3/ Géopolitique d'un continent multipolaire, le rôle régional et mondial de la Chine, de l'Inde et de Japon

3/ L' Asie dans la mondialisation : un poids devenu majeur

ASEAN

A/ Une intégration régionale encore limitée


Les états asiatiques ont bien entendu des relations politiques, économiques, commerciales, financières fortes avec la formation d'unions régionales mais des unions dont aucune n'a la dimension et le niveau d'intégration de l'Union européenne. 
Ces unions comme toutes les unions régionales ont notamment comme objectif de développer les échanges, des échanges vecteurs de croissance et de développement. 

 a/Une intégration régionale réelle mais incomplète 

-le rôle déterminant des réseaux de communication 

  • Comme pour toute région, les réseaux de communications et leurs performances sont essentielles pour permettre le développement et favoriser les échanges et donc l'intégration régionale. Le développement des transports et des communications est un vecteur de cette intégration et comme une partie notable de l'Asie est maritime, ce sont surtout les infrastructures littorales et les ports qui ont bénéficié d'investissements conséquents. C'est le cas notamment pour cette Asie orientale devenue un pôle économique et commercial majeur du monde. La révolution des transports des années 1950-60 a pleinement bénéficié à l'Asie notamment l'invention et le développement des porte-conteneurs. Il faut savoir qu'à l'heure actuelle, les armateurs asiatiques jouent un rôle essentiel à la fois au niveau du commerce régional que du commerce mondial. Les groupes Evergreen (Taïwan), Cosco (Chine), Hanjin (Corée), NYK (Japon) sont des armateurs majeurs. Les états asiatiques se sont dotés de flottes commerciales performantes contrôlant plus de 43% des tonnages mondiaux. La Chine (numéro 2), le Japon (numéro 3), Singapour, la Corée du Sud et Taïwan sont dans le top 10 des flottes mondiales. 
  • Ces états sont en plus dominants dans le secteur de la construction navale puisque l'Asie génère 96% de la construction navale mondiale avec le poids très important de la Corée du Sud, du Japon et de la Chine. L'essor du transport et du commerce maritime ont généré la construction et le développement d'immenses ports et zones portuaires. Les ports asiatiques sont parmi les plus puissants et actifs de la planète (sur les 20 premiers ports mondiaux en 2019, 18 sont asiatiques). On peut ajouter que sur les 50 premiers ports de porte-conteneurs, 26 sont asiatiques et polarisent 70% du trafic mondial. Parmi les ports les plus dynamiques, on trouve par ordre d'importance : Shanghai, Ningbo (Chine), Singapour, Hong Kong, Tianjin (nord de la Chine)... En 2019, le premier port mondial est celui de Ningbo en Chine avec plus d’un milliard de tonnes, le second est Shanghai avec 705 millions de tonnes, le 3e Singapour avec 630 millions de tonnes puis viennent les ports de Suzhou (Chine) avec 607 millions de tonnes, Guanzhou (Chine) avec 566 millions de tonnes et ... 
  • Sur les 20 premiers ports mondiaux, 15 sont chinois ce qui est révélateur de la puissance commerciale et économique de ce pays (le 1er port européen est Rotterdam au 10e rang mondial avec 469 millions de tonnes. On retrouve le poids de l'Asie avec les ports spécialisés dans le trafic de conteneurs. Dans le classement de 2018, le premier est Shanghai avec 42,010 millions EVP puis viennent Singapour avec 36,600 EVP, Shenzhen en Chine avec 25,730, Ningbo avec 26,000 en Chine, Hong Kong avec 219641, le port coréen de Busan avec 21 562... au niveau des ports et du trafic conteneurs, sur les 10 premiers ports mondiaux en 2018, 9 sont asiatiques ( Dubaï est au 9e rang) et sur les 20 premiers 15 sont asiatiques, Rotterdam au au 11e, Avers au 14e rang, Los Angeles au 17e et Hambourg au 18e rang). En 2019, dans le top 10, on retrouve dans les 10 premiers encore 9 ports asiatiques dont Shanghai, Singapour et Ningbo classés aux trois premières places mondiales. Certains ports sont anciens, l'Asie ayant toujours eu des activités commerçantes et maritimes mais l'essor de nombre d'entre eux est lié à la croissance des états asiatiques das années 1960-70 puis à l'internationalisation croissante des économies. L'insertion dans la mondialisation a également contraint les états à procéder à de nouveaux aménagements portuaires pour être toujours compétitifs. L'exemple de Singapour est intéressant : la ville portuaire est relativement récente, fondée en 1819 par les Britanniques sur le site de la Singapore river. 
  • Depuis, la zone portuaire n »a cessé de se développer sur le site de Kepel à l'Ouest et depuis quelques années par la construction d'une nouvelle zone portuaire sur le site de Jurong. La zone portuaire de Singapour a même débordée sur les états voisins notamment en Malaisie (état de Johore) ou sur l'archipel indonésien de Riau. Une autre exemple est le port de Shanghai qui a bénéficié de l'ouverture de la Chine et de l'insertion de plus en plus importante de ce pays dans la mondialisation. Le port initial de Shanghai se trouve sur le Huangpu qui se jette dans le Yangzi : or ce port initial n'est pas capable de recevoir des navires importants que ce soit des pétroliers ou des porte-conteneurs. Les autorités chinoises ont donc développé de nouvelles zones portuaires en particulier à la confluence du Huangpu et du Yangzi mais aussi sur la rive droite du Yangzi en l'occurrence Wagaoquiao dont la proximité avec la zone franche de Pudong est un atout formidable. Mais devant la réussite des activités portuaires, un nouveau port, plus lointain, a été construit : le port de Yangshan (sur l'île du même nom). 
  • Ce dernier est capable d'accueillir les porte-conteneurs les plus importants et est relié au continent par un pont long de 30 km. Ces deux exemples montrent l'importance des zones portuaires. Il faut ajouter le développement de nouveaux ports et zones portuaires dans des états comme le Vietnam signe d'un développement économique avec des taux de croissance important du trafic de marchandises (supérieurs à 15% par an) comme avec le port de Saïgon-Tancang dont le trafic est de 3 millions d'EVP (presque 3 fois le trafic du port de Marseille). Les états asiatiques ont également développé les infrastructures aéroportuaires par l'aménagement des anciens aéroports ou la construction d'aéroports nouveaux comme celui de Narita à Tokyo conçu en 1978, celui de Changi à Singapour (1990) et plus récemment celui de Pudong à Shanghai (1999). L'aéroport de Beijing a été agrandi à l'occasion des JO de 2008. Actuellement, plus d'une cinquantaine d'aéroports asiatiques sont des aéroports internationaux ce qui est signe de l'insertion régionale et mondiale. Il faut savoir que dans la plupart des états asiatiques, le marché aérien est dominé par des firmes nationales comme la Singapore airlines, la Japan airlines... 
  • Le développement des infrastructures aéroportuaires traduit l'essor du transport et aérien et des flux qui lui sont liés.Un aéroport comme celui de Beijing est devenu le 1er aéroport asiatique signe de l'émergence de la Chine ; Les aéroports de Tokyo, Hong Kong, Singapour, Shanghai sont également très dynamiques et sont des hubs intercontinentaux. Ces aéroports sont non seulement actifs au niveau du trafic des passagers mais également au niveau du fret ; il faut souligner toutefois qu'en Asie ce sont les flux locaux qui dominent sur les flux internationaux. 
  • Dans le classement mondial 2018 en nombre de passagers, l’aéroport de Beijing arrive en seconde position avec plus de 100 millions de passagers derrière celui d’Atlanta et ses 107 millions de passagers. L’aéroport de Tokyo est au 5e rang (87 millions de passagers) et ceux de Hong Kong et Singapour respectivement aux 8e et 9e rangs mondiaux ( avecplus de 74 millions de passagers). Enfin, les états ont mis l'accent sur les infrastructures terrestres de transport d'abord pour connecter efficacement les pôles urbains et industriels des littoraux comme le Shinkansen au japon et dans la perspective de mieux relier l'hinterland aux façades maritimes. Parmi les choix qui ont été faits, la construction par la Chine d'oléoducs reliant le littoral notamment Shanghai au Xinjiang mais aussi aux zones d'hydrocarbures d'Asie centrale. L'accent est mis également sur les télécommunications, un domaine où plusieurs états ont un retard certain à l'exception du Japon, de Singapour ou de la Corée du Sud. Des états comme la Chine, l'Inde ou les bébés tigres dont l'Indonésie et le Vietnam tentent de combler leur retard par des investissements massifs.

- des façades maritimes 

  • Les façades maritimes asiatiques sont donc devenues des territoires fondamentaux à la fois pour les économies régionales et pour les économies mondiales et sont organisées autour de zones portuaires immenses. Ces ensembles portuaires et les façades maritimes connectent les territoires productifs asiatiques entre eux et aux marchés mondiaux. De grandes régions portuaires se sont ainsi formées comme dans les deltas chinois du Yangzi (Shanghai) et de la rivière des Perles (Canton), les baies de Tokyo et Osaka...Avec ces ports et zones portuaires se sont ainsi développées de véritables « plates-formes logistiques globales » formant un « corridor de croissance ». 
  • On peut différencier et mettre en évidence au niveau de ce corridor, les grands ports nippons que sont Tokyo, Yokohama et plus au sud Osaka-Kobé, de sports en partie tournés vers les échanges transpacifiques ; les ports coréens notamment d' Ulsan et Pusan avec une façade coréenne de plus en plus dynamique ; les ports et la façade chinoise de Hong Kong à Tianjin en passant par Shanghai. Il faut ajouter les ports de Taïwan en particulier Kaoshiung et ce port fondamental qu'est Singapour, un port qui structure et relie l'Asie du Sud-Est et l'Asie orientale. Les ports indiens sont pour l'instant moins dynamiques et importants comme les ports de Calcutta ou Mumbaï. 

 -et des villes 

  • La mégalopole japonaise est à ce titre un bon exemple de la concentration des activités et de l'intégration à la mondialisation. De façon plus générale, les métropoles sont des lieux de la globalisation comme l'illustrent Shanghai, Hong Kong, Singapour... 

b/ fondée sur une volonté de coopération

Les états asiatiques ont comme les différents états des autres zones géographiques de la planète élaboré une coopération qu'elle soit politique ou économique : les systèmes de coopération qu'ils soient à l'échelle locale ou régionale sont nombreux. Mais les rivalités régionales n'ont pas permis de réaliser des projets de coopération similaires aux projets européens. L'intégration politique, économique et institutionnelle reste sommaire. 

-une coopération et des accords régionaux devant favoriser le développement

  • Les états asiatiques ont signé de multiples accords bilatéraux : environ 95 mais il n'existe pas de structures régionales pour l'ensemble de l'Asie. Il existe certes des institutions recouvrant une zone géographique large comme l'Economic and Social Commission for Asia and the Pacific (ESCAP ou Commission économique et sociale pour l'Asie et le Pacifique ou CESAP) ou encore la Banque asiatique de développement (BAD). Au niveau de la coopération, on peut d'ailleurs différencier des accords entre états, des accords entre régions proches d'états différents (aires de coopération dites infra-régionales) et des « triangles de croissance » correspondant à des zones plus spécifiques. Commençons par les accords entre états. En 1947, dans le cadre de l'ONU avait été créée la Commission économique et sociale pour l'Asie et le Pacifique évoquée plus haut. Elle réunit 53 membres et des membres associés comme les E.-U., le Royaume-Uni, la Russie ou la France. Cette organisation a un objectif en théorie simple qui est de favoriser la coopération entre les états de cette zone tout en aidant au développement (y compris la lutte contre la pauvreté, le développement de l'éducation...). En 1966, la Banque asiatique de développement voit le jour à l'initiative de l'ONU Elle compte 67 membres qui ne sont pas tous des états asiatiques. 
  • Ce sont les E.-U et le Japon qui fournissent la partie la plus importante de ses capitaux. Parmi ses objectifs, le financement de grands projets. On trouve également comme structure l'Association pour la coopération régionale en Asie du Sud (ACRAS ou SAARC en anglais), une organisation dont la création remonte à 1985 et comprenant l'Inde, le Bangladesh, le Népal, le Bouthan, le Sri Lanka et les Maldives. Son siège est au Népal à Katmandou. Cette structure a décidé en 1991 de mettre au point un accord commercial préférentiel (mise en œuvre 1997) et d'instaurer une zone de libre échange en janvier 2006 (South Asian Free Trade Area). L' Inde est à l'origine d'autres projets non encore réalisés comme le Ganga-Mekong Swarbhoomi Project (adoption en 2000) devant lier l'Inde aux états de la péninsule indochinoise.
  •  En 1967 est créée l' ASEAN : Association des nations du Sud-Est asiatique (conférence de Bangkok) avec comme états l'Indonésie, la Malaisie, les Philippines, la Thaïlande et Singapour. L' ASEAN, même si elle proclame sa neutralité, est une organisation anti-communiste visant à consolider (à l'origine) la souveraineté des états signataires. La déclaration de Bangkok créant l' ASEAN est un texte bref qui n'est pas un traité au sens plein du terme et n'ont pas un texte contraignant. D'ailleurs entre 1967 et 1976, les seuls organes de l' ASEAN sont des secrétariats nationaux. Les ministres des affaires étrangères se réunissent une fois par an mais les gouvernements ne sont pas contraints par les décisions prises. A partir de 1976, l' ASEAN décide de se structurer davantage avec l'organisation régulière d'une conférence au sommet et l'établissement d'un secrétariat général. L'ASEAN met en avant une nécessaire coopération économique et veut faciliter le développement des états membres. Lors d'un sommet à Jakarta en 1976, les membres de l' ASEAN décident un approfondissement de la structure avec le choix d'une stratégie commune de développement basée sur la promotion des exportations. A la fin des années 1970, l' ASEAN promeut également une plus grande coopération avec des états comme le japon ou l'Australie. Cette organisation va également s'élargir avec les entrées du sultanat du Brunei en 1984, du Vietnam en 1995, du Laos et de la Birmanie en 1997, du Cambodge en 1999. 
  • L' ASEAN décide à la fin des années 1990 d'avancer vers un projet visant à constituer une zone de libre échange avec le lancement du projet Free Trade Area avec comme objectif concret d'abaisser les droits de douane à environ 5%. Ces barrières sont supprimées par étapeset les états se mettent d'accord sur l'harmonisation des différentes normes. Ce projet devient réellement effectif en 2015 avec la signature d'un véritable accord de libre échange puisque tous les droits d'importation entre les états membres sont supprimés. De plus, depuis 2011, des sommets entre états membres se déroulent associant des états non membres comme la chine, l'Inde, le japon, l'Australie ou la Nouvelle-Zélande. Au niveau de la coopération économique, l' ASEAN peut être considérée comme une association pionnière mais sans que ne soit envisagée une intégration financière et monétaire.Elle n'a pas non plus d'objectifs supranationaux mais a permis une intégration économique puisque le commerce intra-ASEAN est tout de même passé 82 milliards de dollars en 1990 à 169 milliards en 2000 et à 609 milliards en 2013 ce qui correspond à près d'un quart du commerce total des états membres. Les états membres ont défini des façons de gérer les relations afin d'éviter tout conflit sans oublier plusieurs apports institutionnels comme l'ASEAN Regional Forum créé en 1994 intégrant les E.-U., la Chine... 
  • A une autre échelle, se sont mis en place des aires de croissance qui repose sur les relations entre des régions proches appartenant à des états différents. L'idée de ces aires de coopération s'inspire de la création par la Chine des Zones économiques spéciales (ZES) à partir des années 1978-79. Parmi ces aires de croissance, la commission du Grand Mékong qui est une structure de coopération entre le Cambodge, la Birmanie, la Chine et sa province du Yunnan, le Laos, la Thaïlande et le Vietnam, des états et territoires liés par le fleuve Mékong et son bassin. L'intérêt de cette commission est qu'elle intègre des états et territoires en retrait comme le Laos ou le Cambodge et qu'elle permet le financement d'infrastructures de communication dans des zones jusqu'à présent mal desservies avec l'aide la Banque asiatique de développement. D'autres aires de coopération se sont mises en place comme la zone de coopération de la mer du Japon (une aire de 400 000 km carré et de 350 millions d'habitants dont l'objectif est de rapprocher des départements nippons, des provinces du nord de la chine, les départements de l'Est de la Corée ainsi que des oblast russes.
  •  C'est le cas également avec le partenariat de la mer Jaune incluant les régions de l'Ouest de la Corée, les provinces chinoises du Shandong, du Zhejiang et du Liaoning ainsi que l'île japonaise de Kyushu soit 2 millions de km carré et 250 millions d'individus : un partenariat qui a permis le développement d'infrastructures de communications. La zone de croissance dite BIMP : Brunei, Indonésie, Malaisie et Philippines a comme objectif de rapprocher le sultanat du Brunei, 3 provinces d'Indonésie (la province de Kalimantan Est, de Kalimantan Ouest et la province de Sulmawesi Nord), deux régions de Malaisie à savoir les régions de Sabah et Sarawak et enfin Mindanao et Palawan aux Philippines (700 000 km carré et 30 millions d'individus). A ces aires de croissance s'ajoutent des triangles de croissance à savoir des territoires économiques appartenant à trois états différents. Le mot « triangle » est utilisé en 1989 par le vice-premier ministre de Singapour (Goh Chok Tong) pour qualifier la zone économique transfrontalière mise en place entre Singapour, la Malaisie et l'Indonésie à savoir le triangle SIJORI concernant Singapour, la zone sud de Malaisie correspondant à l'état de Johore et l'archipel indonésien de Riau. Ces trois territoires sont gérés par une autorité administrative commune. Singapour met à la disposition de ce triangle son port et des capitaux alors que Johore fournit de nouveaux espaces destinés à l'industrie et une main d' œuvre.
  •  L'archipel de Riau fournit des travailleurs bon marché et des parcs industriels supplémentaires. Un autre triangle est celui de Medan par lequel coopèrent des états de Sumatra-Nord et d'Aceh en Indonésie, des états de Malaisie dont les états du Perak, de Kedah... et cinq états du Sud de la Thaïlande dont les états de Pattani, de Yala... : cette coopération devrait permettre le développement industriel sauf que les régions concernées sont en retard de développement avec en plus une zone où les tensions politiques sont importantes à savoir le territoire d'Aceh. Enfin, on peut signaler le triangle de Tumen créée en 1995 réunissant les villes de Tumen et Hunchun en Chine, la ville de Chong-jin en Corée du Nord et l'oblast russe de Vladivostok. La création de ce triangle a un objectif politique qui est d'apaiser les relations entre les états concernés tout en favorisant le développement économique. Les formes de coopération en Asie quelque soit les appellations sont plurielles. 
  • Ces coopérations sont souvent partielles relevant d'un certain pragmatisme mais sans ambition politique ou autre. La banque Asiatique de Développement (BAD) a fortement mis l'accent sur ce modèle de développement. A la fin des années 1990, elle a insisté sur la formation de corridors de développement dont le fondement est le développement des axes de communication pour mieux intégrer les différents territoires. La région du Grand Mékong évoquée plus haut entre dans cette logique. 

 -une volonté de coopération encore plus importante

  • On relève toutefois une volonté de coopération plus importante avec l'éventualité d'une zone de libre échange élargie à l'Asie. Dès 1990, la Malaisie avait souhaité un accord de coopération entre les états de l' ASEAN d'une part et la Chine, la Corée du Sud et le Japon d'autre part (projet de l'East Asia Economic Caucus ou EAEC). Ce projet est resté à l'état de projet notamment par l'hostilité des E-U. Néanmoins, une zone asiatique de libre échange (AFTA) est toujours dans l'air du temps : elle est mise en place non à l'échelle de l'Asie pour l'instant mais au niveau des états membres de l' ASEAN. 
  • Est envisagée, depuis 2004, par l'ASEAN, comme dans les années 1990, l'intégration à l' AFTA de la Chine, de la Corée du Sud et du Japon : c'est l'idée de l' ASEAN + 3. L' ASEAN, à partir de 1994, lance l'idée d'un forum régional avec les E.-U., le Japon, l'Australie, le Canada, la Nouvelle-Zélande, la Corée du Sud, l'Union européenne mais aussi la Chine et la Russie. Surtout a été créée en 1989 l' APEC ( la coopération économique Asie-Pacifique) qui, en 1994, se fixe comme objectif la libération des échanges dans la zone Asie-Pacifique. L'APEC devait être une réponse au développement de l'Union européenne et notamment de la mise en œuvre du marché unique. 
  • L'APEC comprend 21 membres : Canada, E.-U, Mexique, Chili, Pérou, Australie, Nouvelle-Zélande,Papouasie-Nouvelle-Guinée, sultanat du Brunei, Vietnam, Thaïlande, Malaisie, Philippines, Singapour, Indonésie, Chine, Taïwan, Corée du Sud, Japon, Russie, Hong Kong ce qui correspond à 2,7 milliards d'individus et 60% du PIB mondial. L'APEC néanmoins est plus un forum de discussions qu'autre chose. Il faut également évoquer le traité de libre échange dit Trans-Pacific Partnership ou TPP comprenant 12 membres : La Chine est à l'initiative d'un autre projet sans les E.-U mais avec l'Inde, le Regional Comprehensive Economic Partnership ). Mais, pour le moment ce sont des projets plus qu'une réalité.

B/ Une place majeure dans la globalisation


Il faut rappeler que certains territoires asiatiques s'inscrivent dans des processus de mondialisation et d'échanges depuis fort longtemps comme le montrent les routes de la soie, la route des Indes... Cette dernière, à partir des 15e et 16e siècles a permis des liens forts entre l'Europe et l'Asie permettant le développement de ports européens comme les ports portugais ou néerlandais... Ces échanges ont facilité le développement de comptoirs commerciaux en Asie comme Goa créé dès 1510 par le Portugal, Batavia (Jakarta) par les Hollandais en 1913 ou Pondichéry, un comptoir développé par les Français. Les Britanniques ont- quant à eux, développé Singapour à partir de 1819 dont ils ont fait un port performant. Le processus de colonisation a des effets sur les territoires les connectant aux échanges mondiaux : ainsi, les Britanniques développement la culture du thé à Ceylan (Sri Lanka), une plante originaire de Chine qu'ils développement aussi dans le nord de l'Inde. L' Asie es actuellement le 2e pôle commercial de la planète après l'Union européenne, devant l'Amérique du Nord : l'Asie représente actuellement 32% du commerce mondial.
 L' Asie est donc insérée dans la mondialisation et les liens économiques, financiers et commerciaux avec l'UE, les E.-U sont importants. Elle est au cœur des flux commerciaux avec la Chine et le Japon comme états dominants. La Chine, c'est aujourd'hui environ 13% à 14% des exportations mondiales de biens (2,5% seulement en 1993) ; le Japon est en perte de vitesse avec 4% de ces exportations de biens (contre 10% dans les années 1990)... 
La Chine est le1er exportateur et importateur mondial de marchandises (pour les services ce sont les Etats-Unis).Les états ayant eu la croissance la plus forte dans les exportations de marchandises entre 2008 et 2018 sont le Vietnam : 14,6 % de hausse annuelle, la Chine : 5,7 % et l’Inde : 5,3 %. Sur les 10 plus grands exportateurs de produits manufacturés en 2018, on retrouve la Chine en 2e position derrière l’UE et devant les Etats-Unis, le Japon est 4e , la Corée du Sud 5e , Hong Kong 6e , Taïwan 8e et Singapour 9e et l’Asie est devenue la première région émettrice d’IDE en 2015. En 2018, les IDE mondiaux représentent 1 300 milliards de $ et parmi les principaux récepteurs on retrouve en première position les E.-U avec 252 milliards de $ puis la Chine : 139 milliards de $, Hong Kong : 116 milliards de $,Singapour : 78 milliards de dollars, L’union indienne est en 10e position avec 42 milliards de $ devant la France 37 milliards de $. En 2018, l’Asie représente 39 % des IDE mondiaux. Néanmoins, on note des différences de développement et d'insertion entre une Asie de l'Est et du Sud-Est mieux intégrée et une Asie du Sud plus en retrait et en difficultés. Cette Asie du Sud ne représente que 8 % du commerce asiatique avec pourtant la présence indienne alors que l'Asie de l'Est représente 67% de ce commerce et l'Asie du Sud-Est 21%. On note aussi des évolutions intra-régionales avec la Chine qui a dépassé le Japon. 
Comme nous l'avons vu, le processus de régionalisation s'est accru avec un commerce intra-asiatique qui est passé de 35 à 53% de l'ensemble des échanges. Un état comme la Chine exporte pour environ 320 milliards de $ de marchandises en Asie. L'Europe et les E.-U représentent 13 et 10% des échanges de l'Asie. Le développement du commerce et des échanges est lié à un développement économique fondé sur l'ouverture après la Seconde guerre mondiale. La théorie du « vol d'oies sauvages » formulée dès les années 1930 par un économiste japonais Akamatsu évoque une remontée de filières fondée sur une industrialisation de produits dits de base destinés à être exportés afin d'accumuler des capitaux devant permettre l'accentuation du processus d'industrialisation. Cette démarche s'inscrit également dans le cadre d'états interventionnistes et protectionnistes. C'est donc le Japon qui a initié ce processus d'ouverture et d'industrialisation suivis par les « 4 dragons » que sont Taïwan, Singapour, la Corée du Sud et Hong Kong dans les années 1970 puis par les « bébés tigres » dans les années 1980-1990 : Indonésie, Malaisie, Thaïlande, Philippines qui bénéficient de nombreuses délocalisations. Il faut donc insister sur le développement d'une nouvelle division du travail qui est le résultat des stratégies des FTN et des différents états. Les délocalisations d'entreprises vers plusieurs états asiatiques à faible coût de main d' œuvre a modifié la division internationale du travail. Ces délocalisations ne sont pas une stratégie spécifique aux FTN américaines ou européennes : elle est aussi utilisée par les FTN japonaises notamment vers la Thaïlande et la Malaisie. Dans les années 1990, des firmes des NPIA comme la Corée du Sud ou Taïwan font de même. Ces délocalisations facilitent l'intégration économique des états concernés tout en favorisant les relations entre les différents états asiatiques. On note également une forte croissance des IDE (voir plus haut) ce qui est aussi un signe de l'insertion dans la mondialisation : le continent asiatique est devenu une destination privilégiée des IDE qui s'élève à environ 5 800 milliards de dollars. (22% du stock mondial d' IDE). Ces IDE ne se répartissent pas équitablement : la Chine reçoit ainsi la moitié des IDE asiatiques signe de son dynamisme économique. Les états comme Singapour, l'Indonésie, la Thaïlande... sont également très prisés. Quelques états moins attendus peuvent bénéficier d' IDE comme la Birmanie ou la Mongolie car ces états disposent de matières premières à exploiter ou les îles Maldives par l'intérêt qu'elle suscite au niveau touristique.
 L'Asie est parallèlement devenue en 2015 la première région émettrice d'IDE avec 35% des IDE mondiaux. En 2015, le Japon a émis pour 1 226 554 millions de $ d'IDE pour plus de 170 698 d'IDE entrants, la Chine 1 010 202 de $ pour 1 220 903 entrants... L'insertion dans la mondialisation est également le fait de l'internationalisation des FTN asiatiques. Ces dernières ont multiplié les investissements à l'étranger : 5 350 milliards d' IDE sont originaires d'Asie. L'insertion dans la mondialisation se fait par les matières premières qu'elles soient minérales ou agricoles. Le continent asiatique concentre 40 % de la consommation mondiale de l'énergie : un chiffre qui devrait croître vu la croissance démographique et le développement économique plutôt énergivore. La Chine, en pleine croissance économique et avec une population de près de 1,4 milliard d'habitants, c'est plus de 55% de la consommation énergétique de l'Asie devant l'Inde (12%) et le Japon (9%). Plusieurs pays asiatiques ont peu de ressources énergétiques et sont de ce fait dépendants : c'est le cas du Japon dépendant à hauteur de 94%, la Corée du Sud à 83%. 
Un état comme la Chine qui est pourtant un état producteur de pétrole, de charbon est dans l'obligation d'importer car sa consommation est trop importante. L' Inde, producteur de charbon, est néanmoins dépendante à hauteur de 30%. L' Asie est dans l'obligation d'importer près de 65% du pétrole qu'elle consomme dont une partie provient du Moyen-Orient d'où des liens économiques importants avec cette région du globe. Quelques pays comme l'Indonésie, le Vietnam, la Birmanie... sont toutefois exportateurs de pétrole (à destination des autres pays asiatiques). La dépendance énergétique explique le choix du nucléaire par le Japon mais aussi la Corée du Sud ou même la Chine. L'intégration à la mondialisation se fait par les échanges de matières premières minérales et agricoles sachant qu'à l'inverse des états d'Amérique latine ou d'Afrique, de nombreux états asiatiques ne sont plus dépendants pour réussir le développement économique des exportations de matières premières. Le continent asiatique fournit plus de 17% des exportations mondiales d'énergie et de minerais à destination en très grande partie du marché asiatique. Au niveau des matières premières agricoles, l' Asie joue un rôle important avec 22% des exportations agricoles : la Chine, l'Inde, l'Indonésie notamment font partie des états exportateurs. Les états asiatiques sont, bien entendu, insérés par les produits manufacturés et les services qui sont devenus des produits incontournables du commerce entre l'Asie et le monde. Il faut rappeler qu'aujourd'hui l'Asie représente 50% de la production industrielle de la planète. La Chine est ainsi la première puissance industrielle et le premier exportateur mondial de produits manufacturés. Le continent asiatique est l'atelier du monde avec 40% des exportations de produits manufacturés ce qui est fondamental pour l'insertion de l'Asie dans la mondialisation. Plusieurs économies asiatiques sont encore très industrialisées : l'industrie représente toujours 25% du PIB japonais, 45% du PIB chinois... 
Surtout le secteur secondaire est marquée par une importante diversité avec des industries allant de l'industrie textile aux hautes technologies. Ainsi, l'industrie textile conserve une place importante en Asie : la Chine compte encore 5 millions de travailleurs dans cette industrie, l'Inde est également un grand producteur de textile (s). Des états comme le Pakistan, le Bangladesh, le Cambodge où le coût de la main d'oeuvre est très faible ont vu un fort développement de l'industrie textile. Une autre industrie fortement présente en Asie est la sidérurgie : la Chine est le 1er producteur mondial d'acier avec plus de 49% de la production mondiale ; le second producteur au monde est le Japon, l'Inde est désormais au 4e rang mondial juste derrière les E.-U, la Corée du sud est au 6e rang mondial. Un autre secteur où l'Asie domine est la construction navale avec 87% de la production mondiale et une Chine qui est en tête devant le Japon et la Corée du Sud. On peut également souligner l'importance du secteur automobile avec Toyota certes mais également le développement de firmes comme Tata motors en Inde. Surtout plusieurs états sont devenus performants dans les hautes technologies : c'est le cas du Japon, de la Corée du Sud, de la Chine (voir le programme 863 lancé par la Chine dès 1986). Le développement industriel a impacté les territoires avec des régions qui ont bénéficié du processus d'industrialisation comme le « Golden quadrilatere » en Inde désignant un axe industriel comprenant Kolkata (Calcutta), Mumbai, Bangalore et Chennai ; le Japon de l'endroit de Tokyo à Osaka sans oublier une île comme Kyushu dénommée Silicon island. Cette industrialisation a bénéficié aux littoraux et aux métropoles et se sont développés également des technopôles comme à Singapour avec le technopôle Biopolis créé et dynamisé par l'état à partir de 2003 Mais l'Asie s'insère de plus en plus par le secteur tertiaire à savoir les flux financiers mais également le tourisme. Le poids des services est néanmoins inégal selon les états : il représente 73% du PIB nippon, 59% du PIB coréen mais seulement 35 % du PIB du Myanmar (Birmanie). Le secteur financier est un secteur important notamment pour Singapour où il représente 15% du PIB comme à Hong Kong d'ailleurs. 
L' Asie en particulier grâce à la Chine et au Japon, contrôle un tiers des actifs financiers des 220 plus grandes banques et assurances mondiales. Les places financières asiatiques occupent une place de plus en plus prégnante avec 30% de la capitalisation boursière mondiale. Les places financières de Tokyo, Shanghai, Hong Kong en sont des illustrations de cette puissance accrue. En 2013, les bourses de Tokyo et d'Osaka se sont rapprochées formant le Japan exchange group qui est au 3e rang mondial des places financières derrière New York et Londres. Les flux financiers en provenance d'Asie sont devenus fondamentaux avec des états créanciers du monde. Les réserves de change peuvent être importantes comme en Chine approchant 4 000 milliards de $. La Chine possède 40% des réserves mondiales de change. Le Japon est, quant à lui, au second rang mondial, Taïwan au 5e rang... Le tourisme est aussi un vecteur d'insertion : l'Asie a accueilli 214 millions de touristes en 2014 avec le développement d'un tourisme intra-asiatique (70% des flux touristiques en Asie). Aux Maldives, le tourisme représente plus de 60% du PIB et s'avère être fondamental pour cet archipel. 
Plusieurs lieux sont des lieux d'un tourisme mondialisé comme Bali (Indonésie), le Népal, la Thaïlande... Enfin, il est utile de rappeler la part importante que peuvent représenter les secteurs de l'agriculture et de la pêche dans les PIB pouvant au demeurant montrer que certains états sont peu développés et insérés dans la mondialisation. C'est le cas du Cambodge où l'agriculture représente 33% du PIB ou au Myanmar où cette part est de 48%. 

 a/ Une Asie très insérée dans le processus de mondialisation 

-des territoires moteurs au cœur de la mondialisation 

  • Comme nous l'avons vu, plusieurs types de territoires sont des territoires moteurs de la croissance et de l'insertion dans la mondialisation. Il s'agit des littoraux qui sont essentiels en Asie et des métropoles qui concentrent les activités (voir plus haut) 

 -et des états devenus des centres de l'espace mondial 

  • Des états sont particulièrement insérés dans la mondialisation. C'est le cas pour le Japon, les NPIA : Corée du Sud, Taïwan, Singapour, Hong Kong. On peut désormais ajouter la Chine voire l'Inde comme états émergents. Le Japon est par excellence un état au cœur de la mondialisation s'étant affirmé pendant la période dite de haute croissance des années 1960. Même si ce Japon est plus en difficulté depuis la fin des années 1990, il reste un état majeur de l'économie mondial. 
  • Les Dragons sont également devenus des pôles de cette mondialisation : en 2015, le PIB de ces 4 dragons était de 2 793 milliards de $ et ils représentent tout de même 3,3% de l'économie mondiale alors que ce sont des états de taille réduite. L'émergence de la Chine et de l'Inde a modifié la donne : Zaki Laïdi parlant pour ces états d'une « aristocratie émergente ». En 2020, le PIB chinois est de 14 860 milliards de dollars, le pays se situant au 2e rang mondial derrière les E.-U alors que le PIB de l'Inde atteignait 2 592 milliards de $.

 b/ Mais des territoires plus périphériques 

-des territoires encore en retrait 

  • Plusieurs états sont encore en retrait mais connaissent un dynamisme certain comme les bébés tigres : Malaisie, Indonésie, Vietnam... Ces états devraient s'insérer encore davantage dans la mondialisation. Ces « bébés tigres » sont désormais considérés par de nombreux spécialistes comme des états émergents. Un état comme le Vietnam est en passe de rejoindre cette dynamique. 

 -des états ayant des difficultés d'intégration 

  •  Quelques états ont des difficultés d'intégration profonds étant en fort retard de développement comme le Laos, le Cambodge, le Népal, le Bangladesh, l'Afghanistan. La Corée du Nord est un cas très à part par son système fondé sur une importante autarcie. Quant au Myanmar, son ouverture est récente.
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