congrès islamique de Jérusalem en 1931) se sont mobilisés avant notamment pour condamner le mouvement sioniste et l'arrivée de migrants juifs (150 000 migrants entre 1933 et 1935) en provenance d'Europe. En 1936 se déclenche une véritable révolte à la fois contre les Britanniques et contre les mouvements sionistes. L'agitation arabe dans les régions sous mandat et les manifestations sont de plus en plus fréquentes. 
  • La France et le bloc national syrien (un mouvement nationaliste) négocient ce qui aboutit à la mise en place d'une constitution et un processus d'unification du territoire (sans le Liban détaché de la Syrie en 1920 par la France). Un processus similaire se déroule au Liban. Les années 1930-1950 sont des années de développement du panarabisme: un développement dans le cadre de nouveaux états-nations arabes. Le panarabisme est une mise en valeur de l'arabité et du sentiment d'appartenance à une entité commune: le syrien Sati al Husri est un des initiateurs de cette volonté de réunir les Arabes dans une nation commune (rôle clé de la langue et de l'histoire). 
  • Pour certains arabes, il y a une double appartenance: l'appartenance à un état-nation et l'appartenance à un ensemble plus vaste qui est celui d'une nation arabe. La tentative d'union entre l'Egypte et la Syrie en 1958-1961 par la création de la République arabe unie est une vaine tentative allant dans ce sens En 1945, est fondée au Caire la Ligue arabe, une organisation permettant aux chefs d'état arabes de se réunir régulièrement. En 1969 est créée une organisation différente, l'Organisation de la conférence islamique (OCI) dont le siège est à Djeddah en Arabie saoudite. Le panarabisme reste une utopie: les états nations arabes n'ont pas les mêmes objectifs et sont souvent rivaux comme l'Egypte et l'Arabie saoudite dans les années 1960. Les états privilégient leurs intérêts au détriment d'une vision commune. Toutefois, ces années sont marquantes par le développement de grands mouvements nationalistes comme le Baassisme ou le Nassérisme: le baathisme (ou baassisme) et le nassérisme deviennent des “idéologies” utilisées par des partis au pouvoir en Syrie, en Egypte et en Irak. Le baassisme est une idéologie qui est née et s'est développée en Syrie par l'intermédiaire de penseurs comme Michel Aflak (un chrétien orthodoxe) et Salaheddine Bitar (un musulman sunnite). Cette idéologie rejette les mandats et mettent en évidence la nation arabe et panarabe. Pour Aflak, cette idéologie ne doit pas être fondée sur la religion d'où l'idée que le baassisme est une idéologie laïque. Il s'agit de promouvoir une nation culturelle arabe: c'est la culture qui est le ciment de l'identité. Aflak fonde en 1943 le parti Baas (parti de la la résurrection socialiste et arabe) avec S.Bitar: son premier congrès se tient en 1947 (Unité-Socialisme-Liberté est son slogan au départ). 
  • Le baassisme se diffuse en Jordanie, au Liban et surtout en Irak où parti baath irakien créé en 1947. Quant au nassérisme comme son nom l'indique, il est lié à Nasser, président de l'Egypte entre 1954 et 1970. Le nassérisme est un mouvement nationaliste arabe et panarabe. La crise de Suez de 1956 entre d'une part l'Egypte et d'autre part le Royaume-Uni et la France permet à Nasser d'affirmer le nationalisme arabe: les Arabes doivent être maîtres de leur destin. La radio: la voix des Arabes qui diffuse ses émissions du Caire devient un des symboles du nassérisme. Aujourd'hui, le panarabisme parâit mort du moins dans sa forme initiale. Certains pensent comme Matthieu Guidère que s'affirme un nouvel panarabisme par l'affirmation des états du Golfe, leurs réseaux financiers et de communications et par le rôle du Conseil de coopération du Golfe (CCG). La ligue arabe, créée donc en 1945, est l'unique organisation à réunir les états arabes: elle se compose actuellement de 22 états membres dont les 7 états fondateurs (Jordanie, Arabie saoudite, Liban, Syrie, Egypte, Irak, Yémen). 
  • L'OLP (Organisation de libération de la Palestine) en fait partie depuis 1976. La ligue arabe devait être un moyen pour les états membres pour faciliter la concertation et parler d'une même voix (la règle de fonctionnement est l'unanimité). Politiquement, elle est plutôt un échec: l'exclusion de l'Egypte pendant 10 ans suite aux accords signés avec Israël en 1978 mais aussi les divergences liées à la guerre en Irak en 1990-91 sont révélateurs des clivages: le monde arabe est loin d'être uni. Pendant la guerre froide, il était partagé entre les monarchies favorables aux E-U et des Républiques se voulant progressistes. Il était également clivé entre les mouvements panarabes baassistes et nassériens. Aujourd'hui les clivages persistent mais ils sont plus à mettre en relation avec le développement de l'islamisme, les “printemps arabes” ou encore des divergences au sujet de la Syrie ou de l'Irak. 

-La permanence des coups d'états et des régimes autoritaires 

  • Une fois devenus indépendants, les états du Moyen-Orient vont assez rapidement devenir des régimes autoritaires après une période d'expérimentation républicaine et parlementaire. Il faut rappeler que l'indépendance de plusieurs états se réalisent dans le cadre de la guerre froide. Cette dernière a des effets sur les états du Moyen-Orient: des états font le choix rapidement de l'alliance avec les E-U comme l'Iran ou l'Irak alors que d'autres vont se rapprocher de l'URSS comme l'Egypte de Nasser dans les années 60. Quoiqu'il en soit, les états de la région que ce soit la Syrie, le Liban, la Jordanie ou l'Irak, des Constitutions sont élaborées et des régimes parlementaires mis en place.Or assez rapidement, ces états assistent à l'émergence et au poids grandissant de l'armée et des militaires. 
  • Certaines armées ont un profond malaise et ressentiment suite à la défaite de 1948-1949 contre le nouvel état d'Israël. En 1952, des officiers dits “libres” en Egypte contraignent le roi Farouk à quitter le pouvoir et un général, Nasser, prend le pouvoir en 1954. En Syrie, plusieurs coups d'état ont lieu entre 1949 et 1954 (cinq). En 1953, le premier ministre iranien Mossadegh est renversé (Il avait décidé de nationaliser le pétrole iranien) et le régime du Shah, soutenu par les E-U, est rétabli. 
  • En juillet 1958, l'armée irakienne avec ses “officiers libres” prend le pouvoir et exécute le roi Faysal II: ils proclament une République avec à sa tête le général Kassem. En 1963, le général Aref est à l'origine d'un nouveau coup d'état permettant la prise de pouvoir du parti Baas irakien suivi d'un autre en 1968 avec Al-Bakr secondé par Saddam Hussein. En 1979, Saddam Hussein à son tour est au pouvoir par l'éviction de son prédécesseur. 
  • En 1969, c'est le colonel Kadhafi qui par un coup d'état parvient au pouvoir en Libye. En En 1970, Hafez el Assad à sont tour prend le pouvoir en Syrie suite à un nouveau coup d'état. Les régimes autoritaires et nationalistes se sont multipliés au Moyen-Orient. Nombre d'entre eux ne seront remis en question que dans les années 2000-10 soit par des interventions extérieures (Irak en 2003) ou des révoltes internes (2011: “printemps arabe”). 

b/ Une région perturbée par des tensions et des conflits majeurs: de l'Irak à l'Iran 

Le Moyen-Orient est une zone très perturbée par les conflits. Ultérieurement, nous analyserons les conflits entre Israël et les états arabes ainsi qu'avec les Palestiniens mais ils ne sont pas les seuls. Les guerres du Golfe et le cas de l'Iran sont tout aussi importants pour montrer la conflictualité régionale et les sources de tensions. 

 -les guerres du Golfe: des conflits déstabilisateurs et dont les effets perdurent

  • La région du Golfe persique ou arabique est une des zones les plus instables du Moyen-Orient. C'est une région aux clivages et rivalités fortes notamment entre puissances régionales: Irak et Iran ou Iran et Arabie saoudite. C'est une région qui n'est pas exclusivement arabe puisque l'Iran est à majorité perse, ni exclusivement sunnite: l'Iran et l'Irak sont à majorité chiite comme le Bahreïn. Un des conflits les plus violent fut indiscutablement le conflit entre l'Irak et l'Iran entre 1980 et 1988, un conflit ayant eu des répercussions à la fois au niveau régional et mondial. C'est également un conflit déterminant pour comprendre les deux guerres du Golfe de 1990-91 et 2003. Le conflit entre l'Irak et l'Iran a plusieurs origines: des origines historiques avec une rivalité entre ces deux états dont un est à composante plutôt arabe, l'Irak et l'autre à dominante perse. Ce conflit s'inscrit également dans des logiques politiques: différends au niveau des frontières, rivalité avec un Iran devenu en 1979 une République islamique... 
  • Avant que la guerre éclate, il existait des tensions territoriales au sujet d'une rivière le Chott el arab: ce dernier est d'une longueur de 200 kms et sur près de 100 kms sert de frontières entre les deux états. Le Chott el arab est perçu depuis fort longtemps comme une frontière entre des mondes différents: monde perse et monde ottoman du temps de l'Empire ottoman, frontière entre sunnisme et chiisme... 
  • Il est aussi au coeur d'une région pétrolifère avec notamment Abadan une ville de la province du Khuzistan et à proximité l'île de Kharg où se trouve un terminal pétrolier essentiel pour l'Iran.Or, en plus du Chott el arab, la province du Khuzistan est peuplée d'une majorité d'arabophones et a été rattachée tardivement à l'Iran. L'Irak s'estime donc en droit de revendiquer la région. Parallèlement, la révolution islamique d'Iran avec l'arrivée au pouvoir de Khomeiny en 1979 a changé la donne régionale: l'opposition entre l'Irak et l'Iran s'accentue. Saddam Hussein au pouvoir en Irak craint que les Iraniens favorisent des mouvements chiites irakiens. De plus, il a le soutien des E-U qui n'ont pas de bonnes relations avec le nouveau pouvoir en Iran. En septembre 1980, l'Irak envahit donc l'Iran: Saddam Hussein souhaite par cette guerre modifier les frontières en prenant le contrôle de la rive est du Chott el arabe voire en annexant le Khuzistan. Il pense également s'affirmer comme le leader du monde arabe et conforter ainsi l'Irak comme puissance régionale. Pour l'Iran, cette guerre est vue comme un moyen d'affaiblir son voisin: les dirigeants iraniens comptent s'appuyer sur les chiites d'Irak qui d'ailleurs ne l'aideront pas. 
  • L'offensive irakienne est repoussée par l'armée iranienne: la guerre s'enlise. L'Irak bombarde à partir de 1984 les terminaux pétroliers iraniens.Un cessez-le-feu est finalement signé en août 1988. Ce conflit a provoqué la mort de milliers d'individus environ 800 000 morts et son impact économique est considérable pour les deux états. Dans ce conflit, les grandes puissances ont agi: les E-U et la France ont apporté un soutien à l'Irak (armements...) alors que les états du Golfe ont apporté un soutien financier. Par contre, on peut noter qu'Israël a soutenu l'Iran percevant l'Irak de Saddam Hussein comme une puissance régionale dangereuse. Ce conflit a eu des effets considérables. L'Irak sort de la guerre très endettée (environ 100 milliards de dollars) notamment à l'égard des états du Golfe. Saddam Hussein entend obtenir des gains notamment politiques de cette guerre: il s'estime victorieux et surtout pense avoir lutté pour le monde arabe et sunnite. Dans cette optique, il demande aux états du Golfe de revoir le paiement des dettes or les demandes de l'Irak ne sont pas prises en compte. Les monarchies du Golfe sont inquiètes de la puissance acquise par l'Irak et de son affirmation comme puissance régionale. Cette inquiétude est confirmée par l'invasion du Koweït par les troupes irakiennes en août 1990 déclenchant la première guerre du Golfe. La première guerre du Golfe devient très rapidement un enjeu international: les E-U souhaitent intervenir. Il s’agit pour eux, alors qu'ils ont soutenu l'Irak pendant la guerre contre l'Iran, d'éviter toute modification de l'ordre régional et de maintenir les équilibres politiques locaux sans qu'un état ne puisse s'affirmer. Ils veulent éviter que l'Irak soit un acteur majeur au niveau du pétrole: en annexant le Koweit, l'Irak contrôle 10% des réserves mondiales, 20% au total avec les siennes. Les E-U parviennent à former une coalition internationale et à obtenir l'aval de l'ONU. 
  • Ils reçoivent notamment l'appui des monarchies du Golfe où l'Irak est vue comme un facteur de déstabilisation , de l'Egypte qui fournit même des soldats à la coalition, de la Syrie qui voit un bon moyen de s'affirmer face au rival irakien, de la Turquie... Quant à l'Iran, tout en tirant profit du conflit, elle affirme sa neutralité. Suite au refus irakien de se retirer du Koweït, l'opération “tempête du désert” est lancée en janvier 1991. L'Irak est vaincue, un cessez-le-feu proclamé en février sans que le régime de Saddam Hussein ne soit renversé.. Cette première guerre du Golfe a des effets importants: les E-U confirment leur position dominante au Moyen-Orient, le monde arabe est quant à lui divisé avec une opinion publique arabe globalement hostile à l'intervention étrangère contre l'Irak. Le Koweït retrouve son indépendance et l'Irak sort encore plus affaibli du conflit. 
  • Plus important, les E-U laissent S. Hussein au pouvoir comptant sur le renversement du dictateur par les populations irakiennes elles-mêmes qui au moins pour les Chiites et les Kurdes se révoltent. Or, les révoltés ne reçoivent aucun soutien: la Turquie craint la naissance d'un état kurde et l'Arabie saoudite est inquiète d'une éventuelle prise du pouvoir par les Chiites irakiens. Saddam Hussein peut donc mener une terrible répression en particulier contre les chiites du sud de l'Irak et maintenir une dictature de plus en plus répressive.. Enfin, dernier effet et non des moindres, ce conflit va attiser l'islam radical notamment la formation et le développement d'Al Qaïda, mouvement dont la création remonte à 1987, dont l'un des fondateurs, Ben Laden, a trouvé inadmissible la présence de bases américaines sur le sol saoudien pendant la guerre. Cette première guerre du Golfe a contribué à l'expansion d'un islam radical sunnite. Une seconde guerre du Golfe a néanmoins lieu en 2003 dans le contexte d'une guerre déclarée au terrorisme par les E-U après les attentats du 11/09/2001. 
  • Pour les E-U, il convient de reconfigurer le Moyen-Orient par la création d'un “Grand Moyen-Orient” devenant démocratique. Pour réaliser cette objectif, il faut renverser Saddam Hussein et bâtir un Irak libre et démocratique qui donnerait l'exemple aux autres états de la région. Les E-U vont se servir de prétextes pour agresser l'Irak (présence d'armes de destructions massives) et intervenir en mars 2003. Le régime d'Hussein est renversé, ce dernier arrêté en décembre 2003 puis jugé par un tribunal d'exception irakien et exécuté en 2006. Cette deuxième guerre en Irak a totalement déstabilisé l'Irak et la région. La présence américaine a déclenché une lutte contre l'occupant américain menée notamment par Al Qaïda mais également des affrontements entre Irakiens (Sunnites et Chiites). 
  • Depuis 2003, l'Irak est dans une situation difficile ayant provoqué le déplacement de plus de 5 millions d'Irakiens dont plus de 2,4 millions hors d'Irak. Les E-U ont voulu menenr une politique de “débaassification” de l'Irak afin d'écarter de la vie politique les membres du parti de Saddam Hussein. Une partie des cadres du parti Baas ont rejoint la luttre contre les Américains et notamment depuis quelques mois l'état islamique au levant (DAECH). Des élections ont été organisées en janvier 2005 pour une Assemblée constituante prévoyant un état fédéral avec entre autres une région du Kurdistan. Les premières élections législatives ont vu la victoire des partis chiites. En 2009, Barack Obama a annoncé le retrait des troupes américaines d'Irak: retrait terminé en 2011. Depuis cette date, le problème irakien n'est pas réglé.
  •  Aux élections de mars 2010, les chiites majoritaires ont constitué un gouvernement avec à sa tête Nouri Al Maliki. Or, c'est un régime corrompu et rongé par une extrême violence: violences entre chiites et sunnites avec de multiples attentats, violences provoquées par des mouvements islamistes dont Al Qaïda. Actuellement, s'est développé un nouveau mouvement islamiste Daech (état islamique au levant) qui contrôle une bonne partie des région sunnites d'Irak. Ce pays est tout simplement en voie d'éclatement avec une région kurde autonome s'opposant activement à l'état islamique, un état et une région chiite elle aussi en lutte contre Daech avec le soutien de l'Iran voisin et une zone sunnite soutenant au moins en partie l'état islamique. L'un des effets des guerres du Golfe est d'avoir contribué à la désagrégation de l'Irak et au développement de mouvements islamistes particulièrement brutaux. 

-L'Iran: un problème à dimension régionale et internationale

  • L'Iran est un acteur majeur de la région. La révolution islamique en 1979 a changé la situation de ce pays qui, il faut le rappeler, était un allié des Etats-Unis jusqu'à cette date. En effet, depuis les années 1950 et notamment le renversement de Mossadegh en 1953, Mohammed Reza Pahlavi qui avait succédé à son père a fait le choix de l'alliance avec les E-U tout en voulant faire de l'Iran une nation moderne. Déjà en 1963, une partie du clergé avec à sa tête Khomeiny avait initié un soulèvement contre le régime du Shah. Progressivement, ce dernier à la tête d'un état répressif (la police politique, la Savak était l'instrument de cette répression) perd le soutien de la population y compris des classes moyennes qui avaient pourtant bénéficié de la modernisation. A partir de 1978, le cycle manifestations-répression s'amplifie: des manifestations soutenues par le clergé mais une partie des manifestants sont des marxistes ou des libéraux.
  •  En janvier 1979, le Shah est contraint à l'exil et l'ayatollah Khomeiny rentre à Téhéran en février où se met en place en avril une république islamique d'Iran. Rapidement, les religieux prennent le contrôle de l'état, répriment les opposants et instaurent un système dans lequel le personnage clé est le guide suprême de la révolution. La révolution islamique est une rupture car elle permet à l'islamisme d'être sur le devant de la scène internationale. Cet islamisme d'inspiration iranienne se développe au Liban avec la création en 1982 du Hezbollah et en 1987 du Hamas dans les territoires palestiniens occupés (le Hamas est un mouvement sunnite). 
  • Surtout, l'Iran, alors que la guerre froide n'est pas terminée, ne s'inscrit pas dans le schéma de l'époque: elle rejette les E-U et son modèle mais elle fait de même avec l'URSS. Actuellement, l' Iran pose problème aux Occidentaux par le développement du nucléaire même si un accord a été trouvé et signé en juillet 2015 à Vienne mettant fin d'ailleurs à un embargo sur le pays. L'élection en 2013 d'un “modéré”, Hassan Rohani à la présidence, a fait évoluer les choses. L'Iran pose aussi problème à ses voisins en particulier l'Arabie saoudite qui craint le formation et le développement de ce qu'on nomme un “arc chiite” du Liban où le Hezbollah est soutenu par les iraniens en passant par la Syrie et l'Irak (une Irak à majorité chiite). 
  • La rivalité Iran-Arabie saoudite n'a jamais été aussi forte. L'Iran soutient également Bachar al Assad en Syrie et lutte contre DAECH: elle pourrait dès lors apparaître comme un élément utile pour les Occidentaux. Enfin on peut souligner les relations toujours très tendues entre l'Iran et Israël: les israéliens n'accordent aucune confiance aux Iraniens. Depuis la révolution islamique, l'Iran ne reconnaît pas l'existence d'Israël et apporte un soutien important au Hamas. 


B/ L'islam radical: une dimension devenue incontournable de la géopolitique régionale et internationale 

Pourquoi et comment l’islamisme est devenu un acteur et une dimension de la géopolitique régionale et mondiale? En quoi est-il perturbateur des Etats et sociétés de la région ? L'islamisme est devenu un élément clé du Moyen-Orient: le récente développement de l'état islamique au Levant en est la preuve. 

 a/ Qu'est-ce que l'islamisme? 

-ses origines, son développement

  •  L'islamisme aussi nommé islam radical se développe surtout depuis la fin des années 70 avec les échecs des nationalismes arabes et du panarabisme. Il bénéficie aussi des profondes inégalités économiques et sociales dont certains mouvements comme les Frères musulmans en Egypte savent tirer profit. Il est aussi une réaction au ressentiment à l'égard de l'Occident: un Occident accusé de vouloir imposer son modèle et ses valeurs. L'islamisme est une idéologie politico-religieuse dont l'un des objectifs est l'instauration d'un état islamique avec comme fondement juridique la charia. L'élément politique est important: l'islamisme n'est pas uniquement religieux. La charia est un ensemble de normes tirées du livre sacré: le Coran et de la tradition (la sunna).
  •  Il faut préciser que la charia est appliquée de manière très différente selon les états: dans les états du Golfe, elle est la principale source du droit mais l'est aussi en Iran. Par contre, elle n'est pas mentionnée comme source juridique dans des états comme le Maroc, la Tunisie, le Liban ou la Jordanie. Là où elle est appliquée, elle concerne aussi bien le statut des familles que le droit pénal ou le droit économique. L'islam radical, c'est aussi le refus de l'Occident et des valeurs jugées destructrices des sociétés musulmanes. Pour les mouvements islamistes, il faut s'appuyer sur les valeurs de l'islam et non sur des valeurs venues d'Occident. L'islamisme est aussi un anti-occidentalisme. 
  • Néanmoins, les islamistes savent exploiter et s'adapter au monde moderne notamment par l'utilisation des moyens de communication les plus modernes. Il faut dans la mesure du possible différencier, et ce n'est pas toujours aisé, les mouvements islamistes radicaux des mouvements salafistes. Le salafisme (salaf= les ancêtres) veut le retour à un islam authentique respectant la sunna. Le salafisme s'est imposé dans de nombreux pays par le biais d'écoles coraniques. Il peut être, pour reprendre les termes d'Antoine Sfeir une “passerelle vers l'extrémisme et le Jihad planétaire”. 
  • Le salafisme moderne rejette toute innovation: il est très lié au Wahhabisme. Cet islamisme n'est pas né de rien: il puise ses idées dans un fonds ancien. Les mouvements se réclamant de cet islam s'appuie par exemple sur les écrits d'Ibn Taymiyya (il peut être considéré comme un salafiste) un théologien des 13e-14e siècles qui refusait toute innovation en matière de théologie; il rejetait aussi la philosophie. Plus important est la référence à Mohammed Ibn Abdel Wahhab. Ce dernier est un réformateur religieux arabe du 18e siècle dont le projet est un retour à la pureté de l'islam des premiers temps. Il développe une idéologie, le wahhabisme, qui condamne toute interprétation nouvelle du Coran, rejette les cultes des saints, la culture née avant l'islam...
  •  Cet idéologue se lie avec un émir arabe: Mohammed Ibn Saoud. Cette idéologie devient le fondement quelques décennies plus tard du Royaume saoudien. Il utilise des références plus récentes: des références du 20e siècle. Les Frères musulmans sont une de ces références. Ce mouvement est fondé en 1928 par Hassan el Banna. Les Frères musulmans mettent l'accent sur le rôle déterminant joué par les arabes et souhaitent un retour à un islam des origines basé sur la pureté morale. Comme les Wahhabites, ils refusent les valeurs occidentales et des pratiques jugées non conformes à l'islam originel: culte des saints, confréries soufies... 
  • Très rapidement, les Frères musulmans développent des actions politiques et sociales. Hassan el Banna est assassiné en 1949 et son successeur Sayyid Qotb radicalise le mouvement avec la volonté de faire de l' Egypte un état islamique avec la charia comme base. Dès lors, le mouvement se heurte au régime de Nasser: ce dernier met en oeuvre une répression féroce contre les Frères musulmans: S. Qobt est arrêté et exécuté en 1966. Il faut attendre les années 1980 pour que les Frères musulmans fassent un véritable retour sur la scène égyptienne allant même jusquà s'insérer dans le jeu politique national. Ils remportent les élections législatives (sous le nom de parti de la justice et de la liberté) de 2012 suite au printemps arabe et Mohammed Morsi devient même président. Il est renversé par un coup d'état militaire en juillet après des manifestations de grande ampleur contre la politique menée par les Frères musulmans.
  •  Il faut ajouter que les Frères musulmans ont influencé et essaimé dans des états proches comme la Libye, la Jordanie, l'Arabie saoudite (où ils sont très présents dans les structures d'enseignement) ou la bande de Gaza Une autre référence est Maulana Maududi (1903-1979) un idéologue pakistanais. Pour ce dernier, la loi coranique doit s'appliquer dans sa totalité. Il affirme que l'islam est aussi une idéologie politique. Enfin,la dernière référence des islamistes, du moins de certains, est le chiisme dit révolutionnaire tel qu'il a été développé par Khomeiny. Pour Khomeiny, la loi coranique doit être le fondement de toute société musulmane et l'état islamique est la forme politique la plus adaptée. 

 -typologie d'un islam protéiforme 

  • L'islam et les mouvements se revendiquant de l'islamisme sont protéiformes: ils n' obéissent pas tous à la même logique. Les acteurs de l'islamisme ont des différences: de nombreux acteurs opèrent dans un cadre national alors que quelques uns ont décidé d'agir dans un cadre plus large, un cadre international. De nombreux mouvements se réclament de l'islam politique : on peut distinguer : Des mouvements salafistes avec un salafisme dit quiétiste plus soucieux d'une application des principes coraniques dans la vie quotidienne que d'une action politique. Les religieux wahhabites saoudiens appartiennent à ce courant. Il existe un salafisme plus politique souhaitant que le politique soit soumis au religieux: c'est un syrien, Muhammad Sourour, le fondateur d'un centre islamique en Angleterre qui représente le mieux ce courant. Enfin il y a un salafisme jihadiste s'étant développé au moment de la guerre en Afghanistan (1979-1989). 
  • Des mouvements légalistes qui peuvent jouer le jeu de la démocratie: l'AKP en Turquie (parti de la justice et du développement), les Frères musulmans en Egypte entrent dans cette catégorie ou le Mouvement pour la société et la paix en Algérie (MSP). L'AKP est même au pouvoir en Turquie depuis 2002 et les Frères musulmans l'ont été très brièvement en 2012-2013. Des mouvements islamistes radicaux eux-mêmes divers. 
  • Ces mouvements proclament le djihad pouvant être conduit contre un état en place comme la longue lutte en Algérie entre l'armée d'une part et le GIA (groupe islamique armé) ainsi que le GSPC (groupe salafiste pour la prédication et le combat ou un djihad plus internationalisé comme celui d'Al Qaïda. 

 b/ Le développement du jihadisme: un bouleversement géopolitique 

Le jihadisme s'est développé surtout à partir des années 1990 en utilisant un terrorisme internationalisé. La “matrice” selon l'expression de Denis Bauchard du terrorisme islamiste se localise en Afghanistan où de nombreux combattants arabes sont allés faire le djihad contre les Soviétiques. Lors de ce conflit, Oussama ben Laden (un saoudien) se manifeste en créant un bureau des services recrutant des centaines de moudjahidin. La première guerre du Golfe est une seconde rupture: Ben Laden et son groupe Al Qaïda décident de mener une lutte contre les E-U et leurs alliés, une lutte globale. 

 -au sein du Proche et Moyen-Orient 

  •  Al Qaïda a formé et forme encore une nébuleuse. Depuis la mort de Ben Laden en 2011, Al Qaïda dit centrale a pour chef Ayman al-Zawahiri. Plusieurs organisations ont fait allégeance à Al Qaïda comme le front al-Nosra en Syrie ou Al Qaïda au Yémen (AQPA). Un nouveau mouvement s'est affirmé en quelques années: Daech ou état islamique en Irak et au Levant. Ce mouvement est né en 2006 d'une scission d'Al Qaïda en Irak et Syrie et a pris une dimension hors norme à partir de 2014 avec la prise de Mossoul en Irak. 
  • Actuellement, Daech contrôle un territoire allant de la Syrie à l'Irak. La particularité de Daech est sa volonté, à l'inverse d'Al Qaïda, de former un état. En effet, son chef Al-Baghdadi a nommé des gouverneurs dans les régions contrôlées, l'état islamique s'appuie sur des administrations, prélève l'impôt... 

 -et dans une sphère géographique plus large

  • Al Qaïda et Daech ont essaimé hors du Proche et Moyen-Orient. Al Qaïda est présent au Maghreb et au Sahel par l'intermédiaire d'Al Qaïda Maghreb Islamique (AQMI). Le groupe Al-Shebab présent en Somalie est affilié à Al Qaïda. Par contre, Boko Haram (Nigeria), Ansar Beit al-Maqdess (Egypte) ou Ansar el Charia (Tunisie, Libye) sont affiliés à Daech. La montée des mouvements islamistes peut s'expliquer par plusieurs facteurs. Le premier facteur relève de l'incapacité des états de la région à mener des politiques efficaces tant au niveau économique et sociales (inégalités fortes) qu'au niveau politique (incapacité à construire des démocraties). 
  • La fragilité de certains états ajoute un facteur supplémentaire comme l'illustre le cas du Yémen. Certains pays du Golfe dont l'Arabie saoudite ou le Qatar ont une responsabilité en ayant favorisé le wahhabisme, en s'appuyant sur des organisations comme les Frères musulmans qu'elles financent. Enfin, il est incontestable que les interventions des E-U ont contribué au développement du jihadisme en particulier les guerres du Golfe. 

C/ Des Etats fragilisés et des conflits internes dramatiques 

Comment peut-on expliquer la réalité de certains conflits particulièrement destructeurs? Pourquoi et comment certaines guerres civiles sont durables ? Plusieurs états du Moyen-Orient sont terriblement fragilisés avec des conflits qui durent et paraissent insolubles. 

 a/ Des conflits internes dramatiques... 

 Plusieurs conflits internes sont profondément dramatiques et déstabilisent la région voire posent problème au niveau international. 

 - Révolutions et printemps arabes : des ruptures

  • En 2011 ont eu lieu une série de révolutions au Moyen-Orient laissant penser à des évolutions importantes: ces révolutions dénommées sous le vocable printemps arabe ont suscité des espoirs. Une série de révoltes ont lieu dans des états autoritaires et souvent très répressifs, des régimes reposant sur une police et une armée avec le plus souvent un clan, une tribu en place (le népotisme est la règle). Ces régimes sont clientélistes et corrompus et n'ont pas réussi à réduire les inégalités économiques et sociales. Le premier pays qui bouge est la Tunisie en décembre 2010. La révolte tunisienne aboutit avec l'aide de l'armée au départ du dictateur Ben Ali ( il a trouvé refuge en Arabie saoudite). En octobre 2012, une assemblée constituante a élaboré une nouvelle constitution. 
  • Or, aux élections pour la constituante, le parti vainqueur est un parti islamiste Ennahdha. Ce dernier après plusieurs semaines de troubles se retire du pouvoir. Une nouvelle constitution voit le jour en janvier 2014, des élections présidentielles démocratiques ont lieu en novembre 2014 et législatives. Le président élu est Béji Essebsi membre d'un parti appelé Nidaa tounes (appel de la Tunisie). Les élections législatives s'étaient déroulées en octobre avec la victoire du parti Nidaa tounes devant Ennahdha. La Tunisie est le seul état à réussir, pour le moment, la transition vers la démocratie. En Egypte, des manifestations très importantes se déroulent notamment au Caire à partir du mois de janvier. La répression est sévère mais les manifestations perdurent réclamant le départ d'Hosni Moubarak. Celui- ci quitte le pouvoir en février, une transition est assurée par l'armée. Le 19 mars par un référendum, une majorité d'égyptiens approuvent une réforme constitutionnelle.
  •  Des élections libres ont lieu en novembre remportée par les Frères musulmans (parti liberté et justice) et aux élections présidentielles de juin 2012 c'est Mohammed Morsi du parti liberté et justice qui est élu .Les Frères musulmans vont se heurter à des difficultés de plus en plus conséquentes conduisant à un coup d'état militaire et la prise du pouvoir par un général: Abdel al-Sissi.L'Arabie saoudite a encouragé ce coup d'état alors que les Frères musulmans avaient le soutien du Qatar: le monde arabe une fois de plus montre ses divisions.Le printemps égyptien n' a donc pas eu les mêmes effets qu'en Tunisie. En Libye, des mouvements de contestation se développent début janvier mais le colonel Kadhafi tente d'apaiser la situation en interdisant les rassemblements ou en diminuant les prix des denrées alimentaires. En février, la situation dégénère en guerre civile opposant l'armée libyenne aux soldats du Conseil National de Transition (CNT). Ce dernier reçoit l'appui de plusieurs tribus et est constitué aussi bien de libéraux que d'islamistes. Le processus révolutionnaire s'étend et à partir du mois d'août, le CNT reçoit le soutien de l'OTAN avec notamment la participation de la France et du Royaume-Uni. En octobre, Kadhafi est tué: c'est la fin d'un régime de plus de 40 ans. 
  • Au Maroc et en Algérie, les gouvernements en place subissent des mouvements de contestation mais parviennent à juguler la crise. Au Maroc, le roi Mohammed VI annonce en mars une réforme constitutionnelle prévoyant une plus grande séparation des pouvoir. Cette réforme est approuvée par référendum en juillet 2011. Des élections législatives en novembre donne la victoire à un parti islamiste modéré: le parti de la justice et du développement. En Algérie, la rente pétrolière sert à calmer les esprits par des hausses de salaires mais auusi par la levée de l'état d'urgence proclamé en 1992 lors de la guerre civile. 
  • Le mouvement de contestation commence en Syrie en février où le régime de Bachar al Assad est contesté. Des manifestations importantes à Deraa sont violemment réprimées. La répression s'amplifie mais des membres de l'armée rejoignent les manifestants. En août 2011, des rebelles forment le Conseil national syrien (CNS) ainsi qu'une armée syrienne libre (ASL): la guerre civile, sur laquelle nous reviendrons, s'accentue. Enfin, des manifestations sont organisées au Bahreïn à partir de février réclamant plus de libertés. Ces manifestations sont réprimées avec l'aide de forces venues des autres pays duGolfe notamment d'Arabie saoudite. Cette dernière craint que la population du Bahreïn en majorité chiite soit manipulée par l'Iran. 
  • Le Yémen connaît un mouvement révolutionnaire en 2011 réclamant démocratie et fin de la corruption. Le président Ali Saleh annonce un référendum, des élections pour apaiser la situation puis finit par décréter l'état d'urgence. Les affrontements deviennent plus intenses: en janvier 2012, le président Saleh quitte le pouvoir. Les printemps arabe ont quasiment tous échoué hormis en Tunisie. Dans plusieurs cas, ils ont dégénéré en guerres civiles ou au retour de militaires au pouvoir. 

 -guerres civiles, retour au pouvoir des militaires: l’échec des printemps arabes

L'échec, temporaire ou définitif, des printemps arabe, a conduit à des guerres civiles. La Libye, la Syrie, l'Irak, le Yémen sont dans cette situation. En Egypte, ce sont les militaires qui sont au pouvoir: ils mènent une répression contre les Frères musulmans et sont confrontés dans le désert du Sinaï à un groupe islamiste Ansar beït. L'ancien président Morsi a été condamné à mort en mai 2015 ainsi que plusieurs dirigeants des Frères musulmans. Le mouvement islamiste Ansar beït a prêté allégeance en novembre 2014 à l'état islamique: ce groupe est l'origine de plusieurs attentats en Egypte. 

b/ Des situations complexes et paraissant insolubles 

-des Etats fragilisés ou en perdition: Libye, Irak, Syrie 

  • Plusieurs états sont en déliquescence après plusieurs mois de guerre civile. Depuis, 2014, la Libye est entrée dans une guerre interne opposant deux gouvernements rivaux dont un reconnu internationalement dit gouvernement de Tobrouk ayant le soutien de l'armée libyenne et le gouvernement dit de Tripoli.. Participent à ce conflit des mouvements islamistes dont un groupe proche d'Al Qaïda, Ansar al Charia mais aussi une branche libyenne de l'état islamique.La situation est plus que confuse et certains appellent à une intervention de l'ONU comme l'état tchadien. Il faut préciser que les grandes puissances dont la France ont retiré leurs représentations diplomatiques présentes en Libye. Une autre situation très problématique est celle de l'Irak .Le retrait américain en 2011 n'a pas amélioré la situation.
  • Les provinces sunnites rejettent le gouvernement à majorité chiite de Nouri al Maliki. Il est reprocé à ce dernier de mener une politique trop favorable aux chiites marginalisant les populations sunnites et d'être trop proche de l'Iran. Des élections législatives se sont déroulées en avril 2014: un sunnite a été élu à la tête de ce parlement Sélim al Jobouri, un kurde à la présidence de la République Fouad Maassoum et un nouveau premier ministre en remplacement d'al-Maliki, Haïder al-Abadi. 
  • Cependant, la situation a continué à se dégrader. En juin 2014, des tribus sunnites ainsi que l'état islamique ont lancé une vaste offensive se traduisant par la prise de Mossoul (2e ville irakienne) par Daech. L'Irak est sur le point d'éclater avec une zone kurde qui résiste à l'état islamique et un état irakien en grande difficulté. Daech dans son avancée en particulier dans la province d'al-Anbar s'en prend très violemment aux minorités (Yézidis et chrétiennes) et détruit une partie du patrimoine du pays en l'occurrence celui d'avant l'islam. Actuellement, la zone kurde résiste grâce à l'aide internationale à l'avancée de Daech et il en est de même de ce qui reste de l'état irakien. 
  • Progressivement, Daech va reculer notamment à partir de 2017 : la ville de Mossoul est reprise en juillet 2017. Daech est finalement vaincu en tant que califat et état mais reste néanmoins présent et continue de commettre des attentats. Troisième situation catastrophique, la Syrie. Cette guerre oppose plusieurs acteurs: Bachar al Assad et l'armée syrienne, l'armée syrienne libre et le conseil national syrien soutenus par les occidentaux, les unités de protection des Kurdes, le Front islamique (islamistes modérés) soutenu par le Qatar, le mouvement Al Nosral a branche syrienne d'Al Qaïda et l'état islamique. 
  • L'état islamique a réussi à prendre le contrôle d'une partie de la Syrie permettant une jonction avec la zone irakienne qu'il domine. La situation est d'une grande complexité entre les différents opposants et intervenants extérieurs. Mais en Syrie également depuis 2017, Daech est en difficulté et finit par perdre le contrôle des régions que l’organisation occupait. En 2017, la ville de Raqqa « capitale de Daech » est reprise par les forces kurdes de Syrie. On peut considérer que la califat de Daech prend fin en 2019 avec la chute de Baghouz en Syrie le dernier bastion de Daech dans ce pays. Enfin, il ne faut pas oublier la guerre au Yémen opposant la communauté chiite, les Houthis, au gouvernement d'Abd Mansour soutenu par l'Arabie saoudite. Dans le cas du Yémen, la dimension religieuse entre communautés chiites et sunnites est présente. 

 -Le jeu des acteurs internationaux et le poids des ingérences 

  • Tous ces conflits ont une dimension internationale que ce soit à l'échelle régionale ou mondiale. Dans le cas de la Libye, l'Egypte, par exemple, lutte contre les mouvements islamistes en soutenant le gouvernement de Tobrouk. Inversement, le gouvernement de Tripoli contrôlé par les Frères musulmans a le soutien du Qatar, de la Turquie et du Soudan. La branche libyenne de l'état islamique est bien entendu soutenue par Daech. Quant aux puissances occidentales, elles sont toujours aux côtés du gouvernement de Tobrouk jugé légal et légitime. En Irak, le gouvernement a l'appui de l'Iran pour qui Daech est un ennemi. Les E-U, la France... ont apporté une aide aux pechmergas kurdes et bombardent les positions tenues par Daech. 
  • La Turquie a un rôle ambigü puisqu'elle est intervenue contre les Kurdes voyant d'un mauvais oeil la formation possible d'un état kurde en Irak. Le cas syrien est le plus compliqué encore : Bachar al Assad a le soutien de l'Iran, du Hezbollah libanais et de la Russie (cette dernière dispose d'une base militaire en Syrie). L'armée syrienne libre a toujours l'appui des occidentaux dont la France, le Royaume-Uni et les Etats-Unis. L'Arabie saoudite a été accusée dans un premier temps de soutenir l'état islamique avant de se raviser. 
  • Le Qatar apporte une aide financière au Front islamique. Une dernière implication internationale de ces conflits sont les réfugiés: une grande partie d'entre eux a trouvé refuge au Liban (1,1 million), en Jordanie (environ 600 000) et en Turquie (2 millions) donc dans des pays proches géographiquement. D'autres tentent de migrer en Europe: plus de 120 000 syriens ont trouvé asile depuis 2011 sur le continent européen. 

Bilan: typologie des conflits au Moyen-Orient et au Maghreb

-des conflits et tensions “ethniques”: 
 Certaines tensions et conflits relèvent relèvent de l'opposition entre peuples. Le problème kurde entre dans cette configuration. Les populations kurdes vivent en Turquie, en Syrie, en Irak et en Iran. Au Maghreb notamment en Algérie, des tensions fortes ont concerné les Kabyles. Ces derniers se sont opposés dans les années 1990 à la volonté d'arabisation de l'état. Les Kabyles ont obtenu la reconnaissance de leur langue, le tamazight comme langue nationale en 2002. 

 -des conflits confessionnels : 
 Plusieurs conflits ont une dimension religieuse opposant des confessions. La guerre civile libanaise, les tensions entre chrétiens coptes et certains musulmans en Egypte, l'opposition sunnite-chiite en Irak... entrent dans cette catégorie. 

 -Des conflits politiques : 
 Le contrôle du pouvoir politique génère des conflits comme c'est le cas dans les guerres civiles en Libye, en Syrie ou en Irak. 

 -Des conflits territoriaux: 
 Plusieurs conflits sont liés à la volonté de contrôle de territoires ou à des contestations frontalières: tensions entre le Maroc et l'Algérie en 1963, guerre Irak-Iran... Les différents conflits comme nous l'avons signalé n'ont pas une seule raison même si on peut mettre en valeur un facteur dominant. La guerre Irak-Iran n'est pas seulement explicable par le contrôle du Chott el Arab, la guerre civilme libanaise a aussi une dimension politique et religieuse... 

D/ Le problème Israélo-Palestinien: un problème récurrent au coeur des tensions régionales voire internationales 

 Quelles sont les dimensions et acteurs du conflit israélo-palestinien? Peut-envisager à court terme une issue favorable à ce conflit? Un dernier conflit est fondamental à étudier car ses implications tant régionales que mondiales sont très importantes: ils 'agit du conflit entre israéliens et palestiniens. 

a/ Les racines historiques et idéologiques du problème : une terre pour deux peuples 

La Palestine est une région de l'Empire ottoman depuis le début du 16e siècle (1519) avec au début du 19e siècle (1800) une population d'environ 270 000 habitants dont 7 000 juifs, 22 000 chrétiens orientaux et 246 000 arabes musulmans ou chrétiens. En 1890, les chiffres sont respectivement de 43 000, 57 000 et 432 000; en 1931 de 175 000, 89 000 et 760 000 et enfin en 1947 de 630 000, 143 000 et 1 million 181 000. Au cours du 19e siècle, les premières vagues d'immigration juives d'Europe vers la Palestine ont lieu en provenance de Russie ou de Roumanie. A la fin du 19e siècle, les populations juives sont très minoritaires se concentrant dans des quartiers urbains (Jérusalem, Hébron...) alors que une grande majorité des arabes vivent dans les zones rurales. C'est aussi à cette période qu'émerge le sionisme à savoir une idéologie par Théodor Herzl. Ce mouvement nationaliste né en Europe souhaite la création d'un état juif. Progressivement, se forme l'idée d'un état juif en Palestine comme le confirme le premier congrès sioniste en 1897 où Theodor Herzl affirme que l' “objectif final du sionisme est de créer, pour le peuple juif, un foyer en Palestine;” C'est dans ce contexte qu'en 1899 est créée la banque coloniale juive afin de financer l'achat de terres en Palestine et le 6e congrès sioniste de 1903 confirme le principe d'une installation en Palestine. Or, la majorité des habitants de la Palestine sont des arabes; Jérusalem étant une exception avec une population juive de 45 000 personnes en 1916 pour un total de 70 000 habitants à l'époque. A la veille de la Première guerre mondiale, on dénombre environ 80 000 juifs dont certains vivent dans des colonies agricoles (kibboutz). Est créée également la ville de Tel Aviv 

 -les années 1917-1945 : la mise en place du conflit

  • Les années 1917-1945 sont décisives dans la mise en place du conflit. Les Anglais et les Français s'étaient dès 1916 avec les accords Sykes-Picot partagés le Moyen-Orient en zones d'influences. Le 2 novembre 1917, le ministre des affaires étrangères britannique Lord Balfour, affirme dans une lettre que son pays est prêt à reconnaître en Palestine un “foyer national juif”. Cette lettre est une confirmation pour le mouvement sioniste de la possibilité d'un état juif en Palestine alors que le texte reste ambigu ne parlant pas directement d'un état. Les populations arabes sont mécontentes même si dans le cadre de la lutte contre l'Empire ottoman les anglais ont promis la création d'un vaste royaume arabe (qui ne voit pas le jour). La lettre de Balfour précise aussi que “rien ne sera fait qui puisse porter atteinte aux droits civils et religieux des collectivités non juives (...).” Mais cette lettre reste maladroite car comment faire pour réaliser un foyer national juif sans porter atteinte aux populations arabes majoritaires ? Après la Première guerre mondiale, la Palestine devient un mandat britannique (officiellement à partir de 1922). 
  • Pendant l'entre-deux-guerres, de nombreux immigrants juifs arrivent en Palestine grossissant la communauté juive: le Yishouv. Une première vague migratoire a lieu entre 1919 et 1923 avec l'arrivée de 35 000 juifs d'Europe; une seconde vague en provenance surtout de Pologne arrive entre 1924 et 1928 (80 000) et une troisième vague des années 1930-1939 dont 40 000 juifs fuyant l'Allemagne et l'Autriche. La population juive qui représentait 11% des habitants de la Palestine mandataire en 1922 sont passés à 28% de la population en 1936. De même, la, proportion de terres possédées par les communautés juives augmente passant de 20 000 hectares en 1897 à 180 000 en 1947. Or cette immigration est très mal vécue par les populations arabes qui ont l'impression que les juifs viennent spolier leurs terres. Cette hostilité aboutit à une réelle insurrection arabe entre 1936 et 1939 violemment réprimée par les Britanniques. 
  • Ces derniers prennent toutefois des mesures en s'engageant à limiter l'immigration juive et en proposant en 1937 un plan de partage de la Palestine, le plan Peel avec un état juif allant de Tel- Aviv à Metulla ( à proximité du Liban), un état arabe du nord de Naplouse au désert du Néguev et la zone de Jérusalem restant sous contrôle britannique. Ce plan est refusé par les Arabes qui voit en lui une première étape de la dépossession d'une terre qu'il juge comme étant arabe. Les populations juives y sont favorables voyant au contraire une étape majeure vers la création de leur état. 

 -Un conflit qui se développe: les années 1950-1960

  • Après la seconde guerre mondiale, un second plan de partage est proposé et voté à l'ONU en novembre 1947 (33 voix pour y compris les E-U et l'URSS, 13 contre et 10 abstentions). Il repose à nouveau sur une tripartition de la Palestine avec un état juif sur 56% du territoire de la Palestine regroupant plus de 900 000 personnes dont près de 500 000 juifs, un état arabe sur 43% avec 735 000 personnes dont 10 000 juifs et la ville de Jérusalem sous juridiction internationale de l'ONU (100 000 juifs et 105 000 arabes). Ce plan est approuvé par la communauté juive mais pas par la communauté arabe pour qui le plan est inadmissible. 
  • Nous sommes dans une logique complexe et insoluble de deux peuples pour un même territoire. Dans la continuité du plan de partage, est proclamée le 14 mai 1948 l'état d' Israël par David Ben Gourion. (à la veille du départ des troupes britanniques). C'est le début du premier conflit puisque le 15 mai par solidarité avec les Arabes de Palestine et aussi par crainte d'une déstabilisation de l'équilibre régional, la Transjordanie, l'Egypte, la Syrie , l'Irak et le Liban déclarent la guerre au nouvel état. L'armée israélienne l'emporte et des négociations s'engagent à Rhodes aboutissant à une série de quatre armistices: un avec l' Egypte (24 février 49), un avec la Jordanie (3 avril 49), un avec le Liban (23 mars 49) et un avec la Syrie (20 juillet). 
  • Au niveau territorial, Israël conserve la zone du plan de partage mais également les territoires acquis pendant le conflit soit au total 78% de la Palestine. L'état d' Israël est constitué de la Galilée, du littoral jusqu'à Gaza, de l'ensemble du désert du Néguev, de Jérusalem Ouest. La bande de Gaza est sous administration égyptienne, la Transjordanie (elle devient le royaume Hachémite de Jordanie en 1949) occupe Jérusalem Est et annexe la Cisjordanie (en avril 1950). 
  • Les Arabes de Palestine sont privés d'un état et 700 à 750 000 d'entre eux deviennent des réfugiés dans les pays voisins: Liban, Syrie, Transjordanie.250 000 restent en Israël et deviendront des arabes israéliens. Des milliers d'arabes ont donc été chassés de leurs villages: on peut parler d'un nettoyage ethnique. Ces réfugiés palestiniens ne sont pas concernés par le système international d'asile naissant en 1951 avec la convention de Genève et le HCR. On estime qu'il y aurait aujourd'hui 7 millions de réfugiés palestiniens. Pour les arabes de Palestine cette défaite et cet exode sont terribles: ils utilisent le terme de nakba (catastrophe). Israël s'oppose dès 1948 -49 au droit au retour de ces réfugiés. Suite à la victoire israélienne, pour les états arabes la Palestine est une terre à reprendre et ce dans le cadre de la Nation arabe. Pour les états arabes, la question palestinienne est en fait secondaire et est un instrument politique utilisée soit à des fins internes soit dans le cadre de rivalités entre états arabes. 
  • Progressivement, les Palestiniens vont s'organiser notamment en créant en mai 1964 l'OLP: l'Organisation de la Palestine, une organisation regroupant en fait plusieurs structures dont le Fatah (un terme signifiant conquête) dont la création remonte à 1959 par Yasser Arafat, le FPLP (front populaire de libération de la Palestine qui rejoint l'OLP en 1967)... Les tensions entre Israël et les états arabes sont très vives et culminent en juin 1967 avec la guerre des 6 Jours. Lors de ce conflit, Israël passe à l'offensive se sentant menacé par l'Egypte notamment. 
  • La Jordanie et la Syrie sont concernées et comme l'Egypte sont vaincus. Pour les états arabes, c'est une nouvelle humiliation. Israël occupe la bande de Gaza, le désert du Sinaï au détriment de l'Egypte, le plateau du Golan pris à la Syrie mais également la Cisjordanie et Jérusalem Est. Pour certains israéliens, c'est la réalisation du “grand Israël”. Quant à l'OLP dont Yasser Arafat a pris la direction en 1969, elle mène une lutte contre Israël afin de faire valoir ses droits. Cette lutte passe par des actions terroristes et de guérilla dans les territoires occupés sans que cela aboutisse à des résultats probants. 

-Des Palestiniens sans Etat 

 b/ Les évolutions d'un conflit sans solution mais devenant périphérique 

Le conflit entre Israël et les Palestiniens ainsi que les états arabes est un conflit durable depuis 1948 même si il y a eu des négociations et des progrès à partir de la fin des années 1970 

 -des tensions et des affrontements récurrents

  •  Les tensions et affrontements entre Israël et les états arabes se manifestent régulièrement. En octobre 1973 se déclenche la guerre dite du Kippour: une guerre déclenchée par l'Egypte et la Syrie. Un cessez-le-feu est signé le 25 octobre et cette guerre ne modifie pas la situation. Par contre, pour la première fois des dirigeants arabes en l'occurrence égyptien et israéliens ont négocié en particulier des échanges de prisonniers.
  •  Ces premiers contacts ouvrent la porte à des négociations plus larges. En 1982, Israël intervient au Liban pour faire cesser les attaques de l'OLP qui se sert du Liban comme base arrière pour lancer des actions contre Israël. Les israéliens occupent le sud Liban qui devient pour eux une zone tampon. En mai 2000, Israël se retire du sud Liban. 

 -de vaines tentatives de règlement du conflit pour une paix impossible? 

  • En 1978 après plusieurs mois de négociations, l'Egypte et Israël signe les accords de Camp David: c'est la première fois que ce type d'accord est signé entre Israël et un état arabe. La paix est officialisée en 1979 à Washington et elle est un signe d'espoir. L'Egypte récupère par ces accords le désert du Sinaï. Par contre, la bande de Gaza et la Cisjordanie restent des territoires occupés par Israël. En 1994, Israël signe un accord de paix avec la Jordanie (accords de wadi araba): le fleuve Jourdain est reconnu comme frontière officielle et les relations diplomatiques sont normalisées.
  •  A la fin des années 1980, l'OLP change quelque peu son discours à l'égard d'Israël. En 1988, à Alger, le Conseil national de la résistance palestinienne, organisme contrôlé par l'OLP, proclame un état palestinien et reconnaît implicitement l'état d'Israël. En 1991, les E-U, dans le contexte de l'après guerre du Golfe, initie un processus de paix entre Israël et l'OLP notamment lors d'une conférence organisée à Madrid. Parallèlement, des négociations secrètes sont organisées à Oslo: elles vont se concrétiser par les accords d'Oslo1 ou accord dit “Gaza-Jéricho”. 
  • Par ces accords, Israêl reconnaît l'OLP et une autorité palestinienne et l'OLP reconnaït Israël. Ces accords sont complétés par les accords d'Oslo 2 de septembre 1995. ce dernier prévoit la mise en place en Cisjordanie et dans la bande de Gaza de zones gérées par l'autorité palestinienne.Or depuis ces accords, la situation est bloquée. Il n'y a toujours pas de véritable état palestinien. Ce blocage s'explique par la poursuite de la colonisation juive (colonies de peuplement) en Cisjordanie, par la récurrence d'affrontements comme la seconde intifada de 2000 (première intifada en 1987) ou encore par la prise de contrôle de la bande de Gaza par un mouvement islamiste le Hamas (création en 1987) s'opposant à la fois à Israël qu'il ne reconnaît pas et à l'OLP. En 2005, Israël s'est retiré de la bande de Gaza et a démantelé ses colonies de cette zone sans que la situation ne s'améliore pour autant.
  •  En janvier 2006, le Hamas gagne les élections législatives palestiniennes ce qui pour Israël est un gage de non paix. En 2009, l'armée israélienne intervient à Gaza (opération plomb durci) pour faire cesser des attaques du Hamas. En 2015, la situation reste explosive: les problèmes de fond ne sont pas réglés. En septembre 2001, l'autorité palestinienne a demandé son adhésion à l'ONU: les E-U s'y opposent. Toutefois, en octobre 2012, la Palestine a été admise à l'UNESCO. 

c/ Un conflit aux dimensions multiples 

Le conflit entre Israël et les Palestiniens ainsi que les états arabes a des implications à plusieurs niveaux. 

-des implications régionales importantes 

  • Les implications régionales sont évidentes. Le conflit a déstabilisé la région et permet aux différents états de se positionner: un positionnement où les Palestiniens semblent être des pions sur un échiquier plus large. Ainsi, l'Iran apporte son soutien au Hamas, un mouvement également soutenu par le Hezbollah libanais, ce dernier étant très anti-israélien. La signature du traité de paix entre Israël et l'Egypte avait clivé le monde arabe: clivage traduit par l'éviction pendant 10 ans de l'Egypte de la Ligue arabe. L'Egypte a fait son retour dans cette ligue en 1990. Cette ligue a fait une proposition non suivie d'effets en 2002 d'un plan de paix global au Moyen-Orient: Israël se retirerait de la Cisjordanie, de la bande de Gaza et du plateau du Golan en échange de normalisation des relations entre les états arabes et Israël.
  •  De nombreux états ont accueilli des réfugiés palestiniens comme la Jordanie ou le Liban mais ces réfugiés ont souvent été perçus comme un danger. En 1970, la Jordanie avait déclenché une opération (septembre noir) contre les membres de l'OLP présents sur son sol accusés (avec raison apparemment) de vouloir renverser le régime jordanien. L'OLP a été expulsée de Jordanie en 1971 mais de nombreux réfugiés palestiniens vivent encore en Jordanie sans qu'ils soient considérés comme de véritables citoyens jordaniens. Les relations entre arabes de Palestine et les autres communautés arabes sont donc complexes. 
  • Enfin, on sait depuis plusieurs mois que l'Arabie saoudite conduit des négociations secrètes avec Israël: un royaume saoudien qui, d'ailleurs, n' a jamais fait beaucoup d'efforts pour accueillir des réfugiés palestiniens. et des implications mondiales notables Les implications furent et sont encore mondiales: ce conflit dépasse sa zone géographique.. Les E-U ont toujours apporté un soutien politique et militaire à Israël. Pendant la guerre froide, l'URSS soutenait les états arabes dont l'Egypte et la Syrie. Pendant plusieurs années, la Turquie et Israël avaient entretenu des relations cordiales, ce n'est plus le cas avec l'AKP et le président Erdogan. 
  • La France depuis fort longtemps soutient la nécessité d'un état palestinien et a souvent été perçue comme pro-arabe dans la région. Le conflit israélo-palestinien s'invite aussi malheureusement dans les débats entre communautés juive et maghrébine en France de façon virulente.
Mohammed VI

Bilan général (chiffres 2019 : Le Bilan du monde)


Lignes directrices: le Maghreb Algérie: 
 -République algérienne démocratique et populaire
 -chef de l'état: A. Bouteflika de 1999 à 2019 remplacé fin 2019 par Abdelmajid Tebboune 
 -population: 43,1 millions Arabes= 73% et Berbères = 27% 
-religions: 99% islam (sunnite) + 1% christianisme et judaïsme 
 -PIB: 172,8 milliards de dollars + par habitant= 3 980 dollars + IDH = 0,759 (82e rang mondial) L'indépendance acquise en 1962 après une longue guerre contre la France, l'Algérie devient rapidement un régime autoritaire avec un FLN (front de libération national) omniprésent et qui détient toujours les rênes du pouvoir avec un président fantoche: Abdelaziz Bouteflika. Certes, l'Algérie a connu un processus démocratique au début des années 1990, un processus qui a conduit un mouvement, le Front islamique de salut à s'affirmer en gagnant des élections locales en 1990 et en remportant le premier tour des élections législatives de janvier 1991. C'est à ce moment que l'armée décide de reprendre le contrôle de la situation de craindre de perdre le pouvoir. Le FIS est dissous et commence une longue guerre civile entre l'armée et le FLN d'un côté et l'armée islamique du salut. Un mouvement dissident du FIS s'affirme également: un groupe encore plus radical: le GIA (Groupe islamique armé). Cette guerre dure près de 10 ans provoquant la mort d'environ 150 000 personnes. En 1999, le président Bouteflika récemment élu propose une concorde civile. Actuellement, le FLN et l'armée dirigent l'Algérie où demeurent des groupes islamistes et terroristes comme le GSPC (groupe salafiste pour la prédication et le combat) lié à Al Qaïda. C'est de ce GSPC qu'a émergé le groupe AQMI présent en Kabylie et au Sahara. Le groupe AQMI, depuis 2006, a pris de l'ampleur hors d'Algérie étant présent en Libye, au Mali... L'Algérie, par contre, n'a pas connu de véritable printemps arabe bien qu'il y ait eu quelques manifestations en janvier 2011 en raison de hausses de prix de produits de base. La rente pétrolière a servi à atténuer le malaise et éviter un processus similaire à celui de la Tunisie. L'Algérie a connu une paix sociale somme toute fragile avec un FLN et l'armée contrôlent donc toujours le pays. Toutefois, l’année 2019 a été mouvementée avec d’importantes manifestations demandant le départ de Bouteflika (le Hirak). Les manifestants finissent par obtenir le départ du président mais ne sont toujours pas contents de changements qui ne s’annoncent pas vraiment. En novembre 2020 a eu lieu un référendum constitutionnel pour un changement de Constitution : plus de 66 % des votants ont approuvé ce changement constitutionnel mais le niveau d’abstention était particulièrement élevé avec à peine 24 % de votants. De nombreux algériens restent dubitatifs sur les changements annoncés avec un pouvoir toujours sous le contrôle du FLN et de l’armée. Le Maroc: 
 
-Royaume du Maroc 
-Chef de l'état: Mohammed VI -pop: 36,5 millions + Arabes= 60% et Berbères= 40% 
 -religions: islam (sunnite): 98,7% + christianisme = 1,1% + judaïsme = 0,2% -PIB = 119 milliards de dollars + par hab = 3345 + IDH = 0,676 (121e) Le Maroc est depuis son indépendance en 1956 une monarchie plutôt stable de la région. D'abord dirigé par Mohammed V puis par son fils Hassan II de 1961 à 1999 auquel a succédé Mohammed VI, ce pays est un allié sûr de la France. Mais c'est un état aux très fortes inégalités économiques et sociales. La famille royale est d'ailleurs économiquement très puissante. En 2011, des manifestations ont lieu mais la monarchie n'est pas remise en cause. Mohammed VI, pour éviter tout problème, a proposé une réforme constitutionnelle. Le Maroc n'est pas à l'abri d'attentats terroristes comme celui de Marrakech en 2011 mais le Maroc paraît moins touché par l'islam radical. Le Maroc n'a pas réglé la question sahraouie et ce qu'on appelle la question du Sahara occidental. Ce Sahara occidental est contrôlé par l'Espagne jusqu'en 1975 bien qu'il ait été revendiqué par le Maroc dès 1957. Le départ de l'Espagne permet au Maroc (la marche verte) de prendre possession du Sahara occidental qu'il colonise. Or le Maroc est confronté à l'opposition du Front Polisario (front populaire de libération de la Saguia El Hamra et du Rio de oro qui a été créé en 1973 pour lutter contre les Espagnols). En 1976, le Front Polisario a proclamé la République arabe sahraouie démocratique. La guerre oppose le Front Polisario aidé par l'Algérie au Maroc et à l'armée mauritanienne qui est d'ailleurs chassée du sud du Sahara occidental. En 1991 a été signé un cessez-le-feu aboutissant au contrôle de 80% du territoire par le Maroc et 20% pour le Front Polisario. Le Maroc a construit une “ceinture de sécurité” séparant les deux zones et servant de frontière. Le statut du Sahara occidental n'est toujours pas défini au niveau international et le Front Polisario réclame toujours l'indépendance totale du Sahara occidental. Sur le plan économique, le Maroc est plutôt dynamique et pour certains économistes c’est un pays émergent. La Tunisie: -République tunisienne -chef de l'état: Kaïs Saïed depuis octobre 2019 -pop: 11,7 millions + Arabes = 98% + Européens = 1% -religions: islam (sunnite) = 99% + christianisme et judaïsme = 1% -PIB = 38,7 milliards de $ + par hab = 3287 + IDH= 0,735 (91e) Depuis son indépendance, la Tunisie a été dirigée par Habib Bourguiba jusqu'en 1987 remplacé par Zine Ben Ali (premier ministre de Bourguiba qu'il contraint à la retraite). Jusqu'en 2011, Ben Ali dirige la Tunisie d'une main de fer sans respecter les droits de l'homme. Il est soutenu constamment par la France car il apparaît comme un rempart à l'islamisme. C'est dans ce pays que commence pourtant la contestation en janvier 2011. le mouvement tunisien s'apuyant sur les réseaux sociaux se développent et s'intensifient contraignant Ben Ali à quitter le pouvoir (il n'avait pas le soutien de l'armée) et la Tunisie. Le pays peut désormais amorcer le processus de démocratisation. Un parti islamiste, Ennahda, gagne les élections pour l'Assemblée constituante tout en favorisant l'élection d'un président de gauche: Moncef Marzouki. Mais rapidement un clivage s'opère entre islamises et forces politiques favorables à la laïcité et à la démocratie. En 2013, plusieurs assassinats de personnes de gauche par des militants islamistes conduisent à une situation de crise. Celle-ci est réglée en janvier 2014 par la formation d'un nouveau gouvernement chargé entre autres de préparer les élections de fin d'année. Les élections législatives sont remportées par un parti laïc nouvellement constitué Nidaa Tounes dont le leader est Beji Essebsi. Il n'est pas majoritaire et dans l'obligation de former un gouvernement de coalition. Essebsi gagne la présidentielle de novembre 2014. La Tunisie bien qu'il y ait eu des attentats en mars et juin 2015 paraît être l'état le mieux engagé dans le processus de démocratisation. En 2019 des élections présidentielles ont eu lieu en Tunisie remporté par Kaïs Saïed un conservateur mais aussi des élections législatives avec le parti Ennahda qui est arrivé en première position mais il n’ y a pas de parti majoritaire. La Libye: -état de Libye Chef de l’État : Faïez Sarraj -pop : 6,8 millions + Arabes et Berbères à 97 % -religions : islam à 97% -PIB: 33 milliards de dollars + par hab = 5020 + IDH = 0,708 en 2018 (145e rang mondial) Le pays est toujours dans unee guerre civile avec une déstabilisation possible de la région : est partagée par la Tunisie, l'Algérie ou l'Egypte. En effet, cette guerre a comme conséquence le développement du jihadisme avec le groupe Ansar al Charia affilié à Al Qaïda et surtout une branche de Daech. La déstabilisation de la Libye a eu aussi des conséquences pôur la zone sahélienne et notamment le Mali. Le MNLA (Mouvement pour la libération de l'Azawad) opérant au Nord du Mali s'est renforcé par du matériel militaire en provenance de Libye et par des mercenaires Touaregs de Kadhafi. C'est dans ce cadre que l'Egypte, par son aviation est intervenue pour soutenir le gouvernement et le parlement de Tobrouk. En avril 2019, les forces du maréchal Khalifa Haftar ont lancé une offensive sur Tripoli et le règlement pacifique du conflit en Libye semble désormais compliqué. Les tentatives d'unions régionales Les états du Maghreb ont tenté de se rapprocher. L'Union du Maghreb arabe (UMA) a été créée en 1989 réunissant le Maroc, l'Algérie, la Tunisie, la Mauritanie et la Libye. L'UMA a comme objectifs une plus grande coopération économique et politique. L'UMA ne fonctionne pas efficacement. La rivalité entre le Maroc et l'Algérie est forte (guerre des sables en 1963, aide de l'Algérie au Front Polisario). De plus, la frontière entre les deux pays est fermée depuis 1994. Les échanges économiques entre les membres de l'UMA sont faibles. La guerre en Libye complique la situation de l'UMA. L'Egypte: -République arabe d'Egypte -chef de l'état: Abdel al-Sissi -pop: 100,4 millions -religions: islam (sunnite) = 90% + christianisme = 10% -PIB = 302 milliards de $ + par hab = 3047 + IDH = 0,700 (153e) Après le coup d'état ayant conduit le général al-Sissi au pouvoir, l'Egypte tente de se stabiliser. Le régime continue la répression sévère contre les frères musulmans (l'ancien président Morsi a été condamné à mort). Les E-U, après avoir tergiversé ont maintenu leur aide financière à un pays qui est donc toujours un allié des E-U (une aide annuelle de 1,3 milliard de dollars). En janvier 2014, une nouvelle constitution a été adoptée (sachant que le référendum a été boycooté par les Frères musulmans et les révolutionnaires de la place Tahrir). En mai, 2014, al-Sissi a été élu président de la République (96% des voix ?). Des élections législatives doivent être organisées. Sur le plan international un second canal de Suez a été inauguré en août 2014: une inauguration qui a servi de propagande au nouveau régime. L'Egypte est intervenue en Libye pour lutter contre les islamistes et apporter un soutien au gouvernement jugé légitime de Tobrouk. Enfin, l'Egypte est en lutte contre les islamistes dans le désert du Sinaï. Arabie saoudite: -Royaume d' Arabie saoudite -chef de l'état: Salman al-Saoud (depuis janvier 2015) -pop: 27,3 millions -religions: islam dont entre 10 et 15% de chiites -PIB: 779 milliards de dollars + par habitant = 22 865 + IDH = 0,857 (54 e) L' Arabie saoudite est un allié traditionnel des E-U depuis 1945 tout en étant un régime particulier car tenu par une famille, la famille ibn Séoud et fondé sur une idéologie religieuse à savoir le wahhabisme. Il faut signaler que des élections municipales doivent avoir lieu à la fin de l'année, élections auxquelles pour la première fois les femmes devraient participer. L' Arabie saoudite mène une politique régionale axée sur une rivalité de plus en plus forte avec l'Iran chiite. Il faut rappeler la présence d'une minorité chiite dans l'Est du royaume ( région de Damman. En mars 2015, l'Arabie saoudite a lancé une intervention militaire au Yémen contre la minorité chiite des Houthis: les Saoudiens voient dans la révolte des Houthis la main de l'Iran. L' Arabie saoudite qui a longtemps financé des mouvements islamistes a pris conscience (à priori) du danger représenté par Daech sachant qu'environ 2500 saoudiens se battent dans les rangs de l'état islamique. Le problème de l'Arabie saoudite est sa proximité avec un rival régional : l'Iran mais aussi d'états en difficultés comme l'Irak et la Syrie. La rivalité entre l’Arabie saoudite et l’Iran est une rivalité de puissances régionales. Bahreïn: -Royaume de Bahreîn -chef de l'état : Haman al-Khalifa -pop : 1,6 million -religions: islam = 70,3% + hindouisme= 9,8% + bouddhisme = 2,5% ... -PIB: 38,2 milliards de dollars + par hab = 25 273 + IDH = 0,838 (65e) En 2011, le Bahreïn a connu des manifestations importantes qui ont été sévèrement réprimées avec le soutien de l'Arabie saoudite. L'aide saoudienne s'explique par le fait qu'au moins 50% voire un peu plus de la population est chiite: nous sommes toujours dans la même logique d'une crainte des populations chiites et de l'Iran en toile de fond. Cette répression n'empêche pas les Occidentaux de continuer à soutenir la monarchie du Bahreïn. Les E-U ont une base militaire et navale dans la capitale Manama (Ve flotte américaine). En effet, le Bahreïn s'est engagé contre la révolte des Houthis au Yémen et contre Daech: il est vu comme un solide point d'appui dans cette région instable. Le Bahreïn est étroitement lié à l'Arabie saoudite Emirats arabes unis -Fédération des Emirats Arabes Unis ( Abu Dhabi, Ajman, Dubaï, Sharjah, Oumm al-Qaïwaîn, Ras- al Khaîmah, Fujairah) -chef d'état: Khalifa bin Zayed al-Nahayan -pop: 9,82 millions + Emiratis =11% ... -religions: islam à 96% dont 16 % de chiites = hindouisme et christianisme = 4% -PIB = 405,8 milliards de dollars + par hab = 37 750 + IDH = 0,866 (51e) Les EAU sont la seconde puissance économique du Golfe derrière l'Arabie saoudite. Cette économie a le mérite d'être diversifiée puisque les EAU ont opté pour la finance, le tourisme et récemment par le développement du secteur spatial (en mai, a été annoncé la création du premier centre recherches spatiales du monde arabe avec la volonté de réaliser une expédition sur mars en 2021). Les EAU ont fait le choix d'une forte intégration à la mondialisation. Sur le plan politique, on note des évolutions avec le classement des frères musulmans comme organisation terroriste en 2014. Les Emirats participent à la lutte contre l'état islamique mais aussi contre la révolte des Houthis: ils sont dans la même logique que les Saoudiens avec une rivalité avec le Qatar. Irak: -République d'Irak -chef d'état: Barham Saleh -pop: 39,3 millions + Arabes = 75% + Kurdes = 25%... -religions: islam 97% dont 65% de chiites + christianisme -PIB = 224,5 milliards de dollars + par hab = 5738 dollars + IDH = 0,689 (158e) L'Irak est un état miné par la guerre civile opposant l'état islamique aux Kurdes et à l'état irakien contrôlé par les chiites. L'état islamique est désormais vaincu mais les djihadistes restent présents dans le pays. Le clivage entre les populations sunnites et chiites est profond. Les milices chiites (entre 60 et 120 000 hommes) jouent un rôle important dans la lutte contre l'état islamique. Ces milices (brigades Badr par exemple) ont l'appui de l'Iran et certains craignent qu'elles finissent par se substituer à l'armée régulière afin d'instaurer à terme une république islamique. Dans ce contexte de guerre, des états comme la Turquie et le Qatar ont des attitudes pas toujours très claires par rapport à Daech. Enfin, il faut préciser que la région autonome kurde joue un rôle majeur dans la lutte contre l'état islamique s'affirmant presque comme un état souverain. L'Irak semble bien en voie d'éclatement.En octobre 2019 d’importantes manifestations ont eu lieu pour dénoncer le régime politique et la corruption mais une forte répression a été exercée par les milices chiites. Iran: -République islamique d'Iran -chef d'état: Ali Khamenei (guide suprême de la révolution) + Hassan Rohani est président de la République -pop: 82,9 millions + Perses = 61% + Azéris = 16% + Kurdes = 10%... -religions: islam chiite à 89% + islam sunnite = 9%... -PIB = 458,5milliards de dollars + par hab = 5 506 dollars + IDH = 0,797 (89e) L'Iran avait tenter de mener une politique d'apaisement avec les accords signés à Vienne en juillet 2015 sur le nucléaire sont un signe. Cet accord était vu comme un probable début de nettes améliorations des relations entre l'Iran et les Occidentaux. Les E-U ont joué le jeu de cet apaisement avec Obama: les monarchies du Golfe très hostiles à l'Iran et Israël sont mécontents.L’élection de Trump en 2016 a changé la donne et les relations entre l’Iran et les E.-U. Se sont dégradées à nouveau. La rivalité entre l'Iran et l'Arabie saoudite est un des éléments clés pour comprendre le situation régionale: il s'agit d'une lutte entre des puissances régionales et pas seulement d'une rivalité religieuse. L'Iran soutient la révolte des Houthis au Yémen, Bachar al- Assad et le régime syrien et entretient toujours des rapports avec le Hezbollah libanais. Israël: -état d'Israël -chef d'état: Reuven Rivlin (depuis juillet 2014) + 1er ministre Benyamin Netanyahou -pop: 8,5 millions -religions: judaïsme 75% + islam = 17,4% + christianisme = 2% + druzes = 1,6% -PIB = 387,7 milliards de dollars + par hab = 42 823 + IDH =0,906 (35e) Les élections législatives de mars 2015 ont conduit à la formation d'une coalition avec le parti du Likoud comme pivot ce qui a permis à Benyamin Netanyahou d'être encore premier ministre (depuis 2009). Il avait formé un gouvernement très à droite et composé notamment d'ultras peu décidés à négocier avec les Palestiniens. Des élections ont eu lieu en mars 2020 avec le parti de Netanyahou qui est arrivé en tête. Israël est toujours confronté au problème palestinien, un problème qui n’est toujours pas réglé. Israël a l’appui des Etats-Unis et notamment de Trump qui a reconnu Jérusalem comme capitale d’Israël. Les affrontements récurrents sont révélateurs de problèmes non réglés à savoir la situation de la Cisjordanie, la poursuite de la colonisation juive... Ces dernières semaines, Israël a négocié et conclu un accord avec les Emirats Arabes Unis ce qui est une nouveauté dans la région. Les Palestiniens se sentent de plus en plus isolés y compris dans le monde arabe Jordanie: -royaume hachémite de Jordanie -chef d' état : Abdallah II (depuis 1999) -pop : 10,14 millions d'habitants + Arabes = 98% -religions: islam sunnite = 92% + christianisme = 6% ... -PIB = 44,2 milliards de dollars + par hab = 4387 + IDH = 0,723 (135e) Le royaume de Jordanie est probablement le plus stable de la région. Il a signé des accords de paix avec Israël en 1994 et appartient à la coalition luttant contre l'état islamique bien que 2000 jordaniens soient dans les rangs de Daech. La Jordanie, et c'est une source d'inquiétude, accueille de nombreux réfugiés syriens notamment: 660 000 environ. La Jordanie subit en fait les effets des conflits en Syrie et en Irak Koweït: -état du Koweït -chef d'état : Sabahal-Jabar-al Saber -pop: 4,2 millions + Koweïtiens = 31% -religions: islam = 76,7% dont islam chhite = 30% -PIB = 137,6 milliards de dollars + par hab = 29 267 dollars + IDH = 0,814 (46e) Dans une région très déstabilisée, le Koweït a fait le choix des autres pétromonarchies comme l'Arabie saoudite ou les EAU. Le Koweït soutient le régime égyptien du général al-Sissi, participe à la coalition contre l'état islamique, appuie l'Arabie saoudite dans sa lutte contre les Houthis. Il est aussi dans la coalition avec les EAU et l’Arabie saoudite s’opposant à la politique conduite par le Qatar. Liban: -République libanaise -chef d'état: Michel Aoun -pop: 6,9 millions + Arabes = 95 % + Arméniens = 4% -religions: islam 54% dont 27 % de chiites + christianisme = 40% -PIB = 58,6 milliards + par hab = 17 900 + IDH = 0,730 (126e) Politiquement, la situation du Liban est depuis quelques mois difficile avec de nombreuses manifestations d’une population mécontente qui dénonce la corruption et l’incapacité des hommes politiques : on peut parler d’un soulèvement « dégagiste » d’une population exaspérée par sa classe politique. Le Liban est impacté par la guerre en Syrie avec au moins un million de réfugiés pour un pays de 4 millions d'habitants. La crainte des Libanais est que les conflits externes ne finissent pas trop peser sur la situation du pays. Oman: -Sultanat d'Oman -chef d'état : Sultan Qabous (depuis 1970) -pop = 4,7 millions + Arabes = 75% + Baloutches = 7% -PIB = 76,6 milliards + par hab = 17 791 + IDH = 0,834 (67e) Le sultanat subit la baisse des cours du pétrole: une rente qui fournit 80% de ses revenus. Le sultanat dans un contexte régional tendu s'efforce de mener une politique de neutralité. Les omanais craignent notamment une extension du conflit au Yémen et ne participe donc pas à la lutte contre les Houthis. Le sultanat a noué des relations avec l'Iran afin de faire contrepoids à l'influence saoudienne. C’est un pays globalement stable de la région qui s’est notamment ouvert au tourisme. Qatar: -état du Qatar -chef d'état: Tamin Hamad al-Thani -pop: 2,8 millions + Qataris = 9,2% -PIB = 191,8 milliards de dollars + par hab = 69 688 + IDH = 0,848 (59e) Le Qatar est un état particulièrement riche aux investissements multiples. Par contre, au niveau politique, le Qatar adopte des attitudes pas toujours appréciées. Cet état a constamment appuyé les Frères musulmans ce qui l'oppose à l'Arabie saoudite avec qui les relations ne sont pas bonnes (il en est de même avec les EAU). Les liens entre le Qatar et des mouvements islamistes sont avérés: il n' a d'ailleurs pas rejoint la coalition contre Daech. L'image du Qatar ne cesse de se dégrader et pas seulement en raison des liens avec des mouvements islamistes. La corruption en vue de l' obtention de la coupe du monde de 2022 ou encore le non respect des droits de l'homme sont d'autres éléments de cette image dégradée. Syrie: -République arabe syrienne -chef d'état: Bachar al -Assad -pop: 22,4 millions + Arabes= 82% + Kurdes = 15%... -PIB = non communiqué en 2019 + idem + IDH = 0,658 (111e) La Syrie est dans une situation très difficile après près de 4 ans de conflit. Le territoire est morcelé entre l'état islamique, le pouvoir central de Bachar al-Assad, l'armée syrienne libre ou encore Al-Nosra. L'état islamique a été vaincu avec la fin du califat de Daech. L'Iran et le Hezbollah apportent une aide y compris en hommes au régime de Bachar al-Assad. Les occidentaux dont la France et les E-U apportent quant à eux une aide à l'armée syrienne libre. La Russie est un intervenant de plus en plus important aux côtés de Bachar al-Assad également. La guerre en Syrie produit des milliers de réfugiés et déplacés: 4 millions de réfugiés et 7,6 millions de déplacés selon l'ONU. Cette guerre est responsable de la mort d'au moins 220 000 personnes et 900 000 blessés. Territoires palestiniens -Autorité palestinienne -chef d'état: Mahmoud Abbas -pop: 5,1 millions -religions: islam = 75% + christianisme = 8%... -PIB = 14,6 milliards de dollars en 2018 + par hab = 3199 + IDH = 0,690 (157e) La situation dans les territoires palestiniens est toujours difficile tant au niveau politique qu'économique. La bande de Gaza ne s'est pas toujours remise des bombardements israéliens de 2014 surtout qu'elle subit toujours le verrouillage de son territoire. La Cisjordanie n'est pas dans une situation économique bien meilleure avec en plus la poursuite de la colonisation israélienne. Certes, l'autorité palestinienne est reconnue par l'UNESCO et depuis le 1er avril 2015 la cour pénale internationale mais cela ne modifie pas le sort des territoires palestiniens.Enfin, les tensions entre le Hamas très présent à Gaza et l'OLP demeurent. Turquie: -République de Turquie -chef d'état: Recep Erdogan -pop: 83,4 millions + Turcs = 75% + Kurdes = 18%... -religions: islam à 99,8% dont 80% de sunnites et 20 % d'alévis -PIB= 743,7 milliards de dollars + par hab= 8958 + IDH = 0,759 (69e) Les élections législatives de juin 2015 avaient marqué un recul de l'AKP du président Erdogan: ce dernier est donc contesté. Un parti progresse: le HDP (parti démocratique des peuples, un parti Kurde. Les régions kurdes de Turquie sont de plus en plus mécontentes et le PKK a repris sa lutte contre l'état. La politique étrangère d'Erdogan était également contestée notamment par rapport à l'état islamique. La Turquie bombarde régulièrement les zones kurdes d'Irak et a dans le viseur la partie Kurde de Syrie. Les relations avec l'Egypte, Israël, la France mais aussi l'allié américain se sont dégradées à telle enseigne que la Turquie semble de plus en plus isolée tout en étant toujours membre de l‘OTAN. Yémen: -République du Yémen -chef d'état: Abd Mansour Hadi -pop: 26 millions -religions: islam sunnite = 70% + islam chiite = 30% -PIB= 29,9 milliards de dollars + par hab= 943 + IDH = 0,463 (200e) Le Yémen depuis 2012 semblait être entré dans une période de transition avec notamment le départ d'Ali Saleh du pouvoir. Or, le pays est actuellement en guerre: un conflit opposant les rebelles chiites Houthis au pouvoir central soutenu par l' Arabie saoudite. Les Houthis, à l'origine, souhaitaient un meilleur partage du pouvoir: ils se considèrent comme mis à l'écart du pouvoir voire de la société. Les Houthis sont appuyés par l'Iran et de fait le Yémen est en passe de devenir un terrain d'affrontement entre ces deux puissances régionales que sont l'Iran et l'Arabie saoudite. Ce pays est dans une situation politique et économique désastreuse.
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