Chapitre 1: La construction des territoires et les aires culturelles

Introduction

Le continent américain peut être décomposé en deux ensembles : l’Amérique latine et l’Amérique du Nord. L' Amérique latine est historiquement, politiquement et économiquement un ensemble marqué par la colonisation portugaise et espagnole avec des états ayant obtenu leurs indépendances dès le 19e siècle. L' Amérique latine a connu, après ces indépendances, de nombreuses expériences politiques avec des régimes autoritaires, des expériences révolutionnaires de différentes natures, un processus de démocratisation récent ainsi qu’un développement certain voire une réelle émergence économique. Cette Amérique latine est liée à la latinité et la catholicité sachant que toutes les populations la composant ne sont pas latines comme les populations amérindiennes sans oublier les populations afro-américaines déportées d'Afrique en tant qu'esclaves. Quant à l'Amérique du Nord, elle est un espace centré sur les E.-U qui est au cœur de cet Amérique tant sur le plan politique qu'économique ou culturel. Le Canada et le Mexique sont par rapport aux Etats-Unis à la fois dépendants et dans l'incapacité de rivaliser tout en appartenant à deux ensembles différents

1/ Une géohistoire déterminante reposant sur des constructions territoriales liées à la colonisation et aux indépendances ?


Présentation : 

 Les Amériques : une géographie Le continent américain correspond à une superficie de 42,4 millions de km carré avec comme particularité un relatif isolement par rapport aux autres continent que ce soit l'Eurasie, l'Afrique ou l'Asie. Cet isolement a longtemps « protégé » les peuples premiers du continent. Une autre spécificité est son étirement Nord/Sud (« déploiement latitudinal »). Il est en contact et ouvert sur l'océan glacial arctique et proche au Sud de l'Antarctique. Ce continent dispose de façades maritimes conséquentes : une façade ouest sur l'océan Pacifique et une façade Est sur l'océan atlantique (Atlantique Nord et Sud). Le continent américain, vu son étirement offre une diversité exceptionnelle de milieux : milieux polaires (une partie du Canada, Alaska), milieux tropicaux et subtropicaux ( Amazonie, Floride)...
 Il est également marqué par l'importance de chaînes de montagnes et donc de milieux montagnards spécifiques comme les Andes, les montagnes Rocheuses. La Cordillère des Andes s'étire sur plus de 7000 kms avec une altitude moyenne de 4000 m et une superficie de plus de 3,3 millions de km carré (le plus haut sommet l'Aconcagua culmine à 6 962 m). Quant aux montagnes Rocheuses, elles s'étendent sur plus de 4000 kms entre le Canada et les E.-U avec de nombreux sommets à plus de 4000 m. 
Le continent américain, c'est également de vastes plaines et des fleuves très importants comme le Mississippi ou l'Amazone. Les grandes plaines des E.-U ont une superficie d'environ 4 millions de km carré : elles se prolongent jusqu'au Canada. Enfin, il faut signaler la particularité de l'isthme que représente l'Amérique centrale : une zone faisant le lien entre l'Amérique dite du Nord et l'Amérique du Sud ainsi que la multiplicité des îles du continent notamment les îles des Caraïbes. Ce continent comprend 35 états : Antigua-et-Barbuda, Argentine, Bahamas, Barbade, Belize, Bolivie, Brésil, Canada, Chili, Colombie, Costa Rica, Cuba, République Dominicaine, Dominique, Equateur, Etats-Unis, Grenade, Guatemala, Guyana, Haïti, Honduras, Jamaïque, Mexique, Nicaragua, Panama, Paraguay, Pérou, Saint-Christophe et Niévès, Sainte-Lucie, Saint Vincent-et- les Grenadines, Salvador, Suriname, Trinité-et-Tobago, Uruguay et Venezuela. A ces 35 états s'ajoutent des territoires ultramarins appartenant à des états européens : Anguilla (R-U), Aruba (Pays-Bas), Bermudes (R-U), Bonaire (Pays-Bas), îles Caïman (R-U), île de Clipperton (France), Curaçao (Pays-Bas), Géorgie du Sud et îles Sandwich (R-U), Groenland (Danemark), Guadeloupe (France), Guyane (France), îles Malouines (R-U), Martinique (France), Montserrat (R-U), Saba (Pays-Bas), Saint-Barthélemy (France), Saint Eustache (Pays-Bas), Saint- Martin (France), Saint- Martin (Pays-Bas), Saint Pierre-et-Miquelon (France), îles Turques-et- Caïques (Royaume-Uni) et îles Vierges Britanniques. Il existe aussi des territoires dépendants des E.-U ou d'états sud-américains à savoir : îles Vierges américaines, îles Galapagos (Equateur), Archipel de San Andrès (Colombie), île Guadalupe (Mexique), île de la Navasse (E.-U mais revendiquée par Haïti) et une série d'îles appartenant au Venezuela, les îles dites fédérales (île de la Tortue, Archipel de Los Aves...). 

 A/ Un continent conquis et colonisé : un fort impact sur la construction des territoires

 Quels sont les liens entre la colonisation européenne et la formation des territoires ? Comment la colonisation a impacté les sociétés colonisées et façonné d'autres Amériques ? 

a/ Une Amérique précolombienne : une Amérique originelle oubliée ? 

  •  Quels sont les héritages liés aux mondes dits précolombiens ? Sont-ils toujours présents dans les sociétés contemporaines ou sont-ils tombés dans l’oubli ? En quoi l’histoire peut expliquer les fractures tant continentales qu’ intra-étatiques ? Avant la conquête des Amériques par les Européens, le continent américain était peuplé de populations dites pré-colombiennes. Le continent est occupé depuis relativement peu de temps : environ 35 000 ans avant J-C avec une progressivité du peuplement vers le Sud où les arrivées dateraient de 12 000 avant J-C. -Les Amériques pré-colombiennes : l’Amérique d’avant la conquête Deux grands ensembles sont différenciés: la Mésoamérique (Mexique jusqu'au Costa Rica) et les Andes (Pérou) auxquels s'ajoutent les populations « indiennes » d'Amérique du Nord, celle d'Amazonie et de l'extrême sud (Patagonie) . 
  • De véritables civilisations sont apparues dans l'actuel Mexique comme les Olmèques un peuple précolombien implanté notamment le long du Golfe du Mexique dont la civilisation s'est épanouie entre 1200 et 500 avant J-C. Une autre civilisation importante est la civilisation Maya présente dans le sud du Mexique (péninsule du Yucatan), au Honduras et au Guatemala. L'apogée de la civilisation maya se situe entre le 6e-9e siècles après J-C avant de « disparaître ». 
  • Enfin, il faut évoquer les peuples du Nord du Mexique dont les Toltèques (9e-12e siècles après J-C) fondateurs de la cité de Teotihuacan dont une a une importance particulière : les Aztèques. Ces derniers ont fondé et développé une capitale Tenochtitlan ( devenue Mexico). Une seconde aire est importante : l'aire andine. C'est une aire composée de peuples pratiquant l'agriculture organisée en royaumes. Les cultures Chavin (Pérou) et Mochica (Pérou) datent respectivement du 10e-8e siècles avant J-C et 1er siècle avant J-C jusqu'au 8e s après J-C. Un Empire a marqué cet espace : un Empire plus récent, l'Empire Inca qui émerge à partir du début du 15e siècle s'étendant du Pérou à la Colombie. A ces ensembles, il faut ajouter des populations plus périphériques longtemps vues comme moins structurées que les Empires Inca et Aztèque à savoir les populations « indiennes » d'Amérique du Nord tant dans les actuels E.-U et Canada qu'en Amazonie, dans les Caraïbes ou en Patagonie. 
  • A ces aires culturelles majeures s'ajoutent des populations diverses en Amérique du Nord : des peuples généralement semi-nomades mais parfois également sédentaires. Algonquins, Iroquois, Sioux et Cheyennes, Navajos, Hopis ... sont autant d'exemples de peuples d'Amérique du Nord mais ils peuplent cette partie du continent de façon discontinue sans une organisation étatique comme les organisations Aztèque ou Inca. 
  • Toutefois, les travaux de l'historien Pekka Hämäläinen ont montré l'existence d'un Empire comanche à partir du milieu du 18e siècle (Texas, Nouveau Mexique...). Les peuples amérindiens étaient structurés avec des organisations politiques plus ou moins poussées mais réelles. Enfin, on peut également évoquer les populations d'Amérique latine à l'écart de l'Empire Inca comme les peuples d'Amazonie ou de Patagonie : des peuples sans organisation étatique, des peuples généralement de chasseurs-cueilleurs capables de pratiquer en parallèle l'horticulture, la culture sur brûlis qui ont façonné d’ailleurs la forêt amazonienne. 

-pour quels héritages ? 

  •  Le continent américain se composait et se compose en partie encore de populations et de cultures diverses. Beaucoup de spécialistes pensent que le continent était, avant la colonisation, plutôt peu peuplé : les chiffres varient de 80 millions au grand maximum à 20 millions selon Angus Maddison, un économiste britannique, soit des écarts importants. En 1500, ce dernier estime la population du continent à 19,7 millions d'habitants. Les peuples sont divers avec des organisations et des cultures différentes. Les Inuits du Groenland, les peuples d'Amazonie (Tupi-Guarani, Guayaki du Paraguay...), les peuples d'Amérique du Nord (Hopis, Cherokees) ou d'Amérique du Sud (Araucans, Mapuches...) n'obéissant pas aux mêmes logiques.
  •  La plupart ont des organisations dites claniques avec des systèmes religieux animistes où les chamans jouent un rôle majeur. Mais certains peuples sont des chasseurs-cueilleurs, d'autres des agriculteurs sédentaires comme les Hopis (Arizona) cultivant le maïs et vivant dans de véritables villages. Ces peuples différents parlaient des langues différentes et n'avaient pas d'unité. Les frontières comme les états au sens occidental des termes n'avaient pas de sens et de réalité pour ces peuples : les rapports aux territoires et à la terre étaient très différents de ceux des Européens. 
  • Les Incas, les Aztèques ont des structures politiques qui paraissent moins originales et plus proches des réalités des colonisateurs européens mais ils sont plutôt des exceptions. Les cultures des Amérindiens d'Amérique du Nord sont également diverses avec des langues multiples, des peuples plutôt chasseurs, alors que d'autres sont agriculteurs ou pêcheurs. Ces peuples participent à des activités commerciales entre eux avant même l'arrivée des colons. 
  • On sait qu'il existait des routes commerciales liant le Sud des futurs E.-U à savoir le Texas et la Californie au régions plus septentrionales du fleuve Saint-Laurent. Les civilisations précolombiennes ont laissé des héritages : héritages par des monuments (Teotihuacan, cités mayas et incas), héritages linguistiques (la langue quechua est toujours parlée au Pérou), héritages en termes de populations... Les populations Quechuas localisées au Pérou, en Bolivie sont des populations anciennes : c'est parmi ces populations qu'avaient émergé les Incas. Les populations Mayas demeurent avec environ 10 millions de Mayas vivant au Guatemala, au Belize... Par contre, de nombreuses populations « indiennes » ont été éliminées suite à la colonisation comme les Taïnos qui vivaient dans les Antilles ou le peuple des Kalinagos plus connus sous le nom de Caraïbes : un peuple qui n'existe plus et qui a simplement laissé son nom à une mer ce qui est bien peu. 

b/ Une Amérique espagnole et portugaise : le poids de la colonisation de l'Europe latine

En quoi les conquêtes espagnoles et portugaises ont été des événements majeurs et un choc pour les Amériques ? Ont-elles vraiment façonné un « nouveau monde » ? Comment ? Doit-on évoquer des Amériques métisses ? 

-les conquêtes espagnoles et portugaises : un choc 

  •  Les conquêtes coloniales sont pour les populations amérindiennes une rupture fondamentale dans leur histoire car elles vont fondamentalement modifier leurs organisations sociales et culturelles. Les conquêtes espagnoles en particulier sont à l'origine de l'effondrement des Empires jusque là dominants : les Empire Aztèque et Inca. Les Portugais et les Espagnols à la recherche d'une autre route pour les « Indes » ont « découvert » un nouveau continent : des découvertes qui rapidement se concrétisent par une colonisation brutale et destructrice. Les populations amérindiennes sont victimes de guerres de conquêtes et de la diffusion par les Européens de maladies contagieuses nouvelles pour eux. Les statistiques, certes approximatives sont révélatrices des dégâts infligés par les conquêtes : en Nouvelle-Espagne soit au Mexique on estime que la population est passée de 25 millions d'individus au moment de la découverte à moins d' 1,5 million en 1520. Les premiers temps sont une phase d'exploration comme l'illustre le premier voyage de C.Colomb en 1492 ou le voyage du navigateur portugais Cabral qui « découvre » le Brésil en février 1500. 
  • Très rapidement, une phase de conquête avec le temps des conquistadores arrive avec la conquête du Mexique par Hernan Cortès en 1519 avec la prise de la capitale aztèque, Tenochtitlan en 1521. Cortès prend possession de ces terres au nom de l'Espagne et rebaptise les territoires conquis en Nouvelle-Espagne. Cortès était issu de la petite noblesse espagnole et était arrivé d'abord à Saint-Domingue avant de conquérir le Mexique. La conquête du Mexique s'est réalisée rapidement car Cortès s'est appuyé sur des peuples « indiens » hostiles au pouvoir Aztèque. Une fois le Mexique conquis, les Espagnols deviennent propriétaires de terres immenses et s'engagent à verser à la couronne espagnole un cinquième des richesses provenant des territoires conquis : c'est ce qu'on nomme le quinto real. 
  • En 1531, c'est au tour de l'Empire Inca de subir les assauts des Espagnols avec à leur tête Francisco Pizarro. En 1532, les Incas sont vaincus et en 1535 Pizarro fonde une nouvelle cité pour remplacer la capitale inca de Cuzco : Ciudad de Los Reyes de Lima. Le Pérou devient une vice-royauté espagnole avec Lima pour capitale en 1542/43.En quelques années, les conquérants espagnols prennent le contrôle d'une partie importante de l' Amérique centrale et latine. La conquête du Brésil par les Portugais commence à partir des années 1530. En 1542, Charles Quint signe les « Lois nouvelles » permettant l'annexion par l'Espagne des territoires américains.
  •  Enfin, il faut rappeler que les Espagnols ont également contrôlé une partie de ce qui est aujourd'hui les Etats-Unis à partir du Mexique. La Floride mais aussi la région du Mississippi sont explorées par des Espagnols dès les années 1513-1515 (Hernando de Soto). Les Espagnols pénètrent aussi en Californie et ce sont des Espagnols qui les premiers découvrent en tant qu' Européens le canyon du Colorado (Franciso Coronado). Les Espagnols vont même fonder des établissements coloniaux dans l'actuelle Caroline du Sud, en Floride (colonie de Saint Augustine créée en 1565). En 1580, le roi d'Espagne va créer la Floride occidentale correspondant à l'actuel état de l'Alabama. 
  • Ce sont les Espagnols qui fondent Santa Fe au début du 17e siècle (1610, une ville aujourd'hui du Nouveau Mexique). A la fin du 17e siècle, ils s'implantent au Texas et en Californie où ils fondent deux viles : Los Angeles (1781) et San Francisco (1776). Lors du traité de Paris, les Espagnols vont acquérir la Louisiane française. L'héritage espagnol au Etats-Unis se retrouve notamment dans la toponymie : Colorado, Los Angeles, San Francisco, San Antonio, Las Vegas, San Diego, Sierra Nevada... 

 -façonnant des sociétés nouvelles et « occidentalisées »

  • Les Espagnols et les Portugais vont mettre en place un système colonial et produire une société nouvelle. Le Roi Jean III du Portugal a d'abord organisé le territoire en capitaineries au nombre de 15 confiées à des acteurs privés. Puis il nomme un gouverneur général afin que l'état portugais reprennent les choses en mains. Des missions religieuses (rôle des Jésuites) ont parallèlement comme objectif d'évangéliser les populations. L' Eglise catholique a joué un rôle essentiel dans la christianisation du continent. Les Portugais ont d'abord pris le contrôle du littoral avec la création de plusieurs villes comme Salvador de Bahia dont la création remonte à 1549. Cette ville est jusqu'en 1763 la capitale du Brésil portugais avant d'être remplacée par Rio de Janeiro. Les Portugais ont aussi fondé Recife en 1537, Rio de Janeiro en 1565 (le site de la baie de Rio était néanmoins occupé par des « Indiens » de la tribu des Tamoyos). La création de Salvador comme capitale est un acte politique important montrant l'importance de cette nouvelle colonie pour le Portugal. Plus tard, le Brésil est divisé en états (11 états en 1789) dirigés par des gouverneurs. En 1775, le Brésil devient une vice- royauté avec de ce fait un vice-roi. Les Portugais exploitent le Brésil en fondant une économie avant tout agricole avec des productions de coton, de tabac et surtout de sucre (canne à sucre). 
  • Du milieu du 16e siècle au 18e, le Brésil entre dans le cycle du sucre avec de très importantes exploitations. Les Portugais exploitent d'abord une main d' œuvre locale avant d'utiliser des esclaves africains. Dans le cadre des relations avec le Portugal, le Brésil n'est autorisé à importer que des produits en provenance de la métropole. De nombreux esclaves proviennent de l'Afrique équatoriale où le Portugal possédait des comptoirs commerciaux. 
  • Certains de ces esclaves parviennent à s'enfuir des exploitations et forment des communautés appelées mocambos (ou quilombos). Le cycle du sucre se termine en partie à la fin du 18e : le sucre brésilien subit une crise confrontée à la concurrence des plantations des Antilles. Fin 18e, le Brésil entre dans le cycle de l'or avec la découverte de ressources en or importantes dans l'actuelle région de Belo Horizonte, une région devenue le Minas Gerais. Parallèlement, le sud du Brésil est colonisé avec en 1732 la fondation de Porto Alegre. La société coloniale est clivée avec à sa tête les colons d'origine portugaise, les populations « indiennes » soit converties, soit à l'écart du monde colonial et les esclaves africains. Il existe un important métissage à tel point que les Portugais opèrent un classement des métis : caboclo à savoir métis blanc et indien, cafuzo, métis indien et noir, mulato c'est-à-dire métis de noir et de blanc. C'est donc une société très inégalitaire. 
  • Les Espagnols vont structurer les territoires colonisés rapidement. La monarchie espagnole opère un contrôle à distance en créant un Conseil des Indes sous l'autorité royale en 1511 afin de surveiller les nouvelles colonies. Ce Conseil édicte les lois et règlements à destination des Amériques. Pour contrôler le commerce, a été créée la Casa de Contratacion. Un système de vice-royauté est élaboré avec la création de la Nouvelle-Espagne (1535) comme vice-royauté et Mexico comme capitale puis une vice-royauté est créée au Pérou (1543). Au 18e siècle naissent les vice-royautés de Nouvelle-Grenade (1717) avec pour capitale Santa Fe de Bogota (Colombie, Equateur, Panama et Venezuela) et du Rio de la Plata (1776) avec Buenos Aires (fondée en 1536) comme capitale. Les vice-rois sont nommés par la monarchie espagnole et appartiennent à la famille royale Des cours de justice, les Audiencias, sont également créées pour l'application des lois et la garantie des droits. La première est créée dès 1511 à Saint-Domingue, la seconde en 1527 à Mexico ( huit autres sont mises en œuvre dont une à Panama, une à Lima...). 
  • Progressivement, les vice-royaumes deviennent autonomes sinon en droit du moins de fait vu l'éloignement de la métropole. Des aristocraties locales se forment et se développent : des aristocraties créolisées au fil du temps. A la fin du 18e siècle, l'Espagne nomme des intendants pour contrôler une situation qui lui échappe créant ainsi des tensions. Comme les Portugais, les Espagnols ont misé sur les villes : la création de villes devait permettre le maillage et le contrôle des territoires. Vera Cruz est fondé au Mexique en 1519 (la 1e ville fondée le fut par Cortès : Santa Maria de la Victoria en 1519), Bogota en Colobie a été fondé en 1538, Caracas au Venezuela en 1567, santiago du Chili en 1541... Au niveau des zones rurales, les Espagnols vont créer le système de l'encomienda : ce système permet aux Espagnols de faire travailler les indigènes dans les mines ou les exploitations agricoles sans salaire. Ce contrôle passe aussi par l'évangélisation et les missions catholiques. 
  • Les sociétés produites par la colonisation espagnole sont très inégales. Les élites espagnoles puis créoles dirigent et contrôlent politiquement et économiquement ces sociétés. Les communautés « indiennes » sont à l'écart et le sont encore davantage les esclaves noirs. Dans les villes, les principales fonctions (magistrats, maires, fonctionnaires) sont le fait des élites : des élites qui possèdent les grandes propriétés foncières sur lesquelles travaillent des indiens ou des esclaves. Au niveau économique, les Espagnols vont s'appuyer sur les mines et les exploitations agricoles. L' Amérique espagnole va ainsi fournir environ 80% de la production mondiale de métaux précieux entre 1500 et 1800. Les mines de Potosi en Bolivie en sont une exemple terrible. 
  • Potosi est fondé en 1545 pour exploiter une mine d'argent : de l'argent extrait par le travail forcé de milliers d'indiens et d'esclaves noirs. Une loi de 1572 oblige les esclaves à travailler par roulement de 12 heures sous terre pendant 4 mois. Une étude a montré qu'entre 7 et 8 millions d'individus étaient morts dans ces mines entre 1545 et 1825. Les Espagnols développent aussi une économie de plantation. On peut signaler que les résistances indiennes ont été réelles notamment dans les Andes. Tupac Amaru, dernier représentant de la dynastie inca a été éliminé en 1572 mais il est resté un symbole de la résistance indienne. Des révoltes indiennes ont ainsi eu lieu entre 1780 et 1783 organisées par José Noguera dit Tupac Amaru II (il se prétendait descendant direct de Tupac Amaru). Enfin, il est important de signaler le rôle du métissage en Amérique latine : la population de cette partie du continent américain est le résultat d'un métissage important même si il se réalise dans le cadre de sociétés très hiérarchisées. Pour Jacques Poloni-Simard (revue l'Histoire), « le métissage est une des constantes de l'Amérique latine,un moteur de ses transformations, mais aussi un révélateur de ses contradictions. » Ce métissage est bien plus important qu'en Amérique du Nord. 
  • Les traites négrières ont également été décisives avec l'arrivée d'une main d'œuvre forcée d'Afrique afin de remplacer une main d'oeuvre indienne décimée. Les esclaves étaient utilisés dans les plantations et les mines. Le pays qui a le plus importé d'esclaves africains est le Brésil. Ces traites négrières ont bien entendu eu des effets sur les sociétés américaines avec des états aujourd'hui composés de minorités afro-américaines importantes. Elles sont aussi à l'origine de métissages importants surtout en Amérique latine tant au niveau biologique que culturel. 

 -Les traites négrières : un bouleversement considérable 

  •  Un aspect très important dans la formation des Amériques « modernes » est la déportation des Africains et donc les traites négrières. De très importants transferts de population ont lieu entre le continent américain et l'Afrique estimés à au moins 11 millions d'individus. Ce qu'on nomme la traite Atlantique débute dès les années 1440 à destination du Portugal et de l'Espagne. C'est au début du 16e siècle qu'arrivent les premiers esclaves africains en Amérique notamment pour travailler dans les mines et les différentes plantations. En 1513 arrivent les premiers esclaves à Cuba. Ces esclaves arrivent dans des colonies espagnoles par le biais de l'asiento, un système par lequel les Espagnols qui ne pratiquaient pas le commerce des esclaves s'en procuraient par le paiement d'une redevance à une entreprise pratiquant pour eux le commerce.
  •  Le Brésil a concentré le pourcentage le plus important d'esclaves environ 37% des esclaves déportés ( plus de 4,1 millions), les Antilles anglaises plus de 2,4 millions (environ 21%), l'Amérique espagnole 1,7 million ( près de 15%), l'Amérique française dont les Antilles plus de 1,6 million (14,5%), l'Amérique du Nord britannique 525 000 (4,6%)... 
  • Dans les futurs Etats-Unis, les premiers esclaves arrivent à Jamestown en 1619 (20 esclaves). Dans les années 1700-1730, les importations d'esclaves s'élèvent à environ 1000 esclaves puis c'est une accélération importante avec 40 400 esclaves entre 1731-1740, 58 500 de 1741 à 1750.... De 1781 à 1810 , 91 600 esclaves sont déportés aux Etats-Unis. En 1780, ils sont plus de 575 000 (un cinquième de la population) et 90% vivent dans les colonies du Sud (Sud de la Pennsylvanie. Les populations noires constituent la minorité la plus importante des Amériques (plus de 125 millions d'individus soit 14% de la population sur 953 millions en 2013). Ces déportations ont conduit à terme à un certain métissage et à une créolisation des sociétés (au moins partielle) et donc à l'émergence de cultures nouvelles et mêlées. 

B/ Des Amériques qui s'émancipent : le temps des indépendances et des constructions territoriales

Comment se sont déroulés les processus des indépendances ? Quelles furent les conséquences des indépendances ? Marquent-elles une rupture avec l’Europe ?Comment se sont construits les états et les territoires ? Le temps des indépendances est un autre moment charnière de l'histoire du continent américain : des indépendances acquises aux 18e et 19e siècles. Ces indépendances changent l'histoire du continent mais aussi du monde. 

 a/ Les indépendances : un temps fort de l’histoire américaine 

- Une Amérique centrale qui s’émancipe

  •  La situation évolue dans les Caraïbes à la fin du 18e siècle au moins partiellement. Des mouvements d'indépendance émergent en lien notamment avec la Révolution française de 1789. Les colons des îles caribéennes (en particulier dans les îles françaises) comme les colons des 13 anciennes colonies anglaises reprochaient aux métropoles d'être trop présentes et influentes d'où la volonté de s'émanciper de celles-ci. En 1790, les colons de Saint-Domingue (colonie française) souhaitent l'indépendance, une volonté d'autant plus forte qu'ils craignent que les révolutionnaires français mettent à mal le système esclavagiste en proclamant la fin de l'esclavage. 
  • En 1790, les colons élisent une Assemblée composée uniquement de colons et d'hommes blancs libres (les libres de couleur en sont exclus), élaborent même une Constitution et fondent une garde nationale. En 1791, les libres de couleur se soulèvent mais aussi les esclaves. Un homme joue important, il s'agit de Toussaint Louverture. Il parvient en plusieurs années à prendre le contrôle de Saint- Domingue y compris une partie de l'île contrôlée par les Espagnols et en 1801 est à l'initiative d'une Constitution. 
  • Bonaparte parvenu au pouvoir en 1799 décide de reprendre le contrôle de la situation. Il rétablit l'esclavage aboli par la Révolution en 1794, ses troupes vont vaincre celles des révoltés entre 1801 et 1802. Toussaint Louverture est arrêté et emprisonné en France. Néanmoins, la lutte se poursuit pour aboutir en 1804 à l' indépendance et à la création d'un nouvel état : Haïti (nom indien de Saint-Domingue) avec à sa tête Dessalines. L'indépendance d'Haïti est une nouveauté car il s'agit d'une révolution d'esclaves parvenant à mettre en place un état non contrôlé par les colons. Elle est de ce fait perçue comme la première révolution noire mettant fin à l'esclavage. 
  • Néanmoins, la République haïtienne née en 1804 souffre dès sa naissance du problème du monopole du pouvoir par des hommes forts. Dessalines est ainsi proclamé gouverneur à vie jusqu'à son assassinat en 1806. Cette République est marquée par la suite par une série de coups d'état et une grande instabilité politique : une instabilité durable y compris aux 20e et 21e siècles. Par conte, la situation des autres îles des Caraïbes bien qu'il y ait eu des troubles ne change pas fondamentalement : Haïti est une exception. Les îles des Caraïbes obtiennent l'indépendance pendant le 20e siècle comme la Jamaïque en 1965 ou Saint Kitts et Nevis en 1983... 

 -Tout comme l’ensemble de l’Amérique latine 

  •  En Amérique latine, les indépendances sont plus tardives et se réalisent avant la nation donc les états précèdent la nation, le processus se déroulant entre 1808 et 1825 : elles sont liées en partie à l'occupation de l'Espagne et du Portugal par Napoléon 1er et ses troupes, une occupation qui va faciliter l'accès aux indépendances. Les indépendances sont le fait de colons blancs nés en Amérique (les créoles) mais originaires d'Europe. Ils constituent l'élite de l'Amérique latine (trois millions sur plus de 20 millions d'habitants). Ils sont détenteurs des grandes domaines agricoles ou contrôlent les activités commerciales. Ils sont en position dominante par rapport bien entendu aux esclaves, aux Indiens mais également par rapport aux métis appelés les sangs mêlés. 
  • Par contre, les hauts postes administratifs sont tenus par des Espagnols et des Portugais (environ 300 000) ce que les créoles ne supportent plus ou très difficilement. Les origines du processus conduisant aux indépendances sont relativement simples à identifier. D'abord, on note les influences des idées révolutionnaires françaises : des individus comme Simon Bolivar ou Francisco Miranda (ce dernier a même combattu aux côtes des révolutionnaires français avant de participer au mouvement insurrectionnel vénézuélien des années 1805-1811) se sont déplacés en France à ce moment et ont été marqués par l'idéal révolutionnaire. Les colonies et leurs élites créoles rejettent de plus en plus le pouvoir espagnol et n'admettent pas que la monarchie, à partir du milieu du 18e siècle, souhaite renforcer son contrôle sur les colonies. Ils sont notamment hostiles à la volonté de Madrid de nommer des intendants pour diriger les colonies : les élites créoles craignent une perte de pouvoir et d'influence. Ils vont en plus profiter comme nous l'avons signalé des guerres menées par Napoléon dont les troupes occupent l'Espagne ce qui coupe les liens entre l'Espagne et les colonies. 
  • De plus, la guerre menée par les Espagnols contre Napoléon et la France, une guerre d'indépendance elle aussi, rend la situation en Espagne instable ce dont les colonies vont profiter. Dans les colonies, la situation devient elle-même instable avec l'opposition entre des patriotes souhaitant de profondes réformes et des conservateurs généralement fidèles à la monarchie espagnole soutenus par l'Eglise (le haut clergé en particulier) et l'armée. De ce fait des insurrections éclatent opposant ces deux tendances comme au Mexique en 1810. dans cette colonie, une insurrection composée d'indiens et de métis se développe. Cette insurrection a plusieurs dimensions : sociale (les insurgés sont pauvres), ethnique (une partie des insurgés sont des indiens). Cette insurrection n'est pas approuvée par les élites créoles du Mexique qui refuse une insurrection populaire pouvant remettre en question leurs avantages et leurs pouvoirs. L'insurrection est d'ailleurs vaincue en 1815 par une armée commandée par le général Iturbide. A partir de 1816, ce dernier progressivement opte pour la cause indépendantiste (dont l'un des leaders est Vicente Guerrero) qu'il rejoint en 1820 officiellement. 
  • En 1821, Iturbide et Guerrero rédigent le plan d'Iguala afin d'établir une Constitution pour un Mexique indépendant :1821 est considérée comme l'année de l'indépendance (signature de l'acte d'indépendance le 28 septembre ). En juillet 1822, Iturbide devient empereur d'un Mexique (jusqu'en 1823) devenu dans les faits indépendant. En 1824, le Mexique devient une République (avec comme 1er président Guadalupe Victoria) : une République qui devient elle aussi instable. Vicente Guerrero prend le pouvoir par un coup d'état en avril 1829 avant d'être lui-même renversé en décembre puis condamné à mort en 1831. Un mouvement d'importance est celui de Simon Bolivar (né à Caracas) dans la vice-royauté de Nouvelle-Grenade. En 1810, il est à l'origine de la création d'une junte (une Assemblée) mettant au point une déclaration d'indépendance et une Constitution visant à créer la première République du Venezuela mais voulant aussi la création d'une confédération d'états indépendants en Amérique sous contrôle espagnol. 
  • Cet appel n'est pas entendu et Bolivar proclame officiellement en juillet 1811 l'indépendance de la vice-royauté de Grenade. Une guerre civile se développe entre des forces fidèles à l'Espagne (loyalistes) et les patriotes insurgés. La guerre et la répression sont dures et l'action de Bolivar est entravée. Ce n'est qu'à partir de 1818-1819 que Bolivar et les patriotes inversent la tendance avec le soutien des Anglais. En 1824, Bolivar obtient l'indépendance de la Grande Colombie composée de la Colombie, de l'Equateur et du Venezuela. 
  • Cette Grande Colombie éclate en 1830 En 1817, le Chili acquiert son indépendance après une lutte difficile depuis 1810 et en 1818 prend le tire de commandeur suprême du pays. Il signe l'acte d'indépendance en février 1818. Il est lui- même renversé en 1823 (exil au Pérou). Au Pérou, l'insurrection se déclenche en 1811. Mais il faut attendre 1821 avec en particulier l'aide de Bolivar et de ses troupes pour que le Pérou devienne indépendant : une indépendance effective en 1824 lorsque les dernières troupes espagnoles sont vaincues. Mais le Pérou se divise en deux : un Pérou (le Haut Pérou) fidèle à Bolivar et qui devient la Bolivie et le Bas-Pérou correspondant au Pérou actuel. 
  • Le Haut-Pérou prend d'ailleurs le nom de Bolivie en hommage à Bolivar. L' Argentine devient indépendante entre 1810 et 1816. : la révolution dite de mai 1810 permet une indépendance de fait devenant officielle en 1816. L' Argentine comme tant d'états devenus indépendants est l'objet de coups d'état dont celui de 1835 conduisant au pouvoir le général Juan Manuel de Rosas jusqu'en 1852. En Amérique centrale, le Nicaragua devient indépendant en 1821. Puis se forment les Provinces Unies d'Amérique centrale réunissant le Nicaragua, le Honduras, le Salvador et le Costa-Rica : une fédération d'états dissoute en 1839. Quant au Panama, il fait partie de la Grande Colombie et obtient son indépendance en 1903 suite à une guerre contre la Colombie, : une guerre pendant laquelle les indépendantistes panaméens furent soutenus par les E-U. 
  • Le Belize, baptisé Honduras britannique (1862) est devenu indépendant en 1981 et est membre du Commonwealth. La Guyane britannique est indépendante depuis 1966 s'appelant désormais le Guyana. Quant à la Guyane néerlandaise, elle devient une région autonome des Pays-Bas en 1954 avant d'être indépendante en 1975 sous le nom de Suriname. Enfin, le Brésil est un cas un peu différent car avec l'invasion du Portugal par les troupes de Napoléon en 1807, la famille royale a trouvé refuge dans cette colonie faisant de Rio de Janeiro la capitale de substitution du Portugal. Le roi Jean VI retourne au Portugal après la défaite de Napoléon laissant son fils Don Pedro comme régent du Brésil. Ce dernier proclame l'indépendance du Brésil en septembre 1822 se faisant d'ailleurs proclamer Empereur La monarchie assure dans un premier temps l'unité du Brésil et comme l'affirme Yves Saint-Geours la « Couronne a précédé la nation brésilienne et l'a formée ». L'indépendance du Brésil est donc une indépendance atypique en Amérique n'étant pas particulièrement violente même si il y a eu des affrontements. De plus, des nouveaux états, le Brésil est le moins instable : il est une monarchie jusqu'en 1889 avant d'être une République. Le Brésil n'a donc pas connu une guerre d'indépendance comme il n'a pas été victime d'un éclatement (phénomène de balkanisation). 

 Bilan des indépendances 

 -1783 : indépendance reconnue des E.-U par le traité de Paris -1813 : indépendance du Paraguay 
 -1816 : création et indépendance des Provinces-Unies d'Amérique du Sud (ou Provinces-Unies du Rio de la Plata : Argentine et une partie de l'Uruguay) 
 -1818 : indépendance du Chili -1819 : indépendance de la Grande Colombie qui éclate en 1830 donnant naissance au Venezuela, à la Colombie et à l'Equateur 
-1821 : indépendance du Pérou -1822 : indépendance du Brésil -1823 : indépendance des Provinces-unies d'Amérique centrale qui éclate en 1838-39 donnant naissance au Guatemala, Honduras, Salvador, Nicaragua et Costa Rica
 -1825 : indépendance de la Bolivie -1828 : indépendance de l'Uruguay 
 -1903 : indépendance du Panama (il se détache de la Colombie avec le soutien des E.-U. ) -1981 : indépendance du Belize (ancien Honduras britannique) 

 b/ Les frontières des états nouvellement indépendants, sources de clivages et de de tensions

 Le tracé des frontières sur le continent américain est complexe : il est le résultat de conflits et de négociations dans le cadre de frontières qui sont souvent des héritages coloniaux. 

-des frontières à délimiter et des états à façonner

  •  Pour les états de l' Amérique espagnole, les frontières, au moins au départ, sont les frontières coloniales des vice-royautés ou des Audiencias. Les Etats latino-américains et leurs frontières sont donc le résultat direct de la colonisation. Néanmoins, comme nous allons le voir, les frontières peuvent être sources de tensions voire de conflits. 

 - sources de tensions voire de conflits

  •  Les frontières et la quête de territoires a conduit à de multiples conflits. Le Brésil et l'Argentine sont entrés en conflit au sujet de la région de l'Uruguay comme ce fut déjà le cas entre Portugais et Espagnols. Le Brésil réussit à prendre le contrôle de la région mais l'Uruguay devient indépendant en 1828 sous la pression du Royaume-Uni. Quant au Paraguay devenu indépendant en 1811, ses frontières ont été grignotées par le Brésil, l'Argentine et l'Uruguay lors d'une guerre dite de la triple alliance où seul face à ces trois états le Paraguay est amputé de la moitié de son territoire. Par contre, les frontières ouest du Brésil ont généralement fixés par des accords avec la Bolivie, le Pérou... 
  • Une guerre se déclenche entre le Chili d'une part et le Pérou et la Bolivie d'autre part entre 1879-1889 dite guerre du Pacifique. Le Chili avait déjà agressé les eux états en question pour repousser sa frontière vers le Nord (1836-39). ce conflit est une victoire pour le Chili qui s'agrandit de 200 000 km carré. La Bolivie perd son accès à l'Océan et le Pérou perd également des territoires au Sud : la Bolivie devient ainsi un état enclavé. On peut également signaler une frontière parfois source de tensions entre l'Argentine et le Chili (une des plus longues au monde, 5000 kms). 
  • Elle est fixée par un traité de compromis datant de 1881. Ce traité n'empêche pas des tensions fortes à la limite d'un conflit en 1979 au sujet de la frontière maritime au débouché du canal de Beagle à propos des îles Lennox, Nueva et Picton entre les deux pays.. C'est sur une intervention du Vatican en 1984 que le conflit s'apaise. Il faut rappeler que Simon Bolivar rêvait de regrouper les états indépendants afin de former une confédération. Bolivar rêvait de l'union de l'Amérique latine notamment pour faire contrepoids à des Etats-Unis de plus en plus puissants. Pour lui, l'Union était à la fois nécessaire et possible car les peuples partagent des points communs : une langue et une culture communes mais aussi sont liés par l'histoire. 
  • Est même organisé à Panama en 1826 un Congrès devant réunir les états sud-américains auquel participent la Grande Colombie encore unie tout comme les Provinces Unies d'Amérique centrale ou encore le Pérou et le Mexique. Par contre, le Chili, l'Argentine ou le Brésil ne sont pas présents. Un second congrès se tient à Lima fin 1847- début 1848 avec la Bolivie, le Chili, la Colombie et l'Equateur soit une minorité d'états. Un dernier Congrès de de ce type est organisé en 1864-1865 toujours à Lima avec la signature d'un traité défensif visant à se défendre de toute ingérence étrangère. Lorsque Bolivar meurt en 1830, son projet a échoué et s'est confirmée une des ses intuitions : « (...) ce pays tombera infailliblement entre les mais de petits tyrans (...). ». 
  • Plusieurs tentatives d'union ont été néanmoins menées comme les Provinces-Unies d'Amérique avec le Honduras, le Guatemala, le Salvador, le Nicaragua et le Costa-Rica ou la Grande Colombie et même la fédération Pérou-Bolivie Mais toutes ces tentatives ont échoué. La Grande Colombie implose en 1830 donnant naissance au Venezuela, à la Colombie et à l' Equateur ; les Provinces Unies d'Amérique centrale prennent fin en 1839, la fédération Pérou-Bolivie dure de 1836 à 1839. Avec l'éclatement des ces unions, on s'aperçoit qu'en règle générale, les nouveaux états correspondent aux Audiencias de la colonisation. L'échec de ces unions a conduit à un émiettement de l'Amérique centrale et latine. Il faut insister sur le fait que les élites sud-américaines ont voulu importer le modèle de l'état-nation européen ce qui peut expliquer cet émiettement. Bilan : L'histoire tant pré-colombienne que coloniale a façonné à de multiples niveaux les Amériques . Néanmoins, ce sont surtout la colonisation, les migrations diverses dont les traites négrières qui ont impacté les Amériques leur conférant leur morphologie actuelle.

2/ Les territoires et les hommes : des espaces centraux aux marges


A/ Les caractéristiques des territoires et des hommes 

 Ces territoires formés dans la douleur dispose d'atouts mais sont aussi confrontés à des contraintes fortes. Au niveau démographique, ces états entre les indépendances et aujourd'hui ont connu de profonds changements avec le rôle très important des mouvements migratoires. De façon générale, les territoires sont pluriels et ce à différentes échelles 

a/ Atouts, contraintes et influences des milieux : des territoires d’une grande diversité 

Dans l'analyse des territoires américains, il faut avoir à l'esprit la présence de territoires immenses dont une partie n'est pas nécessairement maîtrisée et valorisée. 

 -des territoires aux ressources importantes avec des contraintes à surmonter

  •  Le continent américain, le second au monde au niveau de la superficie , offre de par son immensité des possibilités importants et des ressources très importantes à tous les niveaux : ressources forestières, agricoles, énergétiques...Il s'agit de ce fait d'utiliser et d'exploiter de la façon la plus efficace possible l'immensité de ces territoires. Les E.-U et le Canada y sont parvenus ce qui est moins vrai des états sud-américains. Cette immensité explique une mise en valeur par les fronts pionniers. On peut d'ailleurs mettre en évidence des liens forts entre la conquête des espaces par les colons, le développement de ces fronts pionniers et la construction des états-nations américains. Ces fronts pionniers (notion « de frontière d'occupation » utilisée par les géographes américains) consiste à s'approprier des espaces « libres » (pas toujours si libres que cela comme le montre l'exemple amazonien avec la présence d'amérindiens) qui vont être aménagés et exploités et de ce fait incorporés au système économique et aux circuits commerciaux. La colonisation et la pénétration des territoires, rappelons-le, se sont réalisés à partir des littoraux d'où une mise en valeur progressive de l'intérieur des terres. Les fronts pionniers existent : front pionnier au Brésil en Amazonie, au Chili en Patagonie... 
  • Cette immensité a permis le développement de très importants espaces agricoles rendu possible par les très importantes surfaces disponibles. Il faut souligner que 82% des surfaces agricoles sont contrôlés par 5 états : E.-U, Canada, Brésil, Argentine et Mexique à savoir les plus grands états du continent. Les E.-U disposent d'un potentiel considérable avec notamment plus de 370 millions d'hectares de surface agricole utile (une moyenne de près de 176 hectares par exploitation : au recensement de 2012, les E.-U comptaient 2,1 millions d'exploitations agricoles .) Au Brésil, la surface agricole utile est de 340 millions d'hectares (2 fois plus que l'ensemble des états de l'Union européenne) ; elle est de 180 millions d'hectares pour l'Argentine... Rappelons que le Canada a une superficie de 9,9 millions de km carré, les E.-U de 9,6 millions de km carré, le Brésil 8,5, l'Argentine 2,7 et le Mexique 1,9. Les Amériques sont aussi un immense réservoir d'eau avec les plus importantes réserves d'eau au monde. 
  • Le Canada a ainsi la deuxième réserve d'eau renouvelable au monde (7% des réserves d'eau douce au monde). Le Brésil possède des ressources hydriques également exceptionnelle notamment grâce au bassin de l'Amazone. Le Brésil dispose de 12% des réserves mondiales d'eau douce même si cette eau est répartie de façon inégale. Un aquifère unique a été découvert dans le nord du Brésil (Alter do Chao dans l'état du Para et la région de Manaus) de 86 000 km cube d'eau douce. L'aquifère du Guarani (Brésil, Argentine, Paraguay et Uruguay) est aussi un des plus importants avec une estimation de 55 000 km cube (sur une superficie de trois fois la France). Le territoire américain, c'est aussi de très importantes ressources minérales et en hydrocarbures. Le Chili est un producteur très important de cuivre : il est le 1er producteur au monde en 2019 avec 5,6 millions de tonnes et 5,7 millions en 2020 (1er exportateur mondial) alors que le Pérou est le second producteur mondial de cuivre avec 2,4 millions de tonnes en 2019 et 2,2 en 2020 : plus de 44% du cuivre provient d’ailleurs d'Amérique du Sud. Mais, l'Amérique latine dispose aussi de mines d'argent notamment en Bolivie, en Colombie, au Pérou... (40% de la production mondiale) : le Mexique étant en 2019 le 1er producteur d’argent au monde avec 6300 tonnes devant le Pérou et ses 3 800 tonnes. On note aussi la présence de mines de bauxite (26% de la production mondiale), de plomb (19% de la production mondiale)... Pour plusieurs états, les minerais ont joué et jouent encore un rôle notable dans l'économie comme le cuivre pour le Chili, l'étain en Bolivie ou l'or et l'argent au Pérou. Ce dernier est à la septième place mondial pour la production d'or devant le Brésil et le Chili. 
  • Les territoires sud- américains sont également dotés d'hydrocarbures. Un état comme le Brésil exploite 55 minerais différents : il est le second producteur mondial de fer derrière la Chine, un important producteur d'aluminium. Les exploitations minières d'Amérique latine sont très dynamiques attirant de plus en plus d'investissements avec 25% des investissements mondiaux dans ce secteur. Le pétrole et le gaz naturel sont également présents en l'Amérique latine qui produit environ 14,5 % du pétrole mondial et dispose d'environ 11,5% des réserves. Certes, ces richesses sont inégalement réparties puisque un état, le Venezuela, contrôle plus de 64% du pétrole du sud du continent. D’ailleurs le Venezuela est le pays qui dispose des plus importantes réserves mondiales de pétrole. Les autres producteurs sont le Mexique, l'Equateur, le Brésil et la Bolivie. En 2019, le Brésil est au 9e rang mondial avec 150 millions de tonnes,le Mexique est au 12e rang mondial avec 94 millions de tonnes, le Venezuela est descendu au 22e rang mondial avec 46,7 millions de tonnes... 
  • En 2020, le Brésil se classe au 8e rang mondial avec 3,8% de la production mondiale, le Mexique au 11e rang avec 2,3% de la production mondial, la Colombie au 20 rang mondial (1% de la production)... En ce qui concerne le gaz naturel, la logique est la même, le Venezuela ayant plus de 52% des réserves d’Amérique latine. Un cas est particulièrement intéressant celui du lithium, un métal utilisé par les industries électrique, du verre... et qu’on nomme l’or blanc Les gisements seraient de l'ordre de 34 millions de tonnes et les plus importants sont en Amérique du sud notamment en Bolivie (9 millions de tonnes), au Chili (7,5 millions de tonnes) et en Argentine (6,5 millions de tonnes). 
  • Le Chili est le second producteur au monde avec environ 18 000 tonnes en 2019 derrière l’Australie et l'Argentine est au 4e rang mondial avec 6 400 tonnes. La Bolivie commence à exploiter cette ressource avec le gisement le plus important d’Amérique latine se localise dans la région de Potosi (le salar d'Uyuni) auquel s'intéresse le groupe français Bolloré. Un autre gisement important est celui du salar d'Atacama au Chili (au nord du pays) dont l'un des investisseurs est un groupe allemand : Chemetall. Enfin, l'Argentine dispose du Salar del Hombre Muerto (au Nord-Est du pays). Pour la Bolivie qui un état enclavé et un des états en retard de développement de la région, le lithium est un atout. L'arrivée au pouvoir d'Evo Morales en 2006 a permis aux Boliviens de décider du contrôle de leurs ressources : celles-ci sont considérées comme « propriété du peuple bolivien » dans la constitution élaborée en 2009. ces ressources sont donc contrôlées par des compagnies nationales. Les états des Amériques ont pour certains des ressources mais ils subissent néanmoins des contraintes fortes. 
  • L'extension du continent induit de la variété avec des zones tempérées, équatoriales et tropicales... La zone équatoriale au niveau de l'Amazone et de son bassin est une zone humide et chaude aux contraintes fortes pour les individus y vivant. Les zones tropicales entre les tropiques du Capricorne (Rio) et du Cancer (Bahamas) ne sont pas homogènes avec des territoires marqués par l'humidité comme la Floride ou inversement par la sécheresse comme la zone du Sertao dans le Nordeste brésilien. Les zones tempérées des Amériques comme le Nord- Est des Etats-Unis ou le Sud du Canada n'échappent pas au froid (le courant du Gulf Stream n'atténue pas comme en Europe les rigueurs climatiques. Le continent est marqué par de vastes zones très froides à savoir celles des hautes latitudes : Nord du canada, Alaska pour le Nord de l'Amérique ; Patagonie, Terre de feu pour le sud du continent (Patagonie = 900 000 km carré). Le Canada et l'Alaska sont profondément marqués par la nordicité ce qui rend difficile leur mise en valeur. 
  • S'ajoutent les contraintes liées aux déserts et aux montagnes. Le continent américain tant au Nord qu'au Sud comprend plusieurs déserts que ce soit le sud-Ouest des E.-U ou la « diagonale aride » des Andes (de la Bolivie à l'Argentine). Les déserts d'Atacama (Chili avec 181 000 km carré), de Basse-Californie (Mexique), du Grand Bassin (E.-U et Mexique)... sont des territoires à la marge avec la forte contrainte de l'aridité. Les montagnes que ce soit les Rocheuses ou les Andes sont aussi des territoires contraignants même si ils sont aménagés depuis fort longtemps. Enfin, le continent et les sociétés sont confrontés à des risques à gérer et prévenir : risques sismiques, volcaniques, cycloniques. Les risques sismiques et volcaniques sont présents sur l'ensemble de la façade Pacifique (du Sud au Nord) en lien avec la ceinture dite du feu. Il existe de multiples volcans encore actifs comme le Mont Rainier aux E.-U, le Nevado del Ruiz en Colombie.... Les risques sismiques sont réels en particulier en Californie (risque du « Big One »). 
  • Les Caraïbes sont aussi concernées par les risques notamment volcaniques comme le volcan de la Soufrière en Guadeloupe ou Soufrière Hills sur l'île de Montserrat (île des Antilles dépendante du Royaume-Uni). Les risques cycloniques sont importants dans la zone intertropicale : le cyclone Katrina de 2005 qui a touché la Nouvelle-Orléans et le sud des E.-U en est une illustration (plus de 1500 morts à la Nouvelle-Orléans). -Des territoires aménagés Déjà à l'époque pré-colombienne, les populations avaient fortement aménagé les différents espaces comme le firent les Incas au Pérou avec un système de routes performant. Les colons ont procédé à de multiples aménagements avec en particulier la création de nombreuses villes notamment sur les littoraux. Au fur et à mesure que les territoires étaient conquis et colonisés, des infrastructures étaient mises en place (routes...). 

 b/ Un continent de migrants 

Les Amériques ont vu leurs populations passée de 332 millions d'habitants en 1950 à 985 millions en 2015 et 1,1 milliard en 2019. En 2019, l’Amérique latine et les Caraïbes représentent plus de 653 millions d’habitants (434 millions d'habitants en Amérique du Sud en 2021). On note une croissance générale mais elle est plus importante en Amérique latine où on retrouve le clivage Nord/Sud. L' Amérique du Nord ne représente plus que 29% de la population. Des états d'Amérique latine comme le Brésil avec plus de 213 millions d'habitants en 2021 ou le Mexique et ses 129 millions prennent une place de plus en plus importante. Les Etats-Unis restent toutefois l'état le plus peuplé avec, en 2021, 331 millions d'habitants. 

 -des migrations constitutives de l’histoire des Amériques 

  •  Les migrations ont joué et joue encore un rôle important dans le peuplement et les dynamiques démographiques. En 2015, les E.-U ont ainsi accueilli 1 million 290 000 individus restant un pôle récepteur important avec notamment des flux migratoires toujours notables en provenance d'Amérique centrale et du Sud. Le continent s'est développé en grande partie sur d'importants flux migratoires en particulier au 19e siècle vers ce qu'on appelait les « pays neufs ». En 1800, la population du continent est estimée à 27 millions (trois fois moins d'habitants que l'Afrique et seulement 2,8% de la population mondiale de l'époque) ; elle est passée en 1995 à 774 millions soit une hausse de 2 267% pour atteindre 13,6% de la population mondiale. Une partie de cette croissance s'explique précisément par les flux migratoires. Le cas des Etats-Unis est particulièrement emblématique: entre 1819- 1840, les flux migratoires sont estimés à plus de 740 000 avant de s'accélérer après 1850. 
  • Le pays passe de 31 millions d'habitants en 1860 à 75 en 1900 et 105 millions en 1920. Entre 1820 et 1900, le nombre de migrants est estimé à 19 millions. C'est notamment entre 1900 et 1920 qu'a lieu une formidable « vague » migratoire d'environ 14,4 millions de migrants avec une moyenne supérieure à 1 million par an entre 1900 et 1914. Le Brésil connaît des vagues migratoires importantes au 19e notamment en provenance d'Europe du Nord et de l'Est en particulier vers le Sud. Entre 1850 et 1885, les flux migratoires passent de quelques milliers à environ 30 000 par an avant de s'accroître à la fin du 19eoù on dépasse régulièrement 100 000 entrées par an avec un pic en 1891 de 215 000 entrées. A partir de 1908, une vague migratoire supplémentaire se déroule avec une immigration japonaise avec 235 000 entrées entre 1908 et 1941. Ces flux vont notamment bénéficier à la région et à la ville de Sao Paulo. Cette dernière passe de 26 000 habitants en 1872 à 240 000 en 1900. De façon générale, on estime à 1 million le nombres d'Espagnols et de Portugais ayant migré vers l'Amérique centrale et latine entre les 16e-18e siècles et entre 1810-1950, le nombre d'Européens migrant vers la même zone est estimée à 12 millions. Les migrations ont donc joué un rôle fondamental dans la croissance démographique de l'ensemble du continent. Les flux migratoires se poursuivent notamment les flux Sud/Nord sur le continent américain. 
  • L’ Amérique latine participe avec plus de 13 % des migrants dans le monde aux mouvements migratoires internationaux. Plus de 30 millions de latino-américains vivent hors de leurs pays d’origine. Ces flux se sont intensifiés après la Seconde guerre mondiale surtout vers les Etats-Unis (les flux vers le Canada sont secondaires) en provenance du Mexique, d'Amérique centrale et du bassin des Caraïbes principalement. Ces flux entrent dans la logique globale Nord-Sud avec des migrants quittant des états en développement ou même émergent comme le Mexique afin de trouver des emplois, d'avoir de meilleurs conditions et niveau de vie. Le Mexique est d'ailleurs vu sa proximité avec les E.-U une plaque tournante de l'immigration (un lieu de transit). Les Etats-Unis sont le pays qui accueille le plus d'immigrés (49,8 millions en 2019) et le Mexique est le pays d'origine le plus considérable en nombre d'immigrés (13 millions d'émigrés). Mais plusieurs états ont également un nombre considérable de migrants comme le Salvador, le Venezuela, la Colombie ou encore la République dominicaine. Les E.-U sont par contre le premier pôle d'immigration au monde ayant accueilli par exemple plus de 16 millions de migrants entre 1973 en 1998 (contre 10 millions pour toute l'Europe de l'Ouest). Ce qui a changé est l'origine géographique des migrants au cours du 20e siècle-début 21es. Les migrations en provenance d'Europe ont nettement baissé au profit des courants migratoires en provenance du continent américain ou de l'Asie. De façon générale, près de 90% des migrants vers les E.-U proviennent de pays en développement. Plus de 50% de ces migrants sont originaires d'Amérique latine (25,5% d'Asie). La part des migrants d'Amérique latine ne cesse de croître. 
  • En 2016, le Mexique représente plus de 14% des flux migratoires vers le grand pays voisin. Il faut mettre en avant l’Amérique du sud comme « un espace migratoire régionalisé » selon Catherine Wihtol de Wenden (Géopolitique des migrations, éditions Eyrolles 2019). En effet, les migrations qui sont souvent mises en évidence sont celles vers les Etats-Unis mais une partie notable des migrations « restent régionales. » (Catherine Wihtol de Wenden). Il faut mettre en valeur le fait que le Mexique est notamment un pays de transit pour les migrants d’Amérique centrale voulant aller aux Etats-Unis. Mais, il faut souligner les migrations dite de voisinage comme les migrations du Venezuela en crise vers la Colombie ( selon le HCR, ils sont environ 1,3 millions en Colombie mais aussi 670 000 au Pérou, 288 000 au Chili... avec au total plus de 4 millions de vénézuéliens ayant quitté leur pays). 
  • Des pays comme le Brésil, le Chili, l’Argentine qui ont besoin de main d’oeuvre pour l’exploitation de leurs ressources minières et agricoles utilisent une main d’oeuvre immigrée des pays proches. Il faut également préciser que l’UNASUR est un espace de libre circulation des travailleurs ce qui facilite ce type de mouvements. Ces migrations ont plusieurs effets. Tout d'abord, les migrants vers les E.-U effectuent des transferts financiers vers les pays d'origine estimés. On peut d'ailleurs estimer que ces transferts participent par le biais des migrations et de l'exportation de main d' œuvre à une façon de s'insérer dans la nouvelle division internationale du travail. Dans des états comme Haïti, le Salvador, la Jamaïque ou le Honduras qui sont des états pauvres ces transferts représentent une part notable du PIB : 20% pour Haïti, 16,5 % pour le Salvador, 16% pour le Honduras et 15% pour la Jamaïque. 
  • Ensuite, ces migrations ont des effets, sur lesquels nous reviendrons, sur les Etats-Unis mêmes avec la constitution d'une communauté hispanique de plus en plus présente : elle est devenue la minorité ethnique la plus importante du pays avec près de 17,7% de la population soit plus de 52 millions d'individus. des E.-U dont une importante minorité d'origine mexicaine de 32 millions d'individus en 2016. Avec une croissance d'un million par an, cette minorité devrait atteindre en 2060 selon le bureau des statistiques des E.-U (US census) 128 millions. Ces courants migratoires ont également entraîné un changement de la politique migratoire américaine avec un renforcement des quotas et la construction d'une frontière plus fermée entre les E.-U et le Mexique par l'intermédiaire d'un mur de séparation et d'une surveillance accrue. Enfin, pour terminer, il faut préciser que le Mexique attire des flux migratoires de pays proches tout comme le Brésil, le Chili ou l'Argentine pour le cône sud de l'Amérique. 

 -des situations démographiques différenciées 

  •  Nous distinguerons la démographie nord-américaine de la démographique sud-américaine puisqu'elles n'obéissent pas exactement aux mêmes logiques. L' Amérique du Nord a connu une forte croissance démographique à la fin du 19e et au début du 20e comme nous l'avons vu grâce à l'immigration mais aussi par un taux de mortalité ayant baissé rapidement. Cette baisse rapide du taux de mortalité en lien avec un taux de natalité resté assez important a permis un accroissement naturel de la population. 
  • Depuis la fin de la Seconde guerre mondiale, les E.-U connaissent une démographie moins dynamique avec un taux de natalité encore élevé de 23,7 en 1960 puis de 15,9 en 1980 et de 15,1 en 1990. L'indice de fécondité est lui passé de 3,6 en en 1960 à 2,08 en 1990. En 2019, l'indice de fécondité est de 1,8 pour les Etats-Unis. Le Canada connaît une démographie encore plus ralentie avec un indice de fécondité de 1,5 en 2019 : cet indice était de 3,8 en 1960. Le Canada est dans la même logique que les E.-U mais de façon plus accélérée. L’Amérique du Nord (Etats-Uniset Canada) c’est en 2019 367 millions d’habitants dont 329,1 pour les Etats-Unis Selon les chiffres de l’INED en 2019, l’Amérique centrale a 178 millions d’habitants (127, 6 millions pour le seul Mexique) ; les Caraïbes 43 millions et l’Amérique du Sud 427 millions.
  •  En Amérique du sud, les pays les plus peuplés sont le Brésil avec 211 millions d’habitants, la Colombie avec 50,3 millions d’habitants, l’Argentine avec 44,8 millions, le Pérou avec 32,5 millions. Il faut souligner le nombre assez peu important d'habitants en tenant compte de la superficie : l'Amérique latine a une superficie de plus de 20 millions de km carré et une densité moyenne de 30 habitants au km carré. L' Amérique centrale et latine a connu une transition démographique assez précoce en comparaison des états asiatiques ou africains dès 1930 pour des états comme l'Argentine et l'Uruguay. Mais la transition démographique tout comme la natalité et la fécondité ne sont pas identiques selon les états : certains ont des démographies encore dynamiques et sont rentrés plus tardivement dans le processus de transition démographique comme le Pérou, la Bolivie...
  • Un état comme Haïti est même au début de la transition démographique. Globalement, les états d'Amérique centrale et du Sud ont actuellement une croissance démographique en ralentissement net avec une moyenne de 2,1 enfants par femme (la moyenne mondiale est de 2,5). Le taux de fécondité en Amérique centrale est de 2,2, dans les Caraïbes de 2,2 également et de 1,9 en Amérique du Sud. La croissance s'explique par une baisse rapide de la mortalité et une natalité encore dynamique bien qu'en baisse. Le taux de natalité est passé de 42 pour mille en 1950 à 18 pour mille en 2014. 
  • En ce qui concerne l’espérance de vie elle est en moyenne de 72 et 78 ans pour les hommes et les femmes en Amérique centrale, de 71 et 75 ans dans les Caraïbes et de 73 et 79 ans pour l’Amérique du Sud. Un autre indicateur intéressant est la part des moins de 15 ans dans la population qui est de 27 % en Amérique centrale, de 24 % dans les Caraïbes et de 23 % en Amérique du sud (18 % en Amérique du Nord : Canada et Etats-Unis) Néanmoins, on constate des inégalités entre les états selon le niveau de développement économique. Au Brésil, l'indice de fécondité est de 1,7 en 2019, en Argentine de 2,2, 2,1 au Mexique au Chili de 1,6, à savoir les pays les plus riches et développés mais de 2,7 en Bolivie, de 2,8 au Guatemala et de 2,9 à Haïti.
  •  On constate de fortes différences concernant l'espérance de vie : elle est de 79,7 ans au Chili, de 75,7 ans au Brésil, de 76,1 en Jamaïque mais de 69 ans en Bolivie ou de 63,6 ans à Haïti. La croissance démographique comme pour l'ensemble de la planète est bien le reflet du développement et de ses inégalités. On peut toutefois faire remarquer que pour l’ensemble de l’Amérique latine les chiffres de la démographique sont toujours bien inférieurs à ceux de l’Afrique. 

B/ Les territoires centraux : les cœurs économiques et géographiques du continent 

Quels sont les territoires et lieux centraux des états ? Pourquoi certains territoires sont devenus des espaces dominants ? 

a/ Les littoraux : un rôle essentiel 

-les littoraux : le point de départ de la mise en valeur des territoires

  • Les littoraux ont joué et joue encore un rôle fondamental dans la géographie des Amériques. La découverte des Amériques et le processus de colonisation se sont réalisés à partir des littoraux en particulier ceux de la façade Atlantique. L'exploitation des ressources du continent s'est faite dans la perspective d'exporter les ressources en question vers l'Europe d'où l'importance des littoraux et des ports. Des ports comme Boston, la Nouvelle-Orléans, Caracas (Venezuela), Salvador de Bahia ou encore Buenos Aires ont été des vecteurs du commerce transatlantique. Les activités portuaires ont parallèlement renforcé le poids des villes du littoral. 
  • Le développement économique est fondamentalement lié aux littoraux qui sont donc des espaces centraux. Cette centralité liée à la colonisation et à la formation des territoires a été renforcée par le processus de globalisation et l'insertion dans les logiques de la division internationale du travail. Les activités se sont concentrées dans les villes littorales favorisant l'essor de régions métropolitaines. 

-et des littoraux toujours au cœur du développement économique

  • Ces littoraux sont toujours au cœur des économies du continent. La façade Atlantique joue toujours un rôle majeur. Néanmoins, la façade pacifique, à partir de l'après Seconde guerre mondiale surtout a pris également une importance considérable : la Californie mais aussi la région de Seattle-Vancouver (Canada) en sont des illustrations. La façade Atlantique d'Amérique du Nord est un espace central non seulement à l'échelle continentale mais aussi mondiale. La mégalopolis dont nous reparlerons avec les villes de Boston, New York, Philadelphie... est le centre décisionnel des E-U mais également un centre de décisions mondial : elle s'étend sur environ 800 kms. 
  • Un exemple intéressant de la littoralisation des activités est le développement du réseau maritime reliant le fleuve Saint-Laurent à la région des Grands lacs. En 1954, les E.-U et le Canada acceptent après de longues négociations de concevoir une voie navigable (en eaux profondes) pour relier l'embouchure maritime du fleuve Saint-Laurent jusqu'au lac Supérieur (le plus à l'Ouest de grands lacs américains (Lacs Supérieur, Michigan, Huron, Erié et Ontario). 
  • La réalisation de ce projet peut permettre à des navires océaniques de rejoindre le lac Supérieur : le réseau est terminé en 1959 et s'étend sur une distance de 3 700 km (il s'agit de la plus longue autoroute maritime intérieure au monde). Il facilite les échanges entre le Canada et les E.-U, les exportations des céréales produites dans les grandes plaines mais aussi les exportations des produits miniers canadiens (les produits agricoles et miniers représentent 80% du trafic de marchandises sur ce réseau. En 2014-15 , c'est environ 180 millions de tonnes de marchandises transportées (2,5 milliards de tonnes depuis 1959 pour une valeur estimée à 375 milliards de $). 
  • C'est donc un réseau important mais cette importance mérite d'être nuancer. En effet, la voie maritime du Saint- Laurent est fermée de la fin décembre à la fin du mois de mars et reste à l'écart du trafic de porte- conteneurs (les écluses sont trop anciennes pour les porte-conteneurs actuels). De plus, la concurrence est vive avec les littoraux du Pacifique et du Golfe du Mexique. 

b/ L'impact des villes dans la formation et le développement des espaces : une Amérique fortement urbanisée 

-des villes qui structurent les territoires s'appuyant sur des métropoles majeures

  • Le continent américain dans son ensemble est de plus en plus urbanisé avec une logique de métropolisation affirmée : il est même un des continents les plus urbanisés. La revue Conflits avec un article d’Hervé Théry en 2020 évoque « le continent des villes et des urbains .» Mais avant d'analyser les processus d'urbanisation et de métropolisation, il faut rappeler quelques éléments importants sur la répartition même des populations. Comme nous l'avons déjà évoqué, ce continent de plus de 985 millions d'habitants est peu densément peuplé puisque la densité moyenne est de 23,5 habitants au km carré avec une moyenne de 30,6 habitants/km carré pour l'Amérique latine mais une densité plus forte pour l'Amérique centrale de 69 habitants (319 habitants pour le Salvador et 54 pour le Mexique) et même de 180 habitants pour les îles des Caraïbes (648 habitants au km carré pour l'île de la Barbade, un état indépendant depuis 1966 et membre du Commonwealth) . Par contre, elle n'est que de 28 habitants/km carré pour les états andins et de 15 habitants pour un pays comme l'Argentine ou de 22 habitants au km carré pour le Brésil. 
  • Les Etats-Unis ont une densité de 31 habitants/km carré et le Canada de 3,3 seulement. On remarque donc la diversité des situations. En ce qui concerne l'Amérique du Nord, les inégalités de peuplement sont très fortes liées au climat et aux latitudes froides. La plus grande partie du Canada est ainsi « vide » (9/10e) puisque 80% du territoire accueille seulement 3% de la population canadienne alors que 0,5% du territoire représente 60% de la population à savoir le Sud et les métropoles de Toronto, Montréal, Québec, Ottawa et Vancouver. Aux Etats-Unis, on retrouve ces inégalités de peuplement avec 25% des Américains vivant sur 1% du territoire alors que 50% du territoire a des densités inférieures à 5 habitants/km carré. La densité de l'Alaska est de 0,43 habitants /km carré avec une population de 730 000 habitants pour une superficie de 1 717 000 km carré. La densité de l'état de New York (superficie de 128 000 km carré pour 20 millions d'habitants) est de 140 habitants/km carré sachant que la très grande majorité des habitants se concentrent à New York. En Amérique du Sud, les populations se concentrent une faible partie du territoire : 50% des habitants vivent sur 25% du territoire. 
  • Que ce soit en Amérique du Nord ou du Sud, on relève des logiques de peuplement : les populations se concentrent principalement sur les littoraux et dans les métropoles dont une grande partie sont précisément sur les littoraux. On note la présence d'importants espaces « vides » souvent à l'intérieur des terres : bassin de l'Amazonie, Montagnes rocheuses, Grand Nord canadien mais aussi le cône sud de l'Argentine et du Chili (Patagonie). 
  • On peut relever une exception intéressante à savoir les Andes qui sont des montagnes relativement peuplées notamment certaines hautes vallées ayant des densités supérieures à 50 habitants/km carré. Le peuplement obéit de ce fait à la logique centre-périphérie avec des espaces pouvant être très fortement marginalisés et en retrait. Le continent dans son ensemble est fortement urbanisé avec un pourcentage général de 80% de la population étant urbaine. Ainsi, le taux d'urbanisation est de 81,4% pour le Canada en 2019 , 82,% pour les E.-U, 80% pour le Mexique, 87% pour le Brésil, 92% pour l'Argentine, 83% pour les Bahamas,81% pour la Colombie mais il est seulement de 68% pour le Panama, 57% pour le Honduras ou seulement 36% au Guyana. Le taux d'urbanisation est important mais pas totalement uniforme. La colonisation explique en partie, au moins à ses débuts, le processus d'urbanisation. En effet, la colonisation s'est réalisée à partir des littoraux et la construction de villes : celles-ci sont un point d'appui à la colonisation. Elles se développent par les échanges et sont les lieux d'accueil des immigrants. Avec le processus d'industrialisation, le développement des échanges dans le cadre de la globalisation, les villes se sont encore davantage développées. Elles sont devenus des lieux attractifs où se concentrent les pouvoirs qu'ils soient politiques, économiques ou culturels. En Amérique latine, les civilisations précolombiennes étaient déjà fondées sur des cités. La conquête tout comme les indépendances vont poursuivre cette logique. Pour l'Amérique latine, l'explosion démographique du 20e siècle renforce l'urbanisation par un exode rural de plus en plus prégnant. De plus, l'industrialisation de plusieurs états comme le Brésil ou le Mexique ont renforcé l'attractivité des pôles urbains. La population urbaine est ainsi passée de 42% en 1950 à 79% actuellement en Amérique latine. Pour l'Amérique du Nord, les chiffres sont de 64% en 1950 pour atteindre 82%. 
  • La croissance urbaine des E.-U a d'abord bénéficié dans les années 1900-1950 aux villes du Nord et du Nord-est puis aux villes du Sud et de l'Ouest (Sun belt) à partir des années 1960. la croissance urbaine canadienne a essentiellement concerné les zones de Toronto, Montréal-Québec, Vancouver et Edmonton-Calgary (province de l'Alberta avec plus d'un million d'habitants à Calgary et 820 000 pour Edmonton). La population urbaine d'Amérique latine atteint 480 millions et dépasse les 780 millions sur l'ensemble du continent. Il faut préciser que la croissance urbaine des villes sud-américaines s'explique aussi par la croissance démographique et l'accroissement naturel des populations. Les villes et pôles urbains jouent donc un rôle majeur avec des aires urbaines et métropolitaines très importantes et des métropoles majeures (une aire métropolitaine est une zone géographique constituée de plusieurs villes qu'elles organisent et avec des activités complémentaires et diverses) . 68 aires urbaines et métropolitaines sont dénombrées en Amérique du Nord (Mexique compris) et 63 en Amérique latine : 122 de ces aires dépassent le million d'habitants dont sept de plus de 10 millions. Il faut rappeler que les classements et les statistiques varient selon les études et enquêtes. Les aires urbaines d'Amérique du Nord les plus importantes sont celles de New York avec près de 24 millions d'habitants, Los Angeles avec 19 millions d'habitants, Chicago avec 10 millions, Toronto-Hamilton avec plus de 8 millions d'habitants. Pour l'Amérique latine, les aires majeures sont celles de Mexico avec plus de 23 millions d'habitants pour Ciudad Mexico (9erang mondial), Sao Paulo avec 22,4 millions d''individus (10 e rang mondial), Buenos Aires et ses 16,4 millions d'habitants (22e rang mondial), Rio avec 13,2 millions (27e rang mondial), Lima avec 10 millions (36e rang mondial) ou encore Bogota avec 9,6 millions. .
  •  L’Amérique latine compte tout simplement parmi les plus grandes mégalopoles mondiales. On peut donc parler de polarisation urbaine. Cette dernière s'explique par plusieurs facteurs dont la présence des industries et entreprises présentes à proximité de vastes marchés de consommation favorisées par d'importantes infrastructures de communication. Aux Etats-Unis, les migrations des populations noires vers les centres industriels du Nord dans les années 1920-1960 ont renforcé le poids de villes comme Chicago ou Pittsburgh. Les pôles urbains du Sud et de l'Ouest ont quant à eux bénéficié de l' effet « sun belt ».Ces aires et métropoles ont des traductions spatiales comme un étalement urbain (urban sprawl) exceptionnel notamment en Amérique du Nord où le tout automobile a favorisé l'extension urbaine.
  •  D'immenses banlieues se sont formées. Une ville comme Atlanta a vu sa superficie croître de plus de 160% entre 1970 et 1990. pour une ville comme Tampa Bay en Floride, cette croissance est même de 398% (l'agglomération de Tampa comprend plus de 2,7 millions d'habitants en 2014). Aux E.-U, les périphéries ou banlieues ont plus d'habitants que les villes-centres. 
  • Cet étalement est présent en Amérique latine. Dans une ville comme Bogota, la superficie urbanisée a connu une croissance multipliée par 12 entre 1938 et 1973. De grandes métropoles structurent les territoires : 80% de la croissance des aires urbaines entre 1950 et aujourd'hui concernent les métropoles de plus d'un million d'habitants. Les 17 plus importantes ont vu passer leurs populations de 45 millions d'habitants à plus de 175,5 en 2013. 
  • Les plus grandes métropoles sont Sao Paulo, Mexico, New York, Lima, Bogota, Rio de Janeiro, Buenos Aires et Los Angeles. L'agglomération de Mexico compte donc plus de 23 millions d'habitants en 2019, celle de Sao Paulo 22,,5, New York plus de 20 millions, Los Angeles 18,7 millions, Buenos Aires plus de 13,3 millions, Rio de Janeiro 12,1, ... Cette métropolisation est très vraie en Amérique du Sud. Au Brésil, les pôles urbains de Sao Paulo, Rio de Janeiro et Belo Horizonte (près de 6 millions d'habitants) polarisent les activités économiques avec 80% de la production industrielle brésilienne. Les pôles de Bogota, Medellin (2,1 millions d'habitants) et Cali (2 millions) en Colombie concentrent 60% de la population colombienne. Pour certains états, on peut parler de macrocéphalie comme c'est le cas au Pérou et ses 31 millions d'habitants dont plus de 10,6 pour Lima ou au Chili, 18 millions d'habitants avec Santiago du Chili et ses 5,1 millions d'habitants ou encore en Argentine avec Buenos Aires et ses plus de 13,5 millions d'habitants pour un total de 42 millions d'Argentins.Cette métropolisation est réelle en Amérique du Nord mais on ne constate pas le phénomène de macrocéphalie que ce soit au Canada ou aux Etats-Unis. 

-les logiques urbaines spécifiques : des espaces fragmentés et fracturés et sources de profonds clivages

  •  Les logiques urbaines sont à plusieurs niveaux avec des espaces en profondes transformations mais des espaces à la fois fragmentés et fracturés que ce soit spatialement, économiquement, socialement ou ethniquement. Le développement des banlieues (suburbs) a modifié les espaces urbains. Aux E.-U, les banlieues ont longtemps été des territoires des classes dites « moyennes » avec maisons individuelles. Elles représentaient le lieu de vie idéal et idéalisé en comparaison des centres en partie paupérisé avec des quartiers défavorisés et dangereux. Ces banlieues attirent de plus en plus les investisseurs notamment pour la construction de centres commerciaux mais aussi pour l'implantation d'unités de production : elles sont de moins en moins de simples lieux de résidence. En Amérique latine, les banlieues sont diversifiées avec des zones résidentielles et très riches mais aussi des zones où vivent les classes moyennes. On trouve également la présence de quartiers défavorisés (bidonvilles) et l'extension de zones informelles. Ces quartiers peuvent être très importants : 40% des Paulistas (Sao Paulo) vivent dans ces quartiers, 30% à Lima... A Lima (ville fondée en 1535 par Pizarro), l'exode rural des années 1950-1960 a provoqué une extension des banlieues pauvres et des barriadas. Au Brésil, ce sont les favelas qui structurent en partie les banlieues comme à Rio où la première favela apparaît en 1897. A Rio, 22% des habitants vivent dans ces favelas soit plus de 1,4 millions d'habitants. La plus importante est la favela de Rocinha avec près de 70 000 habitants. Les centres des villes ont connu et connaissent également des évolutions. Aux Etats-Unis, les centres dans les années 1960-80 sont en difficultés avec un déclin du nombre d'habitants (New< York perd 10% de ses habitants dans les années 1970, Detroit plus de 20%...), un nombre d'emplois offerts également en diminution... 
  • Ces difficultés se traduisent par une paupérisation avec des quartiers difficiles dont le Bronx ou Brooklyn sont des symboles et des centres qui se dégradent à tous les niveaux. Parallèlement, l'extension des villes reconfigurent les métropoles donnant naissance à des villes ayant plusieurs centres (villes polycentriques). Los Angeles en est une illustration avec des centres se constituant en fonction des infrastructures routières notamment. C'est ce qu'on nomme des edge cities (ou urban village) : 36 sont dénombrées à Los Angeles. Ces centres urbains disposent de bureaux, de commerces, de logements... Les axes routiers nombreux ont permis la constitution de ces edge cities qui peuvent se développer en lien avec des entreprises de hautes technologies (couloirs technologiques ou High Tech Corridors). Le Tech area center de Denver est un de ces centres qui s'est développé au sud-est de la ville. Plusieurs firmes se sont implantées comme Boeing, Time Warner Cable, DHL Express... Depuis les années 1990-2000, les centres sont en pleine revitalisation comme le quartier de Brooklyn à New York avec également des centres à nouveau dynamisés économiquement par les hautes technologies. En Amérique latine, les villes-centres sont souvent scindées avec un quartier historique et un quartier moderne. Le centre historique est le résultat de la colonisation et se sont souvent dégradés voire « taudifiés ». 
  • Certains centres historiques sont en voie de rénovation surtout quand ils ont été classés au patrimoine mondiale de l'UNESCO comme la ville de Cuzco au Pérou ou le centre historique de Salvador de Bahia. Les quartiers modernes obéissent quant à eux à la logique des CBD des villes étasuniennes. Les espaces urbains sont très fragmentés. Bilan : Les villes, comme nous l'avons déjà évoqué, ont structuré le territoire. C'est à partir des villes notamment de la façade Atlantique que la colonisation vers l'Ouest s'est déroulée. On peut néanmoins noter une différence entre le Nord du continent et le Sud : en effet, des pôles urbains importants existaient déjà avant la colonisation dans ce qui allait devenir l'Amérique espagnole : les villes de Mexico ou de Cuzco en témoignent. Les villes de la façade Atlantique de l'Amérique du Nord ont joué dès les premiers temps de la colonisation un rôle clé comme les villes de boston, Philadelphie... Le développement de l'économie des 13 premières colonies s'est articulé autour des ces villes et du commerce qu'elles généraient. Les territoires des Amériques sont très urbanisés et organisés autour de métropoles majeures que ce soit en Amérique du Nord ou du Sud. Certains villes d'Amérique latine non seulement organisent l'espace mais elles le polarisent. C'est le cas de métropoles comme Mexico, Sao Paulo ou encore Buenos Aires. Ces pôles urbains sont également des pôles de croissance. Sao Paulo est ainsi devenu le pôle économique majeur du Brésil. 
  • Cette ville a bénéficié à la fin du 19e siècle de la hausse de la demande de café : la ville s'est développée par la connexion entre les Les villes, comme nous l'avons déjà évoqué, ont structuré le territoire. C'est à partir des villes notamment de la façade Atlantique que la colonisation vers l'Ouest s'est déroulée. On peut néanmoins noter une différence entre le Nord du continent et le Sud : en effet, des pôles urbains importants existaient déjà avant la colonisation dans ce qui allait devenir l'Amérique espagnole : les villes de Mexico ou de Cuzco en témoignent. Les villes de la façade Atlantique de l'Amérique du Nord ont joué dès les premiers temps de la colonisation un rôle clé comme les villes de boston, Philadelphie... Le développement de l'économie des 13 premières colonies s'est articulé autour des ces villes et du commerce qu'elles généraient. Les territoires des Amériques sont très urbanisés et organisés autour de métropoles majeures que ce soit en Amérique du Nord ou du Sud. Certains villes d'Amérique latine non seulement organisent l'espace mais elles le polarisent. C'est le cas de métropoles comme Mexico, Sao Paulo ou encore Buenos Aires. Ces pôles urbains sont également des pôles de croissance. Sao Paulo est ainsi devenu le pôle économique majeur du Brésil. Cette ville a bénéficié à la fin du 19e siècle de la hausse de la demande de café : la ville s'est développée par la connexion entre les zones de production de café situées à proximité et la ville même (le réseau ferré a joué à ce titre un rôle important). La ville de Sao Paulo s'est progressivement développée devenant un pôle commercial mais aussi financier. Avec l'industrialisation du 20e siècle, la ville se développe encore davantage : l'implantation de l'industrie automobile dans les années 1960 en est un bon exemple. 
  • Actuellement, Sao Paulo est une aire urbaine considérable de plus de 21 millions d'habitants produisant environ 35% du PIB brésilien. Elle est le pôle urbain et économique majeur non seulement du Brésil (le triangle Sao Paulo, Rio, Belo Horizonte est le cœur économique du territoire brésilien) mais également du Sud du continent. C'est un pôle industriel essentiel avec 25% des implantations industrielles du Brésil, la première place boursière du sud du continent avec la Bovespa et elle concentre 75% des sièges sociaux des entreprises du pays. La firme Embraer (Aéronautique) est implantée dans la banlieue de Sao Paulo (Sao José dos Campos), le grand groupe de l'audiovisuel brésilien Globo est également implanté à Sao Paulo Mexico est pour le Mexique une ville essentielle concentrant une population toujours plus nombreuse (environ 20% des Mexicains), 40% des activités industrielles du pays... Elle est aussi le pôle financier clé du Mexique. Buenos Aires est dans la même logique que Mexico (on peut pour ces deux villes parler de macrocéphalie) : elle est la ville clé en Argentine (le 3e d'Amérique latine derrière Mexico et Sao Paulo. Buenos aires, c'est environ 50% du PIB argentin, la première région industrielle, financière et commerciale du pays. Les métropoles et les mégalopoles sont donc des espaces centraux : deux mégalopoles ont un rôle essentiel. La mégalopole Nord-Américaine de Boston à Washington (« Boswash ») avec ce qu'on peut nommer l'annexe canadienne du Saint-Laurent de Toronto à Montréal. Ce vaste ensemble représente environ 36% de l'économie de l'ensemble du continent.
  •  C'est un espace de commandement à l'échelle planétaire notamment avec les villes de New York et de Washington concentrant des activités économiques, financières, culturelles de niveau mondial. La mégalopolis concentre plus de 45 millions d'habitants. Elle est un centre d'impulsion politique mondial avec les pôles de New York et Washington : le siège de l'ONU est à New York, le FMI a son siège à Washington tout comme la Banque mondiale, la Banque interaméricaine de développement ou encore l'Organisation des états américains. Washington est de plus la ville capitale fédérale d'un pays toujours dominant. Boston est une ville où se concentrent des activités de hautes technologies (route 128) mais également des activités scientifiques et culturelles d'envergure mondiale avec les universités de Harvard ou du MIT. New York est la première place financière de la planète. Cette ville est une ville globale où de nombreuses FTN ont leurs sièges sociaux : 15 des 100 plus importantes FTN américaines ont leur siège sociale à NY ou dans sa périphérie : c'est le cas des groupes financiers que sont Citigroup, Morgan Stanley, Goldman Sachs ou encore J.P Morgan. Les FTN Verizon, Time Warner, Pfizer (groupe pharmaceutique) Alcoa... ont aussi leurs sièges sociaux dans la métropole de NY. General Electric, IBM, Pepsi Co ont leurs sièges sociaux dans la périphérie. En Amérique latine, une mégalopole est encours de formation de Buenos Aires à Sao Paulo représentant environ 4,8% de l'économie du continent. A ces deux mégalopoles, se greffent comme territoires centraux ce qu'on appelle la Sun Belt ou l'arc sud des E.-U qui représente 25% de l'économie du continent avec des métropoles dynamiques et majeures: Miami, Atlanta, Houston, Dallas, Los Angeles, San Francisco). La façade Pacifique des E.-U de Los Angeles à Seattle représente environ 14,5% de l'économie continentale. Enfin, on peut insister sur le phénomène de l'étalement urbain ou urban sprawl (mot utilisé en Amérique du Nord). 
  • L'étalement urbain en Amérique du Nord a commencé dès les années 1950- 60 : entre 1970 et 1990, la superficie d'une ville comme Atlanta a augmenté de 161%, celle de Tampa Bay de 398%... produisant de gigantesques aires métropolitaines dans lesquelles les banlieues (suburbs) jouent un rôle majeur (depuis 1990, la majorité de la population américaine vit dans des banlieues (phénomène de suburbanisation). L'étalement urbain est également une réalité pour l'Amérique latine et ce dès les années 1950. Entre 1955 et 1980, une ville comme Santiago du Chili s'est accrue de 1 000 hectares en moyenne par an. Ce sont là aussi les banlieues qui connaissent un fort développement. Conclusion Les territoires centraux (les lieux de la centralité) sont donc à la fois les littoraux et les métropoles. On constate néanmoins des évolutions avec des territoires devenus centraux au fil du temps. Ainsi, au Brésil, les territoires centraux majeurs sont devenus Sao Paulo et plus à l'intérieur des terres la ville de Brasilia. Par contre, Rio de Janeiro a vu sa prééminence décliner. Le cas de Brasilia est intéressant car il s'inscrit dans le cadre d'un aménagement du territoire voulu par les dirigeants brésiliens. De 1763 à 1960, Rio était la capitale du Brésil (avant 1763, la ville majeure était Bahia) alors qu'à partir des années 1930, Sao Paulo était et est toujours la capitale économique. Les dirigeants du Brésil sous la présidence de Kubitschek ont souhaité une nouvelle capitale afin de développer l'intérieur des terres au niveau économique et d'affirmer la présence de l'état à proximité dune vaste zone qu'est l'Amazonie. 
  • La création d'une ville comme Brasilia s'inscrit donc dans une logique économique et une logique géographique (création d'un axe de pénétration en direction de l'Amazonie). Brasilia (2,5 millions d'habitants en 2014) se situe à environ 1000 kms des littoraux : les travaux commencent en 1956 et sont achevés en 1960. La capitale comme toute capitale a d'abord concentré les activités administrative et politique puis se sont greffées des activités financières. Un autre exemple de déplacement de la centralité au Canada où deux pôles dominent : Montréal et Toronto alors que la capitale Ottawa joue un rôle mineur. Les villes de Toronto et de Montréal sont donc deux villes clés à l'intérieur des terres mais avec un fleuve, le Saint-Laurent pour Montréal et le lac Ontario pour Toronto qui ont un impact important sur le développement des deux villes.En ce qui concerne le Canada, la centralité n'est pas liée aux littoraux. 

C/ Des territoires périphériques et marginaux 

Pourquoi certains territoires sont en retrait voire marginalisés ? Le continent américain obéit bien à la logique centre-périphérie avec des périphéries de différents types 

a/ Les territoires ruraux : des territoires périphériques

Parmi les territoires périphériques des espaces américains, les territoires ruraux et agricoles qui peuvent néanmoins être dynamiques. 

-des territoires ruraux et agricoles en périphérie 

  • Les territoires ruraux et agricoles du continent américain sont des territoires généralement périphériques. Ces territoires peuvent d'ailleurs être immenses comme les grandes plaines des E.- U ou la pampa en Argentine. L'immensité a d'ailleurs favorisé l'élevage dit extensif comme précisément dans la pampa, dans les Llanos du Venezuela ou encore au Texas. Ces vastes territoires sont périphériques à l'écart des littoraux et des grandes métropoles. 
  • D'autres territoires ruraux sont en retrait notamment les territoires ruraux des Andes. Il faut mettre en évidence ce qu'on nomme les fronts agricoles (fronts pionniers) qui sont des périphéries mais des périphéries pouvant s'intégrer. Ces fronts agricoles sont de plus en plus reliés aux espaces centraux ( les littoraux) par le développement et la construction de nombreux axes de communication. 

-mais pouvant être néanmoins dynamiques et performants

  • Néanmoins, ces territoires géographiquement périphériques peuvent être économiquement dynamiques. Les territoires agricoles immenses que sont les grandes plaines étasunienne, la pampa argentine ou les espaces agricoles brésiliens ont fait et font encore la force des agricultures américaine, brésilienne ou argentine. Ce n'est pas un hasard si les E.-U., le Brésil, le Canada ou l'Argentine sont parmi les principaux exportateurs agricoles de la planète respectivement second (derrière l'Union européenne), troisième, cinquième et septième. Bilan Des agricultures américaines 1/ Particularités de ces agricultures Des mises en valeur spécifiques La façon dont les colons ont mis en valeur les territoires au niveau agricole ont profondément modifié et impacté le monde rural. Cette mise en valeur a eu lieu par trois formes qui sont les plantations, les grands domaines d'élevage extensif et les exploitations en faire-valoir direct (le propriétaire exploite ses terres). Le système des plantations est lié à la fois à des cultures comme le sucre, le coton et à l'utilisation d'une main d' œuvre servile. Les grands domaines d'élevage extensif ont été possibles par les grandes plaines que ce soit en Argentine, au Mexique ou encore dans l'Ouest américain (avec le ranching). Les fortes migrations aux E.-U au 19e siècle vont permettre le développement d'exploitations en faire valoir direct. Il faut savoir que la mise en valeur d'espaces importants s'est fait avec relativement peu d'individus et donc dans une logique dite extensive avec de ce fait des espaces ruraux souvent peu peuplés. 
  • Des agricultures performantes Les agricultures du continent sont globalement assez performantes avec deux grandes puissances agricoles que sont les E.-U et le Brésil. L'Argentine, le Canada, le Mexique ont également un potentiel important. En 2018, les E.-U étaient le 5e producteur mondial de blé, le Canada le 6e, l'Argentine étant au 9e rang... ; les E.-U et le Brésil sont les deux premiers producteurs de soja (l'Argentine se classe au 3e rang) ; le Brésil est le 1er producteur de sucre (50% de la production mondiale), le 1er producteur de café (la Colombie est au 4e rang pour le café)... Surtout, le continent américain est un exportateur majeur de produits agricoles avec 5 pays classés dans les 15 premiers exportateurs agricoles : les E.-U (1er ou 2e), le Brésil en 3e position, le Canada au 5e rang, l'Argentine au 7e rang et le Mexique au 15e rang mondial sachant que les marchés intérieurs de certains états sont particulièrement importants comme les marchés américain, brésilien ou encore mexicain. En 2018, les principaux exportateurs de produits agroalimentaires étaient l’Union européenne, les Etats-Unis, le Brésil dans le top 3. 2/ Des agricultures variées et inégales
  •  Le continent américain est devenu celui de l'agrobusiness à savoir un système où l'agriculture est liée à l'industrie et au commerce dans un vaste ensemble allant de la production de ce qu'on nomme les intrants (engrais, machines agricoles...) en amont à des produits transformés et à la distribution en aval. Il existe donc une agriculture très performante et fortement intégrée au système capitaliste. Certaines exploitations sont devenues de véritables entreprises s'adaptant aux différents marchés. Ce système est contrôlé par de grandes firmes qui en amont vont fournir le matériel agricole, les engrais, les aliments pour le bétail... Parmi ces firmes, beaucoup sont étasunienne comme Cargill (siège social dans le Minnesota avec un CA de 135 milliards de dollars en 2014), John Deere (siège social dans l'Illinois avec environ 30 milliards de $ de CA), Monsanto (siège social à Saint-Louis dans le Missouri ). 
  • Il existe donc une agriculture moderne pouvant utiliser les OGM et les technologies les plus performantes avec de grandes exploitations que ce soit dans l'agriculture de plantations ou l'agriculture céréalière notamment dans ce qu'on nomme les « greniers américains » : états du Manitoba et de l'Alberta au Canada, grandes plaines des E.- U, pampa argentine (blé et soja) mais aussi certains fronts pionniers comme au Brésil (centre -ouest et front amazonien). Mais persiste une agriculture vivrière (auto-subsistance) comme en Amérique centrale, dans les Andes avec de petites exploitations (les minifundia de moins de 5 hectares) peu modernes. Cette agriculture vivrière se retrouve aussi sur certains fronts pionniers comme au Brésil. Il faut mettre en évidence le fait que les sociétés rurales sont souvent en difficultés notamment en Amérique latine mais aussi en Amérique du Nord. Ainsi, même aux E.-U, les difficultés sont réelles. Rappelons que sur plus de 2,1 millions d'exploitations agricoles aux E.-U, 97% sont des exploitations familiales avec une superficie moyenne certes importante de 175 hectares. Mais les trois quart de ces exploitations ne génèrent que 10% des productions. Les agriculteurs américains sont soutenus par l'état fédéral (voir le Farm Bill de 2014) et ce sont ces aides qui permettent à de nombreux agriculteurs de pouvoir vivre. En Amérique latine, les problèmes sont plus importants avec une pauvreté rurale notable.
  •  L'agriculture s'est modernisée et de nombreux travailleurs agricoles (ils sont environ 45 millions) ont des difficultés à trouver du travail et sont dans une situation précaire. Cette précarité touche particulièrement les femmes (85% de la main d' œuvre dans la production de fruits et légumes au Mexique, 70% au Chili...). Des milliers de travailleurs agricoles vivent en villes (Boias Frias du Brésil) et travaillent dans les campagnes. Cette précarité pousse de nombreux travailleurs agricoles à s'orienter vers d'autres secteurs. De façon générale, près de 49% des populations rurales d'Amérique latine vit en dessous des seuils de pauvreté. Cette dernière s'explique en grande partie par l'inégale répartition des terres avec de nombreux paysans sans terre ou des paysans vivant et exploitant de très petites exploitations. Ces problèmes ont donné naissance en 1984 au Brésil au mouvement des paysans sans terre. 3/ La propriété foncière : un enjeu essentiel en Amérique latine La propriété foncière est un enjeu fondamental : elle est un héritage de la période coloniale pendant laquelle se sont formées de grands domaines (latifundia) ce qui a généré de profondes inégalités foncières. L'accès à la terre est toujours un enjeu important. 
  • Certes, il a eu des réformes agraires ou des tentatives de réformes agraires. On peut rappeler la réforme agraire au Mexique en 1915-1917 fondé sur un système de propriété collective : l'ejido (des terres appartenant à l'état et distribués à des paysans sans terre qui peuvent les exploiter de façon collective mais sans aucun droit de propriété), un système abandonné en 1991. La réforme agraire la plus importante est celle que connaît Cuba suite à la prise de pouvoir de Fidel Castro. C'est d'ailleurs ce qui pousse les E.-U à encourager des réformes afin d'éviter des révolutions de type castriste. Ainsi, John Kennedy et ses conseillers lancent le programme « alliance pour le progrès » pour précisément susciter des réformes devant favoriser les petits exploitants agricoles. 
  • Dans les années 1960, un million de famille de paysans sans terre vont bénéficier des ces réformes : un chiffre pouvant paraître important mais il existait à cette époque plus de 10 millions de familles de paysans sans terre. Bien qu'il y ait eu des efforts, le problème de la terre demeure avec des inégalités vues comme un frein au développement. Les « fractures rurales latino- américaines » (Sébastien Abis et Pierre Blanc : géopolitique de l’agriculture, éditions Eyrolles 2020) persistent avec « une terre mal partagée ». Ces inégalités foncières sont liées à la colonisation. 

b/ Angles morts et marges : territoires forestiers, territoires montagnards 

-des territoires à la marge voire à l'écart de la mondialisation

  • Il existe aussi des territoires véritablement à la marge notamment les territoires de montagnes comme une partie des Andes ou une partie des Rocheuses, les zones de désert (déserts d'Atacama, de Sonora...), les zones de forêts équatoriales (Amazonie). Les fortes contraintes climatiques et géographiques tout comme la difficile accessibilité expliquent cette marginalité. La nordicité de certains territoires expliquent leur marginalité comme l'Alaska, la Patagonie... 
  • On peut également signaler la marginalité de certains littoraux en particulier des littoraux d'Amérique latine comme le littoral Ouest du Mexique (littoral du Pacifique sud), le littoral des Guyane pénalisé par la forêt et les mangroves ou encore une partie des littoraux chilien et péruvien. 

-des zones grises 

  • Le continent américain est aussi un continent de zones grises et de territoires marginalisés dans le processus de mondialisation. Certains territoires en Bolivie (région du Chapare en Bolivie), en Colombie ou au Pérou (région du Haut Huallaga) sont des zones grises où s'est développé la culture du Coca et les trafics qui y sont liés. 
  • D'autres régions sont des zones grises en lien avec le développement de guérillas comme le Chiapas ou l'Oaxaca au Mexique. Le Chiapas est sous le contrôle de l'armée zapatiste de libération nationale (EZLN).En Colombie, certaines zones sont sous le contrôle des FARC (Forces armées révolutionnaires de Colombie) notamment dans l'Ouest et le Sud du pays.

3/ Les identités plurielles d'un continent complexe


A/ Des identités différenciées et parfois clivantes

 Comment se sont construites les identités dites « nationales » ? Quels sont les problèmes identitaires du continent ? Quelles sont les conséquences de ces difficultés ? 

 a/ Des nations post-coloniales à construire 

 Pour des états récentes comme le sont les états américains, il était et il est encore nécessaire de forger des nations solides surtout que l’état en Amérique latine précède la nation. 

-Hispanité et catholicité : deux fondements essentiels pour l'Amérique latine 

  •  En ce qui concerne les identités latino-américaine, deux éléments sont fondamentaux : l'hispanité et la catholicité. La conquête et la colonisation ont bien entendu fortement imprégné les futurs états américains. La culture et la langue espagnole sont de ce fait des héritages importants. Les langues espagnoles et portugaises ont permis de véhiculer la culture latine : une culture diffusée par les conquérants, les commerçants, les administrateurs en charge des colonies. Cette culture est la matrice des pensées sud-américaines. A l'hispanité se greffent les modes de pensée occidentales : ce n'est pas un hasard si au moment des indépendances, les élites créoles ont utilisé la pensée occidentale en empruntant aux Révolutions américaine ou française. 
  • Les états indépendants se sont aussi inspirés des idées libérales anglaises au niveau économique ou à la philosophie positiviste d'Auguste Comte et sa perception d'un progrès inéluctable dont la devise brésilienne est un exemple : Ordem et Progresso. Il en est de même pour la religion catholique qui est devenue, y compris pour les populations amérindiennes, la religion dominante. Ces populations tout comme les esclaves et leurs descendants sont devenues catholiques. Aujourd'hui, 40% des catholiques dans le monde sont des catholiques d'Amérique latine. L' Amérique latine est considérée comme l'autre rive de l'Occident. Mais, bien que la culture et la langue espagnole (ou portugaise pour le Brésil) tout comme la religion catholique soient des fondements de l'identité culturelle, la réalité est plus complexe avec des métissages et des syncrétismes. 
  • Au Mexique, dès les premiers temps de la conquête, des Espagnols se lient à des Indiens aboutissant à des métissages et même à la formation d'un groupe de « métis de luxe » pour reprendre l'expression de l'historien Serge Gruzinski. Ces « métis de luxe » s'insèrent dans le monde hispanique. Quetzalmamatitzin, le seigneur de la cité de Teotihuacan (mort en 1563) dont la famille avait fait le choix de soutenir Cortès contre l'Empereur aztèque Moctezuma, était dans un premier temps devenu chrétien sous le nom de Don Franciso Verdugo Quetzalmamalitzin. En 1561, il décide de marier sa fille, Francisca Cristina Verdugo à un espagnol, Juan Grande (un homme d'affaires). Des mariages entre vainqueurs Espagnols et vaincus avaient donc bien lieu. La réalité historique sud-américaine est donc complexe : le développement d'une catégorie de métis (les sang-mêlés) était inévitable inquiétant tant les dirigeants espagnols que les élites indiennes. Dès lors, de nombreux métis, à l'exception des métis de la noblesse, devinrent des laissés pour compte des différentes sociétés. On proposa même par exemple en Nouvelle-Espagne (Mexique) ou au Pérou à la fin du 16 e siècle soit de les chasser soit de les fixer dans des villages. La crainte était notamment que la catégorie des Espagnols nés sur le sol américain et nommé criollos ne disparaissent. La monarchie espagnole se méfiait des créoles même non mélangés aux indiens ou aux noirs. La ségrégation envisagée était de fait impossible et une ville, Mexico, dès la fin du 16e siècle a symbolisé le métissage. En 1570, selon les estimations la population de métis s'élevait à 20 000 pour plus de 30 000 Espagnols à telle enseigne qu'on parlait de Mexico la noire. 
  • On trouvait la même logique au Pérou à Lima à des descendants d'Africains, mulâtres (appelés zambos), quarterons (cuarterones).... On retrouve ce métissage au Brésil là aussi dès le 16e siècle avec, en particulier, des Européens gagnant la forêt à partir de la baie de Rio pour vivre avec des Indiens ce qui aboutit à la formation d'un groupe appelés les métis de la forêt. Un dénommé Joao Ramallo qui avait fait naufrage en 1510 sur la côte brésilienne est sauvée par des Indiens et épouse même la fille d'un chef (région de Sao Paulo). Ce Joao Ramallo a eu de nombreux enfants, utilisait une main d' œuvre composée d'esclaves. Son village se trouvait à proximité d'un lieu appelé Santo André fondé par des Portugais qui se transforme plus tard en Sao Paulo. 
  • Le clan de Ramallo est un symbole de métissage (les métis sont appelés mamelucos) . Les syncrétismes religieux sont révélateurs des croisements culturels. Il faut rappeler que les colonisateurs ont imposé assez rapidement le christianisme mais que les conversions n'ont pas toujours modifier en profondeur les façons de penser des communautés indiennes. L' Eglise catholique a même dû tolérer des éléments des anciennes croyances notamment en les récupérant voire en tentant de les christianiser au moins partiellement comme les lieux de culte, certaines fêtes ...
  •  En Amérique latine, de nombreux peuples indiens ont toujours vénérer la terre mère, la pachamama. Cette terre mère a été associée assez rapidement à la Vierge Marie. C'est dans un ancien sanctuaire où était célébrée la déesse mère de la terre au Mexique, Tonantzin, (sur l'actuel ville de Mexico) qu'est apparue la Vierge Marie, la vierge dite de Guadalupe. Elle serait apparue à un indien en 1531 : un indien baptisé récemment sous le nom Juan Diego Cuauhtlatoazin. Depuis, cette Vierge de Guadalupe est une des figures majeures des indiens du Mexique (fête majeure le 12 décembre). Le pape Jean Paul II en 2000 en a même fait la reine et impératrice des Amériques donc la sainte patronne de l'Amérique latine. La basilique Notre dame de Guadalupe à Mexico (achevée au début du 18e siècle) est un des grands centres de pèlerinage d'Amérique latine. 
  • A ce type de syncrétisme, on peut ajouter d'autres syncrétismes liés à des apports africains. Ces apports musicaux, rites... ont enrichi la culture latino-américaine qu'elle soit hispanisante ou indienne. Le système et la pensée du Vaudou en Haïti témoigne de ce type de syncrétisme tout comme le Candomblé au Brésil, la Santeria à Cuba. Le Vaudou est une religion dont les origines sont africaines en l'occurrence du Bénin. Le culte vaudou s'est développé en particulier à Haïti par le biais d'esclaves à partir du 17e siècle. Le panthéon Vaudou repose sur plusieurs divinités liées à la nature et des rites spécifiques. On retrouve ces rites Vaudou en Louisiane ou dans les Antilles françaises sous le nom de quimbois. La santeria est une religion présente dans les Caraïbes notamment à Cuba mais aussi au Venezuela et en Colombie. Elle dérive du peuple et de la religion Yoruba présente au N/igeria. 
  • Quant au Candomblé, c'est une religion typiquement afro-brésilienne où se mélangent des rites africains, des pratiques magiques voire des éléments chrétiens. Ces métissages culturels se retrouvent dans les villes, dans la littérature et les arts en général. Avec la christianisation, de multiples églises ont été construites mais de nombreux artisans ou artistes ayant participé à ces constructions étaient indiens ou métis et ont de fait influencé l'architecture des églises en ajoutant des motifs culturels locaux (floraux, animaliers...). Même au niveau de la langue, on constate des métissages. Des termes indiens ont intégré le castillan ou le portugais, la prononciation a évolué comme le portugais parlé au Brésil. A côté de l'espagnol, sont encore parlées des langues indiennes par les communautés indiennes comme l'aymara en Bolivie, le nahuatl au Mexique ou le quechua au Pérou. 

 b/ Des états à construire : comment et avec quelles logiques ? 

  • Dès les indépendances, il a fallu construire des états-nations. Les élites sud-américaines se sont inspirés du modèle de l'état-nation tel qu'il a été conçu en Europe. Or, les nouveaux états n'étaient pas homogènes avec des sociétés composées de peuples aux cultures différentes et des statuts juridiques souvent éloignés. Ces nouveaux états ne pouvaient ou ne voulaient pas faire fi de l'héritage colonial. Un des ces héritages est le poids politique, économique et culturel des élites créoles : des élites qui disposent des postes à responsabilité tant dans les administrations que les gouvernements ou encore l'armée.
  •  Le morcellement des états, voulu par les élites créoles pour faciliter le contrôle du pouvoir (un pouvoir toujours difficile à partager), a d'ailleurs contribué à fragiliser dès le 19e siècle les économies locales. Des états qui n'ont pas pu réussir un développement économique et qui se sont en plus endettés auprès des états européens dont le Royaume-Uni. Parallèlement, les nouveaux états ont hésité entre la formation d'états très centralisés sur le modèle français ou au contraire des systèmes fédéraux avec des régions aux pouvoirs importants d'inspiration nord-américaine. De nombreux états ont opté dans un premier temps pour le modèle des Etats-Unis comme le Brésil ou le Mexique. Actuellement, les états dits unitaires sont les plus nombreux. Sont des états fédéraux à l'échelle du continent, les E.-U., le Canada, le Mexique, le Brésil, le Chili, l'Argentine et le Venezuela ; les autres sont des états unitaires. 

-l' Amérique latine : dictatures, populismes et une émergence difficile de la démocratie

  • Les états d'Amérique latine se sont construits dans les difficultés avec le rôle important des dictatures et des populismes et une émergence difficile de la démocratie mais aussi de l'accès de certaines populations (les Amérindiens) à l'égalité des droits. Après les indépendances, les états sud-américains sont des situations délicates sans qu'il y ait encore de véritable culture nationale assez homogène. Il fallait donc construire les états nations ce que vont réaliser des individus, les caudillos (à l'origine un chef militaire qui prend le pouvoir pour instaurer un régime fort) généralement par le biais de régimes autoritaires. Au 19e siècle, plusieurs caudillos ont ainsi accédé au pouvoir comme Benito Juarez au Mexique entre 1861 et 1872, tomas Guardia au Costa-Rica entre 1870 -1882, Antonio Guzman Blanco au Venezuela (1870-1888)... En Argentine, une guerre opposent entre 1810 et 1830 des libéraux voulant un pouvoir centralisé alors que les conservateurs optent pour un état décentralisé avec des provinces autonomes. Les conservateurs l'emportent dans un premier temps avant que les libéraux reprennent le pouvoir. Mais Manuel de Rosas parvient au pouvoir en 1835 instaurant jusqu'en 1852 un régime autoritaire sur un modèle fédéral à savoir la confédération argentine. En 1853 est adoptée une Constitution républicaine mais une guerre oppose les partisans de cette constitution fédérale à l'armée de la Province de Buenos aires qui gagne et impose un modèle unitaire. 
  • A partir des années 1880, l'Argentine et sa république oscille entre des gouvernements conservateurs et des gouvernements plus à gauche dans les années 1916-1920. En 1943, des militaires organisent un coup d'état auquel participe un colonel : Juan Peron. Ce dernier gagne les élections présidentielles en 1946 puis conduit une politique jugée populiste avec notamment plusieurs nationalisations. Il est populaire et ne remet pas en question le multipartisme. Mais en septembre 1955, il est victime d'un coup d'état militaire (général Eudardo Leonardi). Peron est contraint à l'exil mais il revient au pouvoir en 1973 et meurt en 1974. entre 1955 et 1976, l'Argentine devient très instable avec plusieurs coups d'état (1962, 1966...). De 1966 à 1973, une dictature militaire est en place s'appuyant sur une idéologie nationaliste mais également sur le catholicisme. Suite à la mort de Peron en 1974, la situation se dégrade encore avec une escalade de la violence entre militaires et mouvements insurrectionnels notamment de gauche (armée révolutionnaire du peuple créée en 1970). En mars 1976, un nouveau coup d'état a lieu conduisant au pouvoir le général Videla, une junte militaire au pouvoir jusqu'en 1983 ayant procédé à l'élimination de milliers d'Argentins (pratique de la torture généralisée + 30 000 disparus entre 1973 et 1983 dans le cadre notamment de l'opération Condor...). 
  • Des élections sont enfin organisées en 1983 permettant un retour progressif à la démocratie avec notamment comme président Raul Alfonsin (1983-1989). Sous sa présidence l'Argentine et le Chili signe un traité d'amitié après avoir à la fin des années 1970 été au bord d'un conflit. En 1989, c'est un libéral Carlos Menem qui est élu président. L' Argentine est depuis 1983 entrée dans une ère démocratique. En octobre 2007, est élue une femme à la tête du pays : Cristina Fernandez de Kirchner et elle est réélue en 2011. En 2015, ne pouvant se représenter une troisième fois, c'est Mauricio Macri qui devient président en novembre, c'est un homme de centre-droit. En décembre 2019, il est battu aux élections présidentielles par Alberto Fernandez, un homme représentant la gauche et proche de Cristina Kirchner (qui est d’ailleurs sa vice-présidente). Autre exemple, le Pérou. 
  • Au moment de son indépendance, le Pérou est fortement clivé entre des populations créoles et métis qui contrôlent le pouvoir et les populations indiennes (Les Indiens représentent pourtant 80% de la population péruvienne). Un caudillo joue un rôle important : Ramon Castilla qui exerce certes une dictature entre 1845 et 1862 mais il abolit l'esclavage et mène une politique plus favorable aux Indiens. Ces Indiens restent néanmoins à l'écart du pouvoir et des richesses : la constitution de 1933 permettait seulement aux individus alphabétisés de voter ce qui n'était pas souvent le cas des Indiens. Néanmoins, l'histoire du Pérou est marquée par des conflits : conflit perdu contre le Chili (guerre du Pacifique dans les années 1880 : 1879-1884), guerre contre la Colombie en 1933-34, contre l'Equateur en 1941... 
  • Des coups d'état ont également lieu comme celui de 1948 menant à une dictature militaire, en 1962, en 1968 avec le général Juan Velasco Alvarado. Ce dernier mène une politique plus à gauche avec la nationalisation du secteur pétrolier, propose une réforme agraire visant les grandes exploitations... Il est à son tour renversé en 1975. En 1970 est créée une organisation révolutionnaire : le sentier Lumineux ( Partido Communista del Peru) dont le fondateur est Abimael Guzman (un professeur à l'Université de Cuzco de philosophie). En 1980, le sentier lumineux se lance dans une guérilla qui provoque la mort de milliers de personnes (70 à 80 000). Guzman est arrêté en 1992 puis est jugé pour être condamné à la prison à perpétuité. En 1993, Guzman, de sa prison, propose la paix. Des dissidents du mouvement ayant refusé la proposition poursuivent la lutte. A partir de 1980, le Pérou fait une transition vers la démocratie. En 2011, c'est un ancien militaire, Ollanta Humala qui est élu (son parti s'appelle le parti national péruvien):jusqu’en 2016. Il vaut rompre avec la politique libérale de son prédécesseur, Allan Garcia en voulant développer une « économie nationale de marché ». Depuis 2016, la situation du Pérou s’est dégradée sur le plan politique avec d’abord un président élu en 2016 à savoir Pedro Pablo Kuczynski qui démissionne en 2018 suite à un scandale de corruption. Son successeur Martin Vizcarra a été destitué en 2020 par un vote du Parlement suite également à des accusations de corruption mais il a annoncé sa candidature aux élections générales prévues en 2021. 
  • Le nouveau président se nomme depuis novembre 2020 Francisco Sagasti, un président choisi suite à d’importantes manifestations. Les cas du Mexique et du Brésil méritent également d'être étudiés. Lorsque le Mexique devient indépendant en 1821, il peut se prévaloir d'une élite créole forte mais c'est une société inégale avec des populations indiennes à l'écart et peu concernées par l'idée nationale mexicaine. Dans les années 1840, le Mexique est surtout confronté à son grand voisin américain : les guerres perdues contre les Etats-Unis lui font perdre des territoires comme le Texas ou la Californie. Il est même occupé par des troupes françaises entre 1862-1867 : Napoléon III ayant décidé d'intervenir contre le Mexique qui ne pouvait rembourser ses dettes et qui avait décidé de reprendre pied en Amérique. Les années 1870 sont marquées par une insurrection conduisant au pouvoir Porfirio Diaz : il est au pouvoir de 1876 à 1910. Il veut faire du Mexique un état moderne et ouvre son pays aux investisseurs étrangers. 
  • En 1910, il tente de se maintenir au pouvoir alors qu'un candidat devait se présenter contre lui à l'élection présidentielle à savoir Francisco Madero. Les élections sont truquées ce qui conduit Madero à lancer un appel au peuple afin de prendre les armes. Commence la révolution mexicaine avec un soulèvement notamment mené par Pancho Villa, à l'origine un simple hors la loi devenu général pendant cette révolution. Des paysans pauvres avec Emiliano Zapata se soulèvent également notamment pour récupérer des terres des grands propriétaires. En mai 1911, Porfirio Diaz suite à plusieurs défaites de l'armée fédérale démissionne. Madero est élu en 1911 mais il est renversé en 1913 par le général Huerta., un militaire soutenu par les Britanniques. La lutte se poursuit et Huerta est contraint de quitter le Mexique en 1914. Le problème du Mexique est que les différentes factions révolutionnaires, zapatistes, partisans de Pancho Villa se heurtent. Ces heurts profitent à Venustiano Carranza qui est élu président en 1917 et promulgue une nouvelle Constitution. 
  • Il est à son tour renversé en 1920 par Alvaro Obregon qui devient président. En 1920, Pancho villa continue la lutte mais il est assassiné en juillet 1923.. Quant à Zapata, il est aussi assassiné en 1919. En 1928, un parti ,le PNR (parti national révolutionnaire est fondé) qui se transforme notamment en PRI en 1946 (Parti révolutionnaire institutionnel). Le PNR prend le pouvoir en 1929 pour le garder jusqu'en 2000. En 2012 c’est Enrique Pena Nieto membre du PNR qui a donc fait son retour au pouvoir après un bref intermède. En 2018, Andrès Manuel Lopez Obrador est élu président : il a fondé en 2012 le Mouvement de régénération nationale. 
  • C’est peut-être une nouvelle rupture pour le Mexique. Enfin le Brésil est l'état après son indépendance qui paraît le plus stable. De 1822 à 1889, il est un Empire qui devient une République en 1889 : Pierre II du Brésil est renversé suite à un coup d'état instaurant un régime républicain, un Brésil qui avait aboli l'esclavage l'année précédente. La république est organisée sur le modèle des Etats-Unis . En octobre, 1930 a lieu un coup d'état avec Getulio Vargas mais est élu de façon légale comme président en 1934. mais instaure une véritable dictature en 1937 connue sous le nom d'Estado Novo. En 1945, la démocratie fait son retour jusqu'en 1964 où l'armée prend le pouvoir jusqu'en 1985. A cette date, le Brésil s'engage à nouveau dans un processus de démocratisation avec en particulier l'élection d'un président en 1989 : Fernando Collor de Mello. En 2002, une rupture a lieu mais une rupture démocratique avec l'élection (c'était sa 4e tentative) de Luiz Lula Da Silva à la présidentielle pour un parti de gauche : le parti des travailleurs. En 2011, c'est une femme de son parti qui lui succède : Dilma Rousseff. Plus récemment en janvier 2019, Jaïr Bolsanaro un populiste très à droite a été élu comme président. 
  • On peut donc s'apercevoir que l'Amérique latine est une Amérique longtemps instable, victime de coups d'état multiples, du poids de caudillos peu enclins à la démocratie. Le passage réel à la démocratie est somme toute récent : à partir des années 1980. Mais cette Amérique est également une Amérique de modèles révolutionnaires. La révolution mexicaine peut être considérée comme la première Révolution sud-américaine du 20e siècle. Avec la volonté de certains d'une véritable réforme agraire. Une rupture importante est la prise de pouvoir en 1959 à Cuba de Fidel Castro puisqu'il s'agit surtout à partir de 1960 de la mise en place d'un régime marxiste. L' Amérique latine a connu et connaît encore de nombreuses guérillas comme le MR 13 au Guatemala dans les années 1960, le mouvement de libération nationale- Tupamaros en Uruguay aussi dans les années 1970 (un mouvement d'extrême-gauche aujourd'hui intégré au jeu politique dont le nom faisait référence à Tupac Amaru, un indien du Pérou qui avait conduit dans les années 1780 une révolte contre les Espagnols ), le Sentier lumineux au Pérou dans les années 1980-1990 ou les Forces armées colombiennes (FARC) à partir des années 1964-65. 

 Bilan : la transition vers la démocratie des transitions assez précoces :

-1948 : Costa Rica avec José Figueres qui a été président de 1948 à 1949 puis de 1953 à 1958 et enfin de 1970 à 1974 (restauration de la démocratie par la force). L'actuel président est Carlos Alvarado depuis mai 2018 (Parti d'action citoyenne qui est un parti social-démocrate). 

-1958 : Colombie avec Alberto Lleras (1958-1962) qui fait suite à une brève période de dictature militaire de 1953 à 1957 (général Rojas Pinilla). La Colombie tout en étant une démocratie est confrontée à des guérillas (FARC). Actuel président : Ivan Duqué depuis 2018 (parti centre démocratique, parti de droite) 

 -1959 : Venezuela avec Romulo Betancourt (1959-1964) après la fin d'une dictature à savoir celle de Perez Jimenez renversé par des militaires qui instaure un régime civil. Actuel Président : Nicolas Maduro depuis 2013. des transitions plus tardives : 

Amérique centrale :
 
-1981-82 : Honduras : Roberto Cordova élu en 1982 avec rétablissement d'un régime constitutionnel. L'actuel président était Juan Hernandez depuis 2014 (parti national du Honduras, un parti conservateur). Mais les élections de novembre 2021 ont conduit à l'élection de Xiomara Castro (parti de gauche : Liberté et refondation)

 1984 : Salvador : José Duarte après une longue guerre civile. Mars 1982 : élections pour une Assemblée constituante et en mai 1984 élections présidentielles : Duarte est président de 1984 à 1989. Actuel président : Nayid Bukele depuis 2019 (parti : Grande alliance pour l'unité nationale, un parti conservateur) 
 
-1985 : Guatemala : Vinicio Cerezo (1985-1990) après une période de dictature militaire et de lutte contre une guérilla. Actuel président : Alejandro Gianmattei depuis 2019 (parti Vamos, un parti conservateur). 

 -1989 : Panama : Guillermo Endara après la chute du régime de Noriega suite à une intervention des E.-U. Actuel président: Laurentino Cortizo depuis 2019 (parti révolutionnaire démocratique, parti de gauche) 

 -1990 : Nicaragua : Violeta Chamorro suite à des élections libres et la défaite des sandinistes de Daniel Ortega. Actuel président : Daniel Ortega depuis 2007 et réélu en novembre 2016 (parti : Front sandiniste de libération). 

Amérique du Sud : 

 -1979 : Equateur : Jaime Roldos suite à un retour d'un pouvoir civil et la fin d'une junte militaire. Actuel président : Rafael Correa depuis 2007 et réélection en 2013. En 2017 a été élu Lenin Moreno mais en 2021 c'est Guillermo Lasso qui est élu (parti : mouvement Creo, un parti conservateur et libéral) 

 -1980 :  Pérou : Fernando Belaunde Terry. Nouvelle Constitution en 1979 et retour à un régime civil après un pouvoir militaire. Actuel président : Pedro Castillo depuis 2021 (parti : Peru Libre, un parti de gauche)

 -1982 :  Bolivie :Hernan Suazo suite à un retour d'un régime civil après une période de dictature militaire. Actuel président : Luis Arce depuis 2020 (parti Mouvement vers le socialisme) 

-1983 : Argentine : Raul Alfonsin. Retour d'un régime civil après la dictature de Videla. Actuel président : Alberto Fernandez depuis 2019 (parti Front de tous ou Todos, un mouvement de gauche) 

 -1985 :  Brésil : José Sarney. Retour de la démocratie après une phase de dictature militaire depuis 1964. Actuel président : Jaïr Bolsonaro depuis 2019 (parti social-libéral : extrême droite) 

-1984-85 :  Uruguay : Julio Sanguinetti. Retour à un régime civil après une dictature militaire avec élection présidentielle en 1984 et un gouvernement civil en 1985. Actuel président : Luis Lacalle depuis 2019 (parti national : un parti de droite 

 -1989 : Paraguay : Andrès Rodriguez.. régime civil après la longue dictaure du général Stroessner au pouvoir depuis 1954. Actuel président : Mario Abdo Benitez depuis 2019.
 
-1989 : Chili : Patricio Aylwin. Transition démocratique après la dictature de Pinochet depuis 1973. Actuel président : Michelle Bachelet depuis 2006 avec réélection en 2014. En 2021 élection de Gabriel Boric (coalition de gauche) 

c/ Les problèmes des constructions nationales

-des constructions conflictuelles

  • Les construction des différents états qu'ils soient sud-américains ou nord-américains se font déroulées plutôt violemment : ils sont le résultat d'abord de guerres d'indépendances auxquelles se greffent souvent des guerres civiles ou des guerres de conquêtes. Les états en formation se sont heurtés à des résistances notamment internes : résistances des populations indiennes en particulier. Pour certains états, des guerres civiles ont fortement marqué l'histoire nationale comme la guerre de sécession aux E.-U ou la révolution mexicaine. 

-des identités nationales et des mémoires porteuses d'éléments durables de tensions : une question identitaire toujours actuelle

  • Il existe bien entendu des difficultés liées aux identités nationales et aux mémoires douloureuses de certains groupes. Les questions noire et indienne sur lesquelles nous reviendrons posent le problème à la fois de l'identité des nations américaines mais également des mémoires. Les mémoires de l'esclavage ou des guerres indiennes ont un impact certain sur les communautés concernées. Dans certains états comme le Pérou ou la Bolivie, la question indienne et ses mémoires sont des enjeux importants. 

B/ Les minorités : problèmes récurrents et difficultés d'intégration 

Pourquoi peut-parler d'identités meurtries et d'identités oubliées ? Quelles sont les fractures liées aux questions identitaires ? 

 a/ Des minorités dominées et marginalisées : des problèmes persistants

-les populations oubliées de l'histoire : les Amérindiens 

  • Les populations indiennes avant l'arrivée des colons étaient estimées entre 20 et 60 millions d'habitants voire un peu plus pour certains spécialistes. La colonisation marque pour ces populations indiennes une rupture car elles sont meurtries et décimées par les violences coloniales et surtout par les maladies ce qu'on appelle le choc microbien (variole, grippe...). En 1789, les Indiens représentaient encore en Amérique latine plus de 55% de la population. La baisse démographique constatée suite à la colonisation est très importante notamment aux E.-U où au début du 20e siècle, les Amérindiens ne sont plus que deux cent mille alors qu'ils étaient selon les estimations entre 7 et 12 millions avant la colonisation. En 2000, une reprise démographique a permis aux Amérindiens d'atteindre le chiffre de plus de 3 millions d'individus. Aujourd'hui, les Amérindiens en Amérique centrale et latine représente une population comprise entre 45 et 50 millions d'individus dont 12 millions au Mexique. 
  • Ces populations indiennes ont subi d'importantes discriminations : aux Etats-Unis, ils obtiennent la citoyenneté qu'en 1924. Au moment des indépendances, les nouvelles sociétés sud-américaines sont fondamentalement inégales avec des nations fondées par les élites créoles qui méprisent et rejettent les populations indiennes ou noires. Les nouvelles sociétés vont se construire sur la ségrégation même si lors des indépendances, l'esclavage des Indiens est supprimé. Cette suppression permettait certes aux Indiens d'accéder à la citoyenneté avec la volonté chez un homme comme Bolivar de les intégrer à la société mais elle a rendu possible également la liberté d'achat et de ventes de terres ce qui a permis à certains d'acheter des terres indiennes. De plus, le droit de vote était conditionné au fait d'être alphabétisé ou/et propriétaire ce qui limitait le nombre d'Indiens pouvant voter. Les populations indiennes (et noires) ont été longtemps mises à l'écart étant souvent reléguées ou/et exploitées. 
  • Au début de la colonisation, les Indiens sont utilisés comme une main d' œuvre esclave ou forcée tout en les excluant de la vie sociale avec interdiction d'exercer un certain nombre de fonctions ou de se marier avec des créoles. En Amérique latine, ont été créées des zones réservées aux Indiens appelées des réductions : zones se situant à proximité des exploitations agricoles des colons afin d'utiliser la main d' œuvre indienne et surtout de la fixer sur des terres afin de contrôler des populations jugées turbulentes. Aux Etats-Unis et au Canada (0,25% du territoire canadien), les Amérindiens ont également été relégués et déportés dans des réserves. Pour les gouvernements, ces réserves localisées généralement à l'Ouest en ce qui concerne les E.-U, étaient aussi un moyen de fixer les populations indiennes et de les contrôler. 
  • Il s'agissait aussi des les assimiler par la religion en interdisant leurs pratiques religieuses : les Américains et Canadiens ont tenté de les acculturer. Encore en 1950, les E.-U par l'intermédiaire d'un programme nommé Termination Policy dont l'objectif était de pousser les Indiens à travailler et vivre en villes était un programme visant à l'acculturation. Le problème des populations Indiennes est non seulement qu'elles sont victimes de discriminations, d'acculturation mais les états refusent en plus de prendre en compte la diversité des peuples indiens. Le Brésil compte plus de 200 groupes indiens différents, la Colombie près de 90. Un état comme le Pérou compte plus de 54% d'Indiens (y compris des métis) avec un groupe ethnique dominant parmi eux : les Quechuas (47% de la population péruvienne). Mais il existe également des Aymaras et des groupes souvent encore plus oubliés et en retrait : ceux de la forêt amazonienne comme les Ashaninkas (80 à 100 000). Ces groupes ont des identités propres et pas nécessairement les mêmes revendications. 
  • Même dans un pays comme la Bolivie où les Boliviens ont élu un Indien pour diriger le pays (Evo Morales), il existe plusieurs groupes dont les Quechuas et les Aymaras. Enfin les états d'Amérique latine dont l'unité nationale est un objectif ont mené des politiques assez étonnantes à l'égard des communautés indiennes. Elles sont victimes de discrimination mais les états promettent de les intégrer davantage sans effet réel. Dans un pays comme le Guatemala où près de 65% de Guatémaltèques sont en dessous du seuil de pauvreté, ce seuil atteint 87% si on ne considère que les populations indiennes. Le Guatemala est d'ailleurs composé de 55% d'Indiens appartenant à 23 groupes différents. 
  • On peut d'ailleurs rappeler que les Indiens de ce pays ont subi de nombreux désagréments comme la suppression des propriétés collectives par un président nommé Justo Rufino Barrios entre 1873 et 1885. Sous les dictatures de Manuel Cabrera (1898-1920) et Jorge Ubico (1926-1944), le pays est sous la tutelle des Etats- Unis dont la firme United Fruit qui développe la culture de la banane en exploitant la main d' œuvre indienne. Dès les années 1960, des mouvements de guérilla d'extrême-gauche (Union Nationale révolutionnaire Guatémaltèque) se forment auxquels de nombreux Indiens adhèrent (ou apportent un soutien). 
  • En 1982, le général Efrain Rios Montt arrivé au pouvoir par un coup d'état fait procéder par l'armée à de nombreux massacres d'indiens. Par contre, un événement marquant est l'attribution du prix Nobel de la paix à Rigoberta Menchu, une indienne maya qui a tenté de faire bouger les choses sans utiliser la violence. Le pays est néanmoins gangrené par une violence récurrente même si pour la première fois dans ce pays un homme de gauche est élu président en 2007 : Alvaro Collon jusqu'en 2011. Par contre, jamais un Président du Guatemala n'était ou n'est Indien. 

 -le problème noir : un problème non résolut 

  •  Les populations noires et les descendants d'esclaves sont également des populations importantes. Il faut rappeler qu'environ 11 millions d'Africains ont été déportés vers les Amériques dont une grande partie vers le Brésil et les Antilles. Ils sont une minorité importante évaluée à plus de 125 millions sur l'ensemble du continent (14% de la population) dont 38 millions aux Etats-Unis selon le recensement de 2010 soit 12,% de la population (les états du Mississippi (près de 3 millions d'habitants en 2014) et de la Louisiane (4,6 millions d'habitants en 2014) sont les états où les afro- américains sont les plus nombreux avec 37 et 32 % de la population. 
  • Au Brésil, lors du recensement de 201, les afro-brésiliens étaient évalués à 14 millions (environ 7,6% de la population), les Blancs représentait 47,7% de la population et les métis 43,1%. dans de nombreux états, les populations noires ont été et sont encore victimes de discriminations notamment en matière d'emplois, de pauvreté...
  •  Ces populations noires ont longtemps été victimes de l'esclavage supprimé aux E.-U qu'en 1865.L'égalité des droits est proclamée en 1868 par le 14e amendement à la Constitution et le droit de vote en 1870 par le 15e amendement. L'esclavage en Amérique latine est aboli de façon différenciée selon les états : en 1824 au Nicaragua, 1829 au Mexique, 1822 en République dominicaine, 1833 en Jamaïque, 1854 au Venezuela et seulement en 1888 au Brésil. Les populations noires sont également défavorisées quelle que soit l'état. Dans un état comme la Colombie, c'est dans la province du Choco où la population noire est de l'ordre de 90% où le nombre de pauvres est le plus important (85% de la population de cette province). Au Brésil, les salaires des noirs sont nettement inférieurs à ceux des blancs (jusqu' à 60%). 

 b/ des minorités agissantes 

-L'émergence d'une prise de conscience et de l' « l'indianité » 

  • Les peuples Indiens ont depuis longtemps décidé de se structure pour modifier leur situation donnant naissance à des mouvements dit « indigénistes ». En 1941, se tient au Mexique, le premier congrès de l'indigénisme interaméricain. Lors de ce Congrès est évoquée la solution de l'intégration par l'assimilation. Se profile le « réveil indien » avec des Indiens qui prennent leur sort en mains. Ce réveil aboutit au Mexique à la création du mouvement zapatiste en 1994 dans la province du Chiapas : un mouvement optant pour la lutte armée et souhaitant même l'indépendance. 
  • Dans des états comme l'Equateur ou la Bolivie, les mouvements indiens s'organisent politiquement pour accéder au pouvoir. En Bolivie, Evo Morales,indien Aymara, syndicaliste et un des fondateurs du MAS (Mouvement vers le socialisme), est élu Président en 2005. Il est réélu en 2009 (64% des voix) et en 2014. Il est à l'origine d'une nouvelle Constitution en 2009 instaurant un état plurinational avec des départements et des régions autonomes. Ce réveil indien se traduit depuis plusieurs années par des politiques multiculturelles par lesquelles les états tentent de résorber les clivages entre les communautés indiennes et les populations plus favorisées. L'accent est notamment mis sur l'éducation et la formation. 
  • Un état comme la Colombie dans sa nouvelle constitution de 1991 « reconnaît et protège la diversité ethnique et culturelle de la nation colombienne ; » Les 700 000 Indiens de ce pays (2% de la population) peuvent accéder à un enseignement bilingue afin de préserver les cultures indiennes. Ces communautés n'hésitent plus à contester devant les tribunaux pour préserver leurs droits ou s'opposer à l'exploitation de ressources comme au Pérou ou en Equateur. Mais la situation n'avance pas de la même façon dans tous les états. Le Chili où la communauté Mapuche lutte pour la reconnaissance de ses droits voire de l'autonomie, attend toujours que le Chili fasse de réels efforts concernant cette communauté indienne
  • . La reconnaissance par de nouvelles constitutions d'états multiculturels est une avancée importante pour les communautés indiennes. Ainsi, dès 1987, le Nicaragua reconnaît l'autonomie des populations indiennes : c'est aussi le cas de la Colombie en 1991, du Mexique en 1992. Un état comme le Paraguay a même reconnu la langue guarani comme langue officielle au même titre que l'espagnol. Des nouveautés sont apparues au niveau des territoires. Dans certains états comme au Chili ou au Pérou, la propriété collective des terres par les Indiens est reconnu et sont même reconnues comme inaliénables (Equateur). 
  • Au Canada a été créée une nouvelle province en 1999 : le Nunavut (ce terme signifie « Notre terre » dans la langue des Inuits). Cette province ( de plus de 2 millions de km carré avec comme capitale Iqaluit et 35 000 habitants) où les Inuits constituent 85% de la population peuvent désormais gérer ce territoire. Ces inuits ont notamment la propriété de 360 000 km carré avec même des droits sur le sous-sol.
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