Chapitre 2: L'Union européenne; élargissements, approfondissements, mutations

Introduction

L'histoire européenne est une histoire paradoxale au niveau de ses structures politiques, une histoire dans laquelle se confrontent la volonté impériale et la volonté nationale. Des grands Empires dits multinationaux ont fait l'histoire de l'Europe comme l'Empire austro-hongrois. Ces Empires n'étaient pas fondés sur l'idée nationale mais sur une idée supranationale. Inversement, c'est en Europe qu'émerge et se développe l'Etat-Nation: une forme qui finit par s'imposer en Europe et qui est exportée à l'ensemble du monde. L'organisation politique de l'Europe a donc longtemps oscillé entre empires multinationaux et états nationaux: ces derniers devenant la norme au 20e siècle surtout après l’éclatement de l’Empire austro-hongrois ou de l’Empire Ottoman. L’Europe est devenue une Europe des nations.
Plusieurs empires, cela a déjà été évoqué, ont eu des objectifs “universels” et des prétentions universalistes que ce soit l'Empire byzantin,l'Empire ottoman en Europe orientale ou l'Empire carolingien, le Saint Empire romain germanique en Europe occidentale. Plus récemment, l'Empire Napoléonien avait cette prétention universaliste encore plus large. Parallèlement, se sont formés en Europe, et ce très tôt, des états modernes et “nationaux” avec les royaumes français, anglais ou encore espagnol. Pour certains, l'idée européenne serait déjà en germes dans une proposition d'un roi, celui de Bohême, Georges de Podiébrad qui voulait, en 1464, persuader le Roi de France et aussi les autres rois européens de former une ligue d'états chrétiens (pour lutter contre les Ottomans). Le 19e siècle est le siècle de la question nationale et le siècle des nationalismes modernes. 
Au 19e siècle, il y a incontestablement ce que les historiens ont nommé un “éveil” des nations européennes se traduisant, par exemple, par le printemps des peuples en 1848, les unités italienne et allemande ou encore l'indépendance de la Grèce en 1830 sans oublier l’indépendance de la Serbie en 1878... 
Mais il est aussi un siècle où se pense une forme d'union des nations européennes. En 1848 se tient à Bruxelles un Congrès pour la paix: l'expérience est renouvelée à Paris en 1849 et à Francfort en 1850: il s'agit pour des penseurs européens d'imaginer une Europe au moins pacifiée. Des penseurs abondent dans ce sens comme Victor Hugo proclamant en 1852: “(...) Les Etats-Unis d'Europe, les peuples frères, c'est demain, lendemain inévitable pour nos ennemis, infaillibles pour nous...”, des “Etats-Unis d'Europe” qui seraient fondés sur les valeurs de la démocratie et des droits de l'homme. L'idée européenne n'est donc pas récente: elle resurgit même dans des périodes de tensions ou de paix manquée comme avec le manifeste pan-européen de 1926 initié par le comte Coudenhove-Kalergy et signé par des personnalités de premier plan comme Thomas Mann, Sigmund Freud, Paul Valéry ou Albert Einstein (en 1923, Coudenhove-Kalergi avait publié un livre intitulé Pan-Europa évoquant son idée et projet d'union européenne). Après la Première guerre mondiale des projets européens se forment donc. 
Il existe un Comité permanent pour les lettres et les arts de la Société des Nations regroupant des artistes de différents pays européens dont les écrivains Thomas Mann (Allemand) et Paul Valéry. 
Dans le cadre des relations franco-allemandes, alors que la première guerre mondiale est terminée depuis peu, est créé un Comité franco-allemand de documentation et d'information dont l'un des buts est de lutter contre les préjugés nationaux. On peut aussi rappeler l'existence d'une revue comme L'Europe nouvelle créée en 1918 par Louise Weiss qui diffuse des idées pro-européennes. Lors du premier congrès paneuropéen, en octobre 1926, Aristide Briand affirmait: “Je pense qu'entre les peuples qui sont géographiquement groupés comme ceux d'Europe, il doit exister un lien fédéral.” Le 1er mai 1930 Aristide Briand proposait le premier projet européen dans le cadre de la Société des Nations. 
Mais les années 20-30 sont des années terribles annonçant un nouvel affrontement catastrophique pour l'Europe. Dans ces années si tendues des individus essaient néanmoins d'imaginer une autre Europe, une Europe plus unie comme l’économiste anglais Keynes par exemple. En 1941 alors que l’Europe est en pleine guerre mondiale, deux italiens (des militants antifascistes), Ernesto Rossi et Altiero Spinelli dans Le Manifeste de Ventotene rejettent le poids des Etats-nations rendus responsables du conflit. Pour Spinelli la construction européenne est un moyen de lutter contre des nationalismes destructeurs et sources de conflits. 
En 1943, il fonde le Mouvement fédéraliste européen et en 1944 c'est la naissance de l'Union européenne des fédéralistes. Mais ce n'est qu'après la seconde déflagration mondiale qu'un projet européen voit réellement le jour et est mis en oeuvre. Les années 1930 et encore plus les années 1940 n’étaient pas favorables à la mise en oeuvre d’un projet européen concret et solide: ce n’est pensable qu’une fois le conflit terminé “ Une Europe fédérée est indispensable à la sécurité et à la paix du monde.” Jean Monnet, 1952. “Nous n'échapperons aux périls qui s'annoncent qu'en oubliant les haines du passé.” Winston Churchill, 1946 (discours au Congrès de La Haye). Jean Monnet tout comme Churchill avaient conscience que la paix en Europe passait par une solidarité entre Etats voire dans le cas de Monnet par une Europe à terme fédérale.
Conférence de Schuman

1/ La construction européenne des années 1945 aux années 1990 : volonté, soubresauts, tergiversations d’une construction non linéaire


Il faut insister sur un fait pouvant apparaître comme paradoxal: ce sont des états-nations qui sont à l'initiative de la construction européenne. Jacques Delors évoquait au sujet de l'Union européenne une “fédération d'états-nations”. 
On peut également voir la construction européenne comme un moyen de dépasser (à terme) ces états-nations pour construire quelque chose de plus vaste dans le cadre d'une configuration qui serait fédérale. 

 A/ Des enjeux historiques majeurs : le contexte de l’après guerre 

 Pourquoi la 2e guerre mondiale et la guerre froide ont déterminé et façonné la construction européenne? 

 a/ Le contexte de l'après deuxième guerre mondiale: un contexte favorable à la volonté d'unité 

La Seconde guerre mondiale est une catastrophe pour l'Europe: elle est en partie détruite et dans une situation démographique, économique et sociale très difficile. Dans un premier temps, il s'agit de procéder au “châtiment” (Tony Judt) c'est-à-dire de sanctionner et d'épurer les vaincus et les individus ayant collaboré avec ces derniers tout en préparant et organisant la paix. 
Au temps du châtiment succède très rapidement la nécessité de reconstruire. C'est dans ce contexte de mise en forme d'une paix très provisoire et d'une reconstruction nécessaire que l'idée d'une union, à minima certes, va germer dans les esprits de quelques européens. La construction européenne est un projet en particulier un projet politique: elle est le résultat d’une volonté. 
Ce n’est donc qu’après la Seconde guerre mondiale que va se mettre en place « un système de coopération géopolitique multi- états » comme le souligne Jean-Sylvestre Mongrenier (Géopolitique de l’Europe 2020). 

 -L’unité comme solution pour une Europe à reconstruire 

  • Ce n'est que progressivement que l'idée d'unir l'Europe apparaît ne se limitant plus au rêve de quelques intellectuels, écrivains ou philosophes. Ainsi, en septembre 1946, Winston Churchill affirmait : “ Si l'Europe pouvait s'entendre pour jouir de cet héritage commun, il n'y aurait pas de limite à son bonheur, à sa prospérité, à sa gloire, dont profiteraient ses 300 à 400 millions d'habitants... Il nous faut édifier une sorte d'Etats- Unis d'Europe... Pourquoi n'y aurait-il pas un groupement européen qui donnerait à des peuples éloignés l'un de l'autre le sentiment d'un patriotisme plus large et d'une sorte de nationalité commune?(...) ” Churchill reprend à son compte une vieille idée du 19e siècle. Ce discours du 19 septembre à Zurich est intéressant car il s'agit d'un discours et d'une prise de position d'un homme politique reconnu même si il n'est plus au pouvoir. 
  • L'idée d'une “nationalité commune” est intéressante car elle suggère une identité partagée. Churchill avait aussi imaginé, en 1946, un type d'assemblée européenne afin que “la famille européenne puisse agir de façon unitaire (...) sous un conseil de l'Europe.” Ce dernier, même si son rôle est purement fictif, voit le jour en mai 1949 lors de la conférence de Londres (son siège est à Strasbourg). Ce Conseil est sans pouvoir: il peut être considéré comme un simple forum: 10 états en sont à l'origine: Belgique, France, Danemark, Luxembourg, Irlande, Italie, Norvège, Pays-Bas, Royaume-Uni et Suède. 
  • C'est néanmoins à ce conseil que l'on doit, en novembre 1950, la Convention européenne des droits de l'homme qui est un texte de référence. Entre temps, en mai 1948 s'était tenu à La Haye un Congrès européen réunissant plusieurs centaines de personnalités: un Congrès souhaitant à terme que les Etats européens mettent en commun une partie de leurs droits souverains (le souhait est aussi émis d'intégrer l'Allemagne dans ce “concert européen”). Déjà émerge un débat autour de conceptions différentes de ce que devrait devenir l'Europe avec pour certains l'idée d'une Europe fédérale et pour d'autres une Europe restant une Europe des états. La volonté d'une Europe pacifiée est déterminante dans la volonté d'une union européenne. Il s'agit de fonder la paix en s'unissant. 
  • Ainsi, la déclaration Schuman du 9 mai 1950, qui lance une réelle volonté de construction européenne, s'inscrit sur un point clé: la nécessaire réconciliation entre l'Allemagne et la France. 
  • L’idée de créer une autorité commune concernant le charbon et l’acier entre la France et l’Allemagne, qui est une idée de Jean Monnet, propose en fait une « organisation ouverte à la participation d’autres pays d’Europe » (Bertrand Vayssière : L’Europe, encyclopédie historique). Ce rapprochement franco-allemand est fondamental pour saisir les premiers temps de cette construction européenne et la construction européenne ne peut être pensée sans un tel rapprochement. Il faut ajouter qu'il semblait aussi nécessaire que la RFA adhère à l'Europe de l'Ouest dans le cadre de l'amorce de la guerre froide.  Incontestablement, le rapprochement franco- allemand va donner le ton de la construction européenne. 
  •  Parallèlement, les différents Etats européens sont confrontés à la reconstruction: il faut redresser une Europe meurtrie et très affaiblie. L'un des moyens pour faciliter cette reconstruction est l'Etat: un Etat planificateur et modernisateur. L'idée de planification était déjà dans l'air du temps dans les années 1930 : l'idée était que l'Etat intervienne au niveau économique et social par le développement notamment du secteur public. Ainsi, en France, Jean Monnet soumet dès décembre 1945 un “plan de modernisation et d'équipement” au général de Gaulle. 
  • Puis rapidement le Commissariat général du Plan est créé (Jean Monnet est à sa tête). Parallèlement, se mettent en place les Etats dits providence (dont l'idée était contenue dans le plan Beveridge au Royaume -Uni de novembre 1942). Or, un homme comme Jean Monnet, mais c'est aussi le cas d'autres comme Alcide de Gasperi, ont conscience que la reconstruction ne sera pas possible efficacement en restant confiné dans sa sphère nationale. Pour Jean Monnet, l'idéal supranational doit s'affirmer comme étant le seul moyen de faire avancer l'idée européenne et de construire quelque chose de viable.Pour eux, il faut aller plus loin et imaginer une reconstruction dans un cadre plus large à savoir le cadre européen. En 1948 est créée l'Organisation européenne de coopération économique (OECE) dont l'objectif initial était la répartition de l'aide américaine du plan Marshall (1947). 

-le rôle important des Etats-Unis et l'impact de la guerre froide sur le projet européen

  • Les E-U ont incontestablement joué un rôle important dans l'initiative européenne et pas seulement avec le déclenchement de la guerre froide. Ils ont parfaitement conscience que la reconstruction et le redressement de l'Europe dont les E-U bénéficieront sera plus facile dans le cadre européen. Ce sont les E-U qui, par exemple, pousseront les Français à accélérer à la fin 1949 l'intégration de la toute nouvelle RFA (c'est ce qui sera quelques temps après le plan Schuman). Ce sont les E-U qui fournissent une aide économique massive et organise le plan Marshall avec l'OECE déjà évoquée. Les E-U sont donc favorables à un rapprochement des états européens comme le montre la résolution Fulbright de mars 1947 votée par le Congrès américain stipulant que le “Congrès favorise la création des Etats-Unis d'Europe dans le cadre des Nations Unies;” Mais, incontestablement, c'est la guerre froide qui va accélérer la construction européenne.  L'URSS et la menace communiste qu'elle représente favorisent un rapprochement des états d'Europe de l'Ouest. L'année 1947 joue à cet égard un rôle crucial. 
  • Devant la menace que représentent l'URSS et son expansionnisme par le biais de la mainmise qu'elle exerce progressivement sur l'Europe de l'Est, les Européens et les E-U ont conscience qu'il faut agir pour faciliter une intégration européenne. 
  • L'aide Marshall proposée en juin 1947 et mise en application par un plan du même nom est un des événements conduisant à la rupture et à la guerre froide. Il convient de rappeler que l'aide américaine ne date pas de 1947 : les E-U avaient déjà procédé à une aide massive en partie sous forme de prêts (près de 4 milliards de dollars pour le Royaume-Uni, 2 milliards de dollars pour la France...). Cette aide est jugée trop limitée et les Américains ont conscience qu'elle ne peut suffire d'où un plan beaucoup plus ambitieux.  Ce plan va permettre d'injecter plus de 13 milliards de dollars entre 1947 et 1951 (sous diverses formes) avec toutefois des contreparties tels l'abaissement des barrières douanières ou la mise en place d'institutions devant faciliter la répartition de l'aide. 
  • C'est d'ailleurs pour répartir l'aide Marshall qu'est créée comme nous l'avons vu, l'Organisation européenne de coopération économique (OECE) par la signature d'une convention le 16 avril 1948 :Autriche,Belgique,Danemark,France,Grèce,Irlande,Islande,Italie,Luxembourg,Norvège,Pays- Bas,Portugal,Royaume-Uni, Suède, Suisse et Turquie (L'Allemagne de l'Ouest intègre cette OECE en 1949 et l'Espagne en 1959). Ce plan Marshall, proposé à l'ensemble de l'Europe, est rejeté par l'URSS et les pays d'Europe de l'Est qui n'ont d'ailleurs guère le choix et contribue donc au clivage de l'Europe. 

 b/ Une Europe qui se divise : deux Europe pour deux projets différents 

A partir de 1947, l'Europe va se séparer: le “rideau de fer” pressenti en 1946 par Churchill s'abat vraiment sur l'Europe. Deux Europe vont se structurer: une Europe de l'Ouest dont une partie des membres vont se lancer dans un processus d'intégration et une Europe de l'Est devenant communiste et en position de satellite par rapport à l'URSS. La guerre froide est par la séparation qu'elle provoque fondamentale induisant des politiques tant internationales que nationales divergentes mais aussi des modes de vie et des façons de penser différentes. 

- L' Europe de l'Ouest: une volonté d'union pour une construction lente et progressive

  • Les années 1947-1950 voient la formation d'un bloc de l'Ouest : un bloc faisant le choix des E-U (le choix atlantique). La formation de ce bloc est le résultat de la guerre froide et la crainte d'une nouvelle guerre en Europe. Deux événements peuvent être considérés comme fondamentaux dans la formation de ce bloc: le blocus de Berlin et ses effets dont la naissance de la RFA et l'alliance atlantique. Le blocus de Berlin de 1948 à 1949 s'inscrit dans le problème plus large du sort de l'Allemagne. Dès 1947, les alliés, en particulier les Américains et les Anglais ont la volonté de reconstruire une Allemagne démocratique (la partie qu'ils occupent) afin qu'elle soit un point d'appui et de résistance à l'expansion soviétique.  La création d'une nouvelle monnaie, le Deutsche Mark, est la conséquence de cette volonté. 
  • Or cette création est un des éléments qui conduit l'URSS et Staline à organiser le blocus de Berlin. Il n'est pas nécessaire de revenir sur les étapes de ce blocus mais il faut insister sur un de ses effets: la séparation de l'Allemagne et la naissance de la RFA. Cette naissance est suivie d'un ancrage progressif de cette nouvelle Allemagne non seulement au bloc américain mais surtout à l'Europe de l'Ouest. 
  • Le pacte atlantique est l'autre événement clé : la signature du traité de l'Atlantique Nord en avril 1949 qui ancre l'Europe de l'Ouest puis un peu plus tard l'Allemagne dans une alliance militaire et politique à laquelle appartiennent les E-U, le Canada et 10 états européens : France, Angleterre Belgique, Pays-Bas qui avaient signé en mars 1948 le traité de Bruxelles ainsi que l'Italie, le Portugal, la Norvège, le Danemark et l'Islande. En 1952, ils sont rejoints par la Grèce et la Turquie. 
  • La RFA intègre la structure en 1955. G.F Dumont et P. Verluise, pour la période post 1991, font remarquer que “les élargissements de l'OTAN donnent le rythme de ceux de l'UE”: de façon plus large, on peut souligner que la construction européenne et l'OTAN ont toujours été liées. Après 1991, les états d'Europe de l'Est deviennent membres de l'OTAN avant d'adhérer à l'Union européenne. 
  • Dès janvier 1994, l'OTAN avait mis au point un programme de coopération militaire avec ces états nommé partenariat pour la paix. Le 12 mars 1999, la Hongrie, la Pologne et la République tchèque deviennent membres de l'OTAN; le 29 mars 2004, c'est au tour des états baltes, de la Slovaquie, de la Slovénie, de la Roumanie et de la Bulgarie. Toujours dans cette perspective, la Croatie adhère à l'OTAN en 2009 et devient membre de l'UE en 2013. Dès lors, comme nous le verrons ultérieurement, la construction européenne se fait peu à peu, par étapes. 
  • Les différents Etats, il faut le rappeler n'ont pas la même approche ce qui peut expliquer la progressivité voire une certaine lenteur du processus d'intégration. La France est hésitante toujours méfiante à l'égard de l'Allemagne: les événements que sont le blocus de Berlin (1948-49) et le coup de Prague (1948) font prendre conscience à la France, en particulier à des hommes comme Robert Schuman ou Georges Bidault, qu'il est nécessaire d'envisager de modifier les rapports avec l'Allemagne, ce qui est un premier pas vers une future intégration; la Grande-Bretagne, quant à elle, n'apparaît pas motrice refusant d'abandonner d'éventuelles parts de souveraineté et son économie était plus prospère que celle des autres états européens. 
  • Par contre, les pays du Benelux (Pays-Bas, Belgique et Luxembourg) sont très favorables à une intégration économique. Il faut dire que le Benelux est déjà une organisation fondée sur le libre échange: un peu avant la fin de la guerre, les gouvernements en exil des ces trois pays ont signé le traité du Benelux en 1944. Quant à l' Allemagne et à l'Italie, la construction européenne est vue comme une opportunité devant servir de fondement à une reconstruction réussie et un moyen de passer à autre chose après la Seconde guerre mondiale dont ils sont grandement responsables. 

 -... s'opposant à une Europe de l'Est communiste et satellisée par l'URSS 

  • Cette construction européenne se fait en opposition avec la mise en place du bloc de l'Est : un bloc satellite de l'URSS. Ce bloc de l'Est obéit à ses logiques mais en opposition avec l'Ouest. Il faut donc toujours mettre en relation cette opposition: elle est constitutive des relations européennes jusqu'à la fin de la guerre froide. 
  • Ce bloc de l'Est s'organise lui aussi comme le montre la création du CAEM (ou COMECON): conseil d'assistance économique mutuelle devant tisser des liens économiques entre l'URSS et ses états satellites ou la création en 1955 du Pacte de Varsovie, une organisation militaire similaire à l'OTAN. 

 B/ L'Europe: un projet politique qui se construit lentement et par étapes 

Comment caractériser le processus et les logiques de la construction européenne? Sur quelles dimensions mais aussi quels paradoxes reposent le projet européen? 

a/ Les années 1950: les premières étapes d'une construction difficile 

Sans retracer toutes les étapes de la construction européenne, on peut rappeler les étapes essentielles du “chantier européen”: un chantier non achevé. 

 - les premiers pas :OECE, CECA 

  • Il faut d'abord rappeler que les mouvements pro-européens vont s'organiser notamment par le biais du Congrès de la Haye en mai 1948. ce Congrès se tient sous la présidence d'honneur de Churchill et réunit plus de 800 personnalités: hommes politiques, intellectuels, journalistes... et fait la promotion de l'unité européenne. L'OECE, déjà évoquée, est un premier certes timide puisque cette organisation a simplement pour objet la répartition de l'aide Marshall. Le “coup de Prague” de février 1948, par lequel les communistes tchèques prennent le contrôle de la Tchécoslovaquie avec l'appui de l'URSS, favorise les liens entre la France et le Royaume-Uni (qui avait signé en 1947 le traité de Dunkerque face à la menace soviétique) d'une part et les pays du Benelux (Belgique, Luxembourg et Pays-Bas). 
  • Ces états signent le 17 mars 1948 le traité de Bruxelles créant l'Union occidentale qui est un traité de collaboration économique et sociale mais aussi de défense collective. Il prévoit notamment un état- major commun aux cinq états. La construction européenne s'élabore dans une certaine logique et dans un contexte précis qui est celui de la guerre froide. 
  • Parallèlement, dans la logique du Congrès de La Haye, la France propose le 20 juillet 1948 de former une Assemblée européenne commune à ces 5 états. Le résultat de cette proposition est la convention du 5 mai 1949 par le traité de Londres donnant naissance au Conseil de l'Europe dont le siège est à Strasbourg. Ce traité est signé par 10 états: Danemark, Irlande, Italie, Norvège, Suède et les 5 états déjà évoqués. Le 4 novembre 1950, ce Conseil de l'Europe est à l'origine de la Convention européenne des droits de l'homme (en vigueur en 1953). Voit aussi le jour la Cour européenne des droits de l'homme mise en place en novembre 1950. 
  • Il faut toutefois signaler que le Conseil de l'Europe a peu de pouvoirs étant davantage un symbole d’unité. C'est les effets de la première crise berlinoise (le blocus de Berlin) avec la création en 1949 de deux Allemagne: RFA et RDA qui accélère le processus européen. Dans cette optique, trois hommes jouent un rôle essentiel: Robert Schuman, Jean Monnet et Konrad Adenauer. 
  • Ils ont tous les trois conscience d'une double nécessité: un rapprochement franco-allemand et la construction de l'unité de l'Europe. La déclaration Schuman du 9 mai 1950 et le plan Schuman lancent la construction européenne tout en se faisant l'écho d'une construction qui ne sera pas aisée: ”L'Europe ne se fera pas d'un coup, ni dans une construction d'ensemble: elle se fera par des réalisations concrètes créant d'abord une solidarité de fait.” Le plan Schuman, qui reprend en fait un plan élaboré par Jean Monnet mais dont Schuman en tant que ministre des affaires étrangères s'empare et promeut, propose la création d'une Communauté européenne du charbon et de l'acier reposant sur des objectifs limités mais concrets. Le 18 avril 1951, le traité de Paris, valable pour 50 ans, est signé donnant naissance à la CECA (entrée en vigueur le 23 juillet 1952) : il s'agit là d'une étape importante bien que limitée de la construction européenne. 
  • La CECA est née dans ce qu’on nomme le contexte atlantique après la naissance de l’OTAN. Elle est vue notamment aussi comme un projet de réconciliation franco-allemand. Les signataires ont transféré (pour une durée de 50 ans) une faible part de leur souveraineté respective dans le domaine du charbon et de l'acier en créant une institution supranationale à savoir une haute autorité de 9 membres désignés pour 6 ans avec l'accord des états membres et ayant une liberté à l'égard des états sans oublier une Assemblée de 78 membres composée de membres délégués par les Parlements nationaux. il s'agit d'une réelle nouveauté: la CECA est la seule institution européenne créée ayant ce caractère supranational. 
  • Elle peut être vue comme la « première véritable assise » de la construction européenne (Bertrand Vayssière : L’Europe, une encyclopédie historique). Elle instaure une solidarité entre les Etats ayant adhéré à ce projet, une solidarité ne remettant pas en cause la souveraineté nationale. 
  • C'est donc une Europe à six qui se dessine: France, Allemagne, Italie et Benelux: une Europe à laquelle le Royaume-Uni refuse de se joindre voyant dans la CECA un abandon d'une part de souveraineté. Cette CECA est intéressante car elle dessine certains contours de ce que va être la construction européenne avec la réalisation d'un marché unique (concernant avec la CECA seulement le charbon et l'acier mais c'est un début), la création des premières institutions. On peut aussi rappeler qu'en octobre 1950 , le français René Pleven élabore un plan proposant une armée européenne et une communauté européenne de défense (CED). 

 -l’échec de la CED :l'impossibilité d'une Europe de la défense

  • Cette construction devait donc se poursuivre par la création d'une Communauté européenne de défense: la CED. La réussite de la CECA est une réussite qui ne peut que pousser à aller plus loin dans la construction de cette Europe des six. Ce projet s'inscrit toujours dans le cadre de la guerre froide avec en juin 1950 le début de la guerre de Corée. 
  • Les Etats-Unis souhaitent que la RFA se redresse au plus vite alors que la guerre froide s'intensifie. C'est pourquoi René Pleven propose le 24 octobre 1950 à l'Assemblée nationale française un plan pour créer une “défense commune” avec une “armée européenne rattachée à des institutions politiques de l'Europe unie”. Le traité sur la Communauté européenne de défense est signé par les 6 pays membres de la CECA en mai 1952, une création approuvée par l'OTAN en février 1952. 
  • Alors que la RFA et les pays du Benelux ne posent aucune difficulté, c'est la France qui va changer d'option. Ce dernier est rejeté par l'Assemblée nationale française suite notamment à un vote d'opposition des députés communistes et gaullistes. L'échec de la CED montre qu'il est difficile, quelques années après la guerre, de construire une Europe autre qu'économique, en l'occurrence une Europe politique et de la défense. L’Europe de la défense n’existe toujours pas d’ailleurs. 
  • Dès lors, c'est une Europe avant tout économique qui prime et non une Europe politique ou/et militaire. Néanmoins, l'échec de la CED permet des accords signés à Paris et Londres donnant l'autorisation à la RFA de former une armée (à partir de 1955) et ce dans le cadre de l'OTAN qu'elle intègre. Comme le signale Jean-Sylvestre Mongrenier, « il faut donc trouver un autre cadre au réarmement de la RFA : ce sera l’OTAN. » L'échec de la CED peut être considéré comme le dit Pascal Fontaine comme le “premier reflux de l'idée européenne”. 

 - une étape majeure: les traités de Rome, la naissance de la CEE 

  • L'échec de la CED conduit à la volonté de relancer néanmoins le projet européen: en 1956 se réunit une Conférence intergouvernementale qui évoque la nécessité de créer une Communauté économique européenne. Le pas décisif est le traité de Rome ou plutôt les traités de Rome, le 25 mars 1957, puisque deux traités sont signés. Ces traités donnent naissance à la Communauté économique européenne et à Euratom. Le traité donnant naissance à la CEE a pour institution clé le Conseil des ministres qui n'est pas, il faut le souligner, un organe supranational. En effet, l'organe clé est le Conseil des ministres constitués des ministres des 6 états membres. 
  • Ce traité prévoit également la création d'une Assemblée européenne. Le traité instituant la CEE est appliqué à partir de janvier 1958: il met en place un marché commun toujours à six en particulier par la création d'un tarif douanier commun. La même année, les lignes directrices de la politique agricole commune (PAC) sont esquissées: une PAC entrant en application en 1962. 
  • La Communauté européenne de l'énergie atomique (CEEA) a pour objectif la création d'une industrie nucléaire civile. Avec la CEE se développe un marché commun qui devient comme le dit Philippe Moreau-Defarges la “colonne vertébrale de la construction européenne.” Les années 1957-1970 sont marquées par ces traités de Rome permettant l'union douanière et une politique agricole commune signes d'une construction européenne bien en marche. Ce qui est imaginé avec le traité de Rome repose en fait sur une « architecture ternaire » (Jean-Sylvestre Mongrenier) au niveau des institutions avec la Commission européenne et la Cour de justice des communautés européennes qui représentent l’aspect régulateur et technique des institutions européennes ; un Parlement européen qui même si à ses débuts il n’a aucun pouvoir représente un « fédéralisme parlementaire et le Conseil de l’Europe qui est l’expression d’une « confédération inter-étatiques. » La construction européenne est économique avec en particulier cette union douanière qui consiste à mettre en place entre états membres un tarif douanier commun sur les importations des produits des états non membres. Il ne s'agit donc pas (pas encore) d'une zone de libre échange. 
  • Cette mise en place conduit au développement du commerce intracommunautaire entre les 6 états membres. Se met également en place une politique agricole commune (PAC) qui est initiée lors de la conférence de Stresa de juillet 1958: une PAC qui est officialisée en 1962. La naissance de la CEE s'inscrit dans un contexte de concurrence. 
  • En 1949, avait été créé en Europe de l'Est, le CAEM ou Conseil d'assistance économique mutuelle sous l'égide de l'URSS: il était une réponse à l'OECE. En 1959, le traité de Stockholm donne naissance à l'AELE: Association européenne de libre échange réunissant le Royaume-Uni qui avait rejeté l'idée du traité de Rome, la Suisse, la Norvège, la Suède, le Danemark, l'Autriche, le Portugal puis l'Islande en 1970. L'AELE est surtout une association reposant sur la coopération entre états signataires mais ne vise à aucune intégration économique à l'inverse de la CEE. 
  • Elle n'est d'ailleurs même pas une union douanière. Mais au sein même de l'Europe de l'Ouest existent deux associations aux objectifs certes différents mais en position de concurrence au moins sur le plan économique. Enfin, la construction de cette Europe s'inscrit dans un débat sur sa nature. 
  • Le général de Gaulle qui préside la France de 1958 à 1969 est un des acteurs majeurs d'un tel débat. Pour lui, le fondement politique indispensable est et doit rester l'état-nation: il n'est pas favorable à l'idée fédérale. Il le rappelle dans une conférence de presse de septembre 1960 où il affirme: “ En vérité, ce sont des états (...) qui ont chacun son âme à soi, son histoire à soi, mais des Etats qui sont les seules entités qui aient le droit d'ordonner et l'autorité d'agir”. Il est donc hors de question pour de Gaulle que les états perdent de leur souveraineté. Pour les autres états membres que sont la RFA, l'Italie et les états du Benelux, les “petits états” doivent être protégés des plus importants dans le cadre de cette construction européenne. 
  • Ils sont également persuadés que les institutions de cette CEE doivent être à la fois fortes et démocratiques. 
  • Ces conceptions différentes ont conduit à des crises dont une en 1962. La RFA l'Italie, la Belgique, les Pays-Bas et le Luxembourg rejettent une proposition française contenue dans le plan Fouchet (Christian Fouchet est un diplomate français) d'octobre 1961 qui prévoyait d'établir une coopération en matière de politique étrangère, la création d'un conseil des chefs d'état et de gouvernement avec une Assemblée des communautés n'ayant qu'un rôle consultatif. Les 5 états cités craignaient que ce projet ne donne trop de poids à la France et pas assez aux organes communautaires. Un second plan est élaboré également rejeté avec en particulier le refus de la France d'une intégration du Royaume-Uni et la référence faite à l'OTAN. 
  • C'est l'occasion pour de Gaulle d'affirmer à nouveau sa conception de la construction européenne: “ Il ne peut y avoir d'autre Europe possible que celle des états en dehors naturellement des mythes, des fictions, des parades.” (15 mai 1962: conférence de presse). Une seconde crise a lieu en 1965 lors de laquelle la France s'oppose encore à ses partenaires: la France défend l'idée d'un droit de veto lors des réunions du Conseil européen lorsque sont en jeu les intérêts de la nation. Il faut ajouter les deux refus de l'entrée du Royaume-Uni en 1963 et en 1967 avec le veto français: de Gaulle ne veut pas des Britanniques dans la CEE. (voir plus bas). 

b/ Une construction par étapes: approfondissements et élargissements

La fin des années 1960 et le début des années 1970 sont marqués par le premier élargissement : d'autres élargissements se produisent dans les années 1980. La construction européenne est en fait relancée après le départ du pouvoir du général de Gaulle en 1969 et l'élection de Georges Pompidou en juin 1969. 
Pour ce dernier, l'entrée du Royaume-Uni est une évidence, une entrée devant d'ailleurs relancer la construction européenne. Ce choix s'opère lors du sommet de La Haye de décembre 1969. 

 -des élargissements très progressifs

  • En 1969, lors d'un sommet ayant eu lieu à La Haye, un premier élargissement est donc acquis concernant la Grande-Bretagne, l'Irlande et le Danemark et des traités sont signés en janvier 1972. Après référendum, les nouvelles entrées sont validées en 1973 (définitivement en 1975 pour la Grande-Bretagne). On peut préciser que la Norvège candidate a rejeté l'adhésion suite à un référendum en septembre 1972. 
  • L'entrée de la Grande-Bretagne s'opère ainsi après deux refus de la France et du général de Gaulle en 1963 et 1967: de Gaulle n'avait aucune confiance dans les Britanniques et percevait la Grande-Bretagne comme un éventuel cheval de Troie des E-U dans le cas d'une adhésion à la CEE. Les années 1981 et 1986 sont les années d'adhésion de la Grèce, du Portugal et de l'Espagne, des adhésions rendues possibles par la fin des dictatures dans ces pays à la fin des années 1980. 
  • Avant le grand tournant de l'effondrement du bloc de l'Est, l'Europe est une Europe à 12. L'intégration de ces trois états change quelque peu la donne géographique de la CEE: une CEE davantage tournée vers l'espace méditerranéen. 

- Des approfondissements avant tout économiques : de la PAC à l'acte unique européen

  • En sus des différents élargissements, une série d'approfondissements ont eu lieu. Il faut également mettre l'accent sur un changement avec l'élection en France en 1974 de Valéry Giscard d'Estaing qui est profondément pro-européen. C'est lors d'un sommet européen de décembre 1974 qu'à l'initiative de Giscard d'Estaing est décidé que les sommets européens se tiendraient régulièrement soit trois fois par an (ils s'appellent depuis Conseil européen des chefs d'état et de gouvernement). Parallèlement, est décidé le renforcement du Parlement européen avec l'élection des députés européens au suffrage universel direct ce qui renforce leur légitimité: ce Parlement s'exprimera au nom des peuples européens.Les premières élections ont lieu en juin 1979 : un Parlement qui représente désormais les différents peuples des différents états de la communauté européenne. La participation à cette élection dans les pays membres est importante tournant autour de 70% ce qui n'est désormais plus le cas, signe d'un désenchantement des citoyens européens depuis. 
  • Au niveau économique, Jacques Delors, qui dirige la commission européenne, lors d'un discours en janvier 1985, souhaite que se mette en place un véritable marché intérieur d'ici 1992. En mars de cette même année le Conseil européen adopte cette proposition chargeant la Commission européenne de sa mise en oeuvre. Un texte d'importance est signé en 1986 (février 1986) et entre en vigueur en juillet 1987: l'acte unique européen. Il est, entre autre, une étape supplémentaire dans l'approfondissement économique. 
  • Il énonce des principes importants comme l'achèvement du marché unique pour décembre 1992 et permet la création de nouveaux domaines d'intervention: une politique régionale, une politique environnementale et même sociale (en théorie). En fait cet acte unique européen modifie le traité de Rome en voulant que se construise un “espace sans frontières intérieures dans lequel la libre circulation des marchandises, des personnes, des services et des capitaux est assurée.” La CEE va passer d'une union douanière à un véritable marché unique. 

 -La fin du bloc de l'Est: la promesse d'une nouvelle Europe

  • Dans ce contexte d'une Communauté européenne qui s'est élargie et approfondie, la fin du communisme en Europe de l'Est est un bouleversement fondamental à la fois, bien entendu pour les pays concernés mais aussi pour l'Europe de l'Ouest. 
  • En effet, de nouvelles perspectives s'offrent à l'Europe et, après plus de 40 années de séparation, les deux Europe peuvent envisager autre chose qu'un affrontement. Face à l'hypothèse d'une éventuelle intégration à l'union des états d'Europe de l'Est, il faudra penser et imaginer cette intégration en renforçant les fondations de l'union. 
  • Comme l'écrit Pascal Fontaine: “l'histoire a bouleversé le calendrier des Européens.”.
Traité de Maastricht

2/ Les années 1990- 2000: des élargissements et approfondissements majeurs


A/ Les années 1990- 2000: des élargissements et approfondissements modifiant la nature et la donne de la construction européenne 

Pourquoi et comment la fin de la guerre froide est une étape clé dans l'émergence d'une autre Europe? En quoi peut-on parler d'une décennie cruciale? La dernière décennie du 20e siècle et le début des années 2000 sont des années charnières pour la construction européenne. 
En effet, c'est à la fois une période d'intégration supplémentaire avec l'Acte unique européen, le traité de Maastricht et la création de l'Euro mais c'est aussi une période d'élargissements changeant la donne européenne en particulier avec l'élargissement de 2004. Mais cette construction européenne qui s'accélère suit surtout un processus technocratique dans lequel les peuples ne sont pas vraiment partie prenante justifiant de ce fait la phase de Jacques Delors parlant au sujet de l'Union européenne d'un “objet politique non identifié.” 
Les évolutions s'opèrent dans un contexte précis celui de la décomposition du bloc de l'Est, de l'éclatement de l'URSS et de la fin de la guerre froide. 

 a/ Le temps des élargissements: une Union de plus en plus importante

En quelques années, l'Union va considérablement s'élargir passant d'une Europe à 12 à la fin des années 1980 à une Union à 28 en 2013. Avec le Brexit, l'Union se retrouve pour le moment à 27. 

 -de 12 à 15 : un élargissement vers des Etats riches

  • L'année 1995 voit un nouvel élargissement : des pays riches intègrent l'Union à savoir la Suède, la Finlande et l'Autriche. Ces trois pays ont une particularité: ils sont géographiquement proches par leurs frontières avec les pays d'Europe de l'Est, pays qui ont abandonné le communisme et n'appartiennent plus à la sphère soviétique. Il convient de rappeler que la CEE lorsqu'elle est créée suite au traité de Rome n'est pas la seule organisation européenne: existe une association concurrente, l'AELE (Association européenne de libre échange). L'AELE est créée en 1958 à l'initiative des Anglais ce qui n'empêche ces derniers de postuler à l'entrée dans la CEE dès 1961. L'AELE rassemble le Royaume-Uni, la Suisse, le Danemark, la Suède, la Norvège et le Portugal. 
  • L'Islande en 1970, la Finlande en 1986 et le Liechtenstein en 1991 rejoignent cette structure: une structure en modification constante suite à l'intégration de certains de ses membres à la CEE puis à l'UE. Aujourd'hui, l'AELE est réduite à 4 membres: la Norvège, la Suisse, l'Islande et le Liechtenstein. La formation d'un marché unique suite à la mise en application de l'Acte unique européen incite l'UE à repenser les relations avec les membres de l'AELE. Jusqu'à présent, les membres de l'AELE avaient des accords bilatéraux avec l'Union mais avec le marché unique, ils ont eux aussi conscience qu'il faut faire évoluer les relations. 
  • C'est pourquoi est signé un traité le 2 mai 1992 (à Porto) instituant un espace économique européen (EEE) comprenant les membres de l'AELE et les 12 pays de l'Union. Ce traité, pour quelques membres de l'AELE, est une étape vers une complète intégration. D'ailleurs, à l'exception de l'Islande, ils décident de faire acte de candidature à l'Union européenne. Mais seuls trois Etats vont adhérer au 1er janvier 1995 : la Suède, la Finlande et l'Autriche. Les populations ont approuvé l'adhésion par référendum: 66,4% de oui en Autriche (juin 19994), 57% de oui en Finlande (octobre 1994) et 52% de oui en Suède. 
  • La Suisse et la Norvège, après consultation des populations par référendum, refusent l'entrée. Les trois nouveaux entrants sont donc des pays riches aux caractéristiques très proches des pays déjà membres qui entrent dans l'UE. 
  • Un bémol néanmoins: ces pays sont des pays neutres donc au statut particulier par rapport aux 12 autres impliqués dans l'OTAN et la politique étrangère et de sécurité (PESC) définie par le traité de Maastricht de 1992. De plus, il faut souligner que ces nouveaux entrants ont intégré l'UE avec des demandes (dérogations,maintien d'avantages) : l'adhésion ne suppose donc plus une adhésion à tous les acquis de l'Union ce qui est une façon d'indiquer que l'on se tourne vers une Europe à la carte. 

-2004: l'élargissement vers l'est, un “big bang” (Pascal Fontaine) aux effets majeurs 

  • L'élargissement de 2004 est d'une autre nature et représente un “big bang” (Pascal Fontaine): il s'agit d'un élargissement unique par le nombre (10 entrants) et par la nature et le passé de plusieurs de ces entrants à savoir les pays d'Europe centrale et orientale (PECO). On peut donc vraiment parler d'un “saut quantitatif”. L'historien polonais Bronislaw Geremek lors d'un entretien daté de 1999 expliquait: “Dans le rêve européen, il y a l'intégration économique et politique, mais aussi l'ouverture à l'Est, y compris aux républiques européennes de l'ex-Union soviétique. La frontière orientale de l'Europe n' a été tracée ni par l'histoire ni par la géographie, ni par la culture: c'est une (...) frontière mouvante.” Lorsque l'UE passe de 15 à 25 puis à 27, elle franchit incontestablement un cap et un seuil avec un nombre d'habitants bien plus importants (508 millions avec l'arrivée de la Croatie en 2013). 
  • Ce cap peut poser des problèmes notamment au niveau des institutions et de leur fonctionnement. L'intégration de ces entrants est, bien entendu, une possibilité envisagée avec l'effondrement du bloc de l'Est et dès 1991, le Conseil européen avait affirmé que “tout Etat européen dont le système est fondé sur le principe de la démocratie peut demander à devenir membre de l'Union.” 
  • Le Conseil européen de Copenhague de décembre 1993 admet la vocation des PECO à être membres, à terme, de l'Union: le processus est donc en préparation. Il repose sur des principes incontournables (les critères de Copenhague) : la démocratie et le respect des droits de l'homme (critères politiques); une économie de marché (critère économique) et la nécessité d'admettre les obligations et les objectifs fixés par l'UE. 
  • Dès lors, entre 1994 et 1996, dix Etats font acte de candidature: la Hongrie, la Pologne, la Bulgarie, l'Estonie, la Lettonie, la Lituanie, la Slovaquie, la Roumanie, la République tchèque et la Slovénie soit dix Etats ayant appartenu au bloc communiste ou à l'URSS (pays baltes), soit rattaché à la Yougoslavie de Tito pour la Slovénie. 
  • Deux autres Etats, méditerranéens cette fois, vont également postuler: Chypre du moins la partie n'étant pas sous contrôle de la Turquie et Malte. Le 13 décembre 2002, le sommet de Copenhague confirme l'intégration de 10 nouveaux Etats pour le 1er mai 2004: Hongrie, Slovaquie, Pologne, République tchèque, Slovénie, Lituanie, Estonie, Lettonie, Chypre et Malte: la population de l'UE est passée de 275 à 450 millions d'habitants. Il est à noter que ces nouveaux entrants entrent dans l'UE et dans l'espace Schengen et participent aux élections européennes de 2004. L'Union européenne est devenue une Union très élargie à 25 : un élargissement changeant la nature et la donne de la construction européenne comme nous le verrons ultérieurement. 

-2007- 2013 : un processus d'élargissement ralenti symbole d’une Europe en crise

  • Ce processus d'élargissement se poursuit: les traités d'adhésion de la Bulgarie et de la Roumanie sont signés en 2005 et l'entrée est effective au 1er janvier 2007. En octobre 2005, des négociations s'ouvrent avec la Croatie (avec la Turquie également): elles se terminent par une entrée en 2013 de la Croatie et une Union désormais à 28 (la Turquie attend toujours). 
  • Ce processus d'élargissement n'est pas achevé: des négociations sont en cours avec d'autres postulants notamment dans les Balkans (Serbie, Monténégro...).La crise que connaît l'Union européenne avec les effets encore mal mesurables du Brexit semble devoir ralentir le processus d'élargissement. Parallèlement se pose la question générale des élargissements: jusqu'où élargir ? Qui peut -on intégrer? Se pose notamment la question des états des Balkans sachant que ces états souhaitent intégrer l'UE. En 2000, le Conseil européen accorde à tous les états des Balkans occidentaux (Bosnie, Serbie, Monténégro, Macédoine, Kosovo et Albanie) le statut de “candidat potentiel” en 2003. 
  • Ils participent à ce qu'on nomme un processus de stabilisation et d'association visant à favoriser une future intégration. L'UE aide économiquement les états en question pour précisément favoriser leur stabilité. 
  • Les états et l'UE signent dans ce cadre des accords de stabilisation et d'association: tous ces états ont signé ce type d'accords entre 2001 et 2010 sauf le Kosovo. Des états comme la Macédoine et le Monténégro ont entamé les négociations d'adhésion respectivement en 2009 et 2012. la Serbie est devenue candidate officielle en 2012. 

b/ Des approfondissements importants : vers un marché unique 

 -de l'acte unique européen au traité de Maastricht : la mise en place d'un véritable marché unique 

  • L'Acte unique européen était une première étape importante modifiant le traité de Rome comme nous l'avons signalé. Parallèlement, dans les années 1980, sous l'impulsion de Jacques Delors à la tête de la Commission européenne, les membres de la CEE décident de passer à une vitesse supérieure en décidant une Union économique et monétaire (UEM). Pour aller encore plus loin, en 1990, les 12 membres évoquent une Union politique alors que la France et l'Allemagne relancent l'idée d'une défense européenne commune. Avec la fin du bloc de l'Est, les 12 Etats membres, qui savent que l'Union ne peut que s'élargir, pensent qu'il faut accélérer le processus d'intégration notamment par la création d'une monnaie commune. Il faut également renforcer les institutions existantes et penser une politique européenne de défense. Le 7 février 1992, la signature du traité de Maastricht est une étape cruciale dans la construction européenne: elle est signe l'acte de naissance de l'Union européenne (en lieu et place de la CEE), lance le processus d'une union monétaire et attribue des compétences nouvelles à l'Union. Ce traité repose sur trois piliers: le premier est une Communauté reposant sur de nouvelles dispositions comme la règle de la majorité dite qualifiée; le développement de Fonds (FEDER et FEOGA)... et de nouveaux axes comme la santé, la culture... 
  • Second pilier: la Politique étrangère et de sécurité commune (PESC): une politique étrangère liée à l'OTAN comme le confirme l'article 17 du traité de Maastricht. Dans le cadre de cette politique étrangère, les décisions ne peuvent être prises qu'à l'unanimité. Le troisième pilier concerne la justice et les affaires intérieures avec notamment l'institution d'une coopération en matière d'immigration, de droit d'asile... Est fixé l'objectif d'une monnaie commune pour le 1er janvier 1999. Le chancelier allemand Helmut Kohl avait affirmé que “l'union monétaire et l'union politique sont l'avers et le revers de la même médaille.” Il y aurait donc un lien fort entre union politique et union monétaire qui se renforcerait mutuellement. 
  • L'union économique et monétaire doit s'opérer en plusieurs étapes: création en 1994 d'un institut monétaire européen dont l'objectif est de veiller à la convergence des politiques économiques des Etats de l'UE ; formation en 1996 d'une liste de pays répondant aux critères de convergence fixés pour l'adoption d'une monnaie commune et mise en place d'une banque centrale européenne. Les critères de convergence sont la stabilité des prix (le taux d'inflation ne doit pas dépasser 1,5% de la moyenne des trois Etats ayant l'inflation la plus faible), les taux d'intérêt (dont la variation doit être limitée à 2% par rapport à la moyenne des taux des trois Etats ayant les taux les plus bas), la stabilité des taux de change (la monnaie nationale ne peut être dévaluée et ne peut fluctuer de plus de 2,25%) et enfin une situation financière stable fondée sur un déficit budgétaire inférieur à 3% du PNB et une dette publique ne dépassant pas 60% du PNB. Enfin, au niveau institutionnel, le champ décisionnel du Conseil européen est élargi (avec la règle de la majorité qualifiée), la Commission européenne obtient quant à elle un droit d'initiative.  Ce traité est soumis à l'approbation des Etats membres. Or, les opinions publiques ne sont pas toutes, loin de là, unanimes. En juin 1992, le Danemark, par voie référendaire, rejette le traité (50,7 de voix contre): c'est un rude coup porté contre le traité allant à l'encontre de ce que souhaitaient de nombreuses élites politiques et intellectuelles. 
  • Il est adopté par les Danois lors d'un second référendum en mai 1993 (56,8% de oui) mais avec des dérogations. Ces dérogations obtenues vont induire cette construction européenne à la carte déjà évoquée ce qui est peu unificateur. En France, l'adoption du traité par référendum a lieu le 20 septembre 1992: le oui l'emporte de peu (51,01%). Le traité est finalement adopté par tous les états membres par la voie parlementaire (les exceptions étant donc le Danemark, la France et l'Irlande qui ont choisi le référendum) : il entre en vigueur le 1er novembre 1993. 
  • Il faut aussi mettre l'accent sur un accord important qui est l'accord de Schengen signé en en juin 1985 par la France, la RFA, la Belgique, le Luxembourg et les Pays-Bas mais pas par tous les membres de la CEE (le Royaume-Uni, l'Irlande, le Danemark, l'Italie et la Grèce ne signent pas) et la création de l'espace Schengen qui est entré en application en 1995. Le traité d'Amsterdam de 1997 a inclus Schengen dans les “acquis communautaires”. Ces accords prévoient la libre circulation des personnes à l'intérieur de l'espace en question. L'Italie rejoint ces accords en 1990, l'Espagne et le Portugal en 1991, la Grèce en 1992, l'Autriche en 1995, Finlande, Danemark et Suède en 1996. En 2007, l'Estonie, la Lettonie, la Lituanie, la Hongrie, la Pologne, la République tchèque, la Slovaquie, la Slovénie et Malte intègrent Schengen. 
  • Des états non membres de l'UE adhèrent à cet accord: la Norvège, l'Islande, la Suisse et le Liechtenstein. L'Irlande, le Royaume-Uni mais aussi la Bulgarie, la Roumanie, la Croatie et Chypre ne sont pas membres. D'autres traités sont élaborés et signés entre 1997 et 2000: le traité d'Amsterdam en octobre 1997 et le traité de Nice en décembre 2000. Le premier confère plus de poids au Parlement européen qui a notamment le pouvoir d'approuver la désignation du Président de la Commission européenne. Il considère également l'espace Schengen comme un “acquis communautaire”. Ce traité va créer notamment un espace de liberté, de sécurité.Le traité de Nice est un traité inutile car les états membres ne parviennent pas à se mettre d'accord sur une réforme des institutions. 

- renforcé par l' union monétaire : l'Euro et la zone Euro 

  • Comme l'affirmait Helmut Kohl, l'union monétaire et l'union politique sont “l'avers et le revers de la même médaille.” L'union économique et monétaire a suivi trois étapes: la première, anticipée avant même le traité de Maastricht, est une phase devant favoriser la circulation des capitaux; la seconde phase concerne la mise en place de structures devant permettre le passage à l'Euro comme l'institut monétaire européen devant préparer la troisième phase à savoir le transfert de responsabilités à une Banque centrale pour un passage à cette monnaie au 1er janvier 1999 : transfert s'appuyant sur les critères de convergence évoqué plus haut. 
  • Cette union se traduit par une monnaie unique en 1999 pour 11 pays: Allemagne, Autriche, Belgique, Espagne, Finlande, France, Irlande, Italie, Luxembourg, Pays-Bas et Portugal. La Banque centrale européenne (BCE) entre en fonction: son siège est à Francfort: elle a en charge la politique monétaire dont elle définit les orientations. La zone euro peut désormais fonctionner: la Grèce adhère à la zone euro en 2001, la Slovénie en 2007, Chypre et Malte en 2008, la Slovaquie en 2009 , l'Estonie en 2011, la Lettonie en 2014 et la Lituanie en 2015. 

B/ Les années 2005- 2021: des années de doutes et une Union dans une impasse 

Pourquoi les années 2005-20209 sont des années d’incertitudes et de confusions ? En quoi l'Union européenne semble être à un tournant de son histoire? Pourquoi le projet européen à est à l'arrêt et comment le relancer ? Les années 2000-2020 sont des années de doutes, d'hésitations au niveau de la construction européenne, de ses approfondissements. Des interrogations de plus en plus vivaces sont soulevées: quelle Union veut-on vraiment? Doit-on se diriger vers une véritable Europe fédérale? Comment gérer une Union à 28 et maintenant à 27? L'Union peut-elle être uniquement un marché ?... On peut rappeler ce que Jean Monnet affirmait dans ses mémoires (publiées en 1976): “l'Europe se fera dans les crises, et elle sera la somme des solutions apportées à ces crises.” 

a/ Une Europe fragilisée et qui doute 

Les doutes de l'UE,des Etats la constituant et des peuples la composant se sont exacerbés dans les années 2000 tant au niveau du fonctionnement des institutions européennes que des difficultés économiques. 

-un blocage institutionnel: du refus de la constitution au traité de Lisbonne, une union au fonctionnement posant problème

  •  L'UE est une Europe de traités: elle se construit par des traités. Le traité de Maastricht est une étape majeure. Depuis 1992, d'autres traités ont été élaborés afin, en théorie, d'améliorer le fonctionnement de l'UE et/ou de l'approfondir.En 1985, la France, la Belgique, le Luxembourg, les Pays-Bas et la RFA avaient opté pour la libre circulation des personnes: une convention d'application est signée en 1990: la convention de Schengen, une convention qui s'applique réellement à partir de 1995 (voir plus haut). Des états non membres de l'UE comme la Norvège et l'Islande signent cette convention. En 1997, le traité d'Amsterdam intègre la convention de Schengen au traité sur l'UE (Le Royaume-Uni et l'Irlande bénéficient de clauses d'exclusion). 
  • Shengen implique plusieurs aspects: une politique commune par rapport à l'immigration (appliquée à partir de 2004), la coopération des polices nationales par le biais d'Europol (Office européen de police). Le traité d'Amsterdam renforce le traité de Maastricht. En 2005, est créée l'Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures (Frontex). Il s'agit de coordonner les politiques à l'égard des mouvements migratoires (quelque soit leur provenance). En décembre 2000 est signé le traité de Nice qui entre en vigueur en février 2003. 
  • Ce traité de Nice est signé dans un contexte particulier à savoir la perspective d'une intégration proche de nouveaux membres. Parallèlement est proclamée la Charte des droits fondamentaux. Dans l'optique d'un élargissement, il s'agissait de repenser l'organisation des institutions européennes. Ce traité, objet de fortes rivalités, ne règle rien de particulier: il réduit le nombre de commissaires européens et le Président de la commission et les commissaires seront nommés à la majorité qualifiée. Il prévoit que, lors des Conseils européens, une décision ne sera prise que si les votes représentent au moins 62% de la population de l'UE et 73,9% des voix des Etats membres. Le nombre de parlementaires européens est fixé à 732 (1 pour 800 000 habitants) et décide que pour qu'il y ait une politique de coopération entre plusieurs états, ces derniers doivent être au nombre de huit au minimum.... 
  • Ce traité modifie peu de choses sur le fond et ne satisfait pas les pro-européens: certains veulent aller beaucoup plus loin. En 2001, les chefs d'état et de gouvernement propose une “Convention”: elle se réunit du 28 février 2002 au 10 juillet 2003 et ses travaux aboutissent à un “projet de traité établissant une Constitution pour l'Europe”. Le texte est adopté après tergiversations en octobre 2004. Ce projet de Constitution doit être approuvé soit par voie parlementaire soit par référendum. Or deux Etats, la France et les Pays-Bas vont rejeter ce projet. 
  • En France, le projet est rejeté par 54,67% des votants et aux Pays-Bas par 61,6% des votants. Il est à souligner que 9 pays avaient ratifié le projet avant le double vote franco-néerlandais. Les autres Etats n'engagent donc pas le processus de ratification et le projet est de ce fait définitivement refusé et enterré. Afin de contourner cet obstacle, un traité simplifié et modifié est signé à Lisbonne en octobre 2007 cette fois sans passer par un quelconque référendum. 
  • Des éléments du traité constitutionnel sont préservés comme la réduction du nombre de commissaires, le Parlement peut co-décider lorsque une décision est prise à la majorité qualifiée, un droit d'initiative citoyenne est crée. Un président du Conseil européen est élu (le premier est un belge Herman von Rompuy) et le poste de haut représentant pour les affaires étrangères et la politique de sécurité voit le jour... Ce traité est ratifié mais l'Irlande dont la constitution prévoit qu'un tel choix ne peut se faire que par référendum organise ce dernier en juin 2008: le vote irlandais est négatif. Le traité est néanmoins ratifié par l'Irlande qui vote une seconde fois, comme les Danois lors du traité de Maastricht en octobre 2009: il entre en application en décembre de cette même année. Ce traité s'avère complexe et ne permet pas de trancher sur ce que doit être la véritable nature de l'Union. 

 -une Union dans une impasse politique et institutionnelle ? 

  • Les années 2005-2021 sont des années où l'Union européenne semble être dans une impasse dont elle ne parvient pas à se sortir. Elle est comme l'écrivait en 2005 le journaliste de Libération Jean Quatremer dans le “coma”. Les blocages institutionnels demeurent: le compromis institutionnel de Lisbonne ne règle pas les difficultés surtout qu'il doit se traduire sur une dizaine d'années. La question d'élargir encore davantage se pose bien que la Croatie soit admise en 2013. Plusieurs pays ne sont pas favorables à un élargissement supplémentaire et ont décidé que tout élargissement futur passerait par le référendum. Le refus d'élargissement est également présent parmi les populations européennes: le cas de la Turquie est à cet égard emblématique. 
  • Or de nouveaux Etats ont fait acte de candidature: l'Islande en 2009, une candidature retirée depuis peu, des Etats balkaniques: la Macédoine (depuis 2004), le Monténégro en 2008, la Serbie et l'Albanie en 2009. A cette problématique de nouveaux élargissements s'ajoutent les tensions avec la Russie et les Etats qu'elles estiment appartenir à sa sphère d'influence: Ukraine, Biélorussie, Moldavie... 
  • La création d'un partenariat oriental en 2009 avec l'Arménie, l'Azerbaïdjan, la Géorgie, la Moldavie,l'Ukraine et la Biélorussie permet à ces derniers d'obtenir des aides de l'UE dans le cadre de politiques de modernisation mais il n'est pas un moyen en vue d'élargir l'UE à une zone géographique instable et que la Russie entend contrôler. Difficultés institutionnelles non réglées, problème de l'élargissement, l'UE ne semble pas encore en mesure de trancher ces difficultés. En plus, des problèmes économiques et financiers d'importance viennent compliquer la situation. 

- la crise de 2008 et une zone Euro en grandes difficultés: des conséquences lourdes sur le projet européen 

  • L'année 2008 est pour les Etats de l'UE est une année particulièrement délicate: la crise qui surgit aux E-U en 2007 (crise des subprimes) devient une crise financière ayant des effets notables en Europe. Les systèmes financiers européens très liés au système financier américain sont fragilisés. La crise se traduit par un taux de croissance en baisse avec même un taux négatif en 2009 ( moins 4,5%). L'Union ne parvient pas à réellement redresser la situation entre 2010 et 2014 bien que certains Etats s'en sortent mieux que d'autres. Autre effet: la hausse du chômage qui passe au sein de l'UE de 7,6% de la population active en 2008 à 10,5 % en 2012 (9,9% en octobre 2014). 
  • Certes là aussi les différences sont palpables entre un pays comme l'Autriche dont le taux de chômage est de moins de 5% en 2014 et la Grèce dont le taux est monté à 28% en 2014 (voir également l'Espagne, le Portugal).
  •  A ces problèmes s'ajoutent une forte hausse des dettes publiques et de l'endettement des Etats. Il faut noter qu'un certain nombre d'Etats ont une dette supérieure à 60% du PIB ce qui est en contradiction avec le seuil défini lors du traité de Maastricht ou avec le pacte de stabilité et de croissance révisé en 2005. En 2012, cette dette représentait pour la France plus de 90% de son PIB, 99% pour la Belgique, 117% pour l'Irlande, 127 % pour l'Italie et jusqu'à 156% pour la Grèce. La zone euro est donc entrée dans une “tourmente” à plusieurs niveaux: une discipline budgétaire peu respectée, des plans de relance peu efficients... 

Bilan : 

 Comme le rappelle Jean-Sylvestre Mongrenier, l’Union européenne est un « commonwealth paneuropéen et non pas une « Europe-puissance » ». Effectivement, l’UE n’a pas été conçu dans la perspective de la puissance en rappelant d’ailleurs que l’Allemagne a toujours été réticente à l’idée de puissance alors que le Royaume-Uni était hostile à ce que Tony Blair l’ancien 1er ministre à ce que l’UE devienne un « super-Etat .» La vision d’une Europe-puissance défendue actuellement par Emmanuel Macron ne prend pas. 

 b/ Une Union en voie d’éclatement ? 

 L'avenir à court et moyen-terme semble quelque peu difficile. La crise que connaît la Grèce et ses effets tant politiques qu'économiques jette un trouble dans l'UE. Cette dernière apparaît sans projet véritable ou dans l'incapacité à relancer les projets initiaux. Enfin la montée des populismes et nationalismes ne cessent d'inquiéter. 

 - De la crise grecque au Brexit : une UE bousculée 

  • La récente crise liée aux difficultés de la Grèce a profondément bousculé l'UE et la possibilité d'un Grexit a accentué les clivages entre les différents partenaires.La Grèce est rentrée dans l'UE en 1981: c'est un pays dont l'économie est centrée sur le tourisme et les activités maritimes ayant peu d'atouts industriels. Les difficultés de ce pays ne remontent pas aux années 2014-15: déjà en 2004, la Grèce avait été placée en procédure de déficit trop important. En mars 2010, les pays de la zone Euro avait décidé et approuvé un plan d'aide à la Grèce: un plan lié à son déficit budgétaire et son fort endettement en contrepartie d'ajustements structurels. La Grèce connaît donc des difficultés récurrentes et structurelles (difficultés structurelles multiples: problème de collecte de l'impôt, une structure comme l'Eglise riche et ne payant pas ou peu l'impôt...). 
  • En 2014, l'endettement du pays correspond à environ 177% du PIB et ce qui pose problème aux investisseurs et prêteurs, c'est sa capacité à rembourser une dette si importante surtout que 260 milliards d'euros lui ont déjà été prêtés depuis 2010. Cette crise économique et financière est aussi une crise politique européenne qui a mis en lumière de profondes dissensions entre Européens ,entre la France et l'Allemagne.  Deux options et deux tendances se sont opposées: l'une voulant à tout prix le maintien de la Grèce dans la zone Euro (position française) et l'autre souhaitant la sortie de la Grèce de l'Euro (position de la Finlande, de certains Allemands...). 
  • La crise grecque est source d'une fracture qui ne sera pas aisée à résorber entre Européens. Enfin, peut-on dans ce cadre envisager un élargissement non pas de l'UE mais de la zone Euro? Cette zone est constituée de 19 membres mais tous les Etats membres de l'UE sauf le Royaume-Uni et le Danemark (clause d'opting-out) et la Suède dont les citoyens ont refusé l'Euro en 2003 doivent intégrer la zone Euro (a priori après 2016/2017). Or une zone Euro aussi importante est-elle viable notamment par la situation économique et financière des futurs entrants? 

-existe-t-il un vrai projet européen?

  •  L'UE avec la crise de l'Euro a certes pris des décisions mais peut-on parler de projets véritables comme l'étaient les traités de Rome et de Maastricht ? En 2012, deux traités intergouvernementaux ont été signés: un traité qui met en place un mécanisme européen de stabilité (MES) et un traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l'Union. Le premier a été signé par les 27 états membres et est entré en application en septembre 2012 et le second, signé en mars 2012 par 25 membres à l'exception du Royaume-Uni et de la République tchèque est en application depuis janvier 2013. Ces traités visent à une meilleure coordination budgétaire “imposant” d'ailleurs une discipline budgétaire aux Etats membres. 
  • A partir de 2013, la Commission européenne peut émettre un avis au sujet des budgets des Etats membres avant même que les Parlements nationaux ne soient consultés. Ces traités probablement utiles ne sont en rien des projets à même de relancer l'Union. En ce qui concerne les institutions, l'Union européenne fonctionne de façon complexe, trop complexe notamment aux yeux de nombreux citoyens. Ainsi, la présidence de l'UE depuis le traité de Lisbonne obéit à deux “têtes”: un président du Conseil européen (mandat de 2 ans et demi renouvelable) et un président du Conseil des ministres (présidence tournante tous les semestres). la fonction du Haut représentant de l'Union pour les affaires étrangères reste vague et son influence somme toute peu évidente et le Parlement européen dont les députés sont élus au suffrage universel n' a pas un poids suffisant. 
  • Il faut ajouter à ce panorama la crises des migrants de 2015-2016 avec des Etats européens en désaccord sur la politique migratoire à conduire. Plus récemment, la crise sanitaire du Covid 19 a révélé encore des approches différentes de la crise et une UE incapable de mener une politique sanitaire concertée. 

-Montée des nationalismes et des identités nationales: vers un repli de l'Europe et une Europe “forteresse”? 

  • Les difficultés de l'Union qu'elles soient économiques, financières ou autres, le flou du projet européen, l'opacité du fonctionnement institutionnel, le manque de démocratie de ce fonctionnement ont conduit et conduisent de nombreux citoyens non seulement à s'interroger sur l'UE mais à la rejeter. Des partis politiques exploitent ce malaise soit pour demander une moindre implication dans l'UE soit pour s'en retirer. Les partis dits populistes jouent sur ses craintes: l'exemple du Front national en France le montre, un FN qui demandait l'abandon de l'Euro. Plus inquiétant, un premier ministre anglais, David Cameron, sans être un populiste, prévoit un référendum pour 2016 afin que les citoyens britanniques puissent s'exprimer sur le maintien ou non dans l'UE: un Brexit est dès lors tout à fait envisageable et devient réel en juin 2016 avec un vote majoritaire en faveur de la sortie du Royaume-Uni. Le Brexit soulève ainsi de multiples problèmes: comment gérer et négocier cette sortie? Quelles en seront les conséquences politiques et économiques? Ces perspectives peu encourageantes oublient le rôle joué par la construction européenne dans l'élaboration d'une Europe pacifiée mais aussi son impact lors des phases de croissance économique. L'UE, même avec ses difficultés, disposent d'atouts importants. Bilan et analyse: Les années 1992-2005 sont marquées par des élargissements et approfondissements qui sont fondamentaux et laissent présager le développement d'une Europe fédérale. Mais les différents échecs à partir des années 2005 dont l'échec du traité constitutionnel marquent un coup d'arrêt.
  • L’Union européenne semble être actuellement dans une impasse confrontée à une crise multiforme. En effet, les difficultés économiques sont réelles, difficultés que la crise sanitaire devrait accentuer. Cette crise affecte davantage la zone euro, une zone qu’un économiste comme Joseph Stglitz stigmatise car c’est zone euro manque de solidarité entre membres. La crise est aussi de nature politique avec une UE qui se divise sur plusieurs sujets : migrations, protectionnisme, fédéralisme ou Etats-Nations... 
  • De plus, cette UE a des problèmes pour s’adapter à la mondialisation avec l’impression qu’elle subit cette mondialisation sans être capable de la conduire. S’ajoutent de institutions européennes mal perçues par les citoyens avec un déficit démocratique et le poids importants de la technocratie européenne. L'Union européenne semble désormais à la croisée des chemins avec de nombreux défis à relever dont ceux de sa cohésion au niveau des différentes politiques à conduire voire de son existence même. Il faut impérativement trouver des solutions pour ne pas rester dans une telle impasse en relançant le projet européen. Sur le plan plus géopolitique, l’Union européenne n’est pas ce qu’on nomme un « acteur géopolitique global ».
  •  Elle ne s’appuie pas sur une vision géopolitique du monde partagée par tous les membres, elle n’a pas une « grande stratégie » à l’inverse de la Chine ou des Etats-Unis et ne peut donc être un acteur hégémonique. 
  • L’importance du « lien historique et génétique entre l’OTAN et l’Union européenne » (Jean-Sylvestre Mongrenier) peut expliquer en partie la faiblesse de l’UE toujours liée à l’OTAN et aux Etats-Unis. S’ajoute le fait qu’il n’y a pas d’Europe de la défense. Pour Jean-Sylvestre Mongrenier, « l’Europe de la défense n’est pas la défense de l’Europe. » L’Europe de la défense n’existe pas et reste « dans l’ombre de l’OTAN » avec toujours « une improbable armée européenne. » 

C/ Comment fonctionne l'Union européenne ? 

Quelles sont les politiques de l'UE Pour reprendre une formule utilisée par Olivier de France (Géopolitique de l’Europe, éditions Eyrolles 2021), on peut se demander « a quoi l’Union européenne sert-elle ? » Pour répondre à cette question, il faut comprendre le fonctionnement de l’UE. 

a/ Le fonctionnement de l'UE 

  •  « L’Union européenne est un corps politique supranational singulier. Elle dépend à la fois de la volonté de ses Etats membres qui lui délèguent une part de leur souveraineté, mais aussi d’institutions supranationales, autonomes qui se fondent sur un principe d’intérêt communautaire » rappelle Olivier de France. L’organisation de l’Union européenne dans un tel cadre est complexe avec des processus de prise de décisions pouvant être compliqués, et la complexité du fonctionnement peut se comprendre parce qu’ il s’agit d’articuler le fonctionnement des institutions européennes et le fonctionnement des institutions nationales. De plus, il y a normalement un « intérêt européen » mais cet intérêt peut être en contradiction avec des intérêts nationaux ce qui rend le fonctionnement de l’UE difficile dans nombre de cas. L'UE repose sur des institutions dont les principales sont le Conseil européen, le Conseil des ministres, la Commission et le Parlement. 
  • Le fonctionnement repose aussi sur une répartition des compétences entre les différents états membres et l'UE. Le Conseil européen est typiquement une institution intergouvernementale alors que la Commission européenne est une institution supranationale. Quant au Parlement, il défend théoriquement les intérêts de l’Union. Il faut rappeler que les lois européennes sont liées aux différents traités européens qu’elles doivent respecter. En ce qui concerne la répartition des compétences, celles qui sont attribuées à l'UE lui ont donc été conférées par les traités signés: il s'agit de ce fait d'un transfert de compétences des états vers l'UE et l'UE ne peut donc agir hors de ce cadre. Il existe trois types de compétences: les compétences dites exclusives qui concerne des domaines où seule l'UE agit et non plus les états membres (politique commerciale, concurrence, union douanière, politique monétaire pour la zone euro...). 
  • Dans le cadre des compétences exclusives, c’est l’UE qui légifère; les compétences partagées qui sont comme le nom l'indique des compétences que l'UE et les états exercent ensemble (politique environnementale, marché intérieur, agriculture, transports, énergie...) et les compétences réservées qui sont du domaine des états (culture, santé,éducation...).  Les décisions prises au sein de l'UE peuvent être classées en 4 types: les règlements, les directives, les décisions et les avis. 
  • Les règlements sont obligatoires et directement applicables pour les états membres ; les directives sont des textes que les états membres doivent intégrer dans leurs législations nationales ( ils ont un certain temps pour le faire); Les décisions concernent des états (pas tous) mais aussi des entreprises ou des particuliers et sont de ce fait à portée plus limitée; les avis ou recommandations n'ont pas force de loi n'étant pas obligatoires. 
  • La commission européenne est une institution se voulant supranationale et son siège est à Bruxelles. Cette commission est la « gardienne » des traités européens, elle dispose d'un droit d'initiative puisqu'elle est à l'initiative des textes de lois européens, elle gère le budget de l'UE. Elle exerce un pouvoir d’intervention notamment au niveau de la politique commerciale et de la concurrence. Les membres de la Commission à savoir les commissaires européens sont nommés pour 5 ans (ils ne sont pas élus et son au nombre de 27): à la tête de la commission se trouve un Président. La président de la Commission européenne est Ursula von der Leyen pour la période 2019-2024. Le commissaire européen français est Thierry Breton.  Le Conseil européen est une institution créée officiellement en 1974 se composant des chefs d'état et du gouvernement,des ministres des affaires étrangères et du Président de la commission (Il se réunit à Bruxelles).
  • Le Conseil européen dispose du pouvoir de décision au sein de l'UE en fixant les grandes orientations de cette Union: il se réunit deux fois par an. Le Conseil des ministres se compose des ministres et a des compétences en matière législative. Ces deux conseils sont présidés à tour de rôle par les différents états membres pour une durée de 6 mois. Le Parlement européen est l'institution dont les membres sont élus par les citoyens au suffrage universel (depuis 1979) pour 5 ans (au nombre de 766 députés avec l'UE à 28 avec son siège à Strasbourg ? Avec le Brexit, le nombre de députés européens est désormais de 705 eurodéputés). Le Parlement contrôle la Commission européenne qu'il peut censurer et a un pouvoir législatif dans certains domaines. Ses pouvoirs ont été élargis (traités d'Amsterdam et de Nice) avec l'attribution d'un pouvoir de co-décision dans des domaines avec le Conseil des ministres comme l'agriculture, les politiques migratoires... Les textes proposés par la Commission doivent être adoptés dans les mêmes termes par le parlement et le Conseil des ministres. 
  • Le Conseil de l’Union européenne se compose des 27 ministres des Etats membres réunis en conseil et il est présidé par le ministre dont l’État assure la présidence semestrielle. On peut ajouter comme autres institutions, la Banque centrale européenne dont le siège est à Francfort dont la présidence est assurée par Christine Lagarde depuis novembre 2019 (pour un mandat de 8 ans non renouvelable) ; la Cour de justice européenne (siège à Luxembourg) composée de 27 juges et 11 avocats généraux qui assure le respect du droit européen. Au niveau de la prise de décision, il faut rappeler qu'au début du projet européen, les décisions étaient prises à l'unanimité. Désormais, le vote à l'unanimité est réservée pour certaines décisions jugées d'ailleurs importantes comme de nouvelles adhésions, la politique étrangère et de sécurité ou encore la politique fiscale. 
  • Actuellement, s'est développée la procédure de la majorité qualifiée depuis le traité de Maastricht en 1992 dans des domaines comme la politique commerciale, la politique agricole commune... Cette procédure consiste à pondérer le vote des états membres par un nombre de voix qui doit être proportionnel à la population de chaque état. Depuis 2007, pour qu'un texte soit adopté à la majorité qualifiée, il faut réunir 255 voix sur 352 sachant que le nombre de voix doit correspondre à au moins 65% de la population des états membres.  Le traité de Lisbonne de 2009 fait que depuis 2014 cette majorité qualifiée correspond à au moins 55% des membres du Conseil avec au moins 16 d'entre eux et au moins 65% de la population de l'UE.
  • L'Allemagne, la France, l'Italie et le Royaume-Uni (avant donc le Brexit) disposaient de 29 voix, l'Espagne et l'Italie de 27 voix, la Roumanie de 14 voix, les Pays-Bas de 13 voix, la Grèce, la République tchèque, la Belgique, le Portugal et la Hongrie de 12 voix, la Suède, l'Autriche, la Bulgarie de 10 voix, la Slovaquie, le Danemark, la Finlande, l'Irlande, la Lituanie, la Croatie de 7 voix, la Lettonie, la Slovénie, l'Estonie, Chypre, le Luxembourg de 4 voix et enfin Malte de 3 voix. Les élargissements de l'UE ont rendu la prise de décisions plus complexe et on s'interroge sur l'efficacité du système élaboré.
  • Depuis le traité d'Amsterdam de 1997 et le traité de Nice de 2000 se sont développées les coopérations renforcées entre états. Ces coopérations renforcées visent à favoriser pour les états le souhaitant à approfondir la construction européenne. La coopération renforcée nécessite toutefois la présence de 8 états membres, la validation par le Conseil des ministres à la majorité qualifiée ainsi que l'avis du Parlement européen. Il existe également le système de l'opting out, un système qui est dans une logique différente. 
  • Il s'agit de dérogations par rapport à un traité signé que peuvent obtenir les états. La clause d'opting out a été appliquée pour la première fois lors du traité de Maastricht pour le Danemark qui avait refuser (ses citoyens) de ratifier le traité en question. Un second référendum avait eu lieu, le Danemark ayant obtenu des exemptions par rapport à ce traité (statut dit dérogatoire) comme la non participation à une défense commune et à l'union monétaire, le Danemark avait approuvé lors de ce second référendum le traité en question. L'opting out a un effet pouvant être jugé pervers: il permet une construction européenne à la carte. 

 b/ Les politiques de l'UE 

  • L'Union européenne, elle a été créée pour cela, conduit des politiques visant précisément à une Europe de plus en plus intégrée. Un des aspects fondamentaux de cette intégration est la politique économique. Ces politiques sont mises en oeuvre par un budget européen (144 milliards d'euros en 2013 soit 1% du PNB européen, 143,8 milliards en 2016, 168,7 milliards d’euros en 2019 et 164 milliards pour 2021) : les principales dépenses de ce budget concernent la politique agricole commune, le financement des différents fonds structurels..., un budget financé par les contributions des états membres Un des premiers éléments est la réalisation effective à partir de 1968 d'une union douanière avec donc la création d'un tarif douanier commun, la suppression des quotas, mise en place d'un tarif extérieur commun...: il s'agissait de favoriser une véritable intégration commerciale. Une seconde étape encore plus importante est la réalisation d'un véritable marché intérieur devant permettre la réalisation d'une véritable intégration économique: cette étape est franchie avec l'Acte unique européen signé en 1986. l'Acte unique européen supposait aussi l'harmonisation entre états des normes. Cette Acte unique a permis la création d'un espace de libre circulation des marchandises, des capitaux et des hommes et de ce fait un marché unique. A ce marché unique s'est ajouté pour les états volontaires une union monétaire. 
  • Dès les années 1970, les états membres ont souhaité mettre en place un système monétaire européen devant être stable avec la création en 1979 du système monétaire européen (SME), un système devant en théorie éviter les fluctuations trop importantes entre les différentes monnaies. Le rapport de Jacques Delors de 1989 et le traité de Maastricht vont aller plus loin proposant une union monétaire avec à terme une banque centrale européenne et un passage vers une monnaie commune. Pour réaliser et construire ce qui va devenir la zone euro, des critères de convergence ont été élaborés: le taux d'inflation ne doit pas dépassé 1,5 point le taux moyen des 3 états ayant l'inflation la plus faible; le déficit budgétaire ne doit pas dépassé 3% du PIB et la dette publique ne doit pas être supérieure à 60% du PIB. Dans cette optique a été signé en 1997, le pacte de stabilité et de croissance. La création de l'euro et de la zone euro sont des étapes importantes du projet européen. Il faut cependant insister sur plusieurs points concernant l'économie dont l'absence d'harmonisation fiscale entre les différents états. 
  • La fiscalité reste très différente selon les états ce qui induit des écarts de compétitivité. Le seule exception concerne la fiscalité indirecte avec l'harmonisation de la TVA (Traité d'Amsterdam. Il faut également signaler la présence de paradis fiscaux au sein même de l'UE: Luxembourg, Malte, Chypre... La construction d'une union douanière et d'un marché unique est originale et s'inscrit dans le cadre d'une économie mondiale de plus en plus mondialisée. Il faut rappeler qu'avant la construction européenne, avait été signé les accords du GATT (accord général sur les tarifs et le commerce) en 1947 par les E-U et plusieurs états dont des états européens. Ces accords reposaient sur plusieurs principes: l'abaissement des tarifs douaniers afin de développer les échanges, le principe de non discrimination dans le commerce ou encore la suppression des restrictions au commerce... 
  • Le GATT et la construction européenne ne sont de ce fait pas dans la même logique: la politique commerciale de l'UE étant fondée sur un tarif extérieur commun et ce qu'on nomme la préférence communautaire. Le GATT puis l'OMC souhaitent la fin d'un système européen jugé contraire aux accords internationaux et à la libéralisation des échanges. Un des points importants de la construction européenne est la mise en place d'une politique agricole commune ou PAC à partir de 1962. La PAC avait au départ plusieurs objectifs au demeurant fort intéressants: augmenter la productivité et moderniser les agricultures européennes, assurer l'autosuffisance alimentaire des pays membres et et permettre aux agriculteurs d'avoir des revenus satisfaisants. Pour répondre à ces buts, la PAC était fondée sur 3 principes : la préférence communautaire par laquelle les pays membres s'engageaient à acheter en priorité des produits agricoles des autres pays membres; l'unicité du marché et des prix et la solidarité financière par l'intermédiaire d'un Fonds européen d'orientation et de garantie agricole (FEOGA), un FEOGA qui subventionnait les productions et exportations des agriculteurs européens, fixait des prix garantis pour les différentes productions...
  • Cette politique a permis de développer l'agriculture européenne la rendant de plus en plus productive. Cette PAC a connu plusieurs réformes: une réforme en 1972 visant à moderniser encore plus les exploitations que l'Europe voulait plus grandes et performantes (logique productiviste), des réformes comme celles de 1988 ou 1992 visant à éviter les surproductions générées par la PAC elle même (aides pour laisser des terres en jachère, mise en place des quotas laitiers... En 2003, une autre réforme a eu lieu avec des aides versées ne devant plus être liées aux volumes de production toujours dans la logique d'éviter les surproductions, la baisse des prix garantis aux agriculteurs, la création d'un fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER)... La PAC a eu plusieurs effets qu'ils soient positifs ou négatifs.Elle a conduit à une spécialisation des régions agricoles, à des productions toujours plus importantes sachant que jusqu’à présent l'UE a fait le choix de produire beaucoup avec de moins en moins d'agriculteurs ce qui favorise les grands exploitants, à un productivisme peu soucieux de l'environnement... 
  • L'agriculture européenne est ainsi clivée entre des régions où l'agriculture est très compétitive: bassin parisien, Pays-Bas, Rhénanie en Allemagne..., des régions en difficultés ou régions en déprise comme les régions d'agriculture de montagnes...  Parmi les politiques conduites par l'UE, il existe, et elles sont d'une grande importance, des politiques de cohésion et de solidarité territoriale. 
  • Dès le traité de Rome en 1957, les dirigeants avaient prévu la création de structures visant à équilibrer les différents territoires comme la création en 1958 du Fonds social européen (devant aider à l'insertion des individus au chômage) ou en 1960 de la Banque européenne d'investissement. Plus tard dans la perspective de réduire les inégalités entre régions européennes ont été créés des Fonds structurels comme en 1975 le FEDER ou Fonds européen de développement régional.
  • Il existe actuellement 4 fonds structurels: le FEDER, le FSE (Fonds social européen), l'Instrument financier d'orientation de la pêche ou IFOP et le FEOGA orientation qui finance des actions de développement rural. En 1994 a été créé un Fonds de cohésion devant aider les états à atteindre les critères de convergence en vue d'intégrer la zone euro par des crédits: ce Fonds n'est pas destiné aux régions européennes mais aux états. Il existe aussi des programmes d'intérêt communautaire devant favoriser une certain nombre d'actions comme le programme INTERREG devant favoriser les coopérations entre régions frontalières, le programme LEADER devant participer au développement rural... (Programmes EQUAL et URBAN également). 

 Bilan : 

 -« A quoi l’UE sert-elle du point de vue économique ? » et « commercial ? »

  •  Sur le plan économique, la CEE puis l’UE ont institué un grand marché économique et un marché dit unique reposant sur la libre circulation des marchandises, des capitaux, des hommes. L’UE est également à l’origine d’une monnaie unique l’Euro et d’une zone euro. 
  • Sur le plan commercial, l’UE est active notamment parce que la Commission européenne représente l’intérêt de l’UE dans les négociations commerciales avec d’autres Etats. Ainsi, l’UE négocie des traités commerciaux comme avec le Mercosur ou encore avec le Canada ou les E-U. 

 -A quoi l’UE sert-elle du point de vue politique ? 

  •  L’UE est souvent perçue comme essentiellement un grand marché avec un poids politique réduit. L’une des questions est de savoir si elle peut être réellement autre chose notamment une véritable communauté de destin. 

 -A quoi sert-elle d’un point de vue diplomatique et militaire ?

  •  En 1992 a été institué une politique étrangère et de défense commune (PESC) et plus tard a même été créé un Haut représentant de l’UE aux affaires étrangères qui depuis 2019 est Josep Borrell (mandat de 5 ans). Mais les décisions en matière de politique étrangère repose sur l’unanimité et de ce fait il n’y a pas de politique étrangère réellement unique. Pourtant, une véritable politique étrangère et de défense serait nécessaire pour que l’UE pèse réellement d’un point de vue stratégique à l’échelle mondiale. Comme l’ écrit Olivier de France « les équations sont de plus en plus collectives » et les « réponses restent nationales. » 
  • En ce qui concerne la défense, elle est la prérogative des Etats et de l’OTAN à laquelle les Etats de l’UE sont liés. En réalité, il n’y a pas de véritable défense commune (« la défense n’est pas dans l’ADN de l’UE ; » Olivier de France).

3/ L' UE : un pôle moteur et une puissance majeure de l'économie mondiale mais affectée par des changements économiques profonds


Quelques chiffres clés sur l’UE (2019): source Eurostat PIB de l’UE à 28 (le Royaume-Uni a quitté l’UE en janvier 2020) : 15 592 milliards de dollars (16 500 milliards d’euros) en 2019 dont 3 846 milliards de $ pour l’Allemagne, 2827 milliards pour le Royaume-Uni 2 715 milliards pour la France. Le PIB mondial avoisine les 80 000 milliards de $. PIB par habitant en 2019 : 46 467 $ en moyenne (UE à 28) Si on compare l’UE avec d’autres pays (source : Eurostat), on peut mettre en exergue le fait que l’UE représente 5,9 % de la population mondiale (UE à 27), 18,6 % d PIB mondial (en 2018) contre 25,6 % en 2008... 
 Exportations vers les pays tiers en 2018: 1956 milliards d’euros et Importations de pays tiers: 1980 milliards d’euros avec comme principaux partenaires: la Chine (19,9% des importations de l’UE proviennent de Chine et 10,7 % des exportations de l’UE sont à destination de la Chine) et les Etats- Unis (13,5% des importations de l’UE sont américaines et les exportations de l’UE vers les E-U représentent 20,8% des exportations de l’UE) et 64% des échanges de l’UE sont intra-européens 

A/ L'Europe: une puissance économique, commerciale et financière planétaire 

 Pourquoi l'Union européenne est et reste une puissance d'envergure mondiale? Est-elle néanmoins toujours en capacité de rivaliser avec les E-U et les puissances émergentes notamment la Chine? En quoi est-elle une puissance économique en voie d'affaiblissement et de retrait? 

a/ Une Union qui est toujours une puissance économique et commerciale d'importance mondiale

L'Union européenne est une puissance économique et commerciale de poids : en 2018, le PIB de l'UE s'élevait donc à 15 908 milliards d’euros (somme des 28 états membres) faisant de l'UE la 2e puissance économique au monde (derrière les E-U dont le PIB est supérieur à 20 000 milliards de $); le PIB mondial est estimé 84 740 milliards de $ par le FMI. L'UE est, avec la Chine et les E-U, un pôle majeur du commerce mondial. Elle est le 1er exportateur mondial de biens et services mais au niveau des biens, elle est désormais dépassée par la Chine. 

-les atouts de la puissance

  • La puissance économique de l'UE est liée à des atouts importants dont elle dispose. Parmi ses atouts, une industrie performante : elle est le deuxième pôle industriel mondial (plus de 22% de la production bien que des pertes de marché soient constatées avec un phénomène de désindustrialisation). Certains secteurs industriels sont toujours performants et compétitifs comme l'aéronautique, l'aérospatiale, les secteur des machines-outils (grâce à l'Allemagne), de la pharmacie ou encore l'industrie automobile. 
  • Un autre atout est l'agriculture: elle représente un quart de la production mondiale avec une valeur productive dépassant les 434 milliards de dollars en 2018 (sources Eurostat). Elle est la seconde puissance agricole au niveau des exportations de produits agricoles et agro-alimentaires derrière la puissance des Etats-Unis. Le rachat de la firme américaine Monsanto (une firme qui produit des semences et des pesticides) par la firme allemande Bayer est une illustration de la puissance de cette filière (un achat pour un montant de 59 milliards de dollars).
  • La firme Bayer n'est d'ailleurs pas seulement une firme travaillant en lien avec l'agriculture, elle est un des géants de la chimie et de la pharmacie, une firme en achetant la firme américaine Monsanto s’affirme encore davantage.  Parmi les points forts de l'UE, on peut aussi signaler ses FTN qui peuvent concurrencer les FTN américaines ou nippones. 
  • En 2020, sur les 500 premières FTN au monde, près de la moitié étaient européennes. Dans le classement 2020, la firmes Royal Dutch Shell est classée au 5e rang mondial avec 352 milliards de $ de CA, Volkswagen 7e avec 278 milliards de $, BP est 8e avec 282 milliards de $ Glencore 17e (firme Suisse) avec 215 milliards de $, Daimler 20e avec 193 milliards de $, Total 25e avec 176 milliards de $ et 9 FTN européennes sont dans les 50 premières (20 dans les 100 premières). Les FTN européennes sont donc parmi les plus puissantes du monde au même titre que les FTN américaines, japonaises ou chinoises. Signalons tout de même, le poids grandissant des FTN chinoises qui atténuent de plus en plus le poids des FTN européennes.
  • Autre bémol, le peu de FTN européennes dans le domaine des NTIC, un secteur dominé par les firmes américaines. Enfin, si on prend en compte la capitalisation boursière, aucune FTN européenne n’est en 2020 dans le top 20 mondial. Ce classement est à la fin de l’année 2020 dominé par les GAFAM, la Saudi Aramco notamment.  La première européenne est Nestlé au 21 erang mondial avec une capitalisation boursière de 328 milliards de $, la seconde est LVMH au 24 e rang mondial avec 305 milliards de $... Dans le top 50 par capitalisation boursière, nous avons (seulement) 5 firmes européennes contre 35 firmes américaines (6 FTN sont chinoises). 
  • Signalons que LVMH est entré en mars 2021 dans le top 20 des capitalisations boursières avec 274 milliards d’euros (environ 328 milliards de $) devenant à ce titre la première firme européenne par capitalisation boursière.  Enfin, dernier atout: une capacité d'innovation et de recherche importante.  Certes l'UE ne consacre pas assez de capitaux pour innover par rapport à ses concurrents: environ 2% de son PNB contre 3,4 % pour le Japon en 2017 ou 2,8% pour les E-U (un objectif de 3% avait été fixé en 2002: il est toujours d'actualité pour 2020). 
  • Néanmoins, des programmes de recherche ambitieux sont lancés et des efforts nationaux ou régionaux sont réalisés (Suède, Bade-Wurtemberg et Bavière en Allemagne) et certains pays consacrent une part importante du PNB à la recherche et développement comme l'Allemagne avec 2,9% alors que pour d'autres la part reste modeste comme pour la France (2,3%) ou la Grande-Bretagne (1,81%). 
  • Ce sont le Danemark et la Suède qui consacrent la part la plus importante à la recherche (plus de 3% du PNB). Dans le classement des universités mondiales (classement de Shanghai) toujours dominé par les Universités américaines, on retrouve des universités européennes. Dans le classement de 2020, Cambridge est classée à la 3e place, Oxford à la 9e , Paris Saclay à la 14e , ETH Zurich à la 20 e, Imperial college of London à la 25e , ...  Dans ce classement, sur les 50 premières, on retrouve 13 universités européennes contre 29 universités américaines, 2 sont chinoises... L'UE dispose également de ports d'envergure (voir ci-dessous) et d'une ZEE très importante. 
  • La ZEE de l'UE correspond à 25 millions de km carré et de ce fait est la première au monde (30% de la ZEE mondiale) et les territoires ultramarins sont un véritable plus pour l'UE permettant une présence maritime mondiale et des ouvertures sur tous les continents. En 2020, dans le palmarès des principaux ports à conteneurs, on retrouve le port de Rotterdam au 11e rang mondial avec 14,3 millions de conteneurs, Anvers est au 14e rang mondial avec plus de 12 millions de conteneurs, Hambourg au 18e rang avec plus de 8,7 millions soit 3 ports européens dans le top 25 mondial, un classement dominé par les ports asiatiques : 9 ports asiatiques dans le top 10 et 18 dans le top 25 dont 7 chinois dans le top 10. 
  • Ce classement met en évidence l’importance pour l’Europe de la façade dite de la Northern range dont Rotterdam est le coeur. Enfin, il faut ajouter l'importance de certains aéroports comme Londres Heathrow, Paris (Charles de Gaulle) ou encore Amsterdam classés en 2019 avant la rupture induite par la crise du Covid en trafic passagers respectivement aux 7e, 9e et 12e rang mondiaux avec plus de 80 millions de passagers, plus de 76,1 millions pour CDG et plus de 71,7 millions pour Amsterdam. 
  • L’aéroport de Francfort est au 15e rang mondial avec plus de 70,5 millions de passagers. Plusieurs aéroports européens sont donc des plaques tournantes du trafic aérien et des hubs mondiaux.. 

-un pôle économique moteur de la globalisation et un pôle mondial commercial incontournable

  •  L'UE est toujours une puissance économique mondiale : elle est l'un des centres majeurs de l'économie mondiale avec “seulement” rappelons -le 7 % de la population mondiale en 2019 (avec le Royaume-Uni. L'UE représente 19% du PIB mondial et 20% des échanges mondiaux (plus de 40% si on prend en compte les échanges entre les états membres (échanges intracommunautaires). 
  • En 2019, les E-U sont toujours à la première place au niveau du PIB global avec 21 374 milliards de $, la Chine est au 3e rang avec plus 14 000 milliards de $ et l'UE se maintient donc au second rang mondial avec 15 592 milliards de $.  Au niveau du PIB par habitant, ce dernier était en 2019 de 46 467 $ : il est de 65 218 pour les E-U et de 16 784 pour la Chine. 
  • A ce niveau, la différence est certes notable avec les E- mais à l'intérieur de l'UE les différences sont elles-mêmes marquées: le PIB par habitant en 2020 du Luxembourg est de plus de 109 602 $, celui de l'Allemagne de plus de 45 466 dollars, celui de la France de 39 257 mais il est seulement de 15 203 $ pour la Pologne ou encore de 12 813 $ pour la Roumanie. En 2020, le Luxembourg est le pays où le PIB par habitant était le plus élevé en Europe. 
  • Il faut ajouter que l'UE est la deuxième puissance agricole au niveau des exportations: la première puissance étant les E-U. Elle est également la première puissance industrielle, le premier exportateurs de marchandises et de services. L'UE est bien un pôle économique majeur, un des pivots du monde globalisé. 

 -un pôle commercial mondial incontournable

  • L'UE est également un des pôles essentiels du commerce mondial : elle est même le premier pôle commercial de la planète devant les E-U, la Chine et le Japon y compris sans tenir compte des échanges intracommunautaires.
  • Il faut néanmoins souligner deux points importants: 70% des échanges de l'UE ont lieu entre les Etats membres, le commerce de l'UE est avant tout intra- régional et la balance commerciale de l'UE dite extra-régionale est déficitaire. L'UE est la première puissance exportatrice de services. Il faut ajouter que l'Union européenne est une puissance maritime d'envergure comme nous l'avons déjà vu ce qui facilite le commerce avec une flotte marchande d'envergure (40% de la flotte mondiale est européenne) avec des ports dynamiques dont Rotterdam mais aussi Hambourg, Anvers... 

 b/L’Union européenne:une puissance financière 

 -banques, places boursières, une monnaie forte : les fondements de la puissance financière 

  • La puissance financière européenne se traduit par des banques parmi les plus puissantes de la planète (BNP Paribas, HSBC...), des places financières d'importance mondiale comme Londres, Francfort ou Paris (Londres, Francfort, Paris et Amsterdam contrôlent les 3⁄4 de la capitalisation boursière européenne), une monnaie forte, la seconde au monde en tant que monnaie de réserve (l'Euro est parfois une monnaie jugée trop forte), bien que malmenée ces derniers mois, font de l'UE la deuxième puissance financière au monde. 
  • En 2015, selon le classement de SNL Financial, HSBC est la 4e banque au monde, BNP Paribas est au 7e rang, Deutsche Bank au 11e rang, le Crédit agricole au 12e rang, la Société générale au 18e rang... 
  • En 2020, selon les actifs détenus, HSBC est la 6e banque au monde avec plus de 2 918 milliards de $ d’actifs, BNP Paribas est au 9e rang avec plus de 2430 milliards d’actifs, le Crédit agricole au 10e rang avec plus de 1984 milliards d’actifs,La banco Santander (Espagne) au 14e rang avec 1671 milliards, la Deutsche Bank au 15 e rang avec 1544 milliards ...  Dans le top 100 mondial au niveau des actifs, on retrouve 34 banques européennes pour 18 banques chinoises et 12 banques américaines. 
  • Mais les banques les plus puissantes par les actifs possédés en 2020 sont chinoises avec la Banque industrielle et commerciale de Chine et ses 4322 milliards de $ d’actifs; la China Construction Bank Corporation avec 3 377 milliards; la Banque agricole de Chine avec 3698 milliards et la Bank of China avec 3 387 milliards soit 4 banques chinoises aux 4 premières places mondiales (la 5e est la banque américaine Morgan Chase). Financièrement, l’Europe et l’UE restent compétitives. 

- un pôle toujours à forte attractivité pour les capitaux et les IDE

  • L'Europe est attractive pour les capitaux et IDE internationaux: en 2018 le stock d’investissement direct détenus par des investisseurs étrangers dans l’UE s’élevait à 6295 milliards d’euros et 35% des actifs des firmes européennes sont détenus par des investisseurs étrangers. Le cabinet A.T Kearney publie un classement des pays les plus attractifs pour les investisseurs et on trouve plusieurs pays européens dans le top 15: les Pays-Bas au 12e rang, l’Espagne au 11e rang, l’Italie au 8e rang, la France au 5e rang, l’Allemagne au 2e rang (les Etats-Unis étant au 1er rang mondial et la Chine au 7e rang). 
  • En ce qui concerne les flux d’IDE en 2018, les Pays-Bas ont reçu plus de 69 milliards de $ d’IDE (5e rang mondial), le Royaume-Uni plus de 64 milliards de $ (les E-U sont au 1er rang avec 251 milliards de $ et la Chine au second rang avec 139 milliards de $). 
  • Ces capitaux investis en Europe sont le signe d'une zone qui reste attractive pour les investisseurs. On pourrait ajouter l'attractivité touristique: l'UE est le premier pôle touristique mondial: 575 millions d'entrées en 2014, 710 millions en 2018 devant l'Asie-pacifique et les Amériques ce qui représente 50% du total mondial. 

B/ Mais des difficultés et problèmes sources de fortes interrogations 

Pourquoi l'UE peut être perçue comme “déclinante” dans un monde de plus en plus multipolaire? A-t'elle les moyens de ses ambitions? En quoi est-elle toujours une puissance déterminante? A t-elle les moyens de ses ambitions? L'UE connaît des difficultés économiques et financières: on peut donc s'interroger si l'UE est toujours capable d’être une puissance véritable ou si elle devient une puissance incomplète ou à tout le moins malmenée. La crise sanitaire contribue à mettre en exergue certaines difficultés (problèmes liés à la désindustrialisation...) 

 a/ la dépendance d’une Europe fortement concurrencée

  • L'UE subit une concurrence de plus en plus forte : concurrence “traditionnelle” des E-U et du Japon mais aussi concurrence de la Chine et des Etats émergents. Elle a des difficultés dans le cadre d’un monde globalisé. L'UE est un espace dépendant : la dépendance énergétique en est un bon exemple. -une dépendance énergétique pénalisante La dépendance énergétique de l'UE est importante à l'égard des pays producteurs de pétrole, pays de l'OPEP ou Russie. L'UE importe plus de la moitié de l'énergie qu'elle consomme : en 2019, l’UE dépend pour 60,6 % d’importations pour sa consommation d’énergie, une dépendance ayant augmenté depuis les années 1990. Pour le pétrole, le taux de dépendance était de près de 90% en 2018, environ 66 % pour le gaz naturel, 42% pour le charbon.
  •  L’UE est un importateur d’énergie avec en 2018 des importations correspondant à 886 millions de tep. Le montant de la facture énergétique est de ce fait important : 266 milliards d’euros d’importations en 2017 par exemple (énergies fossiles). Le taux de dépendance varie bien sûr d'un Etat à l'autre en fonction des ressources disponibles et de choix (choix du nucléaire): des Etats comme l'Irlande, l'Italie, l'Allemagne ont une dépendance forte supérieure à 60% alors que des Etats comme la France, le Royaume-Uni ont une dépendance un peu moindre. Le taux de dépendance aux importations des pays de l'UE (à 28) est donc de l'ordre de 60 ce qui représente un coût élevé: 500 milliards de dollars en 2012 par exemple. 
  • Le pétrole de la mer du Nord contrôlé par les Britanniques et les Norvégiens n'est pas suffisant pour satisfaire les besoins de l'UE surout que ces ressources sont en diminution. En 2015, selon Eurostat, la dépendance énergétique est de 97,7% pour Malte, 96,6% pour le Luxembourg, 85,3% pour l'Irlande, 80,1% pour la Belgique, 77,9% pour la Lituanie... 
  • La France reste relativement peu dépendante avec 46,1% alors que ce taux est de 61,4% pour l'Allemagne, de 72,9% pour l'Espagne ou encore de 75,9% pour l'Italie. Les crises des années 70, à savoir les deux chocs pétroliers, avaient conduit les Etats européens à vouloir une dépendance moindre à l'égard des pays de l'OPEP d'où une politique davantage tournée vers l'URSS de l'époque. 
  • L'URSS, et surtout depuis son éclatement, la Russie ont fait dans le domaine énergétique de l'UE un partenaire privilégié (plus d'un quart du pétrole consommés dans l'UE proviennent de Russie et près de 40% du gaz naturel). De façon générale, l’UE a un nombre réduit de fournisseurs d’énergies : plus de 77 % du gaz naturel importé dans l’UE en 2017 provenait de la Russie, de l’Algérie et de la Norvège. L'UE est de fait doublement dépendante: dépendance à l'égard du gaz et des hydrocarbures russe et toujours une dépendance par rapport aux pays de l'OPEP. 
  • La dépendance énergétique pose des problèmes d'ordre stratégique en particulier en matière de sécurité stratégique. -une Europe fortement concurrencée et une adaptation délicate à la mondialisation L'UE est de plus fortement concurrencée sur les marchés internationaux. A ses rivaux habituel, E-U et Japon, se sont ajoutés des pays de plus en plus compétitifs et agressifs: la Chine et de façon plus générale les pays dits émergents. Cette concurrence se traduit à la fois sur les marchés européens et sur les marchés extérieurs. La conquête de nombreux marchés en Afrique par des firmes chinoises traduit cette évolution en partie au détriment de l'UE notamment de la France ou du Royaume-Uni, les anciennes puissances coloniales.
  • L'UE, la Chine et les Etats-Unis sont les trois acteurs dominants du commerce extérieur avec un rôle important au sein de l'UE joué par l'Allemagne mais l'UE tout comme les E-U sont de plus en plus concurrencés par la Chine, une Chine qui est devenue la première puissance commerciale de la planète si on tient compte d'un classement pays par pays. La Chine est d'ailleurs devenue le premier partenaire commercial de l'UE depuis 2020 mais la balance commerciale de l'UE par rapport à la Chine est déficitaire: plus de 123 milliards d’euros d'importations chinoises en 2019 et en 2020, sur les 9 premiers mois, les échanges Chine/UE se sont élevés à plus de 425 milliards d’euros et le déficit commercial de la Chine s’élève sur ces 9 mois à 135 milliards d’euros. 
  • Pour certains comme G.F Dumont et P. Verluise, l'UE serait une “étrange puissance commerciale” puisque comme nous l'avons vu la plus grande partie de ses échanges sont intra-communautaires et la balance commerciale hors zone UE est déficitaire depuis plusieurs années. L'UE est confrontée à une concurrence de plus en plus vive dans le contexte de la mondialisation. Toutefois, la balance commerciale de l’UE est positive avec une balance positive en 2019 de 197 milliards d’euros (sachant que les pays de l’UE commercent avant tout entre eux). 

 b/ Une Europe fragilisée par des problèmes récurrents 

- des états endettés et en déficit commercial 

  •  L'UE rencontre des difficultés de plus en plus conséquentes au moins à deux niveaux : celui de l'endettement et celui du déficit commercial pour certains Etats. En fait, peu de pays européens ont une balance commerciale excédentaire hormis l'Allemagne et les Pays-Bas. En 2015, l'Allemagne a enregistré un excédent exceptionnel de 248 milliards d'euros. Des Etats comme la France ou le Royaume-Uni ont un déficit commercial importants respectivement de moins 81 milliards d'euros en 2012 mais un déficit tombé à 45,7 milliards d'euros en 2015 et moins 169 milliards d'Euros. Le déficit de certains pays est révélateur d'une UE qui a des difficultés à affronter la concurrence internationale dans le cadre d'une économie globalisée.  Néanmoins, des progrès sont constatés puisque depuis 2015 pour l'UE il y a un excédent commercial (grâce à l’Allemagne notamment). Parallèlement, l'UE est endettée: dette publique et dette privée. 
  • Il faut d'ailleurs préciser que la dette publique n'est pas prépondérante dans le stock de la dette totale. Ce stock peut être particulièrement important pour des pays comme Chypre ou l'Espagne avec respectivement 423% et 369% du PIB. Par contre la dette publique ne représente que 31% de la dette de Chypre par exemple ou 25% de la dette des Pays-Bas.  Un stock si élevé de dettes peut expliquer les réticences à investir. Ceci étant dit, les dettes publiques ont elles aussi explosé. 
  • Il faut souligner ainsi que les interventions publiques (prêts, recapitalisation bancaire...) pour sauver le secteur financier en 2008 se montaient selon le FMI à 19 476,8 milliards de dollars soit 36% du PIB mondial. 
  • En Europe, la dette publique est évaluée en 2019 à près de 10 833 milliards d'euros: elle est passée de 66% du PIB en 2007 à 77,8% en 2019. En 2019 (3e trimestre), cinq états ont une dette publique supérieure à 100% du PIB à savoir: la Grèce avec 178%, l'Italie avec 137%, le Portugal avec 120%, la Belgique 102% et la France avec 100,5%.  Inversement, plusieurs Etats (12) sont sous le seuil de 60%, un seuil fixé par le Pacte de stabilité et de croissance, un pacte adopté en 1997: 36% pour la Suède, 34% pour le Danemark, 47% pour la Pologne...
  • Quant à la 1e puissance économique de l’UE à savoir l’Allemagne sa dette est de 61% de son PIB. La dette de la France était en 2019 de 100,5% et en 2020 va nettement dépasser les 100% en lien avec la crise sanitaire.  Elle pose des problèmes évidents surtout en période de faible croissance : hausse de la pression fiscale, baisse des dépenses publiques... Les gouvernements doivent faire des choix compliqués avec une question clé: qui doit faire des efforts? Signalons que les dettes publiques vont augmenter fortement en lien avec la crise sanitaire. 
  • La dette publique a été affecté par cette crise sanitaire : plus 11 000 milliards d’euros dans les pays de la zone euro en 2020. En 2020, la dette publique de la France est montée à 116 % de son PIB par exemple. Elle s’élève en Grèce à 199 % du PIB, à 154 % pour l’Italie et à 130 % pour le Portugal. Mais là également, on note des inégalités avec des dettes assez faibles dans plusieurs pays : 18,5 % pour l’Estonie, 38,4 % pour la Suède, 42,4 % pour le Danemark. Cette dette est de 70 % du PIB pour l’Allemagne. 

 -une croissance plutôt faible et ralentie

  •  Parallèlement, depuis plusieurs années maintenant, la croissance des économies européennes tournent au ralenti. Cette croissance faible ne permet pas relancer les économies. Ainsi, en 2013, la croissance du PIB de l'UE était seulement de 0,1% contre 7,7% pour la Chine ou même 1,9 % pour les E-U et 1,5% pour le Japon. En 2019, la croissance économique de l’UE est de 1,5%: comme le titre le journal Le monde en novembre 2019: “L’Europe s’installe dans une croissance faible. On constate des écarts entre les Etats membres: la croissance était en 2019 de 5,5% pour l’Irlande, de 4,9% pour la Hongrie, de 4,4% pour Malte... 
  • Plusieurs pays ont une croissance comprise entre 2,9 et 2% ce qui n’est pas si mal: la Croatie (2,9), le Danemark (2,4)... et plusieurs Etats ont une croissance plus faible inférieure à 2%: 0,6% pour l’Allemagne, 1,3% pour la France, 0,3% pour l’Italie (sources Eurostat). Globalement, la croissance est trop faible pour espérer un redémarrage de l'économie. 
  • La croissance a ralenti depuis 2018 notamment dans les pays membres de la zone Euro. L’année 2020 avec la crise sanitaire s’avère catastrophique pour l’ensemble des Etats européens sachant que la Commission européenne avant cette crise prévoyait une croissance de 1,4% pour la zone Euro et de 1,6% pour l’ensemble de l’UE. A titre d’exemples, la croissance de l’Allemagne en 2020 était de moins 6 %, de moins 9,8 % pour la France, de moins 10,8 % pour l’Italie... 
  • Le taux de chômage en août 2019 s’élevait à 6,2% dans la zone euro et en avril 2020 le nombre de chômeurs était de 14 millions (avant les effets des premières mesures du confinement) dont 11 millions dans la zone euro. Ces taux de chômage sont aussi très différents selon les Etats: 16% en Grèce en février 2020, 14% en Espagne mais seulement de 3,4% aux Pays-Bas, 3,5% en Allemagne...  Il était de 7,6 % en France en mars 2020.
  • En 2019, 14% des jeunes européens étaient au chômage (moins de 25 ans) et là aussi avec de fortes inégalités selon les Etats. 31,4% des moins de 25 ans en Italie sont au chômage, 32,7% en Espagne, 38,8% en Grèce... mais seulement 5,3% en Allemagne, 8,2% en Autriche. En France, le pourcentage s’élève à 20,1%. La croissance ralentie ne permet pas de lutter efficacement contre le chômage. Parallèlement, il faut mettre l'accent sur l'hétérogénéité économique assez importante de l'UE: les chiffres globaux cachent ainsi de fortes disparités que nous retrouvons au niveau du PIB par habitant avec des états dont le PIB est nettement inférieur à la moyenne de l'UE: Bulgarie, Roumanie, Croatie...L'UE est de ce fait à plusieurs vitesses.

Bilan 

Un aspect majeur est le problème posé par la mondialisation avec une question essentielle : l’UE est-elle en mesure de faire face au processus de mondialisation et d’y imprimer sa marque ? Pierre Moscovici, ancien commissaire européen, affirme que le problème de l’UE est « d’être insuffisamment armée dans la mondialisation. 
Comme nous l’avons déjà évoqué, on a l’impression que l’UE subit la mondialisation et qu’elle ne peut donner le ton à ce processus dominé désormais par la Chine. Ce qui est certain est que l’UE et les Etats la composant sont moins compétitifs dans le cadre d’une mondialisation générant une vive concurrence. 
L’UE subit une très rude concurrence et peine à résister notamment à la concurrence chinoise et plus généralement asiatique. L’industrie européenne notamment souffre avec un processus de désindustrialisation inquiétant (à l’exception de l’Allemagne qui parvient à résister). Le modèle européen semble avoir des difficultés à résister à la mondialisation et les choix très libéraux faits jusqu’à présent ne semblent pas si porteurs que cela face à des Etats comme la Chine ou les Etats-Unis qui utilisent un protectionnisme notable. Pourtant, l’UE garde des atouts économiques, commerciaux et financiers. 
Surtout, dans le cadre de cette mondialisation, l’UE peut apparaître comme un rempart et une solution à condition que les dirigeants de l’UE soient capables d’agir avec efficacité.

4/ Une Europe marquée par d'importantes mutations démographiques et sociales


A/ Un nouveau paradigme démographique : le vieillissement de l'Europe 

Quel est l'impact de la démographie sur l'Europe et les Etats la composant ?La démographie ralentie peut-elle être vue comme une contrainte et un frein à la puissance? L'Europe est concernée par d'importantes évolutions démographiques et sociales que nous pouvons retrouver pour n'importe quel état économiquement développé. Le poids démographique de l'UE à l'échelle mondiale décline et est appelé à décliner encore davantage. 
La situation démographique de l'Europe est paradoxale: sa population est relativement nombreuse, bénéficiant d'un haut niveau de vie et d'une formation solide. Or depuis les années 1970, la démographie subit un vieillissement de sa population dont les effets sont et seront de plus en plus perceptibles. Le haut niveau de vie de l'Europe est aussi un de ses facteurs attractifs : les mouvements migratoires à destination du continent européen sont importants. 

 a/ des atouts démographiques 

-une population plutôt “nombreuse”

  •  La population de l'UE est relativement nombreuse: plus de 506 millions d'habitants au 1er janvier 2014 soit 7% de la population mondiale et 508,2 au 1er janvier 2015 selon Eurostat et 511 en 2016. Au 1er février 2020 avec le Brexit, cette population s’élève désormais à 446 millions d’habitants. L'Allemagne, la France et l'Italie sont les plus peuplés avec respectivement 83 millions d'habitants, 67 millions et 60,3 millions d'habitants. Certes, il faut relativiser par rapport aux géants démographiques que sont la Chine avec un milliard 1,4 milliard d'habitants ou l'Inde et 1,3 milliards d'habitants. 
  • Mais en comparaison des E-U dont la population est 329 millions d'habitants (352 millions pour l'Amérique du Nord ou du Japon avec ses 127 millions d'habitants, l'UE se trouve dans une situation démographique intéressante par rapport à ses rivaux économiques et commerciaux. En 2013, l'Europe, dans sa totalité, avait une population de 740 millions d'habitants soit 10,3% de la population mondiale (Russie comprise).  Cette population permet à l'UE d'avoir un marché intérieur important. 
  • On peut ajouter que la répartition de cette population dans l'espace est bien entendu inégale avec des zones géographiques densément peuplées comme ce qu'on nomme la dorsale européenne de Londres à Milan et des densités plus faibles lorsqu'on s'écarte de cette dorsale. Signalons également que les niveaux de population peuvent être différents: 3 Etats dépassent 60 millions d’habitants, deux en ont plus de 30 millions (Espagne avec 44 millions et Pologne avec 37 millions), 7 ont entre 10 et 19 millions d’habitants... Malte ne compte que 493 000 habitants, le Luxembourg 613 000 et Chypre 875 000. Les écarts démographiques sont consistants. 

 - une population bien formée et à haut niveau de vie

  • Ce marché intérieur est renforcé par une population plutôt bien formée et à haut niveau de vie. Le PIB par habitant peut être révélateur de ce haut niveau: pour de nombreux Etats de l'UE, il est supérieur à 30 000 dollars, dépassant les 40 000 pour les Etats les plus riches. Quelques Etats ont un PIB inférieur à 25 000 comme la Hongrie (17 463 $ en 2019) ou la Pologne (14 902 $) mais ces PIB restent nettement supérieurs à celui de la Chine (10 099 $) ou de n'importe quel pays émergent et les PIB les plus élevés de l'Union sont plus élevés que ceux du Japon (40 847 ou de la Corée du Sud (31 431). En 2019, le PIB par habitant du Luxembourg est de 113 000 $, celui de la Suède à 51 000 $... 
  • Le PIB de l’Allemagne est de 46 000 $ et celui de la France de 41 000$. Les écarts peuvent être mesurés en parité de pouvoir d’achat en euros (SPA: standard de pouvoir d’achat ). 
  • En 2018, ce PIB par habitant en SPA est de 78 500 euros au Luxembourg,57 800 en Irlande, de 37 400 euros en Suède, de 38 100 euros en Allemagne, de 32 100 en France mais de 21 900 euros en Pologne, de 19 900 en Roumanie, de 15 500 en Bulgarie (le plus faible au sein de l’UE) A ce niveau de vie souvent élevé permettant une consommation importante s'ajoutent des individus globalement bien formés même si on peut considérer que la formation a des manques ou que les efforts faits ne suffisent pas dans un monde de forte concurrence. L'Union européenne consacre néanmoins 5,4% de son PIB à l'enseignement (contre 7,3% pour les Américains).

b/ Mais un “hiver démographique” qui s’annonce 

- fécondité faible, vieillissement: quels effets pour les Etats et sociétés 

  •  En 2020, l'UE compte donc 446 millions d'habitants (sans le Royaume-Uni).L'Europe connaît un ralentissement démographique important avec un vieillissement de la population et des taux de fécondité faibles : G.F Dumont et P. Verluise parlent “d'hiver démographique”. D'ici 2060, l'UE pourrait voir sa population diminuer surtout avec un accroissement démographique de l'ordre de 0,1% par an actuellement. La part de la population âgée (les plus de 65 ans) augmente dans tous les Etats de l'UE: en 2018,19% des Européens ont plus de 65 ans, la croissance naturelle ne cesse de baisser avec des taux de fécondité particulièrement bas atteignant 1,59 enfant par femme en âge de procréer en 2017 et des taux de fécondité souvent inférieurs au seuil de renouvellement de la population à savoir 2,1: cet indice de fécondité qui est en moyenne de 1,6 est problématique avec une baisse de la fécondité est généralisée en Europe (l’âge moyen des mères dans l’UE à la naissance du 1er enfant est de 29,1 ans). 
  • On constate des différences entre certains pays: la France a un indice de 1,9 en 2017, la Suède de 1,8 et l’Irlande de 1,7 qui sont les indices les plus élevés alors que l'Allemagne ou l'Espagne ont des indices de 1,5 et 1,3 (1,3 également pour l’Italie).L'Europe en général est la région de la planète dont la proportion d'individus ayant plus de 65 ans est la plus importante. 
  • Les taux d'accroissement naturel sont très inégaux avec des taux assez importants (à l'échelle de l'Europe) dans des états comme l'Irlande, Chypre ou la France mais d'autres états ont un taux d'accroissement naturel déficitaire comme la Roumanie, la Bulgarie, la Lituanie ou la Hongrie et un vieillissement accéléré. Le vieillissement de l'Europe est de ce fait important avec un âge médian de 43 ans en 2020 contre 29 ans pour le monde. La durée de vie s'est allongée: l'espérance de vie en Europe est particulièrement élevée, elle est de 80 ans en moyenne pour les pays de l'UE. 
  • La structure par âge est changée: le nombre des plus de 65 ans est croissant: 87 millions en 2010, 86,8 en 2020 selon les prévisions. La part des plus de 65 ans est plus élevée que celle des moins de 15 ans: 18% en 2010 contre 16%. 
  • La baisse de la fécondité s'explique par une logique malthusienne: les naissances sont perçues comme des charges. De plus le vieillissement de la population induisant une représentation de plus en plus importante des classes d'âge de plus de 60 ans renforce cette faible fécondité. On constate pour certains pays comme l'Allemagne que l'insuffisance des structures d'aide à la garde des enfants et des politiques familiales avaient un impact sur les choix des individus. Cet “hiver démographique” a ou aura des effets économiques et géopolitiques sachant que tous les états ne sont pas concernés de la même façon. La population se rétracte: actuellement, il y 4 actifs pour un retraité or en 2026 le rapport pourrait être de 1 pour 2. 
  • Des effets internes à chaque Etat avec des déséquilibres plus ou moins importants entre actifs et inactifs et un impact sur le financement des retraites. Le vieillissement a un coût: les dépenses liées à ce vieillissement pourraient affectées de l'ordre de 3,4 points le PNB. Des effets internes à l'UE peuvent aussi être à l'oeuvre : il faut rappeler que la représentation parlementaire est fonction du poids démographique des Etats or quelques Etats devraient voir ce poids diminuer. Enfin, les effets peuvent être externes: l'Union européenne et l'Europe représentent un poids démographique de plus en plus faible: la part de la population européenne depuis les années 1950 ne cesse de baisser (10,3 % en 2013 contre 20% en 1950. Ce poids démographique en baisse conjugué à un poids politique et économique moindre font que la puissance européenne est et sera de plus en plus affectée.On peut parler d'un véritable défi démographique. 

 - pourtant un espace qui reste attractif : une zone d'immigration majeure

  • L'Europe vieillit mais reste très attractive: elle est et reste une des régions les plus attractives de la planète. Le stock de migrants au sein de l'UE est passé de 13,5 millions en 1960 à 51,2 millions en 2013 (environ 10% de la population totale). En 2019, le nombre de migrants internationaux au sein de l’Europe est évalué à 82,3 millions (UE et pays européens non membres de l’UE). Sur 446 millions d’habitants, l’UEà 27 avec le retrait britannique compte, en 2020, 21,7 millions de citoyens non européens soit 4,9% de sa population selon Eurostat (à titre de comparaison, le % d’étrangers aux Etats-Unis en 2017 était de 13,7%). En 2019, 13,3 millions d’individus vivant dans un pays de l’UE avaient la nationalité d’un autre Etat membre de l’UE. 
  • Les pays qui accueillent le plus de non nationaux sont l’Allemagne avec environ 10,1 millions de personnes puis l’Italie, l’Espagne et la France avec entre 5 et 6,5 millions de personnes. La proportion de non nationaux la plus élevée concerne la Luxembourg avec 47,4% de la population totale. Les plus faibles proportions de non nationaux se trouvent en Pologne avec 0,7%, en Roumanie (0,6%). Enfin, signalons qu’au sein de l’UE le solde migratoire en 2018 était de 1,2 millions car le nombre d’arrivées est supérieur au nombre de départs. 
  • En 2017, les pays européens ayant reçu le plus de migrants sont l’Allemagne avec plus de 418 000 personnes, le Royaume-Uni avant donc sa sortie officielle avec plus de 280 000 personnes, l’Espagne avec plus de 161 000 individus... En ce qui concerne les demandes d’asile, en 2018 330 000 personnes ont obtenu une protection: 29% sont des Syriens, 16% des Afghans et 7% des Irakiens.  C’est l’Allemagne qui a accordé le plus de décisions favorables à ces demandes avec 139 000 décisions favorables devant l’Italie avec 47 900 décisions et la France avec 41 400. 
  • Le déclin démographique de plusieurs pays est enrayé par les flux migratoires: ces derniers sont donc des éléments majeurs de la démographie de l'Europe. On peut distinguer deux types de flux: les flux internes et les flux externes. Au sujet des flux internes à l'Europe, on constate que des Etats ont un solde migratoire positif comme la France, l'Allemagne ou le Royaume-Uni et d'autres un solde migratoire négatif à l'image des Etats Baltes,de la Pologne ou de la Roumanie. Ces migrations internes comptent pour un tiers du total des flux migratoires. La mise en place de l'espace Schengen favorisant la libre circulation des hommes explique en partie ces mouvements internes mais pas seulement. En effet, il existe dans plusieurs pays des traditions migratoires fortes: Portugal, Irlande... 
  • Le nombre de citoyens européens vivant dans un autre Etat européen (pas seulement de l'UE) est 16 millions. En fait, 60% des migrants vivant dans l'UE sont des étrangers extra-communautaires dont la provenance est diverse: Afrique subsaharienne, pays de la rive sud de la Méditerranée (Maghreb, Turquie...). Ces flux concernent surtout quelques Etats dont l'Allemagne (1er pôle migratoire en Europe), l'Italie, l'Espagne et la France. Ces pays ont des spécificités: ainsi, en Allemagne la communauté majoritaire est turque représentant plus de deux millions sept cent mille individus alors qu'en France la communauté la plus importante est algérienne (plus de 910 000 personnes) alors qu'en Italie, les premières communautés sont roumaines (plus de 810 000) et albanaise (plus de 520 000) et au Royaume-Uni, la communauté indienne est la plus présente avec plus de 657 000 personnes (la communauté polonaise arrive en second: plus de 520 000 individus). L'Europe est ainsi une des grandes régions d'immigration de la planète avec des flux de plus en plus diversifiés.  L'immigration compense en partie le déclin démographique surtout que les Etats dont la démographie est la plus ralentie comme l'Allemagne auront besoin à terme de main d'oeuvre. 
  • L'immigration pourrait s'avérer être une nécessité: pour les pays de l'UE à 27, la composante migratoire représente 80% de la croissance démographique. Cependant, depuis plusieurs années, l'immigration est devenue un enjeu et un problème à la fois pour l'UE dans son ensemble mais également pour plusieurs Etats dont elle devient un enjeu politique et électoral. 
  • Il faut rappeler qu’il existe au sein de l’UE plusieurs traités et accords sur les mouvements migratoires. En 1985 ont été signés les accords de Schengen qui définissent la libre circulation des Européens au sein de l’Union tout en renforçant les frontières extérieures. Ont également été signés les accords de Dublin 1 en 1990, Dublin 2 en 2003 et Dublin 3 en 2014. Ces accords tentent d’harmoniser les politiques concernant l’asile tout en développant les contrôles des frontières. Sur l’asile, tous les Etats européens ont signé la Convention de Genève de 1951 sur l’asile. Mais il n’y a pas de véritable politique commune au sujet des migrations avec des “réponses désordonnées” (Catherine Wihtol de Wenden: Géopolitique des migrations). 
  • Actuellement, l'UE et l'Europe sont confrontées à une véritable crise liée à l'arrivée massive de migrants : au 2e trimestre 2015, les pays européens avaient enregistré par exemple 210 000 demandes d'asile et en janvier 2016, officiellement plus de 73 000 migrants ont été enregistrés. Selon l'organisation internationale pour les migrations (OIM), les entrées de migrants en 2016 auraient augmenté de 17% par rapport en 2015. Un article du journal Le Figaro au sujet de cette crise migratoire évoque”une rupture historique qui pourrait emporter l'Europe.” L'Europe et l'UE sont ainsi confrontées à un véritable défi. En effet, il apparaît une absence de politique migratoire vraiment commune face à l'arrivée depuis janvier 2015 de plus de 1,2 millions de réfugiés (352 000 en 2016) et un manque évident de solidarité entre états membres de l'UE. 
  • On a vu les difficultés posées par les projets de répartition des migrants par le biais de quotas avec en particulier de fortes réticences des états d'Europe centrale comme la Hongrie, la Pologne, la Slovaquie...  Dans certains de ces états, l'arrivée des migrants a réactivé les problèmes identitaires: Victor Orban évoquant par exemple une menace contre l'identité chrétienne de l'Europe avec l'arrivée massive de migrants. 
  • Il faut en plus préciser que le texte proposant une répartition a été votée à la majorité qualifiée ce qui pour certains états est une façon d'imposer des quotas d'où la réaction d'un pays comme la Hongrie qui opte pour fermer sa frontière. Il n'y a pas de véritable politique commune concernant l'immigration bien que soit mis en place une agence européenne de gardes-frontières et de gardes- côtes (depuis le 6 octobre 2016) remplaçant l'agence Frontex qui sécurisait (en théorie) les frontières extérieures de l'espace Schengen.  Cette agence devrait disposer d'ici 2020 d'un budget de 320 millions d'euros et de 1000 employés ainsi que d'une force de réserve de 1 500 gardes-côtes. Comme nous l’avons signalé, il n’y a donc pas de politique commune ce qui peut s’expliquer par plusieurs facteurs.
  • D’abord, tous les Etats européens ne sont pas confrontés de la même façon aux flux migratoires: on ne peut ainsi comparer la situation de l’Allemagne à celle de la Roumanie. De plus, les demandes d’asile ne sont pas accordées selon les mêmes critères. Parallèlement, les Etats et gouvernements n’ont pas les mêmes traditions concernant les migrations et sont confrontés selon les pays à des tensions politiques internes plus ou moins fortes. Enfin la politique d’accueil des migrants reste un attribut des Etats. 

 B/ Des changements sociaux considérables : vers une société post-industrielle? 

Comment caractériser les principaux changements sociaux ? En quoi sont-ils significatifs de ruptures voire du passage vers un nouveau type de société? L'Union européenne est concernée par plusieurs changements sociaux d'importance: des changements que nous retrouvons à l'échelle de la planète à savoir le poids de l'urbanisation et des métropoles, l'importance du phénomène tertiaire... 

a/ urbanisation, métropolisation, tertiarisation : trois processus fondamentaux 

 - une Europe de plus en plus urbaine et métropolisée

  •  L'Union européenne (l'Europe en règle générale) est une Europe urbaine et structurée autour de grandes métropoles. Le fait urbain est un fait majeur de l'histoire européenne et ce depuis l'Antiquité avec des phases de retrait (Haut Moyen-Age) ou d'accélération (Renaissance, Révolutions industrielles). Actuellement, le taux d'urbanisation de l'Europe est de 75% (avec le critère des 5 000 habitants agglomérés au chef-lieu), l'un des plus élevés du monde après l'Amérique du Nord ( En 2005, le nombre d'européens vivant en ville est de 435 millions (sans la Russie).
  • L'Europe se caractérise par une trame urbaine très dense avec une importance particulière des petites villes dans lesquelles vit la moitié de la population européenne (de 1 000 à moins de 50 000 habitants). Ce processus d'urbanisation s'est fortement accéléré dans les années 1970. Il est le résultat de la croissance économique et du processus d'industrialisation mais aussi de la croissance démographique. L'UE totalise 43 villes de plus d'1 million d'habitants mais seulement deux agglomérations de plus de 10 millions d'habitants: Londres et Paris.  Le semis des villes est très dense à l'inverse des E-U (une ville de 10 000 habitants tous les 25 km et tous les 48 km aux E-U) On note la présence de grandes zones urbaines (des conurbations industrialo-urbaines) au coeur de l'économie européenne: la conurbation de la Ruhr, la Randstad Holland... 
  • Les grandes métropoles européennes (phénomène de métropolisation) concentrent et polarisent les activités économiques et les emplois, financières, culturelles et polarisent les fonctions: elles sont un élément essentiel du dynamisme de l'Europe.  On parle d'un “Pentagone européen” organisé autour de 5 métropoles (le Pentagone est formé par les lignes reliant ces 5 villes): Londres, Paris, Hambourg, Munich et Milan formant le coeur économique de l'UE. 
  • Ce Pentagone concentre environ un tiers de la population européenne et 45% des richesses produites. Les 10 plus grandes villes européennes accueillent presque l'ensemble des 300 plus grandes FTN européennes (les deux tiers à Paris et Londres d'ailleurs) Les régions dites métropolitaines concentrent entre 20 et 60 % de la production nationale: 57 % pour Helsinki en Finlande, 45% pour Budapest en Hongrie...  Quelques unes des métropoles européennes sont très intégrées à la mondialisation: Londres et Paris sont des villes globales, Rotterdam est une zone industrialo- portuaire majeure (9e port mondial en 2019 en trafic: 469 millions de tonnes)... 
  • Des villes comme Francfort ou Bruxelles voient certaines fonctions internationales se développer: Francfort est ainsi le 14e aéroport mondial en 2019 au niveau du transport de passagers. Se dessine un système européen de villes avec deux villes mondiales: Paris et Londres et des métropoles internationales au poids de plus en plus marqués: Bruxelles, Francfort, Munich, Vienne mais aussi Genève et Zurich. L'armature urbaine de l'UE a favorisé le développement de couloirs de communication et de circulation formés de noeuds majeurs que sont les aéroports et ports. Liés entre eux par ce qu'on nomme des corridors 

 -et fortement tertiarisée 

  •  L' Europe est urbanisée et métropolisée mais également très tertiarisée. Le secteur tertiaire dont une partie est constituée par ce que certains nomment la sphère péri-productive (services, transports...), la sphère de la reproduction (publique: administrations, enseignement et privée: commerce, restauration...) est un secteur dominant des économies européennes: il représente en moyenne 70% des emplois (plus de 80% aux Pays-Bas ou Luxembourg). 
  • Il peut être un atout pour les Etats européens comme l'illustre le secteur du tourisme. Ce dernier génère des profits considérables et un nombre important d'emplois : plus de 350 milliards d'Euros, qui il est vrai ne sont pas répartis de façon équilibrée au sein des pays européens (Il représente 12% du PNB de Malte, 4,8% du PNB de l'Espagne ou 2% du PNB français) et 10 millions d'emplois directs (23 millions d'emplois indirects). 

 b/ Mais des Etats et sociétés européennes marquées par de fortes inégalités 

Entre les Etats membres de l'UE, les différences sont réelles avec des inégalités importantes tant sur le plan économique que social, des inégalités qui ne favorisent pas la construction européenne et sa dynamique. On peut relever des inégalités territoriales au sein de l'UE et à l'intérieur des Etats dans lesquels des régions sont intégrées façon différenciées dans la dynamique de l'UE. 

 -des inégalités économiques et sociales 

  •  Entre Etats membres, les inégalités sont importantes se traduisant par une Union inégale. Comme nous l'avons déjà évoqué, les clivages économiques en termes de production de richesses, de potentiel, de croissance sont notables. Le PIB par habitant fait apparaître ces différences : des Etats (au nombre de 11) ont un PIB par habitant supérieur à la moyenne de l'UE et il n'y pas de hasard, il s'agit d'Etats de l'Ouest européen, pour partie les premiers à avoir intégré l'UE : Allemagne, Pays- Bas, Luxembourg, Belgique, France, Royaume-Uni, Finlande, Autriche, Danemark, Suède et Irlande ce qui dessine un “axe Nord-est/Sud-Ouest de la Finlande à la France” (C. Bezamat-Mantes, diploweb). Inversement, 8 Etats ont un PIB très nettement inférieurs à la moyenne de l'UE: Bulgarie, Roumanie, Lettonie, Croatie, Hongrie, Pologne, Estonie et Lettonie c'est-à-dire les 8 entrants des PECO de 2004-2007 et 2013: ils n'ont pas encore compensé leur retard. 
  • Les entrants de 2004 et de 2007 ont d'ailleurs par leur niveau économique initial impacté le niveau moyen de l'ensemble de l'UE. Les écarts de richesse induisent des écarts sociaux dont plusieurs indicateurs peuvent être révélateurs: dépenses de santé par habitant, taux de chômage, pauvreté... 
  • Si on prend en compte les dépenses de santé par habitant, elles sont en 2017, 5 206 euros en Suède, de 4 459 euros en Autriche, de 4 459 eurons en Allemagne, de 3883 euros en France et de seulement 1309 euros en République tchèque, de 591 euros en Bulgarie ou de 494 euros en Roumanie. : ces écarts sont révélateurs des inégalités sociales et des systèmes de santé. 
  • Au niveau de la pauvreté mesurée par des revenus inférieurs à 60% du revenu médian, le taux est de 10% aux Pays-Bas, 13% en France, 22% en Espagne ou 23 % en Grèce en 2013. Le taux de chômage est de 3,1% en Allemagne en mai 2019, de 5,7% au Luxembourg, de 13,6% en Espagne, de 18,1% en Grèce (taux de chômage de 7,5% pour la zone Euro). Les taux de chômage montre une Union différenciée: une Union qui n'est pas homogène tant au niveau économique que social. 

 - à différentes échelles et clivant les territoires

  • On peut de ce fait dessiner une géographie territoriale globale de l'Union européenne: des territoires riches correspondant à l'Europe du Nord et de I' Ouest ; des territoires en difficultés : l' Europe du Sud et des territoires en retard: l'Europe centrale et orientale. On peut utiliser la typologie plus régionale proposée par L. Carroué et D. Collet : une Europe polycentrique en position centrale intégrant l'Europe rhénane (Allemagne de l'Ouest et du Sud, Pays du Benelux) ,plaine du Pô autour de Turin et Milan, métropole parisienne à laquelle se greffent les axes comprenant Le Havre, Lyon, Lille et Marseille, la région de Londres et les Midlands (Le nord de la Suisse peut être ajouté). A proximité de cet ensemble territorial, véritable coeur de l'Union européenne et de l'Europe, des territoires périphériques intégrant le Danemark, le sud de la Suède, les périphéries britanniques que sont l' Ecosse et l'Irlande, le sud et le sud-ouest de la France, le nord-est de l'Espagne (Catalogne), le centre de l'Italie, l'Autriche et la République tchèque. Cet espace périphérique peut être riche mais il est moins peuplé, ne comporte pas de grandes métropoles (ou peu). 
  • Enfin, l'UE comprend des territoires plus en retrait voire à l'écart : sud de l'Italie et de la péninsule ibérique, Grèce, Pologne, Hongrie, Roumanie, Bulgarie, Slovaquie, Lituanie, Lettonie, Estonie. Certains de ces territoires sont en voie lente d'intégration alors que d'autres ont un retard plus net comme la Bulgarie et la Roumanie.
  • Quelque soit le typologie retenue, il s'agit donc d'une Union à plusieurs vitesses qui complique la construction européenne. Mais les inégalités territoriales se retrouvent en interne (intra-nationales): dans chaque Etat, des régions sont riches et dynamiques, très intégrées à la mondialisation alors que d'autres sont plus en retrait voire marginalisées. Ces différences et inégalités sont présentes aussi bien dans les Etats les plus riches et prospères que dans les Etats en difficultés ou en retard. Ainsi, les inégalités en Allemagne entre la partie Ouest et la partie Est à savoir l'ancienne RDA ou au Royaume-Uni entre une région londonienne (Grand Londres = 22,3% du PIB) qui concentre le pouvoir et les activités et le pays de Galles ou encore la région parisienne qui polarise le territoire français (île de France = 30% du PIB), les inégalités sont fortes. Les territoires sont hiérarchisés tant entre pays membres de l'UE qu'à l'intérieur des Etats: les différences. 

Conclusion et typologie: 

Laurent Carroué et Didier Collet proposent une typologie des états européens avec une Europe du Nord-Ouest qui est, pour eux, une Europe riche, moderne mais en crise; une Europe du Sud vue comme une ancienne périphérie qui oscille entre croissance et crise; des Europes centrale, orientale et balkanique qui connaissent une “nouvelle bifurcation” et la Russie qui tient à redevenir une puissance impériale. 
L' Europe du Nord-Ouest comprend la Scandinavie, les états du Benelux, la France, les pays germaniques et les îles britanniques soit ce qu'on nomme la “vieille Europe”: c'est l'Europe des révolutions industrielles qui détient les clés de la puissance économique, financière, technologique..., une Europe qui parvient jusqu'à présent à s'insérer dans la mondialisation. L'Europe du Sud comprend le Portugal, l'Italie, l'Espagne et la Grèce, la “très vieille Europe”: une Europe qui avait pris du retard pendant une partie du 20e siècle qui a tenté et tente de combler ce retard mais qui a de notables problèmes d'endettement, de déficits et de chômage... 
L'Europe centrale, orientale et balkanique rassemble les états ayant été dans l'orbite soviétique et/ou sous régime communiste: une Europe qui a en partie intégré l'Union européenne, une Europe ayant fait le choix d'une transition vers l'économie de marché et la démocratie mais dont les états n'ont pas tous le même profit avec en particulier des états balkaniques dont la stabilité politique n'est toujours pas garantie. 
La première Europe correspond à un PIB en 2013 de 16 591 milliards de dollars, 65% de la production industrielle, 41% de la production agricole et représente 72% des exportations de l'ensemble européen. 
La seconde Europe, c'est un PIB de 3 828 milliards de dollars, 18% de la production industrielle, 28% de la production agricole et 14% des exportations. La 3e Europe a un PIB de 1653 milliards de dollars, représentent 11% de la production industrielle, 18% de la production agricole et 11% des exportations. Enfin, la Russie, c'est un PIB de 2030 milliards de dollars, 6% de la production industrielle, 13% de la production agricole et 4% des exportations. L'Europe du Nord-Ouest 

1/ Le coeur de l'Europe 

Elle est le coeur de l'Europe au sens large étant le lieu ou se trouvent les entreprises les plus performantes, les banques les plus puissantes, les ports les plus actifs, les villes les plus riches avec des métropoles majeures et deux villes globales à savoir Paris et Londres et les infrastructures de communication les plus performantes et nombreuses. Elle est aussi un espace majeur de l'économie mondialisée. 
Un élément important: c'est cette Europe qui attire plus de 75% des IDE en Europe et est à l'origine de 85% des flux de capitaux européens. Cette Europe dispose également des places financières essentielles que sont les places financières de Londres, Paris et Francfort. Un autre point important, cette Europe du Nord-Ouest a une population globalement à haut niveau de vie et bien formée avec des IDH élevés supérieurs généralement à 0,896: 0,916 pour l'Allemagne, 0,944 pour la Norvège, 0,907 pour la Suède... 
Elle s'appuie sur une population très urbaine et des réseaux urbains denses (21 des 35 villes ayant plus d'un million d'habitants en Europe sont en dans cette Europe). 

2/ Un coeur européen mais aussi mondial 

Cette Europe du Nord-Ouest est un des espaces moteurs de la mondialisation au même titre que le Nord-est des Etats-Unis ou la mégalopole japonaise. C'est un pôle politique, économique et financier majeur de la globalisation dans lequel on retrouve la présence d'institutions internationales comme l'OMS, l'Organisation internationale du travail, le haut comité pour les réfugiés, la Conférence des Nations unies pour le commerce et le développement ou encore l'Organisation mondiale du commerce dont les sièges se trouvent en Suisse, à Genève ou encore les sièges de l'OCDE et de l'UNESCO à Paris, de l'Agence internationale pour l'énergie atomique à Vienne en Autriche... 
C'est dans cette Europe que la très grande majorité des FTN européennes ont leurs sièges sociaux comme la Royal Dutch Shell dont le siège international se trouve à La Haye (plus des bureaux à Londres), le siège social de Volkswagen est à Wolfburg (en Basse-saxe dans le Nord-Est de l'Allemagne), le siège social du groupe d'assurances Allianz est à Munich, celui de Daimler à Stuttgart, le siège d'Axa à Paris... L'Europe du Nord-Est est bien un pôle décisionnel de niveau mondial... 

3/ Un espace néanmoins polycentrique

 L'Europe du Nord-Ouest est un espace polycentrique composé d'états très riches mais de dimension plutôt réduite comme la Suisse, la Norvège, le Luxembourg...; de puissances majeures comme l'Allemagne, la France ou le Royaume-Uni sans oublier un état comme l'Irlande surnommé le “tigre celtique” au début des années 2000 vu sa croissance et son dynamisme mais un tigre particulièrement secoué par la crise économique de 2010 qui tente de se redresser. L'Europe du Sud 

1/ Une Europe longtemps en retard 

L'Europe du Sud est une Europe en grande partie centrée sur la Méditerranée avec de nombreuses îles comme Chypre ou Malte, une Europe au riche passé mais qui n'a pas connu aussi tôt que l'Europe du Nord-Ouest les révolutions industrielles et le processus d'industrialisation d'où un retard certain. 
C'est aussi une Europe qui a longtemps connu des phases de dictature comme l'Espagne avec le régime de Franco ou le Portugal avec Salazar. Elle est aussi une Europe longtemps restée à dominante rurale avec des structures figées comme en Andalousie ou dans le sud de l'Italie avec de grands propriétaires terriens et de nombreux paysans pauvres (pour certains sans terre). 

2/ Une Europe qui tente de combler son retard 

Mais au début des années 1980, cette Europe a connu une phase de croissance lui permettant de rattraper une partie du retard: cette croissance est en partie liée à l'entrée de plusieurs états dans la CEE. Se sont développés des groupes industriels performants comme Inditext (dont Zara fait partie) en Espagne, Telefonica en Italie sachant qu'il existait déjà des entreprises réputées comme Fiat en Italie.
Il faut toutefois souligner que l'économie dite souterraine reste prégnante dans des états comme l'Italie ou la Grèce (entre un quart et un tiers du PIB). Cette Europe connaît des mutations économiques mais aussi sociales et démographiques. C'est une Europe vieillissante avec des taux de natalité et fécondité bas qui a néanmoins reçu des flux migratoires importants à partir des années 80. 

3/ Une Europe du Sud restant périphérique

 Cette Europe du Sud est économiquement périphérique par rapport à l'Europe du Nord-Ouest même si l'adhésion à l'Union européenne a beaucoup apporté. Mais cette Europe assez dynamique dans les années 80 subit depuis les années 2010 les effets de la crise avec une croissance nettement ralentie, un chômage important ( en mars 2016, le taux de chômage était de 20% en Espagne, de 24,4% en Grèce, de 11,4% en Italie...), une dette notable (la crise de la dette est importante voire inquiétante. 
En Espagne, la dette publique (début 2016) atteignait 1095 milliards de dollars soit 101% du PIB (contre 35,5% du PIB en 2007); les dettes de la Grèce, de l'Italie, du Portugal correspondent respectivement à 176,9% du PIB, 132,7% du PIB et de 129% (pour Chypre cette dette est de 108,9%). Parallèlement; il faut préciser qu'il existe de fortes inégalités régionales à l'intérieur des états d'Europe du Sud avec des régions dynamiques qui sont intégrées à l'Europe du Nord-Ouest comme l'Italie du Nord avec les régions du Piémont et de Lombardie ou la Catalogne. Inversement, certaines régions sont marginalisées et en déprise comme l'Andalousie ou la Galice en Espagne, le Nord de l'Espagne... 
Les Europes centrale, orientale et balkanique 

1/ Des Europes en recomposition

 Cette partie de l'Europe est en recomposition à plusieurs niveaux: politique et économique notamment. C'est une Europe qui a connu de profonds bouleversements au 20e siècle que ce soit ceux liés à la Première guerre mondiale ou ceux à liés à la fin du communisme en 1989-91. 
Ces états ont notamment connu la profonde rupture des années 1989-91 avec non seulement la fin du communisme et de la guerre froide mais aussi pour plusieurs d'entre eux la fin de la dépendance à l'égard de l'URSS. Ils sont entrés dans une phase de transition vers la démocratie libérale et l'économie de marché. Un certain nombre d'entre eux ont adhéré depuis à l'Union européenne alors que d'autres comme les états balkaniques demandent cette adhésion. Ces états très en retard économique tentent de le combler mais il faut du temps. 

2/ Des Europes différenciées

 L' Europe dite centrale composée de la Slovaquie, de la République tchèque, de la Pologne, de la Roumanie et de la Bulgarie est incontestablement une Europe périphérique mais considérée comme étant en voie de modernisation, une modernisation facilitée par l'intégration européenne. 
L'Europe orientale composée des états baltes, de la Biélorussie, de la Moldavie et de l'Ukraine est dans un retard économique plus important avec, en plus, une réelle crise démographique (cet ensemble a perdu plus de 10 millions d'habitants entre 1990 et 2012). Les états baltes ont toutefois des résultats économiques meilleurs: l'adhésion à l'UE est pour eux une opportunité de développement. 
Par contre la Biélorussie, la Moldavie et l'Ukraine (effets de la guerre civile en Ukraine) sont dans des situations beaucoup plus délicate. De plus, ces trois états subissent l'influence russe qui les considère comme faisant partie de sa sphère d'influence. 
L'Europe balkanique avec les états issus de l'ex-Yougoslavie est quant à elle à la recherche d'une stabilité politique. Des tensions demeurent comme au Kosovo mais elles se sont en partie apaisées (temporairement?). La Slovénie et la Croatie bénéficient de l'entrée dans l'UE alors que les autres états ont déposé des demandes d'adhésion. Economiquement, l'Europe balkanique est en retard de développement.
Studiapedia

5/ L'Union européenne : les perspectives


A/ L’ UE : reprise des élargissements ? 

 L'Europe et l' UE sont -elles à terme superposables? L'UE doit-elle continuer à s'élargir ou au contraire se recentrer sur un cercle plus restreint? L'UE s'est considérablement élargie depuis 1957. On peut se demander si dans un futur plus ou moins proche l'Union européenne et l'Europe ne vont pas finir par se superposer. 

a/ Les élargissements: une constante de la construction européenne 

- des élargissements au fondement de l'histoire de l'UE 

  •  L'UE est incontestablement attractive: les élargissements successifs en témoignent. L'élargissement de 2004 montre une volonté d'élargir significativement l'UE voire d'étendre l'Union et son modèle à presque l'ensemble du continent. L'élargissement de 2004 a eu une portée beaucoup plus importante que les intégrations précédentes. En effet, l'UE est passée de 370 à 450 millions d'habitants. 
  • De plus, un élargissement à 10 pays (plus deux en 2007) suppose de nouveaux équilibres notamment institutionnels. 
  • La construction de l'Union devient donc plus délicate supposant des compromis plus difficiles à trouver. Pourtant, ces difficultés ne s'opposent pas à une ouverture toujours plus grande. 

 -de nouvelles demandes d'adhésion: de la Serbie à l'Albanie 

  • Les demandes d'adhésion se poursuivent, preuve que l'Union n'est pas achevée. Ainsi, les états des Balkans ont fait part d'une volonté d'intégrer l'Union .Dès 2000, le statut de “candidats potentiels à l'adhésion” a été accordé aux états des Balkans occidentaux. Mais, ces adhésions ne se feront que progressivement et le rythme n'est pas le même selon les pays. 
  • Le Monténégro a reçu récemment le statut de candidat à l'adhésion (en 2011) or il n'est indépendant que depuis 2006. Par contre, la Macédoine qui est candidate depuis 2005 à l'entrée dans l'UE a un parcours plus difficile lié au refus de cette candidature par la Grèce. 
  • La procédure d'entrée de la Croatie avait commencé en 2005 et elle est entrée dans l'UE en 2013. La Serbie et la Bosnie participent à ce processus avec notamment la signature en 2008 d'accords de stabilisation et d'association qui sont une première étape en vue d'une intégration future. On voit donc que les nouvelles demandes ne sont pas satisfaites de la même manière ce qui n'empêche aucunement qu'elles soient persistantes. 

b/ Un cas symptomatique : La Turquie, une demande récurrente au cœur d'enjeux géopolitiques

Dans les demandes d'adhésion, une s'avère très particulière à savoir celle de la Turquie. Cette éventuelle adhésion suscite de nombreuses interrogations et pose le problème sur lequel nous reviendrons: quelles sont ou doivent être les limites de l'UE? Jusqu'où est-elle extensible? 

 - la Turquie un état européen ? 

  • La question de l'entrée de la Turquie est pour le moins épineuse. Déjà au 19e siècle, l'Empire ottoman avait la “sensation” d'appartenir à l'Europe mais cet Empire ottoman était très présent dans les Balkans ce qui n'est plus le cas de l'actuelle Turquie. Actuellement, 97% du territoire de ce pays se situe en Asie occidentale: ce qu'on appelle la Turquie d'Europe se limite à 3% de la superficie du pays (un peu plus de 23 000 km carré pour 784 000 km carré).  De ce fait, pour de nombreux européens, la Turquie n'est pas un état géographiquement européen. Un autre argument d'ordre géopolitique vient se greffer : la Turquie a des frontières communes avec des Etats très instables ou en guerre: Syrie, Irak, Iran...  Admettre la Turquie dans l'UE, ce serait avoir aux frontières de l'Union européenne des zones dangereuses et d'une grande instabilité. Il existe aussi des freins politiques: les valeurs de l'UE, notamment le respect des minorités et des droits de l'homme, ne sont pas suffisamment respectées par la Turquie selon les institutions européennes. 
  • L' AKP au pouvoir et son leader, R.T. Erdogan, ne facilitent guère les avancées: en 2014, ce dernier déclarait que “l'égalité homme-femme est contraire à la nature” ce qui , bien entendu, est contraire aux valeurs et aux traités européens. Sur un autre plan, la non reconnaissance du génocide arménien de 1915 ou le problème chypriote freinent également les négociations: il est demandé à la Turquie de reconnaître le génocide commis par l'Empire ottoman et de changer de politique à l'égard de la partie nord de Chypre sous contrôle turc afin d'envisager une réunification de l'île. 
  • Enfin, la Turquie est un pays à grande majorité musulmane avec un poids démographique important (près de 75 millions d'habitants en 2013). Pour de nombreux citoyens et hommes politiques européens, l'entrée dans l'UE d'un pays musulman avec cette importance démographique n'est pas envisageable (en 2050, la population de la Turquie devrait atteindre 93 millions d'habitants ce qui en ferait l'état le plus peuplé de l'UE en cas d'adhésion). De plus, il ne faut pas oublier que le poids démographique des états a un impact sur la représentation dans les institutions européennes (Parlement européen par exemple). Pourtant, des arguments militent pour l'entrée de la Turquie dans l'UE.  Economiquement, ce pays a des atouts: une croissance assez forte (8,9 % en 2010, 4% en 2013), les investissements y compris de pays européens sont importants, le PIB par habitant est de 18 647 dollars en 2013... 
  • Certes, ce PIB est deux fois moindre que la moyenne des pays de l'UE mais la Turquie a des atouts supérieurs à certains états de l'UE comme la Roumanie, la Bulgarie... elle est considérée comme un pays émergent au potentiel certain. Au niveau géographique et géopolitique, la Turquie est un “corridor énergétique” vers les pays producteurs de pétrole du Caucase et de l'Iran: des ressources utiles à l'Europe surtout dans le cadre des tensions avec la Russie. En tant que membre de l'OTAN, elle est un allié fidèle des Occidentaux: son intégration renforcerait la puissance européenne. Enfin, politiquement, même si tous les critères d'adhésion ne sont pas encore respectés, la Turquie a fait des progrès: suppression de la peine de mort, moindre place accordée à l'armée...  Elle est également un état où existent des élections démocratiques, un état reposant sur les principes de la laïcité (en partie remis en question par l'actuel AKP). 
  • Les élites politiques et économiques sont favorables à l'adhésion. Fin 2013, les négociations ont été relancées avec l'ouverture d'un 14e chapitre de négociations concernant la politique régionale. Toutefois, 8 chapitres restent bloqués comme celui de la question chypriote. Un accord a été signé avec l'UE sur la libre circulation des citoyens turcs dans l'espace de l'Union sans visa: un accord devant entré en vigueur en 2017. 

-une volonté d'adhésion dans un contexte géopolitique complexe

  • La Turquie est membre du Conseil de l'Europe depuis 1949 et de l'OTAN (1952). Elle est intéressée depuis longtemps à une adhésion à l'Union européenne. En 1995, un accord d'union douanière est signé avec l'UE. Les négociations ont commencé en 2005 mais ces négociations d'adhésion traînent en longueur notamment depuis 2010 même si le processus est relancé en 2013. 
  • Ces négociations semblent bloquées: des puissances européennes comme l'Allemagne ou la France paraissent privilégier pour la Turquie un statut de “partenariat privilégié” intéressant peu la Turquie (elle considère qu'elle a déjà ce statut). 
  • En cas d'achèvement des négociations, un éventuel traité d'adhésion devra être ensuite ratifié par tous les états membres: une telle ratification est loin d'être acquise. Dans un tel contexte, le soutien de la population turque à l'adhésion est en baisse: 71% en 2004 à 42 % en 208: les tergiversations des membres de l'UE expliquent en partie de changement. 

B/ ...ou rétraction et repli avec une UE à un tournant de son histoire 

Dans quelle mesure peut-on affirmer que l'Union européenne est à un tournant de son histoire? Est-elle toujours l'horizon voulu par les Européens? Doit- on repenser l'Union et la réformer? Et si oui comment? 

 a/ Des tensions internes questionnant la nature de l'Europe 

Au sein des états membres de l'UE, les tensions sont importantes: des tensions ayant des effets sur l'UE et son avenir. 

-le poids des nationalismes régionaux: régionalismes et Union européenne sont-ils compatibles? 

  • Alors que la construction européenne tente tant bien que mal de dépasser les clivages nationaux et d'unir l'Europe, certains états européens sont en voie d'éclatement ou d'émiettement avec ce qu'on peut nommer les “nationalismes” régionaux à propos desquels on peut utiliser l'expression de “forces centrifuges”. Des mouvements identitaires et régionalistes se développent avec comme objectif la séparation des états auxquels ils appartiennent. La Catalogne, l' Ecosse, les Flandres en sont des illustrations remarquables.  On retrouve ce type de mouvements en Italie du Nord, en France (la Corse)... Ces mouvements nationalistes ont des caractéristiques communes: une culture (langue...) et une identité fortes, une histoire assez spécifique... et s'inscrivent sur des territoires bien identifiés.  Dans le cas de la Catalogne, de l' Ecosse notamment, ces régions bénéficient déjà d'une autonomie réelle avec des institutions ayant de véritables pouvoirs. Elles revendiquent, du moins une partie plus ou moins importante de la population, une indépendance : nous sommes d'ailleurs dans le cadre des états-nations du 19e siècle. 
  • En Belgique, dont la naissance date de 1830, une partie de plus en plus notable des Flamands souhaitent se détacher de la Belgique et donc de faire sécession. L'opposition entre les communautés wallonne et flamande est vive avec un risque réel d'éclatement : elle repose sur une différence linguistique mais aussi sur des différences économiques, la Flandres est plus prospère que la Wallonie. 
  • On retrouve la même problématique économique avec l'Italie du Nord où des mouvements séparatistes se sont développés en Lombardie et dans le Piémont comme la ligue du Nord ou en Catalogne, la région la plus dynamique d'Espagne. Dans le cas catalan, la volonté de séparation est renforcée par une identité et une culture spécifiques et fortement revendiquées. Le cas de l'Ecosse est très intéressant. L'Ecosse appartient au Royaume-Uni: elle dispose d'une certaine autonomie au niveau des systèmes éducatif et judiciaire. Néanmoins, des écossais souhaitent ne plus appartenir au Royaume-Uni: des mouvements indépendantistes se sont développés comme le parti national écossais (Scottish National Party).  Les revendications, étant de plus en plus pressante fondées sur une culture mais aussi des richesses liées au pétrole et au gaz de la mer du Nord, ont contraint le Royaume-Uni à réagir.  En 1997, un Parlement écossais est créé (Loi du Scotland Act) avec des compétences y compris législatives mais aussi un exécutif avec un premier ministre. Les partisans de l'indépendance ont vu dans cette démarche une étape vers l'indépendance.  Le parti national écossais voit son audience grandir (il est majoritaire aux élections du Parlement écossais de 2011) et obtient l'organisation d'un référendum sur l'indépendance. Le 18 septembre 2014, une majorité d'écossais répondent non à cette indépendance (55,3%). 
  • A ces volontés d'indépendance, les réponses des Etats sont variables. Plusieurs Etats proposent des pouvoirs de plus en plus décentralisés où les régions ont une réelle autonomie: c'est le cas en particulier de l'Espagne. En ce qui concerne l'Italie ou le Royaume-Uni, des progrès sont également fait dans le sens d'une plus grande autonomie des régions mais ne vont pas aussi loin que l'Espagne. En ce qui concerne l'UE, elle reconnaît, ce qui est important, des droits aux différentes minorités: la reconnaissance de ces droits est même une condition pour adhérer à l'UE. 

 - la montée de populismes anti-européens: un symptôme d’un malaise ? 

  • Beaucoup plus inquiétant pour l'UE est la montée des populismes anti-européens. Plus inquiétant car les mouvements régionalistes ne revendiquent pas une sortie de l'UE: c'est le cas des Ecossais ou des Catalans qui, en cas d'indépendance, souhaitent toujours être membres de l'UE. Des partis politiques importants comme le Front national en France ne veulent plus de l'Union européenne telle qu'elle est. Ils souhaitent un retour à une Europe des Nations où chaque Etat retrouverait son identité sans se diluer dans un ensemble supranational. Le rejet de l'UE passe également par le rejet des institutions jugées éloignées des préoccupations des peuples et non représentatives des peuples en question, par le retour aux monnaies nationales donc le refus de l'Euro. 
  • Le refus de l'Euro est révélateur d'un certain nombre de peurs: cette monnaie est perçue, à tort, comme ayant provoqué une forte hausse des prix et une dégradation des conditions de vie des citoyens européens mais aussi comme une monnaie qui n'est pas le reflet d'une Nation. Le discrédit est, corrélativement, jeté sur la Banque centrale européenne: celle-ci est vue comme une institution non démocratique prenant des décisions contre les volontés des citoyens.Jouant de ces peurs mais aussi il est vrai des difficultés voire des incohérences de la construction européenne, ces partis politiques dits populistes ont une audience accrue dont les effets se feront sentir à la fois aux élections européennes futures mais également lors des élections nationales. Par le biais des nationalismes et des populismes, le questionnement sur l'identité à la fois nationale et européenne est devenu un enjeu majeur. 
  • Dans le cadre de l'Union européenne, on peut s'appuyer sur ce qu'affirme Heinz Wismann, le philologue et philosophe allemand: “le trouble engendré par la transformation de plus en plus rapide de son environnement international a fait monter le doute à l'égard de la pertinence du projet européen.” 
  • Il est de ce fait devenu plus difficile de conforter un discours sur une identité européenne partagée. Les débats sur le souverainisme , le fédéralisme, la place de l'UE dans le monde, les perspectives d'une dilution de l'Europe dans le contexte de globalisation... sont autant de questions perturbant la quête d'une identité européenne commune et qu'il convient de partager dans le cadre de la construction européenne. 

b/ Implosion, refondation ? 

Le futur proche de l'UE est flou comme le montrent les exemples britannique et grec. Ils sont révélateurs d'un malaise réel. 

 - le Brexit : coup d'arrêt ou la possibilité d'une autre Europe? 

  • Le Royaume-Uni s'est prononcé par référendum en juin 2016 (le 23 juin) sur son retrait de l'UE, un référendum organisé à l'initiative de son 1er ministre David Cameron : une proposition faite dès 2013. Le camp du “leave” a emporté le scrutin avec 51,9% des suffrages contre 48,1% pour le remain avec une participation de plus de 72%. 
  • Pour certains spécialistes, il s'agissait pour le 1er ministre britannique d'exercer des pressions sur l'UE afin de trouver un nouveau terrain d'entente et d'obtenir un nouveau compromis encore plus favorable au Royaume-Uni. La sortie du Royaume- Uni de l'Union n'est pas une réelle surprise. De nombreux britanniques sont hostiles à une Union européenne qu'ils jugent trop présente dans la vie des citoyens : pour eux, l'Union doit simplement être un vaste marché, pas plus. Il est hors de question de perdre sa souveraineté ou une part de souveraineté au profit d'institutions supranationales: l'attachement à la livre sterling et le refus de l'Euro vont dans ce sens. Ils refusent également l'espace Schengen, une éventuelle législation sociale...
  •  Il ne s'agit plus de revoir la participation financière du Royaume-Uni et de négocier le fameux rabais. D'ailleurs, il faut préciser que le Royaume-Uni bénéficie de nombreuses exemptions dans plusieurs domaines. La montée du parti Ukip (The United Kingdom Independence) pousse encore davantage les politiques dans le sens d'un retrait du Royaume-Uni ou d'une renégociation de sa participation. Parmi les premières conséquences, la démission de David Cameron qui est acceptée 13 juillet: il est remplacé par Theresa May. 
  • Autre conséquence: la volonté de l'Ecosse de rester dans l'Union européenne: en Ecosse, 62% des votants ont souhaité le maintien dans l'UE (38% seulement de votants ont voté pour le Brexit. La sortie de l'UE, le Brexit, aurait un coût économique pour le Royaume-Uni et il serait dans l'obligation de négocier un accord de libre 

-échange avec l'UE, de revoir sa législation... 

  • Certes, ce qu' espèrait D.Cameron était une révision des traités plus qu'une sortie de l'UE concernant l'immigration, sur un possible droit de veto pour les parlements nationaux sur les décisions européennes... 
  • L'Allemagne n'etait pas hostile à une ré-négociation mais à certaines conditions. Par contre, tous les Etats n'abondent pas dans ce sens : revoir les traités européens est complexe et peut être source de problèmes multiples. David Cameron a pris incontestablement un risque: celui de la sortie de l'UE, une sortie qui pourrait avoir une influence sur d'autres pays et être utilisée par les partis et mouvements politiques hostiles à l'UE. Le référendum proposé n'est ni anodin ni sans effet. 

 -Une UE en voie d'éclatement ? 

  • Le cas de la Grèce déjà évoqué est différent puisque des hommes politiques européens et des opinions publiques demandaient la sortie de la Grèce de l'UE alors qu'une majorité de la population grecque est favorable au maintien du pays dans l'UE. Le départ envisagé de la Grèce est un départ forcé et non un éventuel départ voulu comme dans le cas britannique. Un accord est conclu,validé par l'eurogroupe, le 11 août 2015 aboutissant à un plan d'aide de 86 milliards d'euros. 
  • Bien qu'il y ait eu un accord, les problèmes sont loin d'être réglés. Le parti au pouvoir, Syriza, n'est plus un parti uni et A. Tsipras a dissous le Parlement afin de provoquer de nouvelles élections; la défiance en Europe et particulièrement en Allemagne à l'égard de la Grèce est toujours présente. 
  • Le départ possible de la Grèce et les difficultés de ce pays tout comme les solutions imposées soulèvent des problèmes: un groupe de pays peut-il imposer à un autre une politique refusée (en partie ou totalement) par les citoyens ? Est-il légitime que la Banque centrale européenne puisse, par les aides accordées ou non aux banques, accorder à un état le droit ou non de “survivre”? Est-il normal que le Parlement européen ne soit pas vraiment consulté? La crise que connaît la Grèce, crise économique et politique, est également une crise de l'UE : crise du fonctionnement institutionnel et crise démocratique. 

 C/ Les facteurs protéiformes de la crise européenne 

 Comment envisager l'avenir pour une Union en crise? Comment y remédier? 

a/ Une crise de fonctionnement : une démocratie européenne en questionnement 

Quels sont les facteurs de la "crise européenne"? L'UE est incontestablement en crise. Aux difficultés économiques s'ajoute une crise politique et institutionnelle. L'UE pour reprendre le titre d'un article de serge Sur (Questions internationales d'octobre 2010) est prise entre “turbulences et somnolences”. 

-une crise de gouvernance

  • La crise est notamment une crise de fonctionnement et de gouvernance. Les institutions de l'UE, bien qu'il y ait eu quelques progrès avec des pouvoirs plus importants pour le Parlement européen, souffrent d'un déficit démocratique. La commission européenne, dont le poids est moindre depuis le traité de Lisbonne, reste décriée par son manque de légitimité démocratique: elle n'est pas le résultat direct du suffrage universel.
  • En fait, le problème de gouvernance de l'UE est lié à un choix qui n'a jamais été tranché entre une Europe des nations et une Europe supranationale, entre une Europe fédérale ou une Europe confédérale (règle de l'unanimité). La répartition des rôles entre les Etats et les institutions européennes est loin d'être claire. 
  • La dimension institutionnelle de l'UE est bien “labyrinthique” (S.Sur). En plus, la dimension économique et sociale se limite surtout à la dimension économique: l'UE apparaît essentiellement, à tort ou à raison, comme un simple marché. Quant à la dimension politique, elle est erratique puisqu'on ne sait toujours pas quelle Europe veut-on? 

 - et une crise de confiance citoyenne

  • Dès lors, de nombreux citoyens européens ont perdu confiance dans les institutions européennes et dans la façon dont elles agissent. Le fonctionnement de l'UE est perçu comme opaque voire incompréhensible aux yeux de beaucoup d'Européens. La multiplication des décisions, des normes et règlements renforcent cette opacité. 
  • De plus, le reproche majeur d'un manque de démocratie n'aide pas à accepter l'UE telle qu'elle fonctionne aujourd'hui. Cette crise de confiance se manifeste par des taux d'abstention de plus en plus élevés aux élections européennes: la moitié des états de l'UE en 2014 ont eu une abstention supérieure à 60%: elle a atteint 87% en Slovaquie, 77,3 % en Pologne, 66,2 % au Portugal, 56% en France.  Le vote pour les mouvements d'extrême droite est aussi significatif d'une rejet réelle de l'UE. 
  • Le malaise européen a commencé avec le traité de Maastricht: il n'avait été approuvé en France que par 51% des électeurs. Le refus d'une Constitution européenne en 2005 a renforcé cette crise de confiance et a conduit l'UE dans une impasse politique et institutionnelle. Le traité de Lisbonne a tenté de combler le manque d'une Constitution et la “panne de moteur” de l'UE. Mais pour éviter tout problème lié à la pratique référendaire, ce traité a seulement été approuvé par les Parlements nationaux: certains ont de fait évoqué un déni de démocratie. 

 b/ Quels choix politiques et géopolitiques? 

- une union à plusieurs vitesses est-elle pensable? 

  •  Se pose également la question de l'élargissement: jusqu'où poursuivre l'intégration européenne? Les différents élargissements dont celui de 2004 ont contribué à rendre plus difficile le fonctionnement des institutions. De nouveaux élargissements ne peuvent que complexifier ces institutions et aboutir à une forme de paralysie de l'UE. Ne risque-t-elle pas d'être simplement un vaste marché sans projet politique et culturel? 
  • L'UE ne peut se diluer sans que l'on pense sérieusement sa structure, son organisation et son fonctionnement. Enfin, se pose toujours le problème des limites géographiques. Jusqu'où l'UE peut-elle aller ? Doit-elle être consubstantielle à l'Europe? 

 -comment se positionner par rapport à la Russie et l'Europe orientale? 

  •  L'UE doit se positionner par rapport à la Russie et à l'Europe orientale: Ukraine, Moldavie, Biélorussie. Ces états ont-ils vocation à terme à intégrer l'Union européenne? Sans mêmeparler d'intégration, comment penser les relations avec une puissance comme la Russie (ce que nous verrons dans la partie sur la géopolitique de l'Europe). 

 c/ Les perspectives et choix pour l'UE L'UE : éclatement ou intégration encore plus poussée? 

 -une UE affaiblie 

  • On peut imaginer une UE affaiblie notamment par rapport à la montée en puissance des pays émergents, à des E-U dont les ressources humaines, technologiques, économiques et financières restent encore sans équivalent. 
  • Cette UE affaiblie signifierait, comme on l'a souvent dit pour la France, qu'elle ne peut être qu'une puissance moyenne au moins au niveau politique. Effectivement, actuellement, l'UE n'a pas les moyens ni la volonté d'affirmer une véritable puissance politique. 

 -et en voie d'éclatement ? Est-elle pour autant en voie d'éclatement ? 

  • Le scénario de l'implosion est peu probable: les états européens ont beaucoup trop à perdre. Ce qui est envisageable et même nécessaire ce sont des réformes institutionnelles et de vrais choix politiques. 
  • Même si certains européens sont hostiles à l'UE, la majorité semble avoir conscience de ce que la construction européenne à apporter notamment la paix en Europe et la prospérité (bien que celle-ci soit un peu moins vraie aujourd'hui). L'UE est à un moment charnière de son histoire, un moment où elle doit chosir des orientations devant la consolider. 

 -une intégration plus importante

  • Le premier choix est une intégration encore plus conséquente où l'UE se dirigerait vers davantage de supranationalité.Un tel choix demande aux hommes politiques des efforts importants pour expliquer aux citoyens européens qu'une Europe fédérale est une nécessité si nous voulons une Europe puissante et dynamique. Ce choix demande aussi l'abandon des égoïsmes nationaux pour se penser européens. C'est un choix difficile, un choix qui ne semble pas être dans l'air du temps. On peut aussi imaginer une Europe confédérale dans laquelle par exemple les “lois européennes” seraient approuvées ou non par les parlements nationaux. Enfin , on peut imaginer une Union à plusieurs vitesses avec des niveaux d'intégration différents. L'un des grands débats reste, paraît-il, le débat entre une Europe fédérale, une fédération d'états- nations ou une Europe des patries. Le choix entre fédéralisme et confédéralisme n'est toujours pas tranché sachant qu'il est peut être vain. 
  • On peut utiliser ce que disait l'ancien ministre des Affaires étrangères français Hubert Védrine: “ Ni les rituels slogans nunuches (l'Europe c'est la paix, la jeunesse, l'avenir... ni les objectifs leurres (Europe politique, Europe sociale, Europe puissance) ni la démagogie inutile (les lamentations sur le prétendu déficit démocratique) ne comportent de réponses aux nouvelles questions des peuples face au nouveau jeu du monde”. Il faudrait donc que l'Ue répondent efficacement aux interrogations des citoyens européens. Jacques Rupnik, spécialiste de l'Europe de l'Est évoque une organisation de l'Europe selon des cercles concentriques avec un premier cercle qui serait refondé sur le coeur de l'Europe à savoir la zone euro avec un renforcement du fédéralisme; une second cercle qui serait une zone d'organisation des autres états membres avec un élargissement possible aux états balkaniques encore non membres et un troisième cercle composé de l'ensemble des pays du voisinage de l'Europe ayant vocation ou non à entrer dans l'UE à terme. 
  • Vincent le Biez propose aussi une Europe à 3 niveaux : un 1er cercle avec les 6 pays principaux que sont la France, l'Allemagne, l'Italie, l'Espagne, la Belgique, les Pays-Bas ) soit 87% du PIB de la zone euro; un 2e cercle qu sont les autres états de la zone euro (Irlande, Portugal, Finlande, Estonie, Lettonie, Autriche, Slovaquie, Slovénie, Luxembourg, Grèce et Chypre et un 3e cercle qui serait un espace de libre échange (Royaume-Uni, Danemark, Suède, Pologne, République tchèque, Roumanie, Hongrie, Bulgarie). Certains évoquent donc une Europe à plusieurs vitesses et à des intégrations différenciées (en 2017, F. Hollande et A.Merkel ont échangé sur une telle Europe). 

 -une Union recentrée sur un simple marché ? 

  • Ou bien l'UE peut, comme le veulent les Britanniques, être un simple marché sans aucun projet politique. Ce marché européen pourrait devenir un marché transatlantique comme le laissent penser les négociations en vue d'un traité transatlantique de libre échange avec les E-U: le Trans-Atlantic Free trade Agreement ou TAFTA. Bilan En guise de bilan, on peut revenir sur la thématique de l'identité au coeur de nombreux enjeux. Le professeur de sciences politique suédois et ancine secrétaire général du Conseil de l'Europe entre 1994 et 1999, Daniel Tarschys affirme que les identités sont cruciales dans les systèmes politiques et pour renforcer la construction européenne, Il faut renforcer l'identité européenne commune (“Strengthening our common European identity is a precondition for further progress in European integration”, 2002). On peut aussi insister sur la diversité culturelle comme élément clé de l'identité européenne et reprendre la formule d'Umberto Eco: “la langue de l'Europe, c'est la traduction.” Incontestablement, les débats sur la question identitaire se sont amplifiés dans le contexte de la mondialisation, l'impact des flux migratoires, d'un monde politiquement instable... La question des identités renvoient à des questionnements plus larges pouvant être philosophique, religieux ou politique. 
  • On peut à cet égard rappeler les débats à l'occasion, en 2004, du projet de constitution européenne, qui a divisé les Européens à plusieurs niveaux: souverainistes contre fédéralistes mais aussi débat sur le religieux puisque certains voulaient inscrire dans cette Constitution la référence au christianisme (“les racines chrétiennes de l'Europe”) alors que d'autres y étaient hostiles car favorables à la laïcité.
  • Louis Michel qui était à l'époque ministre des affaires étrangères de la Belgique avait affirmé: “L'Europe d'aujourd'hui et l'esprit européen, c'est la synthèse, bien sûr de la civilisation judéo-chrétienne, mais aussi du siècle des Lumières, de la franc-maçonnerie, de la laïcité, de la séparation des églises et de l'état.(...) Il ne faut pas oublier que l'Europe est multiculturelle.” Au niveau religieux, on peut aussi rappeler que les relations entre les églises et les états sont différentes selon les pays européens.
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