Chapitre 3: Géopolitique de l'Afrique, du Proche et du Moyen-Orient

1/ Conflits et conflictualité en Afrique : dimensions et facteurs


L'Afrique subsaharienne est concernée par plusieurs conflits: guerres civiles et coups d'état, guerres entre états, montée de l'islam radical... Elle est souvent perçue comme ingérable avec la formation de zones dites grises, des zones où les structures étatiques font défaut. Le problème de l'Afrique est la fréquence et la récurrence des conflits. L'Afrique ne peut cependant être réduite à une zone de conflits perpétuels. Ce continent est néanmoins un continent où s'exercent d'importantes violences avec des conflits qui auraient fait environ 10 millions de victimes depuis les années 1960. Quelques rares états n'ont pas connu de guerres depuis leur indépendance: Botswana,Cap-Vert, Ghana, Zambie notamment. 

 A/ Des conflits dévastateurs sources de difficultés profondes 

Les conflits en Afrique ont, comme de nombreux conflits, plusieurs dimensions: internes ou externes, dimensions religieuses, “ethniques”, économiques... Ils sont complexes et s'expliquent rarement par une cause unique. Aucun conflit n'est unidimensionnel. 200 millions d'Africains vivent dans des états touchés par des conflits. Les conflits en Afrique comme tous les conflits sont variables par leur durée, leur intensité ou même leur extension territoriale. Les conflits peuvent être internes (infranationaux), régionaux ou internationaux. Les conflits peuvent se différencier par leurs raisons: volonté de sécession, volonté d'accroître une zone d'influence... et concernent différents acteurs: armées régulières, groupes rebelles, mercenaires, enfants soldats de plus en plus... Les conflits locaux opposent des “ethnies”, des clans ou éventuellement des populations autochtones à des populations allogènes. La pression démographique, les inégalités économiques et sociales peuvent renforcer les conflits en question. Les facteurs des conflits sont le plus souvent pluriel:il est rare qu'un conflit soit mono-causal. 

 a/ Des conflits internes nombreux minant les états et les sociétés

Plusieurs conflits en Afrique subsaharienne sont des conflits internes c'est-à-dire des guerres civiles. A ces conflits se greffent des zones où les tensions sont fortes pouvant déboucher sur un conflit. En fait, les conflits interétatiques sont plutôt peu fréquents à l'inverse des conflits intraétatiques. Avant même d'analyser les guerres civiles, il faut rappeler que plusieurs pays africains ont connu des guerres d'indépendance dite de libération nationale. Les guerres d'Algérie, d'Angola et du Mozambique en sont des exemples. 

 -Des guerres civiles durables et meurtrières 

  • Les guerres d'indépendance d'Angola et du Mozambique une fois terminée se sont poursuivies sur un autre registre celui de guerres civiles dans un cadre d'affrontements idéologiques en lien avec la guerre froide. En Angola, deux mouvement se sont affrontés après l'indépendance: Le Mouvement populaire de libération de l'Angola (MPLA), un mouvement marxiste soutenu par Cuba et l'URSS, le Front national de libération (FNLA) et un mouvement appelé l'Union nationale pour l'indépendance totale de l'Angola (UNITA) soutenu pare les E-U et l'Afrique du Sud. Ce conflit ne s'est terminé qu'en 2002 par la victoire du MPLA qui a depuis abandonné les références au marxisme. Un processus identique a eu lieu au Mozambique avec l'opposition entre le FRELIMO (Front de libération du Mozambique) marxiste et le RELIMO (Résistance nationale du Mozambique): ce conflit se termine en 1992. 
  • On retrouve ce type de conflit lié à la guerre froide en Ethiopie où un mouvement marxiste le DERG (Comité des égaux) s'appuyant sur un parti : le parti révolutionnaire du peuple éthiopien a pris le pouvoir entre 1974 et 1991. Le régime du Derg prend fin en 1991 suite à un long conflit l'opposant à un Front démocratique révolutionnaire. Avec ces conflits, nous sommes dans le cadre de la guerre froide et de guerres nommées guerres de substitution. Avecla fin de la guerre froide, ces conflits n'existent plus même si ils ont laissé des traces durables. L'Afrique subsaharienne connaît ou a connu d'autres conflits internes aux effets dévastateurs.C'est le cas des guerres de fragmentation ou guerres séparatistes par lesquelles un état peut éclater. Plusieurs guerres relèvent de ce type: la guerre du Biafra de 1967 à 1970, la guerre au Katanga en RDC, le conflit au Sénégal dans la région de la Casamance, la guerre entre l'Ethiopie et l'Erythrée conduisant à l'indépendance de l'Erythrée en 1993 ou encore la guerre au Soudan ayant abouti en 2011 à un nouvel état. 
  • En 1960, à peine l'indépendance obtenue, le Congo entre en guerre avec la volonté de sécession de la province du Katanga: le conflit dure trois ans sans que les Katangais deviennent indépendants. En 1967, la région du Biafra au Nigeria proclame son indépendance: une guerre commence contre l'état du Nigeria qui se solde par des centaines de milliers de morts et une indépendance non obtenue. Le conflit en Casamance a débuté en 1982: la Casamance est une région du Sénégal dont la particularité géographique est d'être séparée du Sénégal par un état anglophone: la Gambie. Les habitants de Casamance réclament et luttent pour l'indépendance car ils se sentent à l'écart du Sénégal: ce conflit n'est toujours pas achevé. A ces conflits qualifiés de séparatistes s'ajoutent des conflits dits identitaires sachant que les conflits déjà évoqués ont aussi cette dimension. Les conflits identitaires ont pour origine le fait que des groupes se sentent à tort ou à raison discriminés soit en tant qu'ethnie soit en tant que groupe religieux distinctif ou les deux à la fois. On peut s'appuyer sur plusieurs exemples. Au Rwanda et au Burundi, des conflits et des tensions apparaissent dès les indépendances entre deux catégories de populations: les Hutus et les Tutsis. En ce qui concerne le Rwanda, les Hutus prennent le contrôle du pouvoir après l'indépendance. Délaissés par les colonisateurs belges pendant la colonisation au profit des Tutsis, ils pratiquent des politiques de discriminations mais aussi des massacres comme en 1962. Cette discrimination conduit à la mise en place d'une organisation rebelle composée de Tutsis (l'Ouganda est leur base de repli). 
  • Le point culminant est l'année 1994 où les dirigeants Hutus décident d'éliminer les Tutsis (et les Hutus qui les soutiennent) ce qui conduit à un véritable génocide. Au Burundi, le processus est inversé puisqu'en 1962, des extrémistes Tutsis prennent le pouvoir et éliminent de nombreux Hutus. Ces “nettoyages ethniques “ se reproduisent à plusieurs reprises en 1965, 1969 ou 1972. La même logique se retrouve au Soudan où se retrouve une opposition entre un Soudan du Nord à dominante musulmane et avec une partie de la population qui est d'origine arabe et un Soudan du Sud à dominante chrétienne ou animiste. 
  • C'est une guerre qui se situe à plusieurs niveaux géographiques: une guerre entre les deux Soudan mais aussi une guerre dans l'Ouest du Soudan en l'occurrence dans la région du Darfour à partir de 2003. Dans cette région des mouvements rebelles s'appuyant sur des populations noires musulmanes mais non arabes (peuples Fours, Masalits...) luttent contre des milices appelées Janjawids composées d'Arabes certes mais aussi de populations noires arabisées. La guerre au Darfour obéit à plusieurs logiques: des logiques “ethniques” mais également économiques qui ont été un peu trop vite oubliées. En effet, au Darfour s'oppose des peuples et cultures sédentaires et nomades qui n'ont pas la même perception de la terre (et de son contrôle) sachant qu'en plus des gisements de pétrole ont été découverts dans cette région. Quant à la guerre entre les deux Soudan, elle se conclut en 2011 par la création d'un nouvel état: le Soudan du Sud. Depuis, ce Soudan du Sud connaît à son tour un conflit. Le Sud Soudan est indépendant depuis juillet 2011 après un long conflit (1989-2011) ayant provoqué la mort de plus de deux millions de personnes ainsi que d'importants flux de réfugiés notamment vers le Tchad. 
  • Ce nouvel état (capitale Juba) est un état de près de 9 millions d'habitants et d'une superficie non négligeable de 589 700 km carré. Comme nombre d'états africains, il est constitué de plusieurs ethnies (Nuer, Chilluk...) avec un peuple majoritaire: les Dinka. C'est un état pauvre (espérance de vie de 53 ans pour les hommes) mais dont le sous-sol contient du pétrole. C'est aussi un état où vivent des populations musulmanes (18%), chrétiennes (65%) et animistes (17%). Le pouvoir est détenu par le mouvement qui a lutté pour l'indépendance: le Sudan People's Liberation Movement (SPLM) avec à sa tête Salva Kiir et qui s'appuie sur l'ethnie majoritaire les Dinka. On note la présence d'une force de l'ONU (7000 soldats). Or, la présence de ressources pétrolières (98% des recettes de l'état) suscite des convoitises: convoitises internationales (Chine, France avec Total...) et convoitises internes. Le seul oléoduc utilisable actuellement passe par le Soudan du Nord ce qui complique la situation. Depuis plusieurs mois, des affrontements ont lieu entre ethnies pour un meilleur partage du pouvoir et des richesses. Autre état instable: la République centrafricaine. Cet état a connu de multiples coups d'état et surtout une guerre à partir de 2013. ce conflit débute lorsque le président en place Bozizé ( arrivé lui même au pouvoir par un coup d'état) est renversé par des forces rebelles du nord de la République centrafricaine: la rébellion Seleka. 
  • Cette rébellion est composée en grande partie de musulmans et a le soutien du Soudan et du Tchad. Elle commet de nombreux crimes et exactions menant à la formation d'une contre rébellion: les milices dites anti-balakas composées en grande majorité de chrétiens. La France est intervenue par l'opération Sangaris. Très complexes sont les conflits et tensions dans la région des grands lacs en particulier en RDC qui sont à la fois des conflits à dimension ethnique comme au Rwanda et au Burundi comme nous l'avons vu mais aussi des conflits dans lesquels des états extérieurs interviennent. La RDC est en proie à plusieurs conflits successifs. Un conflit, la première guerre du Congo, en 1996-1997 où le dictateur en place Mobutu est chassé du pouvoir par Kabila: ce dernier est soutenu par le Burundi et le Rwanda. La RDC est profondément déstabilisée à la fois par ce renversement de pouvoir mais également par les nombreux réfugiés notamment Hutus présents en RDC suite aux affrontements liés au génocide de 1994 au Rwanda et à la prise du pouvoir dans ce même Rwanda de Paul Kagamé (un Tutsi). 

  • Une seconde guerre se déclenche entre 1998 et 2003 opposant cette fois le pouvoir central de la RDC à des rebéllions situés dans le Nord et l'Est du Congo. La donne a changé: Kabila reçoit le soutien de l'Angola, de la Namibie notamment alors que les rebelles ont le soutien de l'Ouganda et du Rwanda. On estime que ce conflit a provoqué la mort de près de 3 millions d'individus. Depuis 2004, une troisième guerre se déroule dans la région du Kivu (voir précédemment) dans l'Est du pays opposant plusieurs groupes différents contre le gouvernement en place. Le Kivu est une région riche en ressources minières suscitant l'intérêt de nombreux mouvements et des états voisins. On pourrait évoquer de terribles guerres civiles ayant eu lieu en Sierra-Leone entre 1991 et 2002 ou au Liberia entre 1989 et 2003). 

-de fortes tensions ethniques et /ou religieuses provoquant des situations explosives

  • Les facteurs des conflits en Afrique sont multiples et s'interpénètrent: facteurs politiques (contrôle du pouvoir...), facteurs économiques (contrôle des richesses) ou facteurs culturels (religions...). Parmi les facteurs politiques, la faiblesse des états et de leurs structures: elle se traduit par plus de 200 coups d'état depuis les indépendances. Beaucoup d'états sont fragiles ne parvenant pas à contrôler leurs territoires (manque d'infrastructures...) et les populations ce qui facilite le développement de groupes rebelles. Cette fragilité se traduit aussi par une incapacité à assumer les pouvoirs régaliens de l'état (police, justice...) et une corruption atteignant des degrés très élevés avec un clientélisme démesuré. De plus, des minorités ont tendance à accaparer les richesses (familles, clans...) qui ne sont donc pas répartis équitablement. 
  • Les individus ne pouvant pas compter sur les états ne peuvent que rechercher d'autres appuis: solidarité ethnique, religieuse, groupes rebelles ou autres. Autre donnée importante: les ethnies. Les états africains sont pluriethniques or de nombreux dirigeants africains s'appuient sur une ethnie pour contrôler le pouvoir au lieu de véritablement forger une nation unie. Parallèlement, certains groupes ethniques se sentent exclus ce qui provoque des réactions identitaires sources de conflits. On sait pourtant que certaines ethnies sont des constructions imaginaires et qu'en plus l'état nation n'est pas incompatible avec la diversité. Peut s'ajouter une dimension religieuse: les fractures religieuses sont bien réelles impactant de nombreuses situations. Plusieurs conflits ou des tensions ont une composante religieuse. 
  • Dans plusieurs états africains s'opposent populations musulmanes et chrétiennes comme au Nigeria avec un Nord à dominante musulmane et un Sud à dominante chrétienne. Le Tchad, le Soudan ou la Côte d'Ivoire obéissent à la même logique. Enfin il ne faut jamais oublier la dimension économique et sociale de nombreux conflits. Les tensions au Nigeria ne sont pas seulement religieuses: le Nord du Nigeria est en retard économique par rapport au Sud, un Sud qui dispose des ressources pétrolières. Le contrôle des ressources naturelles est donc un autre élément décisif. La guerre du Biafra entrait aussi dans cette logique des ressources. Au Katanga, au Kivu (RDC), au Soudan... les guerres s'expliquent aussi par les ressources. 

 b/ Des conflits inter-étatiques s'inscrivant dans une logique plus globale 

Pour rendre l'analyse encore plus complexe, il faut analyser deux autres types de tensions et conflits: ceux liés au développement de l'islam radical et les conflits, au demeurant assez rares, entre états. 

-le développement de l'islam radical : des foyers de crises importants déstabilisant une partie du continent 

  • L'Afrique subsaharienne n'échappe pas à l'islam radical et à son développement. Le djihadisme est présent sur plusieurs territoires: Mali, Niger, Mauritanie, Tchad, Soudan, Nigeria, Somalie avec des implications dans les états à proximité. La présence d'AQMI (Al Qaïda Maghreb Islamique) est présent au Mali, Niger, Mauritanie alors qu'au Nigeria il s'agit de Boko Haram. Le Soudan est quant à lui un régime islamiste et en Somalie agit un groupe depuis les années 2006 à savoir les Shebab. 
  • Les mouvements islamistes se sont développés après les attentats du 11 septembre 2001. Nous reviendrons ultérieurement sur la Somalie et le Mali. La secte Boko Haram est un exemple intéressant d'un mouvement islamiste. Ce mouvement est né et s'est développé au Nigeria, un état fédéral dont une partie, le Nord, est plutôt musulmane alors que le Sud est chrétien. L'actuel président du Nigeria etait ces dernières années un chrétien: Jonathan Goodluck. 
  • En 2015 lui a succédé Muhammadu Buhari, un musulman sunnite. La secte Boko Haram dont le nom est la Jama'atu Ahlul Lidda'awati Wal Jihad est créée en 2002 par Mohamed Yusuf dans le Nord-est du Nigeria. M. Yusuf est éliminé par les forces de sécurité du Nigeria et remplacé par Abubakar Shekau. Boko Haram souhaite une stricte application de la charia, une charia déjà appliquée dans les états musulmans du Nigeria mais pas de manière assez sévère pour Boko Haram. 
  • Ce mouvement rejette l'occidentalisation et lutte contre un état jugé impie. Progressivement, ce mouvement se tourne vers le terrorisme par des attentats, des enlèvements y compris dans un des pays voisins le Cameroun avec enlèvement d'un prêtre français au Cameroun en 2014 puis enlèvement de 220 lycéennes mais aussi massacres de centaines de personnes dans le nord du pays. Actuellement, le groupe souhaite la création d'un califat fortement inspiré par l'état islamique au Levant (DAECH). Boko Haram profite de l'incapacité de l'état à agir mais aussi de la pauvreté dans une partie du Nigeria. 

-des conflits entre Etats en cours ou potentiel 

  • L' Afrique est aussi l'objet de conflits inter-étatiques mais ils sont rares. Ces conflits et tensions sont généralement liés à des questions de frontières. L'intervention de la Libye au Tchad pour contrôler la bande d'Aouzou entre dans ce cadre: cette bande a été annexée par la Libye en 1976 avant d'être reprise par le Tchad en 1987 et en 1994 la cour internationale de justice de La Haye a confirmé l'appartenance de la bande d'Aouzou au Tchad. 
  • La Somalie et l'Ethiopie se sont affrontés en 1977-78 au sujet de la région de l'Ogaden appartenant à l'Ethiopie mais que la Somalie souhaitait récupérer puisque l'Ogaden est composée notamment de populations somalis. Enfin, on peut citer le conflit entre l'Ethiopie et l'Erythrée entre 1998 et 2000 au sujet du contrôle d'une zone frontalière: une guerre sans vainqueurs mais ayant provoqué des milliers de morts et des réfugiés.. 

B/ Les conséquences géopolitiques des conflits 

Tous ces conflits qu'ils soient internes ou externes ont des effets considérables sur les territoires sur lesquels ils se sont déroulés. La géopolitique d'une partie de l'Afrique en est modifiée. 

a/ Des Etats en voie d'éclatement et l’essor des zones grises...: une Afrique vraiment mal partie 

Ces conflits ont mené des états au bord de l'éclatement et à la formation de zones grises qui ne sont plus contrôlées par les états mais par des groupes politiques. 

 -des Etats en perdition : la Corne de l'Afrique à la Centrafrique

  • Certains états sont en perdition en particulier dans la corne de l'Afrique. C'est le cas de la Somalie du Sud Soudan déjà évoqué, de l'Erythrée pour des raisons différentes. Autre état en difficulté mais qui ne situe pas dans la corne de l'Afrique: la RDC. La Somalie est en guerre depuis les années 1990. Lors de la chute du dictateur Siad Barré en 1991, différents clans sont entrés en conflit. La Somalie est un état en voie d'éclatement avec deux zones ayant proclamé leur indépendance: le Somaliland et le Puntland, des indépendances non reconnues sur le plan international. 
  • En plus, la Somalie doit lutter contre un mouvement islamiste: les Shebab (voir ci- après). Le Sud Soudan dont l'indépendance est récente est entrée dans une guerre dont on ne sait pas encore quels seront les effets: dislocation de ce nouvel état ? L'Erythrée est devenue un régime très autoritaire et répressif provoquant un exode important des populations. Enfin la RDC a perdu le contrôle d'une partie de son territoire à savoir le Kivu. Nous sommes dans des situations compliquées où des états ont perdu le contrôle de territoires et d'une partie de leur souveraineté. 

 -des zones grises: de la Somalie des Shebabs à la Piraterie

  • L'instabilité de plusieurs régions génère ce qu'on appelle des zones grises que les états n'ont plus les moyens de contrôler. La Somalie en est un bon exemple. En voie d'éclatement, elle doit aussi lutter contre un mouvement islamiste: les Shebab, un mouvement qui veut imposer la charia et qui est capable de mener des actions terroristes hors de Somalie comme au Kenya. En effet, le Kenya est intervenu contre les Shebab craignant une extension et une influence de ce mouvement. Le territoire sous contrôle des Shebab est hors contrôle de l'état somalien. Autre phénomène inquiétant est le développement de la piraterie, signe d'états en déliquescence. 
  • Cette piraterie est en partie le fait précisément des Shebab et de Somaliens au large de la Somalie. Actuellement, la zone est davantage sécurisée grâce aux opérations Atalante organisée par l'Union européenne et Ocean Shield organisée par l'OTAN sous l'égide des E-U. Mais une autre zone est concernée à savoir le Golfe de Guinée où sont visés des pétroliers. 

b/ Les flux importants de réfugiés : un symptôme des problèmes (voir plus haut) 

Ces conflits provoquent des flux de réfugiés très importants notamment pour les états africains eux-mêmes. Mais ils ont aussi des effets sur l'Europe. 

 -les réfugiés: un problème interne majeur 

  • Le problème des réfugiés est d'abord un problème interne à l'Afrique. De nombreux individus trouvent en effet refuge dans les états voisins : ce sont selon le HCR à proprement parler des réfugiés. D'autres sont contraints de se déplacer à l'intérieur de leurs pays. En Afrique subsaharienne, on dénombre trois millions de réfugiés en provenance de pays en guerre depuis plusieurs années: Somalie, Soudan, RDC, République centrafricaine ou d'une dictature comme l'Erythrée. Ces réfugiés se retrouvent dans des pays proches: Tchad pour les réfugiés somaliens ou soudanais, Ethiopie pour également des réfugiés soudanais et somaliens... 
  • En ce qui concerne les déplacés, ils sont nombreux notamment en RDC dont de nombreux individus ayant fui le Kivu, au Soudan, en Somalie... Le problème pour les pays d'accueil est que ce sont des états pauvres qui ont peu de moyens financiers: c'est le cas notamment du Tchad. Heureusement que l'ONU et le HCR agissent pour pallier aux difficultés d'accueil des réfugiés. 

- impactant aussi l'Europe 

  • L'Europe est également concernée par les conflits et les flux de réfugiés qu'ils provoquent. C'est le cas depuis plusieurs années avec des flux en provenance de la corne de l'Afrique (Soudan, Erythrée...) mais également du Mali, du Tchad... Il faut préciser qu'il existe deux types de flux: les flux liés à la fuite de conflits ou de régimes oppressifs et les flux de travail avec une Europe vue comme un “eldorado”. En 2011, plus de 700 000 personnes ont par exemple fui la Libye. Ces flux passent par des lieux spécifiques: île de Lampedusa (une île italienne proche de la Tunisie), détroit de Gibraltar... 
  • C'est dans ce contexte que l'Union européenne a mis en place, en 2005, l'Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures connue sous le nom de FRONTEX. Il s'agissait de contrôler des flux de plus en plus massifs. Cette agence aux moyens limités s'appuie sur les états pour assurer le contrôle des frontières. L'Union européenne tente tant bien que mal de réguler des flux importants. 

c/ Des interventions et des tentatives de contrôle des grandes puissances : les ingérences des puissances extérieures 

Les grandes puissances sont intervenues à plusieurs reprises et interviennent encore en Afrique pour des raisons politiques, économiques ou humanitaires (ou les trois à la fois). 

-des interventions qui se multiplient : de l’humanitaire au militaire

  • Les puissances sont toujours présentes en Afrique depuis les indépendances. La France et les E-U notamment ont des bases militaires facilitant des interventions: la France a des bases en Côte d' Ivoire, au Gabon, en République centrafricaine... Les E-U ont une base à Djibouti comme la France (ils ont aussi créé l'Africom c'est-à-dire un centre de commandement des forces américaines en Afrique. La France est ainsi intervenue à plusieurs reprises: opération Epervier au Tchad en 1986, opération Licorne en Côte d' Ivoire en 2002, opération Serval au Mali en 2013, opération Sangaris en 2013 également. On peut prendre à titre d'exemple le Mali. Ce pays est un état instable depuis son indépendance avec plusieurs révoltes en 1962-64, 1990-1995... des populations Touaregs du Nord du Mali. Depuis plusieurs années, le Mali est confronté à une double opposition: toujours celle des Touaregs organisés en deux mouvements distincts: le Mouvement national de libération de l'Azawad et le mouvement islamiste Ansar Eddine (défense de l'islam) et des groupes islamistes radicaux. Les Touaregs se sont toujours sentis exclus de la vie politique malienne et délaissés par le pouvoir.
  •  Le mouvement de libération nationale souhaite la création d'un état indépendant alors que l'autre mouvement islamiste veut l'instauration d'un califat. Dans le nord du pays se sont donc développés depuis les années 2000 des mouvements liés à l'islam radical comme le GSPC ou groupe salafiste pour la prédication et le combat, le Mujao ou mouvement pour l'unicité et le djihad en Afrique de l'Ouest. 
  • Le GSPC est devenu Al Qaïda Maghreb Islamique (AQMI), un groupe dominé non par des Maliens mais par des Algériens issus du GIA (Groupe islamique armé) et de Mauritaniens. Or, AQMI et les mouvements Touaregs vont s'associer pour lutter contre l'état malien. En 2012, ils contrôlent une grande partie du Mali (60% du territoire) et sont le point de prendre la capitale Bamako. Parallèlement, en avril 2012 est proclamée l'indépendance de l'Azawad: le Mali est au bord à la fois de l'éclatement et d'une prise de contrôle par des mouvements islamistes. C'est cette situation qui conduit la France à agir en janvier 2013 avec l'opération Serval.
  •  Cette opération permet à l'état malien de reprendre le contrôle (en grande partie) de son territoire et d'éviter la prise du pouvoir par des islamistes. Certaines interventions se font dans un cadre international: mandat de l'ONU... Des forces de l'ONU sont déployées en Afrique: RDC (près de 19 000 soldats présents), Burundi, Côte d'Ivoire... Il faut ajouter que l'Union africaine tentent de participer à des opérations de maintien de la paix: Liberia, Mali, République centrafricaine... 

 -et une volonté de contrôler certains territoires et points de passage

  •  Ces puissances ont la volonté de contrôler des territoires ayant des ressources comme la France au Niger et ses mines d'uranium (mines d'Arlit contrôlée par AREVA) ou d'empêcher le développement de l'islam radical en particulier AQMI dans la zone sahélienne. Elles veulent aussi contrôler les points de passage nécessaires aux échanges et au commerce d'où la lutte contre la piraterie au large de la Somalie. Bilan des états et sociétés africaines en guerre: des itinéraires différenciés On peut avec justesse parler également à ce niveau d'Afriques plurielles avec:

-des économies et des états en guerre

  •  Plusieurs états et régions connaissent des conflits qui pénalisent le développement économique et déstabilisent états et sociétés. La Somalie en est le type même à telle enseigne qu'on parle de somalisation de territoires. L'arc saharo-sahélien pose aussi problème avec des états menacés de somalisation comme le Mali 

-des états et sociétés post conflits 

  •  Plusieurs états ont connu des conflits importants qui sont terminés (en théorie): ils sont donc en phase de reconstruction et/ou de transition comme la Côte d'Ivoire, le Mozambique ou l'Angola: ces deux derniers états connaissent même une croissance rapide. Rappel : typologie des conflits et facteurs Les guerres de libération nationale ou guerres d'indépendances Les guerres civiles Les guerres entre états Les principaux facteurs des conflits sont: La fragilité de certains états: fragilité pouvant être liée à une unité nationale mal réalisé, à des fractures ethniques et/ou religieuses, à une incapacité à contrôler des territoires et donc à exercer pour les états le monopole de la violence (voir Théorie de Max Weber)...
  •  La présence et la volonté de contrôler des richesses (impact des ressources naturelles dans certains conflits). Les interventions de puissances extérieures (problème de l'ingérence).

2/ Les enjeux géopolitiques majeurs


A/ Une Afrique toujours en marge de « l’architecture internationale » (Philippe Hugon et Jean - Christophe Servant) 

Le continent africain et en particulier l’Afrique subsaharienne reste en marge effectivement de « l’architecture internationale ». L’Afrique subsaharienne est incontestablement en périphérie du système mondial qu’elle a tendance de plus à subir 

 a/ Une Afrique ayant peu de poids dans la géopolitique mondiale 

-un poids trop faible dans les institutions internationales 

  • Les Etats africains ont peu de poids dans les institutions internationales : ONU, FMI, Banque mondiale... De ce fait, ils ne peuvent pas peser sur les décisions prises ou très peu. S’ajoute le fait que les pays africains peinent à s’insérer dans l’économie globalisée avec au niveau économique un poids très faible dans des institutions comme l’OMC. 

 -un post-colonialisme qui limite l’émancipation africaine

  • Parallèlement, il existe encore un post-colonialisme en Afrique avec des Etats qui sont toujours sous influence occidentale. C’est le cas notamment des anciennes colonies françaises (thème de la françafrique). 
  • Il existe de fait un néocolonialisme notamment dans les anciennes colonies françaises avec le poids des firmes françaises dans les économies dans oublier la présence de l’armée française dans plusieurs Etats. Il est également intéressant de souligner le poids grandissant de la Chine qui peut être perçu comme lui aussi une forme de colonialisme ou ressenti comme tel. 

b/ Des relations ambivalentes au monde 

 -Une Afrique qui se tourne vers la Chine : espoir ou malentendu ? 

  • Précisément, plusieurs Etats se tournent vers la Chine depuis les années 2000. Pour Alain Antil dans un article de la revue Questions internationales (2018), c’est une façon de se sortir pour les Etats africains du « tête-à-tête colonial. » La Chine est devenue le 1er partenaire commercial du continent africain avec des échanges qui sont passés de 12 milliards de $ en 2000 à plus de 200 milliards de $ en 2014-2015. La présence chinoise ne date pas des années 2000 : la Chine de Mao avait déjà noué des relations avec certains Etats africains au moment des indépendances. 
  • On peut considérer qu’aujourd’hui, « la Chine est à l’assaut économique du continent » (Alain Antil) avec la volonté de faire passer les échanges à 400 milliards de $ au début des années 2020. La Chine investit beaucoup en Afrique notamment dans les infrastructures. De plus environ 2500 firmes chinoises sont implantées sur le continent. Il faut ajouter que l’Afrique de l’Est est aussi intégrée aux projets des routes de la soie voulu par la Chine de Xi Jinping.
  •  Les Etats africains perçoivent souvent ces relations comme positives car pour eux il est plus simple de travailler avec la Chine qui ne pose aucune condition politique à ses investissements. Néanmoins, on commence à parler en Afrique au sujet de la présence chinoise d’un néo-impérialisme avec une Chine s’intéressant essentiellement aux ressources du continent. 

 -Le développement des relations Sud-Sud : une solution ? 

  •  Les Etats africains pour échapper à la tutelle des grandes puissances mondiales ont probablement intérêt à se tourner vers les autres Etats dits du Sud. Des pays africains mettent au point des partenariats nouveaux avec la Turquie, l’Inde, l’Indonésie ou encore le Brésil qui est un partenaire des pays africains lusophones. Les 2tats arabes producteurs de pétrole sont également des partenaires qui investissent en Afrique. 

b/ La situation géopolitique des Afriques 

-Une Afrique australe qui s’affirme 

  • L’Afrique australe est considérée comme la région la plus dynamique et stable d’Afrique subsaharienne. Un pays domine la région, un pays qui est une véritable puissance régionale en Afrique : l’Afrique du Sud.Certes ce pays connaît des difficultés économiques et sociales (chômage, pauvreté) mais il est une puissance économique en Afrique considérée comme émergente et attirant des migrants des pays voisins. 
  • L’une des particularités de cette partie de l’Afrique st qu’elle est désormais peu conflictuelle : le Botswana est ainsi un pays symbolisant la paix et ce depuis sa création. Des efforts d’intégration régionale sont faits notamment avec une Union douanière (la SACU) regroupant Afrique du Sud, Botswana, Lesotho, Namibie et Eswatini. 

 -Une Afrique centrale ayant des atouts mais en difficultés

  • Inversement, l’Afrique centrale est « à la traîne » (P.Hugon et J-C Servant) avec des difficultés économiques et politiques importantes. Aucun pays de la région n’est en mesure de s’affirmer comme puissance régionale. Des efforts d’intégration ont été néanmoins réalisés avec la Communauté économique et monétaire d’Afrique centrale ou la Communauté (plus large) économique des Etats d’Afrique centrale (CEEAC). L’un des pays qui symbolisent les difficultés de la région est la RDC. Ce pays a d’énormes ressources et potentialités mais il est fondamentalement instable. Cette RDC est un épicentre des conflits de la région avec une guerre civile qui perdure notamment dans l’Est du pays (région hyper-instable du Kivu). Même un pays comme le Cameroun connaît des difficultés avec les velléités autonomistes voire indépendantistes des anglophones du Cameroun (Est du pays). 
  • De plus ce pays commence à être affecté par des actions menées par le groupe islamiste nigérian Boko Haram. Les pays d’Afrique centrale sont tous des régimes autoritaires (voir le Congo de Denis Sassou-Nguesso). S’ajoutent de fortes tensions ethniques dans un Etat comme le Burundi entre Hutus et Tutsis avec un schéma proche de ce qui s’est passé au Rwanda voisin/ 

-La corne de l’Afrique : le délitement ? 

  •  La corne de l’Afrique symbolise le délitement d’une partie de l’Afrique avec des Etats impuissants (Etats faillis) et des guerres meurtrières. C’est incontestablement la région la plus conflictuelle du continent. L’exemple type est la Somalie, un Etat désormais failli avec une guerre civile de longue durée. Pourtant c’est un Etat homogène tant sur le plan des populations que de la langue. Mais ce pays s’est divisé avec une zone ayant proclamé son indépendance : le Somaliland ; une région devenue autonome de fait le Puntland et l’essor de l’islam radical avec la milice des Shebabs. Seule la région de Mogadiscio est encore contrôlée par l’État. 
  • Parallèlement, ce pays est au début de sa transition démographique avec une économie peu performante (la Somalie est un PMA). Autres pays en guerre : le Soudan et le Soudan du Sud. Ce dernier est un Etat récent qui est né en 2011 suite à un long conflit avec le Soudan mais depuis 2013 il connaît à son tour un conflit entre clans et rivaux politiques. En ce qui concerne le Soudan, celui qui le dirigeait de façon très autoritaire, Omar el Béchir, a été renversé par un coup d’État militaire avril 2019 : s’est mis en place un pouvoir théoriquement de transition (jusqu’en 2022). 

 -L’Afrique de l’Est : des Etats qui s’affirment mais une Afrique convoitée 

  •  En Afrique de l’Est, plusieurs Etats s’affirment notamment sur le plan économique comme l’Ethiopie ou le Kenya qui connaissent des taux de croissance importants. Néanmoins, ce sont des Etats ayant des problèmes politiques. L’Ethiopie a connu une tentative de coup d’état en juin 2019 et de plus, la minorité Oromo subit des persécutions conduisant nombre d’entre eux à quitter le pays. 
  • Le Kenya a subi plusieurs attaques du mouvement islamiste des Shebabs. Les pays d’Afrique de l’Est s’inscrivent également dans la politique chinoise (routes de la soie) : la Chine a ainsi financé un parc industriel dans la capitale Ethiopienne Addis-Abeba tout comme le barrage de la Renaissance. Le littoral d’Afrique de l’Est suscite des convoitises car il est une porte d’entrée sur le continent. 

-L’Afrique occidentale : le poids des anciennes puissances coloniales et le rôle majeur du Nigeria.

  •  En Afrique de l’Ouest, il est une puissance régionale forte qui est le Nigeria. Ce pays est un des plus riches d’Afrique grâce à son pétrole (80 % des recettes publiques). Cependant, il connaît une situation sécuritaire interne délicate avec le développement de Boko Haram dans le Nord du pays. L’Afrique occidentale s’est aussi structurée avec la CEDEAO et l’UEMOA afin de développer les échanges régionaux. 
  • Dans cette région, un pays s’avère dynamique à savoir le Ghana.La Côte d’Ivoire également des atouts mais sa situation politique interne est quelque peu confuse (élections prévues en 2020)
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