Chapitre 6: L' Inde : une nouvelle puissance qui s'affirme

1/ L'état indien : un état complexe sujet à des tensions fortes


A/ Un état complexe aux multiples dimensions 

 -la plus grande démocratie du monde 

  •  L'état indien est un état fédéral : le choix du fédéralisme a été fait par Nehru et le parti du Congrès afin d'apporter une réponse politique et institutionnelle à l'importance diversité de l'Union indienne tant sur le plan des populations que des religions (1947, l'Union indienne a plus de 346 millions d'habitants). De plus, l'Inde était découpé à l'origine en de multiples principautés (562) qu'il fallait unir dans un état nation solide fondé sur un droit partagé par tous : en août 1947, la quasi totalité de ces principautés qui étaient liées à la couronne britannique, deviennent l'état indien. Pour faire face à la diversité religieuse, l'Inde a également opté pour la laïcité. 
  • Pour construire l'état fédéral et moderne, les dirigeants indiens, et c'est une ironie de l'histoire, se sont appuyés sur l'héritage colonial anglais tout en mettant l'accent sur un héritage très ancien, celui d'une vieille civilisation marquée d'abord par l'hindouisme mais aussi par l'islam. Le choix du fédéralisme à savoir une union d'états (L' Inde n'est officiellement une fédération) semblait la solution la plus adaptée ce que l'histoire a d'ailleurs globalement confirmé L' Inde n'avait pas de réelle tradition d'union même si son histoire a pu être marquée temporairement par quelques Empires comme l'Empire Gupta entre les 3e et 6 e siècles après J-C ou l'Empire Moghol entre les 16e et 19e siècles. Il faut savoir qu'au moment de l'indépendance et de la partition, l'Inde doit assumer un héritage britannique avec un gouvernement central (correspondant à la vice- royauté et une administration mise en place par les autorités britanniques tout étant confrontée à des territoires gérés par des maharadjahs sur lesquels les Britanniques s'étaient appuyés.
  •  Au niveau du territoire lui-même, l'indépendance ne réglait pas certains problèmes de frontières entre l'Inde et le Pakistan comme le montrait très rapidement le Jammu-et-Cachemire. La Constitution indienne devait tenir compte de ces paramètres et elle est élaborée par une Assemblée constituante élue en 1946, adoptée en en 1949 et promulguée en 1950. L' Union indienne est par cette Constitution, une République fédérale et laïque composée au niveau national de deux assemblées : la Chambre du peuple ou Lok Sabha et un Conseil d'état (Rajya Sabha). La première chambre est élue au suffrage universel direct. Le pouvoir exécutif se compose d'un Président et d'un gouvernement avec à sa tête un premier ministre : ce dernier étant nommé par le Président. Ce gouvernement est responsable devant la Chambre du peuple. Le Premier ministre (Narendra Modi depuis 2014 et membre du BJP) est choisi par la majorité du Parlement (les coalitions le plus souvent) et le Président est élu pour 5 ans par un collège électoral comprenant les deux chambres nationales et les membres des assemblées des différents états : le pouvoir du président est seulement honorifique (Pranab Mukerjee depuis 2012 et membre du parti du Congrès). 
  • On peut ajouter que de 2007 à 2012 une femme a été présidente de l'Union indienne : Pratibha Pratil après avoir été gouverneur du Rajasthan. Il faut également ajouter la présence d'une cour suprême vérifiant la conformité des lois votées à la Constitution. Au niveau des différents états, il existe un pouvoir exécutif avec un « chief minister », un pouvoir législatif composée d'une Assemblée élue mais également un gouverneur qui est le représentant nommé par l'état. Les dirigeants indiens se sont donc fortement inspirés du modèle politique occidental et en particulier anglais avec une réelle séparation des pouvoirs et un état de droit. La Constitution a relativement bien défini les domaines relevant de la compétence du Parlement et ceux relevant des états.
  •  La défense, les affaires étrangères, la monnaie, l'énergie nucléaire, une partie des impôts relève du Parlement national alors que la santé, l'agriculture, l'éducation, la fiscalité locale relève des Parlements de chaque état et en cas de problème de compétence, la priorité est donnée au Parlement national. Pour maintenir l'unité et éviter l'éclatement, l'état de l'Union indienne a toujours été capable de procéder à des adaptations notamment dans l'organisation territoriale. A plusieurs reprises de nouveaux états ont été créés pour éviter des séparatismes comme en 2000 avec la création de 3 nouveaux états à savoir les états du Jarkhand, de l' Uttarakhand et du Chhattisgarh. Un nouvel état est même né en 2014 : l'état du Telengana (région située à l'ouest de l' Andhra Pradesh) , cet état étant le 29e de l'Union indienne qui a pour capitale Hyderabad et ayant une population de plus 35 millions d'habitants pour 114 000 km carré. L' Union indienne est donc composée de 29 états et sept territoires (îles Andaman-et-Nicobar, Chandigarh dans le Nord de l'Inde, le territoire de New Delhi...): des territoires directement géré et administré par l'état central. 
  • Ces états ont des superficies et des démographies inégales : un état comme l'Uttar Pradesh (capitale Lucknow) a 200 millions d'habitants pour une superficie de 243 000 km carré, le Maharastra (capitale Mumbai) une population de plus 112 millions d'habitants alors que les états du Nagaland (capitale Kohima) et du Sikkim (capitale Gangtok) n'ont respectivement que 1,9 million et 607 000 habitants pour 16 000 et 7 000 km carré. Cette démocratie unique est toutefois confrontée à des difficultés et tensions avec en particulier l'importance du courant nationaliste. Pendant très longtemps, l'Union indienne a bénéficié d'une importante stabilité politique avec la domination du Parti du Congrès (un parti fondé en 1885) qui a dirigé l'Inde sans discontinuer de 1947 à 1977. En 1977, c'est un regroupement de partis, Janata Party qui prend la relève jusqu'en 1979. depuis, le pouvoir est souvent exercé par des coalitions (auxquels le parti du Congrès peut appartenir d'ailleurs. Plus important, en 1998, c'est un parti particulier qui parvient au pouvoir : le BJP (Barathya Janata Party jusqu'en 2004, un parti ultra nationaliste.
  •  Ce parti est à nouveau au pouvoir depuis 2014 avec une majorité absolue de sièges après un retour du parti du Congrès entre 2004 et 2014. Le BJP met en avant l'hindouité avec des idées très hostiles aux minorités religieuses.. pour eux, l'identité indienne s'incarne dans l'hindouisme et sa culture. Il faut également insister sur un changement politique important avec l'émergence dans la vie politique des « basses castes » (52% de la population) et des intouchables ou Dalits (17%).Des partis politiques formés par les « basses castes » sont parvenus au pouvoir dans des états comme le Bihar ou l'Uttar Pradesh. 
  • S'est même formé un parti « intouchable » : le Bahujan Samaj Party créé en 1984 très implanté dans le nord de l'Inde et qui a même dirigé seul l'état de l'Uttar Pradesh et donc l'un des leaders est une femme : Mayawata Kumari (première femme intouchable à devenir « Chief minister » (de l'Uttar Pradesh) entre 2007 et 2012. Il faut ajouter que la politique de discrimination positive à l'égard des basses castes mise en œuvre par V.P Singh entre 1989-1990 a incontestablement favorisé les partis de basses castes et d'intouchables. On peut donc parler de « castéisation » de la vie politique. Déjà évoque précédemment, cette démocratie est sujette à des mouvements insurrectionnels (mouvement naxalite par exemple). Enfin, on peut ajouter une forte corruption à tous les échelons de la démocratie indienne.
  •  La démocratie indienne est gangrenée par la corruption puisque environ 30% des élus au Parlement (Lok Sabha) sont menacés de poursuites pénales avec des hommes politiques qui, pour certains, sont liés à des mafias. Il faut signaler qu'un mouvement anticorruption s'est créé en 2011 : l'Aam Aadmi Party (le parti de l'homme ordinaire). On peut ajouter que la part des élus dont les biens ont une valeur supérieure à 10 millions de roupies (125 000 euros) est passée de 59% en 2009 à 82% en 2014 : des élus donc peu représentatifs d'une grande majorité d'Indiens. Des élections se sont déroulées entre avril et mai 2014 avec 815 millions d'électeurs ayant la possibilité de s'exprimer : la participation s'est élevée à 66,3%. Le parti vainqueur est le Bharatya Janata Party à la tête d'une coalition nommée Alliance démocratique nationale (NDA). 
  • Le Congrès national indien, héritier du parti du Congrès a subi une défaite électorale sans équivoque n'obtenant que 44 sièges sur les 543 de la Lok Sabha. Pour le dirigeant à la tête de parti à savoir Rahul Gandhi (arrière petit-fils de Nehru), l'échec est cuisant. Le BJP est particulièrement présent dans le Nord et et l'Ouest du pays (états du Gujarat, du Rajasthan, de l'Uttar Pradesh... 

 -confrontée à une complexité extraordinaire

  •  La démocratie indienne et l'état sont confrontés à une société d'une grande complexité. Cette dernier se retrouve dans le foisonnement religieux même si 80% des Indiens pratiquent l'hindouisme avec une forte communauté musulmane (entre 150 et 180 millions de musulmans), une communauté chrétienne (environ 25 millions présents dans l'état du Kerala notamment), une minorité importante : les sikhs (20 millions) et qui sont majoritaires au Penjab... Il existe même des communautés d'importance réduite comme les Parsis de religion zoroastrienne présents au Gujarat et au Maharastra (Mumbai). Cette communauté peu nombreuse, environ 70 000 personnes, est une communauté plutôt aisée : la famille Tata appartient à cette communauté (tout comme le chanteur du groupe Queen Freddie Mercury dont le vrai nom était Farrokh Bulsara. Etr c'est pour gérer cette diversité religieuse que l'Union indienne a opté pour la laïcité. L'état se veut donc laïc : une laïcité fondée sur un traitement impartial des différentes religions et ne reconnaît donc aucune religion comme officielle. 
  • D'ailleurs la Constitution indienne a introduit en 1976 le terme « laïc » pour définir l'Union indienne. Néanmoins, cette laïcité n' a pas pu éviter les tensions confessionnelles notamment entre communautés hindouistes et musulmanes comme en 1992 avec la destruction de la mosquée d'Ayodhya dans l'état de l'Uttar Pradesh par des hindous fanatisés provoquant de violents affrontements. Depuis, le lieu a été racheté par le terrain pour apaiser la situation. En 2002, des violentes émeutes ont eu lieu au Gujarat entre ces deux communautés se traduisant par des victimes et le déplacement de populations. L' Union indienne est aussi confrontée à une mosaïque ethnique très importante et donc à une grande diversité de langues. La Constitution indienne a donc reconnue 22 langues nationales toujours dans la logique d'éviter les clivages et les tensions. 
  • Ainsi, 744 tribus (populations aborigènes) ont été recensés (Scheduled Tribes) représentant 105 millions d'habitants (8,6% de la population). Ces populations se considèrent comme les premiers habitants de l'Inde (adivasi) et se caractérisent notamment par l'animisme même si une grande majorité de ces tribus sont désormais chrétiennes, musulmanes. Pour favoriser l'intégration de ces populations marginalisées tant sur les plans géographique qu'économique ou culturelle, l'état pratique une politique de discrimination positive avec des quotas dans l'administration le système scolaire... 

B/ Un état confronté à des tensions internes fortes sources de déséquilibres 

 -des tensions politiques et religieuses 

  •  Les tensions politiques peuvent être externes et internes. Parmi les tensions externes, le problème du Jammu-et- Cachemire déjà évoqué et les relations tendues avec le Pakistan mais aussi les tensions avec la Chine. Nous sommes en présence de rivalités entre puissances régionales et aussi de litiges frontaliers et territoriaux. Parmi les tensions internes, il faut insister sur la montée d'un nationalisme fermé qui est celui du BJP. Ce parti est issu de la mouvance ultranationaliste et fonde son idéologie sur le concept d' Hindutva (hindouité), un concept forgé par Vinayak Savarkar au début du 19e siècle .
  • Ce concept ,qui définit l'Indien par l'Hindouisme, a été développé par un mouvement fondé en 1925 : le Rashtriya Sayamsevak Sangh (RSS), un mouvement nationaliste à prétention éducative. C'est un membre de ce mouvement, Nathuram Godse qui avait assassiné Gandhi en 1948, un mouvement interdit à plusieurs reprises notamment en 1948 et 1992 mais qui perdure. Cette notion sert de base au BJP qui entend réaffirmer la fierté d'être hindou et qui considère que l'Inde , c'est aussi (en théorie) le Pakistan perdu, le Bangladesh... et qu'il faut restaurer un état hindou. Cette idéologie, dont le BJP est imprégnée, est de ce fait hostile à l'islam et au christianisme mais aussi anti-marxiste. Cette idéologie du BJP remet en question a la sécuralisation du système indien. 
  • Nous sommes donc en présence de tensions à la fois politiques et religieuses liées à l'affirmation d'un nationalisme et de communautarismes Une autre tension politique déjà abordée est le naxalisme sur lequel il convient néanmoins de revenir. Il s'agit d'un mouvement d'inspiration maoïste (son nom provient d'une insurrection paysanne ayant eu lieu dans un village nommé Naxalbari dans l'état du Bengale occidental à proximité du Népal). Il faut rappeler que le communisme existe en Inde depuis les années 1920 .A partir de 1965, des militants communistes incitent les paysans pauvres à se rebeller ce qui se produit en 1967 dans le village de Naxalbari. 
  • En 1969, est créé le Parti communiste marxiste- léniniste (PCI-ML ). Plusieurs autres mouvements dont le Maoist Communist Centre dans l'état du Bihar ou le People's War Group dans l'état de l'Andhra Pradesh se sont également créés. Des mouvements fusionnant en 2004 pour former un parti communiste maoïste. Ce sont ces mouvements qui sont désignés sous le nom de naxalites et ont lancé une guérilla active dans l'est de l'Inde (états de l'Andhra Pradesh, de l'Orissa, du Jarkhand, du Bihar... Ce mouvement défend à la fois les paysans pauvres et les populations dites indigènes. Cette insurrection naxalite est révélatrice des inégalités de l'Inde et compte environ 10 000 combattants (pour l'état indien, il s'agit d'un mouvement terroriste). 

 - mais aussi des tensions sociales 

  • Les tensions sociales sont à relier à la démographie et à l'exclusion sociale. Rappelons que l'Union indienne, c'est plus de 1,3 milliard d'habitants (32% population asiatique), une population qui a triplé depuis l'indépendance ce qui n'est, bien entendu par facile à gérer avec chaque année 17 millions d'habitants en plus soit l'équivalent de la population d'un pays comme les Pays-Bas. Chaque année, 12 millions d'actifs entrent sur le marché du travail or l'économie indienne n'est pas en mesure de fournir un travail à tous. L' exclusion sociale et économique demeure forte avec un accroissement des inégalités accentué par l'ouverture économique et la libéralisation lancées dans les années 1990-91 . Les 20% les plus pauvres disposent de 8,5% des revenus et en 2014 l'Inde comptait 363 millions de pauvres selon un rapport de la Reserve Indian Bank soit 29,5% de la population.Rappelons qu’en 2019, 90 % des actifs gagnent moins de 125 euros par mois. 
  • Le gouvernement a garanti en 2019 un revenu minimum garanti de 920 euros par an Il faut signaler qu'un individu est considéré comme pauvre si il touche moins de 32 roupies par jour dans un village soit 39 centimes d'euros et 47 roupies en villes (57 centimes) selon ce rapport. En 2012, avec des critères différents, le chiffre était de 270 millions de pauvres. En 2015, on dénombre 175 millions d’indiens gagnant moins de 1,9$ par jour.Le taux de pauvreté est de 13,5 % en 2019 selon les critères de l’ONU. La majorité des pauvres se concentrent dans les campagnes (80% environ). Dans ce contexte, le sous emploi et la précarité sont très présents même si les chiffres officiels du chômage paraissent faibles avec 8,6%.La pauvreté pour reprendre l'expression de Christophe Jaffrelot est une « véritable bombe à retardement ». Les inégalités sociales et géographiques se sont fortement creusées : c'est une des conséquences de la politique de libéralisation conduite dans les années 1990 même si il existe de réels programmes sociaux. 
  • Même si le nombre de pauvres diminuent depuis trente ans, les inégalités demeurent prégnantes. L'exclusion concerne particulièrement les femmes avec un analphabétisme ou illettrisme, un sous emploi beaucoup plus important pour elles sachant que les différences sont fortes entre castes puisque dans l'état du Bihar, 53% des femmes de la basse caste des chamars est concernée par l'illettrisme contre 8% des femmes de la caste privilégiée des brahmanes. Des inégalités sociales également entre les différentes régions : certaines ayant des inégalités internes beaucoup plus importantes que d'autres et à l'échelle nationale des états ont des niveaux de développement plus importants que d'autres en particulier dans le sud de l'Inde. 
  • Si nous rentrons plus dans les détails, l'Union indienne doit relever plusieurs défis majeurs dont celui de l'éducation. Certes, les dépenses concernant l'éducation ont augmenté (4% du PIB mais le taux d'alphabétisation n'est que de 74% (chiffre de 2011) (64% en 2001) avec des progrès réalisés dans l'enseignement primaire (District Primary Education Program). Au niveau du primaire, la généralisation dans la plupart des états du repas du midi dans les écoles (rendu obligatoire) a facilité les évolutions positives. Mais les inégalités demeurent entre hommes et femmes avec, en 2011, 82% des hommes alphabétisés contre 65,5% des femmes : le signe de l'amélioration étant que cet écart se réduit avec82% des garçons et 78% des filles de 10-14 ans alphabétisés. Comme souvent en Inde, ces résultats nationaux ne prennent pas en compte les inégalités selon les castes, le fait d'être urbain ou rural... 
  • Le taux d'alphabétisation est plus important pour les individus vivant dans les métropoles en particulier si ils sont membres des hautes castes. Ce taux est plus faible dans les campagnes et parmi les Dalits (Scheduled Castes ou intouchables) et les tribus aborigènes (Scheduled tribes). Un état est intéressant c'est celui du Kérala où le taux d'alphabétisation est très important y compris pour les femmes avec un pourcentage de 91%. C'est aussi un état où le taux de mortalité infantile est le plus bas en Inde avec 17 pour mille, un état où le mariage des femmes est plus tardif (23 ans contre 19 ans pour le reste de l'Inde, l'infanticide des filles n'existe pas... Comme souvent, la situation économique et sociale d'un territoire est à mettre en relation avec la situation des femmes (le Kérala est un état de 33 millions d'habitants du Sud-est de l'Inde avec comme capitale Thiruvananthapuram). Cet état de fait peut en partie s'expliquer par le poids du christianisme dans cet état et le rôle joué par le parti communiste indien de cette région souvent au pouvoir dans cet état. 
  • Un autre aspect des tensions sociales est celui des bidonvilles qui sont une réalité de l'Union indienne. Ces bidonvilles regroupement notamment des millions de migrants et représenteraient un quart de la population urbaine (pour les villes de plus de 50 000 habitants). Il existe une véritable ségrégation urbaine en Inde dont les gated communities sont un symbole. Ces ensembles résidentiels fermés se sont développés notamment dans le cadre, à partir des années 1990, d'un développement urbain en partie attribué à des promoteurs immobiliers privés. Les grands conglomérats indiens comme Tata ou Reliance ont des filiales immobilières qui participent à ce phénomène de ségrégation. Un exemple de cette ségrégation est Mahindra World City réalisé par Mahindra Group à proximité de Chennai. En 1975, une ville satellite avait été créée à 50 kms de Chennai : Maraimalai Nagar devant désengorger Chennai, une ville où Ford s'est d'ailleurs implantée, disposant d'une gare et même d'une centrale électrique autonome. 
  • Or cette ville satellite est devenue une ville dortoir. Mais depuis 2003, est née Mahindra World City achevée en 2010. Il s'agit d'une « integrated business city » fondé par le groupe Mahindra & Mahindra à savoir une nouvelle ville satellite de 6 km carré à la fois fermée et surveillée composée de zones économiques spéciales, d'industries non polluantes de NTIC comme l'entreprise Infosys ou se sont implantées aussi des firmes comme BMW, Renault-Nissan... Cette ville comprend des commerces, des cinémas, une clinique, une école internationale ainsi qu'une partie résidentielle devant accueillir 6 000 familles. Le groupe Mahindra a prévu la construction d'un site de même type dans le Nord de Chennai (à Gummidipoondi). Chennai, dont l'ancien nom était Madras, est la capitale de l'état du Tamil Nadu (sud- est de l'Inde), une ville de plus de 6,2 millions d'habitants. Mahindra & Mahindra est une firme créée en 1945 (groupe familial : famille Mahindra) dans le domaine de la construction automobile et aéronautique (12 milliards de $ de CA). 

 C/ Néanmoins une émergence économique signe de vitalité 

  •  Avant d'analyser l'émergence économique de l'Inde, il faut revenir sur un défi important sans lequel l'émergence n'est pas réalisable : le double défi du monde rural et agricole. Le recensement de 2011 a mis en valeur le fait que 7 indiens sur 10 vivent dans des zones rurales dans 640 000 villages (91% sont désormais électrifiés) avec de fortes densités rurales de l'ordre de 280 habitants au km carré et certaines régions ont des densités particulièrement importantes comme les régions de la plaine du Gange (la plus forte densité au monde pour une zone rurale et agricole). Pour l'Inde, il fallait assurer sa sécurité alimentaire.
  •  Les espaces ruraux sont donc fortement occupés et même saturés ce qui pose des problèmes notables. L'Union indienne dispose de 180 millions d'hectares de terres dont plus de 70% sont cultivées : cette surface agricole utile est comparable à celle de l'Union européenne. L'agriculture est un des fondements de l'économie avec 17% du PIB en 2014 (53% pour les services et 30% pour le secteur industriel) sachant qu'elle nourrit plus d'un milliard d'habitants. L'agriculture indienne est structurée encore autour d'une agriculture dite familiale avec des petites exploitations puisque la taille moyenne est de 1,15 hectares : les exploitations sont donc très fragmentées avec 85% des propriétaires utilisant moins de 2 hectares (44,5 % de la surface disponible) mais une grande partie des terres reste la propriété d'un petit nombre de propriétaires. Nous sommes encore en présence d'une agriculture très inégalitaire. La fragmentation des exploitations pose la difficulté de la compétitivité et de la viabilité. Il faut aussi savoir que les quatre cinquième des femmes travaillent dans l'agriculture (seules 10% d'entre elles sont propriétaires). 
  • L' Union indienne a fait le choix après l'indépendance d'une volonté de réformes et a voulu mettre en œuvre une révolution : la révolution verte. Il faut rappeler qu'avant l'indépendance, la propriété des terres appartenait aux princes avec des zamindar responsables de la collecte des taxes que les agriculteurs devaient payer aux propriétaires. Le parti du Congrès avec l'indépendance veut changer la donne sachant qu'en 1947 l'agriculture représente 55% du PIB indien. Des réformes sont décidées avec la suppression du système des zamindar, une politique de remembrement des terres pour donner des terres aux paysans sans terre, l'obligation de cultiver les terres possédées, la création de coopératives de production...
  • Parallèlement, le gouvernement indien met en place des mesures protectionnistes afin de protéger le marché intérieur (Imports and Exports Control Act de 1947 par exemple). Les plans quinquennaux notamment le premier accorde une réelle importance à l'agriculture (27% des dépenses de l'état). L'état indien est bien un acteur majeur des réformes agricoles avec une véritable politique de développement rural entre 1956 et 1965 (Community Development Program). Ces réformes n'empêchent pas néanmoins à certains riches propriétaires d'être toujours en position dominante. La grande majorité des paysans sont soit de petits propriétaires soit des ouvriers agricoles ; d'autres sont des propriétaires dits absentéistes qui exploitent la main d' œuvre des ouvriers agricoles. Se développe néanmoins une catégorie d'agriculteurs qui investissent pour une agriculture plus productive. Pour accentuer les timides progrès : dans les années 1960-65, les productions progressent trop peu et l'Inde est dans l'obligation d'importer (10 millions de tonnes de céréales), l'Inde va conduire ce qui a été nommé (à partir de 1968) une révolution verte. Cette dernière consiste à augmenter la productivité et les productions pour atteindre l'autosuffisance alimentaire à partir de 1966. 
  • Elle repose sur l'utilisation de nouvelles semences plus productives, le recours facilité au crédit pour les agriculteurs, le développement des systèmes d'irrigation dont le fleuve Narmada devient un symbole dans les années 1970 avec un système important de barrages, l'utilisation massive d'engrais et de produits chimiques (l'Inde est le second consommateur au monde d'engrais chimiques derrière les E.-U et devant la France). Les gouvernements indiens mettent également en place un système pour réguler l'agriculture avec des prélèvements et redistributions des régions excédentaires vers les régions déficitaires. L'état fixe aussi des prix d'achat et achète des productions pour stocker en cas de difficultés (famines...). Il se charge donc du stockage mais aussi du transport (Food Corporation of India)... Indiscutablement, cette révolution verte a facilité l'essor de l'agriculture indienne permettant même la formation d'une paysannerie moyenne. En 2012, l'Inde est un des grands producteurs mondiaux de céréales : le 3e au monde (2e pour le blé, 2e pour le riz) et le premier exportateur mondial d'épices, le 4e de soja... Mais la dimension du marché intérieur ne fait pas de l'Inde un exportateur majeur quand bien même l'Inde est un producteur d'importance. Néanmoins, les problèmes persistent avec des difficultés à lutter contre la malnutrition, une pauvreté qui reste importante dans le monde rural, un niveau d'endettement important des agriculteurs sans compter les problèmes environnementaux avec l'utilisation des engrais, l'érosion des sols...
  •  L' Inde s'est également urbanisée : selon le bureau du recensement indien qui classe les villes en unités urbaines, l'Union indienne se composerait de 7000 unités urbaines dont 500 « cities » c'est- à- dire des villes ayant une population égale ou supérieure à 100 000 habitants mais surtout 53 « metropolitan cities », des villes où la population est égale ou supérieure à 1 million d'habitants et 6 « mégacities », des villes où la population est supérieure à 5 millions d' habitants : Mumbai, Delhi, Kolkata, Chennai, Bangalore et Hyderabad. Mais cette urbanisation reste somme toute modérée avec « seulement » 31,2% d'urbains en 2011. Néanmoins quelques villes connaissent un boom important comme Delhi qui accueille en moyenne 200 000 nouveaux habitants par an. Les villes sont considérées comme des moteurs de la croissance ce que confirme un chiffre : 60% du PNB indien est fournit par les villes. L'aménagement des villes est devenu une priorité pour l'état indien afin de répondre aux attentes des FTN d'où d'importants aménagements notamment d'axes routiers mais aussi la création de villes nouvelles (villes-satellites). Le système urbain est donc dominé par de grandes métropoles mais apparaît plutôt équilibré sans macrocéphalie urbaine. Néanmoins, jusqu'à présent trois mégapoles ont dominé à savoir Mumbai, Delhi et Kolkata. Une ville comme Delhi connaît un essor surtout depuis l'indépendance avec son statut de capitale pour atteindre aujourd'hui environ 23 millions d'habitants contre 16,7 pour Mumbai et plus de 17 millions pour Kolkata. La croissance des métropoles indiennes s'expliquent d'une part par la démographie et l'accroissement naturel, par l'exode rural... 
  • Le cas de Chennai est intéressant à mettre en exergue. Cette ville a été fondée en 1639 par un Britannique (Francis Day) membre de la Compagnie des Indes orientales. Pour les Britanniques, la situation de la ville était intéressante par sa situation sur l'océan Indien. En 1901, la ville comptait 540 000 habitants (pour 70 km carré) et en ce début de 20e siècle bénéficiait de l'activité d'un port moderne et d'activités industrielles liées au textile. La ville compte actuellement (recensement de 2011) plus de 8,5 millions d'habitants et a été créée la Chennai Metropolitan Area (CMA) d'une superficie de 1189 km carré. On note depuis les années 1970 une forte croissance de sa périphérie et cet ensemble urbain est devenu un pôle économique et financier d'importance. Elle a bénéficié de l'action de l'état du Tamil Nadu notamment la volonté de développer les technologies de l'information et l'industrie automobile.. Des parcs d'activité ont été créés et dès 1984, une Export Processing Zone (EPZ) avait été fondé devenue en 2005 une ZES dans le cadre la politique de libéralisation. Plusieurs entreprises étrangères de l'automobile sont installées à Chennai comme Hyundai, Ford, Mitsubishi mais aussi des firmes indiennes telles Ashok Leyland une firme créée en 1948 construisant des camions et des bus, Hindustan Motors entreprise fondée en 1942 automobile filiale de Birla, Royal Enfield qui fabriquent des motos et contrôlée par l'entreprise Eicher Motors (véhicules utilitaires) ... 
  • Un tiers de la production indienne de véhicules provient de Chennai et 40% de la production de composants. Au Sud de la ville s'est développé l'IT corridor depuis 1999 ou se sont implantées des centres de recherche et universités et des firmes dans le domaine des hautes technologies (Chennai dispose de 4 corridors de développement). 

 -une réussite récente liée à un changement de stratégie 

  •  Au moment où l'Inde devient indépendante en 1947, sa situation économique n'est pas très bonne. Les Britanniques n'ont pas facilité le développement de la colonie comme le montrent plusieurs chiffres : un taux de croissance moyen plutôt limité entre 1900-1945 du revenu national à 1,2%, un taux de croissance de 2% par an en moyenne de la production industrielle et seulement une croissance de 0,3% par de la production agricole toujours sur cette même période. Certes les Britanniques ont conçu et développé un certain nombre d'infrastructures (ports, chemins de fer...) mais l'Inde indépendante n'est pas dans une position très favorable. Il existe néanmoins quelques firmes indiennes déjà existantes comme Birla une firme fondée en 1857 ou Tata une firme créée en 1868. Les dirigeants indiens, dont Nehru, veulent donc changer la donne afin de permettre le développement de l'économie indienne et de répondre aux multiples défis du pays : défis démographiques, agricoles, éducatifs...
  •  L' Inde opte pour un système d'économie mixte (le « socialisme indien ») où un secteur public avec le rôle important de l'état va cohabiter avec un secteur privé qui est maintenu. L'état indien choisit également une économie planifiée avec une planification indicative et non obligatoire comme en URSS, ne procède pas à une série de nationalisations d'entreprises existantes. L'état indien veut mettre en place une économie autocentrée (Self Reliance) fondée sur une politique de substitution aux importations, la formation d'un véritable marché national, des entreprises indiennes dont les capitaux seront indiens, des politiques de licence notamment de licence d'importation et de création d'entreprises pour limiter le recours aux importations et contrôler la création d'entreprises, la protection du marché intérieur par des taxes douanières élevées. Se greffe une politique industrielle spécifique basée sur la différenciation entre plusieurs secteurs : un secteur public où l'état se réserve un certain nombre de domaines comme l'aéronautique, l'armement, l'énergie, les ressources minières... ; un secteur composé d'entreprises publiques et privées concernant les domaines comme la sidérurgie, la chimie... et un secteur d'initiative privée concernant les biens de consommation. 
  • Dans les années 1970, Indira Gandhi procède à des nationalisations notamment de banques et d'assurances. La stratégie indienne ou ce socialisme à l'indienne aboutit à la formation d'une véritable industrie lourde, permet le développement d'infrastructures financées par l'état... Mais la croissance reste assez limitée, de l'ordre de 3% par an en moyenne, l'économie est peu ouverte et ne peut donc tirer profit d'investissements étrangers. A partir des années 1980-90 avec l'arrivée au pouvoir de Rajiv Gandhi, un changement se profile avec le début d'une libéralisation économique. Les droits de douane baissent, la formation de joint-ventures donc de firmes à capitaux indiens et non indiens est permise, la licence administrative pour créer une entreprises est supprimée... Cette politique de libéralisation s'accélère à partir de 1991 sous l'impulsion du ministre de l'économie Manmohan Singh notamment parce que l'Inde est endetté (à hauteur de 75 milliards de $) et qu'elle a négocié avec le FMI un plan d'ajustement structurel la poussant à libéraliser davantage son économie. L'état indien va donc se désengager davantage de l'économie notamment par des privatisations, de nombreuses restrictions administratives ou autres sont supprimées, les droits de douane sont abaissés encore plus... L' Inde tente également de faciliter les IDE pour dynamiser l'économie. 
  • Il faut signaler, dans cette perspective de libéralisation, qu'elle intègre l'OMC en 1995. Depuis 1991, plusieurs réformes ont été mises en application dans le cadre de la libéralisation de l'économie indienne: les différentes licences industrielles, les importations sont libéralisées, les droits de douane sont fortement diminués passant de 85% en 1992 à 15%, les prises de participation étrangères dans les firmes indiennes sont autorisées, les domaines d'activités réservés à l'état sont désormais limités (armement, nucléaire), le pays s'ouvre de façon notable aux IDE (35 milliards d'IDE en 2014 et plusieurs firmes sont privatisées avec notamment 6 firmes nationales privatisées entre 1998 et 2002 et un nouveau plan de privatisations lancé en 2014 par le 1er ministre Narendra Modi qui a commencé par d'une petite partie de la société nationale de sidérurgie (une vente de 5% des actifs ayant rapporté tout de même 220 millions d'euros). Le secteur de l'eau a commencé à être privatisé avec en particulier des FTN françaises comme acteur de ces privatisations en l'occurrence Veolia et Suez (la ville de Nagpur dans l'état du Maharastra, centre de l'Inde, une ville de 2,5 millions d'habitants a ainsi sous traité son système de distribution d'eau à Veolia. Ont été créées également de multiples ZES notamment à partir de 2005, des créations par des promoteurs et firmes privées. L'Inde avait fondé des zones franches dès 1965 notamment dans l'état du Gujarat (la première est celle du port de Kandla). Une loi de 2005 a donc renforcé la création et le développement des ZES. La ZES du port de Mundra développée par un conglomérat nommé Adanai est la plus grande ZES portuaire d'Inde (état du Gujarat). 
  • Une autre ZES est celle de Corps Gurgaon à proximité de New Delhi et les ZES ont été créées dans l'état du Tamil Nadu qui veut devenir un territoire mondial de production automobile (les firmes Renault-Nissan, Hyundai y sont implantés) et de technologies de l'information. Ces ZES se concentrent à proximité des métropoles indiennes renforçant de ce fait leur poids économique et sont au nombre de 202 en 2015. On peut prendre un dernier exemple : en 1973 sont créées la zone industrielle de Marol Industrial Estate (MIDC) à proximité de la zone portuaire de Mumbai et la Santacruz Electronic Export Processing Zone (SEEPZ) qui se spécialise dans la production de matériel électronique (destiné à être exporté). A partir de 1987, cette zone se diversifie avec des entreprises de bijoux. Puis, peu à peu cette zone opte pour les logiciels informatiques. La loi de 2005 a renforcé le poids de cette ZES avec des facilités désormais accordées aux entreprises étrangères voulant s'installer. En 2018, le PIB de l'Union indienne est de 2690 milliards de $ et son PIB par habitant de 2016 $ ce qui est somme toute faible. Son taux de croissance est, par contre, important : 7,3%

 -l'émergence économique : un symbole de développement

  • Le modèle de développement indien est plutôt atypique avec une émergence basée sur un capitalisme familial et les services. Les services et la demande intérieure sont les moteurs essentiels de la croissance. L' Inde est devenue « le bureau du monde » avec un secteur des services pesant pour 53% du PIB. Par contre le secteur industriel reste plutôt faible ne représentant que 1,7% des exportations mondiales de produits manufacturés. Les services en tant que moteur de la croissance ont tiré profit de la nouvelle division internationale du travail avec en particulier les délocalisations (centres d'appel, comptabilité...) et les NTIC. Certaines firmes sont compétitives comme Infosys, Tata Consultancy Services ou WiPro. Infosys est une société de services informatiques créée en 1981employant 176 000 personnes dont le siège est à Bangalore. Infosys a fondé en 2002 un centre de formation à Mysore dont 100 000 ingénieurs sont issus. Tata Consultancy Services est une filiale du conglomérat Tata d'ailleurs classée dans le top 5 mondial des firmes de services informatiques. Son siège est à Mumbai et fait travailler 319 000 consultants. Enfin, WiPro est une firme créée en 1945 dont le siège est à Bangalore qui se lance dans le domaine des services informatiques à partir de 1993 (812e FTN mondiale en 2013). L' Inde est donc passée à l'ère du numérique qui est un symbole de l'insertion de ce pays dans la mondialisation. L' Inde est ainsi le premier exportateur mondial de services informatiques puisqu'en 2018 elle contrôlait 55% du marché mondial de la sous-traitance informatique (outsourcing). 
  • Le secteur des technologies de l'information emploie 3,5 millions de personnes et fournit 9,5% du PIB. Ce secteur a connu une croissance surtout à partir des années 1990 avec des chiffres d'affaires en constante évolution passant en 2000 de 8,3 milliards de $ à 52 milliards de $ en 2008 et surtout 146 milliards de $ en 2015. L' Inde avait pris dans ce domaine des NTIC un retard réel jusqu'à ce que l' Inde fasse le choix d'investir dans ce secteur avec notamment la création et la multiplication des écoles de formation en s'appuyant en particulier sur une émigration vers les E.-U et la Silicon Valley. La libéralisation de l'économie des années 1990 avec un état indien qui ne contrôle plus le secteur des télécommunications (un secteur privatisé) s'est développé aussi en se basant sur une main d' œuvre à la fois qualifiée et à bas coût. Les firmes américaines ou européennes ont délocalisé leurs activités appelées back office à savoir la saisie de données, la gestion et la comptabilité, les centres d'appel... Pour renforcer ce domaine, l'état indien a créé une agence nommé Software Technology Parks of India dont l'objectif est notamment la création de zones franches tournées vers les TIC. Les firmes indiennes sont désormais capables de fournir des services très spécialisés et à haute valeur ajoutée notamment des analyses financières et des études d'investissements (Equity Research Outsourcing). 
  • Ce développement a profité à une ville comme Bangalore surnommée la Silicon Valley indienne : cette ville est la capitale de l'état du Karnataka, une ville de plus de 8,4 millions d'habitants. Bangalore est devenue à la fois un centre universitaire et scientifique avec en particulier l' Indian Institute of Science. Bangalore a donc ciblé son développement sur les nouvelles technologies notamment les logiciels informatiques (mais aussi sur la biochimie et l'aérospatiale) : sa banlieue technopolitaine de Whitefield en est le symbole.A Withefield a été créée une zone franche (Export Promotion Industrial Park) dans laquelle la firme américaine General Electric a implanté un centre de recherche en 2000.De nombreuses FTN y sont implantées (unités de recherche, centres d'appel...) comme Google, Yahoo, Microsoft, IBM, Capgemini.... La ville d'Hyderabad (6,8 millions d'habitants) dans le nouvel état du Telengana est un autre pôle économique spécialisé dans NTIC : elle est d'ailleurs surnommée « Cyberabad ». elle dispose de deux clusters avec un pôle biotechnologique (Genome Valley) et un pôle technologies de l'information et de la communication. Il faut signaler que la déconcentration des activités liées au NTIC a aussi permis le développement économique de villes de moindre envergure comme Pune dans le Maharastra, Gurgaon déjà évoqué dans l'état de l'Haryana ou la ville nouvelle de Noida créée en 1976 dans l'Uttar Pradesh à proximité de New Delhi. A Noida sont installées des firmes comme WiPro, Fujitsu,Samsung...
  • En fait, les NTIC sont surtout développées dans le Sud de l'Inde et dans la région de New Delhi. L'émergence de l'Inde, notamment dans les TIC, se traduit dans des lieux dont certains ont déjà été évoqués comme les zones franches et les parcs technologiques. On peut s'appuyer sur le cas de l'état du Tamil Nadu qui a fait le choix d'implanter dans la périphérie de Chennai des aprcs d'activités et des centres de recherche dont les objectifs étaient et sont encore le développement d'activités liées à l'industrie automobile et aux technologies de l'information. A partir des années 1970, sont créés ce qu'on nomme des corridors de développement le long des axes de communication desservant le centre de Chennai. Des entreprises automobiles se sont installées comme Hyundai, Ford, Hindustan Motors une firme indienne et des firmes liées aux nouvelles technologies comme Dell, Nokia, Samsung mais aussi des écoles spécialisées dans l'informatique dans le corrridor de l'Information technologies. Ce dernier a pris une nouvelle dimension depuis 2005 avec en particulier des investissements étrangers importants, la création d'une gated community à savoir celle de Mahindra World City... L' Union indienne est donc considérée comme un état émergent de plus en plus inséré dans la mondialisation : elle occupait en 2014 le 9e rang mondial au niveau du PIB et le 8e rang en 2015 mais est passée au 5e rang mondial en 2019 avec un PIB de 2 972 milliards de $ (16e place en 1995 rappelons-le). En 2020, ce PIB est de 2 592 milliards de $. En 2018, les échanges extérieurs de l’Inde (importations et exportations) se sont élevés à 837 milliards de $ avec 325 milliards de $ d’exportations et 512 milliards de $ d’importations donc un déficit commercial s’expliquant notamment par les importations d’hydrocarbures (170 milliards de $).
  •  L' Inde est par contre au second rang mondial pour les exportations de bijoux, diamants et pierres précieuses (idem pour le textile). Pour les services, l'Inde est désormais au 6e rang mondial mais est au 1er rang pour la vente de services informatiques. Ses principaux partenaires commerciaux sont les E.-U et les états du Golfe mais il faut signaler que la balance commerciale de l'Inde est déficitaire. Signe de l'insertion dans la globalisation, les IDE en essor constant avec des flux entrants de 24 milliards de $ en 2012, 34 en 2014, 42,3 milliards de $ en 2018, 49 milliards de $ en 2019... et des stocks d' IDE qui sont passés de près de 225 milliards de $ en 2012 à 386 milliards de $ en 2018 (12,5% du PIB). Le principal investisseur en Inde est l'île Maurice par le biais de la diaspora indienne. Un autre élément d'insertion sont les FTN indiennes : des FTN de plus en plus internationalisés comme Reliance industries une firme dirigée par Mukesh Ambani classée à la 106 place mondiale en 2019 avec un CA de 82 milliards de $ et au 96 e rang mondial en 2020 avec un CA de 86 milliards de $, Indian Oil est au 117 e rang mondial avec un CA de 77 milliards de $ en 2019 et au 151 e rang mondial en 2020 avec un CA de 69 milliards de $, Reliance industries est en 2020 au 96 e rang mondial avec un CA de 86 milliards de $, Arcelor Mittal au 120 e rang avec un CA de 76 milliards de $ (146 e rang mondial en 2020 avec un CA de 70 milliards de $),Tata motors au 265 e rang mondial avec 43 milliards de $... Ces FTN, comme l'indique la revue diplomatie seraient parties « à l'assaut du monde ». Ce sont de puissants conglomérats familiaux que les classements internationaux valorisent encore assez peu notamment parce que peu de groupes indiens sont présents dans le top 500 (6 ou 7) contre 35 pour la France à titre de comparaison.
  •  Il faut aussi se méfier des comparaisons : le groupe France Telecom Orange a un CA six fois plus important que le groupe indien du même domaine Bharti avec un nombre d'abonnés comparable ou presque de 175 millions pour le groupe indien et de 210 millions pour le groupe français mais le prix de la minute de téléphonie mobile ne coûte en Inde qu'une à deux roupies (un à trois centimes d'euros). Il faut aussi souligner la structure spécifique des conglomérats indiens dont le groupe Tata est une illustration. La firme Tata est une « fédération » d'environ une centaine d'entreprises qui peuvent être cotées séparément ou ne pas l'être ce qui rend délicat le classement de ce groupe. De plus, Tata est un trust familial plutôt opaque. Tata Motors est un producteur de camions et de bus d'envergure planétaire notamment en volume par exemple. La capitalisation de sa branche services informatiques est d'environ 100 milliards de $ alors qu'un groupe français comme Capgemini dans le même secteur a une capitalisation de l'ordre de 15 milliards de $. 
  • La structure familiale et en conglomérat explique un paradoxe à savoir des fortunes familiales phénoménales alors que le classement des FTN indiennes est somme toute peu impressionnante. Quoiqu'il en soit le capitalisme indien et ses firmes sont de plus en plus performants et si l'on calcule son PIB en parité de pouvoir d'achat, l'Inde se classe désormais au 3e rang mondial. De plus des firmes indiennes comme le font des firmes chinoises tentent de s'imposer sur la scène économique internationale. Ainsi, des firmes indiennes ont acheté des terres en Afrique afin de les cultiver pour exporter. Une firme comme Oil and Natural Gas Corporation (une firme publique) investit dans des états comme le Soudan, la Birmanie et même en Russie. Certaines firmes indiennes ont même procédé à des acquisitions, certes encore timides, d'entreprises de pays développés. 
  • Tata Tea a ainsi acheté la firme britannique Tetley en 2000, Tata Motors a acheté les firmes Jaguar et Land Rover au groupe Ford pour 2,3 milliards de $ en 2008. En 2005/2006, Mittal a lancé une OPA sur le groupe Arcelor pour 28 milliards de $ formant de ce fait le groupe Arcelor-Mittal et en 2006 Tata Steel achetait le groupe de l'acier anglo-néerlandais Corus pour 12 milliards de $. Toujours en 2007, la firme Aditiya Birla dont la filiale Hindalco achète la firme américaine Novelis leader mondial des produits dits laminés en en aluminium pour 6 milliards de $ . Bilan : L'Union indienne est considérée comme un état émergent mais on peut relever des clivages territoriaux fondamentaux. C'est un pays où, par exemple, le développement économique et social des zones rurales pose un réel problème : la dualité ville-campagne au niveau du développement est une réalité incontournable de l'Inde. Certes, le niveau de développement des campagnes peut varier : les écarts sont importants par exemple entre l'état du Kerala, un état au développement social et économique réel et un état comme celui de l' Odisha (ou Orissa) considéré comme un état pauvre. 
  • Certaines zones rurales ont vraiment bénéficié de la Révolution verte et se sont modernisées comme le Pendjab alors que d'autres sont restées en retrait comme les zones rurales du centre du pays. Un démographe indien, A. Bose, a mis en valeur une zone particulièrement défavorisée du centre de l'Inde qu'il appelle BIMARU, un acronyme désignant les états les plus pauvres : Bihar, Madhya Pradesh, Rajasthan et Uttar Pradesh. On peut greffer à ces états, l'Odisha le Jharkhand ou le Chhattisgarh. Ces 7 états ont plus de 545 millions d'habitants (45% de la population indienne) avec une population très rurale de l'ordre de 52% et surtout 64% des ruraux pauvres de l'Inde : pour ces états, on peut parler de « campagnes bloquées ». Ce sont également les états où le niveau éducatif est le plus faible avec des inégalités sociales profondes. Inversement, dans des états comme le Kerala, le Tamil Nadu, le Karnataka ou l'Andhra Pradesh, le niveau de développement est beaucoup plus élevé : ce sont des états où la transition démographique est achevée avec un niveau éducatif important. 
  • Il faut savoir que 8 états seulement réalisent 62% du PNB du pays d'où des inégalités régionales fortes. De plus, ce sont surtout les métropoles qui sont les territoires de la croissance et du dynamisme : ce sont elles qui ont le plus profité de la libéralisation économique. Un état comme le Maharastra polarisé par la ville de Mumbai réalise 16% du PNB national avec 9% de la population indienne et surtout 22% de la valeur de la production industrielle et un quart des services financiers. On peut dresser une rapide typologie des états indiens avec des états intégrés au processus de mondialisation et bénéficiant d'un dynamisme économique certain : ce sont de manière générale, les états du Sud et de l'Ouest de l'Inde avec notamment trois métropoles particulièrement actives : Chennai, Mumbai et Delhi. Par contre, il existe des territoires et des états vraiment en retrait notamment dans le Nord de l'Inde notamment les états pénalisés par les montagnes ou les déserts auxquels se greffent des états du centre comme le Madhya Pradesh ou du centre-Nord avec l'état du Bihar ou celui de l'Orissa. L' Inde est donc véritablement clivée économiquement et géographiquement avec une émergence qui n'est pas réelle pour tous les états et leurs populations.

2/ Une volonté d'affirmation régionale et internationale


L' Union indienne est incontestablement en quête de puissance d'abord au niveau régional et même au niveau mondial même si c'est plus relatif à ce niveau. 

A/ Un contexte régional difficile

L' Inde est incontestablement la puissance majeure de l'Asie du Sud mais son environnement régional est conflictuel. Comme nous l'avons déjà signalé, le contexte régional est tendu avec le problème du Jammu-et-Cachemire, la montée de l'islam radical dans l'environnement proche notamment en Afghanistan et au Pakistan, un Népal au Nord relativement instable suite à une longue guérilla d'inspiration maoïste, un Sri Lanka qui ne s'est apaisé que récemment après une longue guerre civile entre le gouvernement cinghalais et le mouvement des Tigres Tamouls, une Birmanie qui commence sa transition démocratique depuis 2015 seulement, des problèmes frontaliers non réglés avec le Pakistan et la Chine (problème de l' Aksai Chin, un territoire au nord de l'Inde occupé par la Chine depuis la guerre sino-indienne de 1962, territoire toujours sous administration chinoise et revendiqué par l'Union indienne. On le voit le contexte géopolitique régional est loin d'être apaisé. 

 -des tensions récurrentes avec le Pakistan 

  •  Il existe surtout des tensions récurrentes avec le Pakistan depuis la partition de 1947. Une région a toujours été conflictuelle à savoir le Cachemire qui est partagé entre trois états : l'Inde, le Pakistan et la Chine. L'Inde contrôle et administre le Jammu-et-Cachemire, le Pakistan le territoire de l'Azad Cachemire et du Gilgit-Baltistan et la Chine l'Aksai Chin (ainsi que la vallée de Shasgam). Il faut savoir que le Pakistan et l'Union indienne ont, partiellement, fondé la construction nationale et leur identité respective sur leur affrontement. La région du Cachemire reste très instable même si l'Union indienne depuis quelques années a fait le choix de négocier et de normaliser ses relations avec son voisin. Les deux états ont été à plusieurs reprises en guerre : en 1947, 1965, 1971, 1999... surtout au Cachemire. Ce sont deux états possédant l'arme nucléaire mais ce facteur de dissuasion n'empêche pas les tensions même si il en est une limite. 
  • Il faut également préciser que l'état pakistanais apporte un soutien aux mouvements de guérilla du Jammu-et-Cachemire luttant contre les forces indiennes ce qui ne peut qu'aviver les tensions. Le Pakistan a formé des combattants encouragés à conduire un djihad contre l'Inde. Des actions terroristes peuvent être organisées comme les attentats d'octobre 2001 contre le parlement du Jammu-et-Cachemire, celui du 13 décembre 2001 contre le Parlement indien à New Delhi ou les attentats perpétrés à Mumbai en novembre 2008 et organisé par un groupe le Lashkar-e-Toiba ou « armée des pieux », une organisation terroriste basé au Pakistan (plus de 170 victimes). Il faut aussi savoir que l'Union indienne a noué des relations avec l'Afghanistan qu'elle considère comme important au niveau stratégique ce qui déplaît fortement au Pakistan.
  •  En octobre 2011, les deux pays ont d'ailleurs signé un partenariat stratégique. La question du Cachemire reste une pierre d'achoppement entre les deux états mais l'Union indienne et le Pakistan ont probablement intérêt à établir des relations normalisées afin de favoriser le développement économique et les échanges. Toutefois, la Chine vient compliquer la situation par les relations qu'elle entretient avec le Pakistan : nous sommes dans un jeu complexe à trois intervenants.

-Inde/Chine : une rivalité 

  •  L' Inde et la Chine sont deux états émergents, deux états voulant s'affirmer comme puissances dans un environnement géographique proche d'où des rivalités et des tensions. Il faut toutefois préciser qu'il existe des écarts notables entre les deux puissances que ce soit au niveau économique, financier ou politique en faveur de la Chine. Dans le cadre de cette rivalité, l'Inde s'est d'ailleurs rapprochée des E.-U ce qui est mal perçu par la Chine, une Chine qui tout en instaurant un rapport de force avec l'Inde tente à plusieurs niveaux de s'en rapprocher. Les relations entre les deux états ont été profondément marquées, surtout pour les Indiens, par la défaite de 1962 lors d'un conflit dont la Chine est responsable. Ce conflit a permis à la Chine de prendre le contrôle de l'Aksai Chin et l'Inde a perdu 38 000 km carré d'un territoire qu'elle revendique encore. Les forces chinoises avait également pénétré dans l'état de l'Arunachal Pradesh dont elle s'est retirée mais qu'elle revendique toujours tout le territoire du Ladakh. La guerre de 1962 peut être vue comme un événement fondateur dont les effets sont toujours prégnants. Les Indiens ont mis l'accent sur les frontières Nord à la fois parce qu'elles sont sources de tensions avec la Chine mais aussi parce que se pose le problème du Cachemire.
  •  C'est pour mieux contrôler une partie de la zone qu'est annexé par l'Inde le Sikkim en 1975 (à la demande, il faut le préciser de ce dernier). A ces tensions politiques et frontalières s'ajoutent des tensions au sujet de l'eau. Fin 2014, la Chine a achevé la construction d'un barrage sur le Brahmapoutre (barrage de Zangmu) et a prévu d'en construire d'autres. Il faut également ajouter que l'Union indienne veut également construire 150 barrages sur les affluents du Brahmapoutre avec comme objectif de produire 10% de l'électricité du pays d'ici 2030. En mai 2015, le 1er ministre indien, Narendra Modi, s'est rendu en Chine et les dirigeants des deux pays souhaitent régler les litiges frontaliers mais est-ce simplement de la rhétorique diplomatique ? Les Chinois veulent développer les échanges avec l'Inde sont « seulement » de l'ordre de 51 milliards de $ (volume d'exportations pour l'année 2013) tout en sachant que la Chine est un fournisseur important de l'Inde dans les domaines de l'électronique (14 milliards de $), de l'informatique et des machines outils (9,5 milliards de$). Elle est même le 1er fournisseur de l'Inde L' Inde souhaite parallèlement attirer des investisseurs chinois pour que son secteur industriel soit plus performant (programme Make in India). 
  • Cependant, la Chine n'est que le 3e client de l'Inde derrière les E.-U et l'UE Dans cette perspective de relations apaisées, la Chine utilise ce qu'on nomme une « diplomatie de l'équipement » par la construction de multiples équipements. Par contre ces projets ne sont pas toujours bien perçus par l'Inde puisque la Chine tisse des relations avec des états jugés être dans la sphère d'influence indienne comme le Bangladesh, la Birmanie... La Chine a des projets de corridor économique reliant la Chine, l'Inde, la Birmanie et le Myanmar mais également un projet de corridor industriel avec le rival pakistanais. La Chine a d'ailleurs signé des accords de transferts de technologies avec le Pakistan (dont l'achat de 8 sous-marins à la Chine) ce qui mécontente l'Inde. Chine et Inde ont néanmoins de réelles raisons de coopérer : les deux états appartiennent aux BRICS et la Chine a même voulu que l'Inde soit membre de l'organisation de coopération de Shanghai et l'Inde a parallèlement admis la Chine à titre d'état observateur dans l'Association d'Asie du Sud pour la coopération régionale (SAARC). Les deux états même si ils négocient et échangent sont donc bien dans une logique de rivalités. De plus, ces relations Inde- Chine s'inscrivant dans un environnement plus large avec des acteurs qui sont des puissances mondiales : les E.-U et la Russie. 

 B/La volonté de l'affirmation régionale voire mondiale 

-l'affirmation régionale de la puissance 

  • Sur un plan militaire, l'Inde possède une centaine de têtes nucléaires, de missiles de courte portée nommés Prithvi (150 kms) et de missiles à plis longue portée : les missiles Agni III (3 500 kms) de portée). L' Inde a fait des efforts militaires (dépenses de l'ordre de 2,4% du PIB) tant sur le plan des forces terrestres et aériennes que navales avec notamment l'achat à la Russie d'un porte- avions (l'Amiral Gorshkov), de sous-marins... dans le but de conforter sa présence dans l'océan Indien dont elle se veut le gendarme. L' Union indienne est une puissance en Asie du Sud dont elle est considérée à juste titre comme un géant. Les états voisins que sont le Népal, le Bangladesh, le Sri Lanka, le Bouthan, les Maldives et même le Pakistan sont dominés sur les plans politique et économique par une Inde émergente. Les liens avec le Bangladesh, par exemple, sont complexes sachant que l'Inde a participé en 1971 à l'indépendance de ce pays suite à une intervention militaire. L' Inde est également intervenue dans le conflit au Sri Lanka entre Cinghalais et Tamouls et les petits états que sont le Népal, le Bhoutan ou les Maldives sont plus ou moins contraints d'accepter la protection militaire indienne. En 1985, la création d'une zone de coopération régionale comme la SAARC (South Asian Association for Regional Cooperation) n'avait pas qu'un but économique : elle devait permettre à l'Inde d'affirmer sa suprématie en Asie du Sud. De plus, cette association ne fonctionne pas très bien à telle enseigne que les états membres continuent de privilégier les relations bilatérales.
  •  Depuis l'accession au pouvoir de Narendra Modi, l'Inde souhaite renforcer les partenariats avec ses voisins : cette volonté s'inscrit dans la rivalité avec la Chine et c'est une façon pour l'Union indienne de renforcer sa prééminence en Asie du Sud. L' Inde utilise de plus en plus une realpolitik par laquelle elle tente de privilégier ses besoins économiques et ses intérêts politiques et stratégiques. Le changement de stratégie à l'égard de la Birmanie est significatif à cet égard. Pendant plusieurs années, l'Inde a soutenu l'opposition au régime militaire (« diplomatie de la démocratie ») mais cela pose des problèmes comme les liens renforcés entre la Birmanie et la Chine, le soutien de la Birmanie aux mouvements séparatistes du Nord de l'Inde... En novembre 2014, N. Modi s'est rendu au 18e sommet de l'ASEAN pour mettre en œuvre une nouvelle politique : l'Act East ( Agir à l'Est ) : il s'agit pour l'Inde de renforcer ses relations économiques, commerciales, culturelles avec les états d'Asie du Sud-Est. Un projet de liaison routière et ferroviaire est lancé entre l'Inde, la Birmanie et la Thaïlande. L' Inde participe également au corridor économique devant relier le Bangladesh, la région du Yunnan en Chine et la Birmanie. L' Inde investit encore plus au Sri Lanka (dans le développement des infrastructures) et a la volonté de développer des transferts de compétences. 
  • L' Union indienne a aussi décidé de mener une politique concernant l'océan Indien, une zone longtemps délaissée par l'Inde. Elle est aujourd'hui devenue un centre de la stratégie indienne surtout que de grandes routes maritimes d'importance mondiale passent par l'océan Indien. L' Inde mais pas seulement elle, a tout intérêt à la sécurisation de ces routes . L'océan Indien est parfois problématique avec le phénomène de piraterie dans le Golfe d' Aden ou dans le détroit de Malacca. Il faut également souligner la présence de la Chine dans l'océan Indien qui a installé un port de ravitaillement dans les Seychelles (stratégie du collier de perles), des chinois qui ont aussi conçus des ports au Bangladesh, en Birmanie...
  •  L' Inde ne pouvait donc que s'intéresser à cet océan ce d'autant plus qu'elle comprend 7 000 km de littoraux (en incluant ses 1 197 îles). C'est pourquoi l'Union indienne a décidé surtout à partir des années 2000 de développer sa flotte tout en réorientant sa stratégie notamment en nouant des relations avec l'Australie. L' Inde a également développé des partenariats stratégiques notamment avec l'île Maurice (présence d'une communauté indienne importante) à qui l'Inde a livré en mars 2015 un patrouilleur tout en développant un système de surveillance radar avec cette île mais aussi avec les Maldives et le Sri Lanka. L' Inde aimerait devenir le point nodal de la sécurité maritime de la région d'où cette stratégie. De façon plus générale, la politique indienne en Asie s'est réorientée. Dans le contexte des années 1990, celui de la libéralisation économique, l' Inde voulait conduire une politique du regard vers l'Est (Lock East Policy). En effet, le dynamisme des dragons asiatiques était attirant et se rapprocher de ce type d'états ne pouvait qu'être bénéfique pour l'Inde (en théorie). C'est pourquoi l' Inde a développé un partenariat dès 1995 avec les états de l' ASEAN adhérant d'ailleurs en 1996 au forum régional de l' ASEAN créé dans le but d'évoquer les questions stratégiques.
  •  En 2005, l' Inde participe au sommet de l' Asie orientale réuni à Kuala Lumpur en Malaisie. Ces sommets réunissent les membres de l' ASEAN mais aussi la Chine, le Japon, la Corée du Sud, l'Australie et la Nouvelle-Zélande. Parallèlement, elle signe plusieurs accords avec la Thaïlande, l'Indonésie, le Japon, la Corée du Sud... L' Union indienne toujours dans cette logique a voulu renforcer la coopération régionale d'où la création en 1997 du BIMSTEC (Bay of Bengal Initiative for Multi-Sectoral technical and Economic Cooperation) : une association à laquelle adhèrent le Bangladesh, le Myanmar, le Sri Lanka, la Thaïlande mais aussi le Népal et le Bhouan. Le BIMSTEC est aussi une façon de contrer l'influence grandissante de la Chine dans la région. 

 -une affirmation plus large 

  •  Pendant longtemps, l'Inde était proche de l'URSS puis de la Russie. Mais avec l'arrivée au pouvoir en 1998 du BJP, l' Inde a opté également pour les Etats-Unis qui sont devenus un partenaire stratégique fondamental. Il s'agit toujours de contrer la puissance chinoise mais également de lutter contre une Asie du Sud de plus en plus instable notamment avec la montée de l'islamisme. Depuis 2008, les E.-U vendent même des armes à l'Inde : les Américains voient dans l'Inde un contrepoids nécessaire à la chine. En 2008, les deux pays ont signé un partenariat stratégique avec une reconnaissance du nucléaire indien.
  •  L' Union indienne tente pour s'affirmer d'utiliser les grandes organisations internationales et souhaite développer des relations avec les états du Sud. Elle est un des pivots des BRICS (40% de la population mondiale et un cinquième du PIB mondial) mais aussi du forum IBAS (Inde, Brésil, Afrique du Sud, un forum de dialogue nommé le G 3 (2003), une plateforme de discussion afin de renforcer la coopération entre ces états du sud. Il faut signaler que les BRICS ont signé en 2015 à Shanghai un « accord cadre instaurant une réserve de change commune » et réorganisé la Banque de développement des BRICS désormais appelée Nouvelle banque de développement dont l'un des buts est de contrecarrer et d'être une alternative à la banque mondiale (inauguration en 2014). L' Inde a des liens avec les états du Golfe persique : le Moyen-Orient est le premier fournisseur d'énergie à l'Inde (70% notamment de son pétrole) sans compter que de nombreux indiens travaillent dans le Golfe (6 millions) avec des transferts (remises de l'ordre de 35 milliards de $. 
  • L' Inde entretenait de bonnes relations avec l'Iran mais dans le dossier du nucléaire iranien , l'Inde a adopté la position occidentale. Toutefois, les deux pays ont signé en 2014 un accord pour développer le port de Chabahar (qui serait relié aussi à l'Afghanistan) : c'est aussi une réponse à la politique chinoise puisque la Chine a développé au Pakistan le port de Gwadar.. Par contre, il faut préciser que l'Inde reste un état peu interventionniste : elle a toujours comme principe celui de la non ingérence dans les affaires des états (pas de soldats en Irak, pas d'implication dans le conflit en Syrie...). Néanmoins, l'Inde appartient au groupe des 4 avec l'Allemagne, le Brésil et le japon afin d'obtenir un siège de membre permanent au Conseil de sécurité de l'ONU.
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