L'espérance oubliée
Introduction
A. Présentation de l'auteur, Jacques Ellul
Jacques Ellul (1912-1994) était un intellectuel français aux multiples talents, reconnu pour son travail en sociologie, en droit, en théologie et en philosophie. Né à Bordeaux, il a passé une grande partie de sa vie à enseigner à l'Université de Bordeaux et a également enseigné à l'Institut d'études politiques de Paris.
Son œuvre "L'espérance oubliée" (1972) fait partie de ses écrits les plus influents. Ellul était un penseur profondément engagé et critique envers la société moderne. Il s'intéressait particulièrement à la technologie, à la technique, et à leurs implications sur la condition humaine.
Ses analyses originales sur la technologie et son impact sur la société l'ont amené à être considéré comme un penseur majeur dans le domaine de la sociologie critique.
Ellul était connu pour sa pensée complexe et nuancée, ainsi que pour son style d'écriture provocateur. Il a abordé des sujets tels que la propagande, la manipulation des masses, la liberté individuelle et la déshumanisation progressive de la société. "L'espérance oubliée" reflète sa préoccupation constante face à la perte de sens et d'humanité dans un monde dominé par la technique et la poursuite effrénée du progrès matériel.
Un de ses concepts clés, qu'il évoque également dans "L'espérance oubliée", est celui de la "technique". Pour Ellul, la technique ne se limite pas seulement aux outils et aux machines, mais elle englobe également les valeurs, les structures sociales et les systèmes de pensée qui soutiennent l'efficacité, la rationalité et l'instrumentalisation de la vie quotidienne.
Voici un extrait de "L'espérance oubliée" où Ellul aborde le thème de la technique et de son influence sur la société :
"La technique est la réalité même de cette société. Si nous la voulons, nous devons admettre aussi que la technique ne connaît pas de limite intrinsèque et qu'elle tend à s'étendre sans fin. Mais si nous ne la voulons pas, nous ne pouvons plus admettre la société actuelle, nous devons la refuser globalement et radicalement." (Jacques Ellul, "L'espérance oubliée", 1972)
Cet extrait illustre l'idée centrale d'Ellul selon laquelle la technique est devenue le moteur principal de la société moderne, conduisant à une quête incessante de progrès sans se soucier des conséquences potentiellement néfastes.
Jacques Ellul était un penseur visionnaire qui a averti sur les dangers d'une société centrée sur la technologie et la rationalité au détriment des valeurs humaines essentielles. Son travail continue d'inspirer de nombreux chercheurs et intellectuels engagés dans la critique sociale et culturelle.
B. Contexte et importance de l'œuvre "L'espérance oubliée"
"L'espérance oubliée" a été publiée en 1972, à une époque de profonds bouleversements sociaux, politiques et culturels. Les années 60 et 70 ont été marquées par des mouvements de contestation et de remise en question du modèle de société dominant. La révolution technologique et l'industrialisation rapide ont créé une fascination pour la science et la technique, alimentant un optimisme démesuré quant aux possibilités d'un avenir meilleur.
C'est dans ce contexte que Jacques Ellul a écrit "L'espérance oubliée", cherchant à éclairer les conséquences souvent négligées de cette course au progrès technologique. L'ouvrage se présente comme une analyse approfondie de la société moderne et de la manière dont la technique a imprégné tous les aspects de la vie humaine.
L'importance de "L'espérance oubliée" réside dans sa capacité à poser un regard critique sur les valeurs de la société contemporaine. Ellul invite les lecteurs à remettre en question l'idée même du progrès technologique comme panacée universelle. Il met en garde contre l'idolâtrie de la technique et souligne les effets déshumanisants de son expansion sans limite.
À une époque où la confiance en la science et en la technologie était à son apogée, Ellul a pris position contre le déterminisme technologique, soulignant que les choix techniques ne sont pas neutres et qu'ils affectent profondément nos vies et nos sociétés.
Son ouvrage a également mis en lumière l'aliénation croissante des individus dans un monde de plus en plus mécanisé. Il critique la transformation des individus en simples rouages d'une machine technique, incapables de trouver un sens profond à leur existence. Cette réflexion est d'autant plus pertinente aujourd'hui, avec l'avènement des réseaux sociaux et des technologies numériques qui continuent d'influencer notre vie quotidienne.
En interrogeant la perte d'espérance dans une société matérialiste, Ellul a suscité des discussions sur la nécessité de rétablir des valeurs spirituelles et morales dans un monde dominé par la quête de satisfaction immédiate et de gains matériels.
"L'espérance oubliée" est une œuvre qui invite à la réflexion profonde sur le sens de la vie, les valeurs humaines et le rôle de la technique dans nos vies. Elle incite les lecteurs à ne pas oublier l'essence de leur humanité au milieu de l'engouement technologique.
Aujourd'hui, face aux défis sociétaux tels que l'impact environnemental des technologies, la montée de l'individualisme ou l'éthique dans l'intelligence artificielle, les idées d'Ellul continuent de résonner et de susciter des débats. L'œuvre "L'espérance oubliée" demeure une invitation à penser de manière critique notre rapport à la technique et à retrouver des voies pour renouveler l'espérance dans notre monde complexe et en constante évolution.

L'espérance oubliée
I. Résumé de "L'espérance oubliée"
A. Mort de l'espérance au temps présent
Jacques Ellul discerne les indices d'une époque historique, la nôtre, où l'individu, dépourvu de perspectives d'avenir, pris au piège de ses réalisations, se trouve emprisonné dans des structures rigoureuses, faisant l'expérience de son impuissance. La "croissance de l'illimité dans l'absurde" progresse de manière inéluctable et rationnelle. Plus l'angoisse suscitée par les objets matériels envahissants augmente, plus l'individu s'en procure pour tenter de calmer cette angoisse, s'engageant ainsi dans une spirale en apparence interminable. Que ce soit l'étudiant, le hippie, le Noir américain, tous "se révoltent sans espoir", cherchant à provoquer une rupture ici et maintenant. Le mot d'ordre est clair : "Il faut ramener à rien tout ce qui est, car ce qui est, c'est la répression, l'aliénation." Face à la société technicienne, les seules réponses semblent être l'irrationnel, le cocktail Molotov, la jouissance sans entraves, et l'horizon limité du moment présent. Selon Ellul, "il n'y a aucune espérance". Les jeunes, malgré leurs colliers de fleurs, sont profondément malheureux et terrorisés par le monde qui leur est présenté, ainsi que par la "dégoûtante abondance matérielle" qu'il promet. En réaction, ils fuient à travers des moyens tels que la drogue, la révolution, ou la quête spirituelle en Inde. Ellul voit dans "l'absence d'espérance" la clé permettant de comprendre les sentiments et comportements de l'homme moderne, en particulier de l'adolescent porté à son incandescence, à son état explosif et visionnaire, trouvant une expression ultime dans la recrudescence des suicides. Les grandes aventures historiques du XXe siècle, comme les révolutions, ont toutes conduit à l'opposé de l'immense espoir qu'elles avaient suscité. Ellul qualifie cela d'imposture, marquant ainsi un temps singulier où cette imposture radicale est l'un des signes caractéristiques. Il pointe du doigt des figures telles que "l'ignoble Wolinski" devenant serviteur de la société de consommation. Toute forme de protestation ou de mouvement de libération est récupérée, même dans le domaine de la publicité. Les valeurs telles que vérité, justice et liberté, constamment revendiquées, sont perverties partout, instaurant une inversion totale. Cette inversion des significations des mots détruit l'homme contemporain, privé de la possibilité de croire en leur réalité. Ainsi, plongé dans le brouillard des mots égarés, l'homme s'éloigne toujours plus de la possibilité d'espérer, tout en restant désorienté dans ce labyrinthe sémantique qui alimente le scepticisme.
Les termes prennent de l'ampleur et s'enflamment d'autant plus qu'ils perdent leur signification : "Moins la chose existe, plus il faut camoufler le vide par une grandiloquence. L'émotion de mai-juin 1968 est qualifiée de Révolution. Guevara est un nouveau Jésus-Christ." Le serment lui-même perd toute sa valeur, le langage s'éteint car il suppose une permanence et une inscription dans la durée, contrairement à l'image et au visuel qui triomphent en tant qu'instantanés éblouissants : "Hors de l'instant, il n'est plus possible de compter sur rien." La prolifération d'images instantanées construit un univers illusoire qui offre tout immédiatement, éloignant ainsi du réel, aussi bien du quotidien et du personnel que de l'histoire, abolie dans le spectacle incessant. Placé hors du réel, l'homme contemporain rêve "pour entrer de plain-pied dans la société idéale, finale, où tout est résolu. Il rêve, mais n'espère plus. Et quand par malheur le rêve casse, l'illusion se dissipe, l'idéal se manifeste inaccessible, alors, ne reste plus que la mort." Dans notre ère, le mépris règne en maître. Il ne se limite pas à la domination de l'autre, mais va jusqu'à le détruire intérieurement, le "traiter en chose" et le vouer "à la stérilité totale et définitive". C'est le "ridicule absolu d'un temps où l'on ne cesse de proclamer les Déclarations des droits de l'homme, quand ce qui règne en fait c'est le mépris des hommes". Poussé à son extrême, le mépris anéantit l'espérance en l'autre.
Poussé à son terme, le mépris anéantit l'espérance en l'autre, plongeant ainsi notre époque dans une profonde crise existentielle. Le soupçon s'est également installé de manière omniprésente dans le monde intellectuel, instillé dans la conscience humaine par les figures influentes de Marx, Nietzsche et Freud, que Jacques Ellul qualifie de "grands malfaiteurs de l'humanité" et qui ont exercé une véritable hypnose intellectuelle. Ces penseurs ont érigé le soupçon en principe directeur, révélant des motifs secrets, des intérêts cachés, des faux-semblants et des hypocrisies partout où le regard se porte. Ainsi, la confiance en autrui et en soi-même s'est effritée, et la foi en quelque chose ou quelqu'un est devenue une entreprise difficile. L'empreinte de ces théories du soupçon a transformé la vie en un réseau de falsifications, rendant chaque aspect de l'existence suspect. Le mensonge, dévoilé de tous côtés, devient inévitable, et la possibilité d'espérance s'évapore, car le soupçon étouffe tout élan vers le possible en interrogeant constamment ses motivations sous-jacentes. La dérision, fruit du mépris et du soupçon, s'installe comme une réponse corrosive. Avec la conviction que toute vertu, beauté, vérité et amour sont artificiels, la dérision émerge comme une arme puissante, populaire et facile, destinée à avilir l'adversaire sans chercher le dialogue ni la compréhension mutuelle. Dans ce contexte, la jeunesse, exaltée par les médias, se dresse contre le "vieux", le ridiculisant et l'exposant à la raillerie et à l'humiliation. La dérision envahit tous les domaines de la culture et de l'art, faisant de la moquerie un instrument dominant dans la communication sociale.
Cette dérision, qui pousse à la stérilisation de l'homme par son auto-avilissement, est étroitement liée au complexe qu'il nourrit à l'égard du monde technique : "Le système de la dérision est en réalité un aspect essentiel de la société où la technique devient Dieu. L'homme ne peut rivaliser en force, précision, finesse, intelligence avec la technique, alors il sombre dans l'auto-accusation." Ces signes marquants révèlent l'absence d'espérance, car "l'homme de notre temps refuse d'être consolé en vérité." Il vit dans le reniement de lui-même, de son histoire et de sa vertu. Ellul souligne l'étrange contradiction entre le développement fulgurant des puissances techniques de l'homme et sa réduction jusqu'à l'autonégation, comme si une fatalité le poussait à s'effacer devant son œuvre, voire à disparaître en elle. Cette tendance a une portée mondiale, touchant également les peuples du tiers monde qui semblent se diriger vers un reniement similaire d'eux-mêmes. Ellul ne qualifie pas cela simplement de décadence, mais d'atonie, un refus de vivre. La fin de l'espérance se tisse de manière "discrète et silencieuse." Ellul la compare à une veine ouverte qui, dans un bain tiède, laisse partir tout le sang, conduisant à un sommeil sans souffrance ni sursaut. L'agonie de l'espérance, sans cri de secours, est compréhensible, car n'ayant plus rien à espérer, à qui ou à quoi serait destiné ce cri?
B. Le temps de la déréliction
Jacques Ellul explore la profondeur du désespoir contemporain et cherche à comprendre comment éveiller l'espérance chez l'homme qui semble en être dépourvu. Pour lui, la racine ultime du désespoir réside dans le silence de Dieu, qui équivaut à l'absence de l'Histoire. Il remet en question l'illusion présomptueuse selon laquelle l'homme serait le moteur exclusif de l'Histoire, soulignant que seule l'intervention d'un facteur radicalement autre, la Parole de Dieu, peut rendre l'Histoire significative. Ainsi, lorsque Dieu se tait, la nuit absolue règne, et l'histoire s'annule. Le langage, privé de la Parole de Dieu, se flétrit dans toutes ses expressions, qu'il s'agisse du langage quotidien, politique, scientifique ou amoureux, car il perd sa référence fondamentale. Ellul cite Jésus, reprochant aux Juifs de ne pas comprendre sa Parole, soulignant ainsi que lorsque la relation avec la Parole de Dieu est rompue, la communication humaine devient contresens et malentendu. La crise du langage devient alors un témoin de la déréliction, marquant la coupure entre Dieu et l'humanité. Ellul critique sévèrement les erreurs de diagnostic sur l'homme et sur Dieu, perpétrées par des théologies dépendantes des milieux sociologiques. Ces théologies, selon lui, se transforment en idéologies de la "Mort de Dieu", abandonnant le fondement révélé pour légitimer le statut de l'homme moderne et justifier implicitement sa toute-puissance dévastatrice. Cette vision erronée contribue à maintenir la déréliction en maintenant une coupure entre Dieu et l'homme, alimentant ainsi la crise existentielle contemporaine.
Jacques Ellul soulève une critique sévère envers certaines théologies contemporaines qui, par un glissement subtil, interprètent le choix de Dieu de s'humilier en Jésus comme une sorte de blanc-seing donné aux hommes pour transformer le monde à leur guise. Dans cette perspective, Dieu est relégué à l'impuissance et est censé laisser l'humanité agir librement sans son intervention. Cette vision permet à l'homme d'exercer sa toute-puissance politique et technique, avec Dieu relégué à un coin du grenier. Cependant, Ellul rappelle que c'est Dieu lui-même qui a souverainement pris le risque de l'humiliation, de la kénose, révélant ainsi son amour. Si l'amour de Dieu est rejeté, s'il n'est plus aimé, alors Dieu semble disparaître de notre perception, mais il demeure souverain, même dans son acceptation de l'impuissance. Le véritable problème théologique, selon Ellul, n'est pas la prétendue "mort de Dieu", mais plutôt la mort de l'espérance, qui découle du silence de Dieu. L'absence apparente de Dieu pose une question fondamentale à laquelle l'humanité se dérobe en préférant rester sourde à la profondeur de sens et d'interpellation de ce silence. Il souligne également que les juifs, tout au long de l'Ancien Testament, manifestaient une crainte radicale de la possibilité du silence de Dieu et de la disparition de ses signes. Israël a vécu cette absence de Dieu à certaines périodes, laissant l'homme livré à sa propre volonté. L'Ancien Testament présente ainsi les deux côtés de la médaille : le désespoir face au silence de Dieu et l'acceptation de ce silence comme une sorte de "bon débarras".
Jacques Ellul souligne la possibilité du retrait de Dieu, citant les paraboles des Évangiles et le cri de Jésus sur la croix, "Pourquoi m'as-tu abandonné ?". Il reconnaît que théologiquement, l'abandon de l'homme par Dieu s'est produit "une fois pour toutes" en Jésus-Christ, mais il insiste sur le fait que cela n'empêche pas une expérience spirituelle du vide et de l'absence lorsque Dieu semble se taire. Ce cri de Jésus atteste que l'abandon par Dieu est possible, mais dans ce détournement même, l'homme abandonné est en Dieu car Dieu s'est abandonné lui-même. Ellul rejette l'idée que ce silence soit une punition de la part de Dieu, soulignant que si Dieu se tait, c'est parce qu'il est rejeté, non pas parce qu'il rejette. Il décrit Dieu comme l'homme misérable et dépouillé, retiré dans sa discrétion face à l'absence d'amour, de relation filiale et de confiance. L'Église, selon Ellul, est également touchée par cette déréliction. Il la dépeint comme pétainiste, conciliante et collaborant avec le monde, acceptant des compromis pour sauvegarder quelque chose. Il critique la tiédeur et le manque de foi, déclarant que même l'extrême gauche, les théologiens de la révolution et les contestataires politiques sont, selon lui, des pétainistes. Malgré la bonne volonté de nombreux chrétiens engagés, Ellul constate une médiocrité généralisée au sein de l'Église, soulignant que sa vérité ne se manifeste pas dans le réel et que tout y est falsifié. Il dénonce l'emprise de "l'archange de la médiocrité" sur l'Église.
Ellul critique les institutions ecclésiastiques, qu'elles soient protestantes ou catholiques, les décrivant comme écrasées par la bureaucratie et englouties par les conformismes sociologiques. Ces institutions, autrefois indispensables, sont devenues des signes éclatants de la déréliction où l'humanité semble errer. Il souligne que, de nos jours, il est difficile de discerner une réelle différence entre la Fédération protestante et d'autres grandes organisations, et que lorsqu'elles ne sont plus l'expression de l'Esprit-Saint, leur témoignage et leur évangélisation perdent leur portée. Malgré l'intérêt de l'homme moderne pour les questions religieuses, le Dieu révélé par la Bible semble rester rigoureusement caché. Les exégètes bibliques ne sont pas épargnés par la critique d'Ellul. Il accuse certains d'entre eux de se replier dans un formalisme du texte, centré sur eux-mêmes, empêchant ainsi une lecture véridique de la révélation. Il décrit l'herméneutique comme une tentative d'interprétation de la révélation sans révélation réelle, où Dieu est réduit à être un témoin immobile de ce que l'on fait de son Verbe. Cette attitude, selon Ellul, découle de la déréliction : on ferme la porte à Dieu parce qu'il est parti, et on l'empêche de parler parce qu'il ne parle plus. Le conformisme est également critiqué dans le contexte de l'Église. Ellul déplore que l'Église, au lieu de questionner les actions de l'homme dans le domaine de la science et de la technique, se contente de les bénir et de proclamer que c'est la volonté de Dieu. Il considère cela comme une grande imposture et un détournement de la révélation, soulignant que cela n'est possible que dans la mesure où Dieu lui-même semble s'être détourné de son Église.
C. L'espérance au temps de la déréliction
Jacques Ellul, malgré son pessimisme et ses analyses sociologiques implacables, affirme catégoriquement qu'il n'est pas désespéré. Au contraire, il voit dans la déréliction même une opportunité pour l'espérance de se manifester. Selon lui, l'espérance n'est pas une catégorie figée ou objectivée dans un système théologique, mais plutôt une réponse humaine au silence de Dieu, une orientation vers la promesse des fins dernières et le royaume de Dieu qui approche. Ellul déclare que lorsque Dieu se tait, c'est à l'homme de prendre la parole. Conscient de la déréliction, l'homme exprimera son espérance que le silence de Dieu n'est ni ultime ni final. Plus audacieusement, il proclamera dans sa prière une exigence de forcer Dieu à parler, à revenir lorsque celui-ci semble s'être détourné. Ce cri d'espérance, loin d'accepter le silence de Dieu, est une exigence passionnée que Dieu revienne illuminer son Église et réjouir les cœurs. C'est une supplication, une protestation et une exigence de fidélité à la promesse, même dans le silence divin. Ellul souligne que l'espérance est le contraire de la résignation. Elle représente une volonté inébranlable de faire changer Dieu, de réaliser la repentance divine, et d'obtenir la transformation des situations concrètes. Il cite la fameuse phrase de Jésus, «Le Royaume des cieux est aux violents qui s'en emparent», interprétant la violence comme celle de l'espérance. Pour entrer dans le royaume des cieux, il faut la vouloir intensément, frapper à la porte avec persévérance jusqu'à l'épuisement. L'espérance, selon Ellul, est cette force dynamique qui pousse l'homme à chercher, à exiger, et à ne jamais se résigner devant le silence de Dieu.
Jacques Ellul souligne que la révolte dans l'espérance, loin d'être une réalisation de la promesse par les forces humaines, est une attitude qui s'oppose à l'idée courante selon laquelle l'homme, devenu adulte, peut se débrouiller seul en l'absence de la parole divine. Cette dimension de l'espérance, marquée par une certaine violence spirituelle, exprime simultanément une confiance totale en Dieu, même lorsque l'homme semble l'attaquer et lui demander des comptes. Lorsque l'homme heurte le silence de Dieu, il obéit en réalité à la Parole de Dieu qui a été adressée à Abraham, lui demandant de marcher devant, d'avancer et de montrer le chemin. Ellul insiste sur le fait que l'espérance, en tant que réponse au silence de Dieu, émerge particulièrement en temps de désespoir. Cela contraste avec l'espoir, qu'il qualifie de malédiction de l'homme, soulignant que l'espoir repose sur l'idée que le pire n'est pas toujours sûr, ce qui peut conduire à la complaisance et à la perpétuation des problèmes. En revanche, l'espérance n'a de sens que lorsque le pire est considéré comme certain. Ellul critique les idéalistes et les activistes qui cherchent des solutions immédiates pour un monde meilleur, soulignant que l'espérance ne relève pas de l'enthousiasme des possibilités, mais de la passion pour l'impossible. Elle se distingue de la recherche de solutions humaines immédiates en faisant face à l'absurde dernier, au mur sans issue, à la misère irrémédiable. Elle n'est pas une compétition de moyens, mais une orientation vers une autre dimension qui transcende les limites humaines.
Pour Ellul, l'espérance n'est pas simplement un ajout ou un complément relégué à l'arrière-plan du volontarisme centré sur l'humain. Elle représente plutôt la source d'une connaissance et d'une action différentes, alimentant des actions apparemment folles mais qui sont, en réalité, les seules raisonnables. Ellul insiste sur le fait que l'espérance est la seule force capable, dans une situation désespérée, de conduire à un autre, à la Promesse. Dans ces moments, l'œuvre de l'homme, bien que nécessaire, devient également inutile, et l'impossible de Dieu devient la seule réalité. L'auteur rejette les tentatives humaines de créer le paradis sur terre et réaffirme la place de l'histoire sainte. L'homme désespéré, dépossédé de lui-même, sans justification, plongé dans le doute, est celui à travers qui l'espérance peut à nouveau se manifester. Ellul souligne que, dans cette situation particulière, l'espérance devient une charge incontournable, car il n'y a plus d'autre possibilité pour lui que d'espérer. L'espérance, selon Ellul, ne vise pas à instaurer la paix et la justice sur terre. Il critique la confusion médiévale entre le royaume de Dieu et un système politico-social satisfaisant. Bien que le Royaume de Dieu soit déjà au milieu de nous, l'espérance discerne ses signes invisibles et en germes, dans l'attente de leur accomplissement eschatologique. L'avènement du règne du Christ n'est pas encore pleinement réalisé, et l'espérance travaille à provoquer la venue de Dieu, à révéler non seulement sa discrétion, sa faiblesse et son humiliation, mais aussi sa gloire.
L'espérance, selon Ellul, émerge lorsque l'homme abandonne le fantasme de sa propre puissance et efficacité. Il critique la puissance de l'homme, qui, selon lui, est toujours issue de la rupture avec Dieu, marquée par l'orgueil démoniaque de se mettre à la place de Dieu. Cette puissance est associée à des aspects négatifs tels que le sang, le meurtre, l'exploitation, la destruction de la nature, et l'espérance, au contraire, remet en question non Dieu, mais la puissance de l'homme. Elle consiste en une imploration envers le Dieu Tout-Puissant pour être sauvé de l'illusion désastreuse de la toute-puissance humaine. L'homme, redevenu un mendiant pauvre et misérable, ne trouve l'espérance que dans l'intensité dramatique du vide qu'il ressent, marqué par l'absence de Dieu. Juifs et chrétiens, spécialement, peuvent affirmer au monde moderne désespéré que Dieu est présent, vivant et le Père, prêt à sauver et guérir. Ils soulignent que quand l'espérance parle, il s'agit de la parole de Dieu, basée sur la Révélation. Ils comprennent que l'espérance est liée à une relation avec un Dieu qui se cache, soulignant que pour qu'il y ait espérance, il doit y avoir de l'inconnu. La révélation de Dieu génère l'espérance en promettant le moment où Dieu ne sera plus l'inconnu, et ce qui est annoncé sera accompli.
D. Et au commencement était l'espérance
Ellul explore le lien entre espérance et pessimisme, affirmant que l'espérance trouve son sens dans le contexte d'un pessimisme réaliste. Il souligne que l'espérance devient nécessaire pour affronter la radicalité du mal, et le pessimisme est tolérable grâce à l'espérance. Ainsi, ces deux éléments sont réciproquement liés, et l'espérance devient la possibilité de regarder la réalité en face sans détourner les yeux. En tant qu'élément générateur d'éthique, l'espérance réorganise le temps en restaurant la relation entre le futur et le présent grâce à sa puissance eschatologique. Cependant, la société technicienne, avec son temps "invertébré", entrave ce mouvement en refusant l'intervention du futur dans le présent. Ellul insiste sur le besoin de réorienter toutes les choses du monde vers la gloire de Dieu, soulignant que la vie chrétienne et la pensée chrétienne meurent lorsqu'elles oublient cette perspective. Il critique également l'exploitation irresponsable des richesses de la création, soulignant que cela revient à séparer ces biens de Dieu. Il pose des questions provocantes sur la destruction écologique, la pollution, et la dégradation de la nature, soulignant que la gloire de Dieu peut-elle vraiment être présente dans un monde ainsi dégradé par les actions humaines. Ellul met en garde contre une vision anthropocentrique qui ignore les conséquences désastreuses de l'orgueil dévastateur de l'homme sur la nature.
Ellul soulève la question de la relation entre l'univers naturel et l'univers technique créé par l'homme. Il affirme que même cet univers technique doit être tourné à la gloire de Dieu, nécessitant une transformation radicale de nos habitudes, conceptions et de la direction technologique actuelle. Le "bon usage" de la technique, selon Ellul, ne peut être correctement compris que dans le contexte d'une orientation totale vers la gloire de Dieu plutôt que celle de l'homme. Il met en garde contre les conséquences désastreuses de la focalisation sur des causes humaines absolues telles que les révolutions et les idéologies, soulignant que l'homme ne peut se libérer de ces causes qu'en les relativisant impitoyablement à partir d'un point de vue transcendant. Pour Ellul, le Christ incarne cette perspective transcendantale, assumant et sauvant le relatif du monde et de la politique. Ainsi, bien que les enjeux socio-politiques soient pris au sérieux, ils ne devraient pas être érigés en absolus, mais plutôt compris à travers la lentille du Christ. En résumé, Ellul propose une vision où l'espérance transforme la relation de l'homme avec la création, la technique, et les causes socio-politiques, les orientant toutes vers la gloire de Dieu plutôt que la gloire de l'homme.
Ellul évoque l'espérance comme une force révolutionnaire radicale, distinguant cette perspective chrétienne des mouvements révolutionnaires classiques. Contrairement à d'autres révolutions qui cherchent à établir un nouveau système en remplacement de l'ancien, l'espérance chrétienne pénètre les failles de chaque système sans chercher à ériger un substitut. L'acte révolutionnaire de l'espérance vise à être un levain dans la pâte existante, transformant de l'intérieur sans imposer un ordre prédéterminé. L'espérance pousse le chrétien à être un témoin du royaume de Dieu au sein de mouvements révolutionnaires. C'est en tant que porteur de l'espérance, de la présence du royaume de Dieu, que le chrétien s'engage dans ces mouvements. L'espérance devient ainsi la source d'une autre révolution, opérant depuis le cœur du mouvement socio-politique. Ellul souligne l'échec des mouvements révolutionnaires passés en raison de leur reniement de l'espérance et de Dieu. Être un témoin de Dieu au sein de la révolution constitue une provocation visant à rétablir la présence active et radicale de Dieu dans l'histoire. Il insiste sur le rôle crucial de l'espérance débordante des chrétiens pour que leur action soit assumée par Dieu et porte un impact réel, au-delà des manifestations symboliques.
Ellul souligne l'importance de trois attitudes fondamentales pour l'engagement politique chrétien : l'attente, le réalisme et la prière. Ces attitudes s'opposent à l'activisme, à l'idéalisme et au productivisme mondain, car elles reconnaissent l'humaine impuissance et dépendance envers Dieu. L'homme de l'espérance est caractérisé par l'attente. Cette attente n'est pas passive, mais active, exigeante, et centrée sur la venue du Christ, la manifestation du royaume de Dieu, et la révélation du Saint-Esprit. Ellul souligne que cette attente est cruciale, car rien de décisif ne se produira sans elle. Elle implique une vigilance constante, une ferveur exaltée, une obstination qui ne se laisse détourner par rien. L'homme en attente suscite parfois l'incompréhension, même de la part de ses frères de foi, mais pour Ellul, cette attente brûlante est essentielle, car sans elle, l'engagement social ou politique devient vain. L'attente chrétienne, loin de chercher un changement immédiat ou une amélioration des situations, est centrée sur le retour de Jésus-Christ. Ellul souligne que cette perspective peut sembler absurde à ceux qui sont obsédés par l'efficacité mondaine, mais elle est la clé de l'action chrétienne authentique. Enfin, la prière est intimement liée à l'espérance. Ellul souligne que la prière, tout au long de la Bible, est associée à la clameur incessante qui exige l'accomplissement de la promesse. Entrer dans la prière, c'est donner naissance à l'espérance. C'est reconnaître la dépendance envers Dieu et exprimer la volonté de voir s'accomplir ses desseins. La prière, loin d'être inutile, est une expression profonde de l'espérance chrétienne.
Ellul souligne l'interdépendance cruciale entre l'espérance et le réalisme. Il insiste sur le fait que l'espérance tire sa substance du réalisme et que ce dernier trouve sa possibilité dans l'espérance. Regarder le réel tel qu'il est, même dans toute son impasse, est essentiel. Sans cette vision claire et rigoureuse du réel, l'espérance risque de tomber dans un idéalisme déconnecté de la réalité. L'homme ne peut devenir pleinement humain qu'en faisant face à la réalité nue, sans se consoler avec des illusions de progrès ou d'optimisme historique. Les dernières pages du livre d'Ellul appellent à embrasser l'incognito comme une manifestation de l'espérance chrétienne, une présence au monde au milieu des agitations. L'incognito n'est pas une fuite ni un retrait individuel, mais plutôt une intrusion d'une dimension complètement nouvelle et inattendue. Il s'agit de perturber les attentes, de créer une lacune dans le discours attendu, de fissurer les schémas prévus. Vivre dans cet incognito demande une grande dose d'espérance, la certitude que le silence, la prière, et cette présence discrète auront finalement un impact plus profond sur l'histoire du monde que toutes les interventions extérieures. Ellul encourage à maintenir la certitude que notre incognito cessera un jour, que le silence de Dieu prendra fin. C'est dans cette confiance en l'espérance que, du fond de notre incognito, nous pouvons influencer de manière plus radicale l'histoire du monde que par toutes nos interventions extérieures, proclamations révolutionnaires ou services apparents.
II. Analyse approfondie
A. Analyse des thèmes principaux abordés
1. La technologie et la technique
Dans "L'espérance oubliée", Jacques Ellul accorde une place centrale à la technologie et à la technique en tant que forces motrices de la société moderne. Il distingue la technologie de la simple utilisation d'outils en soulignant qu'elle est un phénomène bien plus complexe et omniprésent. Ellul considère la technique comme un système global, comprenant à la fois les machines, les méthodes de production, les organisations sociales et la manière de penser. Il écrit : "La technique, c'est-à-dire l'ensemble des moyens techniques rassemblés et coordonnés pour atteindre un certain résultat, existe partout et, pour ainsi dire, sous tous les aspects de notre existence." (Jacques Ellul, "L'espérance oubliée", 1972)
Selon Ellul, la technique ne connaît pas de limites intrinsèques, et elle tend à s'étendre de manière illimitée, imprégnant tous les aspects de la vie humaine. Elle est mue par une logique d'efficacité et de rationalité qui la rend autonome et échappe souvent à toute intention humaine consciente. L'auteur souligne les conséquences de cette emprise de la technique sur la société. La recherche de l'efficacité à tout prix conduit à une course effrénée vers le progrès matériel, souvent au détriment des valeurs humaines fondamentales. Ellul observe : "Cette technique est supposée répondre aux besoins de l'homme, mais elle répond de manière si efficace qu'elle détruit l'homme lui-même. On peut dire que, désormais, la technique fait de l'homme son propre objet." (Jacques Ellul, "L'espérance oubliée", 1972)
La technique peut transformer l'homme en simple instrument, dépossédant l'individu de son pouvoir de décision et de son libre arbitre. Cela peut entraîner une déshumanisation de la société, où les individus deviennent de simples agents exécutants des processus techniques, perdant leur capacité à penser de manière autonome et créative. Pour Ellul, la technique se développe de manière autonome, dépassant les frontières nationales et les contraintes culturelles. Il constate : "C'est une erreur de croire que le progrès technique est propre aux sociétés occidentales ou industrielles. Non seulement les autres sociétés sont en train de le rattraper, mais, s'il devait y avoir une différence, elle ne résiderait pas dans un quelconque retard, mais dans l'enthousiasme avec lequel elles se lancent à la suite des sociétés techniquement les plus avancées." (Jacques Ellul, "L'espérance oubliée", 1972) Cette perspective critique sur la technologie et la technique dans "L'espérance oubliée" continue de susciter des débats sur les implications sociales, éthiques et culturelles de la course au progrès technologique dans notre société contemporaine. Ellul nous pousse à réfléchir sur la place de la technique dans nos vies et à considérer ses conséquences profondes sur l'humanité et l'environnement.
2. La déshumanisation de la société
Un thème essentiel abordé par Jacques Ellul dans "L'espérance oubliée" est celui de la déshumanisation de la société moderne. Selon Ellul, la technologie et la technique exercent une influence croissante sur l'homme, au point de le déposséder de son humanité. Cette déshumanisation prend plusieurs formes dans l'ouvrage.
Ellul met en évidence comment la technologie contribue à l'aliénation de l'individu en le soumettant à des processus standardisés et uniformisés. L'homme se retrouve enfermé dans des rôles prédéfinis et des routines préétablies, perdant ainsi sa capacité à agir de manière autonome et créative. Il écrit : "L'aliénation s'exerce au moment même où la technique contraint les hommes à des procédures, à des gestes et des attitudes qui sont à l'opposé de l'épanouissement de l'homme, de ses désirs, de sa liberté." (Jacques Ellul, "L'espérance oubliée", 1972)
Cette aliénation peut se manifester dans le travail, où l'ouvrier est réduit à un simple exécutant d'une tâche bien précise et répétitive, mais également dans la vie quotidienne, où les individus sont de plus en plus conditionnés par les normes et les attentes de la société technologique.
L'avènement de la technique entraîne une perte de sens dans la vie humaine. La recherche effrénée de la satisfaction matérielle et la course au progrès matériel conduisent à une quête sans fin de nouveautés, laissant peu de place à la réflexion sur le sens profond de l'existence. Ellul souligne : "La technique enlève à l'homme le temps de penser, de se questionner, de se demander s'il a besoin de tout cela, s'il veut tout cela et ce qu'il y met lui-même de sens." (Jacques Ellul, "L'espérance oubliée", 1972)
Dans un monde où la technologie domine, les valeurs spirituelles et morales sont souvent reléguées au second plan, et l'individu perd le contact avec son essence la plus profonde.
La technologie, notamment les technologies de communication, peut également conduire à l'isolement de l'individu. Les interactions humaines se réduisent parfois à des échanges virtuels, éloignant les individus de la véritable communication et de l'empathie. Ellul remarque : "L'isolement de l'homme moderne, son individualisme croissant viennent de ce qu'il est séparé des autres hommes par tout un monde technique qui, pourtant, le relie à eux de toutes parts." (Jacques Ellul, "L'espérance oubliée", 1972)
La société moderne, dominée par la technologie, semble paradoxale : elle crée une interconnexion apparente, mais les individus se retrouvent souvent isolés et coupés de liens humains significatifs. En exposant ces différentes formes de déshumanisation, Ellul invite ses lecteurs à prendre conscience des conséquences de la technologie sur la nature humaine et à réfléchir à la manière de préserver notre humanité dans un monde en évolution rapide. Ses réflexions sur la déshumanisation continuent de susciter des débats sur la nécessité de rechercher un équilibre entre la technologie et les valeurs humaines fondamentales.
3. La perte de sens et d'espérance dans "L'espérance oubliée"
Dans "L'espérance oubliée", Jacques Ellul met en évidence la perte de sens et d'espérance qui accompagne l'essor de la société moderne et de la technologie. La quête effrénée du progrès matériel et l'obsession pour l'efficacité technique laissent peu de place à une réflexion profonde sur le sens de la vie et sur ce qui donne un véritable sens à notre existence. Ellul dénonce la primauté de la technique sur l'humain dans la société moderne. La technique est devenue une fin en soi, supplantant les valeurs humaines fondamentales telles que l'empathie, la compassion, la solidarité, et même la spiritualité. Il écrit : "L'homme est complètement absorbé par la technique et on lui fait oublier qu'il n'y a pas que la technique. Et l'on fait croire qu'en même temps que la technique, on résout tous les problèmes. Ce qui n'est pas vrai. Non seulement la technique ne résout pas tous les problèmes, mais elle en crée continuellement de nouveaux." (Jacques Ellul, "L'espérance oubliée", 1972) Cette subordination de l'humain à la technique conduit à une déshumanisation de la société et à une perte de sens dans nos actions et nos relations.
La société moderne est souvent caractérisée par une quête insatiable du bonheur matériel. La publicité, les médias de masse et la consommation de masse poussent les individus à chercher la satisfaction immédiate dans l'acquisition de biens matériels, au détriment de valeurs plus profondes et de besoins spirituels. Ellul souligne : "La société de consommation est organisée sur l'idée que l'homme est un être totalement défini par ses besoins. Ainsi, la consommation et la satisfaction de ces besoins deviennent les finalités de la vie." (Jacques Ellul, "L'espérance oubliée", 1972) La quête du bonheur matériel et la recherche constante de nouveauté créent un vide existentiel, car elles ne comblent pas les aspirations profondes de l'âme humaine.
Face à cette perte de sens et d'espérance, Ellul appelle à une profonde remise en question de nos valeurs et de nos priorités. Il incite les individus à retrouver une nouvelle forme d'espérance qui ne repose pas uniquement sur le matérialisme et la recherche du confort. Il suggère que cette espérance doit être fondée sur des valeurs humaines essentielles, sur la recherche d'un sens profond dans nos actions, et sur la réflexion sur notre place dans le monde. "L'espérance oubliée" est donc un appel à rétablir un équilibre entre la technique et l'humain, à prendre conscience des conséquences de nos choix technologiques sur notre existence et sur notre rapport à la vie. Ellul nous encourage à ne pas oublier que l'essence de notre humanité ne se résume pas à la quête de la satisfaction matérielle, mais qu'elle s'enracine dans notre capacité à créer du sens et à nous relier les uns aux autres d'une manière profonde et authentique. Aujourd'hui, dans un monde toujours plus technologique et consumériste, les réflexions d'Ellul sur la perte de sens et d'espérance continuent de résonner avec force. Elles nous invitent à nous interroger sur les valeurs qui guident nos vies et sur les choix que nous faisons en tant que société. En redécouvrant notre humanité, nous pourrions ouvrir la voie à une espérance renouvelée et à une société plus équilibrée et épanouissante.
1. La technologie et la technique
Dans "L'espérance oubliée", Jacques Ellul accorde une place centrale à la technologie et à la technique en tant que forces motrices de la société moderne. Il distingue la technologie de la simple utilisation d'outils en soulignant qu'elle est un phénomène bien plus complexe et omniprésent. Ellul considère la technique comme un système global, comprenant à la fois les machines, les méthodes de production, les organisations sociales et la manière de penser. Il écrit : "La technique, c'est-à-dire l'ensemble des moyens techniques rassemblés et coordonnés pour atteindre un certain résultat, existe partout et, pour ainsi dire, sous tous les aspects de notre existence." (Jacques Ellul, "L'espérance oubliée", 1972)
Selon Ellul, la technique ne connaît pas de limites intrinsèques, et elle tend à s'étendre de manière illimitée, imprégnant tous les aspects de la vie humaine. Elle est mue par une logique d'efficacité et de rationalité qui la rend autonome et échappe souvent à toute intention humaine consciente. L'auteur souligne les conséquences de cette emprise de la technique sur la société. La recherche de l'efficacité à tout prix conduit à une course effrénée vers le progrès matériel, souvent au détriment des valeurs humaines fondamentales. Ellul observe : "Cette technique est supposée répondre aux besoins de l'homme, mais elle répond de manière si efficace qu'elle détruit l'homme lui-même. On peut dire que, désormais, la technique fait de l'homme son propre objet." (Jacques Ellul, "L'espérance oubliée", 1972)
La technique peut transformer l'homme en simple instrument, dépossédant l'individu de son pouvoir de décision et de son libre arbitre. Cela peut entraîner une déshumanisation de la société, où les individus deviennent de simples agents exécutants des processus techniques, perdant leur capacité à penser de manière autonome et créative. Pour Ellul, la technique se développe de manière autonome, dépassant les frontières nationales et les contraintes culturelles. Il constate : "C'est une erreur de croire que le progrès technique est propre aux sociétés occidentales ou industrielles. Non seulement les autres sociétés sont en train de le rattraper, mais, s'il devait y avoir une différence, elle ne résiderait pas dans un quelconque retard, mais dans l'enthousiasme avec lequel elles se lancent à la suite des sociétés techniquement les plus avancées." (Jacques Ellul, "L'espérance oubliée", 1972) Cette perspective critique sur la technologie et la technique dans "L'espérance oubliée" continue de susciter des débats sur les implications sociales, éthiques et culturelles de la course au progrès technologique dans notre société contemporaine. Ellul nous pousse à réfléchir sur la place de la technique dans nos vies et à considérer ses conséquences profondes sur l'humanité et l'environnement.
2. La déshumanisation de la société
Un thème essentiel abordé par Jacques Ellul dans "L'espérance oubliée" est celui de la déshumanisation de la société moderne. Selon Ellul, la technologie et la technique exercent une influence croissante sur l'homme, au point de le déposséder de son humanité. Cette déshumanisation prend plusieurs formes dans l'ouvrage.
Ellul met en évidence comment la technologie contribue à l'aliénation de l'individu en le soumettant à des processus standardisés et uniformisés. L'homme se retrouve enfermé dans des rôles prédéfinis et des routines préétablies, perdant ainsi sa capacité à agir de manière autonome et créative. Il écrit : "L'aliénation s'exerce au moment même où la technique contraint les hommes à des procédures, à des gestes et des attitudes qui sont à l'opposé de l'épanouissement de l'homme, de ses désirs, de sa liberté." (Jacques Ellul, "L'espérance oubliée", 1972)
Cette aliénation peut se manifester dans le travail, où l'ouvrier est réduit à un simple exécutant d'une tâche bien précise et répétitive, mais également dans la vie quotidienne, où les individus sont de plus en plus conditionnés par les normes et les attentes de la société technologique.
L'avènement de la technique entraîne une perte de sens dans la vie humaine. La recherche effrénée de la satisfaction matérielle et la course au progrès matériel conduisent à une quête sans fin de nouveautés, laissant peu de place à la réflexion sur le sens profond de l'existence. Ellul souligne : "La technique enlève à l'homme le temps de penser, de se questionner, de se demander s'il a besoin de tout cela, s'il veut tout cela et ce qu'il y met lui-même de sens." (Jacques Ellul, "L'espérance oubliée", 1972)
Dans un monde où la technologie domine, les valeurs spirituelles et morales sont souvent reléguées au second plan, et l'individu perd le contact avec son essence la plus profonde.
La technologie, notamment les technologies de communication, peut également conduire à l'isolement de l'individu. Les interactions humaines se réduisent parfois à des échanges virtuels, éloignant les individus de la véritable communication et de l'empathie. Ellul remarque : "L'isolement de l'homme moderne, son individualisme croissant viennent de ce qu'il est séparé des autres hommes par tout un monde technique qui, pourtant, le relie à eux de toutes parts." (Jacques Ellul, "L'espérance oubliée", 1972)
La société moderne, dominée par la technologie, semble paradoxale : elle crée une interconnexion apparente, mais les individus se retrouvent souvent isolés et coupés de liens humains significatifs. En exposant ces différentes formes de déshumanisation, Ellul invite ses lecteurs à prendre conscience des conséquences de la technologie sur la nature humaine et à réfléchir à la manière de préserver notre humanité dans un monde en évolution rapide. Ses réflexions sur la déshumanisation continuent de susciter des débats sur la nécessité de rechercher un équilibre entre la technologie et les valeurs humaines fondamentales.
3. La perte de sens et d'espérance dans "L'espérance oubliée"
Dans "L'espérance oubliée", Jacques Ellul met en évidence la perte de sens et d'espérance qui accompagne l'essor de la société moderne et de la technologie. La quête effrénée du progrès matériel et l'obsession pour l'efficacité technique laissent peu de place à une réflexion profonde sur le sens de la vie et sur ce qui donne un véritable sens à notre existence. Ellul dénonce la primauté de la technique sur l'humain dans la société moderne. La technique est devenue une fin en soi, supplantant les valeurs humaines fondamentales telles que l'empathie, la compassion, la solidarité, et même la spiritualité. Il écrit : "L'homme est complètement absorbé par la technique et on lui fait oublier qu'il n'y a pas que la technique. Et l'on fait croire qu'en même temps que la technique, on résout tous les problèmes. Ce qui n'est pas vrai. Non seulement la technique ne résout pas tous les problèmes, mais elle en crée continuellement de nouveaux." (Jacques Ellul, "L'espérance oubliée", 1972) Cette subordination de l'humain à la technique conduit à une déshumanisation de la société et à une perte de sens dans nos actions et nos relations.
La société moderne est souvent caractérisée par une quête insatiable du bonheur matériel. La publicité, les médias de masse et la consommation de masse poussent les individus à chercher la satisfaction immédiate dans l'acquisition de biens matériels, au détriment de valeurs plus profondes et de besoins spirituels. Ellul souligne : "La société de consommation est organisée sur l'idée que l'homme est un être totalement défini par ses besoins. Ainsi, la consommation et la satisfaction de ces besoins deviennent les finalités de la vie." (Jacques Ellul, "L'espérance oubliée", 1972) La quête du bonheur matériel et la recherche constante de nouveauté créent un vide existentiel, car elles ne comblent pas les aspirations profondes de l'âme humaine.
Face à cette perte de sens et d'espérance, Ellul appelle à une profonde remise en question de nos valeurs et de nos priorités. Il incite les individus à retrouver une nouvelle forme d'espérance qui ne repose pas uniquement sur le matérialisme et la recherche du confort. Il suggère que cette espérance doit être fondée sur des valeurs humaines essentielles, sur la recherche d'un sens profond dans nos actions, et sur la réflexion sur notre place dans le monde. "L'espérance oubliée" est donc un appel à rétablir un équilibre entre la technique et l'humain, à prendre conscience des conséquences de nos choix technologiques sur notre existence et sur notre rapport à la vie. Ellul nous encourage à ne pas oublier que l'essence de notre humanité ne se résume pas à la quête de la satisfaction matérielle, mais qu'elle s'enracine dans notre capacité à créer du sens et à nous relier les uns aux autres d'une manière profonde et authentique. Aujourd'hui, dans un monde toujours plus technologique et consumériste, les réflexions d'Ellul sur la perte de sens et d'espérance continuent de résonner avec force. Elles nous invitent à nous interroger sur les valeurs qui guident nos vies et sur les choix que nous faisons en tant que société. En redécouvrant notre humanité, nous pourrions ouvrir la voie à une espérance renouvelée et à une société plus équilibrée et épanouissante.
B. La critique d'une société axée sur la technique
1. La primauté de la technique sur l'humain
Dans "L'espérance oubliée", Jacques Ellul soulève avec pertinence la question de la primauté de la technique sur l'humain dans la société moderne. Il met en lumière comment la technique, en devenant une fin en soi, a tendance à reléguer l'humain au second plan, déclenchant ainsi une série de conséquences déshumanisantes.
Selon Ellul, la technologie moderne a créé une dynamique où l'homme se retrouve de plus en plus subordonné à la technique plutôt que de la maîtriser. Les avancées technologiques et la course au progrès se sont développées en dépassant souvent la capacité de l'individu à en comprendre pleinement les implications. Ainsi, l'homme devient un simple rouage dans la machine technologique, exécutant des tâches préétablies, sans toujours percevoir l'impact réel de ses actions sur lui-même et sur la société.
Ellul met en garde contre la croyance naïve selon laquelle la technique résout tous les problèmes de l'humanité, sans prendre en compte les conséquences négatives de son expansion sans limite. Il écrit :
"Si nous la voulons, nous devons admettre aussi que la technique ne connaît pas de limite intrinsèque et qu'elle tend à s'étendre sans fin. Mais si nous ne la voulons pas, nous ne pouvons plus admettre la société actuelle, nous devons la refuser globalement et radicalement." (Jacques Ellul, "L'espérance oubliée", 1972)
La primauté de la technique a des répercussions sur la dimension humaine de la société. Ellul souligne que cette prédominance de la technique peut altérer les relations humaines, car les individus sont souvent réduits à des rôles fonctionnels et déshumanisants dans la poursuite des objectifs technologiques. Les interactions interpersonnelles peuvent être remplacées par des interactions mécanisées, notamment avec l'avènement des communications numériques.
En mettant l'accent sur la rationalité technique et l'efficacité, la société moderne peut également sacrifier des aspects essentiels de l'expérience humaine, tels que l'intuition, l'empathie et la créativité. L'homme risque ainsi de perdre sa capacité à s'épanouir pleinement en tant qu'être pensant et sensible.
"L'espérance oubliée" est avant tout un appel à la prise de conscience et à la responsabilité face à la primauté de la technique. Ellul encourage les individus à remettre en question le culte de la technologie et à réfléchir aux valeurs fondamentales qui devraient guider la société. Il appelle à une réorientation des priorités, en plaçant l'homme et son bien-être au cœur des décisions technologiques.
Pour Ellul, il est essentiel de reconnaître que l'homme ne doit pas être asservi par la technique, mais qu'il doit garder le contrôle sur les choix technologiques qui déterminent le cours de la société. Cette prise de conscience pourrait conduire à une transformation profonde de la manière dont nous développons, utilisons et intégrons la technologie dans nos vies.
"L'espérance oubliée" de Jacques Ellul met en garde contre les dangers de la primauté de la technique sur l'humain. L'ouvrage souligne l'importance de rétablir l'équilibre entre la technologie et les valeurs humaines essentielles pour préserver notre humanité et trouver une véritable espérance dans un monde en constante évolution technologique.
2. Les conséquences de la dépendance technologique
Dans "L'espérance oubliée", Jacques Ellul met en lumière les conséquences de la dépendance technologique croissante de la société moderne. Alors que la technologie continue de s'immiscer dans tous les aspects de notre vie, Ellul souligne les effets profonds qu'elle peut avoir sur l'individu, les relations humaines et la société dans son ensemble.
Une conséquence majeure de la dépendance technologique est l'aliénation de l'individu. L'homme moderne peut se sentir de plus en plus étranger à lui-même et aux autres à mesure que la technologie envahit sa vie quotidienne. L'omniprésence des écrans et des appareils numériques peut entraîner une déconnexion par rapport à la réalité immédiate et à l'environnement social, favorisant ainsi un sentiment d'isolement et d'individualisme.
Ellul met en garde contre le risque d'une déshumanisation croissante, où l'homme se réduit à un consommateur passif de technologies, perdant ainsi sa capacité à se questionner et à penser de manière autonome. Cette aliénation peut conduire à un sentiment de vide existentiel, car l'individu se retrouve privé de la profondeur et du sens qui sont essentiels à une vie épanouissante.
La dépendance technologique a également un impact significatif sur les relations humaines. L'usage excessif des réseaux sociaux et des médias numériques peut contribuer à une communication superficielle et fragmentée, éloignant les individus d'une véritable connexion émotionnelle. Les interactions en face à face peuvent être remplacées par des échanges virtuels, créant un éloignement entre les personnes et pouvant altérer la qualité des liens sociaux.
Ellul met en évidence le danger d'une société où les individus deviennent de plus en plus isolés, perdant le contact direct avec les autres et avec leur propre humanité. La technologie, lorsqu'elle est utilisée de manière excessive et mal adaptée, peut entraver la capacité d'empathie et de compréhension mutuelle, fragilisant ainsi le tissu social.
Un autre enjeu important soulevé par Ellul est que la dépendance technologique peut étouffer la réflexion critique et la pensée indépendante. L'omniprésence des informations instantanées et des divertissements numériques peut entraîner une surcharge cognitive, laissant peu de temps pour la réflexion profonde et la prise de recul.
Le flux constant d'informations et de stimuli visuels peut également façonner la manière dont nous percevons le monde, influençant notre jugement et nos opinions sans que nous en soyons toujours conscients. La dépendance à la technologie peut ainsi devenir un obstacle à une pensée authentiquement libre et à une prise de décision éclairée.
En concluant sur les conséquences de la dépendance technologique, "L'espérance oubliée" appelle à une prise de conscience collective de l'impact de la technologie sur nos vies. Ellul invite à une utilisation réfléchie et responsable de la technologie, afin de préserver notre humanité et de développer une espérance qui repose sur des valeurs fondamentales plutôt que sur la seule recherche du progrès matériel.
C. L'aliénation de l'individu dans une société moderne
1. L'impact des médias de masse sur la pensée individuelle
Dans "L'espérance oubliée", Jacques Ellul aborde l'influence majeure des médias de masse sur la pensée individuelle et collective. Il met en évidence comment les médias jouent un rôle prépondérant dans la diffusion de l'information et dans la construction de la réalité sociale. L'ouvrage souligne les conséquences de cette influence sur la manière dont nous percevons le monde et sur notre capacité à penser de manière critique.
Ellul avertit contre le pouvoir des médias de masse en matière de manipulation de l'opinion publique. Il observe comment la répétition incessante de messages et d'images peut façonner nos croyances et nos attitudes, souvent de manière subliminale et inconsciente. Les médias peuvent ainsi influencer notre perception de la réalité et orienter notre jugement sur des sujets sociaux, politiques et culturels.
Selon Ellul, cette manipulation peut conduire à une uniformisation de la pensée, où les individus adoptent des opinions et des comportements standardisés, sans remettre en question le contenu des messages diffusés. Cette uniformisation peut entraîner une perte de pensée critique et d'indépendance intellectuelle, limitant ainsi la diversité des idées dans la société.
Les médias de masse ont également un impact sur notre perception des besoins et des désirs. La publicité et la promotion incessante de biens et de services peuvent créer des besoins artificiels chez les individus, les poussant à rechercher la satisfaction dans la consommation et l'accumulation matérielle.
Ellul souligne comment les médias contribuent à l'émergence d'une société de consommation, où les individus sont encouragés à chercher le bonheur et le bien-être à travers l'acquisition de biens matériels. Cette logique consumériste peut entraîner une dépendance matérielle, détournant l'attention des véritables aspirations humaines et réduisant l'individu à un consommateur passif.
L'accès immédiat à l'information via les médias de masse peut également réduire le temps de réflexion individuel. Les informations et les divertissements instantanés peuvent engendrer une forme d'hyperactivité mentale, où les individus sont constamment sollicités par des stimuli extérieurs, laissant peu de place à l'introspection et à la réflexion approfondie.
Ellul met en garde contre les dangers d'une société où l'information est consommée de manière passive, sans esprit critique. La surcharge d'informations peut empêcher les individus de développer une pensée indépendante et de prendre le temps nécessaire pour analyser et contextualiser les faits.
"L'espérance oubliée" met en garde contre les effets de l'influence des médias de masse sur la pensée individuelle.
Ellul invite à une prise de conscience de notre rôle en tant que spectateurs actifs face aux médias, et à développer une pensée critique pour résister à la manipulation de l'opinion et à la standardisation des idées. En cultivant une pensée libre et indépendante, nous pourrions mieux préserver notre humanité et contribuer à construire une société fondée sur des valeurs authentiques et une espérance renouvelée.
2. L'isolement et l'individualisme croissants
Dans "L'espérance oubliée", Jacques Ellul met en évidence l'impact de la dépendance technologique et de la société de consommation sur l'isolement et l'individualisme croissants dans la société moderne. Ces tendances ont des conséquences profondes sur les relations humaines et sur la manière dont les individus interagissent dans leur environnement social.
Ellul constate comment les nouvelles technologies de communication, telles que les réseaux sociaux et les smartphones, peuvent contribuer à l'isolement des individus. Alors que ces technologies promettent de connecter les gens à travers le monde, elles peuvent paradoxalement éloigner les individus de la communication en face à face.
Il écrit :
"La société technicienne se trouve tout entière enveloppée, pénétrée, envahie par des dispositifs destinés à faire passer la communication technique, la communication d'information, à l'état d'une communication purement verbale, c'est-à-dire informe, indéfinie, et inaboutie. Et c'est à l'état de cette communication, de cette relation, que la société entière est sacrifiée." (Jacques Ellul, "L'espérance oubliée", 1972)
L'hyperconnectivité peut entraîner un sentiment d'isolement et de solitude, car les interactions virtuelles ne remplacent pas la richesse des interactions en personne. Les individus peuvent se retrouver enfermés dans leur bulle numérique, avec une communication superficielle et dépourvue d'authenticité.
Ellul pointe également du doigt la société de consommation qui favorise l'individualisme croissant. La recherche effrénée du bonheur matériel et la quête de satisfaction immédiate peuvent conduire les individus à se concentrer sur leurs besoins et leurs désirs personnels, plutôt que sur les besoins et les intérêts communs.
Il écrit :
"Le bonheur est pour chacun le bonheur individuel. On suppose qu'en le réalisant, chacun se sentira satisfait. Mais précisément parce que c'est le bonheur individuel, il ne peut être atteint que par un individu solitaire. C'est ce qui pousse, en définitive, chaque homme à rester seul." (Jacques Ellul, "L'espérance oubliée", 1972)
Cette quête égoïste du bonheur matériel peut engendrer une compétition effrénée et une indifférence croissante envers les autres membres de la société. L'individualisme peut éroder le tissu social et fragiliser les liens communautaires, contribuant ainsi à une société fragmentée et isolée.
Face à cette montée de l'isolement et de l'individualisme, Ellul appelle à renouer avec l'essence humaine fondamentale. Il suggère que l'espérance et le sens de la vie peuvent être retrouvés en rétablissant des liens authentiques avec les autres et en valorisant les valeurs humaines essentielles telles que l'empathie, la solidarité et la coopération.
Il écrit :
"C'est ici que commence une nouvelle espérance, celle de retrouver l'homme en soi-même, celle de savoir que l'on doit tout reprendre à la base, puisque tout est mis en cause." (Jacques Ellul, "L'espérance oubliée", 1972)
Pour Ellul, une véritable espérance ne réside pas dans l'accumulation de biens matériels ou dans la course effrénée au progrès technologique, mais dans la reconnexion avec notre humanité profonde et dans la recherche de sens et d'épanouissement dans nos relations avec les autres.
"L'espérance oubliée" de Jacques Ellul met en garde contre l'isolement et l'individualisme croissants dans une société marquée par la dépendance technologique et la société de consommation. L'ouvrage nous incite à réfléchir sur la manière dont nous interagissons avec les autres et sur l'importance de préserver des liens sociaux authentiques et significatifs pour cultiver une véritable espérance dans notre monde moderne.
D. La question de l'espérance dans une société matérialiste
1. La perte de valeurs spirituelles et morales
"L'espérance oubliée" de Jacques Ellul soulève l'inquiétude quant à la perte progressive de valeurs spirituelles et morales dans la société moderne, notamment en raison de l'influence croissante de la technologie et de la course au progrès matériel. Ellul met en évidence les conséquences de cette perte sur la vie individuelle et collective, ainsi que sur la quête de sens et d'espérance dans notre existence.
Une des principales critiques d'Ellul concerne la primauté accordée au matérialisme dans la société moderne. La course effrénée à la consommation et à l'accumulation de biens matériels peut engendrer une obsession pour la satisfaction des besoins matériels, reléguant souvent les valeurs spirituelles et morales au second plan.
Il écrit :
"C'est la société technique et économique qui est essentiellement matérialiste et qui ne connaît que des solutions matérialistes. Le progrès matériel est le seul progrès, il est le vrai progrès, il est le progrès scientifique, le progrès économique, le progrès technique." (Jacques Ellul, "L'espérance oubliée", 1972)
Cette obsession du matérialisme peut conduire à une vision réductrice de l'existence, où le bonheur et la réussite sont souvent mesurés en termes de richesse matérielle et de confort matériel, négligeant ainsi les dimensions spirituelles et morales de la vie.
Ellul souligne également la séparation grandissante entre l'homme et la nature dans la société technologique. La recherche de contrôle et de domination sur la nature, caractéristique du paradigme technicien, peut éloigner l'homme de sa relation profonde avec la terre et l'environnement qui l'entoure.
Il écrit :
"Nous sommes fondés à dire qu'il y a vraiment dissociation entre l'homme et la nature, au sens où l'homme moderne est tellement habitué à faire la différence entre ce qui est naturel et ce qui ne l'est pas qu'il ne sait plus que lui-même est nature, que sa société est nature." (Jacques Ellul, "L'espérance oubliée", 1972)
Cette séparation peut entraîner une perte de respect pour la nature et pour les valeurs écologiques, contribuant à une crise environnementale et à une rupture avec notre propre essence naturelle et spirituelle.
Face à la perte de valeurs spirituelles et morales, Ellul appelle à une réflexion profonde sur la quête de sens et d'espérance dans nos vies. Il invite à retrouver le lien avec notre dimension spirituelle en transcendant le matérialisme et en considérant notre existence dans une perspective plus globale et profonde.
Il écrit :
"L'espérance est un mouvement vers le futur, mais elle est aussi un mouvement vers le passé, c'est-à-dire vers l'origine, vers le fondement, vers l'être, vers le divin." (Jacques Ellul, "L'espérance oubliée", 1972)
Cette redécouverte des valeurs spirituelles et morales pourrait conduire à une transformation profonde de la société, en plaçant l'homme au cœur des préoccupations et en accordant une attention particulière à la préservation de l'environnement et à la construction d'un monde plus juste et solidaire.
"L'espérance oubliée" met en évidence l'importance de ne pas négliger les valeurs spirituelles et morales dans une société dominée par la technologie et le matérialisme. Ellul appelle à une prise de conscience collective de l'importance de ces valeurs pour préserver notre humanité et pour donner un sens profond à notre existence individuelle et collective. La redécouverte de ces valeurs pourrait être un moyen essentiel de restaurer l'espérance et d'ouvrir la voie à une société plus épanouissante et équilibrée.
2. La recherche d'une nouvelle forme d'espérance
Dans "L'espérance oubliée", Jacques Ellul souligne la nécessité de rechercher une nouvelle forme d'espérance, une espérance qui ne repose pas uniquement sur le matérialisme et la dépendance technologique, mais qui trouve ses fondements dans des valeurs humaines essentielles. Ellul invite à repenser notre rapport au monde et à la société, en mettant l'accent sur des aspects profonds de l'existence qui sont souvent oubliés ou négligés.
Ellul encourage la prise de conscience de l'importance de la responsabilité individuelle dans la construction de l'espérance. Plutôt que de chercher des solutions toutes faites dans la technologie ou le progrès matériel, il invite chacun à se questionner sur ses propres actions et leurs conséquences sur le monde qui l'entoure.
Il écrit :
"Retrouver l'espérance, c'est se retrouver soi-même, c'est-à-dire être soi-même, savoir qu'on est responsable, savoir qu'on n'est pas dupe, savoir qu'on est responsable de tous les hommes et savoir qu'on ne peut se décharger de cette responsabilité sur qui que ce soit." (Jacques Ellul, "L'espérance oubliée", 1972)
Ellul suggère que chaque individu a un rôle à jouer dans la construction d'une société plus équilibrée et solidaire, en faisant preuve de discernement et en agissant de manière éthique et responsable.
La nouvelle forme d'espérance recherchée par Ellul est également liée à la quête de sens et de valeurs profondes. Plutôt que de s'enfermer dans une quête effrénée du bonheur matériel, il propose de considérer la vie dans une perspective plus large, en cherchant des réponses aux questions existentielles qui touchent à la signification de notre présence sur Terre.
Il écrit :
"L'espérance a pour corrélatif l'infini. Elle est cette façon d'être qui consiste à attendre l'infini en tout, à l'attendre du tout et du moindre." (Jacques Ellul, "L'espérance oubliée", 1972)
Cette quête de sens et d'infini peut conduire à un épanouissement plus profond et durable, en reliant l'individu à des valeurs spirituelles et morales qui transcendent les limites du matérialisme.
Ellul souligne également l'importance de redécouvrir le lien avec la nature dans la recherche d'une nouvelle espérance. Reconnaître notre appartenance à l'environnement naturel peut nous aider à mieux comprendre notre place dans le monde et à prendre conscience de notre responsabilité envers la planète.
Il écrit :
"Nous devons retrouver le sens de la terre, retrouver notre place dans la nature, retrouver notre origine, retrouver le sens des saisons, retrouver le sens de la finitude." (Jacques Ellul, "L'espérance oubliée", 1972)
La redécouverte du lien avec la nature peut nous offrir une source d'espérance renouvelée, en nous reconnectant à une dimension plus profonde de notre existence et en reconnaissant la valeur intrinsèque de toute forme de vie.
"L'espérance oubliée" nous invite à rechercher une nouvelle forme d'espérance en redécouvrant notre responsabilité individuelle, en quêtant de sens et de valeurs profondes, et en renouant avec notre lien avec la nature. Cette nouvelle espérance nous offre la possibilité de transcender les limites du matérialisme et de la dépendance technologique, en ouvrant la voie à une société plus équilibrée, épanouissante et en harmonie avec notre essence humaine et notre environnement.
IV. Conclusion
A. Bilan de l'ouvrage "L'espérance oubliée"
"L'espérance oubliée" de Jacques Ellul est un ouvrage qui a marqué la pensée sociale et philosophique depuis sa publication en 1972. Il offre une critique lucide de la société moderne, mettant en évidence les défis de la technologie et de la société de consommation, ainsi que la perte de valeurs spirituelles et morales. Voici un bilan de l'ouvrage et de son impact sur la réflexion contemporaine :
1. Une critique puissante de la technologie : "L'espérance oubliée" constitue une critique percutante de la société technicienne et de la dépendance excessive à la technologie. Ellul met en garde contre l'emprise de la technique sur l'humain et souligne les risques d'une société où la technique devient une fin en soi, évinçant ainsi les valeurs humaines essentielles.
2. Une invitation à la réflexion sur l'espérance : L'ouvrage d'Ellul invite les lecteurs à repenser le concept d'espérance dans un monde en quête effrénée de progrès matériel. Il met en avant l'importance de se tourner vers l'intérieur et de retrouver des valeurs profondes pour donner un sens à notre existence individuelle et collective.
3. Une prise de conscience des enjeux environnementaux : "L'espérance oubliée" soulève la question de la dégradation de l'environnement et de la nécessité de préserver la nature. Ellul met en garde contre les conséquences de la surconsommation et de l'exploitation excessive des ressources naturelles, appelant à une prise de conscience écologique.
4. Une critique de la société de consommation : L'ouvrage dénonce également les excès de la société de consommation, qui encourage l'individualisme, le matérialisme et la recherche effrénée du bonheur dans la possession de biens matériels.
5. Une invitation à la responsabilité individuelle : "L'espérance oubliée" appelle les individus à assumer leur responsabilité dans la construction d'un monde meilleur. Ellul met en avant l'importance de la responsabilité individuelle et de la réflexion critique face aux enjeux contemporains.
"L'espérance oubliée" est un ouvrage majeur qui offre une analyse profonde et pertinente des défis de la société moderne. Il incite à la réflexion sur l'espérance, le sens de la vie et l'importance de préserver des valeurs humaines et écologiques. L'ouvrage reste pertinent de nos jours, invitant toujours à un questionnement sur notre rapport à la technologie, à la consommation et à notre responsabilité individuelle et collective. Il continue d'inspirer la pensée sociale et d'ouvrir des pistes de réflexion pour construire un avenir plus épanouissant et équilibré.
B. L'influence de "L'espérance oubliée" dans la pensée sociale
Depuis sa publication en 1972, "L'espérance oubliée" de Jacques Ellul a eu une influence significative dans la pensée sociale et philosophique. L'ouvrage a suscité des débats et des réflexions sur des questions essentielles concernant la technologie, la société de consommation, les valeurs humaines et la quête de sens. Voici quelques aspects marquants de son influence :
1. Critique de la société technicienne : "L'espérance oubliée" a contribué à mettre en lumière les aspects négatifs de la société technicienne et de la primauté de la technique dans la vie moderne. L'ouvrage a été considéré comme une critique puissante du progrès technologique sans discernement, invitant les lecteurs à réfléchir sur les conséquences de l'avancée technologique rapide et de l'obsession pour l'efficacité technique.
2. Défense des valeurs humaines essentielles : Ellul a insisté sur l'importance de préserver des valeurs humaines essentielles telles que la responsabilité individuelle, l'empathie, la solidarité et la réflexion critique. Son plaidoyer pour une nouvelle espérance fondée sur des valeurs profondes a contribué à susciter une réflexion sur l'importance de réintégrer ces valeurs dans notre société moderne.
3. Sensibilisation à la déshumanisation : "L'espérance oubliée" a attiré l'attention sur les conséquences de la dépendance technologique et de la société de consommation sur la déshumanisation de la société. Les idées d'Ellul ont incité les intellectuels et les chercheurs à approfondir leurs recherches sur ce phénomène et à explorer des moyens de rétablir un équilibre entre la technologie et l'humain.
4. Impact sur l'écologie : L'ouvrage d'Ellul a également eu un impact sur la pensée écologique en soulignant l'importance de reconnaître notre lien avec la nature et de protéger notre environnement. Ses réflexions sur la séparation entre l'homme et la nature ont encouragé des discussions sur la nécessité de promouvoir une approche plus respectueuse et durable envers notre planète.
5. Pertinence continue : Malgré sa publication il y a plusieurs décennies, "L'espérance oubliée" reste pertinent dans un monde toujours plus technologique et consumériste. Les idées d'Ellul continuent de nourrir des débats contemporains sur la société, la technologie, l'éthique et l'environnement.
"L'espérance oubliée" de Jacques Ellul a eu un impact durable dans la pensée sociale, en offrant une critique éclairée de la société moderne et en invitant à réfléchir sur les valeurs humaines fondamentales qui donnent un sens profond à notre existence. Son influence continue d'inspirer des réflexions sur la nécessité d'un équilibre entre la technologie et l'humain, ainsi que sur la quête d'une espérance renouvelée pour une société plus épanouissante et équilibrée.
Depuis sa publication en 1972, "L'espérance oubliée" de Jacques Ellul a eu une influence significative dans la pensée sociale et philosophique. L'ouvrage a suscité des débats et des réflexions sur des questions essentielles concernant la technologie, la société de consommation, les valeurs humaines et la quête de sens. Voici quelques aspects marquants de son influence :
1. Critique de la société technicienne : "L'espérance oubliée" a contribué à mettre en lumière les aspects négatifs de la société technicienne et de la primauté de la technique dans la vie moderne. L'ouvrage a été considéré comme une critique puissante du progrès technologique sans discernement, invitant les lecteurs à réfléchir sur les conséquences de l'avancée technologique rapide et de l'obsession pour l'efficacité technique.
2. Défense des valeurs humaines essentielles : Ellul a insisté sur l'importance de préserver des valeurs humaines essentielles telles que la responsabilité individuelle, l'empathie, la solidarité et la réflexion critique. Son plaidoyer pour une nouvelle espérance fondée sur des valeurs profondes a contribué à susciter une réflexion sur l'importance de réintégrer ces valeurs dans notre société moderne.
3. Sensibilisation à la déshumanisation : "L'espérance oubliée" a attiré l'attention sur les conséquences de la dépendance technologique et de la société de consommation sur la déshumanisation de la société. Les idées d'Ellul ont incité les intellectuels et les chercheurs à approfondir leurs recherches sur ce phénomène et à explorer des moyens de rétablir un équilibre entre la technologie et l'humain.
4. Impact sur l'écologie : L'ouvrage d'Ellul a également eu un impact sur la pensée écologique en soulignant l'importance de reconnaître notre lien avec la nature et de protéger notre environnement. Ses réflexions sur la séparation entre l'homme et la nature ont encouragé des discussions sur la nécessité de promouvoir une approche plus respectueuse et durable envers notre planète.
5. Pertinence continue : Malgré sa publication il y a plusieurs décennies, "L'espérance oubliée" reste pertinent dans un monde toujours plus technologique et consumériste. Les idées d'Ellul continuent de nourrir des débats contemporains sur la société, la technologie, l'éthique et l'environnement.
"L'espérance oubliée" de Jacques Ellul a eu un impact durable dans la pensée sociale, en offrant une critique éclairée de la société moderne et en invitant à réfléchir sur les valeurs humaines fondamentales qui donnent un sens profond à notre existence. Son influence continue d'inspirer des réflexions sur la nécessité d'un équilibre entre la technologie et l'humain, ainsi que sur la quête d'une espérance renouvelée pour une société plus épanouissante et équilibrée.