Chapitre 2:Les Etats-Unis : économie, société et puissance

Chapitre 1 : Histoire, territoires, cultures et identités de l’Amérique du nord

1/ La phase coloniale : la naissance de l’Amérique du Nord européenne


La colonisation de l'Amérique est aussi le fait d'autres acteurs que les Espagnols et les Portugais : Hollandais, Anglais, Français... ont pris une part active notamment les Anglais et les Français. Nous mettrons l'accent sur les colonisations française et anglaise. 

A/ Une Amérique « française » aujourd’hui oubliée 

  •  Les Français commencent à explorer les côtes du Nord de l'Amérique après 1520. Jacques Cartier explore en 1534 Terre Neuve, le Golfe du Saint-Laurent, la Gaspésie ( la ville de Gaspé est considérée comme le berceau de l'Amérique dite française) dont il prend la possession au nom du roi de France (François 1er). Lors de deux autres voyages, il explore davantage le fleuve Saint- Laurent. Progressivement, les Français exercent un contrôle sur d'importants territoires : du Québec à la baie d'Hudson mais également sur les plaines centrales qu'ils nommèrent Louisiane En 1562, les Français s'implantèrent (par le biais d'une colonie de Huguenots) en Floride dite française, une Floride reprise en mains par les Espagnols. 
  • Samuel Champlain fonde en 1608 un poste pour le commerce de fourrures qui devient la ville de Québec. En 1642, est fondée la Ville-Marie rebaptisée plus tard Montréal. Néanmoins, la colonie canadienne se développe lentement bien que Louis XIV ait créé en 1663 le gouvernement royal : de façon générale la population de la Nouvelle-France qui comprenait le Québec mais aussi la Louisiane n'atteignait pas plus de 7000 colons en 1674 et 15 000 en 1689. En Louisiane, à partir de 1673 des Français remontent le Mississippi et en 1682, Cavelier de la Salle prend possession de l'embouchure du Mississippi. En 1718 est fondée la ville de la Nouvelle-Orléans (Jean-Baptiste Le Moyne de Bienville). Des Français remontent même le fleuve Missouri. 
  • Cette Louisiane est cédée à l'Espagne en 1763 suite au traité de Paris. En janvier 1803, l'Espagne rétrocède la Louisiane à Napoléon 1er qui la vend en avril aux Etats-Unis récemment indépendants. La France va perdre ses colonies américaines suite à une série de guerres contre les Anglais. Lors du traité d'Utrecht de 1713, elle perd l'Acadie (une région du Nord-Est du Canada) qu'elle avait fondé en 1604. Une Acadie dans laquelle les Anglais vont procéder à ce que les Acadiens ont nommé le « grand dérangement » à savoir la déportation des Acadiens entre 1755 et 1763 (environ 8 000 Acadiens) soit vers les colonies anglaises d'Amérique du Nord soit vers l'Angleterre. Certains s'installent en Louisiane où ils forment la communauté cajun ou au Québec. Suite à la guerre de 7 ans (1754-1763) perdue par la France, celle-ci perd l'ensemble de ses colonies d'Amérique du Nord qui passent sous la tutelle anglaise. En 1763, les Britanniques ont créé la province du Québec et en 1774 l'acte de Québec permet l'agrandissement de cette province vers le Sud.
  •  Lorsque la guerre d'indépendance des E.-U se termine, de nombreux loyalistes britanniques qui sont restés fidèles à la couronne britannique ont migré vers le Québec provoquant des tensions avec les populations francophones ce qui conduit les Britanniques a séparé en 1791 le territoire en deux avec la province du Bas-Canada à forte dominante francophone (90%) et le Haut-Canada (qui devient l'Ontario en 1867). En 1867, lorsque la confédération canadienne voit le jour, le Québec en devient une des 4 provinces avec l'Ontario (capitale Toronto), la Nouvelle-Ecosse (capitale Halifax) et le Nouveau- Brunswick (capitale Fredericton). Enfin, la France a colonisé également une partie des Antilles. Dans la décennie 1625-1635, la France prend possession de la Martinique où est fondée la ville de Saint-Pierre, de la Guadeloupe, de Saint-Domingue. Ils prennent conjointement avec les Hollandais suite à une guerre contre l'Espagne le contrôle de l'île de Saint-Martin (1648). La France a même tenté entre 1555 et 1567 de contrôler une partie du Brésil (baie de Rio) avant d'être chassés par les Portugais. Ils réussissent par contre à s'imposer en Guyane fondant Cayenne en 1643 même si le territoire momentanément abandonné en raison de difficultés sanitaires ce qui permet aux Hollandais d'en prendre possession. Après la guerre de 7 ans ( 1763), la France décide de faire de la Guyane une colonie de peuplement. 
  • En 1792, les révolutionnaires décident de faire de la Guyane et de Cayenne un lieu de déportation des prêtres dits réfractaires : c'est le début de ce qui va devenir une colonie pénitentiaire. En 1854 sont construits les bagnes de Guyane. Il faut rappeler que les Français pour asseoir leur domination en Amérique du Nord avaient noué des relations avec les amérindiens fondées sur de véritables alliances avec certains peuples comme les Algonquins, les Hurons, les Illinois... au Canada ou avec les Lakotas, les Natchez... en Louisiane. Les Français tentèrent plus ou moins de « franciser » ces peuples mais sans succès :d'ailleurs, ils n'ont jamais insisté sur ce point. Lors de la guerre perdue de 7 ans, les Français ont pu compter sur ces alliances d'où le nom donné de French and Indian War par les Américains alors que pour les Britanniques, il s'agissait d'une guerre de la conquête (War of the Conquest) ou une guerre pour l'Empire (War for Empire). La perspective n'est donc pas la même. 

 B/ La colonisation anglaise : un temps fort 

  •  Les Anglais comme l'ont fait les Espagnols ou les Français ont d'abord procédé à une phase d'exploration avec notamment le navigateur d'origine italienne Jean Cabot qui, au service du roi d'Angleterre Henry VII, aborde à Terre-neuve dans l'embouchure du fleuve Saint-Laurent en juin 1497 (Il est à la recherche d'un passage : le passage du Nord-Ouest vers l'Asie). Walter Raleigh, à ses frais, organisent une expédition lui permettant d'accoster dans l'actuelle Virginie. En 1606, le roi d'Angleterre Jacques 1er fonde la Compagnie de Virginie qui va créer la première colonie anglaise : la Virginie en 1607. Une fois fondée, la Virginie est divisée en eux : une partie est attribuée à la Compagnie de Plymouth et l'autre à la Compagnie de Londres : ces compagnies ont pour objectif de coloniser la Virginie et de l'organiser.
  •  La ville de Jamestown y est créée. Cette colonie de Virginie accueille des émigrants souvent persécutés dans leur pays pour des raisons religieuses ou politiques. La Virginie devient une colonie royale en 1624. En 1620, des dissidents religieux puritains arrivés par un bateau nommée le Mayflower fondent la colonie de Plymouth qui devient plus tard le le Massachusetts. Cette émigration puritaine fut un des bases de la colonisation. 
  • Mais arrivent aussi dans ces colonies des individus d'horizons divers : nobles, aventuriers, paysans... Les Anglais vont créer plusieurs colonies en l'espace de quelques années : Massachusetts en 1620, New Hampshire en 1629, Maryland en 1632, Connecticut en 1636, Rhode Island en 1644, Caroline du Nord et Caroline du Sud en 1663, Delaware en 1664, New Jersey en 1664, New- York en 1664, Pennsylvanie en 1681, Géorgie en 1732 soit au total 13 colonies. Les colonies ont été créées par des marchands, des financiers ou des armateurs après avoir reçu une charte du royale comme ce fut le cas de la Virginie ou du Massachusetts ou par des nobles auxquels a été accordé une concession (Maryland, Pennsylvanie, Caroline du Nord et du Sud). Elles vont toutes devenir des colonies royales entre 1624 et 1752. Comme le souligne Bouda Etehad dans un article du Hors-Série Le Monde sur l’Empire américain (2019), les « fondations anglaises sont nées de la libre entreprise. » On peut dresser une typologie de ces colonies : les colonies du Nord comme le Massachusetts, le Rhode Island, le Connecticut, le New Hampshire, des colonies connues aussi sous le nom de Nouvelle-Angleterre, sont dominées par les puritains, en provenance des îles Britanniques. Ils organisent leurs colonies de façon théocratique autour de petites propriétés et exploitations agricoles.
  •  Certains vivent de la construction de navires ou du commerce de produits textiles. Des villes comme Boston (1630), Baltimore (1706 pour le port de Baltimore) sont créées et vont devenir des pôles urbains et économiques importants. C'est dans le Massachusetts qu'est aussi fondé l'université d' Harvard en 1636. Les colonies les plus au Sud, Virginie, Caroline du Nord et du Sud, Géorgie se sont développées sur une organisation politique et économique différente à savoir une économie de plantation (tabac, coton) reposant sur l'esclavage (dès 1619) et de grands propriétaires. Les villes d'Atlanta (Géorgie, 1821), de Charlotte (Caroline du Nord, 1755) et de Charleston (Caroline du Sud, 1670) symbolisent ces colonies du Sud. Quant aux colonies du centre : New York, Delaware, Maryland, New Jersey ou Pennsylvanie, elles sont issues de l'annexion de colonies hollandaises (1664) comme New York, le New Jersey et le Delaware. 
  • La Pennsylvanie est créée en 1681 par William Penn du mouvement religieux des Quakers. Ces colonies sont considérées comme plus ouvertes : la Pennsylvanie en est un exemple avec l'accueil d'Irlandais,Allemands... et le fondation d'une comme Philadelphie (1682) perçue comme une ville tolérante. Ces colonies ont des statuts différents : certaines sont des colonies à charte. Le roi accorde une charte à une compagnie privée qui doit mettre en valeur la colonie (Rhode Island, Connecticut. Maryland). Ce type de colonie est très autonome puisque le gouverneur est élu par une Assemblée de colons. Autres colonies, les colonies de propriétaires. Elles ont été confiées à un individu comme la Pennsylvanie avec William Penn qui est de fait le gouverneur.
  •  Enfin, il existe les colonies de la couronne comme le New Hampshire, New York, le New Jersey, le Massachusetts, Virginie, les deux Caroline, la Géorgie qui ont une Constitution rédigée par la couronne britannique avec un gouverneur nommé, par celle-ci qui dispose d'un droit de veto sur les décisions des assemblées coloniales. Ces colonies anglaises sont le fait de colons originaires des îles britanniques mais pas uniquement puisque des allemands, des Suédois, des Français (Huguenots) 

 C/ Une rupture clé : la déportation et l'arrivée des esclave

  • Africains Dans les futurs Etats-Unis, les premiers esclaves africains arrivent à Jamestown en 1619 (20 esclaves). Avant l’arrivée des esclaves, on avait recours dans les colonies à des engagés blancs (indentured servants) qui travaillaient pour une durée de 3 à 7 ans et une fois le contrat terminé, ils pouvaient rester sur place ou revenir en Angleterre. Dans les années 1700-1730, les importations d'esclaves s'élèvent à environ 1000 esclaves puis c'est une accélération importante avec 40 400 esclaves entre 1731-1740, 58 500 de 1741 à 1750.... De 1781 à 1810 , 91 600 esclaves sont déportés aux Etats-Unis. En fait comme l’écrit Lauric Henneton dans l’Atlas historique des Etats- Unis (éditions Autrement 2020), « les flux varient dans le temps et l’espace. En 1780, ils sont plus de 575 000 (un cinquième de la population) et 90% vivent dans les colonies du Sud (Sud de la Pennsylvanie. 
  • Ils sont particulièrement présents en Virginie, en Caroline du Nord, en Caroline du Sud mais sont par contre moins nombreux dans le Maine, l’état de New York... Dans les colonies du sud, ils travaillent surtout dans les plantations constituant la main d’ œuvre servile d’une économie de plantations. Les populations noires constituent une minorité importante. Ces déportations ont conduit à terme à un certain métissage et à une créolisation en Amérique latine mais le métissage beaucoup moins vrai en ce qui concerne les Etats-Unis.

2/ Le temps de l’indépendance et de l’unité


A/ La Révolution américaine et l’’indépendance 

La Révolution américaine et l’accès à l’indépendance des 13 colonies anglaises est un moment fort de l’histoire de l’Amérique du Nord mais aussi de l’histoire mondiale. Un nouvel Etat émerge et va à la fois se construire et s’affirmer. 

-l'indépendance des Etats-Unis : un moment fort de l'histoire 

  • 1776-1783 sont les années d'un conflit conduisant à l'indépendance des 13 premières colonies. Il s'agit d'une guerre civile opposant des sujets Britanniques et des sujets se déclarant Américains, une rébellion contre les autorités coloniales et la monarchie anglaise du roi Georges III. La déclaration d'indépendance des E.-U du 4 juillet 1776 lance la phase des indépendances et de l'émancipation des territoires du continent américain. Il s’agit de « treize colonies en colère qui créent les Etats-Unis » (Soazig Villerbu : L’Empire américain, Hors-Série Le Monde 2019) et cette « guerre d’indépendance qui a conduit à la formation des Etats-Unis ne s’est pas vraiment faite au nom de la démocratie. » La couronne britannique avec le traité de Paris de 1763 clôturant la guerre dite de sept ans entre la Grande-Bretagne et la France a permis aux Anglais d'agrandir leurs possessions sur le continent américain hormis la Louisiane récupérée par l'Espagne et Saint-Pierre-et-Miquelon conservée par la France. 
  • Pour gérer et contrôler plus efficacement les territoires, la monarchie anglaise met en place les territoires conquis sous administration directe avec la création de quatre gouvernements : le Canada, la Floride occidentale, la Floride orientale et Grenade (une partie des îles antillaises. Les terres de l'Ouest sont interdites aux colons par l'Indian act qui réserve ces terres aux populations indiennes .Cette guerre a eu un coût élevé pour la monarchie, un coût dont elle comptait la prise en charge au moins partiellement par les colons des 13 colonies. Il s'agit pour les Anglais d'augmenter les taxes mais aussi pour Georges III d'exercer un contrôle plus direct sur les colonies. Or les Assemblées coloniales étaient globalement hostile à cette politique.
  •  En mai 1774, le Parlement britannique adopte l'Acte de Québec par lequel les lois civiles françaises mais aussi la religion catholique sont reconnues ce qui mécontente fortement les 13 colonies ayant participé à la lutte contre les Français. Plusieurs autres lois vont mécontenter les Assemblées coloniales dont le Stamp act, une loi instaurant un droit de timbre (timbre fiscal) sur les documents administratifs, les contrats... ou le Tea act de 1773 permettant à la Compagnie des Indes anglais de de vendre son thé sans payer de taxes. Cette dernière loi conduit à un boycott du thé anglais par les colons ainsi qu'en décembre 1773 au saccage de trois navires anglais livrant du thé par des colons de Boston (Boston Tea Party). En septembre 1774 par le biais de Benjamin Franklin, les représentants des 13 colonies se réunissent à Philadelphie pour un premier Congrès puis un second en 1775. L’élément déclencheur du processus conduisant à l’indépendance est la fiscalité. Sachant « qu’il n’y a pas de peuple américain unanimement soulevé contre la métropole » rappelle Soazig Villerbu ( L’Empire américain, Hors-Série Le Monde 2019). Ceux qui se révoltent et qui vont se nommer patriotes ne sont pas au départ majoritaires. 
  • Un premier accrochage armé entre miliciens et forces anglaises a lieu en avril. La colonie de Virginie chasse son gouverneur anglais et la guerre d'indépendance commence en juin 1775 avec la première bataille, celle de Bunker Hill, entre insurgés et troupes anglaises. En mars 1776, Georges Washington s'empare de Boston. Une étape politique supplémentaire est franchie avec le 4 juillet 1776 l'adoption par le Congrès de la déclaration d'indépendance (rédigée par Thomas Jefferson). Il faut souligner que tous les colons ne soutiennent pas les insurgés : ils se divisent entre patriotes et loyalistes c'est-à-dire fidèles à la couronne anglaise. En 1776, les colonies représentent 2,5 millions d'habitants dont 1,9 million de blancs, 520 000 noirs et environ 100 000 indiens. Dès 1776, les insurgés sont aidés par la France par la fourniture d'armes puis par l'envoi de soldats. 
  • La guerre se termine officiellement en 1783 par la reconnaissance de l'indépendance par la Grande-Bretagne lors de la signature du traité de Paris. Les E.-U obtenaient l'indépendance sous le nom « d' Etats-Unis d'Amérique », la possibilité d'étendre leur territoire vers l'Ouest jusqu'au Mississippi, l'intégration des territoires indiens de ces régions. C'est avec ce traité que sont fixés aussi les frontières avec le Canada. Les Etats-Unis ont donc un territoire allant des frontières canadiennes aux frontières des deux Florides jusqu'au Mississippi. L’Espagne conserve la Louisiane et acquiert la Floride. Au moment de l’indépendance, les Etats-Unis n’existent pas encore véritablement avant que ne soit élaboré une Constitution. 

B/ Un acte fondateur : la Constitution 

  • En septembre 1787, la Constitution des E.-U est adoptée et ratifiée par les 13 états membres de l'Union. Elle est signée par 11 états dès 1788 mais la Caroline du Nord la ratifie qu'en novembre 1789 et le Rhode Island en mai 1790. Toutefois, le premier Congrès se réunit dès mars 1789. Avec la Constitution, il s'agit de réaliser l'unité, de structurer les rapports entre les 13 colonies devenues indépendantes. Elle s'inscrit donc dans un contexte particulier : une indépendance acquise suite à une guerre dans un pays de 4 millions d'habitants qui est avant tout rural. Cette Constitution met en œuvre un état fédéral avec un pouvoir fédéral ayant des compétences concernant la défense, le commerce extérieur ,la politique étrangère notamment. Les 13 états sont égaux et pour respecter cette égalité chaque état est représenté de la même façon au Sénat mais par contre cette représentation est proportionnelle à la Chambre des représentants. De plus, les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire sont séparés. 
  • Cette Constitution dont le préambule commence par les termes suivants : « Nous, Peuple des Etats-Unis (...) » exclut les noirs, les indiens, les femmes et les individus étant serviteurs sous contrat. Il s’agit donc d’une démocratie limitée même si elle est devenue par la suite un modèle. Il s'agit d'une Constitution rédigée par une élite constituée de propriétaires particulièrement aisés. Georges Washington disposait d'une grande fortune, B .Franklin était une riche imprimeur, Thomas Jefferson un grand propriétaire, James Madison un grand planteur... 
  • C'est une Constitution au départ qui ne prévoit pas le suffrage universel : le Président est élu par un collège électoral de grands électeurs. Le suffrage est réservé dans un premier temps aux propriétaires blancs : c'est l'état du New Hampshire qui supprime en premier la condition d'être propriétaire pour voter ; le dernier état est la Caroline du Nord en 1856. Les femmes ont le droit de vote depuis 1920. En 1791, une déclaration des droits est ajoutée et promulguée à la Constitution à la demande de ceux qui craignent un pouvoir fédéral trop fort : cette déclaration des droits comportent les dix premiers amendements de la Constitution. 
  • Ces amendements mettent l’accent sur un certain nombre de libertés jugées essentielles : le 1er amendement affirme la liberté d’expression, de religion.. ; le 2e amendement permet aux citoyens de porter des armes... Cette Constitution visait notamment à garantir la liberté ( initialement pas pour tous et notamment les esclaves) mais une liberté égale pour tous. Il ne fallait pas que se forme une aristocratie comme dans l'ancienne métropole anglaise. 

C/ Le cas particulier du Canada

  • Pour le Canada, la situation est fort différente : le Royaume-Uni a conduit une politique plus souple afin d'éviter un processus similaire à celui des E-U. L' Acte du Québec de 1774 a ainsi permis aux individus d'origine françaises de continuer la pratique de la religion catholique tout en pouvant accéder à des postes à responsabilité : il s'agissait d'éviter un clivage trop important entre anglophones et francophones. En 1791, le Canada est divisé en deux zones : une zone à dominante francophone (le Bas-Canada) et une zone anglophone fidèle à la couronne britannique. Il existait également une Assemblée où les différentes communautés étaient représentées. 
  • Cependant, le gouverneur était toujours nommé par la monarchie anglaise et avait un droit de veto sur les décisions prises par l'Assemblée. La politique menée à l'égard des Amérindiens était beaucoup plus ambiguë visant notamment à les assimiler. Une loi votée en 1857 illustre ce type de politique : la loi de civilisation graduelle (Gradual Civilization Act). Cette loi prétendait définir qui était indien et qu'un indien pour bénéficier des mêmes droits que les autres citoyens devait montrer ses vertus morales (c'est-à-dire chrétiennes) et savoir lire et écrire. L'amérindien qui répondait à ces critères recevait 50 acres de terres (20 hectares). Une loi de 1869 établit un système d'élections au sein des territoires dits indiens créant également le poste de surintendant des affaires indiennes. 
  • En 1876, l' Indian act confirme la volonté assimilationniste créant un statut pour les Indiens sans avoir le pleine citoyenneté (les Indiens pourront voter aux élections fédérales canadiennes qu'en 1961). Sont créées également les « bandes indiennes » instaurant des conseils indiens élus pour trois ans. L' Act of Union de 1840 permet l'union entre le Bas-Canada et le Haut-Canada, une Union composée du Canada-Est à savoir le Québec et du Canada-Ouest correspondant à l'Ontario. Le 1er juillet 1867, l' Acte de l'Amérique du Nord britannique accorde l'autonomie aux colonies canadiennes, un Canada qui devient un dominion. Ce Canada est organisée en provinces et s'affirme par l'achat du Territoire dit du Nord-Ouest à une Compagnie privée, la Compagnie de la Baie d'Hudson. Mais ce Canada composé de trois communautés : la communauté amérindienne, la communauté francophone et la communauté anglophone n'est pas une société harmonieuse comme en témoigne par exemple l'insurrection dans le territoire du Nord-Ouest de rebelles ayant à leur tête un métis (Louis Riel), une insurrection de métis dont la plupart sont francophones et catholiques. 
  • Ils sont soutenus par les francophones du Québec mais sont vaincus en 1885 : Louis Riel est exécuté. En 1931, le Canada devient réellement indépendant avec le statut de Westminster adopté par le Parlement britannique. Ce statut concerne en fait les dominions et donne naissance au Commonwealth. Ce statut reconnaît des « nations sœurs » comme le Canada, l'Australie, la Nouvelle-Zélande, l'Union sud-africaine : des nations dotées d'une entière souveraineté tant au niveau intérieur qu'extérieur. Le Canada obtient donc ce statut et est donc une monarchie constitutionnelle dont le chef d'état est le roi ou la reine d' Angleterre. 
  • Dans ce système, le pouvoir exécutif réelle est néanmoins détenu par le Premier ministre canadien même si la monarchie nomme encore un gouverneur général mais dont le rôle est très limité (signature des lois votées). En 1982, le Constitution Act parachève le système : il comprend la Constitution canadienne, le statut de Westminster et permet aux Canadiens de modifier éventuellement cette Constitution sans l'aval de la monarchie anglaise. Ce texte reconnaît aussi les droits des populations autochtones (populations amérindiennes) : Indiens, Inuits et Métis.. 

D/ Des frontières à concevoir et à élaborer pour construire le territoire

  • Une fois l'indépendance acquise, les dirigeants américains ont développé une politique d'expansion territoriale par différents moyens : achat de territoires comme la Floride, la Louisiane (1803) ou l'Alaska (1867) ; la guerre comme les guerres contre le Mexique pour la possession du Texas ou de la Californie. Entre 1790 et 1890, François Durpaire évoque « une unité territoiaale en marche. » (Histoire des Etats-Unis, Que sais-je?)Cette expansion se fait aussi vers l'Ouest au détriment des populations indiennes. Les Etats-Unis se lancent dans « une expansion irrépressible mais organisée » (Lauric Henneton : Atlas historique des Etats-Unis, éditions Autrement 2020). 
  • En effet, les Américains se lancent tôt dans la « conquête de l'Ouest par un mouvement important de colonisation. Afin de gérer les territoires du Nord-Ouest, deux textes (les ordonnances de 1785 et 1787) décident le quadrillage du territoire (système de Township and range). Ce mouvement aboutit à la création de nouveaux états et à la création des frontières internes entre états de l'Union. Le Vermont devient un état en 1791, Le Kentucky est un état en 1792, le Tennessee en 1796, l'Ohio en 1803... Le Congrès organise le territoire du Nord-Ouest en 1789 regroupant les états actuels de l'Illinois, l'Indiana, du Michigan, du Wisconsin et d'une partie de l'Ohio et du Minnesota. En 1803, les E.-U par l'achat de la Louisiane double sa superficie. 
  • La Floride est acquise en 1819. Les guerres contre le Mexique permettent l'acquisition de la Californie et du Nouveau-Mexique (1848). Le Texas proclame son indépendance par rapport au Mexique puis se rallie aux Etats-Unis en 1845 après également un conflit. Le processus se poursuit avec la « conquête de l’Ouest » avec notamment comme fondement le thème de la destinée manifeste développé par John O Sullivan pour qui l’expansion vers l’Ouest est voulue par Dieu s’inscrivant ainsi dans une logique religieuse. O’Sullivan avait affirmé : « C’est notre destinée manifeste de nous déployer sur le continent confié par la Providence pour le libre développement de notre grandissante multitude. » Cette expansion est à relier à plusieurs autres phénomènes comme les migrations vers les Etats-Unis sans oublier l’essor des chemins de fer qui vont permettre de quadriller le pays et de le mettre en valeur. Les frontières des différents états ne résultent pas du même processus.
  •  Les frontières des 13 premiers états ont été tracées par les Anglais sachant que la monarchie a créé des colonies de dimension réduite pour mieux les contrôler (les 13 premiers états sont plutôt petits). La création du territoire du Nord-Ouest subdivisé en états beaucoup plus grand par le Congrès visait à préserver l'importance des 13 états fondateurs des E-U. L'acquisition de la Louisiane puis l'expansion continu vers l'Ouest change la donne. Le Congrès par rapport à ces nouvelles zones territoriales voulait les organiser selon la géographie et ils devaient être gouvernables efficacement. 
  • Les huit premiers états proches du Mississippi sont donc découpés selon une taille à peu près équivalentes de 130 000 km carré. Les trois premiers états du territoire du Nord-Ouest sont découpés de façon rectangulaire (cf Ohio) tout en tenant compte de rivières ou de lacs ( rivière Ohio). Plus à l'Ouest, on s'aperçoit que les états découpés sont beaucoup plus vastes : ils obéissent au découpage colonial espagnol pour le Texas, la Californie ou le Nouveau-Mexique. Des états à l'origine très vaste comme l'Utah ou le Nebraska ont été redécoupés : le découpage a donné les états du Colorado, du Nevada et du Wyoming pour l'Utah par exemple. La formation interne des E.-U est donc complexe obéissant à des logiques multiples. La frontière entre les E.-U et le Canada est le résultat de négociations entre les E.-U et un canada encore sous contrôle des Anglais. Le 49e parallèle a servi de limite pour la frontière Ouest (1846) au détriment de Canadiens qui souhaitaient une frontière plus au sud (46 parallèle). 

E/ Identité et Nation 

-l'identité étasunienne : e pluribus unum (« de plusieurs un seul ») ou la diversité comme fondement de l'unité 

  • L'identité américaine est notamment fondée sur l'idée d'une nation donc d'une unité mais d'une unité dans la diversité. La devise des Etats-Unis est empruntée au poète latin Virgile : E pluribus unum (de plusieurs un seul) afin de symboliser l'union des 13 premières colonies, une union vouée à s'agrandir. Cette devise devait non seulement montrer l'union des premiers états mais aussi le mélange des peuples constituant les E.-U. Comme l'écrivait Saint-John de Crèvecoeur en 1782 les E.-U devaient être « une nouvelle race d'hommes, dont les travaux et la postérité produiront (...) de grands changements dans l'univers. » Mais ce pluriel visait essentiellement des colons d'origine européenne : les peuples indiens, les esclaves noirs en étaient exclus. D'ailleurs, on peut rappeler que le premier sceau devant représenté les E.-U., proposé dès 1776 , représentait les futurs E.-U par un blason avec six quartiers représentants les nations dont les premiers colons étaient originaires : Angleterre, Ecosse, France, Hollande, Irlande et Allemagne. 
  • Finalement a été retenu un sceau sur lequel figurent au verso la devise E pluribus unum sur un bandeau tenu dans le bec d' un aigle (un pygargue à tête blanche) tenant aussi dans ses serres 13 feuilles d'un rameau d'olivier et 13 flèches avec aussi un blason composée de 13 bandes rouges et blanches et au somment 13 étoiles entourées par le soleil. Au recto se trouve une pyramide inachevée composée de 13 rangées de pierres montrant une union non encore achevée surplombée de l' œil de la de la raison dans un triangle ainsi que deux phrases latines : Anuit coeptis (« il sourit à notre entreprise ») et novus ordo seclorum (« nouvel ordre des siècles »). 
  • Les E.-U s'affirment donc au départ comme ayant la volonté d'unir des populations européennes avec comme fondements la croyance dans le progrès sans qu'il y ait une allusion spécifique à Dieu. La Constitution américaine ne fait pas allusion à Dieu. De plus contrairement à une idée reçue, le président doit certes (article 2 de la Constitution) prêter serment de défendre la constitution : « Je jure solennellement de remplir fidèlement les fonctions de président de la République (...) », un serment qui ne met pas en valeur Dieu et ne précise pas qu'il faille jurer sur la Bible. 
  • A l'origine, les créateurs de la Constitution s'inspirait surtout des idées des Lumières même si tous les Américains ne partageaient pas cette option au départ. Certes, l'idéal puritain de fonder une nouvelle Jérusalem est un fondements de l'identité américaine pour certains mais il n'est pas l'idéal sur lequel s'est élaborée la Constitution. On retrouve cette logique dans la personnification première des E.-U dans la déesse de la Liberté devenue au 19e siècle la déesse Columbia (en référence à C Colomb). L'idéal de départ est celui d'une nation plurielle mais européenne. On peut rappeler que plusieurs états interdisaient encore le métissage par le biais de mariages entre « races » jusqu'à l'arrêt Loving de la Cour suprême de 1967. Même si il y a volonté d'union, les E.-U sont fondés sur le fédéralisme où chaque état garde des spécificités. Il faut toutefois créer un sentiment national d'où l'instauration d'une fête nationale (le 4 juillet), inventé des traditions nationales dont les objectifs sont de commémorer les événements essentiels : la découverte, le temps des 13 premières colonies (le 4e jeudi de novembre correspond à Thanksgiving) , la révolution et l'indépendance, créer une capitale fédérale (Washington est officialisée en 1800)... 
  • Certains ont souhaité que le fondement de l'identité soit celui d'une Nation fondamentalement anglo-protestante. Le politologue américain Samuel Huntington encore actuellement met l'accent sur les caractéristiques supposées de sa nation avec un ensemble de caractéristiques raciales (Amérique blanche), religieuses (Amérique protestante) ainsi que des valeurs partagées par de nombreux Américains : la liberté, la démocratie représentative, le rôle du travail comme vecteur de la réussite... Or ces valeurs et cette croyance dans le rôle fondateur des Puritains sont depuis plusieurs années questionnées par le poids grandissant des hispaniques par exemple. Un autre fondement supposé des E.-U est son multiculturalisme : longtemps a été utilisée l'expression de melting pot. Les dirigeants américains ont toujours hésité entre une volonté d'assimilation comme le montre les discours de Thomas Jefferson qui disait aux Indiens : « Vendez-vos terres, adoptez l'économie agrarienne, défaites -vous de vos coutumes tribales et vous pourrez devenir citoyens américains ou la politique du Président Madison dans les années 1810 qui voulait que les Indiens abandonnent leurs modes de vie pour devenir américains ou des politiques de pluralisme culturel. Les E.-U sont fondés sur un paradoxe : celui d'une réelle tolérance avec une ouverture aux immigrants mais aussi cette volonté d'assimilation. Dans la réalité, si les E.-U sont bien une terre d'accueil, elle peut être également une terre d'exclusion. 
  • L'intégration à la nation a plus conduit à la formation de communautés (communautarisme) qu'à un véritable creuset (melting pot). La nation américaine apparaît comme le dit Denis Lacorne comme « une nation ethno-civique qui n'a cessé de mêler des considérations raciales à des valeurs authentiquement républicaines » La Nation américaine est fragmentée ethniquement, socialement et religieusement pourtant elle tient. Cette Nation tient notamment par sa tolérance comme l'affirme le philosophe Michael Walser. Les Etats-unis sont bien une Nation constituée de communautés partageant certaines valeurs mais pouvant avoir des cultures différentes. 

-l'identité canadienne : « le multiculturalisme est notre identité nationale » (Michael Adams)

  •  Le Canada est une société complexe composée d'une minorité indienne elle-même complexe avec des Inuits et des peuples indiens comme les Iroquois, des francophones (dont les la majorité des habitants du Québec), des anglophones et de nombreuses populations d'origines diverses ayant migré au Canada. Le journal The Economist avait affirmé en 1993 que le Canada c'était des « Etats-Unis avec un système de santé public et sans fusils. » Les Canadiens seraient- ils des étasuniens légèrement différents ? Le problème du Canada n'est pas seulement sa proximité géographique voire culturelle avec les E.-U mais c'est aussi un état récent réellement indépendant depuis 1931 avec un drapeau à la feuille d'érable apparu seulement en 1965 (drapeau avec une feuille d'érable rouge dans un bandeau blanc entourée de deux bandes rouges). L'hymne national Ô Canada a certes été écrit en 1880 mais n'est devenu l'hymne officiel qu'en 1980. Cette identité canadienne et l'adhésion à la nation canadienne est moindre pour les francophones.
  •  Les canadiens français comme on les appelle préfèrent la dénomination de Québécois, sont particulièrement attachés à la langue française et au catholicisme alors que les canadiens anglophones sont généralement protestants et parlent anglais. Pour reprendre le titre du journal de Montréal du 13 décembre 2015, les « québécois ne sont pas sur la même longueur d'onde que les autres canadiens. Une enquête à grande échelle de 2013 réalisée au Canada révèle des éléments intéressants. Pour une majorité de Canadiens, les symboles les plus représentatifs de l'identité canadienne sont la Charte canadienne des droits et libertés ainsi que le drapeau mais les Québécois sont moins sensibles que les autres Canadiens à croire et adhérer à ces symboles. Est mis en valeur des valeurs partagées dont les droits individuels. 
  • Plus généralement, les Canadiens mettent l'accent sur le respect des droits et le multiculturalisme. L'organisation politique et administrative du Canada a certainement favorisé une approche assez partagée des valeurs. Le Canada est effectivement organisé en 10 provinces ayant leur parlement et leur législation donc une autonomie importante ( Alberta, Colombie-Britannique, île du Prince Edouard, Manitoba, Nouveau-Brunswick, Nouvelle- Ecosse, Ontario, Québec, Saskatchewan, Terre-Neuve-et-Labrador ) ainsi que trois territoires dépendants du Parlement fédéral : le Nunavut, les Territoires du Nord-Ouest et le Yukon. L'histoire du Canada et de la nation canadienne est en partie liée à l'opposition entre francophones et anglophones. 
  • Après la guerre d'indépendance des E.-U, la couronne britannique avait divisé le Canada en deux : le Haut-Canada et le Bas-Canada, ce dernier correspondant globalement au Québec. En 1837-1838, le Bas-Canada proclame son indépendance (1838) ce qui déclenche un conflit violent avec l'armée britannique. Les Patriotes du Bas-Canada sont vaincus, certains sont exécutés, d'autres déportés y compris vers la colonie pénitentiaire qu'était à l'époque l 'Australie. En 1867, le Canada du moins les provinces le constituant s'unissent devenant une confédération à laquelle le Québec appartient ainsi qu'un dominion de l'Empire britannique.
  •  En 1931, le statut de Westminster fait du Canada un véritable état souverain. En 1995, a lieu un référendum sur la sécession du Québec : le projet est rejeté par 50,50% des votants. La construction de l'état canadien est donc compliquée par la question du Québec. 

F/ Une démocratie

  •  Les E.-U, une fois l'indépendance acquise, ont forgé la nation et construit leur état. Au niveau de ce dernier, la Constitution de 1787 met en œuvre un état fédéral reposant sur une séparation des pouvoirs avec des états ayant des compétences spécifiques. Au début seuls les propriétaires peuvent voter, une condition néanmoins abolie par l'état du New Hampshire dès 1792. La Caroline du Nord est le dernier état à supprimer cette condition en 1856. parallèlement, en 1790, le Naturalization act rend possible la naturalisation seulement aux Blancs étant de condition libre. Le droit de vote est de plus limité aux hommes. Il faut aussi signaler que le traité de 1848 de Guadalupe mettant fin à la guerre entre les E.-U et le Mexique permet aux Mexicains des territoires conquis (Arizona, Californie, Nouveau-Mexique et Texas)d'avoir le droit à) la nationalité américaine mais le droit de vote est limité par des testes liés à la connaissance de l'anglais notamment. 
  • En 1865, l'esclavage est aboli (13e amendement) mais les noirs américains n'ont ni la citoyenneté ni les mêmes droits. La citoyenneté est accordée en 1868 par le 14e amendement alors que le 15e amendement accorde le droit de vote en 1870 à tous les hommes quelque soit leur couleur de peau. En 1866, le Civil Rights Act accorde la nationalité à tout américain né aux E.-U mais pas le droit de vote. En 1890, une loi accorde la possibilité à un indien d'obtenir la nationalité si il la demande. Ce n'est qu'en 1924 que les Indiens deviennent citoyens mais ils n'ont pas selon les états toujours le droit de vote : ce dernier est obtenu à partir de 1948. 
  • Par contre, dès 1893, l'état du Colorado accorde le droit de vote aux femmes : un droit de vote généralisé aux femmes en 1920 ( 19e amendement). La démocratie réelle aux Etats-Unis est le résultat d'un processus assez long. A ce processus s'ajoute celui de la formation du territoire (évoqué déjà plus haut) conquis par des conflits ou des achats : un territoire mis en valeur par des colons. Le Homestead Act de 1862 permet à toute famille de pionniers de pouvoir revendiquer la possession d'une terre (de plus 60 hectares) si elle peut justifier de sa présence depuis 5 ans. La formation du territoire est elle-même progressive. 
  • En ce qui concerne l'unité de la Nation est un événement fondamental est la guerre de Sécession dont on dit qu'elle est une seconde naissance du pays. Le conflit entre les états du nord et du sud est lié non seulement à l'esclavage (dans le Nord , la traite des noirs avait été supprimée dès 1808) mais aussi à des différences profondes entre un Nord plus industriel et un sud plus rural fondé sur une économie de plantation. Cette guerre commence en 1861 pour s'achever en 1865. Elle permet au Nord d'imposer sa volonté d'un état fédéral et indivisible.

Chapitre 2 : Une Amérique du Nord : pôle régional et mondial majeur


L' Amérique du Nord (y compris le Mexique) occupe une place notable dans l'économie mondiale et les échanges internationaux. Il faut rappeler que les E.-U ont joué un rôle majeur dans la mondialisation des échanges puisque ce sont eux qui sont à l'origine du GATT qui a favorisé la libéralisation des échanges mondiaux. L' Amérique du Nord est l'un des pôles majeurs du commerce mondial et de l’économie. En 2018 le PIB de l'Amérique du Nord est supérieur à 23 546 milliards de$ (20 494 pour les seuls E.-U, 1713 milliards de $ pour le Canada et 1223 milliards de $ pour le Mexique) : il est de 18 748 milliards pour l'UE à 28 et 13 608 milliards de $ pour la Chine. En 2019, le PIB des E.-U est de 21 439 milliards de $ soit le 1er rang mondial (le PIB du Canada est de 1730 milliards de $. Néanmoins, il faut souligner que la région décline dans ce commerce mondial depuis les années 1990 puisqu'elle est passée de 20% dans les années 1990 à 15% en 2011 et 13,5% en 2016. 
Elle est confrontée à la concurrence de la Chine et des pays émergents de plus en plus présents. Un des aspects importants de cette Amérique du Nord est la constitution de l' ALENA 
Il faut rappeler qu'en 1965, les E.-U avaient signé un traité bilatéral de libéralisation des échanges automobiles avec le Canada puis un accord de libre échange avec ce même Canada en 1987. en 1992 est signé à San Antonio un accord intégrant le Mexique et donnant naissance à l' ALENA (entrée en vigueur du traité en janvier 1994) prévoyant un abaissement de toutes les barrières aux échanges de biens et services. Il faut préciser que cet accord n'inclut pas une libéralisation des flux humains et qu'il ne revêt aucun aspect politique. De 1994 à 2011, l' ALENA a permis la multiplication du commerce entre les E.-U., le Canada et le Mexique de 3,5 en valeur avec la barre des 1000 milliards de $ dépassée. 
En 2012, le Canada et le Mexique sont devenus les deux premiers pays importateurs de produits en provenance des E.-U et sont aussi à l 'origine du quart des importations américaines. Par contre, il faut souligner que les E.-U ont une balance commerciale déficitaire avec les deux autres états membres d’où la volonté de Donald Trump de rééquilibrer les choses. L'ALENA a favorisé les délocalisations industrielles des E.-U vers le Mexique (Maquiladoras). Le Mexique est de ce fait utilisé comme un pays atelier. Il faut ajouter que l'ALENA n'a pas permis de réduire vraiment les inégalités entre les E.-U et le Mexique et a renforcé la dépendance du Mexique (mais aussi du Canada) à l'égard du grand voisin américain. Il faut également insister sur le fait que les économies d' Amérique du Nord sont fortement intégrées et libéralisées. Les E.-U ont déréguler leur économie dès les années 1980 sous la présidence de Reagan dont le programme économique était fortement inspiré par l'école de Chicago et des économistes qui pensent que l'économie doit être réguler par le marché et non par l'état (Milton Friedman et Gary Becker).
 En janvier 1981, la régulation par l'état des salaires est abandonnée tout comme le contrôle des prix du pétrole. En 1982, la loi Garn légalise les prêts à taux variable, autorise les caisses d'épargne à avoir des activités bancaires. La libéralisation économique n'est pas freinée par Clinton et une loi de 1999 permet aux banques d'avoir des activités de dépôt, d'investissement et même d'assurance. Le Mexique connaît lui aussi une vague libérale mais dans un autre contexte. La crise de la dette que ce pays connaît en 1982 l'oblige à réformer son économie sous la pression du FMI et de la banque mondiale (Plan d'ajustement structurel). 
L'état mexicain conduit une politiquer de contrôle des salaires tout en menant une politique de privatisations afin de réduire son endettement public. Pour le Canada, la libéralisation est liée à l'accord de l' ALENA (sont privatisés les secteurs du chemin de fer et pétrolier. Par contre, cette libéralisation notamment financière a notamment conduit à la crise de 2008 qui a conduit, ironie du sort, à une intervention importante de l'état aux E.-U avec la nationalisation de deux réassureurs dans le domaine du crédit immobilier : Fannie Mae et Freddie Mac sans oublier le vote de la loi Dodd-Franck de 2010 interdisant aux banques qui ont des dépôts garantis par l'état de faire des investissements spéculatifs.
Wall street

1/ Les E.-U : la puissance mondiale et régionale incontournable


Quelques chiffres révélateurs : PIB en 2019 de 21 439 milliards de $ (PIB par habitant de 65 112 $), un RNB par habitant de 63 780 $ une croissance de 2,4 %, un taux de chômage faible de 3,7 % (avant la crise sanitaire)... L’espérance de vie est de 78,9 ans, le taux d’urbanisation de 82 % et la population s’élève en 2020 à 330 millions d’habitants. Signalons qu'en 2020 la croissance dans le cadre de la crise sanitaire était de moins 3,5%. Le PIB en 2021 est de 20 936 milliards de $(à titre comparatif celui de la Chine est de 14 727 milliards de $. Le PIB par habitant est de 65 279 $. 
Le cadre idéologique et historique L'ascension des E.-U s'opère à partir du 19e siècle d'abord sur le continent américain puis à l'échelle mondiale. Une fois l'indépendance acquise, les E.-U ont organisé leur territoire notamment par la prise de contrôle des territoires à l'Ouest des Appalaches. Dans cette optique, la Northwest Ordinance de 1787 a été élaborée avec à moyen terme la formation de nouveaux états fédérés devant s'agréger aux 13 premiers. La colonisation de l'Ouest a été préparée par la mise en œuvre du township dès 1785 par un cadastre composé de zones (système en damiers avec un township de base de 6 miles de côté) qui sont attribués aux colons. Cette conquête de l'Ouest caractérisée aux E.-U par le terme de Frontier est un des mythes fondateurs de la nation. Il renvoie à une limite à franchir pour mettre en valeur de nouveaux territoires tout en marquant la limite entre les hommes civilisés à savoir les blancs et les sauvages que sont les amérindiens à l'époque.
 Quand la conquête de l'Ouest est close, le territoire en partie mis en valeur, les E.-U vont pouvoir affirmer leur puissance. Il faut aussi rappeler la particularité du système politique américain : un système fédéral avec un état fédéral et des états fédérés. La Constitution de 1787 qui met en place ce système avait fait l'objet de débats importants entre fédéralistes et partisans d'un état plus unitaire. Chaque état dispose de sa propre constitution mais les articles de celles-ci doivent être conforme avec la Constitution fédérale. Cette dernière comprend des articles essentiels auxquels se sont ajoutés des amendements reconnaissant des droits fondamentaux. Au niveau de l'état fédéral, le pouvoir exécutif est détenu par le Président alors qu'au niveau des états, il est détenu par le gouverneur. 
Le pouvoir législatif est contrôlé au niveau fédéral par le Congrès composé de la chambre des représentants et du Sénat ; il en est de même pour les états fédérés à l'exception du Nebraska qui n'a qu'une seule chambre. Enfin, le pouvoir judiciaire est exercé par la Cour suprême fédérale et chaque état a également sa cour suprême. L'état fédéral a en charge la monnaie, l'armée... La ratification des traités internationaux est le fait du Sénat fédéral et les lois fédérales sont votées par le Congrès. Les E.-U se sont constamment affirmés comme une exception (thème de l’exceptionnalisme américain) avec pour reprendre l'expression de Ralph Waldo Emerson, un penseur du 19e siècle, l'idée que ce pays est « la plus grande aumône que Dieu ait jamais faite au monde ». Cette façon de se percevoir a, bien sûr, des implications sur la politique américaine. La géopolitique américaine est, en grande partie, conçue et élaborée sur cette perception. La politique extérieure américaine repose également sur des doctrines plus ou moins évolutives.
 Il faut rappeler que dans un premier temps, les E.-U ont pris de la distance avec l'Europe (c'est peut être ce que Donald Trump va faire également) avec la doctrine du non entranglement fondé sur le rejet d'alliances et la volonté de préserve sa souveraineté nationale (citation de Thomas Jefferson : « Paix, commerce et honnête amitié avec toutes les nations, d'alliances, sources de complications, aucune .») Mais les E.-U., c'est aussi une perception messianique de leur rôle international que l'on retrouve dans la doctrine Monroe élaborée en 1823 et visant à contrôler et « protéger » le continent américain (notamment de toute intrusion européenne à l'époque). A cela s'ajoute, à partir de 1845, la destinée manifeste, une idée élaborée par John O'Sullivan, mettant en valeur l'idée que les E.- U ont une mission à accomplir à l'échelle mondiale à savoir la diffusion d'un modèle basé sur la liberté. L'idée de la destinée manifeste s'applique véritablement au 20e siècle une fois le territoire américain conquis et mis en valeur. Il faut néanmoins insister sur le fait que la politique des E.-U oscille souvent entre interventionnisme et isolationnisme en fonction des circonstances et de l'opinion publique. Le cadre économique Pour reprendre ce qui est dit dans la revue Conflits de 2016 (Hors série numéro 4), l'économie américaine repose sur les « sept merveilles »à savoir : le dollar Ce dernier est devenu depuis les accords de Bretton Woods de 1944, la monnaie internationale et il est toujours au cœur des échanges n'ayant pas été supplanté ni par l'euro ni par le yen et encore moins (ou pas encore) par la monnaie chinoise le Yuan.
 Actuellement, 48% des échanges mondiaux sont réalisés en $, 61% des réserves de change des banques centrales sont en $... Avoir le $ comme monnaie internationale permet aux E.-U de fixer au moins partiellement la politique monétaire mondiale, d'attirer les investisseurs, de financer ainsi les déficits... La revue Questions internationales de juillet 2020 s’intitulait : le règne du dollar. Le bon usage du libéralisme (1) Le système économique américain est fondé sur les libertés économiques, sur des réglementations moins fortes qu'en Europe par exemple même si l'état est présent par les aides qu'il fournit aux agriculteurs, les commandes de l'état fédéral aux entreprises... Le bon usage du libéralisme (2) Les E.-U ont fait le choix aussi du libre-échange et ce dès l'après seconde guerre mondiale avec les accords du GATT mais un libre-échange partiel. En effet, ce n'est pas un libre échange absolu puisqu 'ils sont capables de protectionnisme. Dans les années 1980, ils ont utilisé le système des quotas ou ils peuvent s'opposer au rachat de firmes américaines par des firmes étrangères pour des raisons stratégiques (clause Exxon-Florio).
 Les E.-U ne sont donc pas une économie si ouverte qu'on le pense (les exportations américaines ne représentent que 10% du PIB des E.-U et la production des filiales des firmes américaines à l'étranger est deux fois supérieure aux exportations). Le grand marché Le marché intérieur est fondamental dans la mesure où c'est lui qui permet la croissance tout en étant un marché fondamental pour les autres états. Les entreprises Elles font la force du pays et sont au nombre de 53 parmi les 100 premières mondiales si on prend en compte la capitalisation. La force de travail Le travail est une valeur essentielle de la société américaine avec un nombre d'heures travaillées particulièrement important, une main d' œuvre plutôt bien formé avec en plus peu de grèves La dynamique égalité/inégalité Les inégalité sont très importantes avec un coefficient de Gini élevé de l'ordre de 0,41 contre 0,27 en Suède ou au Danemark, 0,33 en France. Mais les catégories sociales les plus défavorisées ont intégré l'idée d'une réussite possible avec un désir d'enrichissement. 

A/ Des E.-U toujours économiquement dominants 

  • Pourquoi et comment les E.-U sont et restent un pôle économique dominant et majeur ? Quels sont leurs atouts et forces ? Pourquoi sont ils un des espaces moteurs de la globalisation ? Pourquoi peut-on toujours parler d’une puissance économique incontournable ? Est-il légitime d’évoquer néanmoins une « hégémonie commerciale menacée » (Jean-Marc Siroën, Fin du leadership américain, l’état du monde 2020) ? La puissance des E.-U s'est construite dans un temps assez court mais avec une forte volonté d'être une puissance économique. Il a d'abord fallu maîtriser le territoire notamment par la construction de réseaux de transport efficaces. Ce processus commence au 19e siècle avec, dès 1861,le télégraphe permettant de relier l'Est et l'Ouest puis en 1869 la première voie ferrée transcontinentale est inaugurée. Les immenses territoires conquis favorisent aussi une agriculture performante. La géographie dite naturelle des E.-U est incontestablement un atout. 
  • Les axes de communication rendent possibles la mise en valeur de l'espace. Parallèlement, les E.-U s'industrialisent rapidement notamment grâce aux capitaux européens, en particulier par les investissements britanniques. La Seconde révolution industrielle de la seconde moitié du 19e siècle est en partie étasunienne. Cette industrialisation est fondée sur l'exploitation d'un sous-sol riche en matières premières mais également sur une main d'œuvre importante fournie par les vagues migratoires. Il faut également mettre l'accent sur la capacité à innover des E.-U dès cette période. En 1834, Mc Cormick met au point la première moissonneuse batteuse signe précurseur d'une agriculture de plus en plus mécanisée. De grands groupes industriels commencent aussi à se structurer formant des conglomérats puissants : le phénomène de concentration renforce l'économie des E.-U comme la Standard Oil Company créée en 1870 à l'initiative de Rockfeller ou du groupe sidérurgique Pullman à Chicago. 
  • L'industrialisation du 19e siècle est essentiellement destinée aux besoins du marché intérieur, un marché de plus en plus large (à la fin du 19e siècle, 97% de la production nationale est destinée au marché national). L'état fédéral face à la concurrence du Royaume-Uni qui est alors l'économie dominante décide de protéger son marché pour permettre aux industries de se développer d'où la mise en place de barrières douanières importantes dès la fin du 19e siècle (1890 avec le tarif McKinley ou encore 1897 avec le tarif Dingley). Avant même la Première guerre mondiale, les E.-U sont devenus une grande puissance industrielle capable de rivaliser avec le Royaume-Uni ou l'Allemagne. Ainsi, en 1913, le tiers de la production industrielle est déjà étasunienne.. 
  • La croissance économique est forte plus forte qu'en Europe avec une croissance moyenne de l'ordre de 4,3% entre 1870 et 1913 contre 2,2% par exemple pour la Grande-Bretagne. Cette industrialisation a des effets spatiaux induisant une forte croissance urbaine dès la deuxième moitié du 19e siècle avec quelques villes connaissant un essor spectaculaire comme New York dont le nombre d'habitants passe de 350 000 en 1840 à plus de 3 millions en 1890 et 7 millions en 1920 ou encore Chicago dont le nombre d'habitants passe de plus de 1,1 million d'habitants en 1890 à plus de 3 millions en 1920 (le taux d'urbanisation des E.-U. Passe de 20% en 1846 à 46% en 1910. Cet essor industriel profite surtout aux pôles urbains et portuaires du littoral Atlantique mais également aux pôles de la région des grands lacs comme Chicago, Detroit voire la région du Nord des Appalaches avec Pittsburgh, Cleveland. Le Nord-Est est la région industrielle majeure à cette époque (elle l'est encore actuellement). Au début du 20e siècle, Detroit s'affirme comme la ville de l'automobile, Pittsburgh comme la ville de l'acier...C'est également à la fin du 19e siècle que les E.-U commencent à vraiment internationaliser leur économie en particulier vers l'Amérique centrale. La première guerre mondiale et les années 1920 vont donner un coup d'accélérateur à la puissance économique américaine. 
  • Ce coup d'accélérateur s'explique par le rôle joué lors de la Première guerre mondiale avec des E.-U qui prêtent des capitaux au Royaume-uni et la France notamment, deux états tout comme l'Allemagne qui sortent très affaiblis du conflit. En 1919, le PIB des E.-U est supérieur à celui de l'ensemble des pays européens rassemblés. De plus, de nouvelles méthodes de production nées aux E.-U améliorent la compétitivité des entreprises avec l'Organisation scientifique du travail (OST) ou Taylorisme d'abord mis en œuvre par Ford avant d'être généralisée. Les années 1920 sont pour les E.-U une période de prospérité hors norme liée à une forte augmentation de la productivité (une hausse en moyenne de 3,5% par an entre 1922 et 1929) ainsi qu'au développement du crédit. 
  • Certes, la crise de 1929 met un frein à cette prospérité et conduit dans les années 1930 à d'importants réajustements économiques avec F. Roosevelt (politique du New Deal) et la mise en place partielle d'un état- providence. Bien que la crise ait impacté les E.-U, en 1939, les principales FTN sont américaines avec en particulier General Motors. La seconde guerre mondiale apporte un nouvel élan à l'économie américaine. En effet, le conflit dans lequel s'engagent les E.-U à partir de 1941 permet un important développement technologique et les débuts d'industries nouvelles qui seront au fondement de la croissance des années 1950-70 : électronique, informatique... C'est également la guerre notamment du Pacifique qui pousse l'état fédéral à développer davantage la côte Ouest et en particulier la Californie. A la fin du conflit, les E.-U sont sans contestation possible l'économie majeure : ils sont à l'origine de 50% du PNB mondial, contrôlent 70% du stock d'or mondial, le dollar devient la monnaie internationale et ils sont à l'origine des accords de Bretton Woods (juillet 1944) qui donnent naissance à un nouveau système monétaire international. La fin de la Seconde guerre mondiale est essentielle pour conforter la puissance étasunienne. La guerre froide qui commence en 1947 ne ralentit pas le dynamisme de l'économie américaine qui tire profit de la reconstruction européenne et du plan Marshall pour exporter massivement ses productions. Les années 1950-70 sont des années de croissance importante avec un PIB augmentant en moyenne de 3,3% par an entre 1950-1973. 
  • Géographiquement, le Nord-Est, aussi nommé Manufacturing Belt (on peut aussi utilsier l’expression de cadran Nord-Est), est la région motrice de l'économie étasunienne (du littoral Atlantique à la région des Grands lacs. Les villes de Detroit, Pittsburgh, Cincinnati, Cleveland, Chicago sont les symboles de la puissance industrielle américaine. Mais c'est également une phase d'essor de la côte Ouest notamment de la Californie avec en particulier la première phase de développement de l'industrie électronique dans la région de San Francisco, le poids grandissant de Los Angeles avec les industries aéronautique, sidérurgique et automobile (entre 1920 et 1970, les villes de San Francisco et Los Angeles voient leurs populations croître fortement de 0,9 à 4,8 millions pour la première et de 0,7 à 10 millions pour la seconde). 
  • Ces années de croissance sont également des années d'internationalisation de l'économie américaine. Certes, la part des E.-U dans le commerce mondial ne cesse de régresser (de 16,6% en 1950 à 12,7% en 1970) mais cette régression s'explique surtout par la montée en puissance de l'Europe et du Japon, une montée en puissance à laquelle les E.-U ne sont pas étrangers. Les E.- U exportent et investissent : les IDE américains représentent tout de même 75% des IDE mondiaux en 1960 avec d'importants investissements de FTN comme Ford, General Motors, IBM... 
  • Ces années sont l'apogée du modèle fordiste et d'une économie américaine en position de force. Inversement, les années 1970-80 sont des années plus difficiles avec les chocs pétroliers (1973 et 1979), la crise du système monétaire de Bretton Woods (1971 : fin de la convertibilité du dollar en or) et la remise en question du modèle fordiste. Cette période de crise voit des firmes américaines changer de stratégie en délocalisant dans des pays où le coût de la main d' œuvre est plus faible. La concurrence internationale est également plus vive avec l'Europe et le Japon comme rivaux de plus en plus sérieux. Enfin, à la fin des années 1960 les gains de productivité sont plus réduits avec des marchés moins porteurs. La crise que connaît les E.-U est bien réelle avec des industries en difficultés comme les industries automobile et sidérurgique : certaines régions et villes entrent dans une période difficile comme Pittsburgh, Detroit, Cleveland... Néanmoins, ces années difficiles sont également des années de rebond et d'adaptation. Elles vont permettre une croissance nouvelle fondée sur des industries de pointe que les Américains ont su développer : industrie électronique, industrie informatique... Les NTIC deviennent les industries motrices de l'économie américaine. 
  • L'économie américaine s'appuie également sur l'aéronautique, les biotechnologies, les industries culturelles.... Il faut rappeler que les industries de pointe ont bénéficié de la guerre froide et des politiques menées par l'état fédéral dans le cadre de cette guerre froide : conquête spatiale, course aux armements... Des grands groupes vont dynamiser l'économie comme Hewlett-Packard, Intel puis plus tard Microsoft... Cette nouvelle dynamique produit des changements territoriaux avec le développement de la Sun Belt à savoir la Californie, le Texas, la Floride mais également la région de Portland. Inversement, une partie du Nord-Est décline en particulier la région Pittsburgh- Detroit surnommée la Rust Belt (« la ceinture de la rouille »). La Silicon Valley, à proximité de San Francisco, devient le symbole de ce dynamisme des années 1980-90. 
  • Ces changement se traduisent par la croissance démographique forte de métropoles de la Sun Belt : la ville de Phoenix (Arizona) voit sa population croître de 45% entre 1990 et 2000, Dallas croît dans la même période de 29%, Seattle de 19,7%.... Inversement, des villes comme Detroit ou Pittsburgh voient une baisse de leurs populations avec des mouvements migratoires vers la Sun Belt. On peut faire remarquer que plusieurs villes du Nord-est ont su opéré une reconversion comme Boston notamment autour des hautes technologies et de la route 128 ou même Chicago. De plus, New York reste la ville phare de l'économie étasunienne et notamment une place financière sans équivalent aux E.-U et dans le monde. 


a/ Les fondements de la puissance 

-le territoire, un des ressorts de la puissance 

  • Le territoire étasunien est un des fondements de la puissance. L'immensité (9,6 millions de km carré) avec en particulier les façades maritimes ouvrant les E.-U sur le monde sont des atouts importants. Les 20 000 kms de littoraux avec la façade Atlantique ouvrant sur l'Europe et l'Afrique, la façade Pacifique ouvrant sur l'Asie sans oublier la façade du Golfe du Mexique ouvrant sur les Caraïbes et les richesses en hydrocarbures du Golfe en question sont des éléments géographiques de puissance.
  •  L'immensité du territoire avec ses 9,3 millions de kms carré (4e état au monde par sa superficie), 4500 kms d'Est en Ouest et 2 500 kms du nord au sud) confère aux E.-U des territoires aux atouts importants comme les Grandes plaines drainée par le Mississippi favorisant une agriculture dynamique, les Appalaches riches en minerais (Charbon...) et qui ont permis la Seconde révolution industrielle, l' Alaska au potentiel en hydrocarbures très important tout comme le Texas... Le Mainland a lui seul c'est 7,9 millions de km carré auxquels s'ajoutent l'Alaska et les îles Hawaï. 
  • Les grands lacs sont liés au fleuve Saint-Laurent et au Mississippi. A cette diversité des territoires se greffe une diversité climatique expliquant la diversité des productions agricoles que ce soit des cultures tropicales en Floride par exemple ou le climat méditerranéen de Californie ayant permis le développement du vignoble (Napa Valley). Ce territoire a été mis en valeur de manière efficace sans que l'immensité ne soit un véritable problème. L'état fédéral a joué à cet égard un rôle important notamment dans l'appropriation et l'organisation du territoire. Deux lois, le Land Act de 1796 et le Homestead Act ont facilité cette appropriation avec un découpage géométrique de l'espace par des parcelles de même surface appelé township (une section = 259 hectares) dont une partie est, après 1862, donné gratuitement aux colons. 
  • L'état a également développé le réseau de transport avec la construction d'axes majeurs transcontinentaux, la structuration des façades maritimes ou encore le développement des canaux comme la liaison entre les grands lacs et l'Hudson donc la façade Atlantique... Ainsi, le réseau routier américain est le premier au monde (25% du réseau routier mondial) et les E.-U possèdent des aéroports performants devenus de véritables hubs mondiaux comme les aéroports de New York, Chicago, Atlanta... 

 -un système économique performant 

  •  La force des E.-U., c'est également son système économique capitaliste et ses fondements. Parmi ces fondements, des valeurs culturelles qui ont favorisé le développement économique à savoir l'importance accordée au travail et à la réussite. Pour certains, en référence au sociologue Max Weber, la réussite américaine s'expliquer par le poids de la religion en l'occurrence l'éthique protestante. Les Puritains, en partie à l'origine de la colonisation, avaient comme idéologie religieuse le calvinisme, un calvinisme qui met l'accent sur le travail. Ce dernier a pris une importance considérable et est toujours considéré comme le vecteur de la réussite. Les Puritains mettaient aussi l'accent sur les dépenses jugées inutiles et la nécessité d'investissement bien pensés qui vont rendre possible l'enrichissement. Ce dernier est, de plus , vu comme un don de Dieu. Cette propension à mettre en avant le travail et à voir les profits comme une sanction positive de l'action personnelle n'empêche pas les Américains d'insister sur une nécessaire redistribution par la charité ou le mécénat. Le capitalisme américain n'est pas incompatible avec la création d'institutions privées, les fondations comme la Carnegie Foundation, la Ford Foundation ou encore la fondation Bill et Melinda Gates. 
  • Ces fondations peuvent financer des actions caritatives, des actions culturelles... A ces valeurs s'ajoute un individu incarnant la réussite : l'entrepreneur. Les E-U ont toujours valorisé l'entrepreneur et la création d'entreprises. L'immensité, les potentialités et la nouveauté des E-U ont permis à des individus d'entreprendre et de réussir donnant notamment naissance à l'idée du self-made-man, l'homme qui réussit grâce à son énergie, ses facultés créatrices et d'innovations. L'histoire du capitalisme américain est marqué par ces entrepreneurs : Thomas Edison, inventeur mais aussi à l'origine de ce qui est devenue une des FTN les plus performantes au monde, General Electric ; Bill Gates, le créateur de Microsoft, Steve Jobs à l'initiative d'Apple ou encore plus récemment Mark Zukerberg le créateur de Facebook en sont des exemples. A ces créateurs, on peut ajouter les individus ayant eu le sens des affaires, ces businessmen qui ont réussi à bâtir de véritables empires industriels comme Rockfeller ou Carnegie. De façon plus générale, le système américain facilite la création d'entreprises : en effet, la réglementation et l'administration sont beaucoup plus souples qu'en Europe (97% des entreprises ont d'ailleurs moins de 100 salariés).
  • L'état fédéral a facilité les procédures administratives de création d'entreprises et apporte un soutien financier ou/et technique à la création de PME. De ce fait, des milliers d'entreprises naissent chaque année sachant que la durée de vie de 70% d'entre elles n'excède pas trois ans. De plus, un autre atout pour les entreprises américaines sont les liens avec les grandes Universités ce qui est très vrai dans les industries de pointe : les entreprises de la Silicon Valley ont des liens forts avec une des universités les plus performantes au monde à savoir Stanford. Les Américains ont été les premiers à comprendre l'importance de ces liens et à créer technopôles et clusters. Il ne faut donc pas s'étonner si parmi les plus grandes FTN mondiales, les FTN américaines sont les plus présentes et souvent les plus puissantes. Elles sont en position de force dans des secteurs comme les hautes technologies, l'aéronautique, la grande distribution, les industries culturelles ou encore dans le domaine de la finance. Dans les industries à haute valeur ajoutée que sont les industries électronique et informatique, les FTN américaine occupent une place de choix avec Microsoft, IBM, Intel, Apple... 
  • Ce poids est d'autant plus important que depuis la fin du 19e siècle, les E.-U ont connu et connaissent un processus important de concentration. Les années 1865- 1920 sont marquées par une première étape du processus de concentration , une période qualifiée de « capitalisme sauvage » avec des entreprises qui s'agrandissent par une concentration horizontales aboutissant à la formation d'oligopoles. C'est la période faste pour des entrepreneurs comme Rockfeller, Carnegie, H. Morgan ou encore H. Ford. Ces entrepreneurs ont comme objectif l'élimination des groupes rivaux ou alors l'absorption de ces groupes. C'est pour éviter la formation d'oligopoles jugée néfaste pour la libre concurrence que le Congrès vote plusieurs lois contre la formation de trusts comme la loi Clayton de 1914. Le plus important est une décision prise par la Cour suprême des E.-U qui fait éclater le groupe de Rockfeller, la Standard Oil jugé monopolistique, un groupe démantelé. 
  • Les années 1920-1970 sont les années du fordisme triomphant et du principe : «Big business, Big government, big Labour ». Cette phase voit un état plus présent et des travailleurs mieux protégés ainsi que le renforcement des lois antitrust comme la loi Anti-Merger Act de 1950. C'est une période où les grandes firmes sont dirigées par des managers formés dans les Business Schools et désignés par les actionnaires avec une politique de diversification conduisant à des conglomérats très puissants ayant plusieurs activités. Cette diversification est vue comme une technique utile en cas de difficultés d'un secteur du conglomérat : les difficultés de ce secteur seront compensés par les autres. La lutte contre les oligopoles se poursuit néanmoins : le démantèlement de la firme ATT (American Telephone and Telegraph) en est un exemple en 1984. 
  • Elle était accusée de constituer un monopole dans le domaine de la téléphonie. Avec les années 1980, les firmes sont entrées dans une ère nouvelle de globalisation accélérée et de fusions-acquisitions très importantes notamment dans les années 1990 mais également d'alliances entre firmes. La firme Exxon a ainsi acheté Mobil en 1998 créant le plus grand groupe pétrolier de la planète ou encore le rachat de McDonnell Douglas par Boeing en 1996. Les grandes firmes ont accéléré le processus d'internationalisation et de délocalisations des productions dont Nike est un symbole étant devenue une « firme sans usine » puisque ses productions sont le fait d'entreprises sous traitantes notamment chinoises. Un dernier phénomène est à souligner : le rôle de plus en plus considérable joué par le monde de la finance dans le contrôle des FTN notamment des Hedge funds et des fonds de pension. Un autre fondement de la puissance économique est l'importance accordée à la recherche, aux sciences et aux universités. Dans le classement mondial 2020 des meilleures universités mondiales, Harvard est classée au 1e rang mondial devant Stanford University. Le MIT est à la 4e palce (derrière l’Université anglaise de Cambridge) et on trouve à la 5e place Berkeley (University of California, à la 6e place Princeton, à la 7e place Columbia... Sur les 10 premières universités au monde, 8 sont américaines et sur les 50 premières mondiales, 30 sont américaines. Harvard est notamment spécialisée dans les biotechnologies, la biologie, les technologies médicales ou encore les sciences politiques, le management... 
  • Stanford est particulièrement réputée pour les Sciences alors que le MIT est réputé pour son attractivité au niveau de la physique, des sciences électronique. Dans le classement de 2021, on retrouve à la 1e place Harvard puis au second rang Stanford... et toujours 8 universités américaines dans le top 10. Un fait intéressant peut servir à saisir l'importance accordée aux sciences : la White House Science Fair, une compétition d'innovateurs et d'inventeurs accueilli pour la 6e fois en avril 2016 à la Maison Blanche (une compétition concernant les STEM : Science, Technology, Ingeneering and Math). Les universités américaines sont les plus réputées au monde bénéficiant d'une puissance financière sans équivalent. L'enseignement supérieur, c'est 4 200 établissements pour 21 millions d'étudiants. Ces grandes Universités (souvent privées) comme Harvard, Princeton, le MIT, Stanford... forment l'élite scientifique et économique du pays. Il faut savoir que l'enseignement supérieur est géré par les états qui disposent d'universités dites publiques : elles sont financées par les états mais aussi par des donations privées et les frais de scolarité des étudiants. Par contre les universités privées sont financées par des fondations, des entreprises. Les universités sont des lieux de recherche-développement, une recherche souvent en lien avec de grands groupes industriels. Les universités américaines sont attractives pour des étudiants étrangers mais aussi les professeurs et chercheurs. Les élites formées dans ces universités trustent les prix Nobel (45% des prix Nobel sont américains) et les récompenses scientifiques diverses.
  •  Les étroites relations entre les FTN et les Universités sont une force : les FTN participent au financement de ces Universités. La recherche universitaire reçoit le soutien de l'état et de fonds privés ce qui fait qu'elle est un des moteurs de l'innovation dans ce pays. Depuis longtemps, l'état fédéral a compris le rôle clé joué par la recherche-développement qui est plus élevée dans le PIB américain que pour les états européens. L'état fédéral favorise la création d'entreprises notamment innovantes. Une loi de 1953, Small Business Act réserve de 23 à 40% des marchés publics aux PME ce qui est un excellent moyen de les dynamiser et permet la création d'une agence fédérale destinée à aider les PME (Small Business Administration). Plus tard, en 1980, le Stevenson -Wydler Technology Innovation Act permet le transfert de technologies des laboratoires de recherche fédéraux vers les firmes privées. Tous ces éléments dont les liens entre état fédéral- Universités-FTN et PME sont une force pour l'économie étasunienne. On peut s'appuyer sur l'exemple de Stanford, une des universités les plus performantes du monde. En 2015, elle comptait 16 122 étudiants avec 8,6% d'étrangers dans le premier cycle universitaire et 34% dans le second cycle ce qui montre l'attractivité de cette Université. Sa superficie est immense avec 33 km carré et elle doit sa réputation à ses liens avec la Silicon Valley. 
  • Le Stanford Research Park, un parc technologique (créé en 1951 et comprenant 140 entreprises dont les sièges de Facebook, Hewlett-Packard, Tesla Motors, le leader de la voiture électrique...) est à proximité du campus de Stanford ce qui facilite les échanges entre entrepreneurs, chercheurs et universitaires. Les universités américaines accueillent de nombreux étudiants étrangers (1,1 million en 2108) dont 10 % sont désormais des Chinois. Il faut ajouter que les Etats-Unis sont le pays le plus récompensé par le prix Nobel : entre 1901 et 2018, les Etats-Unis ont obtenu 385 prix Nobel. En 2020, le prix Nobel de médecine a ainsi été attribué à Harvey Alter, Charles Rice ( et Michael Houghton, ce dernier étant britannique) pour leurs travaux sur l’hépatite C. L’américaine Andrea Ghez a obtenu le prix Nobel de physique et Jennifer Doudna le prix Nobel de chimie avec une française Emmanuelle Charpentier (cette dernière travaille en Allemagne pour l’institut Max Planck). Il faut néanmoins rappeler que le système scolaire américain a des failles notamment le système secondaire : en 2013, dans le classement PISA, les E.-U étaient à la 36e place et en 2015, ils sont à la 28e place. Ce système est très inégal : il favorise, quoiqu'on en dise, les catégories sociales aisées bien qu'il y ait eu une politique de discrimination positive. De plus, il ne faut pas oublier le poids des dettes étudiantes : la dette étudiante pour l'ensemble des E.-U s'élève à 1060 milliards de $.
  • Le budget moyen pour un étudiant est de 35 000 $ par an dans les universités publiques et de 60 000 $ dans les universités privées. La dette étudiante est gérée par un organisme Sally Mae qui doit faire face à des défauts de paiement de plus en plus nombreux. Dans les fondements de la puissance économique, on retrouve l'importance accordée au libéralisme et au rôle du marché. Les Américains ont souvent mis en avant le marché comme régulateur idéal de l'économie partant du principe que la libre concurrence conduit au maintien des entreprises performantes et à l'élimination des moins performantes. Il s'agit d'un capitalisme où l'état intervient peu avec un système très flexible y compris sur la fixation des salaires ou des règles sociales. Ce libéralisme et cette forme de capitalisme semblent ne pas poser de réels problèmes aux Américains quant à la non réussite de certains. Ce « modèle » est en effet très inégalitaire avec un nombre important d'individus vivant en dessous du seuil de pauvreté : environ 17%. Les inégalités de revenus sont importantes et s'accroissent. Enfin, il convient de faire le point sur le rôle exact de l'état fédéral dans l'économie. Contrairement à une idée reçue, l'état fédéral est toujours intervenue dans l'économie soit par des lois (lois antitrust), par des réglementations diverses (sanitaires, sociales, environnementales) soit par des politiques protectionnistes (quotas, subventions) ou des politiques d'aides publiques sans oublier le rôle joué par des structures fédérales comme la NASA. Les dépenses publiques, par exemple, lors de la guerre froide ont bénéficié à des secteurs et des firmes industriels comme l'aéronautique et Boeing, au groupe General Electric... 
  • Les dépenses publiques en % du PIB sont certes variables passant de 33% en 2000 à 38,7% en 2013 et 36 % en 2019 ( 54% pour la France en 2019. Lors de la crise de 2008, le gouvernement américain par le biais du plan Paulson a proposé un plan d'aide de 700 milliards de dollars pour soutenir les banques américaines en difficultés. En décembre 2020 dans le cadre de la crise sanitaire, un plan de relance de 900 milliards de $ a été officialisé. Ces dépenses montrent la capacité de l’État américain à agir en cas de situation compliquée. 

 b/ Une économie mondialisée et toujours majeure 

-une économie dominante du monde globalisé 

  •  Les E.-U restent une économie dominante du monde globalisé. En 2018, les E.-U ont le premier PIB de la planète avec 20 494 milliards de dollars devant la Chine et son PIB de 13 407 milliards de dollars, le Japon 4971 milliards de dollars, l'Allemagne 4000 milliards de dollars, le Royaume-Uni 2828 milliard de $ et la France 2775 milliards de $ selon le FMI. En 2019, ce PIB est de 21 345 milliards de $ alors que celui de la Chine est 14 217 milliards de $. Le PIB des E.-U représente en 2016 le cinquième du PIB mondial, environ 20% contre 23,5% à l'Union européenne mais une UE à 28 états et plus de 507 millions d'habitants. Son PIB par habitant est de 62 518 dollars en 2018 et de 64 767 dollars en 2019 soit le 9e au monde (le Luxembourg étant au premier rang mondial avec un PIB/habitant de 113 954 dollars devant la Norvège et le Qatar). Le PIB par habitant de la Chine est 9 633 dollars par habitant, celui du Japon de 40 106 dollars par habitant. 
  • SON IDH est de 0,915 soit la aussi le 9e au monde (la Norvège est au 1er rang avec un IDH de 0,944, l'Australie en seconde position avec un IDH de 0,935 et la Suisse 3e avec un IDH de 0,930. la croissance économique des Etats-Unis est de 2,4 % en 2019. Par comparaison, la croissance de la Chine est de 6,1 % en 2019. Le dollar est toujours la monnaie de référence : en 2018, il représente encore plus de 60% des réserves de change des différentes banques centrales (plus de 26% pour l'Euro). Comme l’écrit Serge Sur dans la revue Questions international de 2020 (le règne du dollar) « le dollar est un instrument de l’hégémonie américaine » et la « suprématie du dollar est le fruit de la suprématie de l’économie américaine. » Parallèlement, les E.-U. Sont une puissance financière mondiale. En 2020, selon le volume des actifs, J.P Morgan Chase est en 5 position mondiale avec 3139 milliards de $ d’actifs derrière 4 banques chinoises : la Banque industrielle et commerciale de Chine (4322 milliards d’actifs),la China Construction Bank Corporation (3377 milliards de $), la Banque agricole de Chine (3698 milliards de $ et la Bank of China (3387 milliards de$). En 8e position , on trouve une autre banque américaine à savoir la Bank of America (2620 milliards d’actifs)... 
  • Citigroup est au 11e rang, Wells Fargo au 14e rang... Par contre par capitalisation boursière en 2019, c’est J.P Morgan Chase qui est en première position avec plus de 368 miliards de $, Bank of America est au 3e rang avec 279 milliards de$ et Wells Fargo en troisième position avec 214 milliards de $. En 2020, dans le classement des places financières du Global Financial Centres Index (publié en septembre 2020), la place financière de New York est au 1er rang mondial devant Londres, Shanghai, Tokyo, Hong Kong et Singapour. Les FTN américaines restent les plus performantes. En 2015, selon la revue Fortune et son classement du Global 500 à savoir les 500 FTN les plus importantes par le chiffre d'affaires, 128 sont américaines soit 25,6% du total : la Chine arrive en seconde position avec 98 firmes, le Japon troisième avec 54 firmes... 
  • En 2020, selon le chiffres d'affaires, Walmart est la 1e FTN au monde avec un CA de 523 milliards de dollars, Amazon arrive au 9e rang avec 280 milliards de dollars de CA,Exxon Mobil en 11e position avec 264 milliards de $, Apple est au 12e rang avec 260 milliards de $, CVS Health au 13e rang avec 256 milliards de $. En 2020, selon ce classement Forbes (Fortune global) dans le top 20 des FTN mondiales 8 sont américaines et dans le top 50 18 sont américaines. Signalons que les FTN classées aux 2e , 3e et 4e rang mondiaux sont chinoises avec Sinopec Group et ses 407 milliards de $ de CA, State Grid avec 383 milliards de $ et China National Petroleum avec 379 milliards de $. En 2021, Walmart est toujours au 1er rang mondial avec un CA de 523 milliards de $, Amazon est montée au 3e rang avec un CA de 280 milliards de $ (la seconde FTN étant la firme chinoise State Grid) et dans le top 10 on retrouve en 2021 5 FTN américaine (6e Apple, 7e CVS Health, 8e United HealthGroup). En 2020 (mois d’octobre), si on prend la capitalisation boursière sur les 10 plus grandes entreprises au monde, 7 sont américaines avec Apple au 2e rang (1969 milliards de dollars de capitalisation boursière), Microsoft est au 3e rang (1635 milliards de dollars), Amazon au 4e rang (1605 milliards de dollars), Alphabet au 5e rang (1 113 milliards de $), Facebook au 7e rang avec 811 milliards de$ et Berskshire Hathaway au 10e rang( avec 508 milliards de $. La première firme est la Saudi Aramco (1999 milliards de$). Et si l’on prend le top 16, on retrouve 11 FTN dont Tesla désormais au 12e rang mondial au niveau de la capitalisation boursière avec 393 milliards de $. La capitalisation boursière des FTN américaines représente environ 60 % de la capitalisation boursière mondiale. En 2021, la domination des firmes américaines sur les places financières s'est encore accru : 8 figurent dans le top 10. 
  • A la fin 2021, la capitalisation boursière d'Apple (1er rang mondial) atteint 2 913 milliards de $, celle de de Microsoft 2 525 milliards de $ (2e rang mondial) et au 3e rang nous avons Alphabet avec 1 922 milliards de $ de capitalisation boursière (Amazon et Tesla sont classés au 4e et 5e rang mondial. Les FTN américaines sont particulièrement puissantes dans plusieurs secteurs comme l'agroalimentaire où on trouvait en 2018 le groupe Pepsico en deuxième position mondiale derrière Nestlé avec un CA de 63 milliards de $,Tyson Foods était à la 5e place mondiale avec 38 milliards de $, Coca à la 6e place avec35 milliars et dans le top 10 en 2018 on trouvait 6 firmes américaines. Dans la grande distribution la première firme mondiale en 2019 (mais toujours en 2020) est Wal- Mart est en position dominante avec plus de 500 milliards de dollars de CA devant une autre firme américaine qui est Kroger avec plus de 121 milliards de $ de CA (122 milliards de $ en 2020 et 51 e rang mondial). On retrouve cette domination dans le secteur culturel avec des firmes comme Comcast classé dans ce domaine au 1er rang mondial en 2019 avec un CA de 94 milliards de $ (108 milliards de $ en 2020 et 63 e rang mondial) devant Walt Disney Company ou Time Warner classées 2e et 3e dans le secteur du divertissement. Dans l' industrie électronique les firmes américaines sont également très puissantes comme Apple qui est en 2020 au 12e rang mondial des FTN mondiales avec 260 milliards de $ et la première dans son domaine devant Samsung classée au 19e rang mondial de l’ensemble des FTN : Hewlett-Packard et IBM sont des firmes classées troisième et quatrième sachant qu' Apple est en première position au niveau du matériel informatique devant HP et Dell... 
  • Enfin, dans un secteur comme la pharmacie, les géants pharmaceutiques américains sont en position de force avec en 2019 McKesson, Amerisource Bergen et Cardinal Health aux trois premières mondiales avec respectivement 213 milliards de $, 172 milliards de $ et 141 milliards de $ de CA. McKesson est tout simplement au 16e rang mondial des FTN tous secteurs confondus avec en 2020 un CA de 231 milliards de $. Quelque soit le critère pris, les FTN américaines restent en position de force bien que l'on constate le poids grandissant des FTN chinoises. L'un des exemples de cette puissance est le domaine de l'informatique et plus généralement les industries de la connaissance ou ce qu'on nomme aussi l'économie de la connaissance avec le rôle majeur joué par ce qu'on nomme les GAFA (GAFAM avec Microsoft) à savoir : Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft considérées comme les « nouveaux maîtres du monde ».Il faut rappeler que ces firmes sont récentes : la firme Amazon est née en 1994, Google en 1998 et Facebook en 2004 (Microsoft et Apple sont plus anciennes : Microsoft est créée en 1975 et Apple en 1976). 
  • Elles sont liées à des entrepreneurs dynamiques et innovants : Bill Gates et Paul Allen sont à l'origine de Microsoft, une firme dont le siège social est à Redmond (état de Washington) ; Apple est créée par Steve Jobs, Steve Wozniak et Ronald Wayne avec son siège social à Cupertino en Californie ; Amazon est fondée par Jef Bezos et son siège social est à Seattle ; Google est une filiale de de la société Alphabet : elle est fondée par Larry Page et Sergueï Brin avec son siège social à Mountain View en Californie et enfin, Facebook est une firme créée par Mark Zuckerberg dont le siège est en Californie (Menlo Park). Ces cinq firmes ont des résultats particulièrement impressionnants : Apple a un chiffre d'affaires de plus de 260 milliards de dollars en 2020 (12 e rang mondial) et plus de 137 000 employés ; Amazon a réalisé en 2020 un CA de 280 milliards de dollars se classant désormais au 9e rang mondial et emploie plus de 798 000 personnes ; Alphabet ( conglomérat créé par Google en 2015) a un CA de 161 milliards de$ en 2020 dollars pour plus de 118 0000 employés et se classe au 29e rang mondial de l’ensemble des FTN ; Microsoft a réalisé un CA de 125 milliards de dollars se trouvant au 49e rang mondial et emploie plus de 144 000 personnes et enfin Facebook a réalisé un CA de 70 milliards de dollars se classant au 144 e rang mondial (44 000 employés). 
  • Au niveau de la capitalisation boursière, ces firmes sont en position exceptionnelle comme nous l’avons vu plus haut. Cette innovation repose donc sur ce qu'on appelle les « activités avancées » à savoir ce qui est innovant et « infuse » les autres domaines de l'économie que ce soit les logiciels avec les firmes Microsoft ou Oracle, les industries automobile, aéronautique... Ces « activités avancées » représente désormais 9% de l'emploi direct( près de 20% avec les emplois indirects) et 17% du PIB américain. 

 -mais des changements pour de nouveaux équilibres 

  •  Quoiqu'on en dise, l'économie des E.-U est toujours une économie majeure avec un espace productif et des entreprises performantes. Certes, l'économie et la géographie industrielle ont évolué avec des industries traditionnelles en difficultés comme l'industrie sidérurgique ou l'industrie automobile et un déplacement géographique de la puissance économique de la Manufacturing Belt vers la Sun Belt. L' agriculture et le secteur agroalimentaire sont toujours dominants à l'échelle mondiale même si l'agriculture ne représente plus que 1,5 % de la population active ce qui ne l'empêche pas d'être très productive et dynamique : 32% du soja mondial, 35% du maïs ... (chiffres de 2014). Les E.-U sont encore le « grenier du monde. » Par contre, le secteur agroalimentaire représente 15% de cette population active et tout de même 18% du PIB américain. L'agriculture américaine est la plus puissante du monde toujours qualifiée de « grenier du monde ». Ses 430 millions d'hectares dont 190 cultivées lui assurent des productions très conséquentes et permettent aux E.-U d'être un exportateur majeur dans ce domaine. 
  • Les E.-U disposent de greniers à blé que sont notamment les grandes plaines. Il faut signaler que 2% des exploitations réalisant la moitié de la valeur de la production et ce par le biais des exploitations géantes que sont les corporate farms. L'espace agricole des E.-U a évolué : les vastes espaces de productions spécialisés à savoir les belts agricoles (Corn belt, Wheat belt...) sont devenus plus diverses. On note de plus un poids moins importants des grandes Plaines au profit du Sud-Est et du Pacifique (Californie). Actuellement, les trois premiers états agricoles du pays sont la Californie, le Texas et la Floride ( en valeur). Certes, les E.-U sont le second producteur mondial de blé derrière la Chine par exemple mais sont toujours les premiers exportateurs mondiaux de céréales. Les E.-U sont aussi le premier producteur mondial de soja devant le Brésil avec 35 % du soja produit dans le monde (27% pour le Brésil). Les E.-U sont incontestablement le premier complexe agroalimentaire et agricole de la planète. Il faut insister sur la puissance de l'industrie agroalimentaire avec des firmes dominantes comme sur le marché des céréales avec des groupes comme Cargill, Archer Daniels Midlands... Cette puissance est fondée sur un complexe industriel tant en amont qu'en aval avec des firmes comme Monsanto (engrais, semences...), John Deere (matériel agricole)... 
  • Même si l'agriculture américaine ne représente qu'un million d'emplois (1% de la population active), sa part dans le PIB est de l'ordre de 15%. En ce qui concerne l'industrie, les changements sont réels avec un pays qui a su s'orienter vers de nouveaux secteurs porteurs comme l'informatique, l'électronique... Ce tournant s'est opéré devant la concurrence des états asiatiques dans les industries traditionnelles mais aussi parce que les nouveaux secteurs génèrent des profits importants et que les E.-U ont toujours su se tourner vers les secteurs d'avenir. On constate donc un déclin dans des industries qui avaient fait la force du pays comme l'industrie automobile avec des FTN comme General Motors ou Ford fortement concurrencées avec même une baisse significative de leurs parts de marché sur le marché intérieur.
  •  Les FTN de l'automobile des E.-U contrôlent désormais moins de 50% du marché intérieur contre encore 72% en 1977. En 2015, Volkswagen et Toyota sont les firmes de ce secteur qui dominent (elles sont en 2014 les 8e et 9e FTN mondiales par le CA) : General Motors et Ford ne sont plus qu'aux 7e et 8e rang au niveau des profits. D'autres secteurs ont décliné comme la sidérurgie, l'industrie textile (cette industrie a perdu 70% de ses emplois ), les chantiers navals... Par contre, l'industrie des hautes technologies est particulièrement performante (voir plus haut) : elle est un des fondements du dynamisme économique. Les E.-U., c'est 30% des dépenses mondiales consacrées à la recherche, près de 36% des brevets déposés, 45% des prix Nobel... 
  • L'innovation constante est le moteur de ce dynamisme. Les NTIC permettent à des secteurs comme les télécommunications ou les transports d'être compétitifs. La réussite des E.-U dans ce domaine s'explique par une synergie très réussie entre les Universités, les firmes et les centres de recherche sans oublier des agences fédérales comme la NASA. Par contre, les activités liées aux hautes technologies se concentrent sur quelques territoires comme la Californie avec la Silicon Valley, le Massachusetts avec la route 128 à proximité de Boston, le Texas ou encore New York. Plusieurs firmes symbolisent dans les domaines de l'informatique, de l'électronique... cette réussite comme IBM, Microsoft, Cisco, Oracle. Mais ce sont les GAFA qui actuellement représente le mieux ce succès : Google, Apple, Facebook et Amazon (on peut ajouter Microsoft).Dans le domaine du numérique, on évoque souvent comme le fait Stéphane Lauer dans un article du Hors-Série Le monde sur l’Empire américain (2019) « un leadership numérique de plus en plus contesté ».
  • Certes la révolution digitale est américaine et elle a permis l’essor de géants industriels incontournables (les GAFAM) mais les Etats-Unis sont confrontés au « réveil technologique de Pékin » ( Stéphane Lauer) dans un secteur où la concurrence est particulièrement rude. Il y a incontestablement une guerre commerciale entre par exemple Apple et la firme chinoise Huawei sans oublier Samasung. Mais il faut souligner que la Chine est dépendante de l’importation de semi-conducteurs notamment américains ce qui n’est pas assez souligné (d’ailleurs la Chine a comme but de produire d’ici 2025 70 % de semi-conducteurs dont elle a besoin). Dans le top 10 des producteurs de semi-conducteurs en 2019, la majorité des firmes sont américaines : Intel est au 1er rang mondial (devant la firme coréenne Samsung) et on trouve au 4e rang Micron Technology et au 5e rang Broadcom... Il faut aussi insister sur l'importance du complexe militaro-industriel. Ce complexe a « bénéficié » des deux guerres mondiales et du contexte de guerre froide. Lors de la Seconde guerre mondiale, le projet Manhattan qui a conduit à la possession de l'arme atomique a dynamisé l'industrie et la recherche. 
  • Ce complexe liant l'armée à de grandes entreprises génère environ deux millions d'emplois (700 000 emplois civils), représente environ 4% du PNB. Les dépenses militaires du pays s'élèvent tout de même en 2015 à 601 milliards de $ (229 milliards en 2000) et devraient atteindre plus de 700 milliards de $ en 2019.. Ce complexe et l'armée sont ancrées dans plusieurs états comme la Californie, le Texas, la Floride ou encore la Virginie et la Géorgie.Plus de 2000 firmes industriels travaillent pour l'armée dont Loockheed Martin, Boeing, Raytheon... L'économie américaine est certes de plus en plus concurrencée comme nous le verrons ci-après mais il faut insister sur le fait que le libre échange qui s'est généralisé depuis la fin de la Seconde guerre mondiale est le fruit de la volonté étasunienne. 
  • C'est ce libre échange qui permet aux FTN étasuniennes d'être toujours aussi puissantes. Ces firmes se sont d'ailleurs adaptées à la nouvelle division internationale du travail et modifiant leurs stratégies. De nombreuses FTN ont délocalisé notamment en Asie ou ont opté pour l'utilisation de firmes sous-traitantes comme Nike dont les différents produits sont fabriqués par des usines sous-traitantes chinoises : Nike est ainsi devenue le symbole de la firme sans usine(s). 

 Bilan:

  •  L'économie américaine est fortement financiarisée et pas uniquement avec la place financière de New York mais aussi avec Chicago. La capitalisation des entreprises américaines s'élève à 144% du PNB. Bien que l'économie américaine soit libérale, il ne faut pas nier le rôle de l'état et les interventions de l'état fédéral : un état fédéral qui venu au secours des banques en difficultés en 2009 mais aussi du secteur automobile tant dans les années 1980 que dans les années 2009- 10. Il est aussi présent par le biais du complexe militaro-industriel déjà évoqué. 
  • L'insertion dans la mondialisation est réelle mais moins forte qu'on ne le croit : les échanges commerciaux représentent 27,6% du PIB en 2018 et 26,4 en 2019 alors que pour un état comme la France le pourcentage est supérieur à 40 %. Selon le rapport sur l’investissement mondial publié en 2020 par la CNUCED , les entrées d’IDE aux Etats-Unis représentent 246 milliards de $ et le stock d’IDE s’élève tout de même à 9 465 milliards de $ ce qui montre l’attractivité des Etats-Unis. De plus, en 2019, les Etats-Unis sont le 2e invetisseur au monde avec des flux d’IDE de 125 milliards de $. 
  • On peut aussi signaler que les FTN qui emploient tout de même 33 millions d'Américains ne sont pas si ouvertes que cela sur l'extérieur. Dans le classement des FTN selon leurs avoirs étrangers, seules 4 FTN entrent dans le top 20 mondial (hors secteur financier) : General Electric, Exxon ,Chevron et Apple. Le marché intérieur américain peut expliquer cet état de fait par son importance. Une firme comme Microsoft est une FTN avec des filiales dans 121 pays mais 38% de ses 112 400 emplois se trouvent dans le Puget Sound à proximité du siège social à Redmond dans l'état de Washington (près de Seattle). 

c/ Mais un pôle de plus en plus contesté : la fin de la domination économique ? 

 -une économie fortement concurrencée 

  • L'économie américaine dans une économie de plus en plus globalisée est fortement concurrencée. En 2015, les E.-U ne « représentent plus » que 19,5 du PIB mondial et même 15 % en 2019. Ce « déclin » peut s'analyser par le fait que plusieurs états ont rattrapé et rattrapent les E.-U notamment les pays européens et le Japon. Ce rattrapage s'est effectué pendant la période de croissance des « 30 glorieuses ». Surtout la Chine est devenue le 1er exportateur et importateur mondial de marchandises. Néanmoins, les Etats-Unis restent le 1er importateur et exportateur de services. Les principaux concurrents sont donc l'Union européenne et le Japon depuis les années 1960- 70 mais aussi, et le phénomène est plus récent, par les états émergents dont la Chine. Les E.-U sont devenus un territoire où les IDE sont importants qu'ils soient européens, chinois ou japonais. 
  • On note même une série de fusions-acquisitions de groupes américains par des groupes européens notamment comme Daimler et la firme Chrysler ou encore Vivendi et Universal. Les E.- U. Subissent une forte concurrence dans certains secteurs comme l'industrie automobile ou les industries lourdes que sont la sidérurgie ou la construction navale. Dans le secteur automobile, les grandes firmes américaines comme General Motors ou Ford ne sont plus dominantes bien qu'ils aient réagi à la concurrence et au déclin depuis les années 1980. Depuis la fin des années 2000, le groupe GM n'est plus la firme automobile majeure : elle est dépassée par Toyota ou encore Volskwagen. En 2019, le groupe Volskwagen arrive en première position devant Toyota. Toujours en 2019, la première firme américaine est Ford au 5e rang mondial et General Motors arrive au 6e rang. Le « big three » à savoir GM, Ford et Chrysler ne sont plus majoritaires au niveau des ventes sur le sol américain. Chrysler a même été racheté par Daimler en 1998 avant d'être cédé en 2007 à un fonds d'investissement nommé Cerberus (Cerberus Capital Management). 
  • Cette société d'investissement dont le siège est à New York détient plus de 80% du capital de Chrysler. En janvier 2014, le groupe italien FIAT a acheté Chrysler à 100%. GM et Ford se sont mieux adaptés à la concurrence étant moins dépendante du marché américain à l'inverse de Chrysler. Ford est présent en Europe tout comme GM par le biais d'Opel-Vauxhall. Mais ces deux groupes sont à nouveau en difficultés depuis la crise de 2008.Cette crise a contraint les deux groupes à se désengager de leurs participations à d'autres groupes comme Mazda, Suzuki ou Subaru. En 2009, les deux firmes ont même été placées sous la protection du chapitre 11 de la loi des E.-U sur les faillites et ont bénéficié d'une aide fédérale afin d'éviter la faillite. GM et Ford sont contraints à se restructurer. L'industrie automobile américaine a subi et subit encore les politiques agressives des firmes japonaises qui s'intéressent au marché américain depuis les années 1980. Les firmes nippones ont créé des modèles spécifiques pour le marché américain comme Toyota avec Lexus. De façon plus générale, les E.-U connaissent également un déficit commercial récurrent. 
  • En 2018, le déséquilibre des échanges de biens et services était très élevé puisque de l’ordre de 621 milliards de $ (surplus néanmoins de 270 milliards au niveau des services). Surtout le déficit commercial est élevé avec la Chine puisqu’il était en 2018 de 419 milliards de $. Parallèlement, la dette des E.-U ne cesse de croître atteignant pour la dette publique en juin 2020 le montant de 26 500 milliards de $. Elle dépasse désormais 100 % du PIB. En 2015, le Japon et la Chine sont les premiers créanciers des E.-U : le Japon détient notamment 1 224 milliards de dollars d'obligations du Trésor américain et la Chine 1 223 milliards. Les E.-U sont donc dépendants financièrement de ces deux états. -et un système pouvant être fragile Les E.-U sont de plus soumis à des crises : il s'agit d'une économie cyclique. L'un des problèmes de l'économie américaine est la formation de bulles financières et spéculatives qui, lorsqu'elles explosent, génèrent des crises de grande ampleur. De plus, depuis la fin des années 1980, la FED (Federal Reserve Bank) a favorisé le développement du crédit par une politique de taux d'intérêt bas d'où un crédit peu cher ce qui doit faciliter la consommation des ménages (et leur endettement) et les investissements des firmes. Cette politique a eu un effet positif : celui de dynamiser l'économie et de diminuer le chômage qui est en moyenne de 5,7% entre 1987 et 2006. mais une telle politique permet la spéculation et la formation de bulles spéculatives. 
  • A la fin des années 1990, cette spéculation est particulièrement forte sur les valeurs boursières de ce qu'on nomme la « nouvelle économie » à savoir l'économie liée à l'informatique et à Internet. Au printemps 2000, cette bulle spéculative explose provoquant une forte secousse de l'économie américaine. La dernière en date est la crise des subprimes qui démarre en 2006/2007 : on a même utilisé l'expression de « grande dépression » pour la désigner. Suite à l'explosion de la bulle spéculative de 2000 et aux effets des attentats du World Trade Center, le gouvernement républicain de Georges Bush junior décide de relancer l'économie par une baisse des impôts et la Fed procède à une baisse des taux d'intérêt : des taux descendus à environ 1%. Ce type de politique encourage le crédit et donc un fort niveau d'endettement. De nombreux ménages profitent certes du crédit facile mais l'endettement privé de ces ménages passent de 93% des revenus disponibles en 1997 à 138% en 2007. Il faut ajouter qu'à cet endettement public se greffe un endettement public de plus en plus important (hausse de 40% entre 2001 et 2005). 
  • C'est ce crédit facile qui permet la formation d'une nouvelle bulle spéculative cette fois-ci immobilière. Ont été créés notamment des crédits hypothécaires dits subprimes qui sont gagés sur la valeur future du bien immobilier acquis. Parallèlement, les prix de l'immobilier ne cessent d'augmenter : une hausse de 60% en moyenne entre 1997 et 2006. Or le système va se dérégler lorsque la Fed, en 2005, procède à une hausse des taux d'intérêt. Dès lors, la demande de biens immobiliers régressent, le prix de l'immobilier baisse ce qui entraîne une crise. Cette crise débute donc par une crise du crédit (crédit hypothécaire) et la chute des prix de l'immobilier. Elle se transforme en une crise bancaire d'une ampleur considérable puis d'une crise économique et sociale. En 2006, les prêts immobiliers dits à risques s'effondrent : ce sont des ménages à revenus modestes qui ne peuvent plus rembourser leurs prêts. De nombreux établissements de crédit font faillite que ce soit des fonds spéculatifs, des assurances, des caisses d'épargne... La banque d'affaires Lehman-Brothers fait faillite. Pour sauver le système, l'état fédéral (Plan Paulson) injecte 700 milliards de dollars afin de racheter des actifs à risques. En 2008-2009, la capitalisation boursière chute de 45% et l'économie est en partie paralysée .
  • En 2009, le plan Obama ajoute 832 milliards de dollars puis encore 858 milliards en 2010. Entre 2006 et 2011, l'état fédéral et la FED ont injecté l'équivalent de 8,8 fois le PIB annuel de l'Afrique (2,5 fois celui de l'Amérique latine). L'intervention de l'état et des acteurs publics a certes permis d'atténuer la crise mais elle a accru l'endettement du pays : le stock des dettes atteint 55 580 milliards de dollars en 2014 (73% du PIB mondial) et la dette qui représentait 68% du PIB de l'état en 2008 est passée à plus de 103% en 2014..Cette crise a renforcé la dépendance l'égard de leurs créanciers internationaux. Le redressement économique a donc été rendu possible par une importante intervention de l'état. L'état fédéral a pris des mesures d'urgence qui ont permis d'éviter de trop nombreuses faillites bancaires. 
  • Le système est préservé mais le crédit étant plus rare et difficile, la demande des ménages diminue tout comme les investissements des entreprises et donc le chômage qui en 2009 finit par atteindre 10% de la population active. Le rôle de l'état s'avère de ce fait indispensable. En février 2009, l' American Recovery and Reinvestment Act permet d'injecter dans l'économie 832 milliards de dollars et surtout le plan Geithner facilite le rachat par l'état fédéral des actifs malsains des banques et assurances (coût de 1000 milliards de dollars. Ce sont ces interventions qui stoppent la crise. La reprise est réelle : ainsi en 2014, plus de 3 millions d'emplois ont été créés et le taux de croissance s'approche de 2,5% ce qui n'est pas négligeable. En 2018, ce taux de croissance est de 2,9% ce qui est un taux tout à fait positif sans oublier un niveau de chômage faible puisque ce taux de chômage est de 3 ,9% en 2018. Ce taux de chômage est le plus faible depuis un demi- siècle ce qui est à souligner. Un autre élément dynamise l'économie à savoir l'exploitation de nouvelles ressources énergétiques notamment le pétrole et le gaz de schiste. 
  • L'exploitation du gaz de schiste représente environ 40% de la production nationale. Les E.-U sont moins dépendants et cela a permis de faire baisser le déficit de la balance commerciale : un déficit qui est passé de 883 milliards de dollars en 2008 (un record) à 686 milliards de dollars en 2013. Les E.-U sont depuis 2014, le premier producteur de pétrole au monde (devant l'Arabie saoudite et la Russie) : le Venezuela, qui dispose pourtant des plus importantes réserves de pétrole au monde, est même contraint d'importer du pétrole des E.-U pour des raisons de coût d'exploitation de son propre pétrole. Plusieurs états profitent de cette manne du schiste comme le Dakota du Nord, le Wyoming, le Colorado ou encore la Pennsylvanie. Néanmoins, cette reprise est encore fragile : le déficit commercial demeure et le déficit budgétaire est important avec la Chine qui détient désormais 15% de la dette publique du pays (environ 1250 milliards de dollars). 
  • Mais même « s’ils sont talonnés, voire déjà dépassés dans certains secteurs par la Chine, les Etats-Unis demeurent la première puissance économique. » (Hors-Série Le Monde : l’Empire américain, 2019). Ils ont le PIB le plus élevé du monde devant la Chine, sont la 2e puissance commerciale derrière la Chine (en 2018, la Chine a eu un volume d’échanges de marchandises de 4 623 milliards de $ contre 4 278 milliards aux Etats-Unis. Toujours en 2018, Les Etats-Unis sont au 2e rang mondial pour les exportations de marchandises avec 8,5 % des exportations mondiales derrière la Chine avec 12,8 % alors qu’ils sont au 1er rang mondial pour les services avec 13,9 % des exportations de services en 2018 devant la Chine avec 6,6 %. Ajoutons que le dollar reste hégémonique représentant fin 2018 plus de 61 % des réserves de change. Les Etats-Unis sont également le pays où l’on investit le plus : 1297 milliards d’IDE entrants en 2018. Il faut donc relativiser l’éventuel déclin économique des Etats-Unis.

 Bilan : 

  •  Depuis, les années 1970, les E.-U connaissent des modifications territoriales d'importance avec d'ailleurs d'importantes inégalités. Ces dernières se sont creusées avec les crises de 2000 et 2008 : la récession de 2008 a eu des effets pervers pour nombre de territoires. D'abord, il convient de rappeler l'importance des métropoles : il existe aux E.-U 381 aires métropolitaines c'est- à-dire des territoires urbains dont le « noyau » et sa périphérie (les comtés) ont au moins 50 000 habitants. Dans ces aires urbaines se concentrent 85% de la population et 90% du PIB et 60% des Américains vivent dans 53 aires métropolitaines millionnaires. L'économie est, comme dans tous les pays développés et industrialisés, fortement métropolisés : une métropolisation qui s'est accélérée avec la mondialisation. Mais dans le contexte des années 1970 et des effets de la crise, certaines métropoles du Nord-Est ont connu un déclin avec un chômage important et des flux migratoires vers les pôles urbains plus dynamiques de la Sun Belt. C'est le cas de villes comme Détroit, Cleveland, Buffalo ou encore Pittsburgh. 
  • Inversement, les métropoles de la Sun Belt comme Los Angeles, San Franciso, Dallas, Houston, Atlanta ou encore Phoenix ont connu et connaissent encore une forte expansion liée au dynamisme économique en particulier celui des hautes technologies. Une ville comme Atlanta et son aire métropolitaine a connu une formidable expansion passant de 1,7 million à 5,5 millions d'habitants entre 1970 et 2013. c'est aussi le cas pour Phoenix (Arizona) dont l'aire urbaine compte plus de 4,1 millions d'habitants ( 14e des E.-U.) et la ville même 1,5 million d'habitants contre 790 000 en 1980. 
  • Les aires métropolitaines d' Austin, Dallas-Fort Worth et San Antonio au Texas ont également eu une croissance importante avec 277 000 habitants en plus entre 2010-2013. La crise de 2007-2008 a accentué les flux migratoires des quelques villes du Nord-Est au profit des villes de la Sun Belt : entre 2010-2013, sur les 52 aires urbaines de plus d'un million d'habitants, deux ont perdu des habitants à savoir Buffalo et Cleveland. 
  • Cette métropolisation est de plus en plus prégnante : les 52 villes de plus d'un million d'habitants ont connu entre 2010 et 2013 une croissance de 3% et ces métropoles concentrent les emplois. Cette métropolisation a poussé un géographe, Richard Florida, à mettre en valeur de mégarégions métropolitaines : des régions dynamiques, à la croissance démographique notable où les entreprises de hautes technologies jouent un rôle moteur. Il met en évidence 11 mégarégions définies comme de « vastes étendues urbaines définies par un réseau de relations définissant des intérêts économiques communs ». Parmi ces mégarégions, la région du Northeast, la mégalopolis qui, à elle seule, concentre 18% de la population du pays et a un PIB supérieur à celui de l'Allemagne. Sont distingués également les mégarégions du Nord de la Californie autour de San Francisco (Northern california), du Sud de la Californie (Southern California) organisée autour de Los Angeles, l'Arizona Sun Corridor dont la ville pivot est Phoenix (l'Arizona est d'ailleurs l'état connaissant la plus forte croissance démographique) ... 
  • Inversement, certains territoires apparaissent vides ou/et en retrait. Il s'agit des territoires ruraux qui représentent d'ailleurs environ 70% du territoire national mais avec seulement 15% de la population. Ces territoires peuvent néanmoins être dynamiques grâce à l'agriculture : une agriculture globalement productiviste et très liée à une industrie agroalimentaire performante. Ces territoires sont notamment ceux du Middle West . Certaines villes de ces territoires peuvent être performantes comme Minneapolis où est implantée la firme Cargill. 
  • Des états comme l'Iowa (la capitale est Des Moines, une ville de plus de 200 000 habityants ou le Nebraska (la capitale de cet état est Lincoln avec 260 000 habitants seulement ; la principale ville est Omaha avec près de 430 000 habitants) qui ont respectivement 3,1 millions et 1,8 million d'habitants sont de grands états producteurs de céréales. Le Nebraska est ainsi l'état qui est au premier rang de la production de maïs. Typologie possible : Un Nord-Est toujours dominant pôles majeurs de New York, Boston, Chicago, Philadelphie Une Sun Belt très dynamique elle s'articule autour de la Floride, du Texas et de la Californie. On peut y ajouter la région de Seattle-Porland Un vieux Sud en partie revitalisé Des pôles dynamiques comme Atlanta et Raleigh mais un Sud profond en difficultés (Mississippi...) Un Centre, Centre-Ouest en partie vide territoires agricoles des grandes plaines néanmoins et quelques pôles urbains assez dynamiques comme Denver, Salt Lake City 


B/ Des E.-U : une puissance encore hégémonique ? 

 Dans quelle mesure l'hégémonie des E.-U perdure ? Est-il possible d'évoquer un déclin de la puissance et pour quelles raisons ? Les E.-U sont-ils pris dans le piège de Thucydide ? Quelle est la nature de l’hégémonie américaine ? Est-elle « discrète », « décomplexée » ? L'hégémonie américaine n'est pas seulement économique : elle est aussi culturelle, technologique, militaire, politique : les E.-U sont une puissance complète. Les E.-U ont en effet tous les attributs de la puissance. Gérard Dorel à la fin des années 1990 a défini un certain nombre de critères de la puissance reposant sur la capacité à innover, à diffuser ses valeurs, ... Les E.-U. Ont généralement ces critères qui font d'eux une puissance incontestée. Cette puissance utilise à la fois le Hard Power et le Soft Power, deux notions définies par le secrétaire à la défense de Clinton, Joseph Nye. Le Hard Power s'exprime par l'utilisation de la force par des moyens pouvant être militaires, diplomatiques, économiques... Le Soft Power suppose d'imposer sa puissance par l'influence et l'adhésion : la diffusion des valeurs et d'un modèle entrent dans cette configuration. Joseph Nye préférait l'utilisation du Soft Power car il nécessite moins de capitaux. A cela se greffe le Smart Power, un concept défendu par Hillary Clinton et supposant une articulation entre Soft Power et Hard Power. 

 a/ Des E.-U toujours hégémoniques sur les plans culturel et technologique 

-l'hégémonie technologique, un des fondements de la puissance étasunienne 

  • La puissance des E.-U est fondée sur une hégémonie technologique importante, une des clés de leur puissance. De multiples acteurs participent à cette hégémonie technologique : firmes, centres de recherche, état fédéral, Universités... Il faut mettre l'accent sur le rôle de l'état et du gouvernement fédéral qui finance une part notable de l'effort de recherche que ce soit par le biais du Pentagone, de la NASA (National Aeronautics and Space administration) dont le budget pour 2019-2020 est de près de 22 milliards de dollars, le National Health Institute qui s'occupe de recherche médicale et dispose d'un budget de plus de 28 milliards de dollars (une partie du budget finance des projets de recherche dans les Universités) ou le National Science Foundation, une agence du gouvernement américain qui soutient la recherche fondamentale en fournissant des subventions à des universités, des laboratoires de recherche... (son budget prévu pour 2016 est de plus de 7 milliards de dollars). Bien entendu, les universités et les laboratoires de recherche ont une rôle fondamental. 
  • Les grandes universités comme le MIT, Harvard, Stanford, Princeton... ont des programmes de recherche importants. Les Etats-Unis ont déposé en 2018 56 142 brevets soit 22 % 22 % des brevets internationaux (la Chine est en seconde position avec 53 345 brevets déposés). Néanmoins, en 2019 la Chine a dans ce domaine dépassé les Etats-Unis avec 58 990 brevets devant les Etats-Unis et ses 57 840 brevets. La maîtrise technologique est fondamentale pour affirmer la puissance militaire. Les E.-U ont ainsi mis au point un système global de surveillance : le réseau Echelon. C'est un système fondé sur des satellites de communication permettant d'intercepter toutes les communications. Il permet aux services de renseignement américain une surveillance importante de la planète : des services de renseignement (CIA, NSA) qui disposent d'un budget très important (16 milliards de dollars pour la CIA). La recherche militaire a toujours eu des effets dans le domaine civil ce dont certaines firmes ont su profiter. 
  • Les E.-U disposent de plus de 1,4 millions de chercheurs avec plus de 370 milliards de dollars consacrés à la recherche-développement (2,6% du PIB). Cette hégémonie technologique est particulièrement vraie dans le domaine des hautes technologies : celles-ci généreraient environ le tiers de la croissance économique du pays faisant travailler plus de 9 millions d'individus. Cette hégémonie s'explique par l'importance accordée à la recherche-développement, le rôle des chercheurs tant dans les Universités que les entreprises ( 40% des prix Nobel sont américains). Dans le domaine spécifique de l’espace, les Etats-Unis sont aussi toujours en position de force. En 2019 sur 2062 satellites dans l’espace, 901 sont américains (299 sont chinois et 153 russes). Sur les 901 satellites américains 523 sont à burt commercial, 176 à but militaire... 
  • Les E.-U ont un rôle déterminant dans les NTIC avec 39 des 50 firmes les plus importantes dans ce domaine dont les GAFA déjà évoquées. Certes, c'est à un chercheur anglais travaillant pour le CERN de Genève qui met au point un logiciel (Enquire) permettant de naviguer entre des documents de systèmes différents avec un peu plus tard la mise au point du langage HTML et la naissance du Word Wide Web mais ce sont des Américains qui vont le faire fructifier. En 1994, deux étudiants de Stanford, David Filo et Jerry Yang vont créer l'annuaire Internet Yahoo : l'entreprise est fondée l'année d'après en 1995.
  •  L' Internet Society avait été créée en 1992 : elle est une association dont les objectifs sont la promotion et la coordination des réseaux informatiques mondiaux. Elle est l'autorité majeure dans ce domaine en définissant les normes. La FTN Cisco créée en 1984 dont le siège est à San José en Californie fournit 80% des routeurs et c'est une société américaine, l' ICANN ( Internet Corporation for Assigned Names and numbers) qui régule Internet par la gestion et l'attribution des noms de domaines. Les E.-U exercent donc un rôle clé dans ce domaine. Surtout, les Etats-Unis concentrent 40 % des data centers dans le monde. 

-une hégémonie diplomatique, militaire qui perdure 

  • L'hégémonie américaine est également diplomatique et militaire. Diplomatiquement, les E.-U jouent un rôle essentiel. Ils sont présents dans les grandes institutions internationales comme l'ONU où ils sont membres permanents du Conseil de Sécurité avec le siège de cette institution à New York, le Fonds monétaire international dont le siège est à Washington ou encore la Banque mondiale. Il faut rappeler qu'ils sont à l'initiative de ces institutions avec les accords de Bretton Woods de juillet 1944 pour le FMI et la conférence de San Francisco (juin 1945) pour l'ONU.. 
  • Les E.-U ont participé activement à la création du GATT devenu l'OMC en 1995. dans ces organisations, ils occupent une place majeure. Au sein de l'ONU, ils ont au Conseil de sécurité le droit de veto et contribuent pour 22% du budget de cette organisation (10,8% pour le Japon, 7,1% pour l'Allemagne, 5,5% pour la France ou encore 5,1% pour la Chine. En 2014-2015, ils étaient les principaux contributeurs pour les opérations de maintien de la paix avec 28,38% du budget. Au FMI (188 membres), les E.-U ont une minorité de blocage avec 16,79% des voix.
  •  Lorsqu'un pays adhère au FMI, on lui attribue une quote-part libellé en droits de tirages spéciaux (DTS) qui est l'unité de compte du FMI. Les E.-U ont la plus importante avec 42,1 milliards de DTS soit 58 milliards de dollars. Ce quote-part définit à la fois le pourcentage de voix et l'accès au financement du FMI ( un état membre peut emprunter jusqu'à 200% de sa quote-part annuelle et 600% au total). On comprend dès lors le poids des E.-U dans cette institution. Enfin, on peut signaler que les E.-U ont le réseau d'ambassades et de consulats le plus important au monde (devant la France). 

-associée à une hégémonie diplomatique et militaire

  • L'hégémonie est bien entendu militaire. Le budget de la défense est considérable même si la part de la défense dans le PIB reste modeste (environ 4,5%). En 2020, le budget de la défense est de 728 milliards de dollars (526 en 2013) et des dépenses militaires sont quatre fois supérieures à celle de la Chine. Sur le budget 2015, 496 milliards sont alloués au Pentagone, 64 milliards aux opérations militaires hors du territoire américain et 17,9 milliards aux travaux concernant les armes nucléaires. Pour 2021, a été voté un budget de 740 milliards de $ par le Congrès dont 70 milliards de $ pour financer les opérations extérieures. 
  • En 2010, les E.-U étaient responsables de 43 % des dépenses militaires mondiales qui s'élevaient à 1 630 milliards de dollars ; aujourd’hui, les E.-U sont à 40 % des dépenses militaires mondiales. Le département de la Défense emploie plus de 770 000 personnes et les forces armées américaines sont constituées de plus de 1,4 millions de militaires. Les E.-U ont surtout mis en place un système militaire de défense globalisé avec des alliances comme l'OTAN, des corps d'armée aux rôles spécifiques (US Army, US Navy, US Air Force, US marine Corps, US Coast Guard), des structures de décisions dont le pivot est le président et son Conseil de sécurité. Ces forces armées sont organisées en commandements : des commandements géographiques (au nombre de 6) et des commandements fonctionnels. 
  • Parmi ces derniers, le Strategic Command s'occupe des forces nucléaires, de la « guerre informatique »... Le Special Operation Command a, quant à lui, la charge des forces spéciales. Les commandements régionaux sont le Pacific Command, le Southern Command en charge de l'Amérique latine, le European Command, le Central Command allant de l'Afrique à l'Asie centrale, l'African Command et, enfin, le Northern Command s'occupant de l'Amérique du Nord (il a été crée après les attentats du 11/09/2001). Cette stratégie global et les moyens fournis à la défense permettent aux E.-U une présence mondiale tant terrestre que maritime. L'US Navy est ainsi présente sur tous les océans avec notamment 11 porte-avions et 55 sous-marins nucléaire d'attaque ( la Chine ne possédait en 2019 qu’un seul porte-avions mais ils viennent de se doter d’un second. 
  • Cette hégémonie se traduit par la capacité à conduire des opérations militaires d'envergure comme l'histoire récente le montre : interventions en Afghanistan en 2001 et en Irak en 2003 menées en parallèle. Ils sont toujours présents en Afghanistan avec environ 10 000 soldats, participent à la lutte contre l'état islamique... Les E.-U peuvent s'appuyer sur les flottes notamment la Ve flotte présente au niveau du Golfe persique avec 34 navires de guerre ou encore la VI e flotte présente à proximité du Japon avec environ 50 navires et sur de multiples bases terrestres comme en Corée du Sud (7 bases), en Arabie saoudite (2 bases), en Espagne (3 bases), au Japon (7 bases sans compter la présence forte à Okinawa...

 -et une hégémonie culturelle, reflet de la domination américaine

  • Un symbole fort de l'hégémonie américaine est l'hégémonie culturelle. Cette hégémonie se manifeste au niveau des universités et de leur attractivité. Dans le classement de Shanghai de 2018, sur les 10 premières universités mondiales, 8 sont américaines dont par ordre du classement : Harvard classée numéro 1, Stanford en numéro2, le MIT au 4e rang, Berkeley en 5 e place, Princeton au 6e rang... (voir plus haut le classement de 2020° Cette hégémonie culturelle se retrouve au niveau du cinéma, des séries TV et plus généralement des médias. 
  • Les industries culturelles américaines sont mondialement dominantes : elles emploient plus de 2,6 millions d'individus dont 335 000 dans le cinéma et sont un vecteur essentiel du Soft Power et de l'hégémonie du pays. Les industries culturelles représentent tout de même 5% du PIB. Dans le domaine du divertissement deux des trois plus grandes firmes mondiales sont américaines à savoir Walt Disney Company (2016 : 1er rang mondial avec un CA de 55,6 milliards de dollars et son CA est en 2018 de de 59 milliards de $) et Time Warner (2013 : 3e rang mondial avec un CA de 29,7 milliards de dollars et 31 milliards en 2017). On peut rappeler que Time Warner possède CNN, , la chaîne câblée HBO et les studios Warner Bros. En juin 2018, la justice américaine est sur le point d'autoriser le rachat de Time Warner par le géant américain des Télécoms : AT&T (pour environ 85 milliards de $. La firme française Vivendi se classe au second rang. 
  • L’exemple de Disney est intéressant car il s’agit d’un empire culturel impressionnant reposant sur 4 pôles : Media Networks, Studios entertainment, Parks and Resorts et Consumer Products. Disney a procédé ces dernières années à des acquisitions notables comme Pixar Animation Studios en 2006, en 2009 Marvel Studios, Lucasfilm en 2012 ou plus récemment en 2019 la 21 st Century Fox.Un second exemple est très intéressant : celui de Netflix.Cette firme a été fondée en 1997 (par Reed Hastings et Marc Randolph ) avec notamment un service de vidéos à la demande à partir de 2007. Depuis, son essor est spectaculaire : en 2012, Netflix avait 26 millions d’abonnés dans le monde dont 23 millions aux Etats-Unis ; en 2019, Netflix a 152 millions d’abonnés dont 62 millions aux Etats-Unis. 
  • La réussite de Netflix a suscité une concurrence accrue en particulier avec Amazon Prime (103 millions d’abonnés aux Etats-Unis en 2019). Des chaînes d'information contribue à la diffusion du modèle américain et sont des instruments du Soft Power comme CNN (Cable News Network) dont la création remonte à 1980 fondée par Ted Turner avec son siège à Atlanta ou encore Fox News (1996 avec son siège social à New York)). c'est CNN qui a initié le modèle de la chaîne d'informations fonctionnant 24h sur 24. Le classement des plus grand succès mondiaux du cinéma est révélateur de la puissance culturelle américaine : sur les 10 premiers succès, 10 sont américains. 
  • Dans le domaine du cinéma, si on prend le cas de la France, les films américains représentent en 2015 54,5% contre 35,2% aux films français ( 2014, les chiffres étaient respectivement de 45,4% et 44,4%). Au niveau de l'Union européenne, en 2012 par exemple, le cinéma américain représentait 62,8% du marché européen contre 33,6% pour les films de l'UE. Les films américains concentrent 85% des recettes mondiales. Certes, l'Inde est le premier producteur de films , le Nigeria, la Corée du Sud sont également des producteurs importants sans oublier l'Europe en particulier la France. Enfin les marques culturelles les plus puissantes (classement publié par le cabinet Millward Brown) sont respectivement en 2015 : Apple, Google et Microsoft sachant que le top 10 est à 100% américain. 

b/ Mais une hégémonie néanmoins questionnée et contestée 

-de la guerre froide à un monde multipolaire, un changement de paradigme 

  • L'hégémonie américaine est réelle mais fluctuante. Pendant la guerre froide, la puissance étasunienne est confrontée à l'Union soviétique : le monde était bipolaire. Néanmoins, pendant la guerre froide, les E.-U ont renforcé leur potentiel militaire et technologique notamment dans le cadre de la course aux armements et la conquête spatiale. Ils ont également toujours eu par rapport à l'Union soviétique une avance économique certaine que l'URSS n' a jamais pu combler. L'éclatement de l'URSS en 1991 et la fin de la guerre froide ont permis aux E.-U d'être l'unique puissance de la planète à telle enseigne qu'on parle à ce moment là d'hyperpuissance. En 1991, les E.-U sont donc en position dominante : ils n'ont plus de rivaux. Dès lors, ils hésitent entre unilatéralisme et multilatéralisme c'est-à-dire une hésitation entre la volonté d'imposer son point de vue et ses idées, l'unilatéralisme et la volonté de décisions collectives et d'une concertation réelle avec ses alliés. La seconde guerre du Golfe en 1990-91, les E.-U optent pour un certain multilatéralisme puisqu'ils interviennent contre l'Irak de Saddam Hussein avec l'aval de l'ONU et forment une coalition comprenant de nombreux alliés dont l'Arabie saoudite, la Turquie, le Royaume-Uni, la France, le Maroc, l'Allemagne... (on parle de la grande coalition). 
  • Par contre, les années 1992 -2004 voire jusqu'en 2008, les E.-U optent pour une politique unilatérale notamment lors de l'opération Restore hope 2 en 1993 en Somalie et surtout suite aux attentats du World Trade centrer de septembre 2001. Suite à ces attentats, les Etats-Unis désignent une liste d'états voyous (rogue states). Ce concept avait déjà utilisé lors de la présidence Reagan pour qualifier la politique libyenne de Kadhafi. Cette notion devient centrale après le 11 septembre : plusieurs états sont désignés comme tels : l'Irak, l'Iran, la Corée du Nord, la Libye, l'Afghanistan. Ce concept sert de point d'appui aux interventions en Afghanistan en 2001 et en Irak en 2003. Lors notamment de l'intervention en Irak, les E.-U ont tenté de convaincre l'ONU d'obtenir l'aval de l'ONU : la France a opposé son veto à cette intervention. Les E.-U sont passés outre et sont intervenus divisant l'opinion internationale et les états : nous sommes dans une logique complètement unilatérale. Depuis la présidence Obama, les choses ont évolué. Les E.-U prônent le Smart Power, se refusent à intervenir systématiquement et demandent à leurs alliés de partager le « fardeau ».
  •  Certes, les E.-U interviennent encore en Irak et en Syrie pour lutter contre Daech mais en 2009, Obama a décidé le retrait des troupes américaines d'Irak et a fortement diminué le nombre de soldats en Afghanistan. Mais ils pensent que leurs alliés sont à même d'intervenir et de prendre en charge certaines situations. Les E.-U ont soutenu la France au Mali, la France et le Royaume-Uni en Libye en 2011 mais pas au delà. De même dans la crise ukrainienne, même si ils se sont positionnés fermement contre la politique russe de Poutine, ils ont laissé l'Union européenne agir. Il semble que les E.-U aient choisi à la fois le multilatéralisme et le pragmatisme pour ne pas avoir à prendre en charge seuls certains problèmes. De plus, ils n'ont peut-être plus les moyens en particulier financiers pour continuer à être systématiquement présents sur tous les théâtres d'opération. 

-une puissance contestée : amorce d'un déclin ? 

  • Les E.-U sont une puissance qui est de plus contestée. A la concurrence économique de l'Union européenne, du Japon, de la Chine et des pays émergents, s'ajoutent des difficultés économiques comme un endettement important et un déficit commercial conséquent. Mais les E.-U ont également des rivaux géopolitiques plus ou moins affirmés. Parmi, les rivaux assez nettement affirmés, la Chine et la Russie. La Russie entend s'affirmer ou réaffirmer sa puissance sur la scène internationale n'en déplaise aux E-U. L'annexion de la Crimée, le conflit en Ukraine ou l'intervention russe en Syrie sont autant de signes d'affirmation de la puissance russe contrariant la puissance étasunienne. Parallèlement, la Chine, hormis sa forte croissance économique, s'affirme de plus en plus sur la scène politique en particulier en Asie orientale ce qui contraint les E.-U à agir. Ces derniers proposent une nouvelle association économique concernant les états du Pacifique par le biais du Partenariat Transpacifique qui ne comprend pas la Chine alors que cette dernière souhaite créer un traité de libre échange Asie-Pacifique. 
  • Ce projet initié en 2014 par les Chinois a été relancé en 2015 mais pour l'instant sans qu'il y ait quelque chose de concret. Les E.-U ont également renforcé leur flotte dans le Pacifique confortant leurs alliées notamment Taïwan dont les relations avec la Chine sont encore tendues. Les E.-U ont également des relations tendues avec des états comme le Venezuela voire de véritables ennemis. Pendant longtemps, Cuba et l'Iran l'ont été : les relations se sont améliorées récemment (en 2015). Par contre, les E.-U ont toujours pour ennemis les mouvements islamistes dont Al Qaïda et Daech. La politique américaine tout comme son modèle ne sont pas, loin de là, toujours acceptés : l'antiaméricanisme est toujours présent. 

C/ Les E.-U sont- ils encore un modèle ? 

Quels sont les éléments remettant en question le modèle américain ? Peut-on encore percevoir ce pays comme un modèle ? Pourquoi ? Les E.-U se posent depuis longtemps en modèle : modèle politique de la démocratie libérale, modèle économique de l'économie de marché. Ce modèle, ils souhaitent l'imposer mais c'est un modèle qui souffre de limites internes et pas seulement d'un rejet de certains états, groupes ou individus. 

a/ Un modèle fragilisé 

-un état confronté à la pauvreté et aux communautarismes 

  • Les E.-U sont confrontés à plusieurs problèmes internes dont la pauvreté, les discriminations et les communautarismes. Avant d'aborder, les communautarismes et les problèmes identitaires, il est intéressant d'analyser l'envers de la puissance et du modèle : la pauvreté. Certes, dans les années 1960, le Président Johnson avait de la lutte contre la pauvreté (dans le cadre de son projet de Grande société) un axe majeur mais cette pauvreté est toujours restée une constante. Le Bureau du recensement des E.-U (Census Bureau) évalue régulièrement la pauvreté aux E.-U notamment par la prise en compte du logement, des catégories ethniques. Le département de la Santé s'appuie sur des seuils financiers afin de déterminer la validité des aides publiques. Ainsi, entre 2000 et 2010, le nombre de pauvres est passé de 31,6 millions à 46,2 millions en 2010 et 46,5 millions en 2013. Cette hausse brutale s'explique notamment par la crise des subprimes et ses effets. Le taux de pauvreté est passé de 11,3% en 2000 à 15,1% en 2010 : un taux qui varie de 11,3% à 15,1% entre 1990 et 2010. En 2015, 15 millions d'enfants et 5 millions de retraités sont concernés. 
  • Les E.-U ne parviennent pas à vaincre ce fléau alors que le revenu moyen est d'environ 57 000 $. La pauvreté renforce les inégalités territoriales : le Sud des Etats-Unis concentre beaucoup plus de pauvres qu'ailleurs : 41% contre, par exemple, 16 % pour le Nord-Est et est particulièrement présente dans des états comme la Louisiane, le Nouveau-Mexique ou encore le Mississippi : le taux de pauvreté atteint 21,6% de la population en Louisiane, 22,7 % dans le Mississippi. Enfin, la pauvreté concerne davantage les Afro-américains : 27,2% alors que « seulement » 12% des Blancs non Hispaniques sont concernés. Cette pauvreté se traduit par un accès inégal à l'éducation ou à la santé. Autre problème : la crise identitaire et le développement des communautarismes. 
  • Plusieurs communautés ont toujours eu et ont encore des difficultés à s'intégrer dans une société très inégale. C'est le cas des communautés noires et hispaniques en particulier. Certes, on a pu parler au sujet des E.-U de melting pot mais ce dernier est en grande partie un mythe. Les E.-U sont une société fondée sur des communautés mais pas seulement ethniques : elles sont également religieuses comme les Mormons très présents dans l'Utah où ils constituent environ 62% de la population de cet état ou encore la communauté Amish.... il faut mettre l'accent sur la faible exogamie de certaines communautés : on note seulement 6% de mariage exogame Noirs et non- Noirs, 30% pour les Hispaniques et 40% pour les Asiatiques. Les Américains ont officialisé les communautés ethniques puisque les recensements sont fondés sur l'appartenance ethnique et raciale. Les Américains se définissent donc par leur « groupe ethnique » au nombre d'environ 140 : le « groupe ethnique » le plus important est celui des Allemands avec environ 50 millions d'Américains s'identifiant comme tels puis les Irlandais avec 35,5 millions d'individus... Cette identification est le fait de déclarations faites à l'administration fédérale : il permet de comprendre l'attachement de nombreux Américains à leurs racines même si elle sont lointaines. En 2010, les minorités ethniques représentaient 36,3% de la population. En 2013, la minorité hispanique est la plus nombreuse avec 53 millions d'individus, une minorité en croissance constante : 12,5% de la population en 2000, 16,7% en 2011, 19,4 % selon les estimations en 2020 et probablement 30% en 2050. Entre 1970 et 2013, la minorité hispanique a été multipliée par 6 étant passée de 9,1 millions à 54 millions (chiffre de 2015). Une grande partie des immigrants proviennent d'Amérique centrale notamment du Mexique (64% des immigrés hispaniques sont mexicains. Enfin, on peut ajouter que les Hispaniques sont majoritaires dans l'état du Nouveau Mexique et le sont devenus en 2014 en Californie et devrait bientôt l'être au Texas. 
  • On se dirige pour certains vers une hispanisation de la société sachant que les Hispaniques ont toujours gardé leurs attaches culturelles notamment la langue qui est actuellement la seconde langue parlée aux Etats-Unis. Cette Hispanisation n'est pas toujours bien perçue car elle mettrait en cause l'identité nationale : c'est ce qu'affirmait Samuel Huntington qui craint la perte des valeurs anglo-saxonnes avec le poids de plus en plus important des Hispaniques. La peur de cette hispanisation se traduit dans l'état de l'Arizona par le vote d'un texte de loi confirmant la langue anglaise comme langue officielle. Pourtant, de nombreux Hispaniques sont parfaitement assimilés et on peut remarquer que la croissance démographique de cette minorité est due à son accroissement naturel avec un indice de fécondité supérieure à celle des Blancs non hispaniques : en 2014 cet indice est de 2,13 pour les hispaniques contre 1,88 pour les Blancs. Les Afro-Américains sont quant à eux 44,5 millions (12% de la population) et sont la seconde minorité ethnique du pays. Le plus intéressant est que d'ici 2050, la population blanche non hispanique passera sous la barre des 50%. 
  • La population blanche non hispanique est encore de 60% mais elle ne cesse de diminuer. Or ces changements modifient la perception de l'identité américaine fondée pendant longtemps sur une construction politique dominée et organisée par les Blancs notamment ceux d'origine anglo-saxonne : les WASP. De plus pendant longtemps, des logiques d'exclusion qu'elles soient politiques, économiques ou sociales avaient mis à l'écart les minorités (noires et indiennes surtout). Certes, les combats politiques ont conduit à des changements et des politiques dites de discrimination positive ont permis aux minorités de voir leur situation évoluer (classe moyenne noire...). On peut d'ailleurs souligner que toutes les minorités y compris les minorités sexuelles ont vu des changements positifs et réels. Mais ces politiques ont partiellement échoué notamment pour les minorités. 
  • Dès lors, les logiques de fragmentation et les communautarismes ont été renforcés. Ainsi, 13% des Hispaniques et 18% des Afro-Américains ont un diplôme universitaire contre 31% pour les Blancs. L'identité traditionnelle est de ce fait questionnée même si certains,comme Denis Lacorne, évoque la formation d'une nouvelle identité américaine qui serait pan-ethnique et donc au delà des clivages ethniques. Ce processus est néanmoins peu évident comme le montrent les primaires américaines et le vote inquiet de populations blanches pour des candidats aux primaires républicaines comme Donald Trump ou Ted Cruz d'où l'idée d'une Amérique balkanisée. L'élection de Trump a confirmé le problème identitaire avec de nombreux électeurs blancs inquiets qui ont voté pour Trump. En 1995, Michael Lind dans son ouvrage intitulé The New Nationalism and the fourth American Revolution analyse l'identité à travers le prisme de 4 phases de la construction de cette identité : une Amérique anglo-saxonne de l'indépendance à la guerre de Sécession ; une Amérique européenne de la guerre de Sécession aux années 1960 ; une Amérique multiculturelle des années 1965 aux années 1995 puis la naissance d'une Amérique post-ethnique ou Trans- American -La question migratoire et les enjeux identitaires Tout d'abord, il faut rappeler que les E.-U sont un pays d'immigrants notamment d'immigrants européens à partir du 17 e siècle. On peut aussi mettre l'accent sur le fait que les E.-U ont contrôler leur immigration dès les années 1920 par la mise en place de quotas : lois assouplies en 1965 ce qui a dynamisé à nouveau l'immigration. Depuis une vingtaine d'années, le solde migratoire américain est d'environ 1 million. Une autre difficulté sont les migrations et l'enjeu migratoire. 
  • Actuellement, 40 millions de personnes (12,5% de la population) sont nées à l'étranger (Foreign born) dont 18 millions (45%) ont la nationalité étasunienne. La majorité des migrants sont originaires d'Amérique latine (53%) mais pas seulement : 29 % de migrants viennent d'Asie, 11% d' Europe... Les E.-U sont le premier pôle migratoire mais avec des basculements dans la provenance géographique : les migrations en provenance d'Europe ont diminué alors que les migrations latino-américaine et asiatique sont devenues essentielles. Il faut préciser que l'attractivité des E.-U concerne avant tout les états à proximité (Mexique, Caraïbes...). Pour les E.-U., du moins les dirigeants économiques, les migrations sont intéressantes soit parce qu'il y a apport d'une main d' œuvre bon marché soit par l'apport d'une main d' œuvre qualifiée (Brain Drain). Or, l'immigration a des enjeux et pas seulement économiques. Politiquement, l'immigration a transformé et transforme encore la société américaine à tel point qu'on utilise l'expression de Salad Bowl ce qui modifie les structures sociales et politiques. L'afflux d'immigrés provoque des tensions comme l'ont montré les vives réactions lorsque le président Obama a proposé la régularisation de 11 millions de clandestins. En 2014, le nombre d'immigrants clandestins estimés à 12 millions se composent notamment de 75% de lationo-américains. 

b/ Les difficultés politiques et géopolitiques 

-quelle place pour les E.-U dans l'actuel ordre mondial ? 

  • Dans l'actuel ordre mondial, on s'interroge de plus en plus sur la place réelle des E.-U. Nous sommes dans un monde devenu multipolaire : les E.-U ne sont plus dans une situation d'hyper- puissance comme ils pouvaient l'être à la fin de la guerre froide en 1991. Dans les années 1990- 2000, ils étaient sans rivaux mais cette situation était temporaire avec une Russie qui cherchait encore à se relever de l'éclatement de l'URSS, une Chine qui poursuite encore son émergence... Certes, les E.-U peuvent être encore considérés comme l'unique puissance réellement mondiale et globale car ils sont présents dans toutes les régions du monde que ce soit au niveau militaire, économique ou culturelle. 
  • Mais l'ordre mondial est incontestablement reconfiguré avec une Chine de plus en plus puissante, une Russie qui tente de retrouver sa puissance et sa grandeur. Le monde est parallèlement devenu très instable comme le montre la situation au Proche et Moyen- Orient. Dans cette configuration mondiale, il paraît plus difficile aux Etats-Unis d'être toujours une puissance impériale capable de s'imposer. Le monde devenant multipolaire, certains se demandent si le cycle hégémonique américain ne prend pas fin et plus généralement le cycle hégémonique de l' Occident. Le monde deviendrait donc plus polycentrique avec la montée en puissance des états émergents dont la Chine bien qu'aucun état ne soit encore vraiment en mesure de rivaliser complètement avec les E.-U. En ce qui concerne le continent américain, les E.-U ont vainement tenté de créer une zone de libre échange des Amériques (ZLEA) : cet échec marque peut être la fin de la domination des E.-U sur leur continent. 
  • Le Brésil est devenu un rival géopolitique certes encore limité mais un rival qui initie une intégration régionale (voir l'Unasur) sans les E.-U. L' Europe notamment l'Union européenne est encore un allié des E.-U mais ces derniers, surtout depuis la présidence Obama, semblent davantage opter pour la zone Pacifique. Justement, l'Asie est devenu un centre d'intérêt majeur : un espace où les E.-U ont un rival économique avec le Japon et surtout un rival géopolitique et économique avec la Chine. Un changement a eu lieu dans la politique américaine avec un plus grand intérêt porté au continent africain : la mise en place d'un Africa command (Africom) en 2007 en est une illustration.Cet intérêt pour l'Afrique est politique avec la lutte contre l'islamisme mais aussi géostratégique avec la nécessité de sécuriser certains points de passage stratégiques comme le Golfe d'Aden et de tenter de limiter le poids grandissant de l'Afrique.
  •  Il est intéressant de mettre l'accent sur plusieurs points notamment la rivalité entre les E.-U et la Chine. On peut rappeler que dans les années 1970, les deux pays avaient tissé des relations ayant un rival commun à l'époque à savoir l'URSS. Les relations entre les deux pays ont connu leurs premiers soubresauts à la fin des années 1980 et dans les années 1990 : répression chinoise de la place Tian Anmen en 1989, problème récurrent du respect des droits de l'homme... Néanmoins, sous la présidence Clinton, les relations s'améliorent et se traduisent par l'entrée en 2001 de la Chine au sein de l'OMC. Au niveau économique, les deux états sont de plus en plus interdépendants mais les E.-U s'inquiètent de plus en plus de l'affirmation de la Chine en contestant certaines pratiques chinoises : protectionnisme, une monnaie, le Yuan, constamment sous évaluée ce qui dopent les exportations chinoises... Depuis quelques années, la rivalité est plus qu'apparente notamment dans la région Asie- Pacifique. La Chine s'est affirmée comme une véritable puissance régionale (les Chinois ne considèrent pas les E.-U comme une puissance asiatique) par le biais du développement de plusieurs organisations comme l'Organisation de coopération de Shanghai, la création d'une banque asiatique de développement (BAD)...ou de projets d'envergure comme le projet des routes de la soie. Il faut ajouter le traité de libre échange signé en 2009 avec l' ASEAN (effectif en 2015).
  •  La Chine mène également une politique plus agressive en mer de Chine que ce soit à l'égard du Japon au sujet des îles Senkaku ou d'autres états au sujet des îles Spratleys ou Paracels. Or, le Japon est un allié des E-U. L'ascension de la Chine a contraint les E.-U notamment sous l'ère Obama à réorienter la politique étrangère et les moyens qui vont avec sur la zone Asie-Pacifique. Sur le plan militaire, les E.-U ont ainsi repositionner en Asie orientale une partie de leurs forces aéronavales pour rassurer leurs alliés dans la région dont le Japon et la Corée du Sud. Economiquement, les E.-U ont lancé le Trans-Pacific Partnership ou TPP signé au début de l'année 2016 avec des états comme le Japon, Singapour, la Malaisie, le Vietnam... mais sans la Chine. Mais une fois Trump arrivé au pouvoir, ce dernier a remis en question ce TPP tout comme il a remis en cause le traité transatlantique. Les spécialistes américains n'apportent pas les mêmes analyses de la situation. Pour certains comme Ashley Tellis et Robert Blackwill, la Chine a comme volonté de dépasser les E.-U tant à l'échelle régionale que mondiale d'où la nécessité de contrôler la montée en puissance (ou de la freiner) de la Chine. 
  • Il faudrait donc redynamiser l'économie américaine, continuer le déploiement de forces dans la zone Asie-Pacifique et tisser des relations économiques fortes avec les états de la région comme avec le TPP. Pour d'autres comme Mickael Swaine ou Kevin Rudd, il faut éviter toute escalade entre les deux puissances et mettent en avant l'idée que la volonté d'affirmation de la puissance chinoise est exagérée par les occidentaux. D'autres dont David Shambaugh pense que la puissance chinoise est friable car en partie factice.
  •  Enfin, il est faut voir qu'elle sera la politique conduite par Donald Trump qui a promis de fortement taxer les produits chinois arrivant aux E.-U tout en souhaitant un certain retrait de forces américaines d'Asie mais à condition que la Corée du Sud et le Japon se dotent de l'arme nucléaire afin de se protéger eux-mêmes. Un autre point fondamental est, bien entendu, le Moyen-Orient. Ce dernier est depuis la fin de la seconde guerre mondiale une zone jugée fondamentale sur le plan stratégique par les E.-U. Mais , les années 2000 avec notamment l'intervention en Irak en 2003 et le projet d'un Grand Moyen- Orient devenant un espace démocratique ont échoué. Cet échec a conduit Obama a procédé à un désengagement partiel de la région avec le retrait des troupes américaines d'Irak à partir de 2011 (promesse de campagne électorale). Les E.-U, mais pas seulement eux, sont confrontés à l'émergence de l'état islamique et de façon plus générale à la montée de l'islamisme. Certains considèrent, à juste tire, que les E.-U se sont embourbés au Moyen-Orient d'où la volonté de désengagement. Donald Trump est, à priori, dans cette logique de désengagement si il met en œuvre sa politique à tendance isolationniste. 

-l'élection de Donald Trump : une rupture désastreuse pour les E.-U. ?

  • Les élections de 2016 ont été particulières comme le montrent les Primaires. En effet, un certain nombre d'Américains semblent inquiets pour leur avenir voyant leur pays à tort ou à raison décliner. Ces élections montrent aussi des interrogations sur l'identité américaine et son avenir et un rejet, au moins partiel, d'une classe politique établie (rejet de Washington et de l'état fédéral pour certains). Pour plusieurs candidats notamment Républicains, il faut redonner de la fierté aux Américains dans un contexte mondial complexe et tendu. L'élection de Donald Trump va probablement changer la donne à la fois interne mais aussi externe. 
  • Au niveau géopolitique, Donald Trump a déjà opéré des changements importants et pour certains inquiétants : remise en cause de l'accord sur le nucléaire iranien, rejet de la Cop 21... Parallèlement, les tensions entre les E.-U et le Corée du Nord sont particulièrement fortes. La politique extérieure de Trump ne semble pas toujours suivre une ligne claire. Pendant sa campagne,il avait opté pour un repli des E.-U ce qui n'est plus le cas actuellement comme on peut le voir sur plusieurs dossiers (Iran, Corée du Nord). 
  • Il a réaffirmé son soutien, dans le cadre de la question coréenne, au Japon et à la Corée du Sud, des états qui étaient inquiets d'un éventuel repli américain. Ce qui est certain est qu’il a rompu avec toute forme de multilatéralisme pour mettre en avant les intérêts des Etats-Unis. Au niveau économique, Trump a enterré deux projets auxquels tenait l'administration Obama : le traité transpacifique mis au point pour contrebalancer l'influence chinoise en Asie-pacifique et le traité transatlantique avec l'Union européenne (TAFTA). Economiquement, les E.-U semblent opter pour un certain protectionnisme. Ce qui est inquiétant, hormis les changements d'orientation et les volte-face de Trump, est la non maîtrise des dossiers d'un président peu au fait de la géopolitique mondiale. 

-La présidence Biden 

  • Les Etats-Unis restent profondément facturés et Joe Biden ne parvient pas (le peut-il?) réduire les fractures notamment entre Démocrates et Républicains en particulier l'aile droite du parti républicain qui n'a pas accepté la défaite de Trump. Comme l'écrit Lauric Henneton (Revue Diplomatie 2021) on assiste à une « tribalisation de l'opinion ». Ce qu'on nomme les trumpistes restant attachés à l'ancien président. L'un des défis de Biden était de réconcilier les Etats-Unis et cela ne semble pas être possible avec une partie de l'électorat républicain particulièrement radicalisé. En ce qui concerne la politique étrangère, Les Etats-Unis ne semblent pas être dans une logique fondamentalement différentes de la logique de la période Trump. Les relations avec la Chine sont particulièrement tendues sur plusieurs sujets (dont la question de Taïwan mais pas seulement). Les relations sont également difficiles avec la Russie. 
  • Surtout, comme Trump, Biden ne paraît vouloir se rapprocher de l'Union européenne. Les E.-U ne peuvent ou ne veulent pas réellement faire converger leurs intérêts avec ceux des Européens : la relation transatlantique n'est pas au mieux. Par contre se développe la thématique dans l'administration américaine de l'Indopacifique qui s'inscrit dans la rivalité avec la Chine. Un dernier exemple de la continuité de la politique américaine est la relation toujours très compliquée avec l'Iran. Bilan : Le déclin des E.-U est devenu une question récurrente depuis plusieurs années. Or, ce pays a toujours des atouts et des facteurs de puissance : atouts territoriaux, atouts politiques, atouts militaires, atouts technologiques, atouts économiques, atouts culturels... Pourtant, les thèses « déclinistes » sont bien présentes s'appuyant sur plusieurs arguments : des arguments économiques comme les déficits commerciaux et budgétaires, la concurrence accrue au niveau international ; des arguments politiques et géopolitiques avec la rivalité de la Chine...
  •  Il y a donc débat sur l'Empire américain et son déclin. De plus, il existe des courants de pensée divergents aux E.-U même. On peut distinguer un courant isolationniste qui existe depuis fort longtemps voyant « l'Empire » comme un fardeau et préférant un certain repli sur soi. Inversement, il existe un courant hégémoniste lié au néo- fondamentalisme et au néo-conservatisme pour lequel les E.-U doivent imposer leur idéologie (lien avec la destinée manifeste). Aces deux courants s'ajoutent un courant pratiquant le pragmatisme et tentant de s'adapter aux réalités du monde (Obama) et un courant libéral internationalise dont l'un des objectifs est de convaincre le monde des bienfaits du modèle démocratique et libéral. En 1993, Alfredo Valladao (professeur à l' IEP de Paris) publie un ouvrage intitulé : Le XXIe siècle sera américain. Il pense que seuls les E.-U ont les moyens de la puissance. 
  • Dans un livre intitulé : La nouvelle hégémonie américaine (en 1996), Gérard Kebadjian affirme que dans le cadre d'une économie globalisée et interdépendante, un état y compris les E.-U, ne peut plus imposer totalement sa domination de façon violente et brutale. Il faut désormais coopérer et Kébadjian pense que le seul état capable de former des coalitions solides est les E.-U : pour cet auteur, les E.-U ne sont peut -être plus hégémoniques mais ils sont incontournables. Paul Kennedy , dans son livre Naissance et déclin des grandes puissances (1988) pense que le déclin est relatif et avait émis l'hypothèse que le risque pour les E.-U était celui de la surexpansion impériale c'est-à-dire un décalage trop important entre les capacités économiques et la politique étrangère et de défense menées. 
  • L'idée d'un Empire américain est peut-être contestable. Les E.-U ne sont pas une nation identique aux autres et cet Empire paraissait bien réel en 1991. Le monde est devenu plus multipolaire et dans le même temps ils sont toujours incontournables. Les échecs en Afghanistan et en Irak marquent comme l'écrivait Bertrand Badie « l'impuissance de la puissance ». Néanmoins, les E.-U ont encore plusieurs décennies pour rester la première puissance de la planète.

Compléments : Canada, Mexique et Caraïbes


A/ Le Canada : « La souris qui dort à côté d'un éléphant » (P. E Trudeau)

 Pourquoi le Canada est condamnée à rester une « souris » ? Peut-il s'affirmer davantage ? 

 a/ Une puissance mineure mais dynamique 

-Le Canada comme puissance moyenne 

  •  Le Canada est une puissance qu'on peut qualifier de moyenne : c'est un état d' Amérique du Nord baignée à l'est par la mer du Labrador et la mer de Baffin, au Nord-Ouest par l'Océan Arctique, à l'Ouest par l'Océan Pacifique et a des frontières avec les E.-U au sud et à l'Ouest (Alaska). C'est un territoire immense de 9 975 000 km carré (second état au monde par la superficie après la Russie) donc d'une dimension comparable aux E.-U ( 9 826 675 km carré). L'immensité est une caractéristique majeure de cet état : la distance entre Londres et Halifax (Province canadienne de la Nouvelle-Ecosse dans l'est canadien) est de 4 638 kms ; la distance entre Halifax et Vancouver (Province de Colombie-Britannique dans l'Ouest) est de 4 442 kms. Par contre, ces deux géants géographiques ne sont pas comparables démographiquement : le Canada a une population de 37,7 millions d'habitants (chiffres de 2020). Politiquement, le Canada est une monarchie constitutionnelle à régime parlementaire composé de 10 provinces et de trois territoires. 
  • Le Canada a un PIB en 2020 de 1600 milliards de dollars et de 42 080 $ par habitant et un IDH de 0,922 en 2018 (12e IDH mondial) : il s'agit donc d'un état très développé. Le Canada, par son PIB, se classait au 13e rang en 2015 (au 19e rang mondial en ce qui concerne le PIB par habitant) et même au 10e rang en 2019. Le Canada est incontestablement un des états les plus riches du monde: il est membre de l'OCDE et du G8 mais il ne peut être considéré comme une puissance majeure surtout en comparaison de son grand voisin. 

 -mais une économie dynamique fondée sur des atouts importants 

  • L'économie canadienne est néanmoins dynamique : son taux de croissance est de 2,1% en 2018 (3% en 2010) et le taux de chômage est plutôt faible : 5,5% en 2018. Le Canada bénéficie de très importantes ressources naturelles : il est à la fois un grand producteur agricole et minier. Les ressources naturelles sont fondamentales étant un exportateur de matières premières. Il dispose de ressources pétrolières et gazières mais aussi d'or, d'uranium ou de nickel. En 2018, le Canada était le cinquième producteur mondial de pétrole ( environ 4,5% de la production mondiale avec 236 millions de tonnes) et le quatrième producteur de gaz naturel (4,7% de la production mondiale) derrière les E.-U (21,4%), la Russie (16,7%) et l'Iran (5%). Il est le 7e producteur d'or (2013), dans le top 3 des producteurs d'uranium... L'agriculture canadienne est également performante : elle est au 7e rang mondial pour la production de blé (29 millions de tonnes en 2014) et ce grâce aux régions dites des prairies correspondant aux provinces de l'Alberta, du Manitoba et du Sakatchewan. Le Canada a également des firmes transnationales compétitives. 
  • La firme Bombardier dans le domaine des transports et de l'aéronautique est une firme puissante comme l'était le groupe de l'Aluminium Alcan qui a été racheté en 2007 par Rio Tinto , le groupe minier australo-anglais. Le groupe Potash Corporation of Sakatchewan est le premier producteur de potasse au monde, Husky Energy est une entreprise importante dans les hydrocarbures... Le Canada a 11 firmes classées dans le top 500 des FTN mondiales mais une seule dans le top 100. Si économiquement le Canada s'appuie sur des atouts réels, il n'est pas en capacité de rivaliser avec les puissances économiques les plus performantes. 

 b/ Confrontée à des problèmes internes et à l'insertion dans la mondialisation 

-des problèmes internes : du « souverainisme québécois à la question indienne

  • Le Canada connaît des problèmes et des revendications internes. La question indienne est un de ces problèmes. Il existe au Canada des peuples autochtones avec deux types de populations : les Amérindiens ( présents au Sud) et les Inuits (au Nord). Les Inuits sont environ 144 000 dont 30% au Canada (30% en Alaska et 40% au Groenland). Ces Inuits ont longtemps été marginalisés avec d'importantes politiques d'acculturation. Les 3⁄4 des Inuits canadiens vivent dans 53 collectivités des régions du Nord du Canada dans ce qui est nommé l'Inuit Nunangat (« l'endroit où vivent les Inuits ») composée de 4 régions : l' Inuvialuit (Territoires du Nord-Ouest et Yukon), le Nunavut, le Nunavik (au Nord du Québec) et le Nunatsiavut (Labrador).Il faut souligner qu'un nombre croissant d'Inuits vivent hors de cette région notamment dans les villes.
  •  Aux Inuits s'ajoutent les Premières nations à savoir les Amérindiens se répartissant en 50 nations et 617 collectivités : les métis sont intégrés dans les peuples autochtones qui sont plus de 1,2 million d'individus.Ces populations se sont progressivement organisés en associations avec le Conseil de l'Arctique en 1996, en 1997 l'Inuit Circumpolar Conference ... des associations qui ont et agissent encore que ce soit à l'échelle nationale ou internationale. Ces associations défendent leurs droits qu'ils soient culturels, environnementaux ou écologiques. A la fin des années 1990, ont été créés au Canada quatre structures administratives évoquées plus haut. C'est surtout la création en avril 1999 du Nunavut qui fut particulièrement mis en évidence. Le Nunavut se compose de 20 000 Inuits représentant 85% de cette nouvelle entité : les inuits disposent d'une réelle autonomie ( ils ont l'entière propriété de 350 000 km carré et des droits miniers sur 36 000 km carré.
  • Pour le gouvernement canadien, il s'agissait d'apporter des réponses à des revendications grandissantes tout en facilitant l'intégration des Inuits dans le modèle canadien. L'autre problème est la question du Québec. Le Québec est une province de plus de 8 millions d'habitants (en 2014) ayant été, rappelons-le, une colonie française liée à vice-royauté de la Nouvelle-France. Le Québec comprend des populations amérindiennes (3% de la population), des populations francophones évaluées à 6 millions (7,2 millions de francophones dans l'ensemble du Canada) et des populations non francophones (anglophones ou populations étrangères). 
  • Le français est d'ailleurs la langue officielle du Québec. Le problème pour le Canada est l'existence de revendications soit autonomistes soit indépendantistes du Québec. En 1995, un référendum avait déchiré le Québec : il portait sur l'éventuelle souveraineté du Québec. Le projet d'indépendance a été rejeté par 50,58% des votants. La nation québécoise avait été reconnue partiellement dès 1982 par la cour suprême du Canada avant de l'être par le parlement canadien en 2006. Le problème québécois semble au moins temporairement réglé. 

-une gestion contestable des ressources posant le problème du développement durable 

  • La gestion des ressources notamment minérales et pétrolières pose des problèmes aux Canadiens en termes d'environnement et de développement durable. Plusieurs projets sont contestés comme la construction de pipelines dont un projet de plus de 1 100 kms entre l'Alberta et la Colombie-Britannique ou encore l'exploitation des sables bitumineux, un type de sables pouvant être transformé en carburant mais dont l'exploitation génère des pollutions. Il faut préciser que les sables bitumineux du Canada représenteraient la seconde réserve mondiale de pétrole (170 milliards de barils probables). 
  • Or, il faut traiter deux tonnes de ce sable pour aboutir à un baril et les sites concernés sont très fortement impactés. Le Canada est donc confronté entre objectifs économiques et préservation de l'environnement : des choix sont à opérer. 

B/ Le Mexique : « si près des E.-U., si loin de Dieu » 

Dans quelle mesure peut-on parler d'un « modèle mexicain » (Alain Rouquié) ou inversement de malédiction mexicaine ? En quoi peut-on considérer le Mexique comme un état émergent ? 

a/ Une puissance émergente confrontée à des problèmes et des défis importants

  • Le Mexique est un état important du continent américain : sa superficie est de 1,964 375 km carré (25% du territoire des E-U) pour une population de 129 millions d'habitants en 2020. Le Mexique a une longue frontière avec les E.-U : une frontière de plus de 3 150 kms. Le Mexique a un PIB de 1040 milliards de dollars en 2020 ce qui le classe au 16e rang mondial (le PIB par habitant est de 8069 $). Il est de ce fait la seconde puissance d'Amérique latine derrière le Brésil. On peut aussi rappeler l'ancienneté de son histoire et la permanence de son occupation humaine en particulier sur les hautes terres centrales. Si géographiquement, le Mexique paraît être accroché à l'Amérique du Nord, c'est beaucoup moins vrai au niveau économique, social, démographique et culturel. 
  • Le Mexique est incontestablement un « pays du sud » mais lié à deux états du « Nord ». Les dirigeants mexicains ont fait le choix de l'ancrage à l'Amérique du Nord avec l'adhésion à l' ALENA. Or ce choix peut être considéré comme schizophrénique puisque le Mexique est sous la dépendance des états du Nord que sont les E.-U et le Canada. Il faut également insister sur la construction délicate de l'état mexicain mais aussi de la nation et encore plus de la démocratie. Avec la colonisation espagnole, les colons avaient fait du Mexique une vice-royauté en donnant la prééminence à Mexico. Cette ville est devenue, comme elle l'était déjà sous l'Empire Aztèque, le pôle majeur et structurant du pays. L'indépendance obtenue en 1810 ne modifie pas l'organisation géographique du Mexique. L'indépendance obtenue, le Mexique se heurte rapidement aux E.-U. 
  • Les guerres entre les deux états font perdre au Mexique une partie notable de son territoire : la Californie, le Nouveau Mexique, l'Arizona. Ces guerres perdues contre les E.-U ont produit et produisent toujours un ressentiment à l'égard du grand voisin du Nord. Parallèlement, le Mexique est dirigé de façon autoritaire en particulier entre 1876 et 1911 par Porfirio Diaz. Ce dernier veut moderniser (une modernisation qui s'inscrit dans le ressentiment contre les E.-U car par la modernisation le Mexique souhaite combler son retard) le pays d'où le développement des réseaux de communication (chemins de fer), la mise en place au début du 20e siècle de la sidérurgie notamment à Monterrey avec la proximité dans la région de minerais de fer. 
  • Mais ce qu'on nomme le porfiriat ne profite pas à tous les Mexicains : il profite surtout à une oligarchie ainsi qu'aux classes moyennes urbaines ce qui va susciter de violentes contestations. A partir de 1911, le Mexique sombre dans une longue guerre civile : une guerre civile qui oppose les catégories sociales populaires (paysans, indiens et métis) aux catégories dominantes. Ces catégories populaires sont conduites par deux hommes : Pancho Villa (1878- 1923) et Emiliano Zapata (1879-1919). La guerre civile se traduit par la victoire des catégories dominantes dont les grands propriétaires du Nord du pays et les classes moyennes urbaines. 
  • Suite à ce long conflit, un parti devient dominant : le PRI (parti national révolutionnaire dont la création remonte à 1929) exerçant le pouvoir pendant 70 ans. Il dirige donc le Mexique pendant des décennies produisant ce que l'écrivain péruvien Mario Vargas Llosa nomme « la dictature parfaite du PRI ». Ce parti met en œuvre une réforme agraire (confirmant le système de l'ejido avec attribution collective des terres à une communauté), une politique de modernisation accrue. Il met avant l'idée de protéger les plus pauvres et de les alphabétiser. Le PRI pense que le développement du pays ne peut se faire que par un état présent : la nationalisation du pétrole avec le groupe PEMEX en est une illiustration. Le Mexique voit se développer un secteur industriel avec la sidérurgie, la pétrochimie... et des groupes performants comme PEMEX ( Petroleos Mexicanos) , un groupe créé en 1938, le groupe CEMEX (ciment, firme créée en 1931) ... 
  • Les années 1940-1980 sont des années de dynamisme réel et de croissance mais les années 1980-90 sont marquées par d'importantes difficultés dont la crise de la dette. Celle-ci a conduit le Mexique a un plan d'ajustement structurel donc à une libéralisation de son économie mais aussi au choix d' une intégration régionale avec les E.-U et le Canada. Dans la décennie 1980-1990, le PRI dominant entre en période de crise dans un Mexique pénalisé par les difficultés économiques (contre choc pétrolier réduisant les ressources financières liées aux exportations d'hydrocarbures), crise de la dette, effets des politiques d'ajustement structurel...). En 2000, un nouveau parti parvient au pouvoir : le parti d'action national avec Vicente Fox comme président entre 2000-2006 puis Felipe Calderon de 2006) à 2012. Le parti d'action national ne parvient pas à lutter contre certains problèmes dont la violence, la corruption ou encore le clientélisme ce qui permet en 2012 le retour au pouvoir du PRI avec Enrique Pena Nieto comme président (les présidents au Mexique sont élus pour une période de 6 ans non renouvelable au suffrage universel direct à un tour). 

 -une puissance émergente 

  • Le Mexique est considérée comme une puissance émergente par certains mais pour d'autres le Mexique est encore un état en développement. Ce pays a des atouts comme des façades maritimes avec une ouverture sur le Golfe du Mexique et une sur le Pacifique, des ressources naturelles : en 2018, le Mexique se classe au 10e rang des producteurs mondiaux de pétrole (3,5% de la production mondiale). Le pétrole ( 35% des recettes du budget de l'état) se trouve notamment dans les états de Vera Cruz ( Est du pays sur le Golfe du Mexique), de Tabasco et du Chiapas. Il est aussi producteur de gaz naturel autour du 15 e rang mondial. Le Mexique dispose de firmes transnationales : hormis PEMEX et CEMEX, une firme comme America Movil, un géant des télécommunications dont le fondateur est Carlos Slim, un des hommes les plus riches du monde, a racheté 23% de Telekom Austria ; autre firme importante, Corona appartenant au groupe Modelo est la 4e firme mondiale de bières ; le groupe CEMEX appartenant à la famille Zambrano est un des géants dans le ciment et a racheté le géant du ciment australien Rinker (une firme bien implantée aux E.-U.) ; le groupe Gruma est devenu le 1er groupe mondial en ce qui concerne la farine de maïs et possède 22 usines de transformation aux E.-U et 4 en Europe. 
  • Les firmes comme CEMEX, Gruma, Bimbo (créée en 1945 dont le domaine d'activité est la boulangerie (1er groupe mondial dans ce domaine) sont très présentes à l'étranger ; Les 20 plus importantes FTN du Mexique réalisent d'ailleurs un tiers de leurs ventes à l'étranger et ont 137 filiales en Amérique latine, 80 en Amérique du Nord et commencent à s'installer en Asie (Chine...). Le Mexique a incontestablement des structures économiques modernes avec un secteur industriel faisant travailler 20% de la population active : le Mexique est une puissance industrielle, certes encore limitée mais une puissance tout de même...
  • Néanmoins, des difficultés se font jour avec un secteur pétrolier en crise car insuffisamment modernisé et le gisement le plus important, celui de Cantarell (off shore), s'épuise d'où la nécessité de financer le développement d'autres gisements dans le Golfe du Mexique. Un autre secteur se développe, le secteur automobile avec la firme Mastretta cars créée en 1987 mais le secteur automobile bénéficie surtout de l'implantation d'usines maquillas qui bénéficient d'une main d' œuvre bon marché. Le Mexique a su se doter d'une économie plutôt moderne et relativement diversifiée surtout en comparaison des autres états d'Amérique latine. Le Mexique s'appuie donc sur les exportations de pétrole mais aussi les transferts financiers (remesas), les revenus liés au tourisme et les IDE comme nous allons le voir ci-après. 
  • Le Mexique est inséré dans la nouvelle division internationale du travail et la globalisation. Les transferts des migrants sont un apport important à l'économie mexicaine (transferts appelés remesas) et les IDE étrangers sont importants. Ces IDE notamment en provenance des E.-U traduisent l'insertion du Mexique dans la DIT continentale : une insertion favorisée par l' ALENA. Le stock d' IDE est passé de 0,3% du PIB en 1980 à 31% actuellement.
  •  Les industries maquillas représentent 50% de la production industrielle mexicaine avec une grande partie de la production non à destination du Mexique mais des E.-U ou du Canada. Par contre, ces IDE et ces maquillas ont transformé de façon importante le territoire puisque de nombreuses maquillas se sont implantées le long de la frontière nord du Mexique (Basse-Californie, Nouveau Leon et les villes de Tijuana, El Paso ou Laredo). L'insertion dans la mondialisation se fait également par le tourisme et les activités qui y sont liées. La plupart des touristes proviennent des E.-U à hauteur de plus de 60% : le Mexique est la principale destination au sud des américains. 

-mais une puissance confrontée à des difficultés notables : trafic de stupéfiants et cartels de la drogue, violences, pauvreté, problème « indigène »... 

  • Mais le Mexique est confrontée à plusieurs difficultés faisant de lui, pour certains, encore un pays en développement. Il doit faire face à un défi démographique et social sachant qu'il est un des états les plus inégaux de la planète. L'IDH du Mexique est plutôt faible avec un IDH de 0,770 en 2017, un taux de fécondité encore important dans les années 1990-2000 ( entre 3 et 2,6) mais en baisse régulière pour atteindre 2,15 en 2014 et donc une population jeune avec 27,9% des Mexicains ayant moins de 14 ans. Le Mexique est confronté à un défi démographique et à des défis sociaux. C'est un état très inégal où plus de 50% de la population vit en dessous du seuil de pauvreté et 40 millions de Mexicains, sans être considérés comme pauvres, sont dans des situations assez précaires. 44 millions de Mexicains n'ont pas accès au système de santé, 13 millions à l'eau courante... le Mexique a un coefficient de Gini 0,481. Les richesses sont contrôlées par une minorité composée des grands propriétaires, des grands industriels...
  •  L'un des hommes les plus riches de la planète est mexicain à savoir Carlos Slim (environ 75 milliards de dollars) : il est le dirigeant de Telmex une entreprise de télécommunications, du Grupo Carso, un conglomérat fondé en 1990. Ces difficultés économiques et sociales peuvent expliquer la violence que connaît ce pays ainsi que la corruption. Selon l'Institute for Economics and Peace, la pauvreté, la violence et la corruption aurait coûté au pays 34% de son PIB en 2014. La Banque centrale du Mexique évalue la corruption pour l'état et les finances publiques à 9% du PIB. La violence est en partie liée au trafic de drogue avec une véritable guerre de la drogue menée par l'état contre les cartels. Entre 2005 et 2012, cette guerre a provoqué la mort d'au moins 50 000 personnes voire 80 000. Enfin il existe un problème indien au Mexique : la communauté indigène au nombre de 14,2 millions connaît une situation économique et sociale difficile. 28% seulement des 15-24 ans de ces populations ont accès à l'école et 23% de cette même catégorie d'âge a accès au marché du travail. De façon globale, 52% des indigènes n'ont pas accès aux services de santé, 85% n'ont aucune protection sociale et près de 75% sont tout simplement dans une situation de pauvreté. 
  • Ces difficultés ont poussé certains Indiens notamment ceux du Chiapas à s'organiser d'où la formation de l'armée zapatiste de libération nationale (AZLN). Le Mexique connaît de fortes disparités régionales avec une région centrale dominante : le District fédéral de Mexico et les 5 états voisins (Morelos, Hidalgo, Puebla, Quéretaro et Tlaxcala) concentrent le tiers de la population du Mexique et du PNB (sur environ 7% de la superficie du pays). Inversement, le Sud-Est du Mexique est en retard de développement avec un versant Pacifique au relief tourmenté et concentrant une forte population indienne défavorisée comme c'est le cas dans la région du Chiapas. Il existe néanmoins des enclaves touristiques sur le littoral avec Acapulco ou Ixtapa. Par contre la presqu'île du Yucatan (Golfe du Mexique) connaît un certain essor par le tourisme comme avec la ville de Cancun ou grâce au pétrole avec Ciudad del Carmenr. Quelques régions connaissent un essor récent dont le Nord du Mexique qui se développe par la proximité des E.-U., l'apport des IDE américains... Le pôle de Monterey avec ses 4,5 millions d'habitants et la zone frontalière avec les maquiladoras ( entre Tijuana et Matamoros) sont les territoires dynamiques de ce Nord. 
  • On peut donc différencier trois Mexique (typologie de Laurent Carroué et Didier Collet) avec trois ensembles distincts que sont le Heartland, le cœur politique et économique du Mexique structuré autour de Mexico et deux périphéries qui sont le Nord lié à l'attraction des E.-U et le Sud lié à l'Amérique centrale. L'espace central se compose donc de Mexico mais aussi d'un pôle urbain comme Guadalajara et représente environ 52 millions d'habitants dont 33 pour ce qu'on nomme le Grand Mexico, 53,5% du PNB national (dont 35,5 % pour le Grand Mexico), 61% de la production industrielle ,74% du stock d'IDE... La périphérie du Nord s'organise autour de pôles urbains comme Monterey ou les « villes jumelles » situées à la frontière des E.-U : Tijuana et Ciudad Juarez. Ce Nord compte plus de 26 millions d'habitants, réalise 25,5% du PNB, 26% de la production industrielle et 23% des IDE. Enfin, la périphérie du Sud avec ses 23 millions d'habitants ne réalise que21% du PNB national et 3% des IDE. 

 b/ Quels liens avec le voisin américain ? 

-des liens forts avec les E-U 

  • Le Mexique entretient des liens importants avec ce voisin si encombrant que sont les E-U. L'appartenance à l' ALENA a renforcé des liens qui sont des liens de dépendance. Les dirigeants mexicains ont fait un choix stratégique en adhérant à l'ALENA qui devait favoriser selon eux le développement du Mexique. Mais par ce choix, ils sont devenus encore plus dépendants des E.-U. Ces derniers sont le premier partenaire commercial du Mexique et le Mexique est le 3e partenaire des E.-U au niveau des importations. 87% des exportations mexicaines sont à destination des E.- U et 53% de ses importations sont en provenance du Mexique. Plus de 40% des IDE au Mexique proviennent des E-U. Les liens économiques et commerciaux font que le Mexique est fortement lié aux E.-U. -mais des relations ambiguës Pour reprendre les termes de Laurent Carroué et Denis Collet, le Mexique « est devenu une annexe productive et touristique des E-U ». Les relations restent paradoxales avec un Mexique qui sert pour certaines entreprises américaines un territoire de délocalisations par le biais des maquillas. Par contre, les E.-U ont une politique plus que contestable aux yeux des Mexicains concernant l'immigration mexicaine vers les E.-U. Ils ont même construit le long d'une partie de la frontière un mur, ce mur que certains ont nommé le mur de la honte. Cette barrière est longue de plus de 1300 km et devait freiner l'immigration illégale. Ce qui est étonnant est la contradiction entre la signature d'un accord de libre-échange (ALENA) et le fait de limiter les mouvements migratoires entre les E.-U et le Mexique. Bilan : l'organisation du territoire mexicain Le Mexique s'organise autour de trois ensembles régionaux
  • 1/ Le territoire central autour de la région de Mexico ville clé : Mexico 53,5% du PNB + 61% de la production industrielle + 54% de la production agricole. Cette région est donc dominante au niveau économique mais elle est aussi le cœur politique et historique du pays 
  •  2/ Une première périphérie : le Nord villes clés : Tijuana, Ciudad Juarez, Nuevo Laredo, Monterrey 25,5% du PNB + 26 % de la production industrielle = 72% de la production minière. Cette zone bénéficie de l'attraction des E-U.
  •  3/ Une seconde périphérie : le Sud villes clés : Tampico, Cancun 21% du PNB + 13% de la production industrielle + 81,5% de la production énergétique Ce Sud notamment par sa façade sur le Golfe du Mexique bénéfice des gisements pétroliers. 

 C/ Les Caraïbes : une « Méditerranée » à l'interface Nord-Sud ? 

  • Pourquoi les Caraïbes sont encore en marge de l'Amérique du Nord ? Doit-on considérer cette zone géographique comme l'arrière cour des Etats-Unis ? Entre l'Amérique du Nord et l'Amérique du Sud, il y a ce qu'on nomme le Grand Bassin caraïbe qui peut être perçue à la fois comme une Méditerranée américaine et une interface Nord/Sud Elle est peut être perçue comme un système nodal au niveau des Amériques. L'expression « bassin caraïbe » est récente sachant que les Britanniques le nomme Caribbean Sea depuis le 18e siècle et que les géographes français utilisent les termes Amérique centrale ou Mer des Antilles. Ce grand bassin se compose des différentes îles et archipels, de l'Isthme liant le Mexique au sud du continent (du Panama au Mexique) mais aussi le Mexique vu précédemment ainsi que la Colombie et le Venezuela qui ont des façades sur la Caraïbe voire les états du Sud des E.-U que sont le Texas, la Floride notamment (mais aussi la Louisiane, Mississippi et Alabama). Le bassin caraïbe est donc composé de 34 états et de territoires ultramarins se structurant autour de deux zones maritimes le Golfe du Mexique et la mer des Caraïbes. Il s'agit d'un vaste ensemble maritime composé du Golfe du Mexique et de la mer des Caraïbes de 4,3 millions de km carré et il s'étire sur 1200 km du nord au sud et sur 4 000 km d'Est en Ouest. Ce bassin Caraïbe met en contact l'Amérique du Nord et l'Amérique du Sud soit des états en développement et des états riches, des aires de civilisation et culturelles différentes... 
  • Il est bien une interface Nord/Sud opposant deux mondes comme la Méditerranée séparant l'Europe de l'Afrique. On peut de ce fait se demander si cet espace est un espace étasunien,une arrière cour des E.-U. (l'expression « lac américain » est parfois utilisée) ou précisément une Méditerranée américaine ? La Caraïbe est géographiquement une Méditerranée américaine (cette idée avait été formulée dès le 19e siècle par Alexandre de Humboldt mais aussi par le géographe français Elisée Reclus en 1891) avec le golfe du Mexique et la mer des Caraïbes soit un espace maritime. La partie Est est notamment composée de plusieurs îles : les îles des Grandes Antilles (Cuba, Jamaïque, Haïti, Porto Rico, République dominicaine) et les îles nombreuses des petites Antilles. Historiquement, les îles de ce bassin sont les premières à avoir été découvertes et colonisées par les Européens. Elles ont été fortement concernées par les traites négrières et l'esclavage. Ce bassin caraïbe n'est pas homogène et les différences et disparités entre les différents états sont nombreuses. Les différences de richesse et de développement sont notables entre les états du Sud des E.-U qui concentrent 67 % du PIB du Grand Bassin caraïbe confirmant la domination des E.-U et les autres états. Les états de l'isthme (Amérique centrale) représentent seulement 2% du PIB régional. 
  • Ce bassin est fortement clivé dans au niveau politique que culturel ou au niveau économique. Il convient de mettre l'accent sur sa fragmentation à plusieurs niveaux. D'abord, la fragmentation est géographique avec des Grandes Antilles pouvant apparaître comme le cœur géographique de cet espace : des Grandes Antilles composées d'îles à la superficie relativement conséquente comme Cuba, la Jamaïque ou ce territoire composée d'Haïti et de la République dominicaine que les Espagnols avaient baptisé Hispaniola au moment de la conquête. Par contre, les Petites Antilles se composent de territoires ultramarins et de ce qu'on peut nommer des micro-états. Enfin, il faut préciser que ce bassin se compose de littoraux des états d'Amérique du sud-est des E.-U. Comme la Floride, des littoraux des états d'Amérique centrale et du Sud comme la Colombie, le Venezuela. On peut de ce fait considérer qu'il n'y a pas de réelle unité géographique entre des territoires aux dimensions très différentes. Cette zone a aussi une longue histoire avec une «accumulation successives de strates » (Laurent Carroué) aboutissant à une grande diversité tant au niveau des langues, des cultures, des histoires... On peut distinguer trois ensembles dont le Grand bassin caraïbe qui est la première région des Amériques découverte et exploitée par les Européens avec les grandes et petites Antilles, des territoires qui vont rapidement devenir des territoires esclavagistes mais sont aussi des enjeux géostratégiques pour les puissances des 16-19e (Espagne, Royaume-Uni, France...).
  •  Actuellement, cet espace est très émietté en plusieurs états dont des micro-états. Les Grandes Antilles se composent sont composées de quatre archipels et de cinq états : Cuba, île « d'Hispaniola » divisée en deux états : Haïti et République dominicaine, la Jamaïque et Porto Rico. Les petites Antilles sont une série de petites îles comprenant les Antilles françaises, la Barbade, la Dominique, Grenade, Montserrat, les îles Vierges britanniques, les îles Vierges des E.- U, Saint Christophe-et-Niévès, Sainte Lucie, Saint-Vincent-et-les-Grenadines ainsi que Trinité-et- Tobago. Autres ensembles : la rive Nord comprenant notamment la Floride, le Texas... et la rive Sud avec le Venezuela, la Colombie... La fragmentation est également politique avec des états étant souverains et des territoires qui ne le sont pas. 
  • Les territoires on souverains sont un héritage d'une colonisation ancienne. En effet, il existe dans cette zone des territoires ultramarins avec par exemple des territoires pour la France qui sont des départements comme la Martinique, la Guadeloupe ou la Guyane. Les E.-U disposent des îles vierges et Porto Rico est un état associé aux E-U. Le Royaume-Uni a aussi ses territoires ultramarins dans cet espace : Anguilla, les Bermudes, les îles Caïmans, les îles Vierges britanniques, Montserrat, îles Turques et Caïques comme les Pays-Bas avec Aruba, Bonaire, Curaçao, Saint-Martin ce qu'on nomme les Antilles néerlandaises. Plusieurs états sont par contre souverains comme Haïti, Cuba... La fragmentation est culturelle notamment par les différences linguistiques puisque les langues parlées sont l'anglais, l'espagnol, le français, le néerlandais et les langues dites créoles. 
  • Les populations sont également différentes avec une mosaïque ethnique. Enfin la fragmentation économique est évidente avec au Nord du bassin caraïbe, un état très puissant et riche que sont les E.-U dont les états de Floride et du Texas sont des états moteurs de la Sun Belt. Un autre ensemble se compose des territoires ultramarins qui bénéficient du soutien des métropoles mais aussi de l'Union européenne sous l'appellation de PTOM (pays et territoire d'outre-mer) ou de RUP (région ultrapériphérique). Les RUP sont considérées comme faisant partie intégrantes de l'UE : il s'agit de la Guadeloupe, de la Martinique, de la Guyane et de saint- Martin. Parmi les PTOM, on retrouve les Antilles néerlandaises, les territoires liés au Royaume- Uni. Ce qu'on peut appeler le « Sud » du bassin regroupe des états très différents économiquement avec des états relativement dynamiques comme le Mexique, la Colombie voire le Venezuela et des états plus en difficultés comme Cuba et surtout Haïti. 
  • Le Grand Bassin des Caraïbes est une interface Nord-Sud avec des dynamiques démographiques différenciées que ce soit au niveau des densités, du nombre d'habitants par état... mais également au niveau des richesses et des écarts de développement. Ainsi, les états du Sud des E.-U qui réalisent d'ailleurs un tiers du PIB des E.-U polarisent 67% du PIB de la région Caraïbe. Inversement, les îles caribéennes ne représentent que 6% de ce PIB régional. Les écarts sont phénoménaux entre la Floride et Haïti par exemple. 

a/ Des atouts et de l'attractivité 

-les Caraïbes, des atouts sources de développement 

  • Les Caraïbes ont des atouts (il ne sera pas évoqué ici la partie Sud des E.U mais surtout les îles caribéennes et l'isthme d'Amérique centrale) : des atouts d'abord géographiques et climatiques. La mer, un climat intéressant permettent les activités et le développement touristiques comme certaines productions agricoles (agrumes, canne à sucre....). La proximité des E.-U peuvent être également perçue comme un atout par la proximité d'un marché important et la présence d'individus à haut niveau de vie. Le Golfe du Mexique a également des ressources naturelles comme le Pétrole dont bénéficie surtout le Mexique. Un autre atout important sont les routes maritimes et notamment le poids du canal de Panama : ce dernier depuis 1999/2000 appartient (en théorie) à l'état panaméen. 
  • Ce canal joue un rôle important au niveau des flux de marchandises. Parmi les atouts, on peut évoquer l'atout économique des zones franches aussi nommées espaces dérogatoires qui comprennent à la fois les zones franches et les paradis fiscaux. Les zones franches sont des territoires limités où les entreprises qui s'y installent bénéficient d'avantages importants : zone franche du Port de Jarry à la Guadeloupe, la zone franche de Colon au Panama...Les paradis fiscaux , par contre, correspondant à des états qui ont fait ce choix : ils génèrent de très importants flux financiers y compris des flux illicites. Parmi ces paradis fiscaux, on trouve les Bahamas ou encore les îles Caîmans (celles-ci sont considérées comme un des centres financiers majeurs au monde).nous reviendrons ci-dessous sur ces paradis fiscaux ; 

 -une attractivité certaine mais une insertion particulière dans la globalisation

  • L'attractivité de la zone caraïbe est certaine même si elle est partiellement ambiguë car liée soit aux conditions climatiques et géographiques faisant de la Caraïbe un espace avant tout touristique ou à la présence de paradis fiscaux comme à Panama, au Belize, à Montserrat... La Caraïbe est aussi une zone de trafics et de différents commerces illicites. Pour les états de la zone Caraïbe, l'insertion dans la globalisation est inégale surtout si on élargit l'analyse à l'ensemble du Grand Bassin caraïbe. Les états caribéens sont insérés à certains niveaux dans la mondialisation mais c'est une insertion fragile avec des états dominés. Ces derniers ont des économies généralement extraverties. Ce sont aussi des états structurellement fragiles aux ressources limitées si l'on excepte le Mexique ou le Venezuela et leurs ressources pétrolières. Ces états sont souvent de dimension réduite et cet émiettement ne peut être qu'un frein au développement économique sauf à s'unir. 
  • Plusieurs organisations se sont mises en place comme la Communauté caribéenne créée en 1973 ou le Marché commun centraméricain (MCCA) fondé en 1960. Les états caribéens dans les années 1960 font le choix d'un modèle de développement fondé sur la libéralisation et l'ouverture à l'exception de Cuba devenue communiste avec F. Castro. Le problème est que ces états ont des économies proches basées sur la production et les exportations de même produits notamment agricoles comme la Banane où les états d'Amérique centrale et des Antilles sont en concurrence. Certains états décident de se spécialiser autrement comme paradis fiscal, comme pavillon de complaisance comme Panama ou les Bahamas. Ces économies bénéficient d' IDE importants. Dans la division internationale du travail, plusieurs de ces états se sont donc positionnés comme exportateurs de produits agricoles (banane, sucre...) ou autres comme le pétrole pour le Venezuela. Ces choix font que ces états sont dépendants à l'égard des cours. Les flux touristiques sont une autre manne pour plusieurs de ces états. : le Grand bassin caribéen est un pôle touristique important avec environ 60 millions de touristes en 2018 (16% du tourisme mondial) qui bénéficie à des états comme la République dominicaine, aux Bahamas, le Costa-Rica... 
  • Cuba s'est également ouvert au tourisme les Bahamas sont devenus un pôle touristique important avec plus de 3,5 millions de touristes représentant 40% du PIB de l'archipel. Le tourisme est le secteur qui a connu la plus forte croissance. Les flux touristiques proviennent surtout des E.-U et comme cela a été évoqué, certains états semblent être des annexes touristiques des E.-U comme le Mexique, les ïles Caïmans, le Costa Rica avec respectivement 80%, 70% et 50% de touristes américains. En 2013, 168 millions de touristes sont comptabilisés sur le continent américain dont 54 millions pour le Bassin Caraïbe (32% du total) qui ont généré pour 48 milliards de dollars de dépenses :56 millions en 2016. Le bassin de la Caraïbe est ainsi le premier bassin de croisière de la planète La Caraïbe est devenue un des zones touristiques majeures de la planète. Le rôle des paradis fiscaux n'est pas à négliger tout comme les flux illicites liés au commerce de la drogue. 
  • Déjà en 2010, le FMI affirmait que la Barbade , les Bermudes ou les îles Vierges britanniques avaient reçu plus d' IDE que l'Allemagne ou le Japon. Parallèlement, les îles Vierges étaient en 2010 le second investisseur en Chine juste après Hong Kong. Bien entendu, ces paradis fiscaux permettent le blanchiment des capitaux issus des différents trafics et commerces illicites. Le Bassin caraïbe dispose de 40% des paradis fiscaux de la planète : Belize, Costa Rica, Panama, îles Caïmans, Bahamas, Barbade, Montserrat, Antigua-et-Barbuda...
  • Dans un état comme les Bahamas le secteur financier représente 15% du PIB avec 415 banques et surtout 100 000 sociétés financières. Le Belize, indépendant depuis 1981 et membre du Commonwealth et du Caricom, a fait le choix d'être un paradis fiscal alors qu'il a aussi des atouts touristiques où les sociétés dites off shore ne paient pas d'impôts (Belize = 22 000 km carré + près de 350 000 habitants avec Belmopan comme capitale+ PIB par habitant de 4 619 dollars en 2013). Enfin, la Caraïbe est une zone importante du trafic de drogue notamment une zone relais entre les E.-U et l'Amérique du Sud ; Les pôles émetteurs de cocaïne sont la Colombie, la Bolivie, le Pérou et le pôle récepteur les E.-U. : la caraïbe est donc une zone de transit. Le trafic génère des profits très importants avec plusieurs zones de passages : le passage par l'isthme d'Amérique centrale, le passage par les grandes Antilles...Ce trafic génère d'importants profits : pour l'ensemble de la zone, on estime qu'il représente entre 10 et 15% du PIB total. 

b/ Les rapports avec les E.-U : dépendance ou émancipation ? 

 -une « arrière cour » du géant étatsunien

  • La zone caraïbe apparaît à plusieurs niveaux comme une « arrière cour » des Etats-Unis. Le Bassin caraïbe est incontestablement l'espace du continent américain qui est le plus sous contrôle et sous domination étasunienne. Pour les E.-U, et ce depuis le 19e siècle, la Caraïbe est un espace qui doit être contrôlé. Cette domination s'exerce par plusieurs biais : les IDE, le commerce, l'impact du dollar, le contrôle et les interventions politiques... Les firmes américaines investissent beaucoup dans la zone caraïbe sans compter la forte présence de groupes américains notamment en Amérique centrale comme la United fruits ou Dole Food Company. La première nommée est une firme créée en 1899 spécialisée dans la banane : en 1989, elle a changé de nom pour se nommer : Chiquita Brands International. Cette firme est très présente au Costa-Rica, Guatemala, colombie, Honduras... Elle a été récemment racheté par une firme brésilienne Cutrale. Dole est une firme spécialisée dans les fruits et est présente en Colombie, au Honduras... La domination s'exerce par les échanges : pour de nombreux états, les E.-U sont la destination essentielle : 79% des exportations du Honduras sont à destination des E.- U., les pourcentages sont de 54% pour le Nicaragua, 50% pour le Salvador...
  •  Il faut préciser que les E.-U et leurs firmes mettent plusieurs de ces états en concurrence puisqu'ils ont des productions similaires. Il faut en plus rappeler que cette dépendance est renforcée par la signature de plusieurs traités bilatéraux notamment entre les E.-U et Guatemala, les E.-U et la République dominicaine... Ces états sont aussi dépendants des E.-U et du dollar qui y joue un rôle essentiel : les monnaies sont généralement indexées sur le dollar et un état comme le Salvador a même comme monnaie le dollar. Enfin, au niveau politique et géopolitique, les E.-U ont toujours joué et jouent encore un rôle majeur comme l'illustre le contrôle du Panama et de son canal. Certes, le canal a été rétrocédé au Panama en décembre 1999 mais le traité de rétrocession prévoit que les navires américains sont prioritaires sur les autres. 

 -quel partenariat possible avec les E.-U. ?

  •  Il existe bien des partenariats entre les E.-U et les états caribéens comme le montre par exemple l'accord signé entre les E.-U., la République dominicaine et les états du CAFTA en 2004 : il s'agit d'un accord de libre échange.L'accord de libre échange entre l'Amérique centrale et les E.- U (CAFTA) mis en place entre 2004 et 2009 visent à amplifier les échanges entre les états signataires : E.-U., Costa-Rica, République dominicaine, Salvador, Guatemala, Honduras et Nicaragua. Le problème posé par cette logique de partenariat est qu'elle relie un état très puissant à des états en développement. On peut aussi faire remarquer qu'il n'existe pas de partenariat sur la question de l'immigration alors que les flux migratoires sont importants. 

c/ Des états néanmoins aux situations différentes 

Les états caribéens ont des situations diverses quant à leur insertion dans la mondialisation et leur dynamisme économique. Le bassin de la caraïbe se compose d'un « Nord » et d'un « sud » mais c'est une zone de diversité entre des états assez puissants comme le Mexique, la Colombie ou le Venezuela mais également de petits états (micro-états), de territoires ultramarins. 

 -des états aux stratégies d'insertion dans la mondialisation

  • Plusieurs états du Grand Bassin caraïbe sont partiellement insérés dans la mondialisation car disposant de ressources et ayant un relatif potentiel agricole et/ou industriel : Mexique, Colombie, Venezuela D'autres états tentent de s' insérer dans la globalisation par le tourisme, le choix d'être un paradis fiscal : ce sont des états en développement mais sous dépendance

 -des états en situation très difficile : de Cuba à Haïti 

  •  Plusieurs états sont en difficultés et sont à la fois en retrait de la globalisation et considérés comme en retard de développement. C'est le cas des états d'Amérique centrale comme le Salvador, le Guatemala... et d'un état longtemps marginalisé à savoir Cuba. Enfin, un état est très en retrait et se trouve être le seul PMA du continent Américain : Haïti. Ces états du bassin caraïbe tentent de s'intégrer à l'échelle régionale ou continentale. Il faut rappeler qu'il existe une organisation globale qui est l' OEA. Mais pour favoriser le dynamisme économique, développer les échanges, les états du Bassin ont mis en place des Unions régionales. C'est le cas avec l'Association des états de la caraïbe (AEC ou ACS en anglais) : cette association née en 1994 se compose de 25 membres . Il s'agit d'une association réunissant des états dits du Sud : parmi ses membres, on trouve les Bahamas, le Belize, la Colombie, le Costa- Rica, Haïti, la république dominicaine, le Surinam.... Certains territoires sont des membres associés comme la France avec la Guyane, la Guadeloupe et la Martinique. Le but de l' AEC est de renforcer la coopération et l'intégration régionales.
  •  Il existe également la Communauté des Caraïbes ou CARICOM dont la création remonte à 1973. Elle regroupe 15 états avec comme objectif la création d'une zone de libre échange et a même lors d'un sommet en 2003 évoqué une coopération qui serait de nature plus politique et judiciaire. On peut ajouter qu'il existe concernant l'Amérique centrale une union douanière avec le Marché commun centre-américain (MCCA) sans oublier l' ALBA à laquelle adhèrent Cuba, le Venezuela... Conclusion Le grand bassin caraïbe est bien une interface mondiale et américaine parce qu'il génère des flux importants quelque sont la nature de ces flux : touristiques, financiers, commerciaux... (le canal de Panama est un pôle du commerce mondial = 5% du trafic maritime mondial). Mais c'est un espace qui reste dominé par les E.-U notamment au niveau économique. Le bassin carabe est ̈bien une arrière cour américaine.
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