Chapitre 2: Afrique du Nord, Proche et Moyen-Orient: un développement important mais inégal

1/ Afrique du Nord, Proche et Moyen-Orient: le développement économique


Les états du Proche et Moyen-Orient auxquels on peut ajouter les états d'Afrique du Nord connaissent un développement économique certain. Hormis le Yémen, aucun état de ces régions n'est un PMA. La situation économique et sociale des pays de cette région est bien meilleure qu’en Afrique subsaharienne. 

 A/ Les ressources et les rentes comme vecteurs du développement 

 Les états du Proche et Moyen-Orient tout comme ceux d'Afrique du Nord sont, pour nombre d'entre eux, des états ayant des richesses importantes dans leur sous-sol : ces richesses sont un des vecteurs du développement. 

a/ Les hydro-carbures: le vecteur majeur de l’essor économique et de l'affirmation de la puissance

 Le Proche et le Moyen-Orient mais aussi des états comme l'Algérie, le Libye ont une ressource générant des profits considérables à savoir les hydrocarbures (voir fiche sur les hydrocarbures au Moyen-Orient et au Maghreb). La richesse procurée par les hydrocarbures est fondamentale pour les économies de la région surtout que le pétrole est toujours la première source d’énergie utilisée dans le monde... Keyvan Piram (Questions internationales : 2020) rappelle le poids « de formidables ressources qui se concentrent dans d’immenses gisements facilement accessibles » d’où un coût faible de l’extraction (à l’inverse du pétrole et du gaz de schiste américain). 

- un formidable potentiel générateur de revenus considérables pour une « région façonnée par le pétrole » (Keyvan Piram : Questions internationales : 2020) 

  •  Le Moyen-Orient concentre près de 54% des réserves de pétrole se trouvant en particulier en Arabie saoudite, aux Emirats Arabes Unis, en Irak, en Iran... L’Arabie saoudite c’est 40 900 millions de tonnes de réserves de pétrole (chiffres 2018) soit le 2e rang mondial (les plus grandes réserves estimées sont au Venezuela ( 48 000 millions de tonnes), l’Iran plus de 21 4000 millions de tonnes (4e rang mondial) l’Irak c’est près de 20 000 millions de tonnes (5e rang mondial)...Ces états sont toujours les états dominants au niveau des productions à l'exception des E-U (1er en 2019 avec 746 millions de tonnes) et de la Russie (2e avec 568 millions de tonnes). L'Arabie saoudite se classe au 3e rang mondial produit (environ 13% du pétrole mondial) et plus de 40% de la production du Moyen-Orient et une production de 556 millions de tonnes en 2019.L’Irak est au 4e rang mondial avec 234 millions de tonnes, les Emirats Arabes Unis au 6e rang avec 180 millions de tonnes, l’Iran au 7e rang avec 160 millions de tonnes... L’Algérie est au 17e rang mondial (64,3 millions de tonnes), la Libye est au 18e rang mondial (64,3 millions de tonnes)... En ce qui concerne le gaz naturel, des états comme l'Iran, le Qatar ou l'Algérie ont une production importante et des réserves notables. En 2018, derrière les Etats-Unis et la Russie les deux premiers producteurs mondiaux de gaz (respectivement avec 831 milliards de mètres cube et 669 milliards), on trouve au 3e rang l’Iran (239 milliards de mètres cube), au 5e rang le Qatar (175,5 milliards)...et les principales réserves se localisent en Russie, en Iran et au Qatar.. En 2020, les principaux producteurs mondiaux de gaz sont les Etats-Unis, la Russie, l’Iran, la Chine et le Qatar. 
  • Ces hydrocarbures génèrent des profits considérables pour les états producteurs et exportateurs. Même si les cours sont instables avec des phases de hausse et de baisse, on estime que le pétrole et le gaz naturel correspondent à une rente d'environ 700 milliards de dollars en moyenne ces dernières années. En 2015, les revenus du pétrole et du gaz représentait environ 50% du PIB des états du Golfe et 75% de leurs recettes d'exportation. En 2012, année faste, les revenus tirés des exportations de pétrole pour l'OPEP se sont élevés à 1052 milliards de dollars selon le département d'état américain. Entre 1973 et 2002, l'Arabie saoudite a reçu plus de 2000 milliards de dollars de revenus liés au pétrole. En 2016, le secteur des hydrocarbures représentait environ 50% du PIB de l'Arabie saoudite, 85% de ses recettes d'exportation et 90% des revenus du budget de l'état. Par contre avec la baisse actuelle des cours du pétrole (une baisse qui a commencé à l'été 2014) avec des prix inférieurs à 50 dollars (les cours étaient en mai 2014 à 105 dollars), les états du Golfe devraient perdre 300 milliards de dollars. Toutefois, les pays du Golfe ont constitué de très importantes réserves financières (750 milliards pour l'Arabie saoudite). 
  • Par contre, ces économies bien qu'elles soient internationalisées restent en grande partie des économies de rente en l'occurrence reposant sur une rente pétrolière et/ou gazière. C'est le cas en particulier des états du Golfe même si on note des tentatives de diversification (voir plus bas). « L’exploitation pétrolière (est) la principale source de revenus des pays exportateurs de pétrole du Moyen-Orient » (Keyvan Piram : Questions internationales : 2020). Les enjeux énergétiques sont ainsi fondamentaux avec en particulier « la volatilité des prix. » sans oublier « l’épouvantail de l’après-pétrole. » ... permettant et facilitant l'insertion dans la mondialisation Les ressources en hydrocarbures et les profits générés ont permis aux états producteurs de pétrole de s'insérer dans le processus de mondialisation. Certes, le Moyen-Orient et le Maghreb participent relativement peu aux échanges mondiaux puisque sa part dans ces échanges est de l'ordre de 7% mais c'est une part non négligeable surtout en comparaison avec les états africains. Quelques métropoles comme Dubaï ou Abu Dhabi sont devenues des villes symboles de la globalisation notamment par leurs grands projets (Musée du Louvres à Abu Dhabi, grands projets immobiliers de Dubaï). 
  • Ces états ne sont donc pas en marge de la mondialisation en partie par les ressources en hydrocarbures et l’utilisation des revenus liés à ces ressources. Les pétromonarchies se sont retrouvés avec d’importants excédents financiers facilitant la prospérité. Elles ont utilisé ces ressources pour investir et spéculer ce qui a permis une certaine diversification économique. Les enjeux et la question énergétiques sont toujours présents dans la région et pour les Etats producteurs.
  •  Il faut, rappelons-le que ces Etats s’adaptent à la volatilité des cours du pétrole avec, par exemple, des cours ayant fortement baissé en 2020 (moins de 20 dollars le baril en avril 2020 dans le cadre de la crise du coronavirus) et des cours qui avaient déjà commencé à baisser à partir de 2014-2015 avec l’impact du pétrole de schiste américain. Certains évoquent d’ailleurs « l’épouvantail de l’après-pétrole »(Keyvan Piram : Questions internationales : 2020) même si il y a encore une marge dans le temps. 

 b/ Des stratégies de développement spécifiques 

-des investissements et des projets importants 
 
  • Les états du Moyen-Orient et du Maghreb, au moins certains (ceux ayant des revenus importants liés aux ressources), ont procédé à des investissements massifs devant faciliter l'insertion dans la mondialisation et une diversification de leurs activités. La mondialisation est perçue d’ailleurs comme une chance. Plusieurs états ont fait le choix d'une insertion pas seulement par les hydrocarbures mais aussi par les services que ce soit le tourisme (Dubaï, Les EAU et même l’Arabie saoudite désormais) ou les activités financières ou les deux à la fois. Les ressources en hydrocarbures étant épuisables, ce type de stratégies s'impose. Plusieurs états développent les services financiers: un développement possible grâce à la rente pétrolière. Les états du Golfe ont de très importantes réserves financières estimées à au moins 1 600 milliards de dollars de devises. Dès lors, ils ont opté pour ce qu'on nomme des fonds souverains: des fonds qui ont comme objectifs de placer et d'investir afin de préparer l'avenir. Les investissements se font à la fois dans les pays développées (UE, Etats-Unis) mais également dans les états émergents. 
  • Les principaux fonds souverains se trouvent d’ailleurs au Moyen-Orient et en Asie. En 2019, le 1er fonds souverain par ses actifs au monde est le Government Pension Fund de Norvège avec plus 1 108 milliards d’actifs puis au 3e rang on trouve The Abu Dhabi Investment Authority avec près de 700 milliards d’actifs, au 4e rang mondial the Kuwait Investment Authority avec 592 milliards de $... Autre choix: celui du tourisme. Ce dernier est pour plusieurs états une source de revenus importants: Egypte, Tunisie, Maroc, Turquie notamment. Le pèlerinage à la Mecque a généré en 2013 plus de 16 milliards de dollars pour l'Arabie saoudite. 
  • Un état comme la Tunisie est très dépendant du tourisme: il représente environ 7% du PIB et fait travailler plus de 400 000 personnes. Il en est de même pour le Maroc où le tourisme représente également plus de 7% du PIB (plus de 13 millions de touristes en 2019) et l'Egypte (plus de 13 millions de touristes en 2019 et 11% du PIB). D'autres états jouent sur la carte du tourisme comme la Turquie qui est actuellement la 6e destination mondiale (41 millions de touristes en 2019) ou Israël et la Jordanie. L’Arabie saoudite commence aussi à se tourner vers le tourisme (visas touristiques accordés depuis 2019) et en 2020 les Saoudiens ont créé un ministère du tourisme pour développer ce secteur. Le tourisme a d’ailleurs intégré dans le plan Vision 2030 lancé par l’État saoudien. 

 -les pétro-monarchies comme symbole de réussite? 

  • Dans cette région, les monarchies pétrolières du Golfe sont des Etats prospères et “leur importance sur les scènes régionale et internationale est principalement liée à l’immense atout que constitue la richesse de leur sous-sol (...)” (Géopolitique des Mondes Arabes, Didier Billion).Les pétro-monarchies sont vues comme des symboles de réussite: les Emirats Arabes Unis et le Qatar en sont deux illustrations Le Qatar avec une population de seulement 2,8 millions d'habitants (90% d'immigrés) fait figure de nouveau riche à la réussite fulgurante (11 437 km carré) avec un PIB en 2019 de 191,8 milliards de $ et un PIB par habitant de 70 000 dollars en 2019. 
  • Le revenu par habitant est de 94 910 $ en 2019. Il faut rappeler que ce pays de petite dimension a longtemps été à l'écart: il était vu, y compris par les Saoudiens, comme sans intérêt. Il est devenu indépendant en 1971 avec Doha comme capitale: il était contrôlé jusque là par le Royaume-Uni. Le Qatar est une monarchie entre les mains d'une famille et d'un clan. Le Qatar a un atout considérable: le gaz naturel bien davantage que le pétrole dont il est un producteur secondaire (15e rang mondial). C'est à partir de 1995-96 avec son nouveau cheikh Hamad ben Khalifa Al Thani (iI a renversé son père) que le Qatar a pris des orientations décisives à savoir le développement d'investissements financiers massifs, le développement d'un secteur de l'information, une politique de mécénat y compris sportif et une politique étrangère “visible”( En juin 2014, l'émir cheikh Hamad ben Khalifa a laissé le pouvoir à son fils). 
  • Ainsi, en novembre 1996 le Qatar a créé la chaîne Al Jazeera (surnommée la CNN arabe) qui est devenue la chaîne de TV majeure du monde arabo-musulman et même au delà. Le Qatar par l'intermédiaire de fonds souverains aux moyens considérables, investit massivement (club de football du Paris-Saint-Germain par le biais de Qatar Sport Investment en 2005). Les investissements sont également industriels par le biais de Qatar Holding qui détient des parts de LVMH, Total, groupe Vinci, Volskwagen (17%)... 
  • C'est aussi une monarchie voulant avoir une politique étrangère efficace avec un soutien à des mouvements islamistes comme les Frères musulmans ce qui n'empêche pas le Qatar d'abriter une base militaire américaine (Al- Udeid). Ils organisent un tournoi de tennis ATP et doivent aussi organiser la coupe du monde de football en 2022 : les Qataris entend développer un réel soft power.. Enfin le Qatar veut faire de Doha une ville globale à l'image des grandes villes mondiales de la planète d'où la création d'une Education city en lien avec des universités américaines... Les Emirats Arabes Unis ont une population de 9,8 millions d’habitants (pour une superficie de 84 000km carré), un PIB de 405,8 milliards de $ en 2019 et un PIB par habitant de 37 750 $ (le revenu par habitant est de 67 870 $). Ils ont fait le choix eux aussi des services financiers et du tourisme. Dubaï et Abu Dhabi jouent un rôle moteur. Dubaï est à l'origine de la création d'une zone franche (Jebel Ali) devenue une plaque tournante du commerce régional. 
  • La ville de Dubaï est devenue un hub mondial avec le 5e aéroport mondial en 2019 (plus de 86 millions de passagers avec une compagnie aérienne réputée et performante: Emirates. Les projets immobiliers sont très importants (Khalifa City): l'émir de Dubaï Al Maktoun est d'ailleurs vu comme un mégalomane. Mais ces projets attirent des touristes et des investisseurs. Abu Dhabi opère dans un registre proche: l'ouverture d'une filiale du musée du Louvre a été perçu comme un symbole de l'intégration dans la mondialisation. 
  • Tout comme le Qatar, les EAU développe un soft power dans le cadre d ‘ailleurs d’une forte rivalité avec le Qatar. Ces pétro-monarchies devenues des symboles d'intégration à la mondialisation ne sont pas exemptes de reproches. Tout d'abord, ces monarchies sont dirigées par des familles et des clans et ne sont en aucun cas des démocraties. Ces familles contrôlent une partie des revenus notamment des travailleurs immigrés et des entreprises étrangères par un système de parrainage appelé kafala. Le système en question permet aux locaux de toucher une rente. On reproche à ces monarchies notamment au Qatar son soutien à des mouvements islamistes (Frères musulmans par exemple) et de jouer un double jeu. 

 B/ Quel niveau de développement pour le PMO ? 

 Les états du Moyen-Orient et du Maghreb connaissent un développement certain ayant des effets à plusieurs niveaux. 

a/ Urbanisation, métropolisation: les reflets du développement et de l’émergence 

Comme tous les états en développement, ceux du Moyen-Orient connaissent le double processus d'urbanisation et de métropolisation. Mais avant d'étudier ces phénomènes, il faut rappeler les grandes lignes des dynamiques démographiques du Proche et Moyen-Orient. 

-les dynamiques démographiques et migratoires 

  •  Les états de la région sont affectés par les effets de la transition démographique mais de façon générale même si la démographique ralentit, pour de nombreux états, les populations sont jeunes avec une part des moins de 15 ans pouvant être importante (en moyenne un tiers des populations).Pour utiliser l'expression de Philippe Fargues: “l'explosion démographique du Maghreb et du Moyen-Orient appartient au passé”. Il faut tout d'abord mettre l'accent sur ce que les démographes nomment une “révolution silencieuse” à savoir le ralentissement de la démographie reposant sur une diminution de la fécondité. En moyenne, les indices de fécondité sont compris entre 3 et 2 voire inférieurs à 2,1 pour plusieurs états du Moyen-Orient (pays du Golfe) alors que dans les années 1980 ils étaient souvent supérieurs à 5. 
  • Ce taux de fécondité diminue en lien avec l'amélioration de la scolarité et des politiques de santé mais aussi par rapport à une urbanisation croissante (plus un état s'urbanise, plus son taux de fécondité baisse).La plupart des états de la région ont donc achevé la transition démographique hormis le Yémen et la bande de Gaza dans les Territoires Palestiniens où la fécondité reste élevée. A partir des années 2030, les états de la région vont de ce fait connaître un vieillissement des populations. 
  • Néanmoins, comme nous l'avons dit, pour le moment, les populations sont plutôt jeunes ce qui peut être une contrainte car les états doivent répondre aux besoins de cette jeunesse: emplois, logements, éducation...On sait qu'au moment des printemps arabes, cette jeunesse s'est particulièrement manifesté estimant être délaissée. L'âge médian est au Moyen-Orient de 26 ans en 2020 mais là aussi les disparités entre états sont réelles: en Irak, au Yémen, en Palestine, les moins de 15 ans représentent environ 38 à 39 % de la population alors qu'ils représentent moins de 30% dans des états comme l'Iran, le Liban. Prenons d’abord le Maghreb (chiffres INED, 2020) avec le Maroc qui compte 36,5 millions d’habitants avec un taux de fécondité de 2,4 et 27 % de la population a moins de 15 ans (l’espérance de vie est de 75 ans pour les hommes et 79 ans pour les femmes). 
  • L’Algérie a une population de 43,1 millions d’habitants, un indice de fécondité de 3, la part des moins de 15 ans est de 31 % (l’espérance de vie est de 76 et 78 ans). La Tunisie a une population de 11;7 millions d’habitants, un indice de fécondité qui est le plus faible du Maghreb avec 2,2, une part de moins de 15 a,s de 24 % (l’espérance de vie est de 75 et 79 ans). Les pays du Maghreb ont des configurations démographiques assez similaires en sachant que l’Algérie est le pays le plus jeune de la région. Au Moyen-Orient, l’Egypte a une population de 100,4 millions d’habitants avec une fécondité de 3,3, une part des moins de 15 ans de 34 % (l’espérance de vie est de 70 et 74 ans). L’Arabie saoudite compte 34,3 millions d’habitants avec une fécondité de 2,3, une part des moins de 15 ans de 25 % (l’espérance de vie est de 74 et 77 ans). Les Emirats Arabes Unis ont une population de 9,8 millions d’habitants, une fécondité faible de 1,4, une part des moins de 15 ans de 15 % (une espérance de vie de 77 et 79 ans)... Deux pays sont dans une situation démographique plus difficile : les Territoires Palestiniens et le Yémen. Les Territoires Palestiniens comptent 5 millions d’habitants, une fécondité de 3,6, une part des moins de 15 ans importante de 39 % (espérance de vie de 72 et 76 ans. 
  • Quant au Yémen, sa population est de 29,2 millions d’habitants avec une fécondité de 3,7, une part des moins de 15 ans de 39 % (espérance de vie de 64 et 68 ans). Les Etats du Golfe ont généralement une fécondité faible inférieure à 2,1 signe d’un développement accéléré et important. Il faut insister sur le fait qu'il existe des différences entre les états. En Turquie, le taux annuel de croissance de la population est passé de 2,48% entre 1980-85 à 1,8% en 2000; l'indice de fécondité qui était de 6,8 en 1976 est tombé à 2,6 en 2003 puis à 2,1 en 2019... On note néanmoins des écarts entre régions avec une fécondité plus élevée à l'Est (dans la zone kurde en particulier). Dans ce pays, l'âge du mariage recule sauf en Anatolie de l'Est où il reste précoce. En Iran, la baisse de la fécondité s'est amorcée plus tôt sous le régime de Mohammad Reza qui avait décidé, à partir de 1967, une politique de contrôle des naissances puis légalisé l'avortement en 1976.
  •  La République islamique instaurée en1979, a voulu inversement pratiqué une politique nataliste mais le phénomène de baisse de la fécondité a perduré quand même avec un indice de fécondité qui est passé de 6,8 enfants en 1984 à 2,8 en 1996, 2,1 en 2019 . La baisse de la fécondité peut être liée également à l’amélioration de la condition des femmes.En 2000, en Egypte, une forme de divorce est permise à savoir le Khul: une femme peut demander à divorcer en renonçant à ses droits financiers...En 2005, a été promulgué au Maroc une réforme du statut personnel nommée Mudawwana; de même le code de la famille a été revu en Algérie en 2005 également. Le Moyen-Orient est un carrefour migratoire d'importance mondiale à la fois pour des travailleurs migrants que pour des déplacés et réfugiés. Les états du Moyen-Orient sont à la fois des terres d'émigration et d'immigration. Les migrations liées au travail sont importantes notamment à destination des états pétroliers du Golfe qui ont besoin de main d'oeuvre. Ces états du Golfe forment un “hub” migratoire et dans la plupart des états du Golfe, la population étrangère est supérieure à la population locale: c'est particulièrement vrai dans les EAU ou au Qatar.Les travailleurs migrants dans ces états sont soit des travailleurs très qualifiés soit des travailleurs non qualifiés (main d'oeuvre des travailleuses domestiques par exemple). De nombreux migrants viennent d'Asie en particulier du Pakistan, du Bangladesh, des Philippines, d'Inde et de Malaisie. 
  • On note dans certains du Proche et Moyen-Orient, la persistance d’un exode rural comme au Yémen où les zones de montagnes se dépeuplent au profit des zones urbaines. Dans ce système migratoire, Israël représente un cas à part. En effet, Israël s'est peuplé par des vagues migratoires juives nommées aliya (un terme hébreu signifiant la montée: montée vers la terre promise). Ces vagues ont commencé à partir de la fin du 19e siècle (timidement) puis se sont accélérées en particulier dans les années 30 et se sont renforcées après la création de l'état d'Israël (1948). Le 5 juillet 1950 a été votée la loi dite du retour permettant aux juifs de s'installer en Israël par un visa d'immigrant facilitant de fait les migrations.Dans les années 1950-70, l'immigration juive vers Israël provient essentiellement d'Afrique du Nord et d'Europe. En 1984, des milliers de juifs éthiopiens, les Falashas s'installent en Israël (opération “Moïse”). A partir de 1989- 91, suite à l'éclatement de l'URSS, des milliers de juifs soviétiques migrant en Israël (plus de 800 000). 
  • Aux migrations de travail s'ajoutent les migrations forcées avec les réfugiés: les guerres en Syrie et en Irak ont conduit à des flux massifs de réfugiés vers la Turquie, le Liban et en Jordanie. A ces migrations internes, on peut ajouter les migrations externes en particulier vers l'Europe: c'est le cas pour des milliers de réfugiés en provenance de Syrie et d'Irak. Le Moyen- Orient est une région majeure de déplacements forcés et ce depuis longtemps.Dès 1948-49, suite à la Première guerre entre Israël et les pays arabes voisins, des centaines de milliers de Palestiniens sont contraints à partir de Palestine. Les Palestiniens sont toujours la population de réfugiés la plus importante de la région avec environ 6 millions de personnes. Les récents conflits en Syrie et en Irak provoquent un nouvel afflux de réfugiés. En 2015, selon les chiffres du HCR, on dénombrait (sans les réfugiés Palestiniens) plus d'un 1,5 million de réfugiés (la plupart syriens), plus de 1,4 million de réfugiés en Jordanie (là aussi la majorité sont des syriens), plus de 1,3 million de réfugiés en Turquie... Nous sommes donc en présence d'un enjeu majeur et d'un problème. 

 -Un processus d'urbanisation important

  •  Le processus d'urbanisation est lié au développement économique et industriel. L'urbanisation n'est pas une nouveauté dans cette région du monde étant très ancienne depuis l'Antiquité et le Moyen-Âge: un nombre de ville important est le résultat de ce processus historique. Mais il s'est accentué par le développement des villes des états du Golfe et le développement de quelques villes (dont certaines sont de création récente) comme Ankara, Istanbul, Bagdad, Téhéran, Le Caire... 
  • Les taux d'urbanisation sont généralement supérieurs à 50%: 54% pour la Syrie, 75% pour l'Iran, 73 % en Algérie,91% pour la Jordanie, 99% pour le Qatar. Il existe bien entendu des contre-exemples comme le Yémen avec un taux d'urbanisation de seulement 37% ou 43 % en Egypte. 

  • Comme dans de nombreux états, les villes par leurs infrastructures sont attractives renforçant le phénomène d'exode rural (cf Turquie avec Istanbul ou Ankara). Trois états conservent une donc population rurale assez importante: le Yémen, l'Egypte et la Syrie.L'urbanisation s'est accélérée à partir des années 1970 transformant les villes avec le développement de quartiers informels, de nouvelles périphéries... 
  • Pour les états du Golfe, l'explosion urbaine est liée au boom pétrolier: les états du Golfe sont devenus les états les plus urbanisés de la région et même du globe avec des taux de 97% pour le Koweït, 99% pour le Qatar, 91% à Bahreïn, 87% en Arabie saoudite et aux Emirats... L'urbanisation est également vraie pour les états du Maghreb avec des villes concentrant des populations importantes comme Tripoli en Libye et ses deux millions d'habitants, Alger... 

 -les métropoles : vitrines de la réussite 

  • Des métropoles très importantes se sont formées aboutissant dans certains états à une macrocéphalie urbaine comme en Iran avec Téhéran ou l'Egypte avec Le Caire. Téhéran concentre près d'un cinquième de la population iranienne, Beyrouth au Liban avec ses deux millions d'habitants concentre 1 libanais sur deux, Le Caire est une mégapole de près de 15 millions d'habitants.... 
  • On retrouve ces phénomènes au Maghreb avec le Maroc et une ville comme Casablanca ou en Tunisie avec Tunis. La métropolisation se retrouve dans les états du Golfe: Riyad en Arabie saoudite concentre 5 millions d'habitants, Koweït city deux millions, Dubaï et Abu Dhabi également deux millions... Ces métropoles sont devenues le symbole de la réussite et de la modernité. On peut préciser qu'elles sont cosmopolites puisqu'elles concentrent populations locales et travailleurs immigrés mais sont fortement ségréguées. La croissance urbaine est synonyme de défis à relever pour les gouvernements. Il faut accueillir les migrants (au cours des années 1990, Istanbul accueillait chaque année en moyenne 350 000 migrants et il fallait donc construire 80 000 logements supplémentaires, 50 écoles primaires...).
  •  Les infrastructures à construire sont un défi délicat à surmonter ce qui fait que les quartiers informels se multiplient. Un autre phénomène est l'étalement urbain qui ronge les campagnes qui sont peu à peu déstructurées. On peut s'appuyer sur l'exemple de Téhéran,une ville symbole de la macrocéphalie urbaine qui compte environ 9 millions d’habitants. C'est une ville de développement récent avec un événement clé dans ce développement à savoir le choix, au 19e siècle, par la dynastie Qadjar alors au pouvoir d'en faire la capitale iranienne alors qu'elle n'avait que 20 000 habitants et aucunement le prestige d'une ville comme Ispahan. Son développement s'accélère aussi lorsqu'elle est reliée par une ligne de chemin de fer à la Turquie. Son essor est encore plus important avec Reza Pahlavi (1926-1941) car ce dernier veut faire de Téhéran un modèle et une vitrine d'un Iran modernisé. De grands boulevards sont conçus, les murs de la ville empêchant son essor sont détruits...
  •  Le développement de Téhéran est aussi lié au fait que la ville est devenue en tant que capitale le siège des institutions et administrations avec en plus des infrastructures qui se construisent grâce à la rente pétrolière. C'est une ville qui devient dans les années 1950-70 de plus en plus attractive, une ville composée de classes moyennes, d'une bourgeoisie mais aussi de catégories sociales défavorisées vivant dans des quartiers populaires situés au sud de la ville. A la veille de la révolution islamique en 1978-79, Téhéran comptait déjà 7 millions d'habitants. Aujourd'hui, elle est une mégapole d'envergure avec une agglomération étendue mais semble être dénuée d'organisation véritable. 
  • On note la présence en fait de deux Téhéran: au nord, un Téhéran où vivent les classes moyennes supérieures et au sud,un Téhéran plus populaire avec même des quartiers construits de façon illégale. Téhéran concentre tous les organes du pouvoir, son bazar est un coeur économique important... Par contre, ce développement aboutit à une macrocéphalie avec une capitale archi-dominante à tous les niveaux ce qui déséquilibre le territoire iranien.De plus, Téhéran est une ville de plus en plus clivée entre des quartiers riches et des quartiers défavorisés sachant, en plus, que cette ville est polluée et qu'elle souffre d'un approvisionnement en eau déficient (le système d'approvisionnement est à l'origine prévu pour 5 millions d'habitants). Téhéran, par bien des aspects, est une ville représentative des grandes villes de la région. Bilan : démographie et urbanisation: trois exemples: la Turquie, l'Iran et la péninsule arabe (les archipel turc, iranien et sud-arabique ) 

 -La Turquie

  •  La Turquie est un état de plus de 83,4 millions d'habitants en 2020 ce qui fait de lui un état démographiquement majeur de la région avec une croissance démographique qui s'est atténuée étant désormais de l'ordre de 1,2% par an.Toutefois, la Turquie est inégalement peuplée avec des espaces “vides” importants. On peut repérer trois grands pôles de population: la région d'Istanbul, la région d'Ankara et celle d'Izmir. La Turquie des plateaux intérieurs est “relativement vide”, un vide renforcé par des migrations internes importantes vers les pôles majeurs notamment Istanbul. 
  • Une partie échappe à ces densités faibles: l'Est de la Turquie soit la zone à peuplement kurde. Comme nous l'avons signalé, la Turquie est structurée autour surtout des pôles d'Istanbul et d'Ankara. Istanbul est toujours le poumon économique du pays et c'est là où se concentrent les fonctions économiques de commandement. Istanbul est très attractive ce qui conduit à son étalement urbain mais également à sa congestion. Par contre, Ankara concentre les fonctions politiques de commandement. 
  • Il existe donc une série de clivages: clivage entre espaces urbains dynamiques et espaces ruraux plus à l'écart; clivage entre deux ou trois pôles urbains dominantes et le reste de la Turquie... 

 -L'Iran

  •  L'Iran, c'est plus de 82,9 millions d'habitants mais avec une densité de seulement 47 habitants au km carré. Comme en Turquie, la répartition de cette population est inégale.Les plus fortes densités se situent à l'Ouest du pays, la partie Est étant beaucoup moins peuplée. 
  • On peut relever un axe Nord-sud avec les pôles de Téhéran-Ispahan et Shiraz (de la mer Caspienne jusqu'aux montagnes du Zagros). Comme nous l'avons vu, Téhéran joue un rôle essentiel dans cette armature urbaine conduisant à une macrocéphalie évidente. 

 -La péninsule arabe

  • Les concentrations de population n'ont jamais été fortes dans cette péninsule sauf sur les littoraux ou avec les pôles urbains et religieux de La Mecque et Médine. Pourtant depuis plusieurs années d'importants pôles urbains se développent notamment avec les villes du Golfe arabique (ou persique) de Koweït City à Abu Dhabi (comprenant aussi Doha, Dubaï...). 
  • En fait, les concentrations humaines et urbaines sont surtout sur les littoraux à l'exception de Riyad: une grande partie de la péninsule reste vide. 

 b/ Des économies intégrées aux échanges et à l’économie mondiale

Les économies du Proche et Moyen-Orient ainsi que celles du Maghreb sont relativement bien intégrées à la mondialisation. 

 -une réelle intégration au commerce mondial et aux différents flux

  • Comme nous l'avons déjà signalé, l'intégration au commerce mondial est réelle. Mais le poids des différents états dans ces échanges est différent. Trois états à savoir l'Arabie Saoudite, les Emirats Arabes Unis et la Turquie assurent plus de 50% des échanges. Les états producteurs de pétrole ont généralement des balances commerciales excédentaires ce qui n'est pas le cas des autres. 
  • Certains comme Israël ou la Turquie ont des balances déficitaires. Le principal partenaire commercial tant des états du Maghreb que des états du Moyen-Orient est l'Union européenne (tant au niveau des exportations que des importations): c'est particulièrement vrai pour le Maghreb. 
  • Autres partenaires importants, les états d'Asie comme la Chine, l'Inde et le Japon. Par contre, les E-U n'occupent pas une place essentielle (10% des exportations et 7% des importations). Cette intégration au commerce mondial est à la fois asymétrique et atypique. En effet, et c'est logique, au niveau des exportations ce qui domine sont les hydrocarbures (75%). 
  • Les états de la région exportent très peu d'autres produits qu'ils soient agricoles ou manufacturés: Israël et la Turquie sont deux exceptions. Inversement, les importations sont surtout des importations de produits agricoles et industriels (biens manufacturés). L'intégration au commerce mondial est réelle mais repose sur des déséquilibres. 

-des pôles importants de l'économie mondiale et régionale 

  • Certains états peuvent être considérés comme dynamiques avec des influences à la fois mondiales et régionales. L'extraordinaire rente pétrolière permet des investissements mondialisés et régionalisés. De plus, des villes comme Dubaï, Abu Dhabi ou Doha fortement intégrées à la mondialisation attirent les investisseurs et sont des vitrines d'une économie intégrée et ultramoderne. D'ailleurs, la création du 1981 du CCG ou Conseil de coopération du Golfe réunissant l'Arabie saoudite, le sultanat d'Oman, le Koweït, le Qatar, Bahreïn et les Emirats arabes unis a des projets visant à une intégration régionale et mondiale encore plus importante. 
  • En 2008, il a lancé le projet d'un marché commun du Golfe avec comme objectifs à terme une monnaie commune et une banque centrale. Nous sommes dans une logique de coopération visant à intégrer davantage le processus de globalisation et d'économies intégrées. 
  • Stratégiquement, les états du Golfe ont décidé de mettre l'accent sur les pays en développement ou sur la voie de l’émergence en particulier les états du Maghreb en participant et finançant de multiples projets (110 projets en 2008) dans des domaines comme les télécommunications ou l'énergie. Les états du Golfe interviennent aussi en Afrique mais dans une moindre mesure. Comme nous l'avons signalé avec l'exemple du Qatar, les investissements dans les états développés sont des éléments d'une dynamique mondiale. 

c/ Une région attractive 

-Un pôle de migrations

  • Une partie des pays du Moyen-Orient sont attractifs en l’occurrence les pays du Golfe arabo- Persique. Le Golfe est tout simplement « la troisième destination migratoire au monde » comme le souligne Catherine Wihtol de Wenden (Géopolitique des migrations, éditions Eyrolles 2019). Les pays du Golfe riche en hydrocarbures et ayant développé d’importants projets ont besoin de main d’oeuvre et en moyenne les travailleurs migrants forment plus de 50 % de la main d’oeuvre et même 80 % aux EAU ou 90 % au Qatar. 
  • En fait ce besoin de main d’oeuvre s’explique à la fois par l’essor économique mais aussi par une démographie ralentie des pays du Golfe qui de plus ne sont pas toujours des pays ayant une population importante. En 2019, les migrations de travail sont donc très importantes avec en Arabie saoudite plus de 12,1 millions de travailleurs migrants, 8,3 millions aux EAU, 1,7 million au Qatar ou encore 3,1 au Koweït. 

-Mais un système migratoire spécifique 

  • Le système migratoire du Moyen-Orient et notamment du Golfe est particulier. Aux migrants liés au travail s’ajoutent des flux de réfugiés. Les migrants de travail originellement venaient des pays proches : Egypte, Maghreb puis les flux se sont diversifiés avec des flux migratoires en provenance du Bangladesh, du Pakistan, du Sri Lanka ou encore des Philippines. 
  • Depuis quelques années se greffent des flux en provenance de la corne de l’Afrique : Erythrée, Soudandu Sud,Somalie...

2/ Mais des inégalités et des freins au développement


Bien que les états du Moyen-Orient et du Maghreb apparaissent comme dynamiques et dans des logiques différentes de nombreux états africains, ils se heurtent à des freins et ont des difficultés à surmonter. 

 A/ Des problèmes qui persistent

Trois problèmes sont essentiels pour la plupart de ces états: les problèmes de l'eau et de l'agriculture qui sont des problèmes liés et le problème démographique. 

a/ Des problèmes à surmonter 

-le problème de l'eau et de l'agriculture 

  • L'ancien secrétaire général de l'ONU, l'égyptien Boutros Boutros Ghali avait affirmé que les “prochaines guerres se feront pour l'eau.” Le problème de l'eau est effectivement crucial: en effet, le Moyen-Orient se caractérise par une forte aridité et la présence d'un important stress hydrique (ce dernier mesure la consommation d'eau par rapport aux ressources disponibles: il ne faut être en dessous de 1 700 m cube par an et par habitant). Le Moyen-Orient détient seulement 1,1% des ressources en eau douce renouvelables. Le manque d'eau est réelle sauf pour deux états ayant des ressources en eau vraiment suffisantes: la Turquie et le Liban. Quatre états seulement sont en dessous des 1000m cube par an et par habitant: la Turquie, le Liban, l'Iran, l'Irak. Or, les besoins en eau sont à satisfaire pour les usages domestiques, les usages agricoles, les usages industriels et les usages de loisirs. Il faut savoir que ces besoins importants peuvent être satisfaits (en théorie) par l'utilisation des fleuves, peu nombreux au Moyen-Orient, des nappes phréatiques pas toujours aisément accessibles ou par des techniques comme les usines de dessalement d'eau de mer plutôt coûteuses. Les ressources en eau sont peu nombreuses et surexploitées ce qui renforce le problème. 
  • Les fleuves et les nappes phréatiques sont surutilisés notamment à des fins agricoles à savoir l'irrigation. Les états de la région ont donc élaboré des stratégies reposant sur des aménagements mais des aménagements pouvant provoquer des tensions fortes. Les fleuves sont ainsi aménagés par la construction de barrages pour produire de l'électricité ou/et aménager des zones irriguées comme les barrages conçus sur le Tigre et l'Euphrate ou sur le Nil; les nappes phréatiques sont exploitées... 
  • En 1971, le barrage d'Assouan en Egypte entre en fonction avec une retenue de 162 km carré permettant d'accroître les périmètres irrigués y compris sur le désert. La Turquie a construit plusieurs barrages sur le Tigre et l'Euphrate (projet GAP d'une vingtaine de barrages ) induisant un moindre débit et donc une moindre quantité d'eau pour la Syrie et l'Irak ; la Syrie a aussi aménagé des barrages comme le barrage de Raqqa diminuant encore plus le débit du fleuve se dirigeant vers l'Irak ou le barrage de Tabka....
  •  L'Irak a aussi construit des barrages et a même conçu un canal reliant l'Euphrate et le Tigre. En ce qui concerne le fleuve Jourdain entre Israël et la Jordanie, un traité signé en 1994 avait établi un partage de ces eaux respectivement de 60 et 40% mais ce traité ne règle pas fondamentalement le problème du stress hydrique. Surtout se pose le problème du partage de l'eau entre Israël et les territoires palestiniens de Gaza et de la Cisjordanie, en particulier des nappes phréatiques. Les états exploitent également les eaux fossiles: c'est le cas de l'Arabie saoudite (21 km cube par an en 2010). Il en est de même pour la Libye ou l'Algérie en Afrique du Nord. Ces stratégies et exploitations diverses provoquent des conflits et des tensions. Les conflits d'usage se multiplient entre les besoins agricoles et les besoins urbains. L'explosion urbaine a conduit à une forte augmentation des besoins en eau et souvent ce sont les zones urbaines et touristiques qui sont privilégiées au détriment des zones rurales. 
  • Trois territoires sont intéressants à étudier: le cas de l'Egypte et du Nil, le cas du Tigre et de l'Euphrate et celui du Jourdain. L'Egypte est dans une situation complexe avec une explosion démographique (plus de 80 millions d'habitants) et urbaine. Ses besoins sont croissants tant pour approvisionner les villes que pour irriguer des espaces agricoles afin de nourrir une population toujours plus nombreuse. Le Nil a toujours été “l'artère” vitale du pays: il est l'objet de tensions surtout qu'il traverse plusieurs pays dont l'Ethiopie et le Soudan (le bassin fluvial du Nil concerne lui 10 états et plus de 300 millions d'individus). 
  • En 1959, un accord international est signé sur le partage des eaux du Nil entre l'Egypte et le Soudan au bénéfice de l'Egypte qui se réserve 56 km cube contre 18 km cube au Soudan. Dans les années 60, l'Egypte décide de construire le barrage d'Assouan pour améliorer la situation et accroître les surfaces irriguées. Or, la croissance démographique de l'Egypte est trop forte d'où de nouveaux projets comme celui de la “nouvelle vallée” consistant à mettre en oeuvre un canal de dérivation du Nil pour développer de nouvelles terres agricoles dans le désert. Or le Nil n'est pas seulement égyptien. Le Soudan (plus de 33 millions d'habitants) et le sud Soudan (près de 10 millions d'individus) tout comme l'Ethiopie (87 millions d'habitants + 80% du débit du Nil se forme en Ethiopie) ont aussi besoin des eaux du Nil. 
  • Ce dernier état a des projets de barrages pour accroître elle aussi ses surfaces irriguées. Un barrage est actuellement en chantier, le barrage de la “Renaissance” réalisé avec l'aide de la Chine qui devrait être le plus grand barrage d'Afrique avec une retenue prévue de 1870 km carré. Ce barrage devrait surtout servir à la production d'électricité. La construction de ce barrage a avivé les tensions avec l'Egypte. Des états encore plus en amont comme l'Ouganda ou le Kenya entendent tirer profit du lac Victoria: un lac alimentant le Nil blanc pour développer les surfaces irriguées. De plus en 2010, l'Ethiopie, la Tanzanie, le Rwanda et l'Ouganda ont signé un accord remettant en question celui de 1959. Pour l'Egypte, le situation devient de plus en plus compliquée. Le Tigre et l'Euphrate sont deux fleuves objets de tensions. 
  • Ces deux fleuves naissent en Turquie (elle contrôle 88% du débit de l'Euphrate et 44% du débit du Tigre) et en aval passent par la Syrie et l'Irak. Or de nombreuses réalisations et aménagements ont provoqué et provoquent encore des tensions. Première tension, le projet turc du GAP lancé en 1972 (Güneydoglu Anadolu Projesi devant permettre l'irrigation de plus de 1 700 000 hectares) dont le barrage Atatürk avec sa retenue de 48 km carré est un symbole (mise en eau en 1990). Ce projet consiste à réaliser plusieurs barrages (22 sont prévus) qui conduirait à une baisse du débit de l'Euphrate de 30% lors de son entrée en Syrie. Il en est de même pour le débit du Tigre lors de son passage en Irak. Pour le moment aucun accord n'a été conclu entre les trois états si ce n'est un accord en 1987 entre la Turquie et la Syrie sur des quotas. Enfin, le partage des eaux du Jourdain est aussi un problème. Le fleuve Jourdain et ses affluents ont une grande importance. Ce bassin concerne plusieurs états: Israël, la Syrie, le Liban, la Jordanie et les Territoires palestiniens. En plus du fleuve lui- même, il existe une nappe phréatique. Les resssources en eau sont limitées donc à partager. Or les eaux du Jourdain ne sont pas équitablement répartis tout en étant surexploitées. 
  • Ces eaux sont en grande partie contrôlées par Israël sachant en plus qu'un israélien consomme en moyenne 291 m cube par an contre 97 à un palestinien des territoires de Cisjordanie. Les eaux du Jourdain sont tellement exploitées que cela pourrait conduire à brève échéance à la disparition de la mer Morte dans laquelle le Jourdain se jette. Il faut donc trouver des solutions sachant que les spécialistes considèrent que les états du Moyen-Orient mobilisent déjà la totalité des eaux renouvelables. Parmi les solutions, les usines de dessalement d'eau de mer. 
  • Ces usines sont très présentes en Arabie saoudite mais aussi dans les Emirats (70% des villes de la péninsule arabe sont approvisionnées par les usines de dessalement). Mais ces usines tout comme l'eau qu'elles produisent ont un coût important et cette eau ne peut servir à l'irrigation. Néanmoins, des états comme l'Algérie, la Tunisie (pour les besoins touristiques) comptent développer ce type de structures. Un autre moyen sont les économies d'eau par le biais des techniques de recyclage mais elles sont encore peu développées hormis en Israël ou en évitant les gaspillages. 
  • Des techniques comme le goutte à goutte sont intéressantes mais trop peu utilisées. Quoiqu'il en soit, il est urgent de mettre en oeuvre des solutions et de trouver des accords sur un meilleur partage de l'eau afin d'éviter d'éventuelles “guerres de l'eau”. Ce problème de l'eau a un impact sur l'agriculture. La croissance démographique et urbaine oblige à produire plus. Pour réussir ce pari, les états de la région ont misé sur l'extension des surfaces irriguées or ce n'est pas suffisant pour produire suffisamment. Les réformes agraires n'ont pas modifié la donne. La contrainte de l'eau et de l'aridité est très compliquée à surmonter pour le secteur agricole. 

 -le poids de la démographie pour certains états

  • Pour quelques états, la croissance démographique peut être une difficulté. La croissance démographique de nombreux états du Maghreb et du Moyen-Orient bien qu'en baisse reste importante. Ainsi, la population du Maghreb et du Moyen-Orient réunis était d'environ 105 millions en 1950: elle est passée à 430 millions en 2003 et devrait atteindre plus de 600 millions en 2025. Les états du Maghreb et du Moyen-Orient ont amorcé la transition démographique et les indices de fécondité ont baissé de façon notable mais peuvent être encore élevés pour plusieurs états. 
  • Les populations sont globalement jeunes: 35 % des habitants du Maghreb et du Moyen-Orient ont moins de 15 ans. La difficulté est bien entendu de former, de fournir des emplois à ces jeunes et de leur proposer un avenir viable. Or, les taux de chômage peuvent être importants comme en Algérie (environ 13%), en Egypte (10,3 %) ou en Jordanie (23%) La démographie est donc dans certains cas un frein ou à tout le moins un problème qu' il faut surmonter. 

b/ Des économies de rente encore insuffisamment diversifiées 

-des stratégies trop liées aux hydrocarbures pour des économies rentières 

  • Les états du Proche et Moyen-Orient sont aussi des économies de rente avec de ce fait des revenus provenant surtout de l'exportation de matières premières. De ce fait, on ne peut parler de création de richesse avec des économies insuffisamment diversifiées. La découverte des hydrocarbures au Proche et Moyen-Orient avant la Première guerre mondiale pour l'Iran par exemple et surtout après cette guerre, a permis la formation de ces économies de rente. 
  • Bien entendu, les exportations des hydrocarbures sont un moyen d'intégration de l'économie internationalisée et mondialisée. Parmi les freins à un développement équilibré, les stratégies économiques sont trop liées aux hydrocarbures. Les états producteurs sont dépendants de ce type de rente. 
  • Or, ces ressources sont épuisables et sujettes à l'instabilité des cours. C'est la raison pour laquelle, comme on l'a vu, certains états tentent de diversifier leurs activités (Emirats du Golfe...). Il s’agit aussi de penser l’après-pétrole. Les états du Moyen-Orient connaissent des difficultés économiques: inflation par exemple en Irak (27%), chômage comme en Egypte (13%), en Iran (14%) ou encore au Yemen (35%) avec notamment un chômage des jeunes important. Le manque de diversité au niveau économique explique en partie ces difficultés. 

- dépendance technologique, dépendance aux cours des matières premières... 

  • Ces états sont dépendants des états développées. La dépendance est technologique que ce soit pour l'extraction des ressources, la construction des infrastructures ou les technologies militaires. La dépendance est également économique puisque les états développés sont les principaux débouchés des états du Moyen-Orient. L'exploitation du schiste aux E-U montre que les pays producteurs de pétrole sont dépendants des choix que font les états moteurs de la planète: le pétrole et le gaz de schiste des E-U ont des implications fortes sur les cours du pétrole. Une autre dépendance importante est la dépendance alimentaire. 
  • Les agricultures du Moyen- Orient ne pouvant répondre aux besoins, les états de la région sont contraints d'importer de plus en plus de produits alimentaires. En Algérie, la production agricole ne permet de couvrir que 40% des besoins, en Iran ou en Egypte cette couverture est seulement de 50%. Dès lors, les importations sont importantes: importations de céréales, de sucre, de lait... 
  • Dans un état comme l'Egypte, les importations agricoles représentent 30% des importations totales. 

 c/ Autres points faibles 

 -les dégradations environnementales 

  •  Le Moyen-Orient est concerné par les dégradations environnementales et est impacté par le réchauffement climatique. L'eau est devenue un enjeu clé alors qu'elle a longtemps été vue comme une ressource inépuisable. La construction des différents barrages que cela soit celui d'Assouan ou celui de la Renaissance presque achevé n'ont pas tenu compte des problèmes qu'ils pouvaient poser comme la réduction du débit en aval, la salinisation des terres dans le delta du Nil par exemple... 
  • Les débits des fleuves se réduisent: le Jourdain en est un exemple “remarquable”: il déversait à son embouchure dans la mer Morte 1 250 m cube d'eau en 1953 et seulement entre 160 et 200 m cube en 2002. Parallèlement, de nombreuses terres arables sont surexploitées et se détériorent avec, en plus, une désertification qui progresse. Les grands centres urbains sont particulièrement pollués: la ville de Zabol en Iran est considérée comme la ville la plus polluée du monde alors que Riyad se classe en 4e position. Les états du Golfe font partie des plus grand s émetteurs de CO2 au monde...
  •  Le réchauffement climatique n'explique pas tout: les choix économiques et de développement sont aussi responsables. Ainsi, au sujet de l'eau, le choix de faire croître les productions par une irrigation massive contribue au problème de l'eau (terres irriguées = un tiers des terres arables au Moyen-Orient). La croissance démographique et les besoins accrus des individus ne rendent pas la situation facile à gérer. 

-les fortes inégalités à différents niveaux et différentes échelles

  • Les inégalités sont à différentes échelles: inégalités entre états, entre régions d'un même état, entre villes et campagnes... « Les inégalités économiques et sociales sont persistantes » comme le souligne Agnès Levallois (Questions internationales : 2020) Entre états, les inégalités sont fortes entre états producteurs de pétrole (et/ou de gaz) et états non producteurs. 
  • Les inégalités internes sont également très importantes entre régions, entre villes et campagnes, à l'intérieur des villes entre quartiers favorisés et moins favorisés...Les inégalités s'expliquent par un partage de la rente déséquilibré pour les états ayant une rente énergétique mais aussi pour certains par les effets de la crise économique de 2008, la libéralisation économique qui profite à quelques-uns ou encore le fléau de la corruption. 
  • Ainsi, en Syrie (avant la guerre civile), la création de compagnies de téléphones mobiles s'est réalisée dans le cadre d'une privatisation et c'est un groupe nommé Syriatel qui a emporté la mise, un groupe dirigé par Rami Makhlouf, un cousin de Bachar al-Assad. 
  • Dans plusieurs états, les banques d'affaires ont prospéré dans les années 1990-2000 favorisant l'enrichissement d'hommes d'affaires. Dans un état comme Israël, en 2008, 39% de l'économie était contrôlée par 19 familles avec, en plus des liens forts et obscurs entre ces milieux d'affaires et le monde politique (voir l'affaire de corruption ayant concerné l'ancien 1er ministre israélien Ehud Olmert). Parallèlement, la pauvreté dans de nombreux états augmente, une pauvreté accrue par les difficultés économiques. L'Egypte a un taux de chômage important autour de 20% de la population active avec en plus une inflation qui réduit le pouvoir d'achat. 
  • Dans ce pays, 20% des plus riches contrôlent 43,6% de la richesse nationale alors que les 20% les plus pauvres ne disposent que de 8% de cette richesse. 40% des égyptiens vivent avec moins de 2 dollars par jour et en 2015 selon l'Unicef il y a dans ce pays environ 2 millions d'enfants des rues. Dans un état comme la Jordanie, un tiers de la population est considérée comme pauvre.En Israël, environ un quart des Israéliens vivent en dessous du seuil de pauvreté (et près d'un tiers des enfants) notamment des familles nombreuses des communautés juives ultra-orthodoxes et les familles arabes. 
  • Plus grave, 80% des habitants de la bande de Gaza sont en dessous du seuil de pauvreté: une situation liée à l'enfermement de Gaza dont Israël est responsable. A cela s'ajoutent les inégalités et déséquilibres régionaux internes comme en Egypte entre une région dominante qui est celle du Caire, le delta du Nil plutôt bien connecté au Caire alors que la Haute-Egypte est à la fois enclavée et sous équipée sans parler du désert du Sinaï devenu une véritable marge dans laquelle se développe d'ailleurs, et ce n'est pas un hasard, l'islam radical. 
  • On retrouve ce type de situation au Maroc avec un Sud Maroc marqué par un fort exode rural et une population vieillissante alors que le Nord du Maroc est plus dynamique; en Algérie entre le littoral et l'intérieur des terres dont la Kabylie; en Turquie entre l'Ouest et l'Est... 
B/ Typologie des territoires

 Les états du Moyen-Orient et du Maghreb n'ont pas tous les mêmes atouts ni les mêmes contraintes. Leurs situations économiques, politiques et sociales diffèrent tout comme leur degré d'insertion dans le processus de globalisation. On peut tenter de dresser une typologie de ces états en fonction de plusieurs critères notamment économiques et politiques. 

c/ Des Etats et des territoires dynamiques 

Plusieurs états sont dynamiques, plutôt insérés dans la mondialisation et ont des ambitions au moins à l'échelle régionale: on peut les considérer pour quelques uns comme des puissances régionales. 

 -les pétro-monarchies du Golfe: la réussite

  •  Les pétro-monarchies du Golfe comme l'Arabie saoudite, les Emirats arabes unis, le Qatar... sont des symboles de réussite économique et d'intégration dans le processus de globalisation. Hormis le cas spécifique de l'Arabie saoudite, ils ne sont pas politiquement et militairement des puissances régionales. 

-des Etats ayant un certain potentiel et une volonté d'être une puissance régionale : Iran, Egypte, Turquie, Israël, Arabie Saoudite, Maroc et Algérie 

 Cinq états ont les moyens politiques, militaires et même économiques d'être des puissances régionales: elles en ont l'ambition. C'est le cas de l'Iran, de l'Egypte, de la Turquie, d'Israël et de l'Arabie saoudite. Ces puissances régionales que certains rangent dans les pays émergents sont des puissances rivales: rivalité Iran/Arabie saoudite, Iran/Israël, Egypte/Arabie saoudite 

b/ Des Etats et des territoires en difficultés et plus en marge

 Comme dans n'importe quel ensemble géographique, des états sont en difficultés voire très en retrait.
 
-des Etats en difficultés

  • Etats en guerre ou impacté par les conflits proches Parmi les états en difficultés figurent les états en guerre: Syrie et Irak en particulier mais aussi au Maghreb la Libye. La Tunisie semble avoir surmonté ses difficultés au moins partiellement. Sans les conflits qui les minent et les déstructurent, ces états ont un potentiel et se voulaient des puissances régionales. Le Liban a longtemps souffert d'une guerre civile: actuellement, cet état doit gérer un afflux de réfugiés sans précédent (1 million de réfugiés pour 4 millions d'habitants). Le problème est le même pour la Jordanie. 

 -des Etats à la marge

  • des territoires palestiniens au Yémen Deux états ou territoires sont beaucoup plus à la marge: les Territoires palestiniens et le Yémen. Ils cumulent des difficultés économiques et politiques.
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