1/ Etats, territoires, cultures et sociétés

1/ Une Asie fondamentalement multipolaire et diverse s’inscrivant dans une histoire de longue durée

Présentation 

 Asie, Orient : signifiants et perceptions par les Occidentaux et les Asiatiques L' Asie, géographiquement, désigne un continent mais de quelle Asie s’agit-il ? Comment rendre compte d’une zone géographique aussi vaste et complexe ?. Comme l’écrit J-C Victor (L’Asie, itinéraires géopolitiques, éditions Tallandier, 2016), « à explorer cet ensemble de territoires et de populations que l’histoire, la géographie, les langues et les religions prennent visiblement un grand plaisir à diviser, on peut se demander ce qui, dans la réalité, définit l’Asie. » La dimension géographique est floue. De même est-ce possible de traiter d’une unité de civilisation en Asie ? Certainement non car cet espace est fondamentalement divers. Le mot même d'Asie provient d'un mot assyrien assu signifiant le levant et désignant de ce fait l' Est. Pour les Européens, à cet Est correspond également le terme Orient : un Orient et une Asie qui correspondaient pour les Grecs de l'Antiquité aux territoires se situant à l'Est de ce qui était pour eux un centre du monde : la cité de Delphes. Cet Est correspond à la Turquie actuelle appelée également Asie mineure, une expression couramment utilisée à partir du 16e siècle. Pour ces mêmes Européens, au 16e-17e siècles, le monde se structure en trois zones : l'ancien monde à savoir l'Europe, le nouveau monde venant d'être découvert, c'est-à-dire les Amériques et l'Orient. La notion d'Orient est elle-même complexe : elle remonte notamment à l'Empire romain qui, à partir des 3e et 4e siècles après J-C, se divise en Empire romain d'Occident et Empire romain d'Orient, ce dernier devenant l'Empire byzantin Cet Orient plus ou moins lointain a toujours fasciné les Occidentaux que ce soit à travers les routes de la soie, le commerce des épices... : il désigne pendant longtemps à la fois les mondes chinois, indien et musulman. Plusieurs autres appellations existent concernant l'Asie notamment avec le processus de colonisation de cette partie du globe par les Européens. Dans son acception la plus large, l'expression continent asiatique englobe tout à la fois la fédération russe, l'Asie centrale, le Moyen-Orient, le sous continent indien et l'extrême Orient » comme le souligne Guy Faure (Les mots de l'Asie).
 Plusieurs expressions peuvent être utilisées concernant ce très vaste ensemble : Extrême-Orient est un terme qui sert à désigner pour les Français l'Inde, L' Indochine, la Chine, le Japon notamment mais aujourd'hui y compris pour le ministère des Affaires étrangères français ce terme est plus restrictif ne comprenant plus l'Indochine et l'Inde. Une autre expression est celle d'Asie orientale qui est de plus en plus utilisé depuis les années 1960 comprenant la Chine, les deux Corée, Taïwan, le japon. Les Américains depuis plusieurs années utilisent l'expression de Façade asiatique du Pacifique puis l'expression Asie-Pacifique. Il faut souligner que les Américains comme le précise Guy Faure « ont contribué à enrichir le vocabulaire géographique » de l'Asie : ils sont à l'origine de l' expression d' Asie du Sud-Est par exemple. On peut ajouter d'autres mots ou expressions comme l'Asie des moussons utilisée dans les années 1930, Asie du Sud-Est (datant de 1847 et devenue couramment utilisée au 20e siècle), Asie centrale Les Asiatiques pensent leurs territoires autrement : ils voient, en particulier les Chinois, leurs territoires comme le centre du monde. Pour les Chinois, la Chine se dit Zhongguo, le « Pays du milieu » : la chine est donc au centre et les territoires autour sont des périphéries. Les Chinois se pensent également comme la civilisation (wenming) par excellence : les périphéries sont jugées comme étant barbares dans le sens de non chinoise. L' Inde est désignée sous le nom de Bharat mata par les Indiens, la terre mère : la racine du mot Bharat en sanskrit signifie la naissance ( Pour les chinois, l'Inde est le pays de l'Ouest).
Le Japon est le pays de Yamato, le nom du peuple majoritaire du pays mais les Japonais utilisent deux autres termes pour évoquer le Japon : Nippon et Nihon (ces deux mots ont pour sens « origine du soleil »). La Corée est le « pays du matin calme » : Choson ou Han Guk (pour les Chinois, c'est le pays de l'Est). Enfin, le Vietnam est le pays des Viets du Sud (les Viets étant un peuple). Pour les Asiatiques, ce qu'est l'Asie n'est pas aisé à déterminer ce qui renvoie à la complexité de cette partie du monde -Une Asie fondamentalement plurielle Par convention, on peut différencier quatre ensembles géographiques : l'Asie orientale comprenant la Chine (capitale Beijing), les deux Corée ( Pyongyang et Séoul), le Japon (Tokyo) et Taïwan (Taipei) ; l'Asie du Sud-Est comprenant la Malaisie (Kuala Lumpur), la Thaïlande (Bangkok), l'Indonésie (Jakarta), la péninsule indochinoise Vietnam (Hanoï), Laos (Vientiane), Cambodge (Phnom Penh), les Philippines (Manille) ; l'Asie du Sud avec l'Inde (New Delhi), le Pakistan (Karachi), le Bangladesh (Dacca) et le Myanmar (Naypyidav) ou ex-Birmanie et enfin l'Asie centrale : Kazakhstan (Astana), Kirghizistan ( Bichkek), Ouzbékistan (Tachkent), Tadjikistan ( Douchanbé) et Turkménistan (Achgabat). En 1968, dans un ouvrage intitulé Le Drame asiatique, une enquête sur la pauvreté des nations, Gunnar Myrdal évoquait une continent asiatique plutôt mal parti notamment l’Asie du Sud car trop handicapé par une démographie galopante, une corruption endémique. Inversement, Alain Peyrefitte dans son ouvrage intitulé Quand la Chine s'éveillera publié en 1973 percevait les potentialités de ce pays. Le pronostic du second s'est vérifié et pas particulièrement le pessimisme du premier nommé prix Nobel d'économie en 1974. L' Asie, par bien des aspects, est un ensemble géopolitique à la configuration unique avec un exceptionnel poids démographique mais également un continent qui connaît un développement et une croissance hors normes.
 Le continent asiatique est devenu un acteur incontournable de la géopolitique mondiale : cette émergence est un juste retour des choses quand on pense au poids de l'Empire chinois aux 14e-18e siècles. La prospérité d'une partie de l'Asie et son développement sont des défis à relever pour les Etats-Unis et l'Europe : le monde étant en passe de basculer vers l'Aire Asie-Pacifique. Ce continent est marqué par une réelle originalité surtout en comparaison de l'Afrique ou de l'Amérique du Sud. En effet, il est réussi globalement son développement économique, la plupart des états asiatiques ont de plus opté pour des réformes et changements afin précisément de réussir ce développement. Parallèlement, de nombreux dirigeants asiatiques ont pris conscience que l'Asie formait un ensemble qui devait tisser des liens plus importants même si pour l'instant l'intégration régionale n'est pas aussi poussée qu'en Europe. Un autre élément important est que l'Asie a su s'émanciper de la tutelle européenne et coloniale de manière remarquable : le temps des relations asymétriques entre l'Europe et l'Asie est désormais terminé. 
Cette Asie doit être analysée dans sa généralité car on peut déceler de nombreux traits communs aux états la composant qu'ils soient économiques, démographiques, culturels... Ceci n'empêche pas une très grande diversité, qui sera analysée d'ailleurs, : diversité culturelle, diversité des trajectoires historiques, des systèmes sociaux et politiques... 
Pour reprendre ce qu'affirmait Michel Foucher (Asies nouvelles, Belin), on peut distinguer 7 caractéristiques géopolitiques du continent : l'Asie est une représentation à géométrie variable (en tant que notion géopolitique) ; elle est un espace très humanisé connaissant une mutation, un espace ayant à la fois des points communs et des éléments de différenciation ; l'Asie a un dénominateur historique commun à savoir une histoire imprégnée par la résistance forte à la colonisation et la prégnance des états dans la construction de l'état-nation ; elle est un « champ d'interaction stratégique » très compliqué ; l'Asie est aussi un ensemble où les états et territoires sont de plus en plus interdépendants ; elle est néanmoins composée d'aires régionales spécifiques et, enfin, elle est une « aire d'expérimentation d'un régionalisme pragmatique ». On peut donc se demander comment l'Asie a réussi son développement tout en s'interrogeant sur ses spécificités ? On peut aussi s'interroger sur ce qui fait ou non son unité ?

A/ Une pluralité géographique



Le continent asiatique est un immense continent de 44 millions de km carré (29% des terres émergées) avec la partie asiatique de la Russie (sans la Russie, l'Asie est à 30 millions de km carré) Pour mieux saisir cette immensité, il faut savoir qu'entre Mumbai (Inde) et Hiroshima (Japon), il y a 6000 km ; Delhi en Inde se trouve à 4000 km de Singapour ; Tokyo et Jakarta sont séparés de plus de 6000 km. 
Ce continent, c'est aussi des états d'importance avec des superficies considérables comme la Chine avec ses 9,6 millions de km carré ou encore l'Inde et ses 3,3 millions de km carré. Cette immensité induit une grande diversité de reliefs, de climats et de paysages (mais aussi de peuples, de cultures...). 

a/ Des territoires très différents : des plaines aux montagnes les plus hautes du globe 

 -des territoires d'une extrême diversité

  •  L' Asie est d'abord un continent de hautes montagnes avec le toit du monde à savoir la chaîne himalayenne. Cette dernière isole un important ensemble de hauts plateaux mais également de ce qu'on nomme des dépressions constituées de steppes et de déserts. On peut d'ailleurs considérer le plateau du Tibet et son million de km carré comme le cœur de cette Asie (un Tibet dont l'altitude moyenne de 4 500m). Le plateau tibétain est entouré de très hautes montagnes avec le massif himalayen dont le plus haut sommet est le Chomolungma (Everest pour les Européens) et ses 8 848 m., le massif du Pamir... Il faut signaler qu'une série de dorsales de montagnes structurent certains territoires comme c'est le cas pour le Vietnam, la Corée... Ces montagnes sont généralement peu occupées et peu densément peuplées pouvant être dominantes dans certains états comme le Japon (plus de 60% du territoire japonais est composé de montagnes), le Vietnam (75%) ou même la Chine dont 80% du territoire se situe au dessus de 500 m d'altitude. 
  • Ces territoires de montagnes sont donc généralement marginalisés et ont servi et servent encore d'espaces de refuge pour des minorités comme les Karens en Birmanie, les Hmongs au Laos et au Vietnam et d'espaces de guérillas (guérillas maoïstes au Népal et dans les régions du nord-est de l'Inde de l' Assam et du Nagaland) et de trafics divers (voir le triangle d’or). Il faut signaler que certaines de ces zones de montagnes sont aussi des zones de forêts denses. Les forêts peuvent néanmoins être des fronts pionniers agricoles avec un mouvement de déforestation très important comme en Indonésie (cultures pour l'huile de palme), en Thaïlande ou encore à Bornéo. Les montagnes sino-indochinoises étalées sur plusieurs états : la Chine, l'Inde, la Birmanie, le Laos, la Thaïlande, le Vietnam et le Cambodge sont un espace de montagnes intéressant, un espace de forêts, peu densément peuplé en comparaison de certains territoires asiatiques et surtout une mosaïque ethnique. 
  • Cette zone comprend environ 65 millions d'habitants pour une cinquantaine d'ethnies avec néanmoins trois groupes ethno-linguistiques dominants : le groupe Môn-Khmer, le groupe Austro-Thaï et le groupe tibéto-Birman. Cet ensemble s'est toujours situé en marge des territoires dominants.L'immense masse que représente l'Asie continentale est également structurée en péninsules comme les péninsules indochinoise, coréenne et indienne. Inversement, les plaines jouent un rôle important tout comme les fleuves qui les drainent. Les grand fleuves que sont le Huang He et le Yangzijiang ( 6280 km) en Chine, le Gange et le Brahmapoutre (delta du Bengale formé par ces deux fleuves) en Inde, l'Indus au Pakistan, l'Irrawady au Myanmar ou encore le Mékong qui traverse le Laos, la Thaïlande, le Cambodge et le Vietnam jouent un rôle fondamental à la fois pour l'agriculture et en particulier la riziculture et le commerce. Ces grands fleuves sont généralement issus de ce « château d'eau » (Himalaya et Tibet) qu'est le toit du monde Les plaines et les deltas des différents fleuves sont donc très densément peuplés. 
  • Les deltas formés par ces fleuves ont une fonction majeure au niveau de la production agricole. Les plaines et deltas sont fondamentaux à la fois économiquement, démographiquement et politiquement. Ces plaines concentrent les hommes avec de fortes densités , les activités économiques notamment agricoles et ont toujours été un enjeu politique de territoires qu'il fallait contrôler. Le delta du fleuve rouge au Vietnam peut illustrer ces éléments : avec ses 120 km carré, il contribue pour un tiers à la production de riz du pays, concentre plus de 25 millions d'habitants avec des densités supérieures à 1000 habitants au km carré et a été le berceau historique du pays. 

- à laquelle se greffe la diversité climatique 

  • L' Asie offre également une diversité climatique avec 4 Asie climatiques : l'Asie des montagnes avec un climat très rude, l'Asie froide correspondant en partie à l'Asie des steppes (Mongolie, Nord de la Chine) et à l'espace sibérien, l'Asie sèche comprenant des territoires de déserts (désert de Gobi...) et enfin l'Asie des moussons. Cette diversité climatique se traduit donc par des zones de déserts, la présence de forêts équatoriales comme à Bornéo, d'immenses zones de steppes... 
  • Un phénomène climatique joue un rôle très important : la mousson. Elle est un phénomène climatique essentiel lié à partir du mois de mars au réchauffement climatique des hautes terres asiatiques qui permet « d'aspirer » les masses d'air humide de l'Océan Indien. Ce phénomène se traduit l'été, entre les mois de mai et septembre, par de fortes précipitations sur des régions souvent plutôt arides. Cette mousson rend possible et facilite l'agriculture notamment l'agriculture irriguée. 

b/ Des territoires à fortes contraintes et le rôle important de la mer 

-des contraintes fortes avec des risques majeurs très présents 

  • L' Asie est un contient de fortes contraintes, un continent sujet à des risques : séismes, typhons, volcanisme, tsunamis, inondations... Ces risques sont des risques majeurs dans des zones où les densités de population peuvent être très importantes. Ces 20 dernières années, les différentes catastrophes concernant l'Asie ont provoqué la mort de plus d'un million d'individus et généré au moins 1 285 milliards de dollars de dégâts matériels. Bien entendu, les risques sont différents et inégaux selon les états mais ils pèsent sur les populations et les économies. Ainsi, au Vietnam 33% du pays est considéré à risques (notamment le risque d'inondations) et les zones concernées concentrent 75% de la population (delta du Mékong notamment) ; au Bangladesh, c'est plus de 70% de la population du territoire qui est concernée (risque inondations) ce qui implique plus de 83% des habitants du pays. Les inondations ont un impact souvent désastreux vu la configuration démographique des régions inondables. Ces inondations s'expliquent par les crues que connaissent les grands fleuves liées à la mousson ou à la fonte des neiges. 
  • Dans une ville comme Rangoon en Birmanie si en saison sèche les précipitations sont très modestes, de l'ordre de moins de 50 mm/mois, ce n'est plus le cas avec la saison des pluies (en été) où les précipitations peuvent être supérieures à 650 mm. Les crues des fleuves sont donc fréquentes et dévastatrices comme les différentes crues du Mékong notamment celles de 1990 et 1996 ou celles du Yangzi en Chine (la crue de 1954 de ce fleuve était responsable de la mort de 350 000 personnes). Inversement, on peut mettre en évidence dans certaines régions le manque d'eau comme dans l'Ouest de l'Inde. Un autre risque important est celui des typhons : ces typhons lorsqu'ils se déclenchent sont de lourdes menaces pour les plaines littorales et les différents deltas. La mer de Chine ou le golfe du Bengale sont particulièrement concernés par ce type de risque. 
  • On estime que 1,8 milliards d'Asiatiques sont potentiellement menacés par ces typhons avec en moyenne plus de 10 000 décès par an. Parfois les typhons se conjuguent à des crues comme au Bangladesh en 1991 ayant provoqué la mort de plus de 180 000 personnes. Les volcans, les séismes et les tsunamis sont d'autres risques notables sachant que l'Asie concentre 50% des séismes de la planète. Les territoires les plus touchés sont les terres himalayennes et les littoraux liés à la fameuse ceinture de feu du Pacifique et de l'océan Indien. Des états comme le Japon, Taïwan,les Philippines, le nord de l'Inde et le Népal sont particulièrement concernés.
  • L'éruption du volcan Pinatubo aux Philippines en 1991, le tsunami de 2004 sont parmi les exemples les plus terribles de ces 30 dernières années : le tsunami de 2004 est responsable de la mort de près de 230 000 personnes avec au moins 10 milliards de dollars de dégâts matériels. Le tremblement de terre ayant touché la ville de Kobé au Japon en 1995 a tué plus de 5 000 personnes et le dernier séisme important au Népal en 2015 a lui provoqué le décès de 9 000 individus et généré le déplacement de milliers de personnes. 

-l'importance de la mer : une Asie maritime

  •  La mer est importante en Asie même si le cœur de l'Asie n'est pas maritime avec une Asie à dominante continentale. D'importantes façades maritimes sont des lieux d'échanges et de commerce et ce depuis l'Antiquité (façade d'Asie orientale). Les littoraux ont joué et jouent un rôle important dans le développement économique : les ports de Singapour, Shanghai... en sont des exemples. Ces littoraux et façades maritimes jouent aujourd’hui un rôle fondamental dans le cadre d’une économie mondiale « maritimisée » avec des espaces maritimes devenus fondamentaux dans le processus de mondialisation. 
  • Mais la mer comme nous le verrons ultérieurement est aussi un espace de tensions : celles-ci sont particulièrement fortes en mer de Chine et au sujet d'îles convoitées par plusieurs états comme les îles Paracels ou Spratleys. L' Asie est également une Asie d'îles et d'archipels donc au contact direct de la mer avec des mers intermédiaires dont l'importance est indéniables : mer des philippines, mer de Chine orientale, mer du Japon... 
  • On peut souligner que 4 états seulement n'ont pas accès à la mer : Le Népal, le Laos, la Mongolie et l' Afghanistan mais six états sont insulaires : le Japon, Taïwan, les Philippines, l'Indonésie, la Malaisie et le Sri Lanka. L' Asie est donc fortement ouverte sur les espaces maritimes et océaniques. Certaines îles sont particulièrement importantes comme la Papouasie avec ses 800 000 km carré, l'île de Bornéo et ses 734 000 km carré ou encore l'île de Sumatra avec 434 000 km carré. Quant à l'Indonésie, c'est tout simplement le plus grand archipel de la planète s'étendant sur 5 000 km d'Ouest en Est, un archipel de 1,9 million de km carré.

B/ Des histoires anciennes marqueurs des identités et des histoires connectées


Le continent asiatique a une histoire particulièrement riche et complexe avec des histoires multiples mais aussi connectées, des histoires liées à des Empires et des civilisations riches et puissantes. 

 a/ des civilisations aux fortes influences 

L' Asie est un espace (un berceau) de civilisations particulièrement importantes et anciennes ayant eu des influences à la fois en Asie même mais également à une échelle beaucoup plus importante. Parmi ces civilisations : deux ont une importance particulière par leurs poids et influences : les civilisations chinoise et indienne. Plusieurs référents culturels sont anciens et sont des fondements essentiels des civilisations. Parmi ces référents, on trouve le riz qui est un marqueur civilisationnel que l'on retrouve dans les paysages, la nourriture quotidienne : on peut parler de civilisation du riz. A cet égard comme le rappelle Jean Delvert dans un ouvrage intitulé Le paysan cambodgien (1961), dans la langue khmère, manger se dit « manger du riz ». D'autres référents majeurs sont les religions et les langues comme nous allons le voir ultérieurement. 

 -de la Chine à l'Inde : des civilisations matrices aux influences exceptionnelles

  • La Chine a généré une civilisation particulièrement importante et influente. La Chine, c'est notamment un Empire que la tradition fait remonter pour les plus anciennes dynasties au XXIe siècle avant J-C. La particularité du système impérial est sa longue durée : ce système et ses fondements datent de la fin du premier millénaire avant J-C notamment de l'instauration du premier véritable Empire en 221 avant J-C. Cet Empire a vu de prestigieuses dynasties qui ont marqué de leur empreinte la Chine : dynastie Tang entre les 7e-9e siècles après J-C, dynastie Ming entre les 14e-17e siècles... 
  • Certes, l'Empire chinois a été victime d'invasions (la fameuse grande muraille a été conçue pour éviter les invasions en provenance du Nord) notamment les invasions mongoles (13e siècle) ou celles des Mandchous (17e siècle) : des Mandchous qui ont fondé la dernière dynastie, celle qui a pris fin en 1911.Or ces envahisseurs une fois la prise du pouvoir effectué n'ont jamais remis en question le système impérial qu'ils ont préservé tout comme la culture chinoise. L' Empereur a toujours été perçu comme le garant de l'ordre cosmique : il est le fils du ciel qui exerce son pouvoir en vertu d'un mandat céleste.
  •  La civilisation chinoise a généré de multiples apports notamment techniques avec le papier, la boussole, la poudre à canon mais aussi le développement de l'algèbre, de l'astronomie... cette civilisation, c'est également une langue qui influe sur d'autres langues comme c'est le cas pour la Corée ou le Japon. La Chine, c'est également des philosophies ayant fortement imprégné l'esprit chinois et au delà même de la Chine. Le confucianisme est un de ces philosophies majeures : un confucianisme qui est une philosophie politique et morale dont le maître d' œuvre est Kong-Fu-Zi dont le nom pour les Occidentaux est Confucius (un nom latinisé par les missionnaires jésuites). Confucius a vécu pendant l'Antiquité (551-479 avant J-C). 
  • Pour Confucius, une société, en l'occurrence la société chinoise, pour garder sa cohérence et son ordre, doit être fondée sur plusieurs principes qu'il convient de respecter. Parmi ces principes, le respect des coutumes traditionnelles, le respect de l'ordre et de la hiérarchie (L' Empereur, le Père dans une société éminemment patriarcale). Il faut aussi respecter les rites traditionnels : le culte du ciel réalisé par l'Empereur, le culte des ancêtres et celui des dieux du foyer. Le confucianisme ou du moins tel qu'il a été interprété par les Chinois, a produit une société hiérarchisée voire très conservatrice avec un pouvoir important accordé à ceux qui savent, les lettrés. Ces derniers connus sous le nom de mandarins ont une importance considérable dans le système impérial comme conseillers des Empereurs et comme administrateurs d'un empire immense (les mandarins étaient recrutés par le biais de concours). 
  • Une autre philosophie importante est le taoïsme : un système de pensée contemporain du confucianisme. Un ouvrage et un maîtres ont eu une importance considérable : le Tao-Tö-King ou Livre de la Voie et de la Vertu du maître Laozi (Lao-Tseu). Pour les adeptes du taoïsme, il existe un principe, le Tao, à l'origine du monde, de son organisation et de son équilibre : un principe qu 'il faut comprendre. Il faut également vivre en harmonie avec la nature environnante avec pour certains maîtres la quête de l'immortalité. Le taoïsme a, par ses idées, généré des résistances au système impérial et à l'idéologie confucianiste. Le confucianisme et le taoïsme ont eu des influences sur les pays proches dont la Corée, le Vietnam, le Japon. Une autre civilisation majeure est la civilisation indienne. Celle-ci est très ancienne puisque on peut faire remonter ses origines entre 1e XXe- XVe siècles avant J-C avec notamment la religion védique dont l'hindouisme dérive : le védisme sur des textes très anciens appelés Védas. L'hindouisme, qui est actuellement la religion majeure de l'Inde, est le résultat d'une longue histoire liée au védisme, à des écrits importants que sont les Upanishad (8e siècle avant J-C) ou encore les Brahmanas.
  •  La civilisation indienne, c'est également des épopées, parmi les plus anciennes de l'humanité : le Mahabarata et le Ramayana. L'ensemble de ces écrits a produit un ensemble de croyances et de rites complexes aboutissant à l'hindouisme. Ce dernier est donc un syncrétisme avec une multiplicité de Dieux et de divinités dont quelques unes ont néanmoins une importance plus grande que les autres : Brahma, Vishnou, Shiva... Pour rendre la situation encore plus complexe, l'hindouisme s'est subdivisé en sectes multiples qui ont quelques points communs comme la croyance dans un cycle de renaissances, une loi valable pour tous qui est la loi du Karma...
  •  Les livres mentionnés plus haut sont également à l'origine d'un système unique au monde : le système des castes où les individus sont, par la naissance, associés à une catégorie : les Brahmanes (prêtres) qui a le monopole des rites religieux ; les Kshatrias, la catégorie des guerriers et nobles ; la catégorie des Vaishyas (les commerçants) et enfin les Shudras c'est-à-dire la catégorie des artisans et paysans. Il existe de plus des individus hors castes connus en Occident sous le nom d'intouchables (Dalits en Inde). Le système des castes est fondé sur le degré de pureté et on est lié à sa caste par la naissance : on ne peut donc y échapper. 
  • C'est un système qui reste très présent en Inde (mais aussi dans l'aire indienne : Népal, Sri Lanka...) : un système très compliqué puisque les individus se positionnent non seulement en vertu de leurs castes mais également d'une jati à savoir un groupe plus restreint fondé sur une profession (il existe en Inde encore actuellement entre 4000 et 5 000 jatis. Nous reviendrons sur ce système lors de l'étude de l'Inde. Deux autres systèmes religieux sont nés en Inde même si l'un n' a pas réussi à s'implanter dans son espace d'origine géographique : ces deux religions sont le bouddhisme et le jaïnisme. Ces deux religions se sont développées au Vie siècles avant J-C (tout comme le confucianisme). Le bouddhisme repose sur un constat : tout est souffrance. Il faut donc rechercher la cause de la souffrance qui est le désir. Pour supprimer la souffrance, il faut donc supprimer le désir. Une fois, ce désir éteint, l'être humain peut atteindre le nirvana à savoir la situation de non souffrance. 
  • La philosophie bouddhiste a fini par se développer hors de l'Inde notamment au Tibet, en Chine (bouddhisme Tchan), en Corée ou encore au Japon. Ce bouddhisme s'est scindé en trois grands courants et de multiples écoles : le bouddhisme dit du hinayana (« petit véhicule »), un bouddhisme assez strict dans lequel les moines jouent un rôle majeur, un bouddhisme très présent en Thaïlande, au Cambodge, au Myanmar (donc en Asie du Sud-Est) ; le bouddhisme Mahayana (« grand véhicule »), un bouddhisme plus ouvert notamment aux laïcs, un bouddhisme présent en Chine, au Japon, au Vietnam, en Corée... Enfin, il existe le bouddhisme dit du Vajrayana : un bouddhisme fondé sur des pratiques magiques et des rites complexes : ce bouddhisme est celui du Tibet. Les civilisations chinoise et indienne ont eu et ont encore des influences qui dépassent le cadre des états où elles se sont formées : on parle de ce fait d'aire sinisée (Corée ,Japon, Vietnam) et d'aire indianisée (Bangladesh, Népal, Sri Lanka, une partie de l’Indonésie avec Bali...). 

 -une richesse civilisationnelle unique

  • L' Asie, ce n'est pas seulement les civilisations chinoise et indienne : d'autres civilisations ont été marquantes. C'est le cas de la civilisation japonaise qui a certes été influencée par la Chine notamment dans son écriture et son système impérial. Mais le Japon a su développer ses spécificités : un bouddhisme particulier qui est le bouddhisme zen (divisé en plusieurs écoles), un système politique longtemps clanique s'appuyant sur un type particulier de guerriers, les samouraïs (voir le livre des samouraïs : le Hagakuré), une religion locale : le Shintoïsme. La Corée a su également développer une culture spécifique avec une langue, une littérature, l'importance accordée aux pratiques dites chamaniques et au culte de la nature. Le Cambodge a connu un temps fort avec la civilisation Khmère dont les temples et le site d' Angkhor sont des illustrations (l'Empire Khmer a dominé une partie de l'Asie du Sud-Est entre les 7e et 15e siècles après J-C. On pourrait également évoquer l'Empire du Champa au Vietnam, le royaume de Majapahit sur l'île de Java (actuelle Indonésie) dont le site de Borobodur est un symbole. Bilan : L' Asie est donc un creuset de religions et de philosophies : hindouisme, bouddhisme, confucianisme, taoïsme... 
  • Mais à ces religions et philosophies spécifiquement asiatiques, il faut ajouter des religions extérieures ou « importées ». Deux religions ont réussi à s'implanter assez fortement en Asie : le christianisme et l'islam. Il est donc nécessaire de rappeler que certains référents culturels proviennent de la colonisation comme le christianisme imposé aux Philippines par les Espagnols. Le christianisme est notamment présent par le biais de la colonisation que ce soit la colonisation portugaise ou espagnole. Il est de ce fait présent en Inde (voir l'état du Kerala), en Chine et surtout aux Philippines. 
  • L'islam est bien plus présent que le christianisme et de à partir du 11e siècle par l'intermédiaire de commerçants (importance du commerce de l'océan Indien). L'islam s'est notamment répandu en Indonésie en particulier sur les îles de Sumatra et Java alors que l'île de Bali est restée en grande partie hindouiste ; en Inde (surtout dans le nord de l'Inde) par le biais de conquêtes. Ainsi, en 1206 est créé le sultanat de Delhi. Mais c'est surtout l'Empire des Moghols qui a marqué l'histoire d'une partie de l'Inde : un Empire créé en 1526 par un turc : Babur. L' Empire Moghol va s'imposer en Inde du Nord et centrale donnant naissance à une civilisation unique d'influence à la fois musulmane, persane et indienne (La mosquée d'Agra ou le Taj Mahal sont les reflets de cette civilisation moghole). L'influence de l'islam s'est aussi réalisée par les routes de la soie ce qui explique la conversion à l'islam de populations chinoise comme les Huis. On peut ajouter une secte religieuse étonnante née au Penjab (Nord-Ouest de l'Inde) : le sikhisme qui prend des éléments de l'islam et de l'hindouisme avec un livre sacré : le Guru Grant Sahib). Les Sikhs n'acceptent pas le système des castes et ont développé, étant persécutés notamment par les musulmans, une théocratie militarisée. Avec l'indépendance de l'Inde, ils ont fini par obtenir un état autonome. L' Asie est en fait une véritable mosaïque religieuse. On distingue donc les populations hindouistes présentes dans la péninsule indienne : Inde, Népal, Sri Lanka mais également à Bali (c'est un reste de l'Empire hindouiste du Majapahit. 
  • Cette aire hindouiste est somme toute limitée même si elle rassemble plus de 800 millions d'individus. Aux populations hindouistes, s'ajoutent les populations bouddhistes : un bouddhisme présent fortement en Asie du Sud-est (Thaïlande, Myanmar, Cambodge, Laos, Vietnam) ainsi qu'en Chine, Corée et Japon. Comme cela a été suggéré, il existe d'importantes populations musulmanes : les états musulmans les plus importants du monde musulman sont désormais en Asie : Indonésie avec plus de 210 millions de musulmans, l'Inde avec près de 200 millions de musulmans ou encore le Pakistan et le Bangladesh. Le christianisme est plus limité à l'exception des Philippines où 85% des Philippins sont catholiques (il existe une minorité musulmane dans ce pays).En Inde, les chrétiens sont à peine 2,3% des Indiens. Par contre, on note un développement important du christianisme en Corée du Sud (sous la forme du protestantisme). Des chrétiens, très minoritaires, sont aussi présents en Indonésie et en Chine. Enfin, pour donner un panorama assez complet, il faut signaler les populations animistes présentes en Sibérie, dans le sud de la Chine ou encore au Myanmar, au Laos (Hmongs) ou au Vietnam. On peut évoquer la minorité des Karens, une minorité de 2,5 millions d'individus vivant dans le nord du Myanmar (Birmanie) qui pratiquent une religion animiste ou la minorité des Miaos, de moins de 4 millions d'individus, vivant dans le sud de la Chine et au Vietnam. Comme nous le verrons plus loin, la diversité religieuse a généré et génère encore des tensions et des conflits. Aucun état n'est homogène sur le plan religieux. En Inde, par exemple, plus de 80% des Indiens sont Hindouistes, 13,4 % sont musulmans, 2,3% sont chrétiens et 3,7% appartiennent à d'autres religions (jaïnisme, sikhisme...). 
  • Certes, il existe des états où une religion est particulièrement dominante comme le Pakistan où 97% des Pakistanais sont musulmans (mais 20% de ces musulmans sont chiites) ou les Philippines où 92% des Philippins sont chrétiens (81% de catholiques). Cette diversité religieuse se retrouve notamment en Asie du Sud-Est, une zone géographique ouverte donc un important carrefour commercial depuis fort longtemps (Antiquité). Elle est en effet une zone de contacts entre l'Asie et l'Afrique par le biais de l'océan Indien, entre l'Asie et l'Océanie. C'est par les échanges commerciaux et des commerçants musulmans que l'islam s'est développé dans une partie notable de l'Asie du Sud-Est. Cette partie de l'Asie est donc une mosaïque religieuse avec encore la présence de l'animisme que l'on retrouve en Birmanie, en Indonésie... Il existe également même si elle a beaucoup perdu de son influence une minorité hindouiste comme sur l'île de Bali (possession de l'Indonésie) ou à Java (Indonésie) où un peuple, les Tengger sont très majoritairement hindouistes dans un environnement lui majoritairement musulman (600 000 Tengger). Le bouddhisme est particulièrement présent en Thaïlande, en Birmanie, au Cambodge, au Vietnam. Ce dernier a vu la naissance récente d'une religion appelée le caodaïsme (le mot Cao dai signifie être suprême), une religion créée par Ngo van Chieu en 1921 et qui s'est institutionnalisée. Ce mouvement s'appuie sur des religions déjà existantes comme le catholicisme, le bouddhisme ou le taoïsme : elle est un syncrétisme. L'islam s'est aussi diffusé en Asie du Sud-Est notamment à partir du 13e siècle à Sumatra (Indonésie) mais aussi en Malaisie, dans le sultanat de Brunei. Plusieurs minorités musulmanes sont présentes aux Philippines, en Thaïlande, en Birmanie (les Rohingyas actuellement persécutés), au Cambodge (minorité cham soit près de 300 000 Cambodgiens... 
  • En 2010, l'Indonésie comptait 87,2% de musulmans soit 221 millions, le Brunei 78,8% (330 000), la Malaisie 61,3% soit 18,4 millions. Les minorités musulmanes représentent 5% de la population des Philippines (5,3 millions localisés dans le sud), 4,9 % de la population en Thaïlande (3,3 millions localisés dans le sud)... A la diversité religieuse se greffe une grande diversité linguistique puisqu'on distingue en Asie 800 langues différentes même si on peut les regrouper et sept familles linguistiques : la famille sino-tibétaine (chinois, tibétain...), la famille altaïque (japonais, coréen, mongol...), la famille austronésienne (philippin, malais...), la famille indo-européenne ( langues du nord de l'Inde...), la famille austro-asiatique (vietnamien, khmer...), la famille thaï (thaï, lao...) et la famille dravidienne (sud de l'Inde comme la langue tamoule). Un état comme la Chine a certes une langue dominante, le mandarin, celle parlée par 82% de la population à savoir les Hans mais on parle dans ce pays environ 200 autres langues. 
  • En Inde, la diversité est encore plus grande avec près de 1 500 langues identifiées même si 85% des Indiens utilisent une quarantaine de langues ce qui est déjà beaucoup. Néanmoins, l'Inde a deux langues officielles : l' hindi et l'anglais donc la langue de l'ancien colonisateur. Il faut insister sur l'importance du poids des religions sur les structures sociales des états et sociétés asiatiques si on veut mieux les comprendre. D'abord, il y a la prégnance de la famille et des structures familiales, une famille au sens large comprenant un premier cercle important composé des grands-parents, des parents et des petits enfants et un second cercle composé des oncles et tantes et cousins. A la structure familiale se greffe la structure patriarcale : les sociétés asiatiques, à de rares exceptions, sont patriarcales. 
  • Le père joue un rôle fondamental : en Chine et au Japon, c'est toujours le père qui est le détenteur de l'autorité (la filiation est patrilinéaire) mais ce schéma est identique en Inde où les rites familiaux sont exercés par le père ou le fils. Les sociétés asiatiques fonctionnent également par des réseaux à l'échelle le plus souvent de villages ou de quartiers. Ces réseaux peuvent être liés aux professions (comme en Inde). Ils sont fondamentaux pour réussir et ont donné naissance à des sociétés fondées sur le clientélisme. Ainsi, en Chine, est fondamental le guanxi c'est-à-dire le réseau de relations personnelles dont les individus disposent. Il s'agit d'un véritable « capital social » qui s' hérite. Enfin, pour comprendre le fonctionnement de nombreuses sociétés, il faut mettre l'accent sur les hiérarchies sociales dont les castes en Inde sont un exemple frappant.

b/ Colonisation, décolonisation : des ruptures essentielles dans l'histoire asiatique

Comme pour de nombreux états africains ou américains, la colonisation a eu un très fort impact sur l'Asie et son histoire. Il en est de même pour le processus de décolonisation. Ces deux phénomènes sont des ruptures dans l’histoire des pays concernés. 

-la colonisation : une Asie dominée

  •  La colonisation est pour l'Asie un fait majeur car elle a été presque entièrement sous l'emprise occidentale. L'expansion de l'Occident commence par l'océan Indien. Dès le 16e siècle, les Européens font leur entrée sur la scène asiatique avec l'implantation des premiers comptoirs Portugais en Inde, en Chine avec Macao ou encore au Japon. Les Portugais vont fonder des comptoirs dès 1510 à Goa (Inde) puis à Malacca et dans les îles Moluques en 1511 : l'implantation des Portugais est le début d'un processus que les sociétés asiatiques vont subir. Il faut toutefois signaler que le processus n'est pas homogène et qu'il s'inscrit dans une durée plutôt longue.
  •  En ce qui concerne les Portugais, il faut rappeler que ce sont les épices et la volonté de trouver une route maritime nouvelle qui les ont conduit vers l'Asie notamment afin d'éviter les zones contrôlées par l'Empire ottoman. Les Philippines sont colonisées par les Espagnols alors qu'au 17e siècle, les Hollandais installent des comptoirs à Taïwan, au Japon et surtout procèdent à la colonisation de l'Indonésie. La Compagnie néerlandaise des Indes orientales, soutenue par l'état néerlandais est un acteur important du processus de colonisation : c'est elle et donc des marchands hollandais qui créent en 1619 la ville de Batavia (cette ville devient plus tard Jakarta). 
  • Les Espagnols ont, quant à eux, entrepris la conquête des Philippines à partir des Amériques : ils abordent aux Philippines en 1621 : des îles qu'ils nomment Philippines en 1542 en l'honneur du futur roi d'Espagne Philippe II. A partir du 18e siècle, c'est au tour des Français et des Anglais de se lancer dans les conquêtes coloniales. Français et Anglais s'installent en Inde avant que les Français perdent leurs implantations suite à la guerre dite de 7 ans (la France garde quelques lieux comme ̈Pondichéry, Chandernagor, Karikal, Mahé et Yanaon). En ce qui concerne les Anglais, c'est la Compagnie anglaise des Indes orientales, une société par actions dont la création remonte à 1600, qui opère en Inde en obtenant dès 1609 le monopole du commerce avec les Indes orientales (Asie du Sud et du Sud-Est). Cette compagnie implante des comptoirs puis va prendre le contrôle progressif de l'Inde en profitant du déclin de l'Empire moghol. La politique des comptoirs comme points d'ancrage conduite par les Européens se réalise alors que le continent est tout de même dominé par deux grands empires : l'Empire Moghol en Inde et la dynastie des Qing en Chine. 
  • On peut ajouter que le Japon a fait le choix du repli sur soi à partir de 1639 ne maintenant qu'un seul port ouvert aux échanges celui de Nagasaki. Enfin deux royaumes sont longtemps présents et indépendants : les royaume de Siam (Thaïlande) et du Vietnam. D'ailleurs au début du 19e siècle, en Asie du Sud-Est, trois royaumes sont en position dominante : le royaume de Siam, le royaume du Vietnam et le royaume de Birmanie, des royaumes qui se sont structurés autour de dynasties comme la dynastie Nguyen au Vietnam, la dynastie Chakry au Siam ou encore la dynastie Konbaung en Birmanie. Ces royaumes vont être confrontés aux puissances coloniales : les Britanniques mènent plusieurs guerres contre la Birmanie notamment en 1857 et 1885, cette dernière conduisant à l'annexion de la Birmanie par le Royaume-Uni. La France s'est quant à elle imposée au Vietnam par le contrôle de Saïgon en 1859 pour finir par s'imposer au niveau de l'ensemble de la péninsule indochinoise. En 1857, l'Inde devient une colonie de la couronne britannique. En 1886, la Birmanie est devenue une province de l'Empire des Indes. Au 19e siècle, la France va procéder à la colonisation du Vietnam, du Laos et du Cambodge qui vont devenir un des fleurons de l'Empire colonial français sous le nom d'Indochine. 
  • Les Européens, au 19e siècle, vont également prendre le contrôle de la Chine au 19e siècle. L' Empire britannique vend à l'Empire chinois des produits de son industrie textile ainsi que de l'opium dont les Chinois deviennent de grands consommateurs. Les Chinois pour payer ces importations exportent du thé. Mais pour protéger les Chinois, la culture et le commerce de l'opium sont interdits ce qui pousse les Britanniques, qui craignent la perte de ce marché, à intervenir : c'est la guerre dite de l'opium qui dure de 1839 à 1842 qui conduit à une défaite chinoise. Les Britanniques obtiennent, par le traité de Nankin, le contrôle de Hong Kong. Une seconde guerre de l'opium se déroule entre 1856 et 1860. les Chinois sont contraints de signer les traités inégaux qui garantissent aux Britanniques la clause de la « nation la plus favorisée » permettant aux Britanniques d'obtenir des Chinois toute concession qu'ils accorderaient à un autre état. Les Chinois sont également en conflit avec la France quand les Français s'emparent progressivement de l'Indochine. La France s'est emparé de Saïgon en 1859 puis a pris le contrôle du Cambodge qui devient un protectorat. En 1883, l'Annam puis le Tonkin deviennent français et vont former l'Indochine. Quant au Laos, il est occupé par la France un peu plus tard en 1893. La Chine a été dans l'obligation d'accorder des concessions aux Européens. Ce fait a provoqué un profond ressentiment en Chine, un ressentiment encore présent dans la Chine actuelle. En 1894-1895, le Japon qui s'est affirmé comme une puissance régionale s'empare de Taïwan. 
  • Dans ce contexte de colonisation, deux états seulement échappent à ce processus : le Japon et le royaume de Siam (Thaïlande). L' Asie a donc bien été sous tutelle coloniale : une tutelle se traduisant par le contrôle des voies maritimes et par une véritable colonisation des territoires concernés. Il s'agit pour les Européens de contrôler les territoires en question afin d'en exploiter les ressources et les atouts. Dans les Indes néerlandaises (Indonésie), les Hollandais vont développer des cultures d'exportation comme la culture du thé, celle du tabac, du café ou encore de la canne à sucre dont ils vont profiter. Le même phénomène a lieu en Inde où les Britanniques vont développer la culture du thé notamment dans une région du nord de l'Inde : l' Assam. Il convient de rappeler que les Européens ont été confrontés à des résistances comme la révolte dite des Cipayes en Inde en 1857-1858 où des régiments de l'armée coloniale composés de soldats indigènes se révoltent. C'est suite à cette révolte et à son échec que le Royaume-Uni intègre l'Inde à son Empire. 
  • Des révoltes ont aussi eu lieu en Chine avec en 1900 la révolte des Boxers : les Boxers sont les membres d'une société secrète chinoise celle des K'iuan fei qui refusait la présence et l'influence occidentale. On peut aussi rappeler qu'un Empire asiatique se forme avec un Japon impérialiste. Le Japon avait abandonné sous la contrainte son isolement suite à la volonté des E.-U et de l'amiral Perry qui impose au Japon une ouverture de ports aux navires des E.-U. (1858). Néanmoins, avec l'entrée dans la modernité liée à l'ère Meiji, le Japon non seulement se modernise et restaure l'autorité impériale mais conduit parallèlement une politique expansionniste. La puissance acquise dès la fin du 19e permet au Japon la renégociation des traités inégaux du Commodore Perry et une politique d'expansion : annexion de Taïwan... 

-la décolonisation :l’émancipation retrouvée et l'amorce de l'affirmation politique 

  •  Après la Première guerre mondiale, se développent des mouvements nationalistes souhaitant l'émancipation et l'indépendance. Ces mouvements n'obéissent pas toutes aux mêmes logiques : il existe plusieurs formes de mouvements nationalistes. Certains mouvements relèvent de ce qu'on peut nommer un « nationalisme modernisateur » s'inspirant d'ailleurs du « modèle occidental ». ces mouvements sont le fait d'élites pensant que le développement de leur pays ne peut sa faire qu'en calquant l'Occident (notamment sa technologie).Parmi ce type de mouvements, Tchang Kaï Chek et le parti du Guomindang souhaitent une Chine émancipée et modernisée. Le parti indien du Congrès (fondé en 1889), le parti indonésien Budi Utomo (créé en 1908) ou encore le parti national vietnamien (1927) entrent dans cette logique. Un second type de mouvements relève de l'idéologie marxiste et vont avoir l'appui de l'Union soviétique : c'est le cas du parti communiste indonésien (PKI) fondé en 1920, du parti communiste chinois créé en 1921 (par Chen Duxiu) et par le parti communiste vietnamien fondé par Hô Chi minh en 1930. Enfin, on peut ajouter un nationalisme plus culturel s'appuyant sur des valeurs traditionnelles et refusant les valeurs occidentales, un nationalisme qui veut s'appuyer sur les peuples. Ce nationalisme peut d'ailleurs avoir une connotation religieuse comme le Caodaïsme au Vietnam. 
  • Le mouvement initié en Inde par Gandhi relève de ce courant : Gandhi lutte contre le colonisateur par l'utilisation de la non violence et de la désobéissance civile. Le mouvement lancé par Gandhi se veut pleinement indien comprenant à la fois les populations hindouistes et musulmanes. Inversement, Ali Jinnah qui a adhéré à la ligue musulmane fondée en 1916 va opter pour un nationalisme musulman. Le cas indonésien est intéressant car une des premières organisations nationalistes est l'Union musulmane créée en 1912 (Sarekat Islam) s'implante fortement dans les campagnes donc auprès des masses populaires. Les courants nationalistes indonésiens vont finir par s'unir sous l'impulsion de Soekarno qui va créer le Parti national indonésien : un parti qui tente d'unir les valeurs traditionnelles et une forme de modernisme. 
  • En 1928, ce nouveau mouvement lance son slogan : « Une patrie, une nation, une langue ». A ces nationalismes, il faut faire une place particulière au nationalisme japonais. A partir de 1868, est lancée l'ère Meiji, une ère de modernisation du Japon. Les dirigeants japonais en cette fin 19e siècle veulent faire du Japon un état moderne capable de rivaliser avec les puissances européennes. Il faut donc que le Japon se forge une industrie moderne et une armée qui le serait tout autant. Le développement économique du Japon est réel et en parallèle un nationalisme et un impérialisme nippons se mettent en place. Il s'agit pour les Japonais de prendre le contrôle de leur environnement proche : le Japon va de ce fait contrôler Taïwan, la Corée, les îles Kouriles. A la fin de la Première guerre mondiale, le Japon qui avait le choix de la triple entente (France, Royaume- Uni, Russie puis E.-U.) prennent le contrôle des territoires allemands du Pacifique : les îles Carolines, les îles Mariannes et Marshall. Dans les années 1920-30, le nationalisme japonais se renforce avec des objectifs impérialistes clairement affirmés visant en particulier la Chine. En 1931, le Japon s'empare de la Mandchourie devenant un protectorat nippon (un protectorat nommé Mandchoukouo). 
  • En 1937, le Japon attaque la Chine ce qui pour les Asiatiques marque le début de la Seconde guerre mondiale. Pour le Japon, il faut bâtir une zone d'influence la plus importante en Asie ce qu'ils ont appelé la « sphère de co-prospérité » : le projet japonais étant une structure basée sur un cœur : le Japon ; une zone comprenant la Corée, le Nord de la Chine devant être un espace d'implantations industrielles et enfin une zone plus large en Asie du Sud-Est qui devait fournir les matières premières nécessaires au Japon. Le nationalisme japonais est donc un nationalisme agressif fondé sur une idée impériale et calqué sur le modèle occidental. La Seconde guerre mondiale est déterminante dans la mise en œuvre du processus de décolonisation avec des indépendances qui vont permettre la formation et le développement des nationalismes asiatiques. La fin de la seconde guerre mondiale va accélérer l'accession aux indépendances. Les mouvements nationalistes vont profiter de l'affaiblissement des puissances coloniales que sont notamment le Royaume-Uni, les Pays-Bas et la France tout comme de la volonté de l'ONU et des deux grandes puissances que sont les E.-U et l'URSS de procéder à ce mouvement de décolonisation. 
  • Il faut préciser car c'est un cas un peu à part, la situation de l'Inde : en effet, le Royaume-Uni avait tenté de mobiliser au maximum les Indiens dans ce conflit mais Gandhi et son mouvement de désobéissance civil s'y sont opposés : le slogan de 1942 « Quit India » devient un symbole de ce refus. Il faut également rappeler que dès 1934, le président américain Roosevelt avait proposé en mars 1934 l'indépendance aux Philippines dont ils avaient pris le contrôle en 1898. Les Philippins ont approuvé un processus de transition avec d'abord une autonomie interne. Le pays devient d'ailleurs indépendant le 4 juillet 1946. Pour revenir sur l'Inde, avec le changement de 1er ministre en juillet 1945 avec l'arrivée au pouvoir d'Attlee, un travailliste à la place de Churchill et du parti conservateur, le processus va s'accélérer. Attlee accepte le principe de l'indépendance et prévoit en 1946 un plan visant à créer une Union indienne fédérale. Mais dès 1946, des violences ont lieu opposant hindous et musulmans. De plus si le parti du Congrès et Gandhi souhaitent une seule Inde, ce n'est pas le cas de la Ligue musulmane qui souhaite un état musulman donc la partition. 
  • Ces affrontements génèrent des milliers de victimes et de très importants déplacements de populations avec 9 millions d'Hindous et de Sikhs qui fuient le Bengale et la région de l'Indus qui vont devenir le Pakistan alors que plus de 6 millions de musulmans quittent le Nord de l'Inde pour le futur Pakistan. Le 15 août est voté par le Parlement britannique l'Indian Independence Bill qui proclame l'indépendance de l'Inde et sa partition en deux états séparés : l'Union indienne et le Pakistan. Ce dernier est constitué du Pakistan occidental et du Pakistan orientale, deux territoires séparés par 2000 kms. En 1971, le Pakistan oriental suite à un conflit se détache du Pakistan occidental devenant le Bangladesh.
  •  En fait, le Pakistan était une création étonnante et artificielle dont l'unité repose sur l'islam. Le Pakistan n'est pas homogène ethniquement parlant : il se compose à l'Ouest de Pendjabis (à l'Est), de Sindis (au sud) , de Baloutches (ouest), de Pashtouns (nord- ouest) et de Cachemiris (nord). L'identité nationale est d'autant plus fondée sur la religion que les dirigeants Pakistanais ont créé en 1967 une nouvelle capitale nommée Islamabad en lieu et place de Karachi. Deviennent également indépendants assez rapidement les autres colonies anglaises que sont Ceylan (Sri Lanka) en 1947, la Birmanie et la Malaisie en 1948. La Birmanie lorsqu'elle accède à l'indépendance en 1948 est clivée entre des nationalistes birmans favorables aux Américains et des communistes pro-chinois. En ce qui concerne la Malaisie, un nouvel état s'en détache en devenant indépendant en 1965 : Singapour, une cité-état plutôt pauvre lors de son indépendance. Certaines indépendances ont été plus longues à obtenir et l'ont été suite à des conflits. 
  • C'est le cas de l'Indonésie qui devient indépendant en 1949 suite à un conflit avec les Pays-Bas. Le leader indonésien Soekarno avait proclamé l'indépendance en 1945 : une indépendance refusée par les Hollandais ne voulant pas négocier avec Soekarno et qui proposaient au mieux une autonomie dans le cadre d'un commonwealth à la néerlandaise. Les Hollandais optent pour la répression. Dans ce conflit, les E.-U vont jour un rôle notable car ils font pression sur les Pays- Bas. Ils appuient notamment Soekarno qui a promis aux Américains de lutter, dans le cadre de la guerre froide qui vient de commencer, de lutter contre les nationalistes indonésiens d'obédience communiste. En 1949, l'Indonésie devient indépendante et un état unitaire en 1950. Une autre guerre coloniale est la guerre d'Indochine. En septembre 1945, Hô Chi minh proclame l'indépendance du Vietnam. Or, la France ne tient pas à céder cette indépendance et la guerre devient effective en novembre 1946. elle se termine en 1954 avec les accords de Genève aboutissant à un Vietnam indépendant mais séparé en deux : un Vietnam nord communiste et un Vietnam sud soutenu par les E-U. Ces accords prévoyaient en 1956 un référendum sur une éventuelle unification du Vietnam : ce référendum n'aura jamais lieu car refusé par le Vietnam sud qui craignait une unification sous un régime communiste. Suite à ce refus, un nouveau conflit débute impliquant de plus en plus les E.-U : la guerre du Vietnam. 
  • Les cas du Cambodge et du Laos sont quelque peu différents : ces protectorats français passent des accords avec la France. En 1946, le Cambodge est reconnu indépendant par la France, le Laos devient indépendant en 1949. Enfin, il ne faut pas oublier que ce sont des états récemment indépendants d'Asie qui ont lancé le mouvement des non alignés. Dès mars 1947, se tient une conférence à New Delhi à laquelle participent 25 pays asiatiques. Plus important encore est la conférence d'avril 1955 en Indonésie à Bandoeng réunissant plusieurs états asiatiques mais également l'Egypte de Nasser ou la Yougoslavie de Tito. 
  • Cette conférence est véritablement à l'origine du non -alignement et de la volonté d'une 3e voie entre les E.-U et l'URSS. Certes, le mouvement des non alignés a fini par échouer mais il était une tentative intéressante d'échapper à la logique bipolaire de l'époque. Enfin, il faut insister sur le fait que la colonisation a fracturé l'Asie notamment l'Asie du Sud-Est et on peut faire remarquer que l'idéologie marxiste a servi de point d'appui à de nombreux mouvements anticolonialistes qui ont vu dans le marxisme un instrument de lutte et d'émancipation de la tutelle coloniale. On peut, à cet égard, souligner le fort impact du livre de Lénine publié en 1916 intitulé: L' impérialisme, stade suprême du capitalisme, un livre qui a marque Mao, Hô Chi Minh et bien d'autres. 

 c/ Une Asie au cœur de la guerre froide

  • La guerre froide et l'expansion communiste vont aussi fortement impacter l'Asie. Encore aujourd'hui, certains états sont influencés par le communisme et sont dans des logiques de parti communiste unique même si ils ont opéré une transition économique vers le capitalisme comme la Chine ou le Vietnam. Pierre Grosser souligne que la « guerre froide et la décolonisation commencent en Asie » (L’histoire du monde se fait en Asie, éditions Odile Jacob 2017) Le cas de la Chine est significatif. Dès les années 1930, le parti communiste chinois dont Mao avait pris le contrôle (à partir de 1935) était entré en guerre contre le Guomindang et Tchang Kaï Chek (nationalistes chinois). L'invasion de la Chine par le Japon atténue ce clivage car le PCC et le Guomindang ont un ennemi commun avec les Japonais.
  •  Avec la fin du second conflit mondial, la guerre civile entre communistes et nationalises reprend. Les nationalistes ont l'appui des Américains alors que les communistes ont un timide soutien de l'URSS. Les communistes l'emportent et en octobre 1949 la République populaire de Chine est proclamée et les nationalistes ainsi que leur leader Tchang Kaï Chek se réfugient à Taïwan. La Chine communiste s'allie rapidement avec l'URSS par un traité d'amitié. Le basculement de la Chine vers le communisme est fondamentale et marque un profond changement géopolitique en Asie au grand désespoir des Américains. La guerre froide va très fortement impliquée le continent asiatique. Pour les E.-U, il est un enjeu essentiel avec l'URSS qui dispose d'une partie de son territoire en Asie et qui a même pris le contrôle des îles Kouriles au détriment du Japon en 1945, occupe temporairement la Mandchourie et la Chine devenue communiste en 1949. En 1945, les troupes soviétiques et américaines sont également entrées en Corée et en vertu des fameux accords de Yalta de février 1945, les deux armées se sont arrêtées au niveau du 38e parallèle. 
  • Au nord du 38e parallèle, l'URSS favorise l'implantation d'un régime communiste en soutenant Kim Il Sung qui proclame d'ailleurs en février 1948 la République populaire de Corée, un état pro-soviétique et d'inspiration stalinienne alors qu'au Sud, les E.-U favorisent l'implantation d'un régime pro-américain avec à sa tête Syngman Rhee qui proclame, toujours en 1948 (en août), la République de Corée, alliée aux Américains. Dès lors, les E.-U vont décider de tenter de freiner l'expansion communiste en Asie par plusieurs biais. Premier axe : la volonté de trouver des points d'appui solides en Asie notamment au Japon.
  •  Assez rapidement, les E.-U vont mener une politique spécifique au Japon d'abord en préservant une institution fondamentale aux yeux des Japonais à savoir l'institution impériale même si l'Empereur n' a plus aucun rôle majeur dans la nouvelle constitution nippone imposée par les Américains. Ils vont décider de relancer l'économie japonaise avec l'aide apportée par le plan Dodge. En septembre 1951, les E.-U signent un traité de paix avec le Japon (traité de San Francisco), un traité rétablissant la souveraineté du Japon avec la fin de l'occupation du pays par les troupes américaines. Les E.-U ont permis, alors que la guerre de Corée commençait, la formation d'une police spéciale japonaise qui devient une force d'autodéfense en 1954. 
  • Surtout, toujours en 1951, est signé entre les deux états, un traité de sécurité : la défense du Japon est de fait garantie par les E.-U. Second axe : les E.-U mettent au point un système de défense à l'échelle régionale par une série de traités : un traité avec l'Australie et la Nouvelle-Zélande signé en 1951 et créant l' ANZUS, un traité de défense mutuelle entre les E.-U et la Corée du Sud en 1953 et surtout la création de l' OTASE, l'organisation du traité de l'Asie du Sud-Est à laquelle adhèrent les Philippines, la Thaïlande, le Pakistan, le Royaume-Uni, l'Australie, la Nouvelle- Zélande et la France. Les E.-U signent également un traité de défense avec Taïwan en 1954. A ces traités s'ajoutent des bases militaire américaines maintenues ou implantées dans la région comme sur l'île japonaise d' Okinawa ou encore aux Philippines. 

-la guerre froide : une guerre source de clivages forts 

  •  La guerre froide en Asie va provoquer des clivages durables et des guerres « chaudes ». La guerre d'Indochine, notamment à partir de 1949-50 s'inscrit aussi dans le contexte de la guerre froide avec des E.-U qui vont apporter une aide certaine aux troupes françaises dans la guerre menée contre les communistes vietnamiens. Très importante est la guerre qui se déclenche en Corée en 1950. en juin 1950, avec l'accord de l'URSS, la Corée du Nord envahit la Corée du Sud. Les E.-U réagissent en envoyant des troupes avec l'accord de l'ONU, un accord obtenu sans l'opposition de l'URSS absente du Conseil de sécurité après l'échec du blocus de Berlin (1948-49) par la pratique de la politique de la chaise vide. L'armée américaine repousse les forces nord- coréennes et pénètrent en territoire nord-coréen ce qui suscite une réaction de la Chine de Mao qui envoie plus d'un million de « volontaires » (la même année, la Chine s'empare du Tibet). Le front finit par se stabiliser et un armistice est signé en juillet 1953 à Panmunjon. 
  • Suite à cet armistice, et c'est toujours le cas aujourd'hui, la Corée est clivée (toujours au niveau du 38e parallèle) avec deux Corée : une Corée du Nord toujours communiste et une Corée du Sud alliée des E-U. Une autre guerre particulièrement chaude est la guerre du Vietnam opposant le Vietnam sud soutenu par les Américains à une guérilla communiste du Sud, le Vietcong, appuyée par le Vietnam nord communiste. Les E.-U vont s'engager de plus en plus nettement dans ce conflit avec finalement en 1973 la signature des accords de Paris par lesquels les E.-U se désengagent du conflit. En 1975, suite au retrait des E.-U du Vietnam sud, le Vietnam Nord envahit le sud et le Vietnam est unifié sous un régime communiste. Cette guerre du Vietnam a déstabilisé la région : en 1975, le parti communiste laotien prend le pouvoir. 
  • Au Cambodge, c'est une guérilla maoïste, les Khmers rouges qui, toujours en 1975 s'emparent du pouvoir : ils sont à l'origine d'un génocide avec au moins 1,5 million de victimes. En 1979, le Vietnam intervient contre les Khmers rouges constamment soutenus par la Chine. Le Cambodge va se stabiliser de manière progressive notamment grâce à l'ONU à partir de 1991. Dans le cadre de cette stabilisation, les E.-U comptent sur la Thaïlande où l'armée joue un rôle important : une Thaïlande qui opère une transition démocratique depuis 1992. 
  • Par contre, c'est pendant la guerre froide qu'a lieu la rupture entre la Chine et l'URSS, une rupture ayant eu lieu en 1960-61. En 1971, la Chine de Mao et les E.-U rétablissent des relations avec comme traduction l'entrée de la Chine communiste au Conseil de sécurité en remplacement de la Chine nationaliste (Taïwan). La guerre froide tout comme la colonisation a donc profondément (et encore actuellement avec le problème posé par la Corée du Nord) imprégné le monde asiatique. La Corée est en effet toujours séparée selon la ligne imposée par l'armistice signé à Pan Mun Jom en 1953, la Chine (RPC) revendique toujours la possession de Taïwan et on peut même signaler au sujet des îles Kouriles actuellement possession russe qu'aucun traité n'a été signé entre à l'époque l'URSS et le Japon à propos de ces îles revendiquées par le Japon. 

 -Les années post-guerre froide : des années d'incertitudes 

  •  Avec la fin de la guerre froide qui se dessine à la fin des années 1980, le système d'alliances se modifie : la Nouvelle -Zélande se retire de l' ANZUS, l' OTASE n' a plus lieu d'être et les Américains suppriment plusieurs bases militaires comme aux Philippines. De façon plus générale, de nombreux équilibres en Asie se sont modifiés. Avec la normalisation des relations entre la Chine et les E.-U, se sont également normalisées les relations entre la Chine et le Japon : les relations sont établies en 1972 et progressivement les relations économiques et commerciales entre ces deux pays vont se développer. Le Japon va même participer à des actions internationales notamment à des actions de maintien de la paix dans le cadre de l'ONU et sont présents lors de la guerre du Golfe en 1991. Néanmoins, depuis quelques années, un nationalisme japonais resurgit, un nationalisme mal accepté par les voisins coréen et chinois. Ainsi, plusieurs 1er ministres japonais se sont rendus au sanctuaire de Yasukuni, un sanctuaire dédié aux soldats japonais morts au combat y compris des criminels de guerre. 
  • Parallèlement, les manuels scolaires nippons n'évoquent pas les crimes commis par l'armée japonaise durant le conflit. On note aussi des tensions entre le Japon et la Chine au sujet de plusieurs îles notamment les îles Senkaku, îles japonaises revendiquées par la Chine. La Chine, quant à elle, en rompant avec l'URSS s'affirme comme un acteur indépendant et devient peu à peu un acteur incontournable de la région affirmant sa puissance régionale. Ces années d'après guerre froide sont marquées par des tensions qui perdurent entre l'Inde et le Pakistan au sujet de la province indienne du Cachemire (Jammu et Cachemire), une région revendiquée par le Pakistan car à grande majorité musulmane. 
  • Enfin, on peut rappeler le cas toujours épineux entre la Corée du Nord et la Corée du Sud. Actuellement, plusieurs états peuvent être perçus comme défaillants ou partiellement défaillants et font resurgir ce qu'on nommait au 19e siècle le « Grand Jeu » qui était une lutte d'influence entre la Russie et le Royaume-Uni notamment en Asie centrale. Aujourd'hui, ce « Grand Jeu » implique la Chine, les E.-U voire la Russie. Un des états en partie défaillant est le Pakistan. Nous sommes indiscutablement en présence d'un état faible avec des mouvements et des peuples plus ou moins sécessionnistes comme les Pachtounes ou les Baloutches sans oublier la présence de Talibans. Dans cet état instable, l'armée est un véritable état dans l'état et tente souvent vainement de contrôler le pays. 
  • Ce Pakistan fragilisé est un allié des E.-U et les Américains ont compté et compte toujours sur le Pakistan pour s'opposer aux islamistes radicaux de la région sachant que l'armée pakistanaise joue souvent un double jeu. La Chine mais aussi l'Inde tissent des liens avec le Pakistan : les Chinois ont intégré le Pakistan dans leur projet de nouvelles routes de la soie. Une partie de l'Asie est aussi déstabilisée par l'islamisme comme aux Philippines ou dans le sud de la Thaïlande. Cette Asie est également synonyme d'un « antimonde » pour reprendre l'expression de Roger Brunet. Il existe de multiples zones grises, des zones de guérillas et de divers trafics. Plusieurs régions sont des zones productrices de drogue(s) notamment dans des états affaiblis comme le Pakistan, l'Afghanistan, le nord de la Thaïlande...
  •  Un produit comme l'opium est produit dans le triangle d'or, une zone établie sur le Myanmar, la Thaïlande et le Laos, dans des régions de montagnes et délicates à contrôler. Il est aussi produit dans ce qu'on nomme le « Croissant d'or » entre Afghanistan, Pakistan et Iran. S'ajoute l'essor de la piraterie dans le détroit de Malacca, en mer de Chine méridionale. L'archipel indonésien est particulièrement difficile à contrôler avec ses très nombreuses îles ce qui facilite la piraterie. Des programmes de lutte ont été mis en place (à partir de 2004).

C/ L' Asie : une mosaïque culturelle complexe


Le continent asiatique est composé de peuples et de cultures différentes et plurielles. Ce qui a été dit sur les religions et les civilisations montre cette diversité. Néanmoins, il est nécessaire de faire le point non seulement sur cette diversité mais surtout sur les liens entre peuples, nations et états sachant que l'idée européenne d'état nation s'est aussi imposée à l'Asie. Celle-ci est également traversée par des revendications identitaires, des querelles de frontières... 

 a/ Des peuples dominants 

-des peuples importants aux fortes influences 

  •  Certains peuples ont joué et jouent encore un rôle important soit par leur poids démographique soit par leurs influences politiques et culturelles. Certes, le continent asiatique est une mosaïque de peuples mais quelques uns ont un impact considérable. La Chine est incontestablement un état multiethnique mais un peuple structure cet état à savoir le peuple Han même si ce dernier relève de la création et de l'invention. Les dirigeants chinois notamment pendant la période impériale ont mis l'accent sur le rôle central dans la civilisation chinoise du peuple majoritaire. 
  • Même le régime communiste de Mao a gardé une classification des peuples avec le peuple Han et plusieurs peuples minoritaires : la Chine maoïste mais aussi la Chine actuelle reconnaissaient et reconnaissent l'existence de 56 nationalités différentes (le recensement de 1964 évoquait l'existence de minorités au nombre de 40 millions soit 5,8% de la population de la Chine de l'époque ; celui de 1982 évaluait les minorités à 66,5 millions soit 6,5% de la population et actuellement ces minorités seraient au nombre de 118 millions d'individus). Le peuple Han est donc le cœur de la civilisation chinoise, un peuple dominant à tous les niveaux qui a réussi à intégrer par exemple les Mandchous à partir du 17e siècle lorsque ces derniers ont pris le contrôle de l'Empire chinois et qui a produit le phénomène de sinisation par lequel les peuples environnants adoptent la culture et le modèle chinois.
  •  Le Japon fonde son histoire et sa culture sur l'idée la nation nippone repose sur un peuple évacuant l'existence de minorités notamment les Aïnous, un peuple vivant et originaire de l'île d' Hokkaïdo. C'est surtout à partir du 19e siècle dans un contexte de développement de l'idée d'état- nation que le Japon a mis l'accent sur l'homogénéité du peuple nippon, producteur d'une culture unique. Plusieurs états actuels sont dominés également par une population majoritaire dont l'histoire et la culture ont pu être glorieuses ce qui sert aujourd'hui de ciment à l'unité nationale. C'est le cas du Cambodge où les Khmers constituent 70% de la population, un peuple au passé mis en évidence notamment celui de la civilisation khmère de la période médiévale (celle ayant conçu Angkhor). Le Vietnam est relativement homogène puisque près de 87% des Vietnamiens sont des Viêts. Un état comme le Laos est fondé sur une population, les Lao qui représente plus de 50% de la population 

 -Nations et peuples : quels liens ? 

  •  Tout d'abord, il convient de rappeler que l'état et le fait étatique en Asie sont très anciens comme le prouve l'exemple chinois avec ses empires et une bureaucratie d'envergure exceptionnelle. Un autre exemple est l'Empire Khmer au Cambodge entre les 9e et 13 e siècles après J-C. Ces structures étatiques de contrôle des territoires sont liées notamment à ce qu'Yves Lacoste nomme « les sociétés hydrauliciennes » à savoir des sociétés fondées sur le contrôle de l'eau et de l'irrigation nécessitant des structures de contrôle et de régulation. Aujourd'hui encore, il reste des traces fortes de ces Empires avec quelques états restant très centralisés comme la Chine où les pouvoirs sont toujours très concentrés à Beijing bien que ce pays soit organisé en 22 provinces et 5 régions autonomes mais ces dernières ont peu de pouvoirs. On peut également signaler que les maires des villes de Beijing, Shanghai, Tianjin et Chongqing sont nommés par le pouvoir central.
  •  Des états comme le Japon, le Sri Lanka entrent aussi dans cette logique unitaire et centralisée. En fait peu d'états asiatiques sont de nature fédérale hormis l'Union indienne, le Pakistan ou la Malaisie. L' Asie a été et est encore confrontée aux nationalismes et à la volonté de forger des états -nations solides. Il faut mettre l'accent, comme ce fut le cas en Europe, de l'importance joué sur les élites dans la formation des identités nationales. Certains historiens comme Charles Tilly ou Ernest Gellner ont mis l'accent sur les liens entre modernité et construction nationale. Gellner a mis l'accent sur le rôle de l'éducation de masse, sur ce qu'on nomme l'homogénéisation culturelle et sur le poids de l'industrialisation. Pour cet historien, « le nationalisme n'est pas l'éveil des nations à la conscience d'elles-mêmes : il invente des nations là où elles n'existaient pas (...). » On retrouve l'idée des nations comme constructions imaginées évoquées également par l'historien Benedict Anderson. Enfin un autre historien, Daniel Bell fait le lien entre identité nationale et ethnie (souvent majoritaire). Tous ces éléments permettent non seulement d'analyser la formation et le développement des nationalismes asiatiques comme ils ont permis de mieux saisir les nationalismes européens du 19e siècle. L'état-nation est un héritage de l'Occident et donc de la période coloniale : la construction nationale s'opère néanmoins dans des contextes variés. 
  • Certains états-nations qui vont se construire sont des états fondés sur une importante diversité ethnique et culturelle. Dans la construction de la nation et des identités nationales, l'état joue un rôle clé. Dans la plupart des sociétés asiatiques depuis fort longtemps, les états et leurs appareils (administrations) sont des vecteurs de la construction identitaire et territorial. Le rôle des états est d'autant plus essentiel que la plupart des états sont, comme nous l'avons signalé, multiethniques hormis le Japon et la Corée dont l'homogénéité ethnique est très forte. Un état comme la Thaïlande est intéressant car ce pays n'a pas été colonisé ce qui a permis à l'état de s'affirmer autour de trois piliers essentiels que sont le bouddhisme, la langue thaï et la monarchie. Il faut dans le cadre d'une mosaïque culturelle fonder la nation sur des valeurs devant l'unifier. L'Indonésie a ainsi défini (voir plus bas) cinq lignes directrices, le Pancasila, fondant la nation indonésienne:la croyance en un Dieu unique, une humanité juste, la démocratie, la justice sociale et l'unité du peuple indonésien. A cela s'ajoute le choix d'une langue officielle l'indonésien qui n'est d'ailleurs pas la langue à l'origine la plus parlée qui est le javanais. 
  • Par contre quelques états ont construit la nation sur des fondements liés à une homogénéité culturelle et ethnique comme le Japon (voir plus bas). Un état comme la Thaïlande ne reconnaît pas à certaines tribus une nationalité spécifique ; le Bhoutan a exclu de la nationalité bhoutanaise les descendants de népalais de religion hindoue dans un pays bouddhiste. Nous commencerons l'analyse par les exemples chinois et japonais. En ce qui concerne la Chine, elle fonde son identité nationale sur une histoire ancienne (celle de l'Empire), sur une civilisation liée à un peuple (le peuple Han). La particularité de la Chine est d'avoir bâti un état centralisé reposant sur une élite mandarinale avec une volonté d'expansion. 
  • Cette expansion s'est réalisée vers l'Asie du Sud-Est par des vagues migratoires et par des influences importantes (aire sinisée vue plus haut). Lorsque les Mandchous vont conquérir la Chine instaurant la dernière dynastie, celle des Qing (1644-1911), ils intègrent à l'Empire non seulement les Mandchous mais aussi les Hui musulmans, les Mongols, les Tibétains. Il faut également préciser que l'histoire chinoise est une succession de périodes d'ouverture et de fermeture : les contacts délicats avec les Européens au 19e siècle vont contraindre les Chinois à repenser leur histoire, leur identité nationale et leurs rapports avec les autres. Le Japon est un état qui s'est progressivement unifié à partir du 16e siècle mais les Japonais considèrent que leur identité s'est forgée bien avant notamment avec les tentatives d'invasion du Japon par les Mongols (en 1272 et 1281) qui ont néanmoins été des échecs.
  •  La conscience de l'identité nippone s'est renforcée au 19e siècle lorsque le Japon a été contraint par les E.-U de s'ouvrir aux Occidentaux. L'ère Meiji et la modernisation est une réponse à cette ouverture forcée avec la volonté de forger un état japonais moderne capable de s'imposer au moins à l'échelle régionale. L'état japonais a construit une identité spécifique avec une importance accordée aux ancêtres et à une lignée. De ce fait, le Japon ne reconnaît pas la possibilité d'une double nationalité. Autre exemple : l'identité et le sentiment national coréen. Ce sentiment national coréen émerge surtout au 19e siècle lorsque le Japon tente de contrôler par sa volonté impérialiste la péninsule coréenne : la Corée est d'ailleurs annexée par le Japon en 1910. 
  • Le nationalisme coréen se développe en réaction à la volonté expansionniste nippone. En ce qui concerne l'Inde, c'est la colonisation et l'occupation britannique qui vont générer la formation et le développement du nationalisme indien. Il en est de même pour l'Indonésie avec la colonisation néerlandaise ou du Vietnam avec la France : la colonisation est incontestablement un vecteur de la montée des nationalismes asiatiques. Dans le cas de l'Inde, on peut distinguer deux nationalismes : le nationalisme indien et le nationalisme musulman qui aboutissent à la création de deux états séparés en 1947. Pour gérer la diversité ethnique de l'Inde après l'indépendance, les dirigeants du parti du Congrès dont Nehru ont opté pour la construction d'un état fédéral. Le nationalisme indien à l'origine repose également sur une Union indienne se voulant laïque alors que le nationalisme pakistanais est d'emblée fondé sur l'islam. Toutefois, en Inde s'est développé depuis plusieurs années un nationalisme hindou fortement hostile à l'islam et définissant le fait d'être indien par l'Hindouité. 
  • Le Parti nationaliste BJP illustre ce nationalisme. Il faut noter que lorsque le Pakistan lui-même éclate en 1971 donnant naissance au Bangladesh, le nationalisme des Bengalis est basé sur une identité culturelle jugée spécifique avec une langue à savoir l'ourdou qui devient la langue officielle du nouvel état : nous sommes là en présence d'un nationalisme « classique » fondé notamment sur la culture. Quant au nationalisme pakistanais dont l'islam est le pivot, il est toutefois confronté à la présence de plusieurs ethnies au Pakistan : les Pendjabis (56% de la population), les Sindis (23% de la population), les Baloutches (5%), les Pachtounes (au nombre de 7 millions), les Cachemiris (4 millions) et les Mohajirs (7 millions, populations musulmanes originaires d'Inde). Ce qui est censé unir ces peuples est l'islam. La constitution du Pakistan de 1956 fait du Pakistan une République islamique même si la liberté religieuse est reconnue. Dans les années 1977-1988 avec à la tête du Pakistan le général Zia, l'islamisation de la société s'est accélérée. 
  • Or, il existe un mouvement indépendantiste baloutche (les Baloutches sont aussi présents en Afghanistan et en Iran) ; les Pachtounes qui sont également présents en Afghanistan ont une sentiment national plutôt faible ayant des liens plutôt forts avec les Pachtouns afghans formant ce que certains appellent le Pachtounistan (Ben Laden s'était réfugié dans cette zone dite tribale). Enfin, les autorités pakistanaises ont une confiance limitée dans les Cachemiris localisés dans la province d'Azad Kashmir : ces derniers, du moins certains, pouvant rêver d'un Cachemire indépendant avec les populations du Cachemire indien. 
  • On voit donc que la nationalisme et l'identité nationale pakistanaise basée sur l'islam ne coulent pas de source et on peut se demander si la religion suffit à créer la nation ? On peut s'appuyer sur le cas de la Malaisie qui a obtenu son indépendance en 1957, une indépendance effective en 1963 sous la forme d'une fédération. En 1965, Singapour se détache de la fédération malaise. La Malaisie voit le développement d'un nationalisme malais qui est un nationalisme ethnique : la Malaisie se compose de 65% de Malais, de 25% de Chinois et de 10% d'Indiens. Ce nationalisme malais propose un « développement séparé » des peuples constituant le pays. La Malaisie a mis l'accent sur l'identité malaise : la langue malaise est la langue de l'enseignement primaire alors que les deux langues majeures de l'enseignement secondaire sont le malais et l'anglais. Il faut préciser que les communautés indienne et chinoise ont le droit d'avoir leurs écoles primaires où sont enseignées leurs langues. Par contre, pour accéder à l'université, les examens d'entrée se font en malais. L'état malais a également procédé ou tenté de procéder à la diminution du poids des Chinois dans l'économie malaise. Inversement, Singapour dont la population est à 70% chinoise, 14% malaise et 8% tamoule (sud de l'Inde) a mis en œuvre ce qu'on nomme un nationalisme civique. 
  • Chaque communauté est libre de ses pratiques culturelles et religieuses : Singapour n' a pas opté pour un nationalisme ethnique. L' Indonésie qui est aussi multiethnique a tenté de forger son unité nationale autour d'une philosophie celle du Pancasila reposant sur 5 principes : la croyance en un Dieu unique, une humanité juste et civilisée, l'unité de l'Indonésie, une démocratie et la justice sociale. Cette philosophie a été initiée dès 1945 par Soekarno dès 1945 et intégrée à la Constitution du pays. Un ultime exemple peut être pris avec le Vietnam. Ce pays est composé d'une majorité ethnique, les Viêts dont l'identité nationale repose, et c'est leur perception, sur une langue et un territoire notamment. Effectivement, la langue vietnamienne est spécifique avec de nombreux mots qui sont issus d'un fonds local mais une structure grammaticale fortement influencée par le chinois.
  •  Elle a aussi la particularité depuis le 17e siècle d'avoir adopté une écriture latine (romane). Le peuple Viêt accorde également une grande importance au territoire, un attachement qui peut s'expliquer par l'importance du culte des ancêtres et le rôle des lignages familiaux : un peuple qui a conscience d'avoir maîtrisé son territoire notamment par le contrôle des eaux (importance déterminante des fleuves comme le fleuve rouge et le Mékong. L'expression dât nuoc qui signifie la terre et l'eau est une expression qui sert également à désigner le Vietnam. Néanmoins, l'identité nationale du Vietnam a subi des influences importantes dont celle de la Chine (calendrier vietnamien calqué sur le calendrier chinois, influence de la littérature chinoise...) et du bouddhisme : la culture vietnamienne est incontestablement et en partie sinisée. 

 b/Une multitude de peuples minoritaires

 Le continent asiatique est également composé de très nombreux peuples en situation de minorités : on estime à au moins 500 le nombre d'ethnies minoritaires. 

-des peuples minoritaires nombreux 

  •  Ces nombreux peuples minoritaires ne sont pas toujours bien intégrés dans les états dans lesquels ils vivent. Souvent, ces populations sont marginales et se localisent soit dans des zones rurales soit dans des zones peu accessibles que sont les montagnes (rôle de la montagne comme refuge) ou des forêts et îles isolées. On peut s'appuyer sur plusieurs exemples : le Myanmar comprend 30% de minorités dans sa population majoritairement birmane : parmi ces minorités, on trouve les Karen, les Kachin, les Arakanais... Un état comme la Thaïlande compte 20% de sa population classée comme minorités ethniques : Malais, Khmers, Karen... Un état comme l'Indonésie comprend une centaine de groupes ethniques (55% de la population). Si nous reprenons le cas de la Chine, 22 des 56 ethnies reconnues dans ce pays ont moins de 100 000 individus. Une province relativement reculée comme le Yunnan concentre notamment 7 ethnies (7 ethnies les moins nombreuses du pays) : les Derung, les Nu, les De'ang, les Achang, les Pumi, les Jinuo et les Bulang. 
  • C'est également en Chine que vit un peuple étonnant car reposant sur le matriarcat : les Nas. La particularité de la constitution chinoise est qu'elle donne la nationalité chinoise à l'ensemble de ses habitants tout en reconnaissant l'existence des 56 ethnies évoquées plus haut : des ethnies qui ne représentent actuellement que 8,5 % de la population (118 millions de personnes).Il faut rappeler que le classement ethnique remonte à la création de la République populaire de Chine en 1949 avec l'idée que chaque peuple identifié comme tel soit représenté dans l'Assemblée populaire chinoise. Néanmoins, la politique du gouvernement chinois à l'égard des minorités a varié : au début prime une volonté égalitariste puis dans les années 1960, ces minorités sont mal perçues car elles seraient arriérées et un frein au développement de la chine maoïste. Depuis la fin de la période Mao, ces minorités bénéficient d'avantages et d'un statut spécial avec par exemple pour elles une politique de l'enfant unique atténuée ou encore une politique de discrimination positive avec des places réservées dans les universités...
  • Il existe même 6 provinces correspondant à ces minorités étant plus ou moins autonomes comme la province du Tibet sur laquelle nous reviendrons ou le Xinjiang. Des états comme l'Indonésie, les Philippines sont aussi fortement multiethniques : les Philippines qui se composent de 150 îles habitées sont peuplées d'au moins 87 ethnies différentes. La Birmanie est certes à majorité birmane mais plusieurs minorités sont présentes occupant une partie non négligeable du territoire notamment dans le nord comme les minorités Karen, Chan (des minorités originaires du sud de la Chine et qui ont migré au cours des siècles). De façon générale, la péninsule et les îles du Sud-Est asiatique sont de véritables mosaïques ethniques. A ces minorités ethniques peuvent s'ajouter des minorités religieuses comme c'est le cas au Myanmar où les minorités Kachin et Karen sont chrétiennes dans un état majoritairement bouddhiste. L' Inde est également un état composé de plusieurs peuples avec notamment ce que les Indiens nomment les tribus dont 700 sont identifiées (par la constitution indienne), des tribus dont le poids démographique est de l'ordre 85 millions de personnes. 
  • Les tribus sont le plus souvent marginalisées géographiquement et économiquement : elles sont très présentes dans le Nord de l'Inde. Prenons un dernier exemple : le Vietnam. Cet état comme de nombreux états asiatiques est composé de groupes ethniques différents formant des minorités dont une partie notable vit dans les régions montagneuses de la frontière chinoise au delta du Mékong. Il faut préciser que les Vietnamiens ont longtemps perçu, et c'est encore le cas, les régions de montagnes comme des zones à l'écart, un hinterland pouvant d'ailleurs être dangereux avec des populations considérées comme « barbares » c'est-à-dire non civilisées. La Constitution du Vietnam ne prend pas en compte ce genre de considérations : tous les habitants du Vietnam sont des citoyens de la République socialiste du Vietnam. Néanmoins, il existe toujours une différenciation entre le groupe dominant et majoritaire : les Viêt (plus de 66 millions d'individus) et les minorités ethniques au nombre de 53 (près de 11 millions d'individus) sachant que les minorités des hautes terres représentent plus 8,5 millions de personnes. Les minorités des montagnes résident en fait surtout dans les montagnes du Nord, les plateaux du centre du pays. Parmi ces minorités, un certain nombre ont migré il y a très longtemps (en provenance pour certains groupes de Chine). 
  • C'est le cas des minorités Thai (1,4 millions de personnes), Nung (900 000), Hmong (une minorité de 800 000 individus aussi présente au Laos) ou encore Dao. D'autres minorités sont considérées comme indigènes comme les Gia-rai (320 000), les Xo-dang (130 000) et sont présentes sur les plateaux du centre... Ces minorités sont reconnues comme telles par l'état par ce qu'elles ont une langue, un territoire même si ce dernier peut être partagé, une culture. Au Vietnam, la question ethnique a toujours été prise au sérieux avec dans l'histoire de ce pays un respect relativement constant par rapport aux minorités même si elles ont été de fait discriminées ou parfois victimes de tentatives d'assimilation. Il fait signaler qu'une partie de ces minorités (celles du Nord) ont contribué à la réussite de Hô Chi Minh et du parti communiste dans sa lutte pour l'indépendance notamment lors de la guerre d'Indochine contre la France (même si certaines minorités ont aidé les français. 
  • Dès lors le régime communiste a toujours, au moins en théorie, la volonté de construire un état sans clivages ethniques pour maintenir l'unité de la nation tout en favorisant l'égalité entre les Vietnamiens quelque soit l'origine ethnique. L'état reconnaît aux minorités le droit d'utiliser leurs langues, de « préserver leur identité ethnique »...Parallèlement, le parti communiste a tenté de promouvoir le développement économique des régions de montagnes où se trouvent ces minorités. Il s'agit systématiquement pour les autorités vietnamiennes de favoriser l'unité nationale tout en garantissant un minimum de droits aux minorités : un équilibre pas toujours facile à trouver.

 -aux revendications identitaires 

  •  Plusieurs peuples ont des revendications identitaires et séparatistes fortes pouvant être source de conflits car ces revendications sont le plus souvent niées et rejetées par le pouvoir central. Les questions identitaires et nationales sont bien présentes en Asie qui n'échappe donc pas à la règle. Plusieurs états asiatiques sont en fait des créations récentes et sont le résultat du processus de décolonisation : Indonésie, Philippines, Sri Lanka même si ils ont des liens avec des civilisations très anciennes. Parallèlement, la question ethnique peut se poser dans des états souvent pluriethniques. Il existe des séparatismes peu médiatiques en lien avec des peuples très minoritaires qui ont des particularités ethniques, culturelles ou autres les poussant à se détacher du pouvoir central. 
  • Ces séparatismes concernent des territoires souvent marginalisés (zones de montagnes) et pouvant être transfrontaliers. C'est le cas pour le peuple Karen présent en Birmanie et en Thaïlande, les Hmongs présents au Laos et au Vietnam ou encore les Moken, un peuple de nomades de la mer présent dans la mer des Andamans. Le peuple Karen est en guerre contre l'état birman depuis des années (1,4 million de Karen) : un peuple en grande partie bouddhiste mais avec une minorité chrétienne (catholiques et protestants). Cette diversité des Karen a d'ailleurs conduit à la formation de mouvements de guérilla différenciés. Le cas du Tibet est à cet égard instructif. Le Tibet a longtemps été une région indépendante protégé en partie par son accès difficile : un Tibet dont le peuple majoritaire est le peuple tibétain dont l'un de ses caractéristiques est le bouddhisme avec notamment une forme spécifique qu'est le lamaïsme. Pendant des siècles, Tibétains et Chinois se sont affrontés ou ont procédé à des échanges commerciaux, religieux, les deux n'étant d'ailleurs pas incompatibles. Mais le Tibet n'a jamais été sous le contrôle réel de l'Empire chinois. Le Tibet est même au début du 20e siècle sous contrôle des Britanniques qui s'y sont imposés de crainte de voir les Russes le faire. Parallèlement, la Chine émet des revendications de plus en plus importantes concernant cette région. En 1913, l'indépendance du Tibet est proclamée. Mais en 1950, la Chine maoïste envahit le Tibet qu'elle soumet par une terrible répression contraignant de nombreux tibétains à l'exil dont l'actuel dalaï-lama (réfugié en Inde depuis 1959). 
  • Pendant la période maoïste, le Tibet a particulièrement souffert à la fois des effets de la politique dite du grand bond en avant (1958- 1961) qui a provoqué, comme dans toute la Chine, une importante famine mais aussi d'une politique d'éradication de la religion et du bouddhisme. Néanmoins, en 1965 le Tibet devient une région « autonome » et avec la fin du maoïsme, les pratiques religieuses sont à nouveau autorisées. Néanmoins, régulièrement des émeutes (voir les manifestations ayant eu lieu en 2008 à l'occasion des JO de Beijing) se produisent très durement réprimées : de nombreux Tibétains rêvent encore d'un Tibet indépendant. Il faut savoir qu'en 1960, l'Assemblée générale de l'ONU a reconnu au peuple Tibétain le droit à l'autodétermination mais aucun état n'a reconnu l'indépendance du Tibet. Actuellement, le Tibet est donc une province autonome et les Tibétains ont certains droits comme l'accès à l'école à leur culture et à leur langue et bénéficie d'une discrimination positive. Toutefois, pour mieux contrôler le Tibet, l'état chinois conduit une politique de sinisation avec l'arrivée importante de migrants Han dans cette région, des Han qui représentent aujourd'hui 50% à tel point que le dalaï-lama a évoqué un « génocide culturel ». 
  • Un problème de même ordre se déroule dans la province du Xinjiang dans l'Ouest de la Chine, une province dans laquelle se trouve une minorité turcophone et musulmane les Ouïgours dont certains ont des revendications indépendantistes (ne pas confondre les Ouïgours avec les Hui qui sont des chinois (population Han) musulmans. Le Xinjiang (qui signifie « nouvelle frontière » en chinois) est une province importante de 1,6 million de km carré avec environ 20 millions d'habitants dont 9,5 millions de Ouïgours (il y a également des minorités Tadjiks, Khazahks...). Entre 1944 et 1949, cette province avait été indépendante (Turkestan oriental) avant d'être sous le contrôle de la République populaire de chine qui en fait une « région autonome » en 1955. La Chine a procédé comme au Tibet par l'envoi de migrants chinois dans cette région surtout que le Xingjiang est une province qui dispose de ressources importantes en hydrocarbures mais c'est aussi une région stratégique car c'est là que les Chinois font leurs essais nucléaires (zone du Lob Nor). Pour favoriser le développement de cette province et atténuer les revendications des Ouïgours, la Chine a fait des efforts de désenclavement (voies de communication supplémentaires, oléoducs reliant cette province à Shanghai...). Enfin, un problème intéressant est celui posé par Taïwan. Ce territoire de 36 000 km carré et de plus de 23 millions d'habitants est revendiqué par la République populaire de Chine pour qui Taïwan est toujours une province chinoise. Les premières migrations de Chinois vers Taïwan ont eu lieu dès le 16e siècle après J-C, des migrations renforcées au 19e siècle.
  •  On peut néanmoins rappelé que les premiers occupants de cette île n'était pas des Chinois mais des populations austronésiennes qu'on peut à juste titre considérées comme des populations aborigènes. Elles existent toujours mais ne constituent que 1,7% de la population et vivent dans les zones de montagnes du cœur de l'île et sont de ce fait marginalisées. Taïwan a été également colonisé en 1894-95 par les Japon et après la Seconde guerre mondiale est devenue le refuge des nationalistes chinois avec la défaite lors de la guerre civile contre les communistes, ceux qui sont également nommés les « gens des provinces extérieures ».Taïwan en 1949 était donc devenu le refuge du Guomindang et de Tchang Kaï Chek : ce sont ces Chinois (13% de la population de Taïwan) qui ont monopolisé le pouvoir depuis 1949 à Taïwan. Ils ont imposé l'utilisation du mandarin, la langue majoritaire parlée en Chine continentale alors que de nombreux chinois de Taïwan arrivés bien avant parlaient des dialectes du Sud de la Chine dont la plupart étaient originaires. On le voit la situation n'est pas simple: les habitants de Taïwan sont bien des chinois mais une partie importante revendique une identité taïwanaise et n'ont aucunement l'intention de vouloir une intégration à la Chine. Il faut signaler qu'il faut attendre 1979 pour qu'un dialogue relatif s'instaure entre les deux Chine et ce n'est qu'en 1991 que Taïwan met fin à l'état de guerre contre la Chine. 
  • Les relations économiques et commerciales se sont développées avec même à partir de 2005 la mise en place de lignes aériennes directes entre les deux pays. Mais les relations alternent le chaud et le froid avec des démonstrations de force régulière de la Chine et des Américains qui apportent leur soutien à Taïwan. Il faut également rappeler que seule la République populaire de Chine est présente à l'ONU où elle est membre permanent du Conseil de sécurité depuis 1971 en remplacement de Taïwan précisément. L'adhésion de Taïwan à l'ONU a été rejeté au nom du principe de représentation à l'ONU d'une seule Chine. Au Myanmar où environ 70% des habitants sont des Birmans de confession bouddhiste, des minorités sont en lutte contre le pouvoir central : c'est le cas des minorités Karen et Chin, des minorités de langue thaï et généralement de confession chrétienne. Toujours au Myanmar, il faut signaler les persécutions d'une minorité musulmane, les Rohingyas qui vivent dans le sud-ouest du Mynamar (région d'Arakan), par la majorité birmane : plusieurs milliers de Rohingas ont été contraints de fuir le pays ces dernières années. La volonté séparatiste peut donc être liée à la religion et à la présence de minorités religieuses. L' Asie du Sud-Est en est un exemple. Il faut rappeler qu'une partie notable de cette Asie est musulmane comme c'est le cas pour l'Indonésie, la Malaisie, le sultanat du Brunei avec dans plusieurs états des minorités musulmanes comme aux Philippines ou en Inde. L' Indonésie est un exemple là aussi intéressant. Lorsque l'Indonésie devient indépendante en 1949, le président Soekarno et son mouvement sont partisans de la laïcité qu'ils ne parviennent pas réellement à imposer. 
  • Quand en 1965, un coup d'état a lieu mettant à la tête du pays Suharto, l'islam retrouve une certaine vigueur car Suharto (dont le pouvoir prend fin en 1998) s'appuie sur la communauté musulmane largement majoritaire. Toutefois, l'Indonésie est confrontée à des séparatismes et des mouvements rebelles comme dans la province de l'Irian Jaya ou dans le Nord de Sumatra (zone d'Aceh). La région d' Aceh est musulmane, un islam fortement influencé par le Wahhabisme, mais a longtemps été mise à l'écart bien qu'elle ait depuis 1962 un statut autonome. Dans les années 1970, la découverte de gisements de pétrole dans la région a relancé un mouvement indépendantiste (le GAM, Mouvement de libération d'Aceh fondé en 1976) luttant pour une meilleure répartition des richesses sachant que le pétrole était sous le contrôle de l'armée indonésienne. En 2005, un accord est signé entre le gouvernement indonésien et le mouvement rebelle du GAM. Dans ce cadre, il faut signaler que la région d' Aceh est depuis soumise à la Charia. Une autre volonté sécessionniste concerne le Timor oriental. Le Timor oriental avait été colonisé par le Portugal et en 1975 avait subi l'invasion des forces indonésiennes.
  •  Le Timor oriental, après de longues années de lutte, a fini par obtenir en 1999 son indépendance suite à un référendum. Le Sri Lanka doit faire face aux revendications de la minorité tamoule : les Tamouls ont fondé en 1976 le Tamil United Liberation Front ( TULF) avec la volonté d'un état indépendant, une volonté dans le cadre d'une lutte politique. Certains Tamouls se sont radicalisés prônant une lutte armée : c'est le cas du mouvement des Tigres de Libération de l'Eelam tamoul (LTTE) débouchant sur des affrontements violents avec l'armée cinghalaise et une réelle guerre civile à partir de 1983. Le mouvement rebelle des Tigres tamouls n'est vaincu qu'en 2009. L'Inde est aussi confrontée à des volontés séparatistes : volontés que l'on retrouve au Cachemire, au Penjab ou encore dans l' Assam. L'état du Jammu-et-Cachemire est particulièrement instable et s'inscrit dans une rivalité avec le Pakistan voisin. 
  • La population de cet état est à grande majorité musulmane et souhaite un état cachemiri qui serait d'ailleurs indépendant à la fois de l'Inde et du Pakistan. Le Nord-Est de l'Inde est particulièrement concerné par les séparatismes avec de nombreux mouvements.aux origines ethniques, culturelles diverses. On note ainsi la présence en Assam du National Democratic Front of Bodoland (NDFB), du Front of Assom (ULFA) ; dans l'état du Manipur, on trouve le Manipur People's Liberation front (MPLF) ; dans l'état du Meghalaya, le People's Liberation Front of Meghalaya ou encore dans le Nagaland, le National Socialist Council of Nagaland Unification (NSCN-U)... C'est pour répondre à des revendications séparatistes que l'Inde a décidé de créer trois nouveaux états dans les années 2000 : l'état du Chhattisgarh (à partir de régions à l'Est de l'état du Madhya Pradesh), de l'Uttarakhand (à partir de territoires du Nord- est de l'Uttar- Pradesh), le Jharkhand (à partir de territoires du sud du Bihar). Enfin, l'état de l'Andhra Pradesh avec ses 75 millions d'habitants subit depuis 2009 une volonté séparatiste du territoire du Telangana, un territoire de 110 000 km carré et de 36 millions d'habitants) dont la capitale serait la ville d'Hyderabad (14 millions d'habitants). 
  • Enfin, on peut signaler bien que ce ne soit pas un mouvement séparatiste, la révolte naxaliste qui a commencé en 2006 et a pris une réelle ampleur. Le mouvement naxalite est un mouvement d'inspiration maoïste luttant pour réduire les inégalités : ce mouvement a rompu avec le parti communiste indien dans le courant des années 1960. Ce mouvement est présent dans plusieurs états comme en Orissa, au Jarkhand, en Andhra Pradesh, au Maharastra... et ce qui inquiète l'état indien est que les naxalites ont tissé des liens avec des mouvements séparatistes du Nord-est de l'Inde. Le mouvement naxaliste est très présent dans des zones rurales défavorisées et donc dans des états globalement pauvres et défavorisés. Un dernier exemple de séparatisme peut être évoqué aux Philippines. 
  • Un problème se pose dans le sud de l'archipel philippin en l'occurrence à Mindanao où vivent des communautés musulmanes alors que les Philippines sont à majorité catholique avec une identité nationale fondée en partie sur cette identité catholique. En 1969, le Malayan National Liberation Front (MNLF) voit le jour qui entre en rébellion contre l'état philippin. En 1980, ce mouvement se scinde avec la création du Moro Islamic Liberation Front (MILF) puis en 1991, le mouvement encore plus radical et islamiste d'Abu Sayaf émerge. 

 Conclusion : 

  •  Aux nationalismes asiatiques se différencie un courant nommé l'asiatisme. Ce mot apparaît en 1892 dans une revue japonaise nommée Ajia, une revue revendiquant l'Asie aux Asiatiques. L' asiatisme tente de mettre en valeur ce qui est commun aux Asiatiques. L' asiatisme est revendiqué notamment par les Japonais refusant l'occidentalisation. On retrouve l' asiatisme ces dernières années (« nouvel asiatisme ») qui tente de mettre en valeur les spécificités de l'Asie. Néanmoins, ce courant asiatiste n'a jamais eu assez d'envergure pour se substituer aux nationalismes.

D/ Le poids du nombre : un aspect clé de l'Asie


Une des dimensions essentielles de l'Asie est sa démographie et le poids du nombre : il s'agit en effet du continent le plus peuplé. Le continent asiatique est depuis très longtemps l'un des pôles démographiques majeurs. Au début de l'ère chrétienne, l' Asie représentait déjà la moitié de la population mondiale puis 54% en 1900 et 56% en 2015. 
La population asiatique est passée de 2 à 4,717 milliards d'habitants en 2021 avec un taux de natalité de 15,3 pour mille, une espérance de vie moyenne de 74,1 ans, un taux de fécondité moyen de 2,1 très significatif d’une transition démographique soit achevée soit sur le point d’être achevé 

a/ Un pôle démographique majeur 

-le nombre comme force 

  • Le nombre est un aspect spécifique de l'Asie, une singularité forte. Il peut être considéré comme une force notamment parce qu'il représente un nombre de consommateurs très important et également un potentiel de travailleurs considérable sachant que la main d' œuvre asiatique est encore d'un coût faible.55% des habitants de la planète vivent en Asie et sur les 20 états les plus peuplés du monde, 9 sont asiatiques. En 2019, la Chine comptait 1 433 millions d'habitants, l'Inde 1 366 millions, l'Indonésie 270,6 millions,le Pakistan 216,6 millions, le Bangladesh 163 millions... (chiffres INED, 2020) Ce nombre et la transition démographique de l'Asie offrent à ce continent ce qu'on nomme une « fenêtre d'opportunité démographique » offrant une main d' œuvre nombreuse, jeune et donc une population active importante voir la thématique du dividende démographique). La Chine profite de ce réservoir de main d' œuvre qui est un atout dans le développement économique du pays. 
  • Le nombre peut donc être un moteur de la croissance économique. Pour reprendre une expression de Paul Bairoch, l'Asie a connu au 20e siècle une véritable « inflation démographique ». Entre 1913 et 2001, la Chine a multiplié sa population par 2,9 passant de 437 millions à 1,2 milliard d'habitants, l'Union indienne par 3,3 passant de 303 millions à 1,1 milliard.Dans le cas de cette Union indienne, si on prend le dernier recensement de 2011, sa population équivaut au cumul des populations européenne, indonésienne, étatsunienne et brésilienne. Un état comme l'Uttar Pradesh avec une population est de 200 millions d'habitant équivaut au Brésil. Par contre, il faut mettre en évidence des situations inégales selon les états avec des démographies différenciées. 
  • Quelques états sont au début de la 2e phase de la transition démographique comme l'Afghanistan ou le Timor oriental dont les taux de fécondité sont respectivement en 2019 de 4,3 et 3,9 en 2019 ; certains sont dans cette 2e phase comme la , le Cambodge avec un taux de fécondité 2,5 en 2019 alors que d'autres sont en passe de la quitter comme l'Inde, l'Indonésie avec des taux de fécondité de 2,2 et 2,3 en 2019 ; plusieurs états ont achevé la transition démographique : c'est le cas de la Chine, de Singapour ou de Taïwan dont les taux de fécondité sont de 1,7 pour la Chine et de 1,2 pour Singapour et Taïwan Le Japon est un cas à part avec un vieillissement prononcé reposant sur une fécondité très faible de 1,4 : ce pays devrait même voir sa population baisser puisqu'elle devrait tomber à 95 millions en 2050 contre 128 millions en 2004. L’ Asie dite du Sud (Afghanistan, Pakistan, Union indienne...) c’est en 2019 1,9 milliard d’habitants, l’Asie du Sud-Est 662 millions et l’Asie orientale 1,6 milliard.Globalement le poids de l'Asie dite sinisée diminue (certes 1,6 milliards d'habitants) représentant 39% de la population asiatique au profit de l'Asie du Sud (1,9 milliard d'habitants) avec 44% de la population du continent. 
  • Parallèlement, la Chine est encore l'état le plus peuplé avec 1,4 milliard d'habitants en 2019 mais là aussi son poids diminue. L' Inde connaît une progression exceptionnelle avec1,3 milliard d'habitants et devrait dépasser la Chine sous peu. L' Inde était deux fois moins peuplée que la Chine en 1950 mais devrait donc la dépasser en 2030. La croissance démographique indienne s'explique par la baisse de la mortalité infantile qui est passée de 280 pour mille en 1950 à 60 pour mille en 2015. La fécondité a néanmoins baissé passant de 5,8 enfants par femme en 1950 à 2,3 en 2018 ce qui reste assez élevé pour garantir une croissance démographique. 
  • On peut également préciser que l'espérance de vie a notablement progressé : de 36 ans en 1950 à 67 ans en 2015. Cette démographie est néanmoins inégale selon les états indiens avec des états (généralement ceux du Nord du pays) où la fécondité reste élevé comme dans l'état du Bihar où l'indice de fécondité est de 4 alors que dans les états du Sud comme le Kerala ou le Karnataka, les indices de fécondité sont proches de 2. La transition démographique est donc en voie d'achèvement pour les états du Sud de l'Inde ce qui est loin d'être le cas pour ceux du Nord. On note également la forte progression démographique d'états comme le Bangladesh (164 millions d'habitants), l'Indonésie (270 millions), le Pakistan (216 millions) ou encore les Philippines (108 millions). Le Japon compte 126,9 millions d'individus mais son poids ne cesse de décliner depuis plusieurs années. 
  • Certains états ont une population restreinte : 3,2 millions pour la Mongolie, 800 000 pour le Bhoutan, 7,2 millions pour le Laos ou seulement 1,3 million pour le Timor oriental. Sont également inégales les densités très variables d'un état à l'autre. Les différences de densité sont importantes tant à l'échelle continentale qu'à l'échelle des différents états. Globalement, les densités ont fortement augmenté passant pour l'Asie du Sud-Est de 40 à 131 habitants au km carré entre 1950 et 2015, de 46 à 161 pour l'Asie du Sud. Ces fortes densités se retrouvent dans les grandes agglomérations où elles peuvent atteindre des chiffres impressionnants : 6 500 habitants au km carré à Hong Kong (1800 en 1950), 7 440 habitants au km carré à Singapour (1 500 en 1950) et même 20 600 à Macao (7 557 en 1950). Les densités sont aussi considérables dans les deltas et plaines : un état comme le Bangladesh a une densité de 1 101 habitants au km carré. Toutefois, les densités sont variables pouvant être faibles dans des états comme la Mongolie (1,7 habitant km carré), le Laos ( 27,4), le Bouthan (14). Par contre, pour plusieurs états, elles peuvent être supérieures à 300 habitants au km carré comme au Japon (336), en Corée du Sud (497), Taïwan (640), Singapour (7 440). 
  • La Chine a une densité relativement modeste de 145 habitants au km carré alors que l'Inde a une densité importante de 386 habitants au km carré. Les inégalités au niveau des densité se retrouvent à l'intérieur même des états avec une inégale occupation des territoires. Ainsi en Chine, 90% de la population se concentre sur 40% du territoire avec des densités particulièrement faibles dans les provinces du Tibet et du Xinjiang (Ouest de la Chine) et des populations se concentrant surtout sur les littoraux. L'île indonésienne de Java concentre 50% de la population (6% seulement du territoire indonésien) ; au Vietnam, 40% des Vietnamiens vivent sur 16% du territoire à savoir les deux deltas du Mékong (au Sud) et du fleuve rouge (au Nord). Les Maldives ont une densité très forte de plus 1 110 habitants au km carré sachant que certaines îles de cet archipel ne sont pas occupées. Ces inégales densités s'expliquent par la géographie et les contraintes liées au relief (les montagnes comme marges) mais également par l'histoire, l'économie et ses héritages comme la prégnance de la riziculture expliquant les fortes densités dans les plaines et le deltas. L'Asie connaît d'importants changements démographiques avec notamment une baisse notable de la fécondité même si ce continent reste le plus peuplé de la planète. 
  • Cette baisse s'inscrit dans des politiques de contrôle des naissances notamment dans des états comme la Chine ou l'Inde (politiques malthusiennes). Plusieurs états asiatiques ont eu conscience des problèmes posés par le nombre et ont développé des politiques de contrôle des naissances. Il existe toutefois quelques états qui ne sont pas dans cette logique comme les Philippines où la contraception est limitée et l'avortement interdit (poids du catholicisme). Il est important de mettre en avant que l’Asie suit la même évolution démographique que l’Europe ou l’Amérique du Nord avec seulement un décalage dans le temps. La croissance annuelle de la population qui était de 2,4 % au milieu des années 1960 est de 1,04 % en 2015 et devrait baisser à 0,19 % en 2050.
  •  Si encore actuellement l’Asie se caractérise par la jeunesse de sa population, cela sera de moins en moins vrai avec un vieillissement de la population devant s’accélérer : la part des plus de 65 ans devrait passer de 11 % en 2016 à 24 % en 2050. Il faut également souligner que l’Asie connaît des « réalités démographiques variées » (Asie, le dessous des cartes, 2016 J-C Victor). 

 -le nombre comme contrainte

  • Le nombre est une contrainte notamment parce que les fortes densités exercent une pression de plus en plus forte sur les territoires et milieux concernés. Cette pression se traduit notamment par des logiques destructrices notamment des milieux forestiers à la fois par l'exploitation du bois et par la mise en cultures de zones autrefois composées de forêts. La déforestation touche particulièrement plusieurs états comme la Malaisie qui, entre 1990 et 2012 a perdu près de 10% de sa surface forestière ou l'Indonésie qui a perdu plus de 21% de sa surface en forêts. Des états comme le Cambodge, le Népal ou le Sri Lanka ont dans le même laps de temps perdu respectivement 24%, 24,5% et 22,1% de leur couvert forestier. Dans le cas de l'Indonésie, une partie notable des destructions sont liées à la culture du palmier à huile. Le nombre pose plusieurs problèmes : il faut nourrir les hommes, les loger, leur procurer des emplois... C'est pourquoi la démographie est un enjeu essentiel notamment la fameuse transition démographique. Les états asiatiques ont, depuis longtemps pour certains, amorcé la transition démographique (elle est terminée pour des états comme le Japon, la Corée du Sud...). 
  • Dans la plupart des états asiatiques, on note une chute importante de la mortalité (effets des progrès de la médecine, de la vaccination...) et corrélativement une baisse progressive de la natalité. Les spécialistes font remarquer que la transition démographique en Asie s'est opérée rapidement, bien plus rapidement qu'en Afrique par exemple (elle a duré entre 20 et 30 ans pour des états comme Taïwan ou même la Chine). Pour un état comme la Chine, la forte chute de la fécondité s'explique par une politique malthusienne lancée à partir de 1979 sous le nom de politique de l'enfant unique. Cette politique s'appuyait sur une diffusion importante des moyens contraceptifs, des avortements massifs et des aides supprimées aux couples ayant plus d'un enfant. 
  • Les situations démographiques sont donc différentes : des états ont une démographie qui reste dynamique avec des taux de fécondité encore élevés comme le Timor oriental avec 3,9 en 2019, le Pakistan avec un taux de 3,5... Ces états qui sont pour certains parmi les plus pauvres d'Asie ont en plus une mortalité infantile importante de 49 pour mille en Afghanistan en 2019, de 60 pour mille pour le Pakistan, de 37 pour mille pour le Laos... Néanmoins, même si la transition démographique est effective, l' Asie a une population jeune et ces jeunes sont à former, scolariser... En 2019, les moins de 15 ans représentent 28 % de la population en Asie du Sud, de 25 % en Asie du Sud-Est... (voir plus bas pour les différents Etats). Par contre pour le Japon, la proportion est seulement de 13% mais le Japon est un pays vieillissant (son taux de fécondité ne permet pas le renouvellement générationnel) tout comme le sont Singapour, la Corée du Sud ou encore la Thaïlande. 
  • On peut signaler ce processus de vieillissement qui débute en Asie du Sud-Est. Au Vietnam, à Singapour, en Thaïlande les plus de 65 ans représentent entre 7 et 14 % de la population totale. Néanmoins, l’âge médian de 29 ans en 2019 (contre 41 ans pour la France). Plusieurs états ont une part des moins de 15 ans importante comme c'est le cas au Pakistan où les moins de 15 ans représentent 35% de la population en 2019 ou de 42 % en Afghanistan : ce taux est de 32% au Laos et de 27% en Inde. La jeunesse de ces états pose des problèmes aux systèmes éducatifs car il est impératif de scolariser et de former cette jeunesse. Là également, on constate de fortes inégalités entre les états. Certains états ont incontestablement des problèmes à résoudre le défi de l'alphabétisation. On dénombre en Asie plus de 64 millions de jeunes analphabètes entre 15 et 24 ans. Des états comme le Bangladesh, l'Inde, le Népal ont un pourcentage d'analphabètes important de l'ordre de 20% des jeunes de 15 à 24 ans. 
  • Ce pourcentage monte à 29% au Pakistan et même à 53% en Afghanistan. Par contre, des états ont fait d'importants efforts concernant l'éducation : c'est le cas de la Malaisie, du Vietnam, de la Thaïlande ou de la Corée du Sud, des états consacrant plus de 20% de leurs PIB à l'éducation. Ces efforts peuvent expliquer en partie le développement économique de ces états : c'est très vrai pour la Corée du Sud. Par contre, la part des moins de 15 ans peut être faible dans les Etats les plus développés : 13 % à Taïwan ou à Singapour, 18 % en Chine... On peut aussi évoquer l’espérance de vie qui est pour certains Etats un signe du développement : le Japon a l’espérance de vie la plus élevée au monde avec 81 ans pour les hommes et 88 ans pour les femmes, de 78 ans et 83 ans pour Taïwan... En Chine, l’espérance de vie a nettement progressé étant de 75 ans pour les hommes et de 79 ans pour les femmes. Dans certains Etats, cette espérance de vie est encore assez limité : 63 et 66 ans en Afghanistan ou encore 68 et 71 ans pour l’Union indienne. La transition démographique plutôt rapide concernant l'Asie a provoqué des changements importants au niveau social et culturel dans plusieurs états et sociétés. La famille, qui au cœur des systèmes sociaux asiatiques, commence à évoluer avec comme en Corée du Sud une multiplication des divorces ou en Chine avec le développement de l'enfant roi, le « petit empereur », un phénomène lié à la politique de l'enfant unique. 
  • Pour des états comme le Japon, la Thaïlande ou la Corée du Sud dont la population vieillit se posent le problème du financement des retraites et la solidarité entre les générations. Un autre problème important est le décalage entre le nombre de garçons et de filles dans plusieurs états notamment en Chine ou en Inde. Le ration normal entre garçons et filles est de 105 garçons à la naissance pour 100 filles or en Chine ce ration est de 116 pour 100, de 110 pour 100 en Inde... Dans certaines régions de ces pays ce ration est beaucoup plus important : dans la province chinoise du Henan (nord-est de la Chine), il est de 125 et même de 131 dans la province de l'Anhui (nord-est). Ces ratios anormaux sont une des conséquences négatives des politiques de contrôle des naissances pratiquées en Inde ou en Chine qui ont conduit soit à des infanticides sur les filles soit à une sélection prénatale rendue possible par la généralisation des échographies. Il existe donc un déficit de naissances féminines évaluée à 130 millions de femmes en Asie. Ce phénomène est à relier à l'importance qu'ont les garçons dans des sociétés patriarcales. Cette population asiatique vit de plus en plus dans les villes à tel point qu'on peut parler de révolution urbaine, une révolution dite silencieuse : le nombre d'urbains est passé de 214 millions en 1950 à 2 milliards en 2019. L’urbanisation s’est amplifiée au 19e et au 20 e siècles. 
  • Il faut néanmoins rappeler que le fait urbain n'est pas une nouveauté en Asie : il est même très ancien. Dans l'Empire chinois, les villes avaient un rôle fondamental et une ville comme Anghkor dans le Cambodge médiéval (11e-13e siècles)à regroupait près d'un million d'habitants. Quoiqu'il en soit le phénomène urbain est désormais essentiel pour comprendre l'Asie. L'urbanisation exceptionnelle s'explique par le fait que les métropoles (comme en Europe ou aux E.-U.) concentrent les activités économiques et financières, qu'elles attirent les habitants des zones rurales d'où un exode rural important (Chine, Inde, Vietnam...). A cela s'ajoute une croissance démographique qui renforce le poids des villes. L'exode rural est notamment très important : au Vietnam c'est entre 70 et 100 000 individus qui chaque année migrent vers Hô Chi Minh ville l'ancienne Saïgon. Tous les états d'Asie (à l'exception du Japon où le processus est terminé depuis longtemps) connaissent donc une forte hausse des populations urbaines. 47% des habitants d'Asie du Sud-Est vivent en villes, le pourcentage est de 60% pour l'Asie de l'Est (dont 55% pour la Chine) mais seulement de 35% pour l'Asie du Sud qui reste en retrait à ce niveau. Néanmoins, dans cette Asie du Sud, le processus d'urbanisation est lancé ce qui devrait accroître le phénomène à l'échelle du continent. Un état comme l'Inde devrait voir sa population urbaine passée de 428 millions à 875 millions d'ici 2050. L'urbanisation est importante mais les rythmes de cette urbanisation sont différents et les niveaux d'urbanisation ne sont pas identiques. D'ailleurs la part des urbains en Asie n'est que de 41% ce qui est peu par rapport aux autres continents. 
  • Mais sur les 2,5 milliards d’urbains que devrait compter la planète en 2050, l’Asie en comptera 1,2 milliard et devrait ainsi compter 3,3 milliards d’urbains. Il y a bien entendu un lien entre niveau de développement et urbanisation. Les états les plus urbanisés sont les plus développés comme le Japon et la Corée du Sud avec des taux d'urbanisation de 92% et 81% en 2020. Pour ces deux états, on parle d'une transition urbaine terminée. Cette dernière est aussi en voie d'achèvement dans des états comme le Brunei ou la Malaisie avec des taux de 77 et 76%. Mais des états comme la Chine, l'Indonésie bien qu'en fort développement ont un taux d'urbanisation très moyen de 59 et 55% en 2019. Enfin, plusieurs états ont des taux faibles comme l'Inde avec 34% d'urbains, le Cambodge avec 23% ou le Népal et le Sri Lanka avec 20 % et 18%. Cette urbanisation se traduit par une métropolisation particulièrement importante. L'urbanisation a profité et profite aux pôles urbains déjà dominants. 
  • Sur les 30 agglomérations supérieures à 10 millions d'habitants, 13 sont asiatiques. On dénombre en Asie 237 villes de plus d'un million d'habitants (62 en 1980) : 107 se trouvent en Chine et 58 en Inde. Ces villes millionnaires concentrent plus de 842 millions d'individus et on remarque que ces villes concentrent 45% des urbains en Asie de l'Est et du Sud et 30% en Asie du Sud-Est. Parallèlement, les très grandes métropoles sont de plus en plus importantes : sur les 73 métropoles mondiales ayant plus de 5 millions d'habitants, 41 sont asiatiques et 16 des 29 métropoles de plus de 10 millions d'habitants sont également asiatiques. Tokyo est la plus grande agglomération au monde avec plus de 42 millions d'habitants (si on ne prend pas en compte l’aire urbaine du delta de la rivières des Perles avec ses 65 millions d’habitants), Jakarta compte 35 millions d’habitants et se classe au 3e rang mondiale... Delhi et Shanghai ont chacune plus de 26 millions d’habitants, Séoul 25 millions, Mumbai 24 millions... S'est formée depuis assez longtemps une mégalopole japonaise allant de Tokyo à Kobé au niveau du Japon dit de l'endroit, une mégalopole rassemblant plus de 60 millions d'habitants et 38 millions pour la seule agglomération de Tokyo (chiffres de l'ONU pour 2015).
  • Se forme également une mégalopole en Asie orientale de Singapour à Séoul. Cette mégalopole en formation comprend notamment trois centre métropolitains chinois importants : Beijing-Tianjin, Shanghai et Canton-Shenzhen. un ensemble rassemblant près de 79 millions d'habitants. La ville de Shanghai depuis que cette zone s'est ouverte à l'économie de marché au début des années 1980 devenant l'un des cœurs économiques de la Chine a connu un essor hors norme puisque sa population est passée de 6 millions en 1980 à 25 millions en 2018. Des métropoles comme Séoul (Corée du Sud), Jakarta (Indonésie) ou Manille (Philippines) sont en forte expansion. En 2018, les villes indiennes de Delhi, Mumbaï et Calcutta sont des villes de 26, 24 et 16 millions d'habitants respectivement. Le phénomène de métropolisation est donc généralisé en Asie avec des métropoles de plus en plus importantes concentrant hommes et activités. Ces métropoles sont au coeur du développement et pour certains états de l’émergence. Par contre, les réseaux urbains peuvent être différents : Le Japon, l'Inde et la Chine ont des réseaux globalement multipolaires ce qui n'est pas le cas d'état où une ville a tendance à polariser le territoire (macrocéphalie urbaine). Cette macrocéphalie se retrouve en Thaïlande avec Bangkok, aux Philippines avec Manille, en Indonésie avec Jakarta, la Malaisie avec Kuala- Lumpur ou encore en Mongolie avec Oulan-Bator. 
  • Quelques états ont une armature urbaine reposant sur la bipolarité comme le Vietnam avec Hanoï au Nord et Hô Chi Minh ville au Sud, le Pakistan avec Karachi et Islamabad . En Thaïlande, cette macrocéphalie avec Bangkok se traduit par des chiffres marquants : Bangkok concentre 50% du PIB thaïlandais, 60% des services... Manille aux Philippines a le même type de profil concentrant 60% de l'activité industrielle... Comme nous le verrons ultérieurement, certaines de ces métropoles sont complètement insérées dans la mondialisation comme les métropoles de Tokyo (Tokyo est une ville mondiale), de Shanghai ou encore de Singapour. 
  • Les métropoles asiatiques sont marquées par des fractures urbaines profondes avec des quartiers particulièrement défavorisés et donc de fortes disparités entre les différents quartiers : la ségrégation socio-spatiale au cœur des problématiques urbaines de la plupart des villes du continent. Les bidonvilles sont des marqueurs fortes de ces disparités comme celui de Dharavi à Mumbaï. Dans certaines villes de certains états, le pourcentage d'individus vivant dans des quartiers informels (habitat sous intégré est une appellation) est très important : il est de plus de 61% en 2010 au Bangladesh, de 58% au Népal, de 57% en Mongolie, de 47% au Pakistan, de 29,4% en Inde, de 29,1% en Chine... Ces statistiques sont également le reflet du niveau de développement des états asiatiques. 
  • Il faut de plus gérer ces immenses métropoles et notamment accueillir les migrants en promouvant une planification urbaine délicate à mettre en œuvre. Dans cette perspective, le problème du logement est fondamental. Plusieurs états et métropoles ont fait le choix de la verticalité pour répondre aux besoins comme Singapour, Hong Kong... l'espace étant limité, les constructions verticales paraissent être la solution. Ce problème du logement se retrouve dans le développement de l'habitat spontané (bidonvilles et slums) que ce soit à Mumbai, Manille... 

 b/ le rôle des migrations et l'impact des inégalités

 -un continent de migrations à plusieurs échelles

  • L' Asie comme tout continent est sujet à des migrations internes et externes sachant que les migrations internes ont un poids particulièrement important dans nombre d'états asiatiques. Les migrations campagnes-villes (exode rural) sont très importantes en Asie. Cet exode rural contribue en moyenne pour 20 à 25% de l'accroissement des villes (25% en Inde). En Chine, en moyenne chaque année, 18 millions de ruraux migrent vers les villes notamment du littoral ce qui devrait conduire à une Chine en 2025 composée de 60% d'urbains : le pourcentage d'urbains est en 2014 de 54%. Les migrants ruraux correspondent à environ 10% de la population chinoise et forme une population particulière, une population dite flottante (liudong renku) car ne bénéficiant pas de permis de résidence (ces permis sont indispensables, en théorie, pour résider dans les villes). En 2015, on estimait le nombre de résidents sans permis à 220 millions ce qui est considérable. On retrouve ce phénomène d'exode rural dans de nombreux états que ce soit l'Inde, la Thaïlande, le Vietnam... Les facteurs de ces migrations sont l'attrait des villes qui symbolisent la modernité et la possibilité d'emplois. 
  • On peut également signaler des migrations temporaires et saisonnières avec des individus allant travailler dans les villes lorsque les travaux agricoles sont terminés (en basse saison). Le boom économique de nombreux pays asiatiques notamment visible dans l'immobilier ou l'industrie textile nécessite l'apport d'une main d' œuvre importante et peu qualifiée, en provenance précisément des campagnes. Il existe aussi des migrations internes d'ordre géopolitique comme en Indonésie où l'état a favorisé des migrations dans des régions aux tendances sécessionnistes comme dans la province d' Aceh ou à Sulawesi à telle enseigne qu'on évoque une « javanisation de l'archipel »indonésien. : l'île d'Irian Jaya en est une bonne illustration avec une « javanisation » suscitant une forte opposition des populations locales (populations papoues). 

  • Un état comme le Vietnam a développé des Fronts pionniers dans l'Ouest du Vietnam dans des régions périphériques et composées de minorités. Il s'agit là aussi de mieux contrôler le pays. Les autorités chinoises font de même dans l'Ouest du pays en l'occurrence dans les provinces du Tibet et du Xinjiang avec la politique du « Go west » lancée à partir de 1999. Les migrations internes peuvent être l'objet d'un fort contrôle étatique s'inscrivant dans une logique géopolitique interne. La Chine procède à ce type de contrôle dès l'ère Mao avec le Hukou qui est un passeport intérieur introduit dès 1951 pour les villes et 1955 pour les campagnes. Les populations chinoises ne peuvent se déplacer sans ce passeport intérieur qui est un moyen de les contrôler. Les migrations vers les villes sont toujours contrôlées par ce biais : les migrants (Mingong) peuvent néanmoins avoir des autorisations temporaires pour migrer dans les villes. Il y a néanmoins en Chine une population dite flottante ne respectant pas ces contrôles : elle est évaluée à 200 millions de personnes. En ce concerne les migrations externes, le continent asiatique est un continent de migrations mais il n’est pas le principal à l’échelle mondial (20 % des migrants internationaux sont asiatiques) : les diasporas chinoise et indienne en témoignent, des diasporas présentes dans une grande partie de l'Asie mais également en Europe et en Amérique du Nord. Le facteur économique est le principal motif de ces migrations. 
  • Ces migrations peuvent être de proximité comme les migrations du Népal vers l'Inde ou de la Corée vers le Japon. Dans le cadre du Népal, les migrants népalais se dirigent vers les régions indiennes proches pour occuper des emplois bas de gamme. D'autres migrations sont plus lointaines vers les états du Golfe, les Etats-Unis, l'Union européenne... Un état comme les Philippines est un état de fortes migrations et a même été dans les années 2000, le principal « exportateur mondial » de main d' œuvre. Il y a toujours eu aux Philippines des migrations internes (d'île en île). Il faut également préciser les liens entre la question agraire et les migrations internes. En effet, l'accès aux terres est très inégal : 70% des agriculteurs philippins ne sont pas propriétaires des terres qu'ils cultivent et de nombreux agriculteurs sont des ouvriers agricoles dont les conditions de vie sont très délicates. Pour répondre à cette situation et à la pauvreté de ces paysans, l'état philippin, outre une réforme agraire (limitée) dans les années 1980, a décidé de mettre en œuvre un front pionnier sur l'île de Mindanao (au sud des Philippines.) : une île sur laquelle de nombreux Philippins ont migré. Parallèlement, plus de 9 millions de Philippins vivent et travaillent hors des Philippines et cette immigration correspond peu ou prou à environ 18% de la population active et 10% de la population globale du pays. Ils sont localisés dans 135 états différents. En 2015, 24,8% des migrants philippins travaillent en Arabie saoudite, 15,6% dans les Emirats Arabes unis, 6,4% à Singapour, 5% à Hong Kong...
  •  Il existe également une diaspora philippine avec plus de 3,5 millions de Philippins aux E.-U., plus de 993 000 en Malaisie, 721 000 au Canada, 397 000 en Australie...En 2019, les transferts financiers des migrants philippins représentaient 35,2 milliards de dollars (selon la Banque mondiale) soit environ 15% du PIB. De manière général ces transferts financiers sont importants et représentent une manne financière. 6 états asiatiques sont présents dans le classement des 10 états recevant le plus de remises à savoir en 2019 l'Inde (83,1 milliards de $ ), la Chine (68,4 milliards de $), les Philippines, le Pakistan, le Bangladesh et le Vietnam. On peut signaler que certains états incitent toutefois au retour vers les pays d'origine : c'est le cas du Vietnam, de l'Inde mais aussi des Philippines. En 2021, les transferts financiers pour l'Asie de l'est et le Pacifique représente un montant de 131 milliards de $ et 159 milliards de $ pour l'Asie du Sud dont 87 milliards pour l'Union indienne. 
  • Depuis 1995, c'est entre 2,6 et 2,9 millions de travailleurs asiatiques qui partent travailler à l'étranger. Une majorité quittent des états d' Asie du sud comme le Bangladesh, le Pakistan, l'Inde, l'Indonésie ou comme nous venons de le signaler les Philippines. Depuis quelques années, ces flux sont à 40% à destination d'autres états asiatiques. De nombreux migrants optent pour les états du Golfe persique (60% de la main d'œuvre des états du Golfe provient d' Asie du Sud . Quelque soit la destination, les travailleurs migrants sont généralement peu qualifiés. Néanmoins, on note des flux migratoires relevant du « brain drain » à destination notamment des E.-U mais aussi de l'Europe en particulier vers le Royaume-Uni (médecins indiens travaillant au Royaume- Uni). Ces flux migratoires concernent de plus en plus d'étudiants qui partent pour les universités américaines. Le problème pour les états asiatiques est le faible retour de ces étudiants pour leurs pays d'origine (à l'exception des étudiants en provenance de Corée du Sud). On peut s'appuyer sur le cas de l'Inde car ce pays a une ancienne tradition de migrations dont la diaspora indienne est un symbole. Cette diaspora est estimée à 28 millions d'Indiens dans le monde en 2018 dont 3,2 millions aux E.-U. (chiffres du gouvernement indien), plus de 2 millions en Malaisie,1,8 million en Arabie Saoudite ou 1,5 million au Royaume-Uni. 
  • Ces migrations sont facilitées par les règles assez souples dans le cadre du Commonwealth ou encore l' Emigration Act de 1983. Ces Non Residents Indians (NRI), comme ils sont nommés par l'administration indienne, sont souvent des individus assez dynamiques et prospères qui participent au dynamisme de l'Inde par les transferts de capitaux qu'ils génèrent : en 2008, ces transferts étaient évalués à 52 milliards de dollars et à 64 milliards d'euros en 2014. C'est aussi une façon de s'insérer dans le processus de globalisation. L' Inde est le pays qui reçoit le plus de transferts de migrants au monde devant la Chine en seconde position et les Philippines en quatrième position. Dans le cadre des mouvements migratoires, il faut mettre l'accent sur les diasporas notamment les diasporas indienne et chinoise donc l'impact est important en Asie. Certes, le mot diaspora peut prêter à confusion pour des migrants tant chinois et indiens qui ne sont qu'une petite partie de populations très nombreuses. Le mot diaspora a probablement plus de sens pour qualifier la dispersion de peuples dans leur totalité comme le peuple Juif sous l'Antiquité mais l'intérêt du mot diaspora est qu'il met en évidence des liens qui demeurent entre les individus qui ont migré et leur(s) peuple(s) qui sont restés. 
  • Ces liens sont notamment culturels avec l'utilisation et le maintien de la langue, de la culture (la religion en particulier) mais aussi par la persistance de solidarités avec le pays d'origine pouvant se traduire par l'existence de véritables réseaux. Les diasporas ont une identité ethnique et culturelle qui est préservée ce que montrent les nombreuses associations culturelles indiennes ou chinoises dans les pays d'accueil. Enfin, ces diasporas qui ont hésité et hésitent encore entre assimilation ou non ont souvent été victimes de discriminations dans les pays d'accueil ce qui renforce les liens internes des diasporas et les liens externes avec le pays d'origine. Les Chinois dits d'outre-mer forment une diaspora importante dont les origines peuvent lointaines (réseaux de commerçants dès la période médiévale) sachant qu'une part notable des migrations chinoises ont néanmoins eu lieu au 19e siècle. Les Britanniques lors de la colonisation ont notamment utilisé une main d' œuvre en provenance d'Inde par le système dit « travail engagé » c'est-à-dire des contrats de travail pour utiliser une main d' œuvre dans la construction des réseaux ferrés, dans les diverses plantations... 
  • La grande majorité des migrants chinois se sont installés en Asie du Sud-Est et la plupart viennent de régions spécifiques de Chine comme le Guandong ou le Zhejiang (à proximité de Shanghai). Ils sont estimés à 30 millions en Asie sur les 35 millions de Chinois implantés outre-mer. Ces Chinois sont actifs dans le commerce vu que de nombreux états d'accueil interdisaient la possession et l'exploitation des terres réservées aux populations locales. Ils ont fini par constituer des réseaux influents et sont même majoritaires à Singapour, cette cité-état où la population est constituée de 78% de Singapouriens d'origine chinoise. De nombreux chinois sont venus à Singapour au 19e siècle lorsque le Royaume-Uni en a pris le contrôle pour travailler dans la zone portuaire. Lee Kuan Yew qui a dirigé Singapour entre 1959 et 1990 est un singapourien d'origine chinoise.Ils représentent également (chiffres de 2000) 29% de la population malaise (5,2 millions de « Chinois » en Malaisie), 10% de la population en Thaïlande... Certains de ces Chinois d'origine ont fondé de véritables empires commerciaux et ont gardé des liens avec leurs régions d'origine en Chine ce qui se traduit, depuis l'ouverture de la Chine dans les années 1979-80, par d'importants investissements de cette diaspora en Chine. 
  • Une autre diaspora importante est la diaspora indienne de l'ordre de 28 millions d'individus : sur ces 28 millions, 5 millions sont installés en Asie orientale notamment en Birmanie, à Singapour (300 000) et en Malaisie. Mais la majorité des Indiens ont migré et migrent vers les états du Golfe persique ou dans des états comme le Royaume-Uni, les E.-U, le Canada... Ces diasporas sont intéressantes car elles s'inscrivent dans la durée : il ne s'agit pas de migrations passagères. On peut aussi évoquer des situations de diasporas avec le Bangladesh dont 12 millions de travailleurs vivent hors de leur pays notamment dans les états du Golfe (environ 4 millions), au Pakistan et surtout en Inde. Il en est de même pour le Sri Lanka avec plus de 3 millions de Sri Lankais implantés hors du pays ou le Pakistan : environ 6 millions de Pakistanais vivent hors du Pakistan dont 3 millions dans les états du Golfe et un million au Royaume-Uni. 

- pour des états et des territoires très inégaux 

  •  Au niveau des migrations, les états sont inégaux. Tout les états asiatiques sont concernés mais à des degrés divers. Le Japon est un pays de très faible émigration et également un état qui a toujours été réticent à accueillir des immigrants : en 2014, le Japon comptait 2 millions de résidents étrangers. De plus, ce nombre est en diminution depuis la crise de 2008. on peut aussi ajouter le faible nombre de naturalisés : entre 18 000 et 8000 par an entre 1990 et 2015. En 2008, le Japon accueillait seulement 1,6% d' étrangers dont de nombreux Coréens qui ont longtemps été l'unique communauté de migrants présente au Japon. A la fin des années 1970, le nombre de migrants avait augmenté : des migrants pour lesquels avait été créé un statut spécifique, celui d'apprentis (pour une durée toujours limitée d'au maximum 3 ans). 
  • Le Japon a également créé un visa spécial pour les personnes d'origine japonaise appelées nikkeijin de nationalité étrangère comme la communauté japonaise vivant au Brésil (le Japon a fondé son droit à la nationalité sur le droit du sang). Ils sont actuellement plus de 180 000 à être présents au Japon. Dans ce pays, l'immigration est souvent temporaire. Le Japon a donc une faible présence d'immigrés : ce pays a fait le choix d'une immigration choisie. Néanmoins, avec le vieillissement de la population japonaise, le Japon pourrait modifier sa politique à l'égard de l'immigration sachant que selon les statistiques nippones, entre 2010 et 2060, la population japonaise devrait baisser de 32% et la population active de 50%. La Chine est également un cas en passe de devenir atypique. En effet, la Chine a longtemps été un pays d'émigration : environ 40 millions d'individus d'origine chinoise vivent hors de Chine dont une grande partie en Asie du Sud-Est. Or, on se demande si la Chine n'est en passe de devenir un pays d'immigration. En 2010, la Chine comptait, selon le recensement de l'état chinois, 1 million de résidents étrangers (Taïwan, Hong Kong et Macao compris).
  •  Ces étrangers se concentrent dans quelques régions spécifiques à savoir les régions dynamiques du littoral. Le delta de la rivière des Perles dans le sud de la Chine (région de Hong Kong et Shenzhen) attire ainsi des travailleurs en provenance du Vietnam. L'état chinois encourage, comme le font le Japon, Singapour ou la Corée du Sud, une immigration choisie d'individus qualifiés : l'immigration de personnes non qualifiées est encadrée par des contrats à durée limitée. Des états comme la Thaïlande, Taïwan, la Corée du Sud sont des états à la fois émetteurs et récepteurs de flux migratoires. 
  • La Malaisie et Singapour sont par contre des états essentiellement d'accueil. Des états comme l'Inde, le Pakistan ou le Bangladesh sont avant tout des états émetteurs de flux migratoires. Enfin, comme nous l'avons déjà signalé, à l'intérieur même des états, les territoires sont inégaux puisque on a tendance à quitter les campagnes pour les villes qui connaissent de ce fait une réelle explosion démographique.
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