Chapitre 2: La décolonisation

Hô Chi Minh

1/ L'amorce du processus de décolonisation : 1945-1955


Les Empires coloniaux européens ont été bâtis à partir de ce qu’on nomme les Grandes découvertes des 15e et 16e siècle avant les premiers empires coloniaux européens à savoir les Empires espagnols et portugais. D’autres puissances européennes se sont lancés un peu plus tardivement dans le processus de colonisation : les Pays-Bas, l’Angleterre, la France... 
Ce processus s’est accéléré avec la prise de contrôle de l’Afrique au 19e siècle. Ces Empires coloniaux ont incontestablement favorisé la circulation des hommes, des produits participant à ce que Laurent Carroué nomme la Première mondialisation (celle des 15e et 16e siècle). Si les années post-deuxième guerre mondiale signent la fin des empires coloniaux européens, la contestation de la colonisation et des puissances coloniales avaient commencé bien avant. La montée et le développement des nationalismes dans les territoires colonisés sont particulièrement vrais dans les années 1918-1939. 
Le « joyau » de la couronne britannique, l'Inde est très mobilisée autour de Gandhi et du parti du Congrès : le nationalisme indien est dynamique dans les années d’avant-guerre.L 'Empire britannique connaît quelques évolutions dans les années 1930 avec la mise en place du « Commonwealth » des nations. Dans l'Empire français, les mouvements nationalistes se structurent également avec par exemple la création en 1927 d'un parti nationaliste vietnamien, le VNQDD et surtout en 1930 du parti communiste vietnamien par Nguyên Ai Quôc (Hô Chi Minh) ; en 1934, le Néo-destour est créé en Tunisie par Bourguiba réclamant une indépendance graduelle tout comme était apparu en Algérie en 1927 le parti de l'Etoile Nord-Africaine voulant aussi l'indépendance. 
La Seconde guerre mondiale va simplement accélérer le processus par le biais de l’affaiblissement des Empires coloniaux et des puissances coloniales. 
Il faut préciser que les puissances coloniales n’ont aucunement l’intention d’abandonner leurs empires. 
Pour reprendre le titre du livre de Robert Gildéa « l’esprit impérial » demeure (L’esprit impérial, passé colonial et politiques du présent, Robert Gildea, 2019). 
Il était pourtant évident pour reprendre l’expression de Gildea que « la puissance impériale britannique et française tenait plus de l’illusion que de la réalité. » Dans l’Atlas des Empires coloniaux (éditions autrement, 2016 : Marcel Dorigny, Pierre Singaravélou...) il est souligné que ces « empires coloniaux sont condamnés dès la fin de la Première guerre mondiale ». 
Se sont développés en effet des nationalismes de plus en plus prégnants dont certains sont influencés d’ailleurs par le communisme.Il est donc important de souligner les liens entre décolonisation, communisme et plus tard guerre froide qui sont des phénomènes connectés. Comme le soulignent les auteurs du Grand Atlas des empires coloniaux (éditions Autrement, 2015), « il y a plusieurs manières d’envisager la décolonisation ». 
Elle renvoie et désigne l’accession à l’indépendance des colonies européennes avec des territoires qui deviennent ou redeviennent souverains.
 La décolonisation signifie donc la lutte pour les indépendances mais on peut considérer que cette lutte ne termine la décolonisation car si il y a indépendance politique, de nombreux Etats devenus indépendants ne le sont pas économiquement et restent d’une façon ou d’une autre dépendant des anciennes puissances coloniales. On peut aussi mettre en avant les rapports difficiles pouvant être entretenus par les pays nouvellement indépendants avec la période de la colonisation : pour certains, elle ne peut être intégrée à l’histoire nationale qui se met en place alors que pour d’autres elle est un héritage qu’il faut prendre en compte même si il pose problème. 

 A/ 1945 : une année charnière 

 L'année 1945 est une année décisive à plusieurs niveaux y compris en ce qui concerne la volonté des peuples colonisés d'accéder à l'indépendance. De façon plus large la Seconde guerre mondiale a changé la donne dans les colonies avec des puissances coloniales mises en difficultés ce qui permet aux mouvements nationalistes de comprendre les faiblesses de ces puissances. La Seconde guerre mondiale signifie aussi « le réveil des revendications politiques » (Grand Atlas des Empires coloniaux) notamment en Afrique du Nord. Comme l’écrit Robert Gildea dans L’esprit impérial (éditions Passés composés, 2020) les Empires sont contestés , « et ceux qui étaient prêts à mener la contestation ne connurent pas de meilleure opportunité pour le faire que les deux guerres mondiales. » 

 a/ Des puissances coloniales affaiblies et contestées... 

-L'affirmation des mouvements nationalistes : la quête de l'indépendance 

 De façon générale avec les deux guerres mondiales, et surtout la Seconde les Empires coloniaux sont en crise même si « l’impérialisme prospérait en France et en Grande-Bretagne » (Robert Gildea) entre les deux guerres. En Inde, pendant le conflit même, le mouvement nationaliste indien a poursuivi sa lutte. Au début de la Seconde guerre mondiale alors que se poursuite le mouvement de désobéissance civile, un diplomate Stafford Cripps se rend en Inde afin d'analyser une possible autonomie proposant même la création d'une « union indienne » comme dominion associé au Royaume-Uni mais Churchill, le premier ministre anglais, refuse toute idée d'indépendance. En 1942, Gandhi avait mis en évidence le slogan « Quit India» : les tensions demeurent ce d'autant plus que Gandhi est interné pendant deux ans. 
En Algérie, en février 1943, Ferhat Abbas dans son manifeste du peuple algérien réclame le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. 
En janvier 1944 au Maroc, le parti de l'Istiqlal (parti de l'indépendance) diffuse un manifeste pour l'indépendance du Maroc. A la fin du conflit, les demandes d'indépendance s'affirment davantage. 
Le 8 mai 1945, des émeutes ont lieu en Algérie à Sétif et Guelma réclamant l'indépendance : ces émeutes sont durement réprimées par la France. Le 2 septembre 1945, Hô Chi Minh proclame l'indépendance du Vietnam. Le 17 août 1945 est proclamée l'indépendance de l'Indonésie, une colonie néerlandaise par Soekarno et Mohammed Hatta. 
Les Hollandais avaient abandonné l'Indonésie lors de son invasion par le Japon en 1942. Le nationalisme indonésien avait émergé dès le début du 20e siècle avec un mouvement comme Budi Utomo puis en 1927 avec le parti national indonésien. Le processus d'indépendance est non seulement lancé mais s'affirme encore davantage.
 Enfin, il faut insister sur le rôle même de cette Seconde guerre mondiale qui « avait libéré des forces vouées à susciter de profonds bouleversements politiques » comme le souligne Christopher Bayly (Réinventer le monde moderne : 1900-2015 aux éditions de l’Atelier, 2020). En effet, les victoires du Japon dans un premier temps avec les occupations de colonies comme l’Indochine, la Birmanie, l’Indonésie...ont accentué dans les mouvements nationalistes la conscience de l’affaiblissement des puissances coloniales. 
A la sortie de la Seconde guerre mondiale on pouvait se poser la question : « Libération ou restauration de l’Empire? ( Robert Gildea) ». Pour les puissances coloniales, le choix était plutôt à la restauration de l’Empire et de la puissance impériale. 

 -des Empires coloniaux en difficultés 

 Il faut dire que les puissances coloniales à la sortie du conflit sont affaiblies et les nationalistes en sont conscients. 
En effet, le Royaume-Uni et encore plus la France ont eu besoin des E.-U et de l'URSS pour vaincre l'Allemagne nazie tout comme les Néerlandais qui n'ont pu s'opposer à l'expansion japonaise. 
Il faut ajouter que de nombreux soldats dits « indigènes » se sont battus dans les armées françaises et britanniques lors de la guerre : des soldats qui attendent un retour à cet engagement. L'armée indienne se battant pour les Britanniques est passée de 200 000 hommes en 1939 à 850 000 en janvier 1942 pour atteindre 2,5 millions de soldats enrôlés en 1945. L' Inde a aussi fourni des matières premières au Royaume-Uni : ce dernier a d'ailleurs une dette par rapport à l' Inde de 4 milliards de livres. 
Pour ce qui est de la France libre, entre 200 et 250 000 soldats du Maghreb participent à la guerre. La participation active de l'Inde à la Seconde guerre mondiale est indéniable. 
En août 1940, le Tchad rejoint par exemple la France libre du général de Gaulle grâce à l'action de Félix Eboué gouverneur de ce territoire depuis 1938. 
Ce d'autant plus, au moins pour la France, que le général de Gaulle avec la conférence de Brazzaville de 1944 (février 44) promet aux colonisés de participer davantage aux affaires locales et propose des réformes mais sans que ne soit aborder la perspective de l'indépendance : celle-ci n'est pas envisageable pour la France. 

b/ Une contestation s'inscrivant dans un contexte favorable 

 Le cadre international d'après-guerre s'avère propice aux processus de décolonisation : l'URSS et les E.-U y sont favorables tout comme la plupart des états membres de l'ONU récemment créée. 

-E-U et URSS : des agents de la décolonisation 

 Les E.-U, qui furent une colonie britannique de laquelle ils se sont émancipés au 18e siècle ne peuvent qu'être favorable à la décolonisation sachant que Roosevelt dans la charte de l'Atlantique de 1941 avait insisté comme le président Wilson en 1918 sur le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. Roosevelt pense que l'après-guerre doit permettre des changements au niveau des territoires sous domination coloniale : des changements devant conforter la paix mondiale. 
L'URSS idéologiquement ne pouvait qu'être hostile par principe à la colonisation. 
Elle devient notamment au sein de l'ONU est un acteur actif de la volonté d'émancipation. Les soviétiques ont aussi comme objectif de diffuser l'idéologie communiste dans les futurs états indépendants. 
Très rapidement, la décolonisation va s'inscrire dans le cadre de la guerre froide et prendre une autre dimension.

-le rôle de l'ONU : une tribune pour la décolonisation 

 La charte de l'ONU de 1945 et en 1948 la déclaration universelle des droits de l'homme vont servir aux mouvements nationalistes pour étayer leur volonté d'émancipation. L'ONU devient également un moyen d'expression des revendications d'indépendance. Certes, les membres de l'ONU en 1945 n'ont pas tous les mêmes points de vue puisqu'un certain nombre d'états membres sont des puissances coloniales comme la France, le Royaume-Uni, la Belgique, les Pays-Bas qui ne veulent pas abandonner leurs colonies alors que d'autres comme l'URSS, l'Egypte, l'Arabie saoudite, la Syrie, les états d'Amérique latine eux-mêmes anciennes colonies comme l'Argentine, le Brésil... soutiennent le processus d'émancipation des peuples colonisés. 

 B/ Une première vague de décolonisation et l'affirmation du « tiers-monde » 

 La décolonisation va s'effectuer par étapes : elle est un processus par étapes et relativement long puisqu'il s'achève en 1990. Ce processus débute d’abord en Asie puis se poursuit en Afrique. Ce processus obéit à différentes logiques : des indépendances négociées mais aussi des indépendances faisant suite à des conflits douloureux. 

a/ Une première vague surtout asiatique avec une « décolonisation qui commence en Asie » (Pierre Grosser) 

La première vague de décolonisation concerne surtout l'Asie et en partie le Proche et Moyen-Orient : une décolonisation qui n'est pas toujours le résultat de négociations pacifiques. Pierre Grosser dans son livre L’histoire du monde se fait en Asie (éditions Odile Jacob, 2017) met en évidence deux faits : une guerre froide et une décolonisation qui commencent en Asie. 

 -Une Asie en mouvement : Inde, Indochine, Indonésie 

 L' Asie est effectivement en mouvement dès 1945 : la décolonisation comme le souligne Pierre Grosser commence bien dans cette partie du monde. 
En Inde, des élections se déroulent en 1945 avec une victoire du parti du Congrès indien de Nehru et de la Ligue musulmane d'Ali Jinnah : la marche vers l'indépendance est inéluctable et les nouveaux dirigeants anglais issus du parti travailliste (C. Attlee est 1er ministre en juillet 45 et le parti conservateur de Churchill a été vaincu aux élections législatives de 45) en sont conscients. En mai 1946, une conférence a lieu entre Britanniques et les deux grands partis indiens, les Britanniques proposent une Union indienne fédérale. 
Or, le parti du Congrès et la ligue musulmane ont des points de vue très divergents : le parti du Congrès souhaite le maintien de l'unité indienne alors que la Ligue musulmane souhaite un état indépendant regroupant les communautés musulmanes. Cette même année 1946 de violents affrontements se déroulent entre les communautés musulmanes et les communautés hindoues. Progressivement, les Britanniques se rangent pour une Inde indépendante mais partagée en deux états. Le rôle du Vice-Roi des Indes et gouverneur général des Indes, Lord Mountbatten (il est nommé en mars 47), est important puisqu'il parvient à faire admettre au parti du Congrès l'inévitable partition de l'Inde. Les indépendances sont acquises en août 1945 (le 14 août pour le Pakistan et le 15 août pour l'Inde) donnant naissance à l'Union indienne dont Nehru devient premier ministre et du Pakistan et Ali Jinnah devient gouverneur du Pakistan. Ces deux nouveaux états sont membres du Commonwealth mais la partition se fait dans des violences très importantes aboutissant à 500 000 victimes et au déplacement de plus de 17 millions d'individus avec en plus le problème du Cachemire avec la province du Jammu-et-Cachemire une région à dominante musulmane mais que le Mâhârajah qui la dirigeait jusqu'en 1947, Hari Singh a fait rattacher à l'Inde.
 Depuis la région du Jammu-et-Cachemire pose problème et est une pomme de discorde entre le Pakistan et l’Union indienne. Il faut aussi insister sur le fait que les Britanniques n’ont pas poussé à la partition : le facteur fondamental de cette partition de l’Inde en deux pays tient à la volonté des musulmans d’avoir un Etat et de « ne pas vivre dans un Etat majoritairement hindou » (Grand Atlas des Empires coloniaux). Les cas de Ceylan et de la Birmanie sont plus simples. L'île de Ceylan avait obtenu dès 1941 une autonomie réelle et le statut de dominion en 1946.
 Elle devient indépendante en 1948 (en 1972, Ceylan devient le Sri Lanka) comme l'Inde et le Pakistan en étant membre du Commonwealth. La Birmanie s'était proclamée indépendante en 1943 alors qu'elle était occupée par le Japon. Une fois la Birmanie libérée des Japonais, les Britanniques acceptent l'indépendance : celle ci est effective en janvier 1948 mais ce nouvel état indépendant n'intègre pas le Commonwealth et de plus rapidement une guerre civile s'engage entre d'une part le gouvernement central et les communistes birmans et d'autre part toujours le pouvoir central birman à l'Union nationale karen : les Karens sont une minorité luttant pour son indépendance. La guerre post- indépendance s’inscrit donc dans la logique de la guerre froide. Le cas de la Malaisie est plus compliqué puisqu'en 1948 un conflit oppose les Britanniques au parti communiste malais. Les Britanniques sont d’autant plus inquiets que la Chine est devenue communiste en 1949 et qu’en Malaisie se trouve une importante communauté chinoise. Là aussi, il s’agit d’un conflit s’inscrivant dans la problématique de la guerre froide. 
En 1956, les Britanniques accordent l'autonomie à la Malaisie : le parti communiste malais a été vaincu puis l'indépendance en 1957 : la Malaisie devient une fédération. Il faut noter que Singapour se détache de la Malaisie en 1965 pour devenir une cité -état indépendante. La décolonisation de l'Empire britannique en Asie se fait donc assez rapidement mais elle a généré des problèmes qui ne sont par nécessairement liés à l'attitude anglaise comme le conflit entre musulmans et hindous en Inde. Suite aux indépendances se sont déclenchés ce que Christopher Bayly nomme les « petites guerres derrière la grande » à savoir la 2e guerre mondiale. 
Ces conflits sont également des conflits périphériques de la guerre froide. Autre cas intéressant : l'Indonésie. Ces Indes néerlandaises avaient commencé à bouger dès les années 1930 en particulier sous l'impulsion de Soekarno et du parti national indonésien. L'occupation de ce territoire par les Japonais accélère la volonté d'émancipation. Soekarno, exilé à Sumatra revient au cœur des enjeux en créant en 1943 le Centre du pouvoir populaire ( acronyme Putera en indonésien). Le 17 août 1945, Soekarno proclame l'indépendance et il est nommé comme vice-président de ce nouvel état et Mohammed Hatta comme président. Or, les Pays-Bas ne compte pas abandonner une colonie qu'ils considèrent comme un des éléments de leur puissance. 
Pourtant, les Pays-Bas propose une union néerlando-indonésienne en 1946 et reconnaissent même la république indonésienne mais uniquement sur les, îles de Java et Sumatra. Ils organisent en même des temps opérations militaires contre le nouvel état tout en essayant de diviser pour mieux contrôler la situation : ils apportent un soutien à un mouvement autonomiste javanais... 
En juillet 1947, une nouvelle étape est franchie avec l'invasion de Java et Sumatra par les troupes hollandaises. Cette intervention suscite une réprobation des E.-U., de l'Australie et l'Inde en profite pour saisir l'ONU. Un accord semble trouvé grâce à l'ONU mais en janvier 1948, les néerlandais arrêtent Soekarno et Hatta. La guérilla indonésienne se développe mais la situation se complexifie avec un nouvel acteur le parti communiste indonésien soutenu par l'URSS en conflit à la fois avec les néerlandais et les autorités indépendantistes. Le problème indonésien s'inscrit donc désormais dans le cadre de la guerre froide : les E.-U décident d'apporter un plus grand soutien à Soekarno et Hatta car ils ont compris leur volonté que l'Indonésie ne devienne pas communiste. Les E.-U font donc pression sur les Pays-Bas qui sont contraints à négocier. En décembre 1949, l'Indonésie devient indépendante devenant la République des Etats-Unis d'Indonésie : celle-ci se transforme en République unie d'Indonésie en 1950. Mais dans ce cas aussi, rien n'est simple. L'archipel des Moluques à l'Est de l'Indonésie ne souhaite pas appartenir à l'Indonésie et proclame l'indépendance de la République des Moluques : l'armée indonésienne intervient, réprime le mouvement d'indépendance et les Moluques restent indonésiennes. Enfin, les mouvements d'émancipation concernent aussi l'Indochine française. Le 2 septembre 1945, Hô Chi Minh proclame l'indépendance du Vietnam avec la naissance de la république démocratique du Vietnam : un gouvernement provisoire se met en place. Il faut savoir que le nord de l'Indochine est en 1945 occupé par les nationalistes chinois de Tchang Kaï Chek et le sud par des troupes britanniques. En mars 1945, le gouvernement provisoire de la République française (GPRF) avait envisagé la création d'une fédération indochinoise dans le cadre de l'Union française. Or, en septembre 45, le général de Gaulle envoie des troupes chargées de rétablir la souveraineté de la France.
 La France n'a aucunement l'intention d'abandonner ses colonies. Des négociations s'engagent néanmoins. Cependant, l'armée française en mars entre dans la ville de Hanoï et se réinstalle au Vietnam. Le 23 novembre 1946, un navire français bombarde la ville d'Haïphong. Un mois plus tard, le Vietminh (la ligue pour l'indépendance du Vietnam contrôlée par le parti communiste vietnamien) réplique en attaquant les quartiers européens de Hanoï : c'est le début de la guerre d 'Indochine. La France tente de diviser pour mieux contrôler le Vietnam en accordant en 1948 à l'ancien empereur d'Annam, Bao-Daï l'indépendance du Vietnam, une indépendance refusée à Hô Chi Minh. En 1949, le Cambodge et le Laos sont reconnus comme états associés. A partir de 1950, le conflit prend une dimension internationale s'inscrivant lui aussi dans le cadre de la guerre froide : la Chine devenue communiste en 1949 avec Mao soutient le Vietminh et les E.-U craignant un Vietnam communiste et alors qu'ils avaient encouragé en 1945 le Vietnam à devenir indépendant apportent un soutien financier et matériel aux forces françaises. Avec l’Indochine, on est passé d’une guerre coloniale à ses débuts à la guerre froide dans laquelle elle finit par s’inscrire. La défaite française en mai 1954 à Diên Biên Phû marque une étape décisive. Des négociations s' 'engagent à Genève (elles commencent en avril avant la défaite de Diên Biên Phû) avec la participation des Américains et des Soviétiques. En juillet sont signés les accords de Genève reconnaissant l'indépendance du Vietnam mais un Vietnam coupé en deux : un Vietnam Nord communiste et un Vietnam sud dirigé par Ngo Dinh Diem soutenu par les Américains. Cette même année, le Cambodge (une monarchie) et le Laos deviennent indépendants : un Laos où un parti, le Pathet Lao à savoir le parti communiste prend de plus en plus d'importance. L'empire colonial français est fortement ébranlé. 
Il faut préciser que la IVe République a tenté de mettre en place l'Union française à savoir une la transformation de l'Empire colonial en une fédération, une union fondée sur « l'égalité des droits » selon la Constitution française de 1946. Cette Union fait de ses citoyens des citoyens français mais ils votent dans des collèges électoraux séparés ce qui est pour le moins paradoxal. 
De plus, le président de cette Union française est le président de la république française. Il y a bien une Assemblée de l'Union française se composant à 50% des parlementaires de la métropole et pour 50% d'élus d'outre mer et des états associés mais cette assemblée a un rôle purement consultatif. Cette Union française apparaît donc comme une coquille vide et sans intérêt pour les populations désirant leur émancipation. Il faut également rappeler côté britannique la création du Commonwealth britannique des nations dès 1931 qui au départ met sur un pied d’égalité le Royaume-Uni et les dominions dits blancs : Canada, Afrique du Sud, Australie, Nouvelle-Zélande. Le Commonwealth permet au Royaume-Uni de passer « d’un empire formel à un empire informel » (Grand atlas des Empires coloniaux, 2016).Ce Commonwealth est une organisation intergouvernementale tout en étant également une zone de libre-échange. Plusieurs états anciennes colonies britanniques ont adhéré au Commonwealth après l’indépendance comme l’Union indienne, le Kenya, la Tanzanie, le Nigeria... 54 Etats en sont membres actuellement. Cette première vague de décolonisation en Asie est assez complexe : certains états s'émancipent suite à une guerre, d'autres non ; des problèmes graves se posent une fois l'indépendance acquise (cas de l'Inde et de sa partition) et cette décolonisation finit par devenir un enjeu de la guerre froide. 

-un Proche-Orient en évolution

 Le processus de décolonisation au Moyen-Orient avait commencé après la Première guerre mondiale avec le démembrement de l'Empire ottoman. En 1992-23,la Transjordanie (la future Jordanie) est indépendante. En septembre 1932 est fondée de façon officielle l 'Arabie saoudite, le royaume d'Irak devient indépendant la même année. L' Egypte devient effectivement indépendante en 1936 : les Britanniques avaient abandonné le protectorat sur l'Egypte en 1922 mais ils continuaient jusqu'en 1936 à gérer les relations extérieures de l'Egypte. Le processus d'émancipation continue pendant le conflit : en 1943, le Liban proclame son indépendance (il était sous mandat français) : une indépendance totale en 1946 avec le départ des troupes françaises. En Syrie, elle aussi sous mandat français, une Constitution républicaine est promulguée en 1930, l'indépendance proclamée en 1941 et effective en 1946 avec, comme pour le Liban, le départ des troupes françaises. La décolonisation et l'émergence de nouveaux états se poursuit après la guerre. Le cas de la Libye est plus compliqué : cette dernière, colonie italienne, avait été divisée par les alliés au cours de la seconde guerre mondiale avec le Sud-Ouest attribué à la France (région du Fezzan) et les régions de Tripolitaine et de Cyrénaïque attribuées au Royaume-Uni. Sous l'influence de l'ONU et des Etats-Unis la situation change au début des années 1950 : la Libye devient indépendante en décembre 1951. Enfin, un nouvel état apparaît en mai 1948 après le départ des Britanniques : Israël (La Palestine était sous mandat britannique). On peut mettre en évidence après la Seconde guerre mondiale ce qu’on nomme « le moment arabiste » (Grand Atlas des Empires coloniaux) avec l’essor des nationalismes arabes. D’ailleurs le 22 mars 1945 est créée la Ligue arabe par l’Arabie saoudite, l’Irak, L’Egypte, la Syrie, la Jordanie et le Liban. Un peu plus tard, un homme va symboliser ce nationalisme arabe : Abdel Gamal Nasser. En 1952, un coup d’état renverse la monarchie égyptienne conduit par le groupe des « officiers libres » auquel Nasser appartient. En 1954, Nasser dirige l’Egypte et se pose en défenseur de l’unité arabe (l’Egypte a créé dans cette optique une radio : la voix des Arabes). Pour Nasser, il faut redonner la fierté aux Arabes. Sa décision de nationaliser le canal de Suez en 1956 entre dans cette logique. Parallèlement à l’action de Nasser, un autre mouvement politique fait du nationalisme arabe un vecteur clé : le baathisme. Le parti Baath (qui signifie résurrection) est fondé en 1947 en Syrie et met en avant la nation arabe (il est fondé par deux hommes : un chrétien nommé Michel Aflak et un musulman sunnite : Salah Bitar). L’Egypte et la Syrie veulent montrer l’exemple de l’unité arabe et forment en 1958 la République Arabe Unie qui ne dure que jusqu’en 1961. Un parti Baath est également fondé en Irak en 1952 toujours dans cette logique de nationalisme arabe. L’idéologie nationaliste arabe de Nasser influe dans les années 1960 sur l’Algérie nouvellement indépendante ou sur un homme comme Kadhafi qui prend le pouvoir en Libye en 1969. 

 b/ L'affirmation du « tiers-monde » : la volonté d'organisation d'un nouvel ensemble 

 Les années 1950 sont également marquées par l'affirmation du « tiers-monde » : l'expression « tiers-monde » a été inventée par un français en 1952, Alfred Sauvy, pour désigner des états n'entrant pas dans la logique du monde bipolaire : « c’est l’ensemble de ceux qu’on appelle (...) les pays sous-développés » (Alfred Sauvy). 

 -la conférence de Bandoeng et le mouvement des non alignés

 Effectivement, plusieurs états nouvellement indépendants ne comptent pas s'inscrire dans la logique des blocs Est-Ouest donc dans la logique de la guerre froide. 
Le mouvement est lancé en 1947 lors d'une conférence en Inde, à New Delhi, réunissant 25 pays asiatiques afin d'étudier « les problèmes communs préoccupants les peuples du continent . » 
Cette conférence condamne la colonisation. Une seconde conférence a lieu en 1949 toujours à New Delhi à laquelle s'ajoutent l'Egypte et l'Ethiopie : on parle alors d'afro-asiatisme. 
Plus importante encore est la conférence se réunissant à Bandoeng en Indonésie en avril 1955. Bandoeng peut être perçu comme « l’an I du monde multipolaire » pour reprendre une expression du Grand Atlas des Empires coloniaux. Elle réunit 25 états indépendants ou en passe de l'être comme le Ghana ainsi que 4 délégations de mouvements indépendantistes dont une délégation du FLN algérien, une de l'Istiqlal marocain et un délégation du Néo-Destour tunisien. Sont représentés des états asiatiques, africains et moyen-orientaux : Afghanistan, Arabie saoudite, Birmanie, Cambodge, Ceylan, la Chine populaire de Mao, la Côte-de-l'Or (Ghana), l'Egypte, l'Ethiopie, l'Inde, l'Indonésie, l'Irak,l'Iran, le Japon, la Jordanie, le Laos, le Liban, le Liberia, la Libye, le Népal, la République du Nord Vietnam, le Pakistan, les Philippines, le Soudan, le Sud-Vietnam, la Syrie, la Thaïlande, la Turquie et le Yémen. 
Il faut signaler que certains des états présents sont en forte opposition comme les deux Vietnam ou l'Inde et le Pakistan. Cette conférence est pour trois hommes politiques l'occasion de marquer de leur empreinte cette conférence : Nehru pour l'Inde, Soekarno pour l'Indonésie et Zhou Enlaï pour la Chine (il représente Mao) ; La résolution finale de la conférence condamne la colonisation et le colonialisme,dénonce toute forme d'impérialisme, veut l'égalité entre tous les états, réclame aussi l'interdiction des armes atomiques. Elle propose de créer un Fonds des nations unies pour le développement. Cette conférence est fondamentale pas seulement pour sa résolution finale mais parce que des états dits du tiers-monde décident de s'affirmer et de vouloir sortir de la logique des blocs : ce sont les premiers pas, certes timides, d'un monde plus multipolaire. 
C'est dans ce cadre nouveau que se développe une idée formulée en 1954 par Nehru celle du non alignement. Il s'agit d'une ligne politique indépendante des E.-U et de l'URSS où les états sont souverains et rejettent toute ingérence extérieure. 
Un mouvement des non alignés se forge à l'initiative de Tito le dirigeant yougoslave qui a rompu avec l'URSS, de Nehru et du leader égyptien Nasser. La conférence de Belgrade de 1961 confirme ce nouvel axe : elle est suivie de conférences régulières : au Caire en 1964, à la Havane en 1966 , à Alger en 1967... 
Parallèlement se dessine la volonté de mettre en place un nouvel ordre économique mondial : est d'ailleurs créée la conférence des Nations unies pour le développement (CNUCED) en 1964. 
Le mouvement des non alignés ne parvient pas vraiment à s'extirper du contexte de la guerre froide : l'Egypte de Nasser se rapproche de l'URSS tout comme l'Inde d'Indira Gandhi en 1971 alors que le Pakistan est un allié des E-U. Les querelles de personnes minent également ce mouvement : plusieurs hommes politiques que ce soit Nasser, Nehru ou d'autres se posent en leader de la cause du Tiers-monde. Lors du conflit entre l'Inde et la Chine de 1962, les pays non alignés ne prennent pas fait et cause pour un des belligérants. La situation de ce mouvement est devenue assez rapidement confuse et intenable. Le non alignement « caractérise bien peu la réalité politique des pays ayant acquis leur indépendance » (Atlas des empires coloniaux)) car les différents pays sont dans l’obligation de chercher des alliances notamment pour se développer et donc de s’inscrire dans la logique de la guerre froide et de deux blocs. 
Le seul pays qui a pu et su rester dans la logique du non alignement est l’Union indienne. En fait la guerre froide a polarisé aussi les pays nouvellement indépendants qui ont fait des choix d’alliances avec les E.-U ou l’URSS. -l'ONU : un « terrain d'expression du tiers-mondisme » L'ONU est une organisation qui est pour plusieurs états un moyen d'exprimer des revendications. Les colonies nouvellement indépendantes ont même constitué dans les années 1950 un groupe afro-asiatique avec la Chine et l'Egypte comme pays moteurs : ce groupe était composé de 23 membres en 1955 et 70 en 1971. Il obtient en 1960 le vote de la résolution 1514 promouvant pour tous les peuples « le droit de libre détermination ». La Conférence des nations unies pour le commerce et le développement dont la création date de 1964 s'inscrit aussi dans le cadre de l'ONU.
Indépendance de l'Algérie

2/ Une décolonisation qui se poursuit et qui s'achève : 1955-1990


A/ Des années décisives pour l'Afrique
 
La fin des années 1950 sont les années clés pour la décolonisation de l' Afrique. Cette décolonisation se fait globalement de façon négociée et sans conflit à l'exception de quelques cas douloureux comme l'Algérie, l'Angola ou le Mozambique. 

a/ L'émancipation de l' Afrique du Nord

 L' Afrique du Nord s'émancipe entre 1954 et 1962 mais cette émancipation ne se passe de la même manière pour d'une part l'Algérie et d'autre part la Tunisie et le Maroc. 

 -un cas douloureux : l'Algérie et la guerre « sans nom »

 Le cas algérien est le cas plus épineux de la décolonisation en Afrique. Le nationalisme algérien s'est développé dès les années 20 avec la création du parti de l'étoile Nord-Africaine puis en 1931 l'association des ulémas algériens par Ben Badis. En 1937, Messali Hadj a crée le parti du peuple algérien (PPA) puis le MTLD (Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques) des mouvements réclamant l'indépendance. 
En 1947, un nouveau statut de l'Algérie est mis en place avec un territoire divisé en trois départements, la création d'une Assemblée algérienne et le maintien d'un gouverneur général nommé par le conseil des ministres, il proclame aussi l'égalité de tous les citoyens. L' Assemblée algérienne est composée de 120 membres répartis en deux collèges de 60 : un collège représentant les colons européens et un collège représentant les musulmans. Or, les musulmans sont au nombre de 9 millions et les colons un million : les musulmans sont donc sous représentés. Ils sont également marginalisés économiquement et socialement. Ces facteurs politiques, économiques et sociaux expliquent le développement du nationalisme algérien : un nationalisme qui s'exacerbe au début des années 1950. Des nationalistes comme Hocine Aït-Ahmed et Ahmed Ben Bella veulent agir reprochant aux mouvements nationalistes comme le MTLD d'être trop passif. 
En octobre, ils fondent (avec 7 autres personnes) le Front de libération national (FLN). Dans la nuit du 31 octobre au 1er novembre 1954, une série d'attentats sont commis par le FLN ce qui est le point de départ de la guerre d'Algérie. Le FLN constitue un groupe armé : l'ALN (armée de libération nationale). Cette guerre qui pour l'état français ne dit pas son nom dure huit ans. 
Le FLN est soutenu à partir de 1957 par la Tunisie et le Maroc dont l'indépendance est récente (1956), par l'Egypte de Nasser et plus généralement par la Ligue arabe. 
La conférence afro-asiatique du Caire en 1957 apporte également son soutien à l'indépendance. En 1960, l'ONU reconnaît le droit à l'indépendance de l'Algérie : le FLN a donc des appuis internationaux. Ce conflit algérien a pour effet le retour au pouvoir du général de Gaulle en 1958 (crise de mai 1958) et le passage de la Ive à la Ve République.
 En 1959, alors que de Gaulle jusqu'à présent soutenait une Algérie française, se prononce pour l'autodétermination du peuple algérien. En 1962 sont signés les accords d' Evian le 18 mars mettant fin à la guerre et suite à un référendum le 1er juillet, l'Algérie devient indépendante : une indépendance proclamée le 3 juillet. 

 -un Maghreb indépendant

Le début des années 1950 sont aussi des moments de tensions en Tunisie et le Maroc. En Tunisie, le nationalisme s'était développé dès les années 1920-30 avec notamment le Néo-Destour d'Habib Bourguiba. Des exploitations agricoles sont attaquées par des nationalistes tunisiens en 1952 ce qui conduit à une répression de l'armée française. Emeutes, grèves, manifestations se poursuivent. En juillet 54, le gouvernement français reconnaît l'autonomie et surtout après de nouvelles négociations, la Tunisie obtient son indépendance le 20 mars 1956. Le mouvement nationaliste marocain s'est affirmé aussi dans les années 1930 avec l'Istiqlal. Dans les années 50, des manifestations nationalistes se déroulent et sont réprimées la situation ne cesse de se détériorer. Le 2 mars 1956, une déclaration signée à Paris annule le protectorat français et le Maroc devient de ce fait indépendant. En 1962, le Maghreb est totalement indépendant. 

 b/ Les premières indépendances de l'Afrique subsaharienne 

Le processus de décolonisation de l'Afrique subsaharienne est un peu plus tardif, s'opère selon des modalités globalement négociées et pacifiques bien qu'il y ait eu quelques exemples de décolonisation difficiles. Comme en Asie ou en Afrique du Nord, les mouvements d'émancipation sont apparus dans les années 1930 comme au Nigeria avec l'African Student Union fondé en 1925 ou le National Nigerian democratic party créé en 1923. Ils vont prendre une nouvelle dimension après la Seconde guerre mondiale. 
De fortes personnalités comme N'Krumah (Ghana), Léopold Sedar Senghor (Sénégal), Jomo Kenyatta (Kenya) ... jouent un rôle important. 

 -Gold Coast, Nigeria... : l'Afrique anglophone s'émancipe 

 L'accession à l'indépendance se réalise progressivement en Afrique anglophone. Les Britanniques ont en effet recours d'abord à un processus d'autonomie (indirect rule) consistant à donner des pouvoirs à des Assemblées locales tout en maintenant un gouverneur. Dans un second temps, les Britanniques permettent la constitution de gouvernements autonomes avec un pouvoir important revenant aux élites locales.
 En 1951, les Britanniques mettent ainsi en place un gouvernement local au Nigeria avant l'élaboration d'une Constitution en 1954. En décembre 1955, une proclamation d'indépendance est faite au Soudan et cette indépendance est officialisée au 1er janvier 1956 (en 1953, les Britanniques avait organisé l'autonomie interne et promis un vote sur l'indépendance). En mars 1957, la Gold Coast devient indépendante sous le nom de Ghana avec à sa tête Kwame N'Krumah. Entre 1957 et 1965, les colonies anglaises obtiennent l'indépendance : en 1960, pour le Nigeria et la Sierra Leone, la Tanzanie en 1961, l'Ouganda en 1962,le Kenya en 1963, la Zambie en 1964, la Gambie en 1965... 
La décolonisation britannique est plus délicate dans ce qu'on nomme les colonies blanches comme en Rhodésie du Sud où les Blancs revendiquent l'indépendance pour préserver leur domination : elle est obtenue en 1965. le Botswana, le Lesotho sont indépendants en 1966. Le cas du Ghana est intéressant à étudier : un homme, Kwame N'Krumah a joué un rôle décisif. Il participe en 1945 au Congrès panafricain. En 1947, il adhère au parti indépendantiste United Gold Coast Convention avant de créer son propre mouvement : Convention's people party (CPP). Pour accéder à l'indépendance ,N'Krumah et son parti organisent, inspiré par l'Inde de Gandhi, un mouvement de désobéissance civile ce qui le conduit en prison. En 1951, des élections législatives ont lieu remportées par le parti de N'Krumah : les Britanniques le libèrent. Il devient même premier ministre dans le cadre de l'indirect rule et finit par obtenir l'indépendance en mars 1957. C'est un personnage intéressant car un des fondateurs du panafricanisme. Il pense que les états africains doivent collaborer activement : il a même l'idée de fonder des « Etats-Unis d'Afrique.» 

 -Une émancipation similaire pour l'Afrique francophone 

 Une démarche somme toute assez proche a lieu pour l'Afrique francophone. La conférence de Brazzaville de 1944 laissait pourtant peu d'espoir pour un processus accéléré de décolonisation : la France tenait à son Empire colonial. Pourtant, en 1956 est votée par le parlement français une loi- cadre dite loi Deferre du nom du ministre d'Outre-mer de l'époque : Gaston Defferre. Cette loi autorise le gouvernement à prendre des mesures concernant les territoires en question créant notamment des conseils de gouvernement relativement autonomes : c'est un premier pas vers l'autonomie. En 1958, le général de Gaulle de retour au pouvoir et pleinement conscient de l'inéluctabilité de l'indépendance propose aux Africains une union par la création de la Communauté française à l'intérieur de laquelle les états africains seraient autonomes mais la politique étrangère et de défense relèverait de la France. 
Pour être précis, la nouvelle Constitution française proposent trois choix : les états africains deviennent autonomes dans le cadre de la Communauté française ou ils optent pour le même statut ou ils peuvent faire sécession. 
La Guinée et son leader Sékou Touré font le choix de l'indépendance en 1958 : c'est le premier état francophone à devenir indépendant. En 1960, l'ensemble des états font le choix de l'indépendance : le Mali, le Sénégal, la Haute-Volta (Burkina-Faso depuis 1984), la Côte d'Ivoire, le Togo, le Niger, le Dahomey (Bénin depuis 1975), le Tchad, le Cameroun, le Gabon, le Congo Brazzaville, la République centrafricaine, Madagascar et la Côte française des Somalis accèdent à l'Indépendance. Ces nouveaux états signent néanmoins des accords bilatéraux avec l'ancienne puissance coloniale. Il faut rappeler que pour Madagascar, le processus ne fut pas aussi simple. En effet, en 1947 une insurrection malgache se déroule : la répression est terrible entre 1947 et 1948 faisant au moins 11 000 victimes. 
Il faut ajouter les émeutes et la lutte entreprise au Cameroun en 1955 par l'UPC (Union des populations du Cameroun)souhaitant l'indépendance et le rattachement du « Cameroun anglais » région de Kumba et Bamenda à l'Ouest du Cameroun français. Là aussi, la répression est dure : l' UPC est interdit et le conflit aboutit à la mort d'au moins 50 000 camerounais. Lorsque le Cameroun devient indépendant en 1960, la France a réussi à exclure l' UPC et à mettre en place un gouvernement à sa solde avec le président Ahmadou Ahidjo (il reste au pouvoir jusqu'en 1982). En 1961, le sud du Cameroun anglais est rattaché au Cameroun alors que le nord préfère opter pour le Nigeria. 

 c/ Mais des indépendances douloureuses ouvrant la voie à des tensions durables 

-Congo, Kenya, Rwanda... : des indépendances tourmentées 

 Certaines indépendances furent difficiles. La décolonisation britannique est souvent perçue comme moins brutale que la décolonisation française mais le Kenya prouve que les choses sont plus complexes. En 1952 se déclenche dans ce territoire encore britannique, la révolte kikuyu ou révolte Mau-Mau : les Kikuyus sont une peuple du Kenya à la fois marginalisé et dont certaines terres ont été accaparées par des anglais. Cette insurrection est très durement réprimée par l'envoi de troupes coloniales anglaises : environ 90 000 Kényans sont tués entre 1952 et 1956, 160 000 ont été emprisonnés. Le parti nationaliste kényan de Kenyatta n'a rien fait pour soutenir le mouvement qu'il jugeait rival. 
Quand le Kenya devient indépendant, le leader Jomo Kenyatta (pourtant un Kikuyu), peu enclin à mettre en évidence la mémoire Kikuyu, fait occulter l'histoire de cette insurrection : il faut attendre 2007 pour qu'une statue de Dedan Kimathi (il est arrêté en 1956 et exécuté en 1957 le leader de l'insurrection ait droit à une statue à Nairobi intégrant ainsi la mémoire nationale du pays. Autre cas délicat, le Rwanda. Le Rwanda était une colonie belge depuis 1916. les colonisateurs se sont appuyés sur un peuple les Tutsis au détriment des Hutus majoritaires. 
Les Belges ont mis en place dans les années 1950 un gouvernement indirect mais avec toujours la présence d'un gouverneur. 
En 1957, des intellectuels Hutus adressent au gouverneur, J.P Harroy, un manifeste dit des bahutu dénonçant les inégalités dont seraient victimes les Hutus. 
Ce texte provoque une fracture profonde entre deux communautés aux différences peu sensibles. A partir de 1957, les autorités belge appuie les Hutus. 
En 1959, se déclenche une guerre civile entre les deux communautés dont l'une des conséquences est l'exil de milliers de Tutsis en particulier vers l'Ouganda. Un Hutu, Grégoire Kayibanda, est élu comme président de la République et le Rwanda devient indépendant officiellement en 1962. En 1963, des massacres de milliers de Tutsis ont lieu : le Rwanda devient un état gangrené par les clivages dits « ethniques ». 
Dernier exemple, le Congo « belge ». Le nationalisme congolais se développe assez tardivement, au début des années 1950 atout notamment d'un homme : Joseph Kasavubu.
 Il est le fondateur d'une association d'abord culturelle, l'Abako (Association pour l'unification, la conservation et l'expansion de la langue kikongo) en 1950.
 En 1956, cette association se transforme en mouvement politique avec la publication d'un manifeste de la conscience africaine et réclame la naissance d'une communauté belgo-congolaise. 
Parallèlement, Patrice Lumumba d'inspiration marxiste fonde en 1958 le Mouvement national congolais, un mouvement plus radical. Des émeutes ont lieu à Léopoldville en 1959 ce qui accélère le processus d'émancipation. 
En janvier 1960, le roi des Belges, Baudoin évoque l'indépendance qui devient effective le 30 juin donnant naissance à la République du Congo avec comme président J. Kasavabu et comme premier ministre P. Lumumba. Dès juillet, la situation s'envenime avec la sécession de la province du Katanga. : une sécession soutenue par les anciens colonisateurs. Parallèlement, sous la pression des occidentaux et des américains, P. Lumumba est écarté du pouvoir et éliminé physiquement en janvier 1961 : il était jugé trop marxiste proche de l'URSS. la guerre du Katanga prend fin elle en 1963. En novembre 1965 un coup d'état porte au pouvoir le général Mobutu, au pouvoir jusqu'en 1997. 

 -des tensions durables aux effets longtemps persistants

 La décolonisation de l'Afrique et l'accès à l'émancipation n'ont pas toujours permis de construire des états solides, démocratiques et pacifiés. De nombreux états indépendants deviennent des régimes autoritaires et de nombreux coups d'état ont fait basculer la vie politique (environ 80 coups d'état depuis les indépendances. Des pays comme le Rwanda, le Nigeria (guerre du Biafra de 1967-70), l'Ethiopie, le Soudan... ont connu et connaissent encore des tensions durables et des problèmes politiques (sans évoquer les difficultés économiques) : L'indépendance n' a pas mené à un long fleuve tranquille. 

B/ La fin tardive de l'Afrique colonisée 

 La décolonisation de l'Afrique ne s'est pas achevée dans les années 1960 : il faut attendre la fin des années 1980. Le dernier Empire a perdre ses colonies est l’Empire portugais et se pose la question très problématique de la Rhodésie du Sud et de l’Afrique du Sud. 

 a/ Une Afrique australe qui se libère tardivement 

 C'est en Afrique australe que le processus a été le plus long avec des conflits meurtriers et des luttes de longue haleine. 

 -la fin de l'Empire portugais : Mozambique, Angola 

 Le Portugal avait plusieurs colonies en Afrique : la Guinée-Bissau, l'Angola et le Mozambique. 
Il faut rappeler que le Portugal est depuis les années 1930 un régime autoritaire (Estado Novo) avec à sa tête jusqu'en 1970 Antonio Salazar. Il faut attendre 1974 et la révolution des oeillets pour que le Portugal fasse sa transition vers la démocratie. Salazar tenait aux colonies africaines voulant d'ailleurs assimiler les colonisés par la religion catholique et la langue portugaise.
 Il existe une colonisation de peuplement avec plus de 550 000 portugais vivant dans ces colonies. Au début des années 1960, les choses vont changer dans un contexte favorable pour les populations colonisées : le colonialisme portugais est condamné par l'ONU et des émeutes se déroulent notamment en Angola. Des mouvements nationalistes sont créés comme le parti africain de l'indépendance de la Guinée et du Cap-vert dès 1956, le MPLA (mouvement populaire de libération de l'Angola) en 1956 dirigé par Agostinho Neto, le Front de libération national de l'Angola fondé en 1956 par Holden Roberto ou encore l'UNITA (union nationale pour l'indépendance de l'Angola) : le MPLA est d'inspiration marxiste alors que l'UNITA est maoïste donc appuyé par la Chine. Au Mozambique, le mouvement de lutte est le FRELIMO (Font de libération du Mozambique) fondé en 1962. 
Les guerres coloniales vont durer jusqu'en 1975 ( plus de 200 000 soldats portugais y participent). La durée de ces guerres et la lassitude qu'elles provoquent sont une des causes de la révolution des oeillets eu Portugal en 1974. Le Portugal accorde l'indépendance à ses anciennes colonies en 1975 (janvier 1975 pour l'Angola, septembre 1974 pour la Guinée-Bissau, juin 1975 pour le Mozambique). 
C'est la fin de l'Afrique portugaise. Par contre, une fois l'indépendance acquise, l'Angola et le Mozambique entrent en guerre civile. En Angola, la guerre oppose le MPLA aidé par l'URSS et Cuba contre l'UNITA soutenu par les E.-U et l'Afrique du Sud ne prenant fin qu'en 2002. Au Mozambique, la guerre confronte le FRELIMO marxiste à un mouvement rebelle appuyé par l'Afrique du Sus : la Résistance nationale du Mozambique ou RENAMO) : une guerre achevée en 1992. Là aussi, la guerre qui suit les indépendances s’inscrit dans le cadre de la guerre froide. 

 -de la Rhodésie au Zimbabwe : une Afrique blanche mise à mal 

 Pour l'Afrique dite blanche, la situation est différente. La Rhodésie est devenue indépendante en 1965 avec une population composée de 4,2 millions d'habitants dont plus de 215 000 blancs. 
Ce sont ces derniers qui ont le contrôle du pays et calquent l'organisation de la Rhodésie sur celui de l'Afrique du Sud : un système d'apartheid. Le pays est dirigé par Ian Smith qui est assez rapidement confronté au début des années 1970 à une guérilla et des mouvements armés comme l'Union du peuple africain du Zimbabwe (ZAPU) aidé par l'URSS ou l'Union nationale africaine du Zimbabwe (ZANU) appuyé par la Chine de Mao et dirigé par Robert Mugabe. La guerre civile ainsi que l'absence de soutien international au régime de Ian Smith conduisent à des négociations et à l'indépendance en 1980 avec un changement de nom : la Rhodésie devient le Zimbabwe, un pays dirigé par la ZANU et R. Mugabe qui dirige encore d'une main de fer cet état. 

 b/ Le cas sud-africain : un cas particulier 

 L' Afrique du Sud est un cas à part non seulement par le statut de ce pays et par le système longtemps en place : l'apartheid. Après les guerres des Boers opposant les Akrikaners aux Anglais est fondée en 1910 l'Union sud-Africaine suite à plusieurs mois de négociations sans la participation des populations noires. Cette union sud-Africaine a droit à une Constitution donc à un Parlement, l'anglais et le néerlandais (l'afrikaan) sont les deux langues officielles. Les Afirkaners ont obtenu la ségrégation électorale : les noirs, les métis n'ont pas de droits politiques. 
Ils ont toutefois fondé en 1912 l' ANC (African National Congress). L' Union sud-Africaine est membre du Commonwealth. Après la Seconde guerre mondiale, les Afrikaners qui sont parvenus à contrôler la vie politique sud-africaine vont instaurer le système de l'apartheid. 

-la fin d'un système inique : l'apartheid 

L'apartheid est un système de ségrégation raciale où les populations sont différenciées entre blancs, noirs, coloured et indiens, les blancs étant séparés des autres. Les dirigeants blancs ont voulu ce système de développement séparé en reléguant les populations noires dans des quartiers spécifiques, des ghettos. 
Ils ont même créé des bantoustans destinés théoriquement à devenir indépendants. L'ANC a décidé de lutter contre ce système mais de manière pacifique dans un premier temps. Les manifestations de l' ANC sont systématiquement réprimées. Face à cette répression, l' ANC décide de passer à la lutte armée. La répression est encore plus vigoureuse et l'un des principaux dirigeants de l' ANC, Nelson Mandela est arrêté et interné à Robben Island. 
Pendant des années, l'Afrique du Sud est dans un cycle d'émeutes et de répression comme en 1976 à Soweto. L' Afrique du Sud est de plus en plus isolée sur le plan international et les leaders comme Mandela (bien qu'interné) ou Desmond Tutu ont une influence grandissante. A la fin des années 1980 dans le contexte d'une guerre froide achevée, les événements vont prendre une autre tournure. 
En 1989, le nouveau président sud-africain, F de Klerk va accepter de négocier. Nelson Mandela est libéré en 1990. En 1994, les premières élections multiraciales ont lieu avec la victoire de l' ANC. Mandela devient président d'une nouvelle Afrique du Sud et c'est la fin de l'apartheid. 

-un nouvel Etat : la Namibie 

La Namibie avait été annexée en 1884 par l'Allemagne (Sud-Ouest africain). Après 1920, elle est administrée par l'Afrique du Sud (mandat de la SDN). Après la Seconde guerre mondiale, des mouvements nationalistes émergent comme l'Union nationale du Sud-Ouest africain (SWANU) qui se divise en 1960 donnant naissance à la SWAPO (organisation du peuple du Sud-Ouest africain). Le situation dégénère en guerre entre la SWAPO (reconnue comme organisation légitime par l'ONU) et l'Afrique du Sud. 
Des négociations se déroulent entre 1975-77 mais sans véritablement aboutir. 
Les choses s'accélèrent à la fin des années 1980 : des élections se déroulent en 1989 avec une victoire de la SWAPO : une Assemblée qui est constituante. L'indépendance est proclamée en mars 1990. Bilan Une décolonisation achevée pour quelle véritable indépendance ? Le processus de décolonisation a été plutôt long se faisant par étapes : un processus parfois violent et dans certains cas négocié. Une fois devenus indépendants, les différents états ont dû résoudre plusieurs difficultés : réaliser l'unité nationale et construire la nation, réussir le développement économique. Bien qu'il y ait indépendance, plusieurs états sont restés dépendants des anciennes métropoles coloniales : dépendance économique, financière, technologique... L’indépendance politique ne signifiait pas une indépendance totale.
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