Chapitre 3: L'Amérique latine entre développement, indépendances et dépendances

Introduction

Les états d'Amérique latine sont incontestablement en développement voire sont des états émergents comme le Brésil ou le Mexique. Peu d'états sont dans une situation très compliquée hormis Haïti : le niveau de développement de la majorité des états latino-américain est ainsi nettement supérieur à celui des états d’Afrique subsaharienne. Parallèlement,l'insertion du continent américain dans l'économie mondiale est déjà ancienne (dès le 16e siècle avec le commerce dit triangulaire), s'accélère à partir de la seconde moitié du 19e siècle. L' Amérique latine est confrontée aux « enjeux de l'émergence » (Sébastien Velut, Marie-France Prevot Schapira) avec notamment le choix de l'insertion dans la mondialisation mais également la volonté d'une re-primarisation des économies.

1/ Le développement de l' Amérique latine : une réalité mais des inégalités et des trajectoires divergentes


A/ L' Amérique latine: des ressources et potentialités certaines mais aussi des contraintes à surmonter 

 Quels sont les atouts et potentialités de l' Amérique latine ? A quelles contraintes est-elle confrontée ? En quoi ces contraintes sont-elles un frein au développement ? 

a/Un développement pouvant s'appuyer sur des atouts importants 

 -des atouts et des richesses 

  •  Les états d'Amérique latine ont des atouts réels qui ont déjà été vus : des littoraux permettant une ouverture sur l'Atlantique et le Pacifique et donc des connexions possibles avec des lieux majeurs de la mondialisation. Un autre atout est la proximité de deux états riches et développés que sont le Canada et surtout les E-U qui peuvent jour un rôle moteur dans le développement. Les ressources tant minérales qu'en hydrocarbures sont aussi des atouts devant faciliter le développement et l’insertion dans la mondialisation. 

-et des potentialités encore à exploiter pour faciliter et accélérer le développement 

  • Certaines potentialités sont en cours d'exploitation que ce soit les matières premières agricoles ou minérales. Les exportations de produits agricoles et/ou de minerais ont occupé et occupent encore une place importante dans les économies sud-américaines. L'Amérique latine est convoitée depuis longtemps pour ses ressources ce qui explique l'importance accordée à ces dernières : elles sont un enjeu essentiel. Parmi ces ressources, on peut mettre en exergue le pétrole et le gaz naturel même si l'Amérique latine n'est pas la principale région productrice et exportatrice à l'échelle mondiale de ces ressources : 11,5% des réserves mondiales de pétrole et de gaz naturel, 14,5% de la production mondiale de pétrole... De plus ces ressources sont réparties de façon inégale : le Venezuela dispose à lui seul de plus de 64% des réserves de pétrole de l'Amérique latine. Les autres états producteurs sont le Mexique, la Bolivie, l' Equateur et le Brésil. Il en est de même des réserves de gaz naturel puisque 52% des réserves sont aussi au Venezuela. 
  • Néanmoins, pour les états cités qui ont ces ressources, il s'agit d'un atout important. On peut ajouter aussi le rôle d'autres énergies l'énergie hydroélectrique qui ja un impact notable dans certains états comme le Brésil où un barrage comme celui d'Itaipu fournit à lui seul 13% de l'énergie du pays (et 57% de l'énergie du Paraguay). S'ajoutent des minerais comme le cuivre avec une Amérique latine qui produit pour plus de 47% du cuivre mondial. Mais l'Amérique latine, c'est aussi 40% de la production d'argent, plus de 26% de la production de bauxite, 19,7% du plomb, 15% du nickel... 
  • Pour plusieurs états, ces minerais sont essentiels comme le Chili avec le cuivre, la Bolivie avec l'étain, le Pérou avec l'or et l'argent... Certes, les cours de ces matières sont irréguliers avec pour les produits agricoles une tendance à la baisse ce qui nécessite pour les états en question de revoir au moins partiellement leur (s) stratégie (s) de développement. Néanmoins, l'arrivée et le développement de la Chine ont relancé la demande et les cours de nombreux produits sont repartis à la hausse avec une Chine qui s’intéresse de plus en plus à l’Amérique latine. Ainsi, les rentrées d'argent pour des pays producteurs de cuivre, de pétrole (jusqu'à une date récente) se sont améliorées. Pour un état comme la Bolivie, les recettes liées aux exportations de matières premières sont vitales pour assurer le développement et une meilleure redistribution des revenus aux catégories sociales les plus défavorisées. Les productions agricoles sont importantes pour plusieurs états dans la volonté d'insertion au processus de globalisation. L'agriculture et le secteur agroalimentaire de pays comme le Brésil, l'Argentine sont des éléments fondamentaux de leur développement économique. C'est aussi le cas pour des états d'Amérique centrale même si c'est à moindre échelle comme le Honduras, le Guatemala... 

 b/ avec des contraintes à surmonter 

-des contraintes géographiques

  • Les états sud-américains ont néanmoins des contraintes géographiques à surmonter : un relief accidenté et difficile à aménager, des forêts équatoriales et un climat également délicat à maîtriser. La Cordillère des Andes bien qu'elle soit aménagée depuis longtemps n'est pas aisée à mettre en valeur. Des états comme le Pérou ou surtout la Bolivie qui est en plus un état enclavé sont pénalisés par les Andes et les territoires de haute altitude. 

-dépendance, domination : des contraintes politiques et économiques majeures 

  • Une des contraintes économiques est précisément la dépendance à l'égard des cours de matières premières avec en particulier les échanges inégaux. Une autre contrainte économique est le poids des FTN américaines ou autres dans les économies de certains états. La dépendance des états d'Amérique latine s'inscrit à la fois dans l'histoire coloniale mais également dans l'histoire post-coloniale avec le poids de la domination britannique au 19e siècle puis des Etats-Unis à partir de la fin de ce même 19e siècle. Ces dominations ont des effets à long terme avec des économies très liées au dollar américain à tel point qu'on parle de « dollarisation » des économies sud-américaines, la prégnance des firmes et des investisseurs étrangers. Les fameux programmes d'ajustement structurel des années 1980 (PAS) du FMI avec la nécessité d'ouvrir et de libéraliser les économies a renforcé les IDE et le poids des investissements étrangers.
  •  Ces IDE sont ainsi passés de 20% dans les années 1980 à plus de 75% dans les entrées de capitaux en Amérique latine à la fin des années 1990 (86 milliards de dollars en 1999 par exemple). Ces IDE concernent surtout le Brésil, l'Argentine, le Mexique, la Colombie et le Chili. Ces investissements ont surtout servi à acquérir partiellement ou totalement des firmes locales privatisées. Enfin, dernière logique toujours à l' œuvre depuis la période coloniale, des réseaux de transport toujours destinés à l'exportation et pas nécessairement à mieux équilibrer les territoires. Les projets de développement des infrastructures de transport sont encore liés soit à renforcer des zones portuaires afin de faciliter les exportations ou favoriser des zones géographiques où des firmes transnationales sont implantées ou comptent s'implanter. 

 B/ Les dynamiques démographiques et le développement économique 

Quels sont les effets de la démographie sur le développement ? Quelles sont les logiques démographiques et urbaines de cette partie de l' Amérique ? De quoi sont-elles révélatrices du développement ? 

 a/ Une croissance démographique ralentie 

 -une croissance démographique nettement ralentie et des densités inégales

  •  Un des atouts dans la réussite du développement est le ralentissement de la démographie (voir plus haut). Le taux de fécondité moyen en Amérique latine est de 2,2 : les états sud-américains sont sortis ou sont en passe de terminer leur transition démographique. On peut souligner la précocité des transitions démographiques dans cette partie du monde. Néanmoins, la population continentale est passée de 332 millions à 985 millions d'habitants entre 1950 à 2015 avec à ce niveau comme au niveau économique des différences entre le Nord et le Sud du continent. Entre 1950 et 2015, la part de la population des E.-U et du Canada est passée de 50 à 36% de la population continentale alors que l'Amérique latine a connu un fort accroissement démographique avec un poids démographique de plus en plus conséquent du Mexique et du Brésil. De façon plus détaillée,en 2019 (chiffres population Data et INED), l'Amérique du Nord compte, 497 millions d'habitants (avec le Mexique) l'Amérique latine 653 millions dont 429 millions pour l'Amérique du Sud, 49 millions pour l'Amérique centrale et 43 millions pour les Caraïbes. 
  • En ce qui concerne l'Amérique du Nord, il y a eu une forte explosion démographique au 19e siècle en lien avec de forts courants migratoires ainsi qu'un taux de natalité longtemps important (un taux de natalité qui a vraiment baissé à la fin des années 1960). Pour l'Amérique latine, la croissance démographique a été plutôt régulière au 19e siècle jusqu'au début du 20e (avec là aussi un certain impact des migrations mais moindre qu'aux E.-U.) et des états qui connaissent une transition démographique dès les années 1930 (Argentine, Uruguay) alors que pour d'autres elle est plus tardive (Mexique, Pérou...). Il faut insister sur le fait que l'Amérique latine n'est donc pas dans la même configuration que les autres régions en développement. Sa croissance démographique est, en effet, modérée avec un taux de fécondité tournant donc autour de 2,2 (2,5 étant la moyenne mondiale), une espérance de vie de 72 ans ce qui est non négligeable. L'actuelle croissance démographique de l'Amérique latine s'explique par une forte baisse de la mortalité notamment de la mortalité infantile. 
  • La baisse de la fécondité est effective (le taux de natalité est passé de 42,6 pour mille en 1950 à environ 18 en 2014-15) mais avec des inégalités régionales liées au niveau de développement différent selon états et régions (politiques des états avec par exemple au Mexique le planning familial, évolutions du statut des femmes...). Ainsi, en Amérique du nord (en 2019), le taux de natalité est de 12 pour mille, l'indice de fécondité de 1,7, le taux de mortalité infantile de 9 et l'espérance de vie de 79,7 ans ; en Amérique du Sud, les chiffres sont de 15 pour mille pour le taux de natalité, 1,9 pour la fécondité, 14 pour mille pour la mortalité infantile et 76 ans d'espérance de vie ; en Amérique centrale, les chiffres sont de 18 pour mille, 2,2 pour la fécondité, 14 pour mille pour la mortalité infantile et 76,8 ans pour l'espérance de vie. 
  • Les écarts peuvent être très importants : au Canada, l'indice de fécondité est de 1,5 (2019) le taux de mortalité infantile de 5 pour mille et l'espérance de vie de 82 ans alors que pour la Bolivie les chiffres sont respectivement de 2,7, 27 pour mille et 68 ans et à Haïti les chiffres sont encore plus alarmants avec un indice de fécondité de 2,9, un taux de mortalité infantile de 52 pour mille et une espérance de vie de 63 ans. On peut ajouter que le revenu national brut par habitant en dollars est de 49 430 pour le Canada, de 8640 pour la Bolivie et de seulement 1 820 pour Haïti (Chiffres Ramsès édition 2021). 
  • On retrouve bien dans ces cas les clivages entre états riches et développés et états en développement (Haïti est même un PMA). Les densités sont néanmoins inégales ce qui témoigne d'un développement déséquilibré à l'échelle des territoires. Dans un état comme le Brésil, les populations se concentrent surtout sur les littoraux en particulier dans le triangle Rio-Sao Paulo- Belo Horizonte : la répartition est inégale ce qui reflète les inégalités territoriales de ce pays. 

 -les migrations et leurs effets 

  • Les migrations dans ces états sud-américains sont importantes en particulier vers les E.-U. Ces migrations ont des effets sur les états d'Amérique latine mais générant des transferts d'argent importants pour les pays de départ. Les migrations d'individus non qualifiés peuvent être pour les états de départ une chose positive dans la mesure où ils évitent un chômage plus massif. Les transferts d'argent sont pour plusieurs états comme le Salvador ou Haïti l' équivalent d'investissements directs à l'étranger (IDE). Par contre, ce qui est dommageable est la fuite des cerveaux vers les E.-U notamment dans le domaine des hautes technologies. 

b/ Une urbanisation toujours croissante : effet du développement mais source de difficultés 

-une forte urbanisation avec des fractures urbaines reflets d’un développement inégal

  • L'urbanisation croissante peut être vue comme un signe de développement : les villes concentrent les activités économiques. Néanmoins, ces villes sont également socialement fracturées ce qui témoigne de façon plus globale des inégalités socio-économiques à l'échelle nationale et continentale. De façon globale, le continent américain est fortement urbanisé. En 2019, le taux d'urbanisation était de 84% pour l'Amérique du Nord (sans le Mexique), de 80% pour l'Amérique latine et les Caraïbes, de 74% pour l'Amérique centrale (avec le Mexique) et de 85% pour l'Amérique du Sud.
  •  Par contre, le rythme de la croissance urbaine est différent avec un ralentissement en Amérique du Nord et une accélération en Amérique latine. Actuellement, la croissance urbaine en Amérique latine s'explique par l'accroissement naturel et les migrations dites interurbaines. 

 -les métropoles au cœur du développement

  • Les grandes métropoles sont les vecteurs du développement économique car elles concentrent les activités économiques, financières, politiques et culturelles. Certaines de ces métropoles ont des atouts pour devenir à terme des villes réellement globales comme Sao Paulo, Mexico ou Buenos Aires. Le processus de mondialisation renforce le poids de ces métropoles qui profitent des investissements étrangers. Toutefois, la métropolisation peut provoquer et provoque des déséquilibres notamment spatiaux. Elle a contribué dans de nombreux états à des déséquilibres entre régions au profit de régions littorales comme nous l'avons vu. 
  • Le fameux triangle brésilien (Sao Paulo/Belo Horizonte/Rio) permet au Sud-Est (Sudeste) du Brésil d'être l'espace dominant (80% de la production industrielle). En Colombie, le triangle Bogota-Medellin-Cali joue un rôle identique. La métropolisation est incontestablement un processus accentuant les clivages centres-périphéries. Elles sont un vecteur de développement mais un vecteur de développement partiel à l'échelle national. 

C/ Quelles stratégies de développement en Amérique latine ? 

 Quelles ont été et sont les stratégies sur lesquels les états se sont appuyés pour se développer et s’insérer dans la mondialisation ? Quelles sont les spécificités du développement de l'Amérique latine ? Quels sont les effets et héritages de ces modèles de développement ? Comme nous l'avons déjà signalé, l'insertion du continent américain et notamment de l'Amérique latine se réalise au 19e siècle en lien avec les besoins de plus en plus importants des économies européenne et des E.-U notamment des besoins en matières premières liées à l'industrialisation. Il faut insister sur le fait que l'Amérique latine se spécialise dans les exportations de ces matières premières qu'elles soient agricoles ou autres permettant de s'inscrire dans la division internationale du travail de l'époque. Néanmoins, ce type de spécialisation pose des problèmes comme celui de la dépendance, un développement qui n'est pas ou peu fondé sur le développement industriel... 

 a/ Les stratégies de développement 

  •  Tout d'abord, il faut rappeler les lignes directrices de la mise en valeur et du développement de l'Amérique latine. Avec la colonisation espagnole et portugaise s'est mis en place un système d'exploitation colonial dont il reste quelques héritages. Le développement agricole s'est fait par de grandes exploitations (les haciendas ou estancias pour l'élevage) : un système qui a perduré et généré de profondes inégalités. A ce développement agricole s'est ajouté l'exploitation des mines (mines de Potosi par exemple). Le continent américain a pleinement participé à la première mondialisation ou de produits agricoles comme le cacao, le tabac, le maïs, les pommes de terre... avec en retour l'arrivée et l'introduction sur le continent américain du blé, du café, de la canne à sucre.... L'exploitation des ressources a été fondamentale avec un fonctionnement par cycles comme les cycles productifs du Brésil : sucre (canne à sucre) puis cycle du café. Ces cycles productifs étaient et sont encore tournés vers l'exportation. La culture du café en est un bon exemple : elle a fortement augmenté à la fin 19e siècle-début 20e. Le Brésil en a particulièrement tiré profit avec 70% du marché mondial en 1900 mais aussi des états comme l'Equateur ou la Colombie. Autre exemple, la culture de la banane en Amérique centrale qui s'est faite sous l'égide de firmes américaines. La firme United Fruit Company a été créée en 1899 au Guatemala et s'est implantée au Nicaragua, Honduras notamment. 
  • De façon générale, depuis la fin du 19e siècle, l'Amérique latine est une région majeure dans les exportations en matières premières agricoles ou autres. L 'Argentine et l' Uruguay sont devenus des états producteurs et exportateurs de céréales. Dans les années 1820-1889, les économies sud-américaines sont fortement dépendante du Royaume-Uni qui est alors l'économie dominante notamment par les capitaux britanniques investis. Les Britanniques disposent des capitaux et le Royaume-Uni est la première puissance commerciale : une puissance qui exporte ses produits industriels et importe des matières premières. Les états d'Amérique latine comptent sur leurs exportations vers le Royaume-Uni et plus généralement l'Europe. Les états sud-américains ont des marchés limités et doivent exporter soit leurs matières premières minérales ou /et agricoles soit des biens primaires mais doivent importer des biens manufacturés et sont dépendants des capitaux britanniques. En 1914, le R-U contribuait à plus de 50% des investissements étrangers en Amérique latine. Dans un pays comme l'Argentine, les prêts britanniques ont servi au développement des infrastructures de communication sachant que parallèlement les produits britanniques sont exemptés de droits de douane (loi de 1907). 
  • Les réseaux de communication sont d'ailleurs sous le contrôle de capitaux étrangers. La croissance économique des années 1820-1880 est donc relativement faible et c'est à partir des années 1870 que par le biais d'élites économiques souvent d'inspiration libérale que les états latino-américains vont s'insérer dans le commerce international mais en tant qu'exportateurs de matières premières. Il s'agit d'une croissance extravertie qui est à son apogée dans les années 1920. Au Royaume-Uni succèdent les E.-U qui gardent encore une influence réelle. Leurs multiples interventions sur cette partie du continent ont toujours eu des objectifs notamment économique . Les états d'Amérique centrale sont particulièrement sous le contrôle des E.-U dès la fin du 19e et le début du 20e. Les E.-U sont d'ailleurs à l'origine du mouvement panaméricaniste avec un projet d'union douanière dès 1889-90. Entre 1896 et 1915, les E.-U investissent massivement passant de 50 à 265 millions de dollars. En 1908, par exemple, les mines du Mexique sont au trois quart contrôlées par des firmes américaines.
  •  L'après Première guerre mondiale marque une accélération du processus de prise de contrôle des économies sud-américaines par les E.-U. Progressivement, la majorité des capitaux investis sont étasuniens:70% dans les années 1950 contre 40% dans les années 1920. Ces investissements sont surtout destinés aux secteurs miniers et agricoles. Les économies d'Amérique centrale et d'Amérique latine sont donc de plus en plus liées et dépendantes à l'égard des E.-U. Il faut insister sur le fait qu'au 19e siècle, l'Amérique latine est partie prenante du commerce mondial jouant un rôle important au niveau des exportations de matières premières. En 1913, elle contribue pour environ 7% des exportations mondiales avec notamment l'Argentine (un tiers des exportations et importations du continent à cette époque) mais aussi le Brésil, le Chili et le Mexique. 
  • Se différencient dès cette période, les états exportateurs de matières premières minérales et ceux exportateurs de matières premières agricoles (certains pouvant jouer sur les deux registres). Un état comme le Chili est un exportateur dès le 19e siècle de cuivre mais aussi de salpêtre alors que le Venezuela et le Mexique au début du 20e commencent à exploiter et exporter le pétrole (par le biais de firmes américaines et britanniques). Au début du 20e siècle, le café joue toujours un rôle important au Brésil ou en Colombie alors que la canne à sucre est exploitée à Cuba ou à Porto Rico. En ce qui concerne le sucre, les exportations sont surtout à destination des E.-U (en Europe s'est développée la culture des betteraves sucrières). Ainsi, près de 90% du sucre produit à Cuba est à destination des E.-U (un sucre dont le cours est fixé à New York avec des firmes américaines qui ont investi dans les plantations cubaines). Certains états d'Amérique centrale ont fondé leur développement sur la culture de la banane mais cette culture est le fait d'initiatives d'entreprises américaines comme la United Fruits (Honduras, Guatemala...). Des états comme l'Argentine ou l'Uruguay connaissent un fort développement des cultures céréalières (grandes plaines de ces pays sont très favorables à ces cultures) et dans l'élevage bovin. Le problème de ces choix productifs est la dépendance à l'égard des cours mondiaux et leurs fluctuations, une dépendance à l'égard de firmes notamment étasuniennes.
  •  De façon générale, la croissance économique des états latino-américains est inégale dans la période 1870-1920. Elle profite à un état comme l'Argentine ce qui est un facteur d'attractivité du pays avec des vagues migratoires notables et un pays qui se modernise assez rapidement. Dans plusieurs états, la croissance profite surtout aux firmes étrangères qui y sont implantées et aux grands propriétaires terriens : des firmes et des propriétaires qui exploitent une main d' œuvre nombreuse et mal payée. On peut aussi faire remarquer que cette croissance inégale est très vraie à l'intérieur des états avec des régions à dominante « indigène » souvent à l'écart et défavorisée.
  •  Pour reprendre une expression d'Olivier Dabène, le « modèle de croissance extravertie étouffe les germes d'industrialisation » avec des états qui exportent leurs matières premières mais qui importent les produits manufacturés dont ils ont besoin ce qui induit des termes de l'échange défavorables. De plus, certains états sont trop spécialisés avec de fortes dépendances liées à quelques produits comme le café, la banane... La crise économique des années 1929-30 fait entrer l'Amérique latine dans une récession extrêmement forte qui va conduire à penser le développement autrement. On peut insister sur le fait que des pôles de croissance se sont développées dès la fin du 19e siècle comme au Mexique avec Monterrey ou le Brésil avec Sao Paulo. Dès la fin du 19e siècle, Monterrey devient un pôle industriel assez prospère dans le nord du Mexique grâce au départ à des capitaux provenant de l'agriculture et de petites entreprises de textile.
  •  La ville se développe encore davantage par le biais d'axes de communication comme à partir de 1882 la liaison ferroviaire avec les E.-U : ce réseau permet l'installation de fonderies américaines dans cette ville (pour éviter les droits de douane imposés par les E.-U sur le minerai importé du Mexique). Les années 1890 sont marquées par un développement accéléré notamment par d'importantes exonérations fiscales facilitant l'implantation de firmes nord américaines... La ville de Sao Paulo quant à elle va prospérer grâce à la demande accrue de café dans les années 1880-1900 et le développement corrélatif du réseau de transport (voies ferrées). Les capitaux générés par les exportations de café permettent un premier développement industriel, un développement qui va s'accélérer un peu plus tard, à savoir dans les années 1960, avec l'implantation de l'industrie automobile dans l'agglomération paulista. Actuellement, Sao Paulo est le cœur économique du Brésil. 

 -un choix généralisé : l'industrialisation par substitution aux importations 

  • Un changement de stratégie s'opère dans la première moitié du 20e siècle notamment suite aux chocs représentés par la Première guerre mondiale qui modifie les flux commerciaux et la crise de 1929. Ces deux chocs montrent aux états sud-américains la fragilité de modèles uniquement liés aux exportations que ce soit de produits agricoles ou miniers sachant à titre d'exemple que le café représentait en 1929 72% des exportations du Brésil. Si on prend le café, la crise de 1929 provoque une chute des cours de 45% entre 1929 et 1932. Le blé chute lui de 64% pénalisant un pays exportateur comme l'Argentine, le sucre de 67% pénalisant un état comme Cuba... Parallèlement, pendant cette crise, les grandes puissances retirent leurs capitaux placés en Amérique latine ce qui accentue la crise. 
  • Les états prennent conscience de mettre au point une autre stratégie en l'occurrence l'industrialisation par substitution aux importations (ISI). Cette stratégie est fondée sur la volonté de créer et de développer des industries nationales afin d'éviter les importations et une trop grande dépendance. Se développe donc « un nationalisme économique » (Alexandre Fernandez, L’Amérique latine du XIXe au XXIe siècle, 2020) fondé sur un volontarisme de l’État afin d’industrialiser et de redynamiser les économies. Ce type de stratégie consiste à bâtir des industries dites légères et de biens de consommation (textile...) ne nécessitant pas une technologie de pointe. Elle repose de ce fait sur la volonté de protéger les industries en formation et les marchés nationaux. Cette démarche est renforcée par le développement concomitant du nationalisme et des populismes. 
  • Les coups d'état conduisant au pouvoir des hommes comme Getulio Vargas au Brésil, Lazaro Cardenas au Mexique ou Juan Peron en Argentine rendent possible ce changement. Pour ces hommes politiques, il s'agit de jouer sur la fibre nationale par des politiques économiques à la fois interventionnistes et susceptibles de créer une industrie nationale capable de créer des emplois. Au Brésil, Vargas instaure l'estado novo avec la volonté de moderniser le pays tout en légalisant les syndicats ou en imposant une législation sociale minimale. Pour Cardenas au Mexique, la volonté est de procéder à une répartition des terres plus équitable tout en modernisant le Mexique. La stratégie de l'ISI est davantage développée après la Seconde guerre mondiale : une stratégie promue notamment par la Commission économique pour l'Amérique latine (CEPAL) créée en 1948 dans le cadre de l'ONU. Cette commission pense que l'état a un rôle important à jouer dans le développement et la constitution d'industries nationales. 
  • Ce choix est aussi le choix d'économistes (Celso Furtado) d'un mouvement appelé le « développementisme » qui conseillent les dirigeants brésiliens ou argentins dans les années 1950. Pour ces économistes, l'état doit faciliter l'industrialisation. Il faut toutefois souligner que la CEPAL a conscience que l'industrialisation peut générer des inégalités et souhaite donc que les états sud-américains se structurent à l'échelle continentale pour mieux s'insérer dans la division internationale du travail et faciliter la mise en place d'un marché régional devant atténuer le développement inégal. La création en 1961 du MERCOSUR va dans ce sens. Cette stratégie donne donc priorité à l'industrialisation. Dans cette optique, l'état a un rôle important à jouer puisqu’il va fixer notamment le niveau de protection des marchés par les drloits de douane mais aussi par un processus de nationalisations. Les nationalisations et donc la formation d'un secteur public dans des domaines jugés importants sont un élément clé de ces politiques. 
  • Le Mexique donne le ton en nationalisant en 1938 le secteur des hydrocarbures. Les secteurs concernés sont surtout l'énergie et les transports. Des états comme le Mexique, le Brésil ou l'Argentine nationalisent le réseau ferré : en 1937 sous la présidence de Cardenas pour le Mexique (Ferrocarriles Nacionales de Mexico), 1945-1948 pour le Brésil et 1946-47 pour l'Argentine (un réseau géré par l'entreprise publique : Empresa de Ferrocarriles del Estado Argentino). Au Mexique, c'est toujours Lazaro Cardenas qui procède à la nationalisation du secteur pétrolier en 1938 donnant naissance à un groupe d'état : la PEMEX (Petroleos Mexicanos). Au Brésil sont créées, sous Getulio Vargas, la Compagnie de Sidérurgie Nationale ou la Fabrique nationale de moteurs qui sera à la base de l'industrie aéronautique brésilienne. Le Brésil va créer également la société Petrobras en 1953 pour gérer le secteur pétrolier et la société Centrais Eletricas Brasileiras pour gérer le secteur de l'électricité en 1954 (Electrobras).En Bolivie est créée la COMIBOL (Corporacion Minera de Bolivia), la compagnie nationale de l'étain en 1952. Plus tard, en 1975 au Venezuela émerge PETROVEN (Petroleos de Venezuela SA). L'état se transforme donc partiellement en état entrepreneur. En 1953, en Bolivie sont nationalisées des mines d'étain. 
  • L'état agit par le développement d'un système de crédit public : c'est en contrôlant les investissements et favorisant le crédit que les états peuvent orienter la politique industrielle. En 1935, le Mexique a créé la NAFINSA (Nacional Financiera SA) pour précisément financer le développement économique. Dans la même optique, le Brésil est à l'origine de la création de la Banque nationale de développement économique en 1952 dont l'un des objectifs est de financer les infrastructures nécessaires au développement économique ; le Chili en 1939 donne naissance à la Corporacion de Fomento de la produccion... 
  • Ces structures facilitent les crédits aux entreprises. Certains états sud-américains optent pour une planification même si elle n'est pas dans la même logique que la planification à la soviétique. Le Brésil a tenté à plusieurs reprises de planifier l'économie en 1955 ou en 1963 (plan triennal de Celso Furtado) mais sans véritable succès.En 1945 est mis au point le plan SALTE (santé, éducation, alimentation, transport et énergie) A cette planification, les états vont tenter de protéger le marché national notamment par des tarifs douaniers élevés. Ce protectionnisme permet à un état comme le Mexique de faire baisser ses importations de 30% entre 1947-49. Cette ISI met l'accent sur des industries de biens de consommation comme l'industrie textile puis sur des industries lourdes comme la sidérurgie. Cette politique d'industrialisation a des effets sur l'agriculture et les zones rurales. En effet, les dirigeants politiques font le lien entre modernisation et industrialisation ce qui met à l'écart l'agriculture. Les années 1940-1960 ne remettent pas en question les inégalités au sein du monde rural : les grandes propriétés sont toujours dominantes (1960 : 10% des propriétaires contrôlent 90% des terres en Amérique latine).Pourtant, l'agriculture joue un rôle dans le développement industriel puisque les exportations de produits agricoles permettent de financer la politique industrielle. Les réformes agraires ne sont pas nécessairement à l'ordre du jour à l'exception de cuba à partir de 1960 et l'arrivée au pouvoir de F. Castro. Nous reviendrons sur le cas Cubain ci- après tant sur le plan industriel qu'agricole. 
  • Dans un état comme le Pérou, une réforme agraire est proposée en 1968 suite à un coup d'état militaire mené par le général Alvarado. Ce dernier, après avoir nationalisé l'International petroleum corporation (IPC), lance une réforme agraire avec dès 1969 une redistribution des terres afin de limiter le poids des grandes propriétés. Une des mesures majeures est l'expropriation des grands domaines mais aussi le développement de coopératives. Une réforme agraire est mise en place au Chili en 1967 : elle prévoyait d'installer 100 000 familles sur une période de 5 ans sur des terres confisquées aux grands propriétaires avec une taille maximale de 80 hectares. Les résultats de cette stratégie d'industrialisation sont ambivalents : de véritables secteurs industriels se développent comme les industries pétrolière et aéronautique au Brésil ; les infrastructures de transport sont plus performantes (l'axe transamazonien Brasilia-Belem illustre la politique de développement des axes routiers). La production industrielle entre 1940 et 1970 progresse en moyenne de 5% par an ce qui n'est pas négligeable. 
  • Mais l'industrialisation est surtout le fait d'états comme le Brésil, le Mexique ou l'Argentine Mais cette politique ne permet pas de développer des industries de hautes technologies notamment par un manque de main d'œuvre qualifiée. De plus, les états sud-américains deviennent de plus en plus dépendants technologiquement et financièrement des PDEM. Surtout, l'agriculture reste à l'écart (pas de réelles réformes agraires) avec l'accentuation d'un exode rural vers les pôles urbains et notamment les quartiers informels. L'un des problèmes cruciaux est la dépendance. Dans les années 1960, les IDE se sont accrus : les firmes étrangères s'implantent en Amérique latine pour échapper aux barrières douanières mais de nombreuses entreprises locales sont également contrôlées par ces firmes étrangères. Dans le secteur de l'automobile, les FTN comme Ford, Volskwagen... profitent de cette situation.
  •  Le marché national n'est donc pas si bien protégé. Le plus inquiétant est néanmoins l'endettement de plus en plus conséquent. Les états se sont endettés précisément pour réussir le développement ne disposant pas assez de capitaux. Ainsi, en 1971, les états d'Amérique latine concentre près de 38% de la dette du tiers-monde. Au Brésil, la dette passe de 6,5 milliards de dollars en 1968 à 12,6 en 1973. de façon plus générale, la dette des états d'Amérique latine passe de 7,2 milliards de dollars en 1960 à 20,8 en 1970 à 314 en 1982. Cette même année, les états les plus endettés sont le Mexique avec une dette de 83 milliards de dollars, le Brésil pour 80 milliards et l'Argentine à hauteur de 37 milliards de dollars. 

 -les évolutions stratégiques : quels choix ? Quels changements ? 

  •  Dans les années 1970-1980, on assiste à un retournement des politiques économiques avec des orientations libérales affirmées. Devant la dépendance accrue, un secteur agricole délaissé, une croissance démographique notable et des problèmes sociaux notamment dans les villes, l'ISI montre des limites. La croissance économique des années 1950 est certes en moyenne de 5% mais elle baisse à la fin des années 70 et surtout au début des années 80. L'endettement des états sud-américains s'est considérablement accru à tel point que le Mexique est en 1982 en faillite : on peut véritablement parler d'une crise de la dette. Dès lors sous la pression du FMI et de ses plans d'ajustement structurel (PAS) et de l'arrivée au pouvoir de certains dirigeants dont les conseillers sont américains, un tournant s'opère. Le cas du Chili est à cet égard intéressant. En 1970, le socialiste Salvador Allende arrive au pouvoir et son parti (l'unité populaire) décide d'appliquer une politique à gauche avec une série de nationalisations notamment des mines de cuivre, la volonté d'une réforme agraire avec redistribution des terres... La situation économique se dégrade avec une forte inflation mais également la situation politique avec des grèves importantes y compris contre les nationalisations. 
  • En septembre 1973, un coup d'état renverse Allende et permet l'arrivée au pouvoir d'un dictateur à savoir le général Augusto Pinochet. Ce dernier opte pour une politique libérale avec l'abandon des privatisations, l'ouverture des marchés et un processus de libéralisation de l'économie. Ce phénomène se développe en Amérique latine dans les années 1980 sous l'impact du FMI qui accepte d'aider les états en difficulté avec une contrepartie qui est celle des politiques d'ajustement structurel (voir le consensus dit de Washington de 1990). Il s'agit d'un retournement des politiques économiques. Comme le souligne Alexandre Fernandez, « à partir du début des années 1980, l’Amérique latine s’inscrit dans le nouveau paradigme politique et idéologique dominant à l’échelle mondiale : ce qu’il est convenu d’appeler le néolibéralisme. » Les états concernés doivent s'ouvrir à la concurrence avec la baisse des droits de douane, libéraliser leurs économies. 
  • Une vague importante de privatisations a lieu : au Mexique, en 1988, la compagnie aérienne Areo Mexico est privatisée tout comme les entreprises argentines Aerolinas Argentinas ou Entel (Téléphonie). Il s'agit par cette politique de tenter de s'insérer dans le processus de globalisation. Parallèlement, des mesures d'urgence sont à prendre dans le cadre d'économies endettées ce qui passe notamment par la baisse des dépenses publiques : ces dernières diminuent de 20% entre 1982-1986 au Mexique. Il faut également tenter de limiter les importations, contrôler les hausses de salaires... Ce que certains, à juste titre, appellent une « thérapie de choc » permet de lutter contre l'endettement et l'inflation mais les effets sociaux sont négatifs. 
  • Les plans d'ajustement structurel sont appliqués sous l'égide du FMI qui accepte de nouveaux prêts à condition de mettre en œuvre ces PAS. Ces politiques ne relancent pas réellement les économies avec une croissance dans les années 1980 qui est en moyenne de 1,6% par an. Certains états voient même le PIB baisser (Argentine, Bolivie...), l'inflation reste très importante. A la fin des années 1980, les PAS sont appliquées avec moins de brutalité : le FMI a pris conscience que les effets sociaux trop négatifs pouvaient impacter des états devenus des démocraties. Les dettes ne sont pas toutes remboursées et le plan Brady de 1989 favorise cette baisse du poids de la dette. Certes, tout n'est pas réglé avec la crise financière mexicaine de 1994-95 ou celle ayant lieu en Argentine en 1998. 
  • Pourtant peu à peu, la situation s'améliore avec des états qui parviennent à mieux s'insérer dans le processus de globalisation. En 1990, les exportations des PED d'Amérique s'élèvent à 128 milliards de dollars et les importations à 113 milliards de dollars ; en 2005, les chiffres sont respectivement de 574 milliards de dollars et de 561 milliards. L' Amérique latine paraît donc s'insérer dans la mondialisation : une insertion facilitée par une plus grande intégration régionale (MERCOSUR).
Bilan:

  •  L'Amérique latine n'est pas dans une situation comparable à un continent comme l'Afrique : ses activités économiques sont diversifiées avec une véritable industrialisation et tertiarisation. Il faut signaler que le secteur agricole connaît un retrait même dans en Amérique centrale. Les économies latino-américaines connaissent une tertiairisation accélérée avec désormais un secteur tertiaire correspondant à plus de 50% du PIB de l'Amérique latine. Les activités commerciales, financières, touristiques se développent notablement impactant les économies. Parallèlement, plusieurs états ont mis l'accent sur l'industrialisation comme vecteur de développement. Le Brésil a ainsi développé non seulement une industrie agro-alimentaire forte mais aussi une industrie automobile, aéronautique... 
  • Un état comme le Mexique a mis l'accent sur l'implantation des « maquiladoras » (depuis la fin des années 1960) devant faciliter le développement du pays : elles représentent environ 48% des exportations mexicaines. Mais le Mexique possède aussi des groupes industriels performants comme Cemex, Bimbo... Un dernier exemple est intéressant celui du Panama. C'est un état où les services occupent une place considérable avec 75% du PIB. Joue un rôle important la zone franche de Colon (7% du PIB du pays) mais aussi les banques (Panama est un paradis fiscal) : Panama est la 4e place bancaire mondiale.

 b/ Des stratégies aux conséquences inégales

-une réussite mais encore incomplète 

  •  L'intégration régionale par le biais du MERCOSUR a permis à plusieurs états d'entrer dans une dynamique positive. Le commerce des états de cette organisation passe ainsi de 2,5 milliards de dollars en 1990 à 22,3 milliards de dollars en 2005. Les états s'ouvrent aussi davantage à l'image du Brésil qui se tournent plus vers les marchés internationaux. Les flux d' IDE de plus en plus notables favorisent cette dynamique. Entre 1990 et 2005, plus de 620 milliards de dollars sont à destination des états d'Amérique latine et des Caraïbes notamment par le biais des privatisations d'entreprises publiques et les prises de participation dans ces entreprises, par le développement des maquiladoras à la frontière du Mexique.... On peut revenir sur le cas du Chili avec ce que des spécialistes ont nommé le « miracle chilien ». L'arrivée au pouvoir du dictateur Pinochet (au pouvoir de 1973 à 1989) a favorisé la mise en œuvre d'une politique très libérale fondée sur des privatisations importantes et une déréglementation. Les années 1980 sont des années d'ouverture économique du Chili avec une inflation très progressivement régulée : pendant la période Pinochet, la croissance du PIB est en moyenne de 2,9%.
  •  Mais ces sont aussi des années d'endettement. Les années 1990 sont marquées par une croissance plus importante autour de 6% par an, un taux de chômage en baisse passant de 18% sous Pinochet à 7,4% en moyenne entre 1994 et 2000. C'est une croissance qui repose sur des exportations mais cette croissance, comme pour tous les états sud-américains est inégale selon les catégories sociales. 
  • Les années 2000 sont un autre tournant économique mais aussi politique pour de nombreux états avec l'arrivée au pouvoir de partis politiques de gauche voire très à gauche : en 1999, Hugo Chavez parvient au pouvoir au Venezuela, Lula est élu président du Brésil en 2000, Evo Morales en 2005 en Bolivie, en 2006 c'est Michèle Bachelet qui est élue pour le parti socialiste chilien à la tête du pouvoir... Certains états profitent de la hausse des cours des matières premières pour mener une autre politique comme Chavez au Venezuela : une politique plutôt anti-libérale. Ainsi, en 2006, Chavez nationalise le secteur pétrolier. Evo Morales fait de même avec le gaz bolivien. 

 -des effets inégaux sur les territoires

  • Les effets sur les territoires sont inégaux. Les IDE évoqués précédemment ne sont pas équitablement répartis. Des états comme la Bolivie, Haïti sont beaucoup moins concernés. Ces IDE sont surtout à destination d' états émergents comme le Brésil, le Mexique ou le Chili. Les politiques libérales mais aussi les politiques conduites depuis les années 2000 n'ont pas permis de résorber les inégalités entre états ou à l'intérieur même des états entre les régions, les territoires ruraux et urbains...

D/ Une volonté d'intégration régionale et une intégration à la mondialisation 

Pourquoi et comment les états d'Amérique latine se sont structurés et avec quels résultats ? Comment parviennent-ils à s'insérer dans la mondialisation ? Le continent américain s'est organisé par l'intermédiaire de plusieurs associations soit à l'échelle continentale soit à l'échelle régionale voire « sous-régionale ». Sur l'ensemble du continent américain, on constate à la fois la domination des E.-U avec pour reprendre une expression de Laurent Carroué et Didier Collet d'une « hypertrophie des Etats-Unis » et des situations différenciées. Les E.-U sont toujours l'économie dominante et on peut mettre en évidence la coupure Nord-Sud du continent même si on constate dans les années 2000 une dynamique économique certaine de l'Amérique latine. Les E.-U et le Canada fournissent environ 80% du PNB du continent. La domination des E.-U se traduit par son fort impact sur les dynamiques économiques du continent mais aussi sur sa structuration. Toutefois, on note l'émergence de quatre puissances dites de second rang ce qui peut permettre de valoriser l'idée d'une Amérique plus polycentrique à savoir le Brésil, le Canada, le Mexique et l'Argentine. 

 a/ Plusieurs organisations régionales mais une volonté d'intégration plus forte 

Les organisations régionales se sont multipliées. Après la Seconde guerre mondiale, une volonté de coopération régionale se développe notamment à l'initiative de la CEPAL (Commission économique pour l'Amérique latine), une structure créée en 1948 dans le cadre de l'ONU. Elle est devenue depuis 1984 la CEPALC avec un élargissement aux Caraïbes (Commission économique pour l'Amérique latine et la Caraïbe). La CEPALC réunit 33 états dont les E.-U et Cuba mais aussi des états européens comme la France, le Royaume-uni, les Pays-Bas ou l'Espagne. Des pays asiatiques ont intégré la structure comme le japon en 2006 ou la Corée du Sud en 2007. Dès 1948, la CEPAL promeut l'idée d'une coopération économique s'inspirant du modèle européen. En 1960, la première organisation qui voit le jour est l'Association latino-américaine de libre- échange (ALALE) à laquelle participent les états sud-américains ainsi que le Mexique (Mexique, Argentine, Bolivie,Brésil,Chili, Colombie, Equateur, Paraguay, Pérou, Uruguay, Venezuela) .En 1980, elle s'est transformée en Association latino-américaine d'intégration (ALADI) composée des mêmes états auxquels Cuba s'est ajouté. L'ALADI est une organisation peu intégrée ne permettant que des négociations régionales entre les états la composant. 

 -le MERCOSUR : une organisation « modèle » en Amérique latine ? 

  •  Plus intéressant est la création du MERCOSUR (traité d'Asuncion du 26 mars 1991) en 1991, un marché commun concernant le Sud du continent et composé du Brésil, de l'Argentine, de l'Uruguay, du Paraguay et depuis 2005 du Venezuela). Il fait suite à un traité de coopération signé entre le Brésil et l'Argentine en 1988. Les objectifs du MERCOSUR sont de mettre en place une libre circulation des biens et des services, un tarif douanier extérieur commun. Ce dernier est d'ailleurs mis en place en 1995. Le MERCOSUR repose sur des institutions avec le Conseil du marché commun auquel participent les ministres des Affaires étrangères et de l'économie des états membres avec un organe exécutif devant mettre en application les décisions prises. 
  • Le MERCOSUR, c'est aussi un parlement avec élection au suffrage universel mais un parlement dont le rôle est pour l'instant purement consultatif. Ont été mis en place des fonds structurels devant permettre de réduire les inégalités entre états membres. Ces institutions peuvent prendre des décisions dans plusieurs domaines : l'industrie, l'agriculture, les transports, les mines... Depuis sa création, le MERCOSUR s'est élargi avec des états devenus des membres associés comme la Bolivie, le Chili (en 1996), le Pérou, la Colombie, l'Equateur, le Surinam et la Guyane. Le MERCOSUR paraît donc s'inscrire dans une volonté d'intégration régionale plus large qui pourrait très éventuellement concurrencer l'ALENA ou ou du moins être un contre-poids.
  •  Dans le cadre du MERCOSUR une banque du Sud est fondé en 2007 et des programmes de création d'infrastructures sont lancés afin d'améliorer l'intégration logistique. Ainsi, un projet autoroutier est lancé entre le Brésil, la Bolivie et le Chili, un projet Atlantique-Pacifique de plus de 4 700 kms devant relier la ville de Santos au Brésil au Nord du Chili. Ce projet doit permettre à la fois le désenclavement de la Bolivie et un meilleur accès à l'Asie aux produits brésiliens. Un autre projet consiste à connecter les gisements gaziers se trouvant au Pérou et en Bolivie au Chili, à l'Argentine, au Brésil, au Paraguay et à l'Uruguay. La coopération entre les états du MERCOSUR mais aussi avec les états associés est importante. Avec le MERCOSUR, se constitue incontestablement une zone de libre-échange ayant au moins permis un développement des échanges entre états membres même si ces échanges restent encore mineurs. En effet, si on prend l'exemple brésilien, pour cet état, le commerce avec le MERCOSUR ne représente en 2012 que 9% de ses importations et 11,5% de ses exportations. Les chiffres sont, par contre, plus élevés pour l'Argentine avec 27,9% de ses importations et 27,4% de ses exportations. L'intégration économique par le MERCOSUR est donc loin d'être achevée. De plus, la crise financière de 2001-2002 en Argentine a montré les limites de cette structure dans la régulation des crises. De façon plus générale, le MERCOSUR n'est pas encore capable de rivaliser avec des unions régionales comme l'Union européenne ou l' ALENA. 
  • Il peut néanmoins être perçu comme une étape indispensable dans l'intégration du sud du continent. Cette perspective est relancée en 2008 par la volonté de créer une organisation à l'échelle du sud du continent avec la création de l'Union des Nations sud-américaines (UNASUR) comprenant 12 états d'Amérique latine mais sans le Mexique et les états d'Amérique centrale. L'UNASUR toujours sur le modèle européen aimerait créer une véritable union économique et monétaire voire instaurer une citoyenneté sud-américaine. Elle dispose d'un secrétariat général (à Quito en Equateur). Cette organisation est réellement active depuis 2011 après la ratification du traité par 9 états : Argentine, Bolivie, Chili, Equateur, Guyana, Pérou, Surinam, Uruguay et Venezuela auxquels se sont joints un peu plus tard le Brésil, la Colombie et le Paraguay. L'UNASUR a également un parlement dont le siège est en Bolivie (Cochabamba). En théorie, l' UNASUR représente une union au poids important avec plus de 400 millions d'habitants mais elle n'en est qu' à ses débuts. Une autre organisation créée en 1992 (traité de San Antonio) avec entrée en vigueur en 1994, l' ALENA réunissant le Canada, les E.-U et le Mexique (NAFTA en anglais : North American free Trade Agreement) a marqué une étape importante dans l'intégration régionale et a semblé être un modèle à suivre pour les autres états du continent. Cette union régionale a une particularité qui est elle d'unir deux états très riches et développés à savoir les E.-U et le Canada et un état en développement le Mexique.
  •  L'ALENA s'inscrit dans une logique de concurrence par rapport à l'Union européenne et à son marché unique constitué en 1992-93. Les objectifs de l'ALENA étaient de réaliser progressivement un marché unique avec suppression des barrières douanières. Mais ce traité est somme toute complexe : les taxes douanières ont été d'office supprimées pour certains produits mais pas pour tous. De plus, seuls les produits réellement fabriqués dans cet ensemble étaient concernés afin d'éviter que des produits chinois ne transitent par le Mexique pour pénétrer le marché américain. Ce traité s'applique également à l'agriculture avec en particulier la suppression des subventions accordées par les états pour favoriser les exportations. 
  • Enfin, a été facilité la libre circulation des capitaux. Par contre, la libre circulation des hommes n'est pas à l'ordre du jour : les E.-U craignent les flux migratoires en provenance du Sud. L'ALENA constitue incontestablement une union puissante de plus de 475 millions d'habitants et a permis le développement des échanges intra-régionaux. Mais les effets pervers sont réels : la fin des subventions étatiques au niveau agricole a pénalisé les agriculteurs mexicains (on estime à plus de deux millions d'emplois perdus dans le secteur agricole du Mexique) mais aussi des entreprises locales incapables de rivaliser avec les firmes américaines ou canadiennes. Le marché agricole mexicain est désormais dominé par des produits américains y compris pour une production comme le maïs : la firme américaine Cargill contrôle la plus grande part des importations de maïs et a racheté les deux plus grands fabricants mexicains de tortillas : Maseca et Minsa. L' ALENA n'a pas non plus permis de régler le problème des milliers de travailleurs clandestins passant aux E.- U. Cette union pose de manière générale le problème d'une union entre des états riches et un état qui l 'est beaucoup moins. 

-La multiplication des organisations régionales : une Amérique latine encore fragmentée 

  • Le continent américain ne se résume pas aux deux structures que sont le MERCOSUR et l' ALENA : il existe d'autres associations qui fragmentent la région au lieu de l'unir. En 1960 avait été fondé le Marché commun centraméricain (MCCA) devenu le Système d'intégration centraméricain (SICA) en 1993 ; en 1969, le Pacte andin est également fondé : il devient en 1996 la Communauté andine des Nations. En 1973, c'est la création de la Communauté des Caraïbes (CARICOM). En 1960, le MCCA réunit le Costa-Rica, le Guatemala, le Honduras, le Nicaragua et le Salvador. Avec la naissance du SICA se sont greffés deux autres états : le Panama et le Belize. Le Pacte andin comprend la Bolivie, la Colombie, l'Equateur, le Pérou, le Venezuela (qui part en 2006) et le Chili (parti en 1976). La Communauté des Caraïbes comprend à l'origine la Barbade, le Guyana, la Jamaïque, et Trinité-et-Tobago puis Antigua, Les Bahamas, Le Belize, la République dominicaine, Grenade, Montserrat, les Grenadines, Haïti, Sainte-Lucie, Saint-Kitts-et- Nevis, le Surinam.
  •  On peut ajouter en 2005, le Central America Free Trade Agreement (CAFTA en anglais) qui est une série d'accords commerciaux passés entre les E.-U et les états du MCCA ainsi que la République dominicaine et toujours en 2005 l'Alternative bolivarienne pour les Amériques (ALBA) à l'initiative d'Hugo Chavez transformée en 2009 en Alliance bolivarienne des peuples d'Amérique composée du Venezuela, de Cuba, de la Bolivie à partir de 2006, du Nicaragua en 2007, du Honduras en 2008 (qui se retire en 2010) ainsi que de la République dominicaine, de Saint-Vincent et Grenadines, Antigua-et-Barbuda et l'Equateur. Ce projet veut être une alternative au projet plus global des E.-U de créer une organisation continentale (la zone de libre échange des Amériques = ZLEA).
  •  Il s'oppose au libéralisme prôné par le consensus de Washington de 1989. En 2005, la Bolivie, le Venezuela et Cuba ont signé un traité de commerce des peuples basé sur des échanges pétrole-services-biens agricoles s'inscrivant dans une logique différente de la logique libérale et plus généralement dans la logique des économies de marché. Ces états ont même décide de créer une chaîne commune de télévision, Telesur, devant être une alternative à la chaîne américaine CNN. Le Marché commun centraméricain est une organisation ayant favorisé, au moins au début, le développement économique des états membres. Pour que les échanges entre ces états soient facilité, ils ont créé une unité de compte commune : le peso centraméricain. 
  • Le problème du MCCA ou SICA n'est pas tant économique que politique avec la multiplication des guerres civiles et une forte instabilité politique depuis les années 1970. Trois états ont, en plus, signé un accord de libre- échange avec le Mexique en 2000 : le Salvador, le Honduras et le Guatemala. Il s'agit probablement pour eux d'essayer d'intégrer à long terme l' ALENA. Cette même année 2000, les états centraméricains ont signé un accord de libre échange avec Panama. Ces états d'Amérique centrale ont finalement signé un accord de libre échange avec les E.-U : le CAFTA évoqué plus haut. Le Pacte andin est signé en 1969 (accord de Carthagène) avec comme objectif de calquer le modèle du MERCOSUR. 
  • Il réunit des états différents avec un pays économiquement très en retrait à savoir la Bolivie.Ce pacte andin a dynamisé les échanges certes mais n'est pas une structure solide, ce d'autant moins que deux états clés de cette association, la Colombie et le Venezuela ont intégré ou sont à l'initiative d'autres structures. Le Venezuela a ainsi intégré en 2005 le MERCOSUR. De fait, depuis cette date, la Communauté andine ne regroupe plus que 4 états : la Bolivie, l'Equateur, le Pérou et la Colombie. De plus, ces états de la Communauté andine sont désormais des états associés au MERCOSUR. Quant à la Communauté des Caraïbes (CARICOM), son objectif est également la création d'une zone de libre échange et d'un marché commun. Elle est au départ une association regroupant des états anglophones mais un état francophone comme Haïti en fait désormais partie. 

b/ Une volonté de structures à l'échelle continentale ? 

-des tentatives d'organisations continentales

  • Des tentatives d'organisation à l'échelle continentale ont été ou sont mises en œuvre. Dès 1889, les E.-U avaient proposé aux états d'Amérique latine l'organisation d'une conférence dans le but de créer une union douanière à l'échelle du continent. La conférence a eu lieu à Washington mais sans aucun effet : les E.-U souhaitait une organisation qui exclurait les états européens des échanges ce que les états d'Amérique latine ne voulaient pas. Néanmoins, en 1910, est créée l'Union internationale des états américains (devenue Union panaméricaine en 1910). En 1948, suite à la 9e conférence de l'Union panaméricaine, l' OEA (organisation des états américains) voit le jour : son siège est à Washington. C'est une organisation qui regroupe l'ensemble des états américains à l'exception de Cuba exclu en 1961. Cette organisation se compose d'un Conseil permanent nommé par les états membres et avec une présidence changeant tous les 6 mois. 
  • Plusieurs structures dépendent de l' OEA comme l'organisation panaméricaine de la santé (OPS), l'Institut panaméricain de géographie et d'histoire dont le siège est à Mexico ou encore l'Institut interaméricain des affaires indigènes (siège également à Mexico). A l' OEA, s'est ajoutée la tenue régulière de sommets des états américains (sommets des Amériques) : le premier s'est tenu en 1994 à Miami, le second en 1998 à Santiago du Chili, le 3e à Québec en 2001...Un 6e sommet s'est déroulé en Colombie à Cartagena de Indias et surtout en avril 2015, un 7e sommet à Panama avec des représentants cubains invités. Une autre organisation plus large et déjà évoquée est la CEPAL (Commission économique pour l'Amérique latine) créée en 1948 et devenue la CEPALC en 1984 avec l'intégration des Caraïbes. Cette organisation réunit les états d'Amérique latine mais aussi les E.-U, le Canada ... 
  • La Banque interaméricaine de développement (BID) dont la création remonte à 1949 par la volonté des E.- U regroupait en plus des E.-U, 19 états sud-américains. Cette banque a été fondée afin, en théorie, de participer au développement de l'Amérique latine par des aides financières notamment. Actuellement, elle regroupe 48 membres qui ne sont pas tous Américains puisque le Japon, la Corée du Sud y participent. Certains états ont particulièrement bénéficié des aides de la BID comme le Brésil qui a reçu entre 1961 et 2012 des prêts évalués à 37 milliards de dollars ou encore l'Argentine et le Mexique avec 28 milliards de dollars chacun pour la même période. A ces organisations politiques et économiques s'ajoute une organisation militaire initié dès 1942 à Rio. En 1945 est signé le traité interaméricain d'assistance réciproque (TIAR). Dont les objectifs sont de garantir la paix, le développement de la démocratie et, dans le cadre de la guerre froide, de lutter contre le communisme.

 -avec une volonté contrariée d'un espace de libre échange généralisé au continent ?

  • En 1990, Georges Bush a lancé une « initiative pour les Amériques » confirmée par le premier sommet des Amériques de 1994. Il s'agit de créer une vaste zone de libre échange : la Zone de libre échange des Amériques (ZLEA) dont l'objectif est la création d'une zone de libre échange à l'échelle de l'ensemble du continent ce qui conduirait à la formation d'un marché unique de près d'un milliard d'individus. L'idée est même d'y inclure les services, l'éducation, les marchés publics...
  •  Pour le moment, cette idée est en sommeil : le Venezuela (mais aussi la Bolivie d'Evo Morales) y est hostile voyant dans cette proposition un moyen pour les E.-U de conforter leur domination sur l'ensemble du continent ; le Brésil préfère miser sur le MERCOSUR. Certes, les E.-U. Ont multiplié les accords bilatéraux avec des états comme la Colombie, le Pérou ou avec les états d'Amérique centrale (CAFTA) mais leur projet plus global est actuellement dans une impasse. Les rapports très inégaux de puissance entre les E.-U et le continent peuvent expliquer les réticences à une telle union. On peut également mettre en exergue la proposition chinoise de créer une zone de libre échange Asie-Pacifique (projet FTAAP) dont l'objectif est de lutter contre l'éventuelle zone de libre échange entre les E.-U et l'UE (Traité régional de libre-échange ou TPP). 

c/ L' insertion dans la mondialisation : un vecteur de développement 

-une intégration notable au processus de mondialisation 

  • L'insertion de l'Amérique latine dans la mondialisation est réelle. La création du groupe de Rio en 1986 réunissant 22 états en est un exemple : ce groupe entend échapper à la tutelle des E-U. Ce groupe est en négociation depuis plusieurs années avec l'Union européenne. Dès 1992, le MERCOSUR signait un accord avec l'Union européenne.Cette dernière est devenue le premier partenaire commercial du MERCOSUR mais aussi le premier investisseur. Un état comme le Chili a signé un accord de libre échange avec la Chine, le Venezuela également. Les Amériques connaissent une croissance de leur commerce même si elles ne représentent que 17% des échanges derrière l'Union européenne (environ 36%) et l'Asie (près de 32%). On note de plus une forte polarisation avec des E.-U en position dominante représentant 59% des échanges des Amériques alors que l'Amérique du Sud ne représente que 28% de ces échanges. Pour les états d'Amérique latine, ce sont le Mexique, le Brésil, le Chili, l'Argentine et le Venezuela qui sont les états les plus présents dans les échanges internationaux. Il faut par contre insister sur le fait que la croissance des exportations des états d'Amérique latine ne s'explique pas par le commerce intra-régional ou très faiblement. 
  • Ces exportations sont surtout destinées au marché nord-américain ainsi que vers les marchés mondiaux que sont l'Union européenne et depuis quelques années de la Chine. On peut expliquer cet état de fait par une faible complémentarité des états sud-américains qui sont plutôt en position de rivalité exportant surtout des matières premières agricoles ou minérales. Dans la nouvelle division internationale du travail, on note même ce que les spécialistes nomment une « reprimarisation » des exportations sud- américaines avec des états qui, avec la demande chinoise, exportent encore davantage de produits primaires. L'intégration à la mondialisation se réalise également par les FTN et leurs stratégies, les IDE et les différents flux. Les états des Caraïbes s'inscrivent dans le processus de mondialisation par les flux touristiques et par les flux financiers. Certains états sont des paradis fiscaux comme les Bahamas et ont donc un rôle notable dans les flux financiers planétaires. 
  • Quelques firmes d'Amérique latine s'affirment sur la scène économique internationale comme les firmes brésiliennes Petrobras, Vale, Gerdau Steel, les firmes mexicaines Pemex et Cemex ou des firmes comme Codelco (Chili) ou PDSAV, la firme du Venezuela. Les principaux émetteurs d' IDE d'Amérique latine sont le Brésil à hauteur de 45%, le Mexique à hauteur de 22%, le Chili (16%). Cette intégration à la globalisation se traduit aussi par l'augmentation des IDE à destination de l'Amérique latine avec un problème néanmoins : ces IDE sont très (trop) polarisés sur quelques états en l'occurrence le Brésil avec 38% des IDE suivi du Mexique et 21% des IDE. Les investisseurs s'intéressent particulièrement aux secteurs miniers et agricoles mais aussi à des marchés de consommation jugés intéressants comme le Brésil ou le Mexique où une firme comme Wal-Mart s'est implantée. Les matières premières minérales sont incontestablement un vecteur de l'insertion dans la globalisation. 
  • La hausse des cours de certains minerais depuis les années 2000 est un plus pour les états producteurs. Un nouvel arrivant comme la Chine a également redynamisé ce secteur. Les matières premières agricoles sont toujours un élément de cette insertion ce que traduit la forte augmentation des terres cultivées en Amérique latine pour répondre à la demande et au poids considérable de l'industrie agroalimentaire. L' Amérique latine est, certes à un degré moindre, un des greniers du monde. Par contre, pour le Sud du continent, l'industrie n'est pas encore un secteur facilitant l'insertion dans la mondialisation bien que l'industrie soit passée entre 1970 et 2014 dans les exportations de 11% à 47%. Mais, il faut là aussi souligner les différences entre états sur lesquels nous reviendrons juste ci-après. 
  • De plus, les progrès concernant l'industrie sont liées à quelques secteurs comme l'industrie agroalimentaire, les industries minières et quelques spécificités comme la production d'acier (groupe brésilien Gerdau = 14e rang mondial). L’Amérique latine s’inscrit dans la NDIT avec une intégration de plus en plus importantes dans l’économie mondiale. Les économies latino-américaines sont de plus en plus ouvertes avec par exemple un taux d’exportation par rapport au PIB qui est passé de 11 % en 1980 à 26 % en 2008. 

 - mais des insertions différentes selon les états 

  • L'insertion dans la mondialisation est inégale selon les états. Si nous reprenons l'exemple de l'industrie, deux états jouent un rôle essentiel à ce niveau à savoir le Brésil et le Mexique qui réalisent à eux deux plus de 60% de la production industrielle de l'Amérique latine (et assurent 89% de la croissance industrielle de cette partie de l'Amérique). De plus, si les états sud- américains tentent de satisfaire des besoins industriels comme pour les automobiles ou l'acier, c'est avant tout pour leurs propres marchés. Par contre, la logique est différentes pour les états du bassin des Caraïbes qui sont utilisées par des FTN notamment étasuniennes pour de la sous traitance (industrie textile par exemple) dans des industries dites maquillas profitant d'une main d' œuvre très bon marché : c'est le cas pour des états comme le Honduras, le Costa-Rica ou le Salvador. Les états du continent sud américain de façon générale ne sont donc pas intégrés de la même façon à la globalisation : les mieux insérés étant des états émergents comme le Brésil ou le Mexique et des états somme toute dynamiques comme le Chili et l'Argentine. Des états ayant des ressources minérales et agricoles tels la Colombie, le Pérou, le Venezuela parviennent à s'insérer même si cette insertion est partielle. Par contre, pour les états d'Amérique centrale ou la Bolivien l'insertion est encore problématique. Enfin, cela a déjà été évoqué, l'insertion dans la mondialisation est plus forte dans les grandes métropoles et sur les régions littorales, du moins certaines. L'insertion est donc également inégale au niveau des régions à l'intérieur des états. 

Bilan:

  •  Bien que l'Amérique latine connaisse un développement important et une réelle insertion dans la mondialisation, il faut mettre l'accent sur trois phénomènes essentiels permettant d'introduire des nuances : des inégalités très importantes, une pauvreté toujours présente et le poids de l'économie informelle. L'Amérique latine est une des régions les plus inégales au monde avec des écarts de richesse impressionnants : c’est un continent littéralement malade des inégalités. Bien entendu, il existe des différences selon les états et on peut dresser une typologie simple : des états où le PIB par habitant est faible avec la Bolivie, le Paraguay, le Nicaragua, le Honduras ; des états où ce PIB est considéré comme moyen avec le Brésil, la Colombie, l'Equateur, le Pérou, le Guatemala ; des états à PIB jugé élevé : Argentine, Chili, Costa Rica ou même très élevés : Mexique. Au Brésil, 10% de la population contrôle plus de 40% des richesses produites...Néanmoins, quelque soit la situation les écarts de richesse sont énormes ce que confirme l'indice de Gini souvent supérieur à 0,450 quelque soit le pays. Ces inégalités se retrouvent à plusieurs échelles : entre états, à l'intérieur des états entre les différentes régions, entre villes et campagnes et à l'intérieur des villes entre les différents quartiers. 
  • La pauvreté est un autre problème mais si elle est en diminution. En 2019, la pauvreté concerne en Amérique latine et centrale 191 millions de personnes mondiale soit 31 % de la population et 26 millions d’individus se trouvent en situation d’extrême pauvreté en distinguant entre pauvres (personnes dont le revenu est en dessous de 2 $ par jour) et indigents (personnes dont le revenu est inférieur à 1 $ par jour), selon les pays : 1,4 % d'indigents en Uruguay et 42% au Honduras. L'accent, il faut le reconnaître, a été mis ces dernières années sur la lutte contre la pauvreté comme l'illustre le cas du Brésil avec notamment le programme lancé en 2003 « Bolsa Familia » bénéficiant en 2011 à 12,6 millions de familles (un quart des brésiliens). 
  • Dans ce pays, on note aussi une hausse du salaire minimal qui est passé de 87 euros en 2002 à 219 euros en 2010. De manière générale, la proportion de pauvres et d'indigents baisse en Amérique latine tout en restant importante dans plusieurs états : Honduras, Nicaragua... L'économie informelle est bien présente en Amérique latine : il s'agit d'une « économie de la survie » qui permet à des populations en difficultés de vivre tant bien que mal. Cette économie et les emplois qui lui sont liés ont progressé depuis les années 1990 même si il est difficile de procéder à des évaluations précises (elle peut aller d'environ 25% au Brésil selon l'Organisation internationale du travail à près de 59% au Honduras). E/ Des puissances émergentes aux états en retrait : une réalité économique plurielle 
  • Comment caractériser et expliquer le positionnement des différents états dans le processus de mondialisation et de développement ? Pourquoi peut-on parler d'une Amérique à plusieurs vitesses ? L' Amérique latine n'est pas une au niveau économique et social : il existe des réalités différentes selon les états. Globalement, la situation des états d'Amérique latine lorsqu'on analyse des critères comme l' IDH ou le PIB par habitant peut être qualifiée d'intermédiaire en ce qui concerne le développement hormis le cas très atypique de Haïti qui est un PMA. Mais, ce positionnement des états de la région ne met assez en valeur les très fortes inégalités à l'intérieur même des différents états : inégalités villes-campagnes avec notamment le problème des paysans sans terre, inégalités entre quartiers très aisés des pôles urbains et quartiers très défavorisés... 
  • Les états d'Amérique latine connaissent de très grands écarts de richesses avec une forte concentration des revenus. Le processus de mondialisation a renforcé ces inégalités : les NTIC sont une bonne illustration de ces inégalités. Ainsi, en 2014, 8 des 26 pays d'Amérique latine ont un taux de pénétration d'Internet inférieur à 30% et seuls 6 pays ont un taux de pénétration supérieur à 60% (86,7% aux E.-U, 94,7% au Canada à titre de comparaison). 
  • Les états à la faible pénétration d'Internet sont des états comme le Nicaragua (15,5%), le Honduras (18,6%), Haïti (12,2%), la Bolivie (39,5%)... Les états ayant une pénétration de plus de 60% sont le Costa Rica, Porto-Rico, la Colombie, l'Equateur, le Chili, l'Argentine, l'Uruguay. 

e/ Des puissances émergentes intégrées à la mondialisation et symbole d'une Amérique latine en réussite 

 Plusieurs états sont considérés comme des états émergents plutôt intégrés au processus de mondialisation. 

 -Le Brésil, le géant sud-américain

  • Le Brésil est un « géant » à la fois par sa superficie de 8,5 millions de km carré (5e superficie mondiale) et une importante population de plus de 212,5 millions d'habitants en 2020. avec un taux de fécondité de 1,7. Il est surtout devenu une puissance économique importante : la 7e au monde en 2015 mais a régressé depuis étant en 2021 au 14e rang mondial. Il est en particulier la 6e puissance agricole et la 11e puissance industrielle. Le Brésil a connu depuis les années 2000 une forte croissance, en moyenne de 3,5% par an, une puissance désormais ralentie (depuis 2014 et elle est de 1,1 % en 2018 et de 0,9 % en 2019) et il est l'état le plus puissant d'Amérique latine. Le PIB du Brésil est de 1 444 milliards de $ en 2020 (le PIB par habitant selon la banque mondiale est d e6 796 $ en 2020) et de 1432 milliards de $ en 2021. Le RNB par habitant est de 14 450 $ en 2020. En 2020, le taux de chômage est de plus de 13%. C'est un état plutôt bien inséré dans la globalisation notamment au niveau agricole et minier. 
  • Dans ces deux domaines, ses exportations sont importantes et sont un élément du dynamisme avec des exportations de soja (2e exportateur mondial), de sucre, de café... sans compter ses exportations de minerais comme le fer ou le manganèse. Les produits dits bruts constituent encore 47% des exportations mais les produits industriels atteignent désormais 39%. Il faut souligner néanmoins le poids du secteur des industries agro-alimentaires qui représente 15% du PIB (et 20% des emplois industriels). Mais le Brésil, c'est également des industries de plus en plus performantes comme ses industries aéronautique, aérospatiale avec une firme très dynamique comme Embraer. Cette firme mais également Petrobras ou CVRD (Companhia Vale do Rio Doce= secteur minier) sont des FTN d'envergure mondiale. Le Brésil est également en excédent commercial depuis le début des années 2000 : son excédent commercial est de plus de 50 milliards de $ en 2020. Il est le pays qui attire le plus d'IDE en Amérique latine : 65 milliards de $ en 2019 (12e rang mondial) mais seulement 25 milliards de $ en 2020 en raison de la crise sanitaire. 
  • Ce dynamisme permet au Brésil d'être moins dépendant du FMI et des états développés mais aussi d'être beaucoup moins endetté. Il faut insister sur sa diversification économique en faisant un Etat réellement émergent. Un autre état économiquement important est le Mexique. Comme le Brésil,c'est un état démographiquement important (128,9 millions d'habitants en 2019) et doté d'une superficie certaine de 1,96 million de km carré. Le Mexique est la seconde puissance économique d'Amérique latine derrière le Brésil. Il dispose d'atouts comme le pétrole (46% des exportations du pays et environ 35% des recettes), de l'implantation de FTN (c'est après le Brésil le pays qui reçoit le plus d'IDE) sans oublier l'apport du tourisme. Son intégration à l' ALENA lui a permis de s'insérer dans le processus de mondialisation même si cette insertion génère de profondes inégalités. Le PIB du Mexique en 2019 est de 1274 milliards de $ et de 1095 milliards de $ en 2021 (16e rang mondial).
  • Le RNB par habitant du Mexique est de 19 870$. Il est un des états les plus développés d'Amérique latine mais comme pour beaucoup d'états ce développement est inégal (régions indiennes plus défavorisées comme le Chiapas). De plus,l'économie mexicaine est gangrenée par un fort niveau de corruption, une économie informelle très présente, d'importantes poches de pauvreté. 

 -Un cône Sud globalement et inséré : Chili, Argentine

  • Le cône Sud de l'Amérique est également dynamique : des états comme le Chili ou l'Argentine ont des atouts : ils représentent respectivement 6,6% et 5,8% des exportations du continent américain. Ils sont aussi récepteurs d'IDE ce qui est un signe d'une relative attractivité. L' Argentine comme le Chili ont notamment des atouts agricoles : l'Argentine étant notamment un état exportateur de céréales et de viande. Le Chili peut compter sur des exportations de minerais comme le cuivre. L’ Argentine a un PIB de 445 milliards de $ en 2019 mais ce dernier est tombé en 2020 à 383 milliards de $ (PIB par habitant de 8 433 $). Quant au Chili, son PIB est de 245 milliards de $ en 2020 (PIB par habitant de 12 612 $) . 

 f/ Des états périphériques en développement et des états plus en retrait 

 -des états périphériques en développement mais aux fortes inégalités : du Venezuela à l' Equateur

  • Plusieurs états peuvent être considérés comme périphériques : c'est le cas du Venezuela, de la Colombie ou de l'Equateur. Ces états ont des atouts notamment au niveau des matières premières qu'elles soient minérales ou agricoles mais ils n'ont pas encore réellement réussi un développement industriel permettant une insertion notable dans le processus de mondialisation . On peut signaler la profonde crise que connaît le Venezuela dont le PIB par habitant n’est que de 2546 $ en 2019 alors qu’il est de 6508 $ pour la Colombie et de 6 249£ pour l’Equateur. Le PIB du Venezuela n’est plus que de 48,6 milliards de $ en 2020. 

 -des états en retrait et encore marginalisés : de la Bolivie au Guatemala 

  • Plusieurs états sont nettement plus en retrait : c'est le cas de la Bolivie, d'une partie des états d'Amérique centrale comme le Guatemala, le Honduras ou des états des Caraïbes en particulier Haïti. Les états des Caraïbes peuvent être perçues comme « l'arrière cour des E.-U » et sont des états aux atouts réduits bien qu'ils peuvent bénéficier d'une attractivité touristique. Les états d'Amérique centrale souffrent de handicaps réels et sont en retard de développement. Le PIB par habitant d’Haïti est le plus faible du continent : il est de 784 $ en 2019 pour un PIB global de 8,8 milliards de $ (11,3 millions d’habitants). A titre de comparaison, celui de la Bolivie est de 3671$. Haïti est le seul PMA du continent.
Recherche