2/ Les espaces asiatiques dans la mondialisation

2/ L' Asie politique et économique : diversité, développement et émergence

Manifestation contre le coup d'état en Birmanie

A/ Des Asies politiques : régimes politiques, multipolarité et enjeux


 Le continent asiatique et les états qui le composent ont des régimes et systèmes politiques différents : l'Asie est politiquement hétérogène, sans unité tant au niveau idéologique qu’au niveau des régimes politiques. 

a/ Régimes autoritaires, démocraties : des régimes et systèmes politiques différents 

On trouve en Asie des états qui sont des régimes communistes même si ils ont opté pour une transition vers une économie capitaliste (Chine, Vietnam, Laos), un état communiste toujours d'inspiration stalinienne (Corée du Nord), des monarchies plus ou moins autoritaires (Thaïlande Brunei qui est un sultanat), des démocraties avec un réel pluralisme (Union indienne, Japon) des régimes autoritaires avec un poids important de l'armée... 

 -des états autoritaires et des états communistes 

  •  On trouve donc en Asie des états communistes : un état dont le système est fondamentalement stalinien à savoir la Corée du Nord et des états communistes ayant fait le choix d'une économie capitaliste comme la Chine, le Laos ou le Vietnam. Il existe depuis longtemps un communisme asiatique : les premiers mouvements d'inspiration marxiste se sont développés dès les années 1920 en Chine, aux Indes néerlandaises (Indonésie)... La Mongolie devient communiste dès 1924 mais les mouvements communistes vont arriver généralement au pouvoir après la Seconde guerre mondiale : en 1948 en Corée du Nord, en 1949 en Chine, en 1954 au Vietnam Nord puis en 1975 dans l'ensemble du Vietnam, au Cambodge et au Laos en 1975. Certains de ces régimes ont pris fin comme le régime des khmers rouges au Cambodge en 1979 ou la Mongolie qui a abandonné le communisme en 1992. Il faut ajouter que plusieurs partis communistes participent à la vie politique de plusieurs états comme en Inde où il est assez fort dans des états comme le Kerala ou le Bengale-Occidental (il existe en Inde également un parti communiste maoïste fondé en 2004 dont les membres sont connus sous le nom de naxalites), au Népal avec le Parti communiste unifié du Népal (un parti maoïste fondé en 1994) ou même aux Philippines (un parti communiste fondé en 1968 et resté illégal jusqu'en 1992 qui a une branche armée aujourd'hui quasi inexistante : The New People's Army) ou en Thaïlande ( Parti communiste du Siam créé en 1942, un parti devenu moribond même si il n' a pas été officiellement dissous) où ils sont toutefois marginaux. Par contre des états comme Taïwan ou l'Indonésie (depuis Suharto en 1965) ont interdit le parti communiste. On peut même signaler la présence d'un parti communiste au Japon créé en 1922 qui est toujours présent dans la vie politique nippone avec des résultats aux différentes élections variant de 6 à 10%. 
  • Ces mouvements communistes asiatiques ne se sont jamais unis notamment par des différences entre des mouvements d'inspiration maoïste et des mouvements marxistes d'inspiration léniniste (influence de l'URSS). La Corée du Nord est donc un régime qui reste fondamentalement stalinien et replié sur lui- même. La République populaire de Corée a été fondée en 1948 avec comme secrétaire général du parti communiste Kim Il-sung. Ce dernier est mort en 1994 et c'est son fils Kim Jong-il qui lui succède. A sa mort en 2011, la « relève » est prise par Kim Jong-un : nous sommes donc en présence d'un régime communiste avec une succession familial. La Corée du Nord est un régime communiste à parti unique, le Parti des Travailleurs. Il faut savoir néanmoins que le fonctionnement de ce parti est pour le moins opaque : il n'y a pas eu de Congrès du parti depuis 1980 ni de réunion du Comité central depuis 1994. La fonction de président de la République a été supprimée en en 1998 et le président Kim Il-sung avait été proclamé « président éternel ». Ce régime s'appuie sur l'armée avec notamment le rôle important joué par le Comité de la défense nationale (présidé par Kim Jong-un), une police secrète et des camps d'internement. Le Vietnam est une République socialiste avec un Parti communiste unique (PCV) de 4 millions de membres qui contrôle le pays. 
  • Le processus de décision se déroule dans ce parti unique (Comité central et Bureau politique). Certes, il y a bien une assemblée nationale qui procède à l'élection du Président de la République (Truong Tran Sang) et du 1er ministre (Nguyen Tan Dung) mais c'est le PCV qui contrôle ces institutions. Le PCV est considéré comme la « force unique » du pays , son monopole de la vie politique ayant été confirmé en 2013. Par contre depuis le début des années 1990, le PCV a décidé d'ouvrir l'économie vietnamienne par une politique dite du renouveau (« doï moï »). Le Vietnam est même membre depuis 1995 de l' ASEAN et de l'OMC depuis 2007. 
  • Le Laos est également une République démocratique populaire lao avec un parti unique : le Parti populaire révolutionnaire lao dont le secrétaire général est en même temps le chef de l'état. Le Laos comme le Vietnam a fait le choix de s'ouvrir économiquement. Enfin, la Chine est aussi une République populaire avec un parti unique : le parti communiste chinois (PCC), un parti de 83 millions de membres. Ce parti repose sur un Congrès (siégeant une fois par an) qui élit les 300 membres du Comité central. Ce dernier contrôle tous les organes de l'état dont la Présidence, l'Assemblée nationale populaire...
  • En 2012, Xi Jinping est devenu secrétaire général du PCC puis président de République en 2013. Si la Chine a connu de profonds changements économiques et sociaux, ce n'est pas le cas au niveau politique. C'est toujours, depuis 1949, le PCC qui dirige le pays : la Chine est encore un état-parti. L'expression de « Totalitarisme replié » (une expression inventée en 2003 par Michel Bonin dans la revue Perspectives chinoises) est utilisé pour désigner un parti communiste qui peut laisser des marges de manœuvre aux individus (aux entrepreneurs par exemple) mais est toujours capable d'intervenir et de réprimer des forces qu'il juge hostile. Ce PCC continue de diriger la Chine selon les 4 principes définis par Deng Xiaoping : maintien du socialisme, dictature démocratique populaire, direction du parti communiste et du marxisme-léninisme et pensée de Mao Zedong.
  •  Le PCC a toujours la volonté de contrôler l'espace public à savoir le contrôle des communications et de l'information, le contrôle de la vie politique et sociale d'où toute opposition à la reconnaissance de syndicats, d'associations ou de partis hors des structures du PCC. Nous sommes bien en présence d'un parti-état : on ne peut accéder à un poste à responsabilité sans l'aval du parti, les médias sont entièrement sous contrôle et surtout le PCC a compris que pour contrôler les masses il fallait s'appuyer non plus sur des organisations communistes mais sur l'industrie du spectacle et les loisirs. Le continent asiatique a toujours été marqué par des régimes autoritaires et despotiques à telle enseigne qu'on a mis au point la notion de despotisme oriental. Cette notion a été mise au point par l'historien Karl Wittfogel (fortement inspiré par Karl Marx qui avait défini un mode de production asiatique). Pour cet auteur, le despotisme oriental était une évidence car il fallait des états très centralisés pour gérer efficacement des sociétés fondées sur l'agriculture et l'irrigation (Empires hydrauliques). 
  • C'est pourquoi le sociétés asiatiques comme la Chine impériale étaient basées sur une bureaucratie très présente et un pouvoir d'état fort. Pour plusieurs spécialistes, un tel système aurait empêché la formation d'une véritable bourgeoisie commerçante et industrielle comme en Occident. On retrouve dans l'histoire récente de l'Asie ce type de régimes où les états sont bureaucratiques et militaires. Plusieurs états ont été dirigés par des juntes militaires comme la Thaïlande, l'Indonésie du temps de Suharto ou encore jusqu'à une date très récente le Myanmar. L'armée a également marqué de son empreinte Taïwan au moins entre 1949 et 1987, la Corée du Sud de 1961 à 1987... 
  • Dans certains états, un parti a pu être hégémonique comme le Parti d'action populaire à Singapour avec à sa tête Lee Kwan-Yew. Ainsi, en Thaïlande, l'armée a toujours joué un rôle important même si elle est officiellement une monarchie. Actuellement, c'est un militaire qui est le 1er ministre : le général Chan-Ocha. L'armée a pris le pouvoir en mai 2014 et a suspendu la Constitution. C'est donc une junte militaire qui dirige le pays par le biais d'un Conseil national pour la paix et l'ordre, un CNPO qui concentre tous les pouvoirs. Après la seconde guerre mondiale, l'armée avait à plusieurs reprises pris le pouvoir comme en 1957. Entre 1973-76, une tentative démocratique a tourné court avec un nouveau putsch militaire en 1976. La démocratie a néanmoins fait un retour à la fin des années 1980 mais un retour temporaire. En Thaïlande, c'est toujours l'armée qui « veille » sur le pays : le coup d'état de 2014 est tout simplement le 12e depuis la création en 1932 de la monarchie constitutionnelle en Thaïlande en 1932. La Birmanie est dans une logique similaire : ce sont d'ailleurs des militaires qui, en 1989, ont rebaptisé la Birmanie : Myanmar. Officiellement, elle est la République de l'Union de Birmanie.
  •  La Birmanie était un régime militaire depuis 1962 suite à un coup d'état du général Ne Win. Celui-ci est renversé en 1988 suite à un important mouvement protestataire mais il est renversé par des militaires qui instaure une nouvelle junte. En 1990, cette junte organise des élections libres gagnées par un mouvement nommé la Ligue nationale pour la démocratie, un mouvement ayant à sa tête Aung San Suu Kyi mais ces élections sont annulées et Aung San Suu Kyi est assignée à résidence. Il faut attendre 2014-2015 pour que les militaires acceptent une transition démocratique : en novembre 2015, le parti de la Ligue nationale pour la démocratie remporte les élections législatives ( plus de 60% des voix). En 2018, un président a été élu par le Parlement : ce président est Win Myint, un proche de Aung San Suu Kyi. Cette dernière a accepté (avait-elle le choix ?) que l'armée garde certaines prérogatives comme de désigner 25% des parlementaires, d'obtenir les postes de ministre de la défense et de ministre de l'intérieur. 

-Mais aussi des démocraties aux caractéristiques spécifiques

  • Plusieurs états ont fait le choix d'une transition vers la démocratie. La Corée du Sud a été un régime autoritaire sous la direction de Syngman Rhee entre 1948 et 1960 puis de Park Chung-Hee entre 1962 et 1979. Ce dernier avait participé à un coup d'état en 1961 avant en 1962 d'accéder au poste de président : il est à la tête d'une véritable dictature militaire (Park Chung-Hee est assassiné en 1979). Dans les années 1980, d'importantes manifestations ont lieu contre ce régime qui finit par se démocratiser à partir de 1987. aujourd'hui, la Corée du Sud est une démocratie avec un Président élu pour 5 ans et un Parlement élu pour 4 ans. L'actuelle Président est une présidente, Park Geun-hye, membre du parti conservateur coréen et fille du dictateur Park Chung- hee évoqué plus haut. Singapour, la cité-état indépendante depuis 1965, a été dirigé jusqu'en 1990 par Lee Kwan-Yew (il était déjà premier ministre en 1959) avec comme appui son parti : le parti d'action populaire. Il démissionne en 1990. Son fils, Lee Hsien Loong est devenu 1er ministre en 2004 et l'est encore. Singapour depuis 1965 n' a eu que trois premiers ministres appartenant toujours au même parti. Néanmoins, il y a bien à Singapour une Assemblée de 89 membres élus pour 5 ans et il existe officiellement 14 partis politiques bien que le parti d'action populaire soit ultra-dominant puisque ce parti a obtenu aux élections législatives de 2015 83 des 89 sièges à pourvoir et le parti des travailleurs en obtient 6. Nous sommes donc en présence d'une démocratie pour le moins atypique. L' Inde est, par contre, considérée comme la plus grande démocratie du monde (par son poids démographique).
  •  L' Inde est une fédération, l'Union indienne, de 29 états auxquels s'ajoutent 7 territoires directement administrés par New Delhi. Lors des dernières élections ayant eu lieu en 2014 (élections législatives en avril 2014), 814 millions d'électeurs étaient concernés ( 551 millions de votants). Les électeurs élisent leurs représentants au niveau fédéral et au niveau des différents états. Il faut savoir que sont identifiés dans ce pays 1987 partis politiques nationaux ou purement régionaux. L' Inde est une République parlementaire fédérale avec un Président élu au suffrage universel indirect pour 5 ans (Rab Nath Kovind depuis 2017 du parti national du Congrès) ayant peu de pouvoirs et d'un gouvernement avec un 1er ministre qui est le véritable pivot du pouvoir exécutif (le 1er ministre est Narenda Modi depuis mai 2014 membre du parti nationaliste le Bharatiya Janata Party) et un parlement composé de deux chambres dont la plus importante est la Lok Sabha (Chambre du peuple), une chambre élue au suffrage universel direct pour 5 ans et la Rajiy Sabha (Chambre des états). Dans chaque état, le pouvoir est détenu par un gouverneur nommé par le président indien et d'un ministre en chef en plus d'une Assemblée législative. L' Inde est bien une démocratie comparable à n'importe quelle démocratie occidentale. 

b/ Des enjeux et tensions territoriales fortes

Le continent asiatique n'échappe pas aux tensions entre états. Les enjeux géopolitiques sont multiples et on retrouve en Asie les mêmes logiques qu'ailleurs de tensions territoriales, d'enjeux liés aux frontières et plus récemment de tensions par rapport aux espaces maritimes. L' Asie est un continent multipolaire dont les divisions sont réelles avec des tensions à la fois externes et internes. 

 -des enjeux géopolitiques majeurs aux implications régionales voire mondiales

  • Le continent asiatique est un continent marqué par de fortes rivalités historiques et géopolitiques mais toujours actuelles comme la rivalité Inde/Chine, Chine/Japon, Chine/Vietnam, Inde/ Pakistan... Les zones de tensions et de conflits sont particulièrement importantes qu'elles soient comme le disent les spécialistes de fortes ou de faibles intensités. Ces tensions peuvent avoir une dimension locale, régionale voire mondiale ce qui complexifie les situations. Ce continent est l'objet de rivalités entre puissances régionales qui n'ont pas les mêmes intérêts et objectifs. Les trois puissances régionales que sont la Chine, l'Inde et le Japon ont des intérêts divergents. Les relations entre l'Inde et la Chine depuis les années 1950 ont alterné et alternent entre chaud et froid. Quant aux relations entre la Chine et le Japon, elles ne sont pas dénuées de paradoxes. Le continent asiatique ne concerne pas que les états asiatiques mais aussi d'autres acteurs mondiaux. La fin de la guerre froide n'a pas simplifié la donne asiatique. Certes, la Russie joue un rôle moindre sur ce continent par rapport à l'URSS mais les E.-U maintiennent une stratégie et une influence sur cette partie du monde notamment par crainte de la volonté de puissance de la Chine et par souci d'être un point d' appui et une aide pour des alliés importants que sont le Japon, la Corée du Sud ou encore Taïwan. 
  • Pour les E.-U., il faut également poursuivre la lutte contre l'islamisme qui est également présent en Asie : les E.-U sont d'ailleurs toujours engagé en Afghanistan. L' Asie est incontestablement pour les E.-U un enjeu fondamental à la fois politiquement et économiquement comme le prouve la présidence Obama qui s'est davantage tournée vers l'Asie. Au niveau économique, l' Asie représente le tiers du commerce des E.-U. Et une partie non négligeable de sa dette avec deux créanciers majeurs que sont la Chine et le Japon et de son déficit commercial : les E.-U sont donc liés économiquement à l'Asie. Le projet américain de traité de libre-échange transpacifique en est une illustration à la fois comme moyen de limiter la puissance économique chinoise et comme instrument d'expansion économique tournée vers une aire pacifique particulièrement dynamique. Stratégiquement, l' Asie est également importante pour les Américains ce que montre sa forte présence militaire par l'intermédiaire de bases militaires en Corée du Sud ou au Japon, la présence d'une partie de sa flotte avec d'ailleurs le projet de concentrer les deux tiers de la flotte US en Asie-Pacifique d'ici 2020 sachant qu'en 2013 déjà 180 bâtiments de cette flotte étaient présents dans cette zone. Dans cette optique, depuis 2014, les Philippines sont redevenus le pivot des E.-U en Asie du Sud-Est comme le prouve le nouvel accord de défense signé entre les deux états en 2014 précisément (l'autre point d'ancrage étant Singapour). Depuis octobre 2015, les E.-U ont également renforcé la présence de navires en mer de Chine provoquant la colère de cette dernière. L' Asie orientale est devenue un espace de tensions grandissantes et un point chaud non seulement entre la Chine et les E.-U mais également entre la Russie, le Japon et toujours la Chine. Elle est d'abord un espace de tensions entre le Japon et la Chine, deux puissances rivales. Ces tensions sont également liées à un passé difficile entre les deux états.
  •  La guerre entre la Japon et la Chine en 1894-1895 avait vu la défaite de la Chine et un Japon vainqueur qui s'était emparé de Taïwan. Plus prégnant pour la Chine sont les années 1930 quand le Japon prend possession de la Mandchourie en 1931 puis déclare la guerre à la Chine en 1937, une guerre où l'armée japonaise commet de terribles atrocités comme les massacres de Nankin ou les expériences médicales conduites par l'unité 731 pendant ce conflit. Or, encore aujourd'hui, le Japon refuse de reconnaître ses crimes et d'en assumer la responsabilité ce qui pour les chinois est inadmissible. Quant à la Russie, elle est encore présente en Asie et le problème des îles Kouriles possession russe depuis 1945 et revendiquées par le Japon n'est pas réglé. On peut aussi rappeler les points de frictions entre la Chine et la Russie notamment concernant des litiges frontaliers concernant les fleuves Amour et Oussouri (voir les incidents militaires à ce sujet de l'année 1969). Ces litiges semblent réglés par une série d'accords notamment des protocoles signés en 1999 concernant notamment plus de 2 400 îles du fleuve Amour qui sépare les deux états et un peu plus tard des accords en 2004 et 2008 règlent les derniers problèmes. De plus, depuis le début des années 2000, la Chine et la Russie ont négocié avec en particulier la création en 2001 de l'Organisation de coopération de Shanghai réunissant les deux états ainsi que les états d'Asie centrale que sont le Kazakhstan, l'Ouzbékistan, le Tadjikistan et le Kirghizistan. Un enjeu important est la question de Taïwan qui implique d'ailleurs la Chine.
  •  Cette dernière considère toujours Taïwan comme une province chinoise et maintient une proposition faite en 1979 d'un « pays, deux systèmes » par lequel Taïwan intégrerait la Chine tout en conservant son système or Taïwan refuse cette proposition. Toujours en Asie orientale demeure le problème coréen entre la Corée du Nord et la Corée du Sud : il s'agit dans ce cas d'un « résidu » de la guerre froide. La Corée du Nord pose problème à la communauté internationale et à la Corée du sud parce qu'elle dispose de l'arme nucléaire et procède à de fréquentes intimidations par rapport à son voisin. Il faut souligner que le nucléaire est également un enjeu important de la géopolitique régionale. L' Asie du Sud est également une source de tensions internes et externes. Au niveau des tensions internes, les guerres civiles au Sri Lanka ou au Népal en sont des exemples terribles. Au Sri lanka dont la population se compose de Cinghalais (majoritaires à 75% et bouddhistes) et de Tamouls sri -lankais (18% qui sont hindouiste ou pour certains musulmans) auxquels s'ajoutent des Tamouls ayant migré d'Inde (5%), les relations ont été très tendues ce qui a généré une guerre civile. Lorsque le Sri Lanka est devenu indépendant en 1948, la majorité cinghalaise a pris le contrôle du pouvoir politique et économique. Les Tamouls sur qui les colonisateurs anglais s'étaient appuyés pendant la colonisation ont été progressivement discriminés avec un accès rendu difficile à la fonction publique et des Cinghalais qui ont tenté d'imposer leur culture, leur langue... 
  • C'est pourquoi des tamouls ont fondé en 1972 un mouvement le Tamil United Liberation Front qui va revendiquer un état indépendant. En 1976 est fondée une autre organisation : Liberation Tigers of Tamil Eelam (Tigres de libération de l'Eelam Tamoul) qui réclame également un état indépendant dans le Nord-Est de l'île et va, à partir de 1983 mener une guerre de « libération ». Une guerre civile se déclenche qui ne prend fin qu'en 2009, l'armée cinghalaise ayant reçu un appui en armes de la Chine et du Pakistan. Cette guerre est responsable de la mort d'au moins 80 000 personnes et le problème de fond n'est pas réglé. Quant au Népal, il a subi une longue guerre civile avec une guérilla maoïste de 1996 à 2006 : des accords de paix ont été signés en 2006 avec même des élections libres en 2008 gagnées par les maoïstes pour quelques mois. La monarchie est supprimée et le Népal devient une République. Mais le foyer de tensions le plus inquiétant dans cette partie de l' Asie est celui concernant l'Inde et le Pakistan. Ce conflit est notamment lié à la question du Cachemire. En 1947, la partition de l'Inde donne naissance à l'Union indienne et au Pakistan. La région du Cachemire, le Jammu-et- Cachemire est un état princier majoritairement musulman mais son Maharadjah, Hari Singh qui est hindou, hésite à choisir avant d'opter pour l'Inde et demande une aide militaire indienne. En 1948, se déclenche la première guerre indo-pakistanaise qui s'achève en 1949. 
  • L' ONU agit sur demande de l'Inde fixant une ligne de cessez-le-feu : cette ligne devient une frontière séparant le cachemire en deux entités : le Jammu-et-Cachemire, état fédéré de l'Union indienne et l'Azad Cachemire appartenant au Pakistan. Etait également prévu pour les habitants du Jammu-et- Cachemire un référendum qui n'aura jamais lieu. En 1965 suite à des incidents frontaliers, un second conflit éclate entre les deux pays. Un troisième conflit se déroule mais cette fois-ci à l'occasion de la sécession du Pakistan oriental en 1971qui devient le Bangladesh, ce dernier étant soutenu par l'Inde. Ce conflit récurrent entre l'Inde et le Pakistan inquiète car les deux états ont l'arme nucléaire : l'Inde depuis 1974 et le Pakistan depuis 1998. Parallèlement, au Jammu-et- Cachemire s'est développé un mouvement séparatiste soutenu par le Pakistan : le Front de Libération du Jammu-et-Cachemire. En 1999, se déclenche un énième conflit entre les deux états : le conflit dit des glaciers à Kargil suite à l'infiltration de soldats pakistanais et d'islamistes de l'autre côté de la frontière. Avec l'Inde et le Pakistan, nous sommes en présence de deux nationalismes hostiles. On peut évoquer l'enjeu du terrorisme et de l'islamisme présents en Asie. Plusieurs états sont concernés : les Philippines, l'Indonésie, la Malaisie, la Thaïlande notamment. En Indonésie, est fondée la Jemaah Islamiyah (la communauté islamique) en 1993 dont l'objectif est de créer un état islamique qui comprendrait l'Indonésie, la Malaisie et les îles du sud des Philippines. Ce mouvement est à l'origine de plusieurs attentats dont des attentats à Bali en 2002 et 2005 ou encore des attentats en 2009 à Jakarta. 
  • Ont également été fondé en Indonésie, le mouvement Laskar Jihad en 2000, un mouvement islamiste et anti-chrétien ou The Islamic Defenders Front en 1998, un mouvement radical voulant instaurer la Charia dans toute l'Indonésie. Aux Philippines, c'est le mouvement Moro Islamic Liberation Front qui est présent et lutte notamment pour qu'une partie du sud des Philippines fasse sécession (notamment les îles où la communauté musulmane est présente dont l'île de Mindanao ou l'archipel de Sulu). Est né également aux Philippines le groupe Abu Sayyaf en 1991. En Thaïlande où vivent 5% de musulmans d'origine malaise dans le sud (région de Pattani à proximité de la Malaisie) s'est développé un mouvement séparatiste avec notamment un mouvement islamiste : Pattani Islamic Mujahadeen Movement qui a lancé un Jihad contre l'armée Thaïlandaise et la junte au pouvoir ainsi que contre les bouddhistes majoritaires en Thaïlande. Certains conflits internes ont des effets plus globaux. C'est le cas de conflits dont la dimension religieuse est indiscutable (sans revenir sur la question qui vient d'être évoquée de l'islamisme). Les tensions en Inde entre les communautés Hindouistes, Musulmanes et Chrétiennes mais aussi avec les Sikhs sont révélatrices des dissensions religieuses. Le conflit entre Philippins a une dimension religieuse puisqu'il oppose la majorité chrétienne à une minorité musulmane. 
  • On peut aussi mettre l'accent sur les fortes tensions au Pakistan entre musulmans sunnites (majoritaires) et musulmans chiites. Le cas du Cachemire déjà abordé est révélateur du poids du religieux : la région de Srinagar est emblématique de cette situation avec des sunnites majoritaires mais aussi la présence de sikhs et d'hindous. Le Nord du Cachemire est quant à lui symbole d'un islam clivé avec 74% de chiites mais qui n'appartiennent pas à la même branche avec 67 % de chiites ismaéliens et de 33% de chiites duodécimains et 26% de sunnites. Certains mouvements séparatistes ont une dimension religieuse comme c'est le cas aux Philippines ou dans la province du Xinjiang en Chine. Il existe également des enjeux de l'ordre du symbolique mais qui sont jugés fondamentaux comme la reconnaissance des crimes de guerre commis par le Japon lors de la Seconde guerre mondiale en Chine ou en Corée. Le sanctuaire Yasukuni est à cet égard emblématique de ce type d'enjeux. Le sanctuaire du Yasukuni (Yasukuni-Jinaja soit le « sanctuaire shintô du pays apaisé ») est un sanctuaire shintô créé en 1869 où est célébrée la mémoire des soldats tués au combat, morts pour la patrie et donc ayant donné leurs vies pour l'Empereur... Ce sanctuaire est un lieu de mémoire mais aussi le symbole du nationalisme japonais : il gère un musée, le Yushukan. Il est surtout devenu un enjeu après la Seconde guerre mondiale lorsqu'on était intégrés à ce lieu des criminels de guerre japonais comme le général et 1er ministre Tôjô Hideki (jugé et condamné à mort en 1948). 
  • Le musée et le site sont considérés comme des lieux du nationalisme nippon mais également comme des lieux du révisionnisme historique du Japon. A aucun moment dans ce musée ne sont reconnu ou encore moins exposés les crimes de guerre de l'armée nippone. Ce sanctuaire s'intègre dans une révision de l'histoire où les Japonais ne se considèrent pas comme responsables du conflit avec la mise en valeur d'un Japon contraint de faire la guerre notamment pour libérer l'Asie de la tutelle occidentale. L'actuel parti au pouvoir, le parti Libéral Démocrate (PLD) tout comme l'extrême- droite se servent de ce lieu pour réactiver le nationalisme. Les années 2010 ont été marquées par de fortes tensions au sujet du Yakusuni notamment parce que des ministres se sont rendus sur ce lieu. Pour la Chine mais aussi la Corée du Sud, ce type d'agissements est une provocation : ces deux états attendent toujours du Japon une reconnaissance des crimes commis. 

 - avec des tensions territoriales et frontalières majeures 

  • Pour reprendre ce qu'affirmait Michel Foucher dans son livre Fronts et frontières sur l'Asie, « tout se passe comme si les états ne considéraient pas les tracés frontaliers actuels comme définitifs » et cela vaut tant pour les tracés frontaliers qu'ils soient terrestres ou maritimes. On dénombre environ une quarantaine de frontières étatiques de près de 56 000 km et approximativement 20% de ces frontières sont des objets de litiges. L' Asie est organisée autour de 40 dyades c'est-à-dire des tronçons de frontières commun à deux états. Une dyade sur laquelle nous reviendrons est toujours l'objet de tensions étatiques fortes à savoir la frontière entre l'Inde et le Pakistan. Il faut préciser qu'en Asie hormis quelques cas rares, les frontières ont généralement fait l'objet de traités même si moins de la moitié de ces frontières sont clairement délimitées sur le terrain. Il existe également une zone frontalière particulière la Demilitarized Zone (DMZ) entre les deux Corée. 
  • Historiquement, la notion de frontière ne date pas de la période coloniale : ainsi, dès le VIIIe siècle, un traité définit les frontières entre la Chine et le Tibet. Par contre, à l'inverse de ce qu'a fait l' OUA en Afrique en 1963, aucune organisation régionale n' a procédé à une analyse des frontières et surtout à la promotion de frontières intangibles. On peut aussi préciser qu'une partie des frontières sont liées au poids de trois systèmes impériaux : la Chine, la Russie et l'Inde (ils contrôlent environ 50% des frontières continentales. 66% des frontières de l' Asie sont antérieures à la Seconde guerre mondiale (16% à 1857). Ainsi, la frontière entre la Russie et la Chine est liée à l'expansion territoriale de la Russie des Tsars au détriment de la Chine (traité de Nertchinsk en 1689, de Saint-Pétersbourg en 1881). La délimitation de nombreuses frontières est toutefois le fruit des Empires coloniaux : des Empires qui ont même favorisé l'émergence d'états dans la perspective de créer des états dits tampons afin d'éviter les risques de conflits entre puissances coloniales : l'Afghanistan, le Népal, le royaume de Siam ou Thaïlande ont joué ce rôle. La frontière la plus contestée est celle entre le Pakistan et l'Union indienne suite à l'indépendance de 1947 en particulier au sujet du Cachemire.
  •  Les deux états ont tout de même 2940 km de frontières. La région du Cachemire est une région à majorité musulmane même si les élites sont plutôt hindoues. C'est également un « château d'eau » ce qui ajoute un élément aux tensions. La Chine a toujours contesté et conteste encore les frontières tracées lors des traités inégaux imposés en particulier par les Britanniques au 19e siècle. Il faut aussi préciser que certaines frontières sont le résultat d'une histoire tourmentée liée à la guerre froide, une guerre qui a produit des frontières politiques et idéologiques sources de tensions comme entre la Corée du Nord et la Corée du Sud. Certaines tensions sont internes et impliquent des acteurs non étatiques à savoir des peuples et leurs organisations... Il faut aussi insister sur le fait qu'il n'existe pas en Asie une organisation unique sur le continent mais plusieurs structures. Au niveau interne, la construction et la formation des différents états a laissé des zones d'ombres et des difficultés quant aux tracés des frontières avec dans certains cas des peuples marginalisés ou des peuples « à cheval » sur plusieurs états et qui ont des difficultés à se reconnaître dans un état comme les Pachtouns se localisant à la fois en Afghanistan et au Pakistan. Les frontières asiatiques peuvent être la résultante d'une histoire ancienne c'est le cas pour des états comme la Chine ou le Vietnam qui par leur histoire (rôle des royaumes et Empire) ont fixé des frontières de longue date comme la frontière entre la Chine et la Corée, une frontière de plus de 1400 km correspondant au cours de deux fleuves : le fleuve Yalu et le fleuve Tumen. Certes, cette frontière a été mouvante au cours des siècles puisque le royaume coréen du 5e-8e siècles après J-C de Koguryo contrôlait la Mandchourie (et même l'actuelle région russe de Vladivostok) mais les actuelles frontières correspondent peu ou prou à celles de l'Empire chinois des Yuan ( 1279-1368). Il y a néanmoins un litige frontalier concernant le mont Paektu, le plus haut sommet de la région (2744m) , une montagne sacrée pour les Coréens (liée au premier royaume coréen de Choson) mais également une montagne et sa région considérées comme le berceau géographique du peuple mandchou fondateur de la dernière dynastie chinoise. Ce mont est également pour la Corée du Nord, le « mont sacré de la révolution » car correspondant à une zone géographique où Kim Il- Sung, le « père fondateur de la Corée du Nord » a lancé sa guérilla communiste dès les années 1930. La Chine et la Corée du Nord se sont partagés tant que bien que mal la région du mont Paektu sans que la question soit complètement réglée. Une querelle étonnante est celle opposant le Cambodge et la Thaïlande au sujet de Preah Vihear, un temple situé au Cambodge dans la province du même nom. 
  • Ce temple, construit au 9e siècle après J-C par l'Empire Khmer, est situé sur une ligne de crête des monts Dangrek source d'un litige entre la Thaïlande et le Cambodge. Dans son histoire, ce temple a parfois appartenu au royaume de Siam (Thaïlande) et dans d'autres configurations historiques au Cambodge. Avec la colonisation du Cambodge par la France, les fonctionnaires français qui délimitèrent les frontières (1907) attribuèrent le temple au Cambodge alors colonie française. Cette situation a été confirmée en 1962 par la Cour internationale de justice même si la Cour n'a pas clairement défini le territoire sujet du litige, un territoire de seulement 5 km carré !!! 
  • La question est toujours d'actualité surtout que l'UNESCO a classé le temple au patrimoine mondial en 2008 comme site cambodgien. En 2011, des incidents ont eu lieu à la frontière en question (18 morts) et la Cour internationale de justice est à nouveau intervenue en 2013 (à la demande du Cambodge) sur une superficie de 0,3 km carré attribuée au Cambodge mais les deux états sont encore en conflit sur une zone de 4,7 km carré. Par contre, plusieurs frontières sont le résultat de la colonisation et des traités dits inégaux du 19e siècle imposés par les puissances occidentales et on peut donc parler de frontières post- coloniales. Dans l'ensemble, les états asiatiques n'ont pas remis en question ces frontières hormis dans quelques cas. Comme nous l'avons vu, la Chine a remis en question la frontière avec l'URSS au niveau des fleuves Amour et Oussouri, des litiges aujourd'hui réglés. Le problème de la frontière terrestre (une frontière de 1300 km) entre la Chine et le Vietnam est également réglé depuis un accord signé en1999, accord reprenant les bases d'accords signés entre la France lors de sa conquête de l'Indochine et la Chine entre 1887 et 1895.Il faut aussi souligner que les frontières avec les états d'Asie centrale nés de l'éclatement de l'URSS en 1991 sont réglés par des accords avec le Kazakhstan en 1994, le Kirghizstan en 1996, le Tadjikistan en 1999...
  • Par contre, il existe encore des problèmes entre la Chine et l'Inde qu'il convient d'évoquer. La Chine dans les années 1960 a contesté la frontière entre elle et l'Inde concernant notamment la possession par l'Inde de l' Arunachal Pradesh, un territoire attribué à l'Inde alors coloniale en 1914 par la ligne Mc Mahon. Cette ligne frontière était le résultat de la séparation entre l'Inde britannique et le Tibet, une ligne jamais reconnue par la Chine y compris la Chine populaire et ce d'autant plus qu'elle a pris le contrôle du Tibet en 1950. L' Arunachal Pradesh est un état indien ayant une frontière de 1080 kms avec la Chine. En 1962, ces tensions aboutissent à un véritable conflit : l'armée chinoise occupe le territoire de l'Aksaï Chin au Cachemire ainsi que l' Arunachal Pradesh. La Chine a fini par se retirer de l' Arunachal Pradesh dont elle revendique encore la possession (elle nomme cette région le Tibet du Sud) mais a gardé par contre le territoire de l'Aksaï Chin, encore revendiqué par l'Inde comme partie intégrante du Jammu-et-Cachemire (le Pakistan a cédé à la Chine en 1963 également un territoire : le versant nord du Karakoram). Toutefois, en 2005, la Chine et l'Inde ont signé un accord pour tenter de régler les différends frontaliers mais le problème demeure avec toujours une forte concentrations de troupes de deux côtés de la frontière. Il existe d'autres zones de tensions en Asie. La question et le conflit du Timor oriental est un des ces zones. Le Timor oriental était une colonie portugaise qui accède à l'indépendance en 1975 : un Timor qui revendiquait son indépendance par le biais du Frente Revolucionaria do Timor (FRETELIN), un mouvement de gauche. 
  • Mais les E.-U et l'Australie, dans le cadre d'une guerre froide toujours présente et même ravivée par l'expansion communiste des années 1970, sont inquiets d'un Timor devenu indépendant et contrôle par un parti marxisant et lorsque l'Indonésie envahit le Timor, les E.-U laissent faire. L' Indonésie prend le contrôle du Timor (les ha bitants du Timor sont à 80% catholiques) en décembre 1975 avec un FRETELIN qui oppose une résistance et développe une guérilla conduite par un leader charismatique : Xanana Gusmao. En 1976, le Timor est donc annexé par l'Indonésie, une annexion non reconnue par l'ONU. L' Indonésie a mené une répression terrible et a tenté « d' indonésianiser » le Timor : celui-ci étant devenu la 27e province de l'Indonésie sous le nom de Timor Timur. La langue portugaise est interdite au profit du bahasa indonesia, la langue officielle de l'Indonésie, le système éducatif indonésien est imposé... La résistance timoraise se développe tout comme la répression et en novembre 1991, la fusillade du cimetière de Santa Cruz de Dili (et les images qui en résultent) avec plus de 300 victimes a provoque un tollé international. 
  • Cette médiatisation conduit les E.-U à repenser leur politique à l'égard de l'Indonésie. L'arrestation du leader Gusmao par l'Indonésie accentue la contestation (Nelson Mandela lui rend visite en 1997 ce qui est une formidable « publicité » pour lui et son mouvement). En 1996, l'attribution du prix Nobel de la paix à monseigneur Belo et à José Ramos Horta renforce la cause indépendantiste. En 1999, le président indonésien Jusuf Habibie promet l'autonomie mais à condition que le Timor reste une province indonésienne. L'armée indonésienne se retire mais soutient des milices faisant régner la terreur. 
  • Finalement, l'Indonésie devant la pression internationale autorise un référendum qui se tient en août 1999 : plus de 98% des votants demandent l'indépendance et 78% refusent l'intégration à l'état indonésien. Suite à ce référendum, les milices indonésiennes commettent de multiples exactions et le Conseil de sécurité de l'ONU envoie une force d'interposition malgré l'opposition de l'Indonésie. Le Timor oriental devient indépendant en 2002. Aujourd'hui, le Timor oriental est un état de 15 000 km carré avec1,1 million d'habitants mais c'est un état pauvre avec un PIB par habitant inférieur à 500 dollars et 41% des Timorais vivent sous le seuil de pauvreté. Néanmoins, il s'avère être un état intéressant au niveau géostratégique car il existe dans la mer de Timor d'importants gisements d'hydrocarbures dont 20% sont contrôles par l'état du Timor (l'essentiel est sous le contrôle de l'Australie). Un autre élément important est le détroit de Wetar séparant la côte nord du Timor et l'île de Wetar (île indonésienne de la province des Moluques). Ce dernier est une route maritime permettant de traverser en eaux profondes (très intéressant pour les sous-marins de guerre) cet immense ensemble d'archipels que sont les Philippines, l'Indonésie et la Malaisie et de transiter de l'océan Indien à l'océan Pacifique

 c/Les espaces maritimes : une nouvelles source de conflictualité 

 - Les enjeux des espaces maritimes 

  • De nouvelles sources de tensions concernent les espaces maritimes. Ces derniers sont devenus des espaces fondamentaux pour plusieurs raisons. Ces espaces, comme la mer de Chine et plus globalement les mers de ce continent, sont au cœur d'un espace devenu l'un des centres de gravité majeur de l'économie mondiale. Ce sont également des espaces où se trouvent des ressources notamment en hydrocarbures mais aussi des ressources halieutiques d'où l'intérêt porté par les puissances régionales asiatiques. Certains espaces sont également des points de passage fondamentaux permettant les flux pétroliers en provenance du Golfe persique : le détroit de Malacca est l'exemple type du point de passage à sécuriser. Ces « points nodaux » du commerce international sont essentiels également dans le cadre d'une économie globalisée où 80% des échanges sont maritimes. 
  • Pour éviter tensions et conflits (en théorie du moins), la conférence de Montenego Bay qui s'est tenue en Jamaïque en 1982 a permis la création d'une convention des Nations unies sur le droit de la mer (CNUDM). Cette convention a découpé les espaces maritimes en zones dont les zones exclusives maritimes jusqu'à 200 milles des côtes (340 kms) à partir des littoraux et des îles., une zone de haute mer où la liberté de navigation est garantie et le libre passage des différents détroits. C'est la mer de Chine méridionale qui pose le plus de problèmes (South China Sea),une zone de 1,3 millions de km carré riche en différentes ressources (halieutiques et en hydrocarbures) : cette zone est très grande partie revendiquée par la Chine. 

 - sources de litiges et tensions inquiétants

  • Néanmoins, les tensions existent et peuvent être considérées comme inquiétantes. L' Asie maritime est un bon exemple de ce type de tensions. On relève des tensions entre la Chine et la Japon notamment au sujet de petites îles appelées Senkaku par les Japonais et Diaoyu par les Chinois (archipel de Nansei), des îles appartenant au Japon depuis leur achat en 2012 à un propriétaire privé mais sont revendiquées par la Chine et à mi-chemin entre Taïwan et l'île nippone d'Okinawa. Dans ce conflit, le Japon a le soutien de l'allié américain. Cette zone maritime est riche en ressources halieutiques mais aussi en hydrocarbures. Pour la Chine, cette zone est jugée « d'intérêt vital » au même titre que le Tibet, la province du Xinjiang ou Taïwan. La Chine, selon une expression utilisée par des experts américains, développerait la stratégie dite du « collier de perles » visant à développer des bases navales et portuaires qui seraient autant de points d'appui stratégiques entre la mer de Chine et le golfe d'Aden. Dans ce système de points d'appui ou de perles, on trouve le port chinois de Sanya sur l'île d'Hainan (base militaire), l'île Woody (base en partie militaire) dans les Paracels, Sihanoukville au Cambodge avec qui l'état chinois a signé des accords, Sittwe et Kyaukyu en Birmanie, Chittagong au Bangladesh, Gwadar au Pakistan et Port- Soudan au Soudan. 
  • De plus, la Chine a développé une politique en faveur d'états comme les Seychelles ou les Maldives par des aides financières au développement. Cette stratégie s'inscrit notamment dans une sécurisation des routes maritimes. En 2013, le président chinois Xi Jinping a proposé aux états membres de l' ASEAN mais aussi à l'Inde un projet d'une « route de la soie maritime du XXIe siècle », un projet dont les objectifs seraient de développer la coopération notamment sécuritaire concernant les routes maritimes. Autre point de discorde entre la Chine, le Vietnam et Taïwan mais aussi les Philippines, la Malaisie ou le sultanat du Brunei, les îles Spratleys et Paracels qui sont des archipels coraliens des archipels riches en ressources également. Cette zone est jugée stratégique pour la Chine qui construit sur l'île chinoise d'Hainan une base de sous-marins.
  •  La mer de Chine méridionale est donc un enjeu d'importance surtout que la Chine considère cet espace comme une mer intérieure chinoise et revendique l'ensemble des archipels de cette mer. Ces archipels comme les îles Senkaku/Diaoyu sont l'objet de rivalités sur le nom : les Vietnamiens par exemple nomment les Paracels Hoang Sa alors que les Chinois utilisent l'expression Xisha ; pour les Spratleys, le Vietnam utilise l'expression Truong Sa et les Chinois Nansha. Le problème de ces archipels est complexe sachant que ce sont des îlots de dimension réduite ou des atolls (dont certains ne sont à découvert qu'à marée basse). Un état qui annexerait ces îlots agrandirait fortement sa ZEE notamment en vue d'exploiter le pétrole off shore. L'archipel des Paracels se localise à 350 km de Da Nang au Vietnam comprenant une quinzaine d'îlots et s'étend sur 15 000 km carré. Il est donc revendiqué par le Vietnam, la chine et Taïwan. En 1974, la Chine profitant de la guerre du Vietnam a contraint les forces du Sud Vietnam alors en lutte contre les communistes à quitter les Paracels. Quant aux Spratleys, l'archipel est constitué d'un nombre d'îlots et d'atolls mal définis (entre 190 et 600!) sur plus de 160 000 km carré revendiqué en totalité par la Chine et partiellement par le sultanat du Brunei, le Vietnam, Taïwan, les Philippines et la Malaisie. Quelques îlots sont d'ailleurs occupés militairement par le Vietnam (27), les Philippines (9), la Chine (9), la Malaisie (3) et Taïwan (1). 
  • Les états appuient leurs revendications jugées légitimes par l'histoire notamment la Chine et le Vietnam. Les Chinois mettent en avant des sources datant dynastiques anciennes (dynastie Han puis Song) mais ce sont des sources littéraires ou administratives peu convaincantes. Ces îles ont, de plus, été sous contrôle du Japon pendant la seconde guerre mondiale et dans l'immédiat après-guerre, la question de ces archipels n' a pas été abordé. Il faut savoir que l'état chinois, par une loi de 1992, s'est approprié ces deux archipels. Pour les Vietnamiens, ces deux archipels auraient été découverts entre les 16e et 19e siècle pendant la dynastie des N'guyen.
  •  De plus, le Vietnam s'appuie, chose étonnante sur l'héritage colonial car en 1933, la France avait pris possession des Spratleys. On le voit se servir de l'histoire pose problème et surtout ne résout en rien la situation. En fait, la question de ces archipels est révélatrice de plusieurs enjeux notamment des enjeux politiques liés à des nationalismes de plus en plus vivaces et à une concurrence entre puissances régionales. Les enjeux économiques sont également fondamentaux par les ressources de cette mer de Chine qu'elles soient halieutiques ou en hydrocarbures notamment en gaz (les ressources en pétrole paraissent moins évidentes). Les principaux gisements pétroliers sont davantage présents au large de Bornéo ou dans les eaux territoriales de la Malaisie et du Brunei (que la Chine revendique également). Néanmoins, le Vietnam exploite déjà du pétrole dans les Spratleys (la Chine a quant à elle installé des plateformes de forage au sud des Paracels). Un enjeu clé est également l'enjeu géostratégique surtout pour la Chine : la mer de Chine méridionale étant au débouché du détroit de Malacca et à proximité du port de Singapour, une route maritime essentielle pour les économies d'Asie. Il faut ajouter que les E.-U n'ont pas intérêt à voir une Chine imposer ses vues et prétentions dans cette zone. Ces prétentions chinoises ont d'ailleurs renforcé les liens des membres de l'ASEAN et même, ironie de l'histoire, des nouveaux liens entre le Vietnam et les E-U. On peut enfin signaler le problème de l'archipel de Scarborough d'une superficie de 150 km carré que se disputent la Chine, Taïwan et les Philippines. 
  • La Chine avait pris possession de cet archipel en 1935 mais les Philippines considèrent que l'atoll est Philippin (depuis le 16e siècle et la colonisation espagnole) : un atoll occupé militairement par la Chine depuis 2012. Le rapprochement entre les Philippines et les E.-U de 2014 s'inscrit dans cette logique de tensions avec la signature de l'Enhanced Defense Cooperation Agreement (l' US Navy peut à nouveau utiliser une base navale près de Manille). Les Etats-Unis jouent donc un rôle important dans cette géopolitique régionale et maritime où sont d'ailleurs présentes les Ve et VII e flottes américaines. En 2020, les E.-U ont prévu de déployer 60% de leur flotte en Asie ce qui est significatif des orientations stratégiques du pays. Enfin ,il faut ajouter que les états concernés par ces tensions développement et investissent dans leurs forces maritimes.

B/ Développement, émergence : une Asie en plein essor et affirmant sa puissance économique


Plusieurs états asiatiques ont réussi leur développement : le Japon dès les années 1960, un Japon qui a pu servir de modèle aux autres, les 4 « dragons » : Corée du Sud, Hong Kong, Taïwan et Singapour qui sont aussi appelés les Nouveaux pays industrialisés d' Asie (NPIA) puis plus récemment la double émergence de la Chine et l'Inde ainsi que l'essor des « bébés tigres » que sont la Thaïlande, la Malaisie, l'Indonésie voir le Vietnam... Il faut néanmoins rappeler que l'Asie dans l'histoire fut en position dominante encore au 16e siècle : une Asie qui, pour reprendre les calculs de l'historien de l'économie Angus Maddison représentait au 16e siècle 60% du PIB mondial dont plus de 30% pour la Chine. C'est à partir de la fin du 18e que s'opère, au sujet de la Chine, ce que Kenneth Pommeranz nomme la « grande divergence » permettant à l'Europe de combler son retard puis de dépasser la Chine, une Chine qui représentait dans les années 1950 moins de 5% du PIB mondial.
 L' Asie pour réussir son développement a opté pour des modes et des stratégies particulières puis a saisi l'importance de l'insertion dans la mondialisation, une insertion d'abord à l'échelle régionale puis à l'échelle mondiale et une Asie qui a compris tout l'intérêt dans ce monde globalisé des façades maritimes, du rôle essentiel des zones portuaires... 
Elle est ainsi devenu un pôle majeur de l'économie mondiale capable de rivaliser (de plus en plus d'ailleurs) avec l'Europe et les E.-U. Entre 1970 et 2015, les richesses créées en Asie ont été multipliées par 5 avec un continent qui est responsable du tiers au moins de la croissance économique mondiale et qui est passée de 15,5% des richesses mondiales en 1970 à plus de 27% actuellement. Comment peut-on expliquer ce développement impressionnant ? Quels sont les facteurs qui ont rendu possible cette croissance et le poids grandissant de l'Asie dans l'économie mondiale ? 

a/ Le développement de l'Asie : le résultat de stratégies efficaces 

-l'Etat : un acteur essentiel du développement

  • Dans la plupart des états asiatiques qui ont réussi ou sont en passe de réussir le développement, l'état a joué et joue un rôle important et ce quelque soit le régime politique des états en question. Un auteur comme Bruno Amable dans son ouvrage Les Cinq capitalismes paru en 2005 a mis en exergue l'importance de l'état en Asie et ses liens avec les grandes firmes. Certains états ont développé des structures pour aider les firmes à se développer comme le MITI (Ministry of International Trade and Industry) au Japon devenu en 2005 le METI (Ministry of Economy, Trade and Industry (voir plus bas). Ce sont les états qui ont conduit le développement s'inscrivant dans une ancienne tradition étatique où l'état jouait un rôle essentiel comme dans le système impérial chinois.. L'état est donc un acteur essentiel du développement, de la croissance et de la modernisation de l'Asie. Le Japon est dans cette optique un cas d'école puisqu'il est devenu pour les autres états asiatiques dès les années 1960-70 un modèle à suivre. Ce rôle de l'état commence dès l'ère Meiji au Japon à partir de 1868 : les élites nippones ont compris que seul l' état et sa volonté pouvaient permettre la modernisation et l'industrialisation du pays et éventuellement de rattraper le retard sur l'Occident des Révolutions industrielles. 
  • C'est ainsi que l'état japonais va créer un système bancaire et financier moderne afin d'aider au développement industriel, être à l'origine de la création de grands groupes industriels tout en mettant fin à un ancien système comme celui des anciennes corporations commerciales qui étaient pour les dirigeants nippons un frein au développement. L'état japonais finance également un réseau de transport performant,procède à la privatisation des terres afin de dynamiser l'agriculture. Cet état prend aussi des mesures protectionnistes pour protéger ses industries naissantes. La Seconde guerre mondiale et la défaite provoquent un coup d'arrêt sérieux à la puissance japonaise : certains s'interrogent même sur sa capacité à rebondir. Or assez rapidement, le Japon va retrouver une dynamique économique particulièrement impressionnante dans les années 1960. Le Japon bénéficie de l'aide américaine dans le cadre de la guerre froide (plan Dodge) : les E.-U ont compris qu'il fallait un Japon dynamique et stable alors que l'Asie s'inscrivait dans le processus de guerre froide avec, qui plus est- une Chine devenue communiste en 1949. Pour réussir ce développement, l'état japonais devient de nouveau un acteur fondamental même si l'économie nippone est une économie capitaliste. Des liens solides unissent l'état, le monde des affaires et les grands groupes notamment avec la création d'un ministère fondamental : le MITI (le ministère de l'industrie et du commerce extérieur). Ce MITI a eu une action déterminante dans le développement industriel et la croissance. Dès les années 1950-60, le MITI a plusieurs missions qu'il remplit avec efficacité : repérer les marchés étrangers intéressants, structurer les approvisionnements de l'économie (notamment au niveau des ressources en matières premières dont le Japon est globalement dépourvu), protéger le marché intérieur afin de limiter une concurrence internationale qui pourrait freiner le développement industriel. C'est le MITI qui définit les secteurs économiques devant être prioritaires (notamment au niveau du budget de l'état) , met au point les éventuelles fusions entre entreprises, mène des études sur les groupes et marchés étrangers afin de détecter ce qui pourrait être porteur pour l'économie...
  • Le MITI a ainsi rapidement compris en observant les E.-U l'importance que vont avoir les nouvelles technologies (en 1957, le MITI est à l'initiative d'un centre d'information sur les sciences et les technologies). Il est également un acteur majeur de l'aménagement du territoire : c'est au MITI qu'on doit le développement des technopoles nippones par le biais du plan Technopolis (1983-1998). le MITI a le pouvoir de mettre en place des mesures protectionnistes (quotas, normes techniques...). Le MITI a encore des fonctions clés sous un autre nom : METI (Ministry of Economy Trade and Industry). Le Japon initie une voie de développement à la fois libérale et dirigiste que l'expression : « Le gouvernement est le capitaine, le zaikai est la boussole » (Zakai = le mondes des affaires) met bien en valeur. L'état japonais participe également à la planification de l'économie (à partir de 1955) en initiant des plans de développement par une Agence de planification économique dont les objectifs sont de coordonner les actions des groupes et de cibler les domaines prioritaires de l'économie. L'accent est aussi mis sur la scolarisation et la formation avec le développement d'un système éducatif qui s'avère performant. 
  • Enfin, l'état japonais, pour favoriser la croissance des groupes nippons, joue sur une fiscalité allégée avec un impôt sur le revenu plutôt faible (le Japon a mis au point une TVA qu'en 1989). Le capitalisme à la japonaise et sa réussite reposent sur les relations fortes entre l'état et les grands groupes : des liens qui s'étaient établis dès l'ère Meiji. A la fin du 19e siècle, émergent donc des groupes puissants appelés Zaibatsu dot la structure est profondément originale. En effet, ces groupes sont organisés autour d'une banque qui est de fait le pivot de la firme, d'entreprises industrielles et d'un secteur commercial destiné à prospecter et développer les marchés qu'on nomme Sôgô Shôsha. Ces firmes s'appuient sur un réseau dense d'entreprises sous-traitantes qui servent d'amortisseurs en cas de crise. A l'approche de la Seconde guerre mondial, quelques groupes s'étaient affirmés et étaient particulièrement puissants (et le sont toujours) : Mitsui, Mitsubishi, Sumitomo et Yasuda, quatre groupes contrôlant à l'époque le tiers de l'industrie lourde du pays, 50% du secteur financier...Avec ces 4 groupes, deux autres ont commencé à émerger : Toyota et Nippon Sangyô (futur Nissan). Après la défaite de 1945, ces groupes ont été démantelés à l'initiative des E.-U étant jugés en partie responsables du militarisme japonais ayant conduit au conflit. Le contexte de guerre froide va néanmoins permettre la renaissance et la reconstitution de ces groupes sous le nom de Keiretsu. Ces groupes dont les liens avec l'état sont forts sont l'autre facteur important de la réussite japonaise. Le groupe Mitsubishi dispose d'environ 650 filiales regroupés autour de plusieurs compagnies (environ 30) qui sont sous la dépendance de la maison mère. Parallèlement, on note des liens importants entre les grands groupes et les PME : ces PME sont souvent des sous-traitants de grands groupes. 
  • Plusieurs états asiatiques vont imiter un modèle qui a réussi : c'est le cas notamment de la Corée du Sud où le modèle nippon est calqué. L'état coréen a des fonctions majeures ce d'autant plus que la Corée du Sud est en première ligne dans la guerre froide avec les fortes tensions avec la Corée du Nord. La Corée du Sud est de ce fait sous la direction d'un état fort et autoritaire notamment dans les 1962-1979 avec le général Park Chung Hee. Pour ce dernier, seul un état présent peut permettre le développement industriel. L'état coréen développe ainsi une série d'instituts de recherche pour réussir ce développement industriel avec notamment un Institut pour la science et la technologie proche dans l'esprit à ce que le MITI japonais a conçu. L'état coréen s'appuie également, comme le Japon, sur de grands groupes industriels : les Chaebols. Ces derniers ne sont certes pas organisés autour d'une banque car c'est l'état coréen qui est la source du financement de ces groupes mais ce sont des conglomérats qui vont finir par s'imposer tant à l'échelle régionale que mondiale. Des conglomérats comme Samsung, Hyundai, Lotte group (LG) sont devenus des groupes majeurs. Taïwan développe une stratégie similaire avec un état très présent et dirigiste en lien avec un parti quasi monopolistique le Guomindang. L'état est à l'origine de la formation de grands groupes industriels dont certains ont des situations de monopole sachant qu'il s'agit de groupes publics (ce qui n'est pas le cas au Japon). Ce n'est qu'à partir de 1991 qu'un processus de privatisations de ces groupes a été amorcé. Il faut également préciser une spécificité pour Taïwan : 70% des entreprises de ce pays sont intégrés à un de ces groupes formant de ce fait d'immenses conglomérats. A Singapour, l'état impulse et façonne le territoire avec un objectif : s'adapter à la mondialisation ayant fait le choix, dès son indépendance, de l'ouverture internationale. 
  • Pour cette cité-état de dimension réduite, l'état est obligé de planifier le plus rationnellement possible le développement : la planification urbaine est essentielle. Dans cette logique, l'état a défini et financé une nouvelle zone industrielle (une zone franche) sur le littoral sud-ouest (zone de Jurong) avec y compris la création de nouvelles îles (logique des polders industriels). C'est également l'état qui a souhaité faire de Singapour un véritable Hub aéroportuaire et maritime. Dans les années 1960, Singapour a eu conscience de sa singularité maritime et a mis l'accent sur sa zone portuaire (port-entrepôt) puis a développé des zones franches industrielles dans les années 1970 avant de se tourner davantage dans les années 1980 au niveau des services notamment financiers. Pour être constamment compétitif, l'état veut développer depuis les années 2000 le domaine des biotechnologies avec, par exemple, la création d'un complexe nommé Biopolis. Singapour renforce constamment son potentiel d'hub maritime et aéroportuaire avec de nouveaux terminaux. Pour Singapour aussi, l'état est un état décideur et aménageur. Ce sont donc les états que certains nomment les « états développeurs » qui ont incontestablement favorisé le développement et la croissance.
  •  C'est particulièrement vrai dans l' Asie dite sinisée à savoir le Japon (qui est l'initiateur de ce modèle), la Corée du Sud, Taïwan mais aussi Singapour et la Chine dont on reparlera plus tard. Mais ce modèle a inspiré des états d'Asie du Sud-Est comme le Vietnam, la Thaïlande, la Malaisie : dans ces pays, l'état a financé et finance encore le développement de l'agriculture, le développement de l'industrie y compris actuellement d'industries liées aux hautes technologies par ce qu'on nomme la remontée de filières techniques. Les états financent et modernisent les infrastructures de communication fondamentales au développement économique. Par contre ce modèle est moins vrai en Asie du Sud bien que l'Inde ait opté dans les années 1950- 1970 pour un modèle proche mais a depuis rompu dans les années 1990 pour un modèle bien plus libéral. Néanmoins,ce sont les états par leurs politiques publiques (plus ou moins efficaces) qui ont déterminé et orienté le développement. Comme nous venons de le suggérer entre 1947 et 1991, l'Inde notamment dans les années 1950-60 sous l'impulsion de Nehru avait mis l'accent sur un développement impulsé par l'état dont l'un des références était l'URSS. Il faut ensuite préciser que la croissance de l' Asie s'explique également par une demande interne forte (en grande partie liée à la croissance démographique et au développement des « classes moyennes ») et par d'importants investissements. 
  • Dans ce dernier cas, l'Asie c'est actuellement 37% de l'investissement mondial (contre 18% en 1970). Les besoins en investissements sont toujours considérables pour une Asie en forte croissance. Il convient de revenir sur ce capitalisme en particulier sur le poids des grands groupes et la façon dont ils sont dirigés. Le système entrepreneurial asiatique n'obéit pas aux mêmes logiques que le système européen ou américain ce qui ne l'empêche pas d'être performant. Les groupes asiatiques obéissent souvent à des logiques familiales avec des firmes fonctionnant comme une famille d'où un paternalisme et un sens de la hiérarchie très présents. Ces groupes sont des acteurs incontournables des économies nationales. Les chaebols coréens réalisent 50% du PIB du pays et surtout 70% des exportations. Dans des états comme les Philippines ou la Thaïlande, les 50 premiers groupes nationaux réalisent plus de 40% du PIB. Ces groupes sont le plus souvent d'énormes conglomérats aux domaines d'activités divers. Le groupe philippin Ayala Corporation créé en 1834 dans le domaine de la distillation de l'alcool est aujourd'hui présent dans l'immobilier, l'électronique, la finance, la santé... 
  • Un groupe comme Hurchison Whampoa de Hong Kong est présent dans l'immobilier, les hautes technologies, les télécommunications... De nombreux groupes sont des groupes familiaux qui les contrôlent totalement ou en partie. Le groupe philippin Ayala est possession de la famille Zobel de Ayala, les familles indiennes Mittal et Tata contrôlent encore les groupes Mittal et Tata. Il est intéressant de se pencher sur les exemples coréen et chinois. La Corée du Sud est économiquement réputée pour ses firmes : les chaebols qui sont des conglomérats devenus des firmes internationalement puissantes comme Samsung, Hyundai motors, SK Group... C'est le régime politique autoritaire de Park chung-hee qui a favorisé l'émergence des chaebols par sa volonté de s'appuyer sur de grandes familles et de grands groupes. Ces chaebols ont bénéficié d'aides de l'état que ce soit par le protectionnisme, une fiscalité avantageuse... 
  • Les liens entre les familles industrielles et l'état sont forts : le Président Roh Tae-woo qui a dirigé la Corée du Sud entre 1988 et 1993 a marié sa fille avec l'héritier du groupe de l'énergie et des télécommunications SK Group. Alors que l'ancien président Myung-bak avait été le directeur général de Hyundai construction. En fait, les chaebols sont aux mains de clans familiaux qui utilisent des stratégies matrimoniales pour conserver leur poids et leur influence. Une des firmes les plus réputées est Samsung. Cette firme a été créée en 1938 par Lee Byung-chui qui est à la tête du groupe jusqu'en 1989. Samsung est dirigée depuis sa mort par un des fils : Lee Kun-hee. Certes, la famille ne détient plus que 10% du capital d'un ensemble formé de 70 filiales mais elle le contrôle par le biais d'un système complexe de participations croisées (Holding Cheil Industries). Dans les années 1950, elle choisit le textile mais investi également dans les assurances ou la production agricole. A la fin des années 1960, elle fait le choix de l'électronique par la création de sa branche Samsung Electronics en 1969. Samsung est bien l'archétype du conglomérat présent dans des domaines très variés : électronique, construction navale, chimie, automobile, assurances, tourisme... Samsung, c'est environ 490 000 salariés à l'échelle planétaire et elle est la firme numéro un dans l'électronique par sa branche Samsung Electronics. 
  • En 2019, Samsung est classée au 19e rang mondial avec un CA de 197 milliards de $. Il faut noter l'essor récent des grandes firmes chinoises, une Chine qui a compris qu'il était nécessaire de permettre le développement de grands groupes dans un monde globalisé et dominé par les FTN. Donc des FTN chinoises se sont développées et structurées sous la tutelle de l'état chinois notamment de grands groupes publics. C'est le cas de groupes comme Sinopec qui est en 2020 classé au 2e rang mondial avec un CA de 407 milliards de $, State Grid classée au 3e rang mondial 383 milliards de $ avec, la CNPC 4e rang mondial avec un CA de 379 milliards de $ en 2020 dans le domaine de l'énergie et des hydrocarbures (électricité pour State Grid). Les firmes de Hong Kong sont quant à elle des firmes privées. Actuellement, sur les 50 premières FTN mondiales, 12 sont chinoises avec en particulier, hormis les groupes déjà cités, les groupes de la sidérurgie que sont Hebei iron ou China Minmetals, le groupe de la chimie Sinochem ou encore les firmes automobiles SAIC et Dongfeng mais aussi AICC dans l'aéronautique, Huawei dans les télécommunications ou Lenovo dans le secteur informatique. La Chine, c'est également des groupes bancaires de premier ordre comme ICBC, China Bank Construction, Bank of China... (voir plus bas sur la Chine) L'état chinois cherche désormais à regrouper des firmes d'importance régionales pour les transformer en firmes nationales voire transnationales. Ces firmes d'importance mondiale pour certaines ont donné naissance à une oligarchie riche et puissante ayant des liens avec les hommes politiques du parti communiste. 
  • Ce sont eux qui sont nommés les « princes rouges » ; Quelque soit la nationalité des firmes et sans compter les firmes japonaises qui le sont depuis longtemps, les groupes asiatiques s'internationalisent de plus en plus avec 180 FTN dans les 600 premières mondiales dont 52 pour la Chine (61 si on tient compte de Hong Kong), 13 pour la Corée du Sud, 14 pour l'Inde, 5 pour Singapour, 4 pour la Malaisie, 2 pour l'Indonésie... Les 50 FTN asiatiques les plus puissantes réalisent plus de la moitié de leurs ventes à l'étranger ce qui est un signe fort d'internationalisation. L'un des symboles des FTN asiatiques dominantes est la firme nippone Toyota qui est un des principaux constructeurs automobiles.Toyota est même classée dans le top 10 des FTN mondiales en 2020 en étant au 10e rang mondial avec un CA de 275 milliards de $. Toyota est la 2e firme automobile mondiale derrière Volskwagen classée au 1er rang des firmes automobiles et au 7e rang mondial en 2020 tous secteurs confondus avec un CA de 282 milliards de $. La firme japonaise a une présence mondiale avec des usines en Europe (à Valenciennes en France par exemple), en Amérique du Nord, en Amérique latine, en Afrique... C'est une firme qui est née avant la Seconde guerre mondiale dans la périphérie de Nagoya. Dans les années 1950-60, la firme Toyota a conscience que le marché nippon est limité et souhaite un développement international.
  •  C'est pour être plus compétitif, que la firme Toyota a mis au point une nouvelle organisation appelée le toyotisme. Cette organisation, due à l'ingénieur Ohno, est basée sur quelques principes : zéro stock, une production à flux tendus... Il s'agit d'être réactif et de s'adapter à la demande. La firme s'est également appuyée sur des firmes sous traitantes japonaises. Cette méthode et organisation a permis à Toyota de s'affirmer sur la scène mondiale. Pour rester compétitive, Toyota a externalisé sa production dans les années 1980 dans d'autres états asiatiques où le coût de main d' œuvre est plus faible comme en Thaïlande, Malaisie.... Les fonctions d'assemblage sont restées au Japon. 

 -une stratégie d'industrialisation efficace

  • Le développement du continent asiatique est le résultat de deux phénomènes : des phases de développement débutant dans quelques états avant de se diffuser dans un plus grand nombre d'états et une croissance d'abord liée aux marchés américain et européen avant d'être une croissance dite auto-entretenue (les marchés asiatiques étant en très forte expansion). On peut distinguer quatre vagues de développement : une première qui concerne le Japon qui s'était modernisé dès la fin du 19e mais avait connu un coup d'arrêt lié à la Seconde guerre mondiale et qui dans les années 1950-60 amorce une croissance phénoménale ; une seconde vague concerne les états nommés les Dragons : Corée du Sud, Singapour, Hong Kong et Taïwan dont le décollage économique s'opère au début des années 1970 ; la troisième vague est liée à l'émergence de la Chine ainsi qu'au développement d'états d'Asie du Sud-Est, les Bébés Tigres : Indonésie, Thaïlande, Malaisie, Philippines dans les années 1980. La dernière vague est celle de l'Inde et des états d' Asie du Sud-Est. Chaque état passe par plusieurs étapes de développement, des étapes fondées sur les avantages comparatifs : une étape basée sur des industries de main d' œuvre (textile...) puis une étape fondée sur des industries de biens de consommation (industrie automobile, électronique grand public...) et enfin l'étape des industries de hautes technologies. Les états asiatiques ont, pour réussir, adopté des stratégies d'industrialisation.
  •  Toutefois, avant même d'envisager le développement industriel, ces états ont décidé de moderniser l'agriculture une nécessité dans un contexte de croissance démographique (sachant qu' il y a en Asie d'importantes masses de paysans dont des paysans pauvres) et pour certains états à la sortie de la guerre de pénurie alimentaire (Japon). De plus, pour les états colonisés, il fallait penser l'agriculture autrement : les puissances coloniales avaient mis l'accent sur des cultures d'exportations et pas nécessairement sur des cultures vivrières sans oublier les agricultures très impactées par les guerres civiles comme en Chine entre 1945-1949 ou l'impact des guerres coloniales (guerres en Indonésie, en Indochine). Les agricultures asiatiques en 1945-50 ne sont pas assez modernes et productives pour répondre aux besoins et encore moins pour tenter de se développer en exportant les matières premières agricoles. C'est pourquoi plusieurs états après la Seconde guerre mondiale vont prendre des décisions afin de changer la donne agricole. En 1946, le Japon procède à une réforme agraire, réforme fortement souhaitée par les E.-U. : une réforme ayant permis une réelle redistribution des terres. Il s'agit de favoriser la formation d'une nouvelle catégorie de paysans, une paysannerie moyenne dans un pays qui est à l'époque encore très rural et agricole (42% de la population nippone est rurale). Des états comme Taïwan et la Corée du Sud font de même : les agriculteurs sont, de plus, incités à produire plus. Les états poussent au productivisme par la diversification des productions et le développement de productions jugées rentables. 
  • Les agriculteurs doivent parvenir à développer une agriculture moderne et à s'insérer dans une économie agricole capitaliste. Enfin, l'état incite à l'utilisation d'engrais, le développement de nouvelles semences ce qui aboutit notamment en Inde à la Révolution verte. Le développement de l'agriculture est perçu comme une nécessité avant même d'envisager toute industrialisation. Il convient de rappeler encore aujourd'hui l'importance du monde rural et agricole en Asie. On estime que 65% de la population rurale mondiale est asiatique même si le poids du monde rural diminue en lien avec l'industrialisation et l'urbanisation. La population rurale en Asie est estimée à 2,1 milliards d'individus. Certes, on peut relever des différences entre les états ne serait-ce qu'entre la Chine et l'Inde puisqu'en Chine le nombre de ruraux devrait passer de 793 millions en 1980 à 335 millions en 2050 alors que pour l'Inde ce nombre devrait passer de 312 millions (en 1980) à 882 millions en 2050. L'agriculture et les évolutions du monde rural sont un défi majeur pour les plupart des états d'Asie notamment parce que de nombreux territoires ruraux sont en retard de développement et touchés par d'importantes difficultés dont une grande misère. Les problèmes de sous alimentation ne sont pas encore totalement réglés dans cette partie du monde bien qu'il y ait eu des progrès notables puisque la sous nutrition a fortement diminué ne concernant plus que 13% des populations asiatiques contre encore 24% en 1990. 
  • Le problème de la sous nutrition demeure un problème dans les états les plus pauvres comme le Bangladesh, le Timor oriental, l'Afghanistan, la Mongolie et même le Pakistan avec des pourcentage de populations concernés par la sous-nutrition supérieurs à 20%. Les populations rurales d'Asie sont en grande partie des populations pratiquant l'agriculture : 76% des agriculteurs de la planète sont asiatiques. (plus d'un milliard). Ce poids des agriculteurs explique la pression exercée sur les différents milieux et notamment le problème de la déforestation mais également l'érosion des sols ou encore l'émiettement des exploitations agricoles. Ces agricultures sont en partie ciblées sur un produit essentiel : le riz : 90% de la production mondiale de riz se fait en Asie (50% en Inde et en Chine) et le riz correspond à 70% des exportations agricoles du continent mais seulement 4% de la production est destinée à l'exportation sur les marchés mondiaux. Les agricultures asiatiques ont connu des changements importants avec la révolution agricole des années 1960-70. La révolution dite verte fondée sur une mécanisation accrue, l'utilisation plus importante d'engrais et le choix de semences plus adaptées et sélectionnées a permis une hausse importante des productions. Cette révolution agricole est rendu possible une multiplication par 5 des richesses agricoles produites et l'agriculture asiatique est passée de 36 à 46% du PNB agricole mondial. C'est l' Asie de l'Est et en particulier la Chine qui a le plus profité de ces évolutions. Les changements ont été renforcés dans plusieurs pays par des réformes agraires comme en Corée du Sud, en Indonésie dans les années 1970, en Chine après 1979, en Inde suite aux réformes des années 1990... L'accent a été mis sur la modernisation des exploitations y compris des petites exploitations familiales. 
  • Depuis, quelques années, une autre révolution agricole est lancée : celle des OGM et des biotechnologies (variétés à haut rendement) notamment pour compenser des productions qui stagnent ou reculent (surexploitation et érosion des sols). Cette révolution doit aussi répondre à une demande sans cesse croissante. Ces mutations des agricultures, et ce bien qu'il faudrait nuancer selon les états et selon les différentes régions des mêmes états, ont donné de bons résultats et ont favorisé l'insertion dans la mondialisation. Une fois le développement agricole acquis, est pensé un développement industriel et une stratégie type notamment au Japon suivant un modèle de développement imaginé par un économiste japonais : Akamatsu Kaname. Ce modèle nommé la stratégie en vols d'oies sauvages propose un développement en vagues successives fondé sur trois grands axes : indépendance économique, industrialisation et promotion des exportations. La première vague d'industrialisation consiste à importer des produits manufacturés puis, dans une seconde vague de développer une production nationale en substituant aux importations des productions locales. La troisième vague permet d'exporter ces productions nationales et de ce fait la croissance n'est plus uniquement permise par un marché national par nature toujours limité mais par l'accès à des marchés plus larges (marchés régionaux et mondiaux). C'est cette stratégie qui a permis le développement industriel du Japon et la forte croissance des années 1960-70.
  •  Il faut ajouter à cette stratégie ce qui a été dit précédemment un état qui agit et protège. Parallèlement, le Japon utilise la remontée de filières en profitant des avantages comparatifs pouvant bénéficier à son système productif (l'un des avantages comparatif est dans les années 60 une main d' œuvre au coût faible). Ainsi, le Japon va d'abord cibler sur des industries aisées à mettre en place comme l'industrie textile. Les Japonais importent les matières premières (coton...) des pays environnants puis développent la production de tissus avant de passer à une autre étape qui est celle de la confection... L'idée est simple : on commence par des tâches de base d'assemblage avant de passer à des tâches plus complexes pour terminer avec des produits et productions complexes à haute valeur ajoutée. C'est ce modèle japonais qui va servir de fondement aux autres états asiatiques. L'industrialisation du continent se réalise à partir du Japon selon un modèle presque concentrique. Ce sont les états à proximité la Corée du Sud et Taïwan qui calquent les premiers cette stratégie puis c'est au tour de Hong Kong et Singapour dans les années 1970. Dans les années 1980-90 vont suivre de nouveaux états comme la Thaïlande, la Malaisie (les bébés tigres) et la Chine. Le processus est quasiment à chaque fois le même : une phase de remontée de filières avec l'essor d'industries dites légères comme les industries textile ou du jouet puis le développement d'industries plus complexes, souvent des industries lourdes comme la sidérurgie, la chimie ou la construction navale. Ensuite sont développées des industries de biens d'équipement comme l'industrie automobile, la construction mécanique... 
  • Dans une seconde phase, les états sont capables de passer à des industries haut de gamme, les industries de hautes technologies : industrie électronique, industrie informatique, biotechnologies, robotique... Si on reprend le cas japonais, les années 1950 sont des années où se développe l'industrie textile, les années 1960 sont les années de la sidérurgie et de la chimie, les années 1970, les industries motrices sont l'automobile, la construction navale, les années 1980-90, l'électronique, la robotique, l'informatique... deviennent les industries compétitives et, enfin, depuis les années 2000-2010, le Japon met l'accent sur les nanotechnologies, la recherche sur le génome humain... Les quatre dragons (Corée du Sud, Taïwan, Singapour et Hong Kong) ont suivi la même logique de manière décalée dans les temps : années 1960 : industrie textile ; années 1970-1980 : la sidérurgie, l'industrie du jouet, de la chaussure... ; les années 1990 sont celles des industries électronique et automobile et les années 2000-2010 ont permis à ces dragons de passer à la robotique, à l'industrie des semi-conducteurs, à la biotechnologie... 
  • Dans le cas des bébés tigres (Thaïlande, Indonésie...), les années 1970 sont celles de l'industrie textile alors que les années 1980 voient le développement des industries du jouet, de la chaussure... Dans les années 1990, ils sont capables de se lancer dans l'industrie électronique grand public et les années 2000-2010, voient émerger des industries plus complexes comme l'industrie automobile, électronique... On peut donc parler, à partir du Japon « d'auréoles de croissance » avec incontestablement un développement de l'Asie qui se fait par étapes spatiales. S'ajoutent des étapes et phases temporelles dans lesquelles les industries initiales des états développés les plus précocement sont concurrencées par les nouveaux états en développement. Enfin, on note un développement progressif par secteurs. 

 b/ Existe-t-il un modèle asiatique de développement ?

-Un modèle asiatique pour une réelle réussite

  • Il existe un modèle asiatique de développement pensé et appliqué avec une réussite certaine. Ce modèle et la stratégie afférente ont permis au Japon de s'affirmer qui est devenue et reste une puissance économique majeure avec un PIB de 5 154 milliards de dollars en 2019 et un PIB par habitant de 40 847 $ ce qui le place au 3e rang mondial derrière les E.-U et la Chine. En 2020, le PIB du Japon est de 4910 milliards de $ et le PIB par habitant de 39 048 $ (des baisses liées à la crise sanitaire et ses effets. Cette réussite est aussi celle des NPIA qui sont devenus de véritables puissances économiques se traduisant par des PIB par habitant élevés en 2020 : 30 644 dollars pour la Corée du Sud, 26 910 pour Taïwan, 58 484 pour Singapour... 
  • La Corée du Sud a un PIB global de 1586 milliards de $ en 2020 au 12e rang mondial, Taïwan de 635 milliards de $ au 21e rang mondial et Singapour de 337 milliards de $ au 36e rang mondial tout de même pour respectivement 51,2 millions d’habitants, 23,8 millions d’habitants et 5,8 millions d’habitants Pour les bébés tigres, il faut nuancer car si la croissance économique est importante, les résultats en termes de richesses sont à nuancer avec des PIB par habitant qui restent modestes : 4 038 dollars par habitant pour l'Indonésie en 2020, 7 925 dollars pour la Thaïlande, 10 192 dollars en 2019 pour la Malaisie. 
  • Le PIB global de l’Indonésie est de 1 088 milliards de $ (16 e rang mondial juste devant les Pays-Bas), celui de la Thaïlande de 509 milliards de $ (26 e rang mondial juste devant l’Autriche) et pour la Malaisie de 336 milliards de $ (37e rang mondial devant le Danemark) avec respectivement 270 millions d’habitants (Indonésie), 69,6 millions (Thaïlande) et 31,9 millions (Malaisie). Le modèle asiatique a permis un développement incomparable bien supérieur à celui de l'Afrique. Ainsi, en 1950, la Corée du Sud et Taïwan avaient des PIB faibles du même ordre qu'un état comme le Cameroun or aujourd'hui, ils ont des PIB supérieurs à plusieurs états de l'Union européenne et nettement supérieurs aux états africains. 

 - mais un modèle confronté à des limites 

  •  Ce modèle a toutefois des limites. La crise de 1997-1998 a montré que ces économies pouvaient être fragiles avec une récessions qui a été, pour certains états, brutales : moins 15% en Indonésie en 1998, moins 8% en Thaïlande, moins 6% en Malaisie, moins 7% en Corée du Sud (et même moins 2,5% au Japon). Cette crise commence en 1997 par une crise boursière avec la chute de la monnaie thaïlandaise le 2 juillet : une monnaie qui chute de 14% (monnaie= Bath). Quelques jours plus tard, ce sont d'autres monnaies qui perdent de leur valeur comme le peso philippin ou la roupie indonésienne. La crise monétaire se transforme en crise boursière quelques mois après avec une crise qui s'amplifie et s'étend même à des états comme le Brésil, le Mexique... Le 11 janvier 1998, la banque Peregrin de Hong Kong fait même faillite ce qui fragilise encore plus la place boursière de Hong Kong. La situation va s'apaiser à partir de la fin du mois de janvier grâce à l'intervention du FMI et à la volonté du japon de vouloir relancer son économie. La crise de financière et boursière s'est néanmoins transformée en crise économique et sociale. Même la Chine finit par être affectée notamment avec la faillite d'un fonds d'investissements : le Guandong International Trust and Investment Corp.) 
  • Il faut en fait attendre l'année 1999 pour qu'il y ait une amélioration de la situation. Les effets sociaux de la crise sont importants avec une hausse du chômage (plus de 3 millions de chômeurs en Thaïlande à la fin de l'année 1998 = 6% de la population active), des classes moyennes en plein essor qui ont perdu de l'argent investi, une hausse de l'inflation qui pénalise les plus pauvres... Cette crise fragilise pendant plusieurs années les monnaies notamment des états d' Asie du Sud-est et fait même reculer temporairement les échanges. Cette crise pour de nombreux spécialistes est révélatrice de problèmes structurels de certaines économies asiatiques désignées sous le nom « d'économie du coulage » (G. Etienne) c'est-à-dire d'économies pénalisées par une trop forte corruption, une spéculation immobilière importante, le vol des biens de l'état... Pour les NPIA s'ajoutent l'atténuation des avantages comparatifs au profit d'ailleurs d'autres états asiatiques : il faut donc pour eux aussi s'adapter à la concurrence. Cette crise et ce modèle de développement mettent également en évidence des problèmes sociaux importants et de fortes inégalités. Des millions de travailleurs sont exploités et vivent dans des conditions misérables et les inégalités entre les plus riches et les plus pauvres sont flagrantes. 
  • Se greffent des inégalités territoriales : le développement a profité à certains territoires comme les littoraux et les métropoles et beaucoup moins aux territoires ruraux et aux territoires de l'intérieur des terres. Enfin, c'est un modèle peu respectueux du développement durable comme le montrent de nombreux exemples. Les inégalités de développement se retrouvent donc à plusieurs échelles et niveaux. D'abord, on peut souligner des inégalités entre état, inégalités que révèlent les différences au niveau des IDH. Des états comme Singapour, le Japon, la Corée du Sud ou le Brunei ont des IDH très élevés respectivement de 0,925, 0,903, 0,901 et 0,865 alors que d'autres ont des IDH plutôt faibles : Bangladesh avec 0,579, Cambodge avec 0,563 ou encore le Népal avec 0,558. Des états comme la Chine ou la Thaïlande ont des IDH en progression de 0,738 et 0,740 signes d'un développement réel. 
  • Les inégalités sont bien sûr internes aux états ce que le coefficient de Gini met en évidence. Quelques états ont des écarts d'inégalités plutôt réduits comme le Japon dont le coefficient de Gini tourne autour de 0,250 ce qui montre que le Japon est d'ailleurs un des états les moins inégalitaires au monde. Par contre, ce coefficient de Gini est bien plus important pour des états comme la Chine, le Népal approchant les 0,500. Les inégalités se repèrent aussi entre villes et campagnes, entre catégories sociales... En Chine en 2013 on dénombrait 122 milliardaires (422 aux Etats-Unis et 110 en Russie : ce sont eux qu'on nomme les « milliardaires rouges ». En fait, il existe des sociétés asiatiques à plusieurs vitesses. 

Conclusion : 

  •  Le Vietnam, déjà évoqué à plusieurs reprises, mérite un dernier détour. C'est un état étonnant ;: unifié depuis 1975 sous un régime communiste mais n' a pas subi le délitement des états communistes d'Europe de l'Est ou même de l'URSS, qui n' a même pas connu le type de convulsions de la Chine en 1989 (émeutes de la place Tian An Men) bien que cet état ait connu des difficultés économiques. Or aujourd'hui, le Vietnam connaît un essor économique réel et même devenu un exportateur de riz ce qui était loin d'être le cas dans les années 1970. Le Vietnam a en fait opté pour une voie nouvelle en 1986 appelée doi moi à savoir plusieurs réformes afin de relancer le pays et d'ouvrir le pays. Ce mot a plusieurs sens proches : rénover, renouveler, innover et est souvent traduit en français par rénovation ou renouveau. Il s'agit d'insérer le Vietnam dans les échanges internationaux et de dynamiser l'économie. 
  • Ce renouveau s'est traduit par l'apparition de formes capitalistes de l'économie en sachant qu'il ne pouvait y avoir de renouveau politique puisque le parti communiste se doit toujours « d'édifier le Viet Nam selon la voie socialiste, sur les fondements idéologiques du marxisme-léninisme » (texte du PCV de 2001). L'objectif de l'état-parti est de moderniser le Vietnam mais c'est le parti-état qui initie et a le contrôle des réformes mises en œuvre. Le Vietnam a fait donc le choix d'une intégration économique régionale et mondiale : il a, rappelons-le, intégré en 2007 l'OMC (Organisation mondiale du commerce). 
  • Au niveau régional, les échanges et flux avec la Chine se sont multipliés (les province vietnamiennes à proximité de la Chine en profitent). En fait, le Vietnam tente de mettre en place un « socialisme de marché » avec, certes le maintien d'entreprises publiques, mais aussi le développement d'entreprises privées et individuelles (dès 1989, 55% de l'emploi non agricole appartenait à ce secteur privé). La décollectivisation de l'agriculture s'est poursuivie mais aussi celle de l'artisanat (coopératives d'artisans devenues des entreprises privées). A été également autorisé un secteur capitaliste constitué d'entreprises étrangères. Depuis les années 1990, cette stratégie a permis au Vietnam d'assurer une croissance moyenne de 5% par an avec même une croissance de 5,5% en 2014 et avec même une croissance de 6,7% en 2015 liée à des exportations importantes et à une demande intérieure importante. L'ouverture économique est un facteur de croissance mais les inégalités sociales se creusent et l'ouverture économique ne signifie pas ouverture politique. Le Vietnam c’est en 2019 96,5 millions d’habitants pour un PIB global de 261,8 milliards de $ soit le 47e rang mondial devant la Roumanie et un PIB par habitant de 2740 $ (seulement mais en progrès).
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