Chapitre 4:1/ Le Japon : une puissance régionale et mondiale

A/ Le Japon : une grande puissance ?


Le Japon est un des états majeurs de l'Asie mais aussi une incontestable puissance économique, commerciale et financière mondiale. C'est un état de plus de 126,5 millions en 2020 avec un PIB de 5 176 milliards de $ en 2019 et de 5103 milliards en 2021 soit le 3e PIB mondial derrière les E.-U et la Chine (41 020$ par habitant en 2019 et 40 704 en 2021). Ce pays qui s'était replié sur lui-même à partir du 16e siècle a su se moderniser et s'ouvrir. Ce pays porte un nom intéressant : Nihon ou Nippon signifiant « racine du soleil ». 
Le nom de Japon parvient en Europe à partir de 1513 par le biais d'un diplomate portugais (Tomé Pirès), un nom dérivé d'un nom chinois à savoir Zipanguo, nom repris d'ailleurs par Marco Polo sous l'appellation de Cipango. Ce pays est un archipel composé de 6 852 îles avec 4 îles majeures : Honshû, Hokkaido, Kyûshû et Shikoku et ces îles forment ce qu'on nomme le mainland. Sa superficie est de 377 851 km carré et sa superficie maritime est de 4,05 millions de km carré (avec une zone économique exclusive de 200 milles) et son linéaire côtier est de plus de 33 889 kms. Il faut préciser que plusieurs îles sont éloignées (434) et ne correspondent qu'à 1% de la surface du Japon et 1% de sa population mais elles contribuent à l'importance de la ZEE Les territoires de montagnes couvrent 61% du pays faisant du Japon un pays particulièrement accidenté.Le Japon est un archipel complexe avec des îles pour certaines de dimension très réduites, un archipel allant de latitudes subtropicales à des latitudes dites subpolaires.
 Le Japon est souvent comme fascinant tout en étant réduit à de multiples clichés notamment ceux liés au Soft Power nippon : manga, karaoke, karate, sushi, bonsai... mais aussi de clichés beaucoup plus pernicieux ou tout simplement erronés : les Japonais sont identiques (ce qui est évident pour de nombreux occidentaux notamment lorsqu'ils voient des touristes japonais), un archipel isolé et fermé, un pays surpeuplé, l'idée d'un miracle économique après la Seconde guerre mondiale, un japon à la fois symbole de modernité et de tradition(s)...
Le Japon est un état et une société complexes qui ne peuvent se réduire à ces clichés ou ces perceptions. Enfin, soulignons que le Japon a un nouvel Empereur depuis 2019 avec Naruhito (qui succède à Akihito) lançant une nouvelle ère : l’ère Reiwa un terme signifiant « ordre et harmonie »(après l’ère Heisei d’après guerre « paix en devenir »). 

 a/ La puissance nippone : son développement 

L'état-nation japonais est ancien construit avec notamment une période clé celle du Yamato, au 2e siècle après J-C quand une réelle structure politique se met en place dans la province de Yamato (cité de Nara). Cette période allant du 2e siècle après J-C au 7e siècle est aussi celle de la pénétration du bouddhisme mais aussi du confucianisme, de l'écriture... Plus tard, le Japon dit féodal reposait sur une organisation clanique avec un système impérial où l'Empereur dépendait du Shogun qui détenait le pouvoir militaire et effectif. Ce Japon a longtemps été sous la domination de seigneurs (daimyos) et de leurs soldats (les samouraïs. Le Japon s'est fermé aux influences extérieures à partir du 17e siècle échappant de fait à un processus de colonisation. Le Japon a été confronté à trois temps forts dans sa relation aux Européens et à la modernité : une prise de contacts entre 1543 et 1643, contacts avec les Portugais et les Hollandais notamment. Des Européens qui sont ensuite rejetés ainsi que le christianisme dont ils étaient porteurs. Second temps fort : le 19e siècle notamment suite à l'expédition américaine conduite par le Commodore Matthew Perry obligeant le Japon à partir des années 1853-55 à s'ouvrir qui pousse quelques années plus tard le Japon à changer de politique (ère Meiji). Troisième rupture : la défaite de la Seconde guerre mondiale avec un Japon vaincu, en partie détruit et occupé par l'armée américaine.

 -une puissance récente 

  • Le Japon peut être considéré comme une puissance, au sens occidental du terme, récente car conçue et développée à partir du 19e siècle. L'imposition de l'ouverture par les Occidentaux avec notamment le traité de Kanagawa en 1854 donnant l'autorisation aux Occidentaux d'entrer dans les ports de Shimoda et Hakodate et la signature de traités inégaux en 1858 : traité Harris signé entre les E.-U et le Japon ouvrant le port d'Edo et 4 villes au commerce avec les E.-U. Et offrant aux ressortissants étrangers l'extraterritorialité. Suite à une période troublée, les Japonais vont procéder à la « Révolution Meiji » qui est initiée par l'Empereur intronisé en 1867, Meiji Tenno connu sous le nom de Mutsuhito. 
  • Ce dernier supprime le Shogunat, restaure l'Empire et veut moderniser le Japon. Il s'agit de calquer l'Occident dans sa modernité tout en préservant l'âme japonaise (Wakon Yosai = esprit japonais, technique occidental). La modernisation passe par une réforme politique avec la création de départements avec des préfets,déplacement de la capitale d'Edo vers Tokyo, par le développement d'une armée moderne et des réformes économiques importantes : création du Yen comme monnaie en 1871, formation de grands groupes industriels (Zaibatsu) sous forme de conglomérats, création et développement d'infrastructures (voies ferrées)... Le Japon s'engage dans une voie qui est le « national-développementalisme » où le développement économique est un moyen pour forger un état fort et une nation soudée capable de se tourner vers l'extérieur. L' Etat joue un rôle fondamental car c'est lui qui lance la formation des grands groupes industriels quitte à les privatiser dans les années 1880-1900. Il faut construire un « pays riche, armée forte » (Fukoku Kyôhei). (L'ère Meiji prend fin en 1912 avec la mort de Mutsuhito auquel succède Yoshihito inaugurant l'ère Taishô, une ère où se poursuit la modernisation (et la militarisation). En 1926, Hirohito succède à son père et lance l'ère Shôwa). 
  • La période Meiji, c'est également le début d'un expansionnisme et d'un impérialisme nippon. D'abord, le Japon mène une guerre contre la Chine entre 1894-95, un conflit se terminant par le traité de Shimonoseki permettant au Japon d'occuper Taïwan, les îles Pescadores, la presqu'île du Liaodong (Nord-est de la Chine). En 1904-1905, le Japon entre en guerre contre la Russie et va vaincre une puissance occidentale (elle annexe Port-Arthur et le Nord de l'île Sakhaline).Puis le Japon fait de la Corée un protectorat annexé d'ailleurs en 1910. 
  • Cette expansionnisme se développe encore plus sous l'ère Shôwa avec une politique expansionniste concernant la Chine. La Mandchourie est annexée en 1931 et transformée en colonie sous le nom de Mandchoukouo. Parallèlement, à partir de 1932, le Japon se militarise encore plus avec une armée jouant un rôle fondamental. En 1937, le Japon lance une offensive généralisée contre la Chine. En 1940, le Japon lance l'idée d'une sphère de co-prospérité asiatique qui n'est rien d'autre qu'une façon détournée d'évoquer un Empire colonial japonais en Asie. Le Japon a bien comme projet de bâtir un empire colonial mais un empire avant tout asiatique dont le cœur est l'Asie orientale. Le Japon devient un des acteurs majeurs de la Seconde guerre mondiale notamment avec son entrée en guerre contre les E.-U en décembre 1941. Cette guerre se termine par la défaite du Japon avec le traumatisme des bombes atomiques sur Hiroshima et Nagasaki.

 -relancée après la Seconde guerre mondiale 

  • La défaite de 1945 est un profond traumatisme pour le Japon : c'est un état vaincu, occupé et démilitarisé. Les Américains vont procéder à une refondation politique, économique mais aussi géostratégique (cadre de la guerre froide) du Japon. Politiquement et institutionnellement, les E.-U vont contraindre les Japonais à élaborer une nouvelle Constitution afin de faire du pays une démocratie et d'adopter un régime parlementaire (la rédaction du texte constitutionnel est supervisée par le général Mac Arthur). La loi fondamentale (Constitution) est votée en novembre 1946 et entre en application en 1947. 
  • Dans cette constitution, un article paraît étonnant, l'article 9 dans lequel le Japon « renonce à la guerre ». Cette Constitution donne naissance à un pouvoir exécutif composé d'un gouvernement ayant à sa tête un premier ministre responsable devant le Parlement appelé la Diète (Chambre des représentants et chambre des conseillers). L' Empereur est maintenu mais un rôle purement symbolique. Cet Empereur est toujours considéré comme le « souverain du ciel » (le tennô). Dans cette nouvelle Constitution, l'Empereur « est le symbole de l'état et de l'unité du peuple. » En 1946, des élections avaient été organisées par les Américains sauf que les anciens partis de l'ère Shôwa se sont reconstitués mais sous d'autres noms. Ainsi, en 1946, le Parti progressiste du Japon (Nippon Shinpotô) composé d'hommes politiques de tendance fasciste gagnent de nombreux sièges. Un parti comme le parti communiste (Nihôn Kyôsantô) récemment autorisé obtient seulement 3 sièges.
  •  En fait, de nombreux députés élus étaient déjà députés en 1942. (Quelques années plus tard, un parti est créé en 1955, le PLD ou Jimintô (Parti Libéral démocrate) parti dominant du Japon et presque constamment au pouvoir sauf entre 1993-94 et de 2009 à 2012 : un parti du centre-gauche lui succède de 2009 à 2012 (PDJ, parti démocrate du Japon fondé en 1996). La vie politique japonaise est dominée par des clans politiques et des hommes ayant commencé leur carrière avant la guerre : Hatoyama Ichiro, premier ministre dans les années 1954-1955, avait commencé sa carrière avant le conflit. Un de ses petits-fils, Hatoyama Yukio est 1er ministre entre 2009-2010. Beaucoup plus gênant, Nobosuke Kishi, premier ministre entre 1958 et 1960, est un ancien criminel de guerre jamais jugé. 
  • Un certain nombre d'hommes politiques de l'après guerre sont donc d'anciens hommes politiques liés au « tennô-militarisme » et qui ont voulu le maintien de l'Empereur. Cette volonté est un des axes constants du PLD. Les Japonais vont être particulièrement redevables aux Américains, en particulier au général Mac Arthur, d'avoir maintenu l'Empereur. Le contexte de guerre froide va changer la donne pour le Japon : en effet, dans un tel contexte, les Américains vont décider de s'appuyer sur ce pays afin de lutter contre l'expansion du communisme en Asie (Chine communiste en 1949). Dès 1949, les E.-U décident d'aider financièrement le Japon par le biais du plan Dodge et de l'aide GARIOA (Government Appropriations for Relief in Ocuppied Areas) mise en œuvre dès 1946 afin d'éviter que le Japon ne connaisse une famine et se traduisant par des aides financières notables : 287 millions de $ en 1947, 351 millions de $ en 1948...
  • Plus important est le traité de San Francisco signé entre le Japon, les E.-U et plusieurs autres états (sauf l'URSS) en 1951, un traité de paix par lequel le Japon renonce à Taïwan, reconnaît l'indépendance de la Corée... un traité mettant fin à l'occupation du pays par les Américains avec donc un Japon qui retrouve son indépendance. Un autre traité de sécurité nippo-américain est signé : les E.-U vont disposer de bases militaires au Japon notamment dans l'île d' Okinawa : les E.-U assurent finalement la protection du Japon. Ce traité est révisé en 1960 puis revu tous les 10 ans. Dans le cadre de la guerre de Corée, avec l'accord des Américains, le Japon va créer des « forces d'autodéfense » (jietai) : des forces composées de 75 000 soldats en 1950 (238 000 soldats dans les années 1970). 
  • Le Japon fiat progressivement son retour sur la scène internationale avec son entrée à l'ONU en 1956, la normalisation de ses relations avec l'URSS Dernier aspect important de l'après guerre, l'aspect économique. Une loi de 1947 a pour objectif de démanteler plus de 1200 entreprises japonaises : le but étant d'éviter que le Japon, fauteur de guerre, ait un appareil industriel puissant mais seulement 9 conglomérats seront supprimés et très rapidement se reformeront des conglomérats nommés Keiretsu. Parallèlement, une structure de grand avenir se met en place dès 1949 : le MITI. La guerre froide va dans ce domaine économique avec l'aide américaine, contribuer au redressement de l'économie nippone.

b/ Une puissance économique d'envergure mondiale 

-les fondements de la puissance économique 

  • L'après-guerre est d'abord marquée par une volonté de réforme agraire dans une période où la pénurie alimentaire est importante et dans un pays où la population est composée de 46% d'agriculteurs. L'agriculture japonaise est à l'époque peu moderne reposant sur des structures peu efficaces avec de nombreux paysans pauvres (4,7 millions) et des milliers de propriétaires non présents sur leurs terres. Les Américains vont contraindre le Japon à la réforme avec de nombreuses terres non exploitées revendues à un coût très faible aux familles d'agriculteurs pauvres (36% des terres sont ainsi revendues).Il s'agit également de concevoir une agriculture composée de propriétaires. C'est une agriculture de petites propriétés qui est bâtie, certes peu efficace au début mais qui va utiliser de plus d'engrais et de machines fournies notamment par le groupe Honda. Les agriculteurs japonais vont bénéficier d'importantes aides de l'état avec un marché intérieur protégé et des subventions importantes. 
  • D'autres réformes clés sont menées dans le domaine de l'éducation. L'enseignement était obligatoire depuis l'ère Meiji mais très inégalitaire. Les Américains vont mettre en place un système accessible à tous avec la création d'universités publiques (248 Universités en 1948. le Japon se dote d'un système éducatif moderne tout en étant sélectif et hiérarchisé. Il faut préciser que l'enseignement professionnel est assuré dans le cadre des entreprises. Le Japon va mettre en œuvre après la 2e guerre mondiale une politique économique spécifique et une stratégie de développement efficace dont les fondements sont le rôle de l'état, le Toyotisme notamment. Mais le Japon s'appuie sur des bases d'avant la guerre : il ne part pas de rien. 
  • Les années 1930-40 ont été importantes et on peut les considérer comme une matrice du Japon d'après seconde guerre mondiale. Le Japon avait déjà de grands groupes avant le conflit : les zaibatsu qui d'une manière ou d'une autre vont se reconstituer sous le nom de Kereitsu. Le Japon à la fin des années 1930 a mis en place une économie de guerre fondée sur l'état et un important dirigisme économique qui sont repris dans les années 1945-1950. Souvent, les salariés apparaissent comme dociles et il faut aussi rappeler que dans les années 1930, le mouvement ouvrier nippon a été canalisé et encadré notamment par des mesures sociales comme dès 1937 la création de caisses de retraite obligatoire ou la création d'une assurance maladie nationale en 1938. Surtout, l'état garde une forte présence et influence (monopole des télécommunications par exemple) et c'est lui qui lance la politique du nucléaire civil dans les années 1950 (début du programme nucléaire civil en 1954 et première centrale en 1971). 
  • Plus important encore est le rapprochement entre le monde politique et le monde des affaires. Le monde politique à travers le PLD, les administrations et le monde des affaires sont fortement liés : c'est ce qu'on nomme le triangle d'airain ou losange de fer (les liens s'étaient déjà tissés avant la guerre). Le Japon (l'état) élabore le « compromis toyotiste ». Certes la liberté syndicale et le droit de grève sont rétablis entre 1945 et 1947 mais, notamment dans le contexte de la guerre froide, l'état veut garder le contrôle des ouvriers et salariés. Cela se réalise par le soutien au syndicalisme d'entreprise, des négociations régulières entre les syndicats et le patronat (« l'offensive du printemps » ou shuntô). Le « compromis toyotiste » repose sur ce qu'on nomme le « triangle des trois trésors » à savoir l'emploi à vie (shûshin koyô dans les grands groupes), l'avancement à l'ancienneté (nenkô) et le contrôle des syndicats. Ace triangle, il faut ajouter la structure spécifique des entreprises avec de grands groupes s'appuyant sur des sous traitants (on peut donc parler de losange).
  •  A cela s'ajoute le toyotisme en tant que nouvelle organisation du travail fondée sur la production en flux tendus et les principes de zéro stock, zéro délais. Le Japon va également utiliser une stratégie de développement efficiente : la stratégie du vol en oies sauvages, une stratégie qui structure le Japon mais aussi l'Asie orientale avec une organisation et un système de centres, de périphéries plus ou moins lointaines. On peut rappeler que ce mode de développement a été explicité par un économiste japonais Akamatsu Kaname en utilisant l'expression de « vol d'oies sauvages », une métaphore s'appuyant sur une oie de tête entraînant d'autres oies dans son vol. Akamatsu Kaname utilise cette expression dès 1932 où il met en évidence trois types de pays : les pays avancés (senshikoku), les pays émergents (shinkôkoku) et les pays sous-développés (kôshinkoku). Cet auteur affirme que le développement doit se faire en 3 phases en obéissant aux avantages comparatifs. Dans la première phase, l'état pour devenir développé doit importer des biens des états déjà avancés afin de les produire lui- même. 
  • La seconde phase doit permettre de créer de nouveaux biens qui vont se substituer aux importations et ce grâce à un coût de main d' œuvre avantageux, une priorité donné au marché national mais aussi par une politique protectionniste. Lors de la 3e phase, il s'agit de développer les exportations : c'est ce que le Japon va faire à partir des années 1960 dans une période dite de haute croissance exceptionnelle. Parallèlement, le Japon a d'abord opté pour des industries dites de base comme l'industrie textile puis des industries lourdes comme la sidérurgie et la chimie puis de l'industrie automobile. Dans les années 1970, le Japon fait le choix des hautes technologies. Il faut signaler des évolutions depuis les années 1980-90 avec des industries japonaises qui se sont délocalisées, au moins partiellement, dans les états asiatiques : d'abord les NPI comme la Corée ou Taïwan puis en Chine et en Asie du Sud-Est. 
  • On note une « asiatisation » de plus en plus notable de l'économie nippone avec donc la volonté de réorienter son économie vers l'Asie orientale. En 2014, près de 40% des exportations japonaises sont à destination de la Corée du Sud, de Taïwan, de Hong Kong et de la Chine et des ces mêmes états proviennent près de 30% des importations alors que les exportations nippones vers les E.-U représentent 15% des exportations contre 29% en 2000 et de même les importations américaines sont passée de 19% en 2000 à moins de 10%. La Chine est devenue le 1er fournisseur du Japon : un Japon qui est également le 1er exportateur en Chine. La Chine, même si elle est devenue la seconde puissance économique mondiale au détriment du Japon, est pour les firmes japonaises un marché porteur. De même, les IDE japonais vers la Chine sont de plus en plus importants surtout vers la Chine littorale De façon globale, les IDE japonais se dirigent essentiellement vers des pays développés ou émergents.

 -pour des réussites importantes

  • Le Japon est bien un géant économique et un acteur majeur de la mondialisation:il est la 3e puissance économique mondiale avec un PIB en 2019 de plus de 5 100 milliards de $. Certes, il a subi une crise de longue durée, une crise d'une vingtaine d'années depuis les années 1990 mais il reste une puissance dominante. Sa puissance commerciale est indéniable : le Japon est classé comme 4e puissance exportatrice et importatrice de biens en 2018 (il est devancé par la Chine, les E.-U., l'Allemagne) avec 3,8 % du commerce mondial à ce niveau. En 2019, il est à la 9e place au niveau des exportations de services. En 2018, le Japon a exporté pour environ 625 milliards de $ et importé pour 634 milliards de $ ) ce qui génère un déficit commercial. En 2017, le Japon avait un excédent commercial de 23 milliards de $. 56 % des exportations du Japon sont à destination de 5 pays : Chine, Etats-Unis, Corée du Sud, Taïwan et Hong Kong. Ces exportations japonaises sont des produits à haute valeur ajoutée L' Asie dans sa totalité représente 57 % des exportations du Japon et 51% des importations. 
  • Comme nous l'avons déjà signalé, le Japon est un important investisseur : il est même en 2018 le premier émetteur d' IDE (123 milliards de $) dans le monde devant la Chine. Le stock d'IDE du Japon est en 2014 de 1 193 milliards de $. Par contre, en 2015, le Japon n'occupe que la 13 e place mondiale en terme de réception d' IDE et est même sorti du top 20 en 2017. Les flux d'IDE vers le Japon sont assez irréguliers : ils sont compris entre 10 et 12 milliards de$. En 2017, les principaux investisseurs au Japon sont les Etats-Unis et la France. Le Japon est également un des premiers créanciers du monde disposant d'une importante masse de capitaux et d'une réserve financière conséquente tant en or, devises étrangères...Il est à la seconde place mondiale derrière la Chine et devant l'Arabie saoudite en ce qui concerne le stock de réserves financières. Il détient énormément d'actifs à l'étranger que ce soit par le biais de ses firmes ou des institutions financières. 
  • A titre d'exemple, le Japon détient plus de 1 220 milliards de $ d'obligations du Trésor américain. Il faut signaler que sa croissance est ralentie : 1,1% en 2018. Le Japon a des secteurs performants comme l'automobile, la robotique, les télécommunications, l'informatique... Le Japon, c'est également des FTN très performantes avec des firmes très internationalisées : 54 des 500 premières FTN mondiales sont japonaises. Ce qui place le pays au 3e rang mondial après les E.-U (128 firmes) et la Chine (106). Parmi ces FTN, des firmes comme Sony (une firme qui comprend environ 100 sociétés dans le monde + siège à Tokyo), Panasonic (électronique grand public + siège Osaka), Toshiba (fabricant de semi-conducteur+ siège Tokyo), Sharp (fabricant d'électronique + siège Osaka), une firme que Foxconn le groupe de Taïwan voudrait racheter), Sumitomo Electric, Canon, NEC ou NTT dans le domaine de l'électronique et des télécommunications ou Nippon Steel dans la Sidérurgie. On retrouve également les grands conglomérats que sont Hitachi, Mitsubishi, Sumitomo, Mitsui tout comme les grands groupes bancaires : Mitsubishi UF, Sumitomo Mitsui Financial.... 
  • Les FTN nippones par leurs filiales à l'étranger emploient 5,6 millions de salariés (78% dans l'industrie manufacturière dont 1,5 million dans l'automobile). Dans le classement de Forbes de 2019, Toyota Motor arrive en 10e position mondiale avec un CA de 272 milliards de $, Honda motors est au 29e rang mondial avec un CA de 129 milliards de $, Japan Post Holdings est au 33e rang mondial avec un CA de 122 milliards de $ . Toyota en occupant la 10e place mondiale est la FTN emblématique du Japon.. Les FTN japonaises les plus connues sont souvent dans le secteur manufacturier mais il ne faut pas oublier les services ou d'autres secteurs avec une firme comme Dentsu (5e agence publicitaire au monde), Uniqlo, une chaîne de boutiques de vêtements qui appartient à Fast Retailing, fondée en 1949 et dont le siège est à Tokyo. En 2014, Uniqlo possédait 853 magasins au Japon et 700 à l'étranger. Mitsubishi est un conglomérat d'environ 300 sociétés différentes dont le siège est à Tokyo. 
  • La firme a été créée en 1869 par Isawaki Yataro comme entreprise maritime. Puis investit dans le domaine des mines et s'affirme rapidement conne un des zaibatsu majeur et se diversifie. En 1893 est créée une sogo shosha : Mitsubishi Corporation qui est l'organe de financement du groupe. En 1919 est fondé Mitsubishi Bank aujourd'hui devenue Mitsubishi UFJ Financial Group et la première banque japonaise. Mitsubishi Heavy Industries est une entreprise de construction mécanique présente dans l'aéronautique, l'aérospatial (lanceurs et satellites). Il existe aussi Mitsubishi Chemical holding , Mitsubishi Electric Corporation. La firme d'appareils photographiques Nikon appartient aussi à Mitsubishi sans oublier Mitsubishi Motors. Un autre conglomérat est Mitsui fondé dans les années 1870 par Mitsui Takatoshi. Mitsui est à l'origine de la première banque privée du Japon en 1876. Mitsui se compose de Mitsui Chemicals, Sumitomo Mitsui Financial Group (3e banque du Japon)...Panasonic est une firme qui s'appelait à l'origine Matsushita du nom de son fondateur Konosuke Matsushita en 1918 dans le domaine électrique (lampes). C'est en 2008 que Matsushita change de nom prenant celui de Panasonic. 
  • Cette même année Panasonic a acquis un autre groupe japonais Sanyo. Panasonic est un des leaders de l'électronique et des semi-conducteurs et a plusieurs filiales : Technics ( matériel électronique et Hi Fi), Sanyo... Sony est une firme créée en 1946 sous le nom de Tokyo Tsushin Kogyo avant de prendre le non de Sony en 1958. Sony se développe surtout dans les années 1950 avec la fabrication de composants électroniques puis des récepteurs radio. Plus tard Sony lance la cassette vidéo couleur (1971), le magnétoscope (1975),le disque Blu-Ray en 2006... Sony , c'est environ une centaine de sociétés dont Sony Music Entertainment, Sony Pictures, Sony Computer... Néanmoins, si l'industrie japonaise et ses firmes paraissaient si puissantes dans les années 1990, c'est moins le cas actuellement. La crise de 1991 avec l'éclatement de la bulle spéculative et financière a fait entrer le Japon dans une période de difficultés économiques : faillite d'établissements bancaires (1997: Hokkaido Takushoku Bank), hausse du chômage, baisse des prix et salaires, un système de l'emploi à vie remis en question. Les crises de 1997-98 (crise asiatique) et de 2008 (crise des subprimes) n'ont pas facilité le redressement du Japon et a impacté les FTN japonaises. 
  • Certains évoquent la « fin de l'âge d'or des multinationales japonaises »(Eric Boulanger, revue Diplomatie 2015) mais il faut souligner qu'au niveau des profits réalisés en 2015, elles font aussi bien ou mieux que les autres grandes FTN asiatiques. Les FTN dont le marché national est limité se sont internationalisés depuis longtemps et cherchent actuellement de nouveaux marchés. Les firmes les plus compétitives sont celles exportant et investissant à l'étranger comme Hitachi ou Honda sans oublier des firmes moins connues dominant un secteur d'activités comme Nidec (firme née en 1973 dont le siège est à Kyoto) leader sur le marché mondial des petits moteurs électriques, présente aussi dans l'optique, Murata Manufacturing qui fabrique des pièces électroniques et électriques comme des condensateurs céramiques de haute précision (firme créée en 1944 dont le siège est proche de Kyoto) ou encore une firme chimique comme Nitto Denko (firme créée en 1918 et son siège est à Osaka). 
  • Les firmes citées ont fait le choix des technologies les plus avancées . Un autre effet de la crise est le fait que les FTN se sont internationalisées par le biais de délocalisations surtout dans le domaine manufacturier .Dans l'industrie automobile, les firmes japonaises ont implanté 93 usines dans les pays membres de l' ASEAN (177 000 salariés). Depuis 2012, sous l'impulsion du 1er ministre Shinzo Abe, le Japon veut s'attaquer à ce qui est vu comme un déclin économique en mettant en place une politique dite Abenomics fondée notamment sur une politique fiscale plus flexible, un rééqulibrage des finances publiques et une volonté libérale de dérégulation économique. Shinzo Abe veut ouvrir davantage le Japon et renforcer sa compétitivité. c/ Mais une puissance politique limitée Le Japon a été longtemps une puissance limitée à la sphère économique et financière : la défaite de la Seconde guerre mondiale explique sa puissance politique freinée. On peut consdérer le Japon comme un nain politique.

 -Une volonté d'affirmation de la puissance 

  • Le Japon, notamment avec Shinzo Abe, ne veut plus être considéré comme seulement une puissance économique et rejette de plus en plus l'idée d'un « géant économique et un nain politique ». Le Japon entend être de plus en plus présent sur la scène internationale. Il souhaite comme d'autres états intégrer le Conseil de sécurité de l'ONU. Le Japon participe d'ailleurs à des opérations de maintien de la paix comme au Cambodge et même dans l'ex- Yougoslavie. C'est la loi dite PKO de 1992 (Peace Keeping Operations) qui rend possible les interventions à l'étranger. Le Japon a procédé à des efforts considérables au niveau militaire : il dispose de la 4e armée mondiale (ses forces d'autodéfense sont au 4e rang mondial pour sa puissance de feu). Cet essor a commencé dans les années 1980 lorsque les E.-U ont voulu que le poids de la défense de la zone Asie-Pacifique repose moins sur les épaules américaines. Le budget de la défense du Japon a donc augmenté (1% du PIB) et le budget de la défense est le 9e au monde en 2014 avec 45 milliards de $ (609 milliards de $ pour les E.-U + 216 milliards de $ pour la Chine+ 62 milliards pour la France au 5e rang). 
  • La loi qui a permis aux Forces d'autodéfense du Japon de participer à des opérations de maintien de la paix évoquées auparavant se traduit par la présence japonaise sur 23 terrains étrangers depuis 1992. Les E.-U souhaitent même aller plus loin avec des forces japonaises qui pourraient intervenir sur de véritables théâtres d'opération : cette volonté est partagée par le courant nationaliste et conservateur nippon. En 2006, le Japon a décidé de participer au financement du redéploiement des forces américaines hors d' Okinawa et du Japon. En 2015-16, la marine japonaise doit déployer 16 nouveaux navires y compris des porte-avions. Mais la puissance ou la volonté de puissance politique du Japon se heurte à des concurrents et rivaux notamment la Chine et la Russie qui est aussi présente en Asie. 
  • La rivalité avec la Chine est réelle ce que traduisent les tensions au sujet des îles Senkaku. Le Japon est en quête d'un soft power dont les mangas et les dessins animés sont des exemples. Ces deux moyens doivent permettre au Japon de diffuser leur culture et d'améliorer l'image du Japon. Il faut signaler que le ministère étrangère du Japon a complètement intégré l'influence culturelle dans sa politique. L'idée est également d'attirer plus de touristes au Japon qui est d'environ 9 millions en 2012 avec comme objectifs 25 millions à moyen terme. Le Japon tente aussi d'attirer des « cerveaux » tout en favorisant des flux d'étudiants japonais vers l'étranger. L'aide publique au développement est un autre moyen de ce soft power : le Japon est au 2e rang de cette APD avec environ 10 milliards d'aide souvent sous la forme d'aide bilatérale. 85% de cette aide publique au développement est à destination de l'Asie avec quelques états privilégiés comme la Birmanie, le Vietnam, l'Indonésie... 
  • L'organisation des Jeux Olympiques par Tokyo entre dans cette logique. La J-Pop (Japanese Pop Culture) a une influence mondiale que l'on retrouve non seulement avec les mangas et les dessins animés mais aussi avec les jeux vidéos à tel point qu'il existe une véritable industrie culturelle japonaise. Cette culture a un impact économique par le biais des nouvelles technologies. 

 -l'affirmation des ambitions politiques et géopolitiques 

  • La volonté d'affirmation de la puissance suppose l'oubli du passé douloureux du Japon. Toutefois, on note le retour du nationalisme japonais avec un néo-nationalisme avec notamment un nationalisme culturel avec par exemple la mise en avant de la levée du drapeau et la glorification de l'hymne national dans les écoles depuis 1999, la réhabilitation de l'Empire et du système impérial. Il faut préciser que ce nationalisme pose des problèmes à l'égard de la Chine, de la Corée et d'un passé japonais qui pour ces états ne passe toujours pas. 
  • Le Japon entend normaliser son statut de puissance avec le désir d'être une puissance moyenne et revendique d'être une puissance politique. Il s'affirme en Asie comme nous l'avons vu par l' APD ou sa participation à la Banque de développement asiatique. Certains Japonais souhaiteraient normaliser les relations avec la Chine et la Corée mais les conservateurs et nationalistes s'y opposent. 
  • D'ailleurs les tensions avec la Chine sont réelles bien que les deux états soient de vrais partenaires économiques. Par rapport à la Chine, le Japon tente donc de s'appuyer davantage sur les pays de l'ASEAN et même sur l'Inde. Le Japon est toujours un allié des E.-U avec lequel les liens sont toujours présents. Conclusion : Le Japon est la 3e puissance économique mondiale avec un rayonnement y compris culturel certain. Mais il n’est pas en capacité réelle de s’affirmer comme puissance politique majeure.
Tokyo

B/ Les évolutions et transformations de la puissance japonaise


Depuis les années 1950, le Japon a connu des évolutions notamment sociales et démographiques plutôt proches des évolutions des autres états développés. Le Japon a une organisation géographique obéissant à la logique centre-périphérie avec des espaces centraux de plus en plus dominants renvoyant à une Japon à plusieurs vitesses. Avant d'aborder les caractéristiques et évolutions du territoire japonais, il faut insister sur l'importance de la mer et des ouvertures maritimes. Le Japon est un état archipel conférant aux îles et aux littoraux une importance considérable. Sa ZEE lui donne une superficie 12 fois supérieures à surface émergée soit 4,5 millions de km carré. 
On ne peut donc comprendre le Japon sans la mer et on peut dire qu'il s'agit d'une « civilisation de la mer ». Les intérêts économiques et stratégiques de cette ZEE sont fondamentaux avec les ressources halieutiques ou en hydrocarbures. Le Japon a dans cette optique tout fait pour préserver l'atoll d'Okinotori (Okitonorishima) situé au Sud du Japon à 1700 kms afin de maintenir une ZEE de 400 000 km carré. 
Le Japon a financé en 2007-2008 un programme visant à réimplanter des coraux dans l'atoll afin de le préserver. Cet atoll pose un problème de relations avec la Chine qui le considère comme de simples rochers ne pouvant donner lieu à une ZEE. Dans cette ZEE autour de cet atoll, hormis des ressources halieutiques, se trouveraient des minerais comme le cobalt, du lithium... Il faut également rappeler que le Japon se classe au 1er rang mondial pour la pêche mais aussi pour l'aquaculture. 

 a/ une mégalopole dominante : le cœur économique et décisionnel du pays 

 -la mégalopole : l'espace central du pays 

  • Le territoire japonais est organisé autour d'une mégalopole: cœur économique et industriel du pays. La mégalopole japonaise a pour territoires majeurs ceux des métropoles de Tokyo, Nagoya et Osaka avec une extension au Nord jusqu'à Sendai et au Sud jusqu'à Fukuoka et Kumamoto (au nord de l'île de Kyushu). Elle s'étire sur environ 1000 kms et polarise plus de 50% de la population du pays et 65% de l'économie nationale. Avant d'approfondir l'analyse de cette mégalopole, il faut rappeler l'importance de l'urbanisation et de la métropolisation du Japon. Cette mégalopole qui correspond à un chapelet de villes et d'aires métropolitaines a bénéficié de la phase de haute croissance et du développement des infrastructures comme le Shinkansen. Ce dernier est un système de train à grande vitesse avec une ligne inaugurée en 1964 sur ce qu'on nomme le Tokaïdo à savoir l'axe de circulation entre Tokyo, Kyoto, Osaka et Kobe. Le 1er tronçon reliait et relie toujours Tokyo à Osaka. Depuis des extensions ont eu lieu vers le sud en particulier Fukuoka puis en 2004 vers le sud de l'île de Kyushu) et vers le Nord (Sendaï) et le Nord-Est sur la façade de la mer du Japon (Niigata en 1982). 
  • La mégalopole a une organisation polynucléaire avec une région phase celle du Kanto dont la ville de Tokyo est le pivot. Cette région est le 1er pôle économique du Japon avec deux atouts indéniables : la plaine littorale la plus conséquente du pays et une baie importante. La région du Kanto, c'est une conurbation phénoménale regroupant Tokyo dont l'agglomération dépasse les 37 millions d'habitants, Yokohama (un port actif classé dans le top 30 mondial et une ville de plus de 3,7 millions d'habitants ainsi qu'un lieu d'industries lourdes comme la sidérurgie,la construction navale), Kawasaki (une ville de 1,4 million d'habitants coincée entre Tokyo et Yokohama) et Chiba (une ville d'un million d'habitants et un port très actif à savoir le 23e au monde avec 163 millions de tonnes de marchandises etc des industries chimiques et sidérurgiques) soit au total plus de 43 millions d'habitants. 
  • Un peu plus au sud, se trouve le Chubu, le 3e pôle économique du Japon avec 17% du PIB organisé autour de la métropole de Nagoya : cette ville a idéalement située sur l'axe du Tokaido reliant Tokyo à Kyoto. Nagoya et sa région ont plusieurs activités industrielles comme la chimie, l'aéronautique et l'automobile (près de 50% de la production automobile du Japon) avec notamment Toyota et Honda installés à Nagoya et dans son agglomération. Le port de Nagoya est le premier port du japon et le 16e au monde avec plus 207 millions de tonnes de marchandises en 2014. Encore plus au sud, le Kansai (ou Kinki) le second pôle économique du Japon (18% du PIB) et cœur historique avec Kyoto. 
  • Cette région est structurée autour d'Osaka-Kobé-Kyoto. Plusieurs grands groupes ont le Kansai comme base territoriale : Panasonic anciennement Matsushita (Osaka), Nintendo (Kyoto), Sharp (Osaka) ou encore Sanyo (Osaka). Le Sud est de plus intégré à la dynamique de la mégalopole avec les métropoles d'Hiroshima, Fukuoka... Des firmes comme Toyota, Nissan ont de nombreuses usines sous traitantes dans l'île de Kyushu sans oublier le développement de la Silicon Island, une zone spécialisée notamment dans les semi-conducteurs. Dans les années 1980 (1983), le MITI lance le plan technopolis pour développer des technopôles : ce plan a en partie bénéficié à la mégalopole comme Tsukuba ou plus au Nord, la ville de Sendai avec 18 des 26 technopoles prévus par le plan localisés sur la façade Pacifique. On considère que ce plan a en fait élargit la mégalopole vers le Nord et le Sud.

 -Avec le poids décisif de Tokyo 

  •  Tokyo est non seulement la ville clé du Kanto mais celle de l'ensemble du Japon. Elle est une des villes globales de la planète (avec New-York, elle est la ville plus puissante du monde comme l'indique son produit urbain brut d'environ 1500 milliards de $) concentrant les fonctions de commandement, les fonctions politiques et économiques. C'est à partir de l'ère Meiji que Tokyo s'est imposée notamment en devenant le cœur politique du Japon.
  • Tokyo est la capitale du pays, concentre 60% des sièges sociaux des firmes nippones (sièges de Sony, Mitsubishi, Mitsui, Sumitomo) et accueille 90% des filiales des entreprises étrangères installées au Japon, près de 30% de la valeur ajoutée industrielle de l'industrie, dispose d'une place financière majeure (la 3e au monde), de centres de recherche et d'universités dont la cité scientifique de Tsukuba est un symbole... La ville de Tokyo est organisée autour d'un CBD correspondant au triangle Marunouchi- Kasumigaseki-Toramonon. 
  • Devant l'extension considérable de la ville, des « sous-centres » ont été créés dont celui de Shinjuku à l'Ouest du CBD initial considéré comme le second centre de la capitale. Le dernier créé est celui de Rinkaifukuto-shin (années 2000) sur la baie de Tokyo. Il s'agissait pour ce dernier projet de revitaliser le front de mer avec rénovation de friches industrielles mais aussi constructions sur terre-plein. Le centre de Tokyo étant saturé depuis les années 1980-90, on constate un desserrement de la ville comme avec le technopôle de Tsukuba créé à 60 km au nord-est.

b/ des clivages territoriaux notables : Japon de l'endroit, Japon de l'envers 

 -un Japon de l'endroit dominant

  • Il existe comme nous l'avons dit une logique forte centre-périphérie au Japon avec un espace central dominant qui est celui de la mégalopole et plus généralement le Japon dit de l'endroit à savoir celui du littoral Pacifique. Le territoire majeur celui du Kanto,du Kansai, du chubu et de Kyushu concentrent 79% de la population sur 47% du territoire. Le reste du territoire à savoir 53% du territoire et seulement 21% de la population. 
  • Si nous rentrons plus dans les détails, les territoires centraux (Kanto, Kansai, Chubu et Kyushu), c'est en 2018 plus de 99 millions d'habitants et concentrent 78% des jjeuens de 0-14 ans du Japon. Les périphéries dont Hokkaido, Okinawa, Shikoku représentent seulement 27 millions d'individus et 22% des 0-14 ans. Sur un plan économique, les territoires centraux représentent 81% du PIB, 82% de l'industrie manufacturière, 88% de l'industrie automobile, 85% des industries électroniques, 84% des services scientifiques, 82% de la finance... 
  • Inversement, les périphéries ne représentent que 19% du PIB, 18% de l'industrie manufacturière, 12% de l'industrie automobile, 15% de l'industrie électronique, 18% de la finance...

 -Un Japon plus en retrait : le Japon de l'envers 

Le Japon de l'envers est un Japon périphérique bien que certains pôle se soient développés comme Niigata ouToyama grâce au plan technopolis. Toyama est une ville de plus de 420 000 habitants. Encore plus périphériques sont les îles de Shikoku et Hokkaido. Hokkaido est néanmoins la région la plus agricole du pays et est aussi une région touristique (la ville de Sapporo avait organisé les JO d'Hiver en 1972 et est une ville de près de 2 millions d'habitants tout de même). En retrait également les îles les plus au sud de l'archipel comme les îles Ryukyu dont l'île principale est l'île d' Okinawa. Les déséquilibres spatiaux sont donc très importants. Les espaces en marge sont notamment les territoires de montagnes et les campagnes : des campagnes très vieillissantes et connaissant un exode rural. L'île d' Hokkaido représente 39% du territoire mais 11% de la population et seulement de 3,7% du PIB (3% de la finance). Les îles des Ryukyu est un « finistère » et un des territoires les plus pauvres avec0,8% du PIB ne vivant vraiment que du tourisme et de l'impact des bases militaires américaines. 

c/ Des évolutions sociales sources d'inquiétudes : vieillissement, difficultés sociales... 

Le Japon connaît également des changements sociaux profonds et des difficultés sociales en partie liées aux difficultés économiques. a/ une démographie très ralentie

 -une population fortement vieillissante

  • La population du Japon est vieillissante avec en 2015 un taux de fécondité de 1,4 et un taux de natalité de 7 pour mille (19 pour mille en 1970). De ce fait en 2013, l'accroissement naturel était de moins 0,13%. La natalité du Japon est bien au plus bas avec un des taux de fécondité les plus bas des pays développés. La baisse de la fécondité s'explique par plusieurs facteurs comme les difficultés des femmes à concilier travail et enfants, par le manque de structures d'accueil des enfants, les difficultés économiques et un coût de la vie pouvant être très élevé (ville comme Tokyo).Le vieillissement de la population pose le problème du financement des retraites. 

 -s'expliquant par plusieurs facteurs

  • Le Japon avait réalisé sa transition démographique dans les années 1920 avec une natalité ayant baissé par la scolarisation, la modernisation des modes de vie et les débuts d'une certaine émancipation des femmes. La loi dite eugénique de 1948 légalise l'avortement, met en place un planning familial ce qui contribue à faire baisser la natalité. Le Japon connaît un court baby boom dans les années 1947-50) puis un baby boom plus ténu dans les années 1970. Le taux de natalité passe de 28 pour mille en 1950 à 7,8 pour mille en 2008 et c'est dans les années 1990 que l'indice de fécondité passe sous 1,5 (avec un indice encore plus bas en 2005 de 1,2). Parallèlement, l'espérance de vie est importante (85 ans). 
  • Depuis quelques années, les gouvernements veulent relancer la fécondité mais sans réel succès d'où l'idée de faire appel à l'immigration. Les mœurs ont également évolué même si demeurent des constantes comme l'importance accordée au mariage (le taux de nuptialité est de 95%), les naissances hors-mariage peu fréquentes (2 à 3%) tout comme les couples non mariés vivant ensemble. Néanmoins, on constate une hausse du nombre de célibataires, l'âge moyen au mariage augmente atteignant plus de 28 ans pour les femmes et plus de 30 ans pour les hommes (23 ans et 26 ans dans les années 1950). 
  • L'âge du premier enfant est autour de 29 ans et de nombreux couples n'ont qu'un enfant. Le divorce est encore faible mais plus important dans les villes que dans les campagnes. Plus notable, on note une volonté des femmes japonaises de donner priorité au travail sachant que 50% des femmes exercent plutôt un travail précaire ou à temps partie. La jeunesse japonaise a également changé avec une montée de l'individualisme, un attrait certain pour la société de consommation, des jeunes rejettent le système scolaire (phénomène des otaku et des hikikimori)...

 b/ L'envers de la réussite nippone 

 -pauvreté et inégalités

  • L'envers de la réussite japonaise est notamment la hausse de la pauvreté. En 2012, 16,1% des Japonais vivaient en dessous du seuil de pauvreté, un seuil de 8629 euros. Le Japon se situe au 4e rang au niveau de la pauvreté des pays de l'OCDE derrière le Mexique (18,5%), la Turquie (17,5%) et les Etats-Unis (17%). Ces chiffres sont tirés d'une enquête publiée en juillet 2014 par le ministère de la santé avec 1 japonais sur 6 vivant sous ce seuil de pauvreté et un enfant sur 6 est concerné avec un taux de pauvreté en hausse pour les enfants depuis une quinzaine d'années. Parallèlement, on note une précarisation du travail avec environ 4 actifs sur 10 ayant un contrat précaire. A cela se greffe des niveaux de retraite modestes.

-des catégories exclues 

  • Il faut aussi évoquer les Burakumin (« les personnes de la communauté »). ils sont les descendants d'une caste de parias mise à l'écart de la société à l'époque médiévale. C'étaient des personnes considérées comme impures exerçant des métiers jugés malsains. Les Burakumin se sont ainsi chargés des métiers en lien avec la mort vivant à l'écart dans des quartiers ou des hameaux. Leur statut de paria est normalement supprimé en 1868-1871, les Burakumin deviennent citoyens mais les Burakumin demeurent et sont environ 2 à 3 millions. Certains sont membres de gangs de Yakuzas mais le plus grand nombre exercent des métiers dévalorisés Lors de l'accident de la centrale nucléaire de Fukushima, ce sont des Burakumin qui ont fait office de nettoyeurs de la centrale.
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